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Archipel Bulletin Hiver 2013-2014 JALMALV Eure et Loir 63 Le corps J J Jusqu’ A A A L L La M M Mort A A Accompagner L L La V V Vie Julien SPIANTI Détail du dessin L’invention de la machine à remonter le temps

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JALMALV Eure et Loir N° 63

Le corps

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Julien SPIANTI Détail du dessin L’invention de la machine à remonter le temps

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2 Archipel N° 63

LE RENDEZ -

VOUS

DES BENEVOLES

EN FORMATION

PAGE 39

NOTRE DOSSIER

PAGE 9

TEMOIGNAGES

ET FLORILEGES

PAGE 49

JALMALV

AU QUOTIDIEN

VIE PRATIQUE

PAGE 37

444 Affiche Qui contacter ?

555 Sommaire

666 Rubrique petites annonces

777 Éditorial N. SABER

NOTRE DOSSIER

999 Autour du corps D. DESMICHELLE

161616 Toucher du regard E. DUPESSEY

181818 Corps et compassion K. MESQUITA

202020 Mon corps, cet étranger S. THOMAS

232323 Parole autour du corps E. ZERBINI

272727 Le corps de l’homme L. PETIT-JUSTIN

313131 Questions possibles… Dr F. DURIEZ

343434 Interview avec un proche de Jalmalv A. LAMBERT

JALMALV AU QUOTIDIEN

373737 Les nouveautés de la bibliothèque

383838 Des petits bouts de « corps » Marie et Christine

LE RENDEZ - VOUS DES BENEVOLES EN FORMATION

393939 La bibliothèque J. dans la formation des bénévoles

424242 Et si on parlait de la fin de vie ? Pour info

454545 CSA : Les Soins Palliatifs Dr. DEMADET

484848 Bulletin d’adhésion à Jalmalv Eure-et-Loir

TEMOIGNAGES ET FLORILEGES

494949 Questions d’enfants : Le regard d’un adolescent

505050 Tranche de vie S. THOMAS

525252 Archi’poétique : Une histoire de peau M. LETARD

535353 Arch’citations

545454 Archi’perles

545454 Courrier des lecteurs

OUVERTURE SUR LE MONDE

555555 La marchandisation du corps A.VAN DAMME

575757 Remerciements

585858 Tableau du CSA

595959 Le clin d’oeil de nos amis photographes

606060 Jalmalv au quotidien en images…

N° 63

OUVERTURE

SUR LE MONDE

PAGE 55

SOMMAIRE

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3 Archipel N° 63

ED

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OR

IA

L

Edito…

É coutez la musique du corps ! Cette phrase, entendue dans un rêve, il y a quelques

années, me semblait dénuée de sens. Je n’avais alors ni le temps ni le goût d’écouter

mon corps, lequel, d’ailleurs, ne me parlait pas. Ce qui m’animait, me faisait vibrer, comme

on dirait aujourd’hui, c’était cette gymnastique de l’esprit qui permet de forger l’âme, de

muscler la pensée et… d’oublier la « machine ». Je l’oubliais d’autant plus facilement

qu’elle restait silencieuse : jusqu’ici, tout allait bien. Une chance, quand on n’a acquis ni

cette « conscience supérieure du corps » qu’ont les sportifs de haut niveau ni « la vision

précise du fonctionnement de ses organes », telle que l’aurait Jeannie Longo ! La

championne n’a-t-elle pas justifié ses victoires, par sa connaissance de l’anatomie ? Ainsi

confiait-elle à Philosophie magazine¹ : « Lors d’une course, en pensant très fort à un

endroit où j’ai mal, en modifiant imperceptiblement un geste, je peux faire dériver la

douleur d’un lieu à un autre. L’esprit est le chef d’orchestre. Il commande en permanence

au corps. »

Parce qu’on nous Claudia Schiffer, comme le chantait Souchon, vouloir répondre aux

critères de beauté d’une société ou rêver d’une jeunesse éternelle peut conduire à violenter

son corps, voire à l’instrumentaliser. Le corps me parle, donc, quand il véhicule autre chose

qu’une belle apparence, un pouvoir de séduction. Il me touche quand s’expriment la

sensibilité et le courage de celui qui doit se battre pour imposer une différence physique et

trouver sa place dans la société. Difficile, avec un corps ostracisé, de ne pas souffrir du

rejet, d’un sentiment d’exclusion ! Ainsi, comment ne pas admirer l’exploit d’un homme,

qui, dans le seul but de changer le regard sur le handicap, réussira, le corps amputé des

quatre membres, à relier les continents à la nage ? Et comment ne pas adhérer à cette

construction de soi, encouragée par un

philosophe, handicapé moteur² ? « Esprit

né avec un corps secoué de spasmes, le

« légume » pense », dira Alexandre

Jollien³ dans une parole forte et légitime

autour de la fragilité du corps. Et c’est

bien cette fragilité, cette vulnérabilité

que tout bénévole Jalmalv va rencontrer

lors de ses accompagnements. C’est

donc à ce bénévole, mais aussi au lecteur

qui fait corps avec l’esprit Jalmalv, que je voudrais offrir, en guise de conclusion, ces lignes

de l’écrivain philosophe : « Qui côtoie les corps blessés, pressent que l’être humain est son

corps, mais que son corps est autre chose que lui. Non, l’amas de chair nauséabond, les

membres raides et immobiles ne résument pas le malade. [ …] chacun de ces corps

Je ne suis pas seulement logé dans mon corps

ainsi qu’un pilote en son navire.

René DESCARTES

Parce qu’on nous Claudia Schiffer,

comme le chantait Souchon, vouloir

répondre aux critères de beauté d’une

société ou rêver d’une jeunesse éternelle

peut conduire à violenter son corps,

voire à l’instrumentaliser.

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L

meurtris révèle une originalité. Curieusement, leur caractère unique convie encore au respect

car chaque corps, aussi défectueux soit-il, appartient à une conscience toujours en lutte. »

L’auteur d’un Éloge de la faiblesse me permet aujourd’hui de relier la phrase de mon rêve

à une nécessité : l’attention portée au bien être psycho-corporel. Vigilance de mise pour un

ensemble musical non discordant !…

Thème de ce nouveau numéro d’Archipel, le corps, vous l’aurez compris, sera questionné

dans un dossier particulièrement riche et varié ! Corps silencieux et étranger, dont témoigne

avec justesse Stéphanie Thomas, bénévole en formation ; corps souffrant, apaisé par des

techniques de prévention, (retrouvez page 27, le bel article de Laurence Petit-Justin autour

d’une pratique centenaire : le shiatsu) ; corps mourant, vu par Frédéric Duriez, médecin en

cancérologie mais aussi corps offert aux valeurs marchandes d’un monde déshumanisé (lire à

ce sujet le document terrifiant mais nécessaire, d’Anita Van Damme), voilà, entre autres

témoignages et entretiens, de quoi nourrir sainement le pilote du navire cartésien … Bonne

lecture !

Nadia SABER

Bénévole

L’édito par Nadia SABER

¹ Philosophie magazine ; juillet-août 2009 : L’âme et le corps

² La construction de soi ; Alexandre Jollien, Éditions du Seuil

³ Le métier d’homme ; Alexandre Jollien ; Points essais, p. 56

Idem

C e bulletin d’Archipel autour du corps est le premier numéro de l’année 2014.

Soutien fidèle de l’association, Mme Robin, dans sa belle carte ci-dessus,

adresse ses meilleurs vœux et encouragements aux bénévoles Jalmalv. La remerciant

chaleureusement, le Comité de Rédaction d’Archipel vous invite aussi à envoyer tout

courrier, remarque, ou commentaire que vous pourrez retrouver dans les prochains

bulletins, à la rubrique Courrier des lecteurs, page 54. Que l’année 2014 vous soit

légère.

NS

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5 Archipel N° 63

Parler le corps et non parler du corps n’est pas simple. Dans les lignes qui

suivent, je voudrais vous proposer quelques pistes de réflexions. Comme il y a

beaucoup à évoquer, ce texte paraîtra en trois ou quatre parties. Pour ce numéro,

nous nous attacherons à esquisser une tout petite histoire du corps.

Dans les numéros suivants, nous essaierons de comprendre comment le corps est

perçu dans notre monde contemporain et comment le corps malade est

appréhendé ; nous évoquerons la question de la place des médecines parallèles et la

question de « l’efficacité symbolique » ; nous parlerons aussi des nouvelles approches

du corps.

Nous évoquerons également la question de la valeur du symptôme en tant que

signe, avec ses liens possibles avec les symboles. Nous tenterons de savoir s’il est

possible d’imaginer un lien corps/âme. Nous n’oublierons pas d’interroger la façon

dont nous construisons les liens que nous avons de notre corps. Et nous tenterons de

voir comment il est possible de continuer à réfléchir sur cette énigme qu’est le lien

entre soma et psyché, entre corps et âme.

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S S I E R

Introduction.

C hacun connaît son corps et en sait

quelque chose. Car le corps est avant

tout une expérience : nous sentons, nous

ressentons ce corps qui

nous porte. Nous savons

qu’il est aussi une énigme

dès qu’il devient bavard,

non dans le corps de

jouissance, mais dans ce

corps de souffrance que

nous redoutons d’habiter.

Surtout lorsque des

manifestations

inhabituelles surgissent,

encore plus quand une

maladie sérieuse arrive voire s’installe

durablement.

Chacun a aussi l’intuition que les liens

entre notre corps et notre âme (ou psyché)

sont complexes et tout aussi énigmatiques

que chacune des deux parties en questions :

les sursauts de notre corps nous sont à la

fois familiers et étranges ; les émois de notre

âme ne le sont pas moins. Et souvent nous

nous demandons quels rapports étranges

peuvent bien relier ces deux instances,

quelles interactions énigmatiques peut régir

leur influence réciproque possible ou

probable…ou pourquoi tel ou tel symptôme

apparaît, tel ou tel souvenir surgit, telle ou

telle émotion nous bouscule.

La distinction que nous éprouvons

chaque instant pour la plupart d’entre nous

entre soma / psyché est une vieille histoire ;

elle est très liée à l’histoire de l’Occident et

à son idéalisme consécutif à l’approche

grecque ; on ne retrouve pas cette opposition

dans d’autres traditions, en particulier

métaphysique, comme dans l’hindouisme

par exemple.

Retrouvez l’intégralité de cette conférence dans

le numéro 63. Recevez Archipel en écrivant à :

[email protected]

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OSSIER

Archipel : Qu’inspire le thème d’Archipel à

un anesthésiste, formé à « endormir » et à réanimer

le corps d’un patient ?

Éric ZERBINI : J’avais effectivement à

endormir et réanimer le corps d’un patient, mais

aussi l’esprit et parfois une partie du corps

seulement. Sur toutes les techniques utilisées,

j’insiste sur le caractère réversible de nos actions,

au même titre que la sédation de fin de vie.

Je dois aussi faire une distinction entre le début

et la fin de ma carrière. Au début j’étais un grand

« technicien » je travaillais en réanimation,

chirurgie cardiaque, neuroradiologie d’avant

l’IRM, grands brûlés etc. Peu à peu, je me suis

détaché de la technique pour aller vers une prise

en charge plus globale de la personne dans les

soins. J’ai compris que celle-ci servait à me

protéger des relations et de la mort.

Aujourd’hui, je ne fais plus de différence entre

le corps et l’esprit, nous vivons avec les deux. Le

corps a de très grandes capacités d’adaptation à

son environnement. Dans le domaine sportif,

prenez un basketteur, un nageur, un plongeur en

apnée : le corps s’adapte aux apprentissages.

Prenez en médecine la douleur : dans certaines

conditions on est capable de l’arrêter totalement !

Étrange de commencer sa carrière avec des

seringues et de la finir avec la parole presque

uniquement. Le corps ce sont les sensations qui

proviennent bien sûr de nos sens, la douleur est

aussi une sensation mais désagréable. Si vous

laissez venir les sensations agréables en les

amplifiant, il n’y a plus de place ou portion

congrue pour les autres.

Archipel : Proche de Jalmalv, vous êtes

aussi intervenu dans la formation à

l’accompagnement des bénévoles autour d’une

autre spécificité en lien avec le corps souffrant :

l’hypnose. Pouvez-vous nous dire ce qui a motivé

votre intérêt pour cette technique ?

EZ : On peut considérer l’hypnose comme

un « outil » bien qu’elle ne soit pas que cela,

pour baisser, voire supprimer les intensités

douloureuses. Dans notre connaissance actuelle

du schéma corporel, cela s’explique. L’hypnose

s’intéresse aux symptômes et les réduit voire les

fait disparaître sans effets secondaires. C’est une

force naturelle, intérieure, non médicamenteuse

que nous avons tous, le thérapeute n’est là que

pour majorer cette force. Mais l’hypnose n’est

pas obligée de fonctionner et ce sont nos échecs

qui nous rendent modestes et j’insiste aussi sur

le caractère de complémentarité entre les outils

que nous avons. L’hypnose peut suffire, tout

comme elle peut être insuffisante.

Archipel : Des phénomènes corporels tels

que la paralysie ou la rigidité musculaire peuvent

-ils être soulagés, voire supprimés par l’hypnose ?

EZ : Tout dépend de la cause de la

paralysie ou de la rigidité. Si nous sommes

psychiquement « paralysés » face à une

situation, c’est-à-dire dans un tel état de stress,

oui.

Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans

le numéro 63. Recevez Archipel en écrivant

à : [email protected]

Après avoir formé des soignants à la prise en charge de la douleur et

des soins palliatifs, Éric Zerbini forme aussi à l’hypnose.

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7 Archipel N° 63

1. Les trois trésors

L ' homme fait partie intégrante de la nature.

Comme elle, il est constitué de terreau (chairs,

tissus), d'eau (liquides organiques), de feu

(chaleur et fonctions), et d'air (oxygène et autres

gaz). Il n'en est pas le centre mais l'une de ses

multiples composantes et il est soumis à ses

cycles de lumière et de nuit, de froid et de chaud,

et à ses lois de vie et de mort. Au carrefour des

influences de la terre et du ciel, il est composé de

deux énergies : l'une, concrète, physique, est

nommée «corps» : tissus plus ou moins denses et

liquides organiques plus ou moins épais. L'autre,

abstraite est nommée «esprit» : émotions et

pensées.

De la cohabitation, la friction,

l'interpénétration intime, mouvante et unique de

ces deux trésors en naît un troisième, les souffles

vitaux, qui animent l'ensemble. Comme

l'électricité, les souffles ne sont visibles que par

leurs manifestations : chaleur, fonctions,

circulations, rythmes intimes et toutes les

manifestations de la Vie.

Quand l'alliance des deux premiers trésors est

équilibrée et harmonieuse, les souffles vitaux

internes de l'homme circulent correctement, au

rythme des besoins internes et des alternances

nycthémérales et saisonnières de la nature, de

façon souple et opportune, produisant santé et

longévité.

Le déséquilibre de cette alliance, sous le coup

d'attaques externes (climats, postures, coups …)

ou internes (alimentation, émotions, âge ...),

entraîne, tôt ou tard, la modification des

souffles : échauffement ou refroidissement,

montée ou effondrement, échappée ou blocage,

épuisement, accélération ou ralentissement de

leur circulation. On constate alors l'irruption des

symptômes puis de la maladie, concernant l'un

ou plusieurs des trois trésors : lésionnelle,

fonctionnelle ou spirituelle.

Si ce déséquilibre se prolonge ou s’accroît,

sous la pression longue, forte ou réitérée des

attaques, il provoque en l'homme une rupture

entre les énergies concrètes et les énergies

spirituelles («quand mon âme et lui ne seront

plus d'accord que sur un seul point, la rupture») :

les souffles vitaux s'échappent alors entièrement,

définitivement, et se dispersent : c'est la mort.

Laurence PETIT-JUSTIN exerce le shiatsu, technique d’origine japonaise. Elle

nous parle ici du corps soulagé par les massages, un corps « messager des maux

et passeur des soins ».

Photo Votre Agglo n° 27-septembre 2013

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OSSIER

Retrouvez l’intégralité de ce texte dans le

numéro 63. Vous pourrez recevoir Archipel

en écrivant à :

[email protected]

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8 Archipel N° 63

P arler du corps, pour le médecin que je suis,

c’est parler de réalité! Ou pour le moins,

parler d’une réalité. Par quel bout aborder cette

notion ? Peut être est-ce mon habitude de

clinicien qui me pousse à proposer en premier

une histoire vécue dans le service, dont je fus

témoin.

N’étant pas philosophe et n’ayant pas tous les

moyens d’une discussion exhaustive sur le sujet

du corps, je vous confie ma perception de cette

scène. Elle m’interroge sur la façon dont un

homme peut être tout entier perçu comme un

corps souffrant.

Elle m’interroge entre autre sur la manière

dont la souffrance peut être contagieuse ou plus

exactement comment la façon dont on imagine

que l’autre souffre est envahissante pour nous

même. A tel point, me semble-t-il, que ce

paroxysme de souffrance imaginé au moment de

la mort de l’autre et que nous voyons en lui

comme dans un miroir, nous apparaisse

insupportable. Et qu’il faille alors mettre un

terme à cette souffrance.

Comme si on ne devait plus souffrir, donc ne

plus aimer, tant l’un et l’autre sont indissociables

au moment de la séparation que provoque la

mort. Comment ne pas souffrir si on aime ?

Question qui me semble cruciale pour

l’accompagnant. Pour le soignant aussi. Faudrait-

il abolir l’amour pour répondre à cette supplique

maintes fois entendue : « Docteur, surtout il ne

faut pas qu’il souffre ? » Qui est ce « il » ?

Je ne sais pas répondre à ce « il ne faut pas ».

Comment répondre ?

Dans l’histoire qui suit donc, le héros avait un

cancer très évolué, au delà de toute ressource

curative...

Les trois chaises étaient alignées le long du

mur, loin, presque collées à ce mur, comme pour

le pousser plus loin encore. Plus loin du centre de

cette chambre 102, là où était pourtant installé le

personnage principal, malade, qui allait mourir.

Ou plutôt le corps du mourant.

Il en faisait du bruit ce mourant. En cherchant

à respirer, par tous les trous où l’air pourrait bien

entrer. Même avec ses mains, il gesticulait, il

cherchait à faire entrer de l’air dans sa bouche

grande ouverte, ce mourant. Il voulait même rester

debout, comme pour piocher l’air du haut, comme

si il y en avait plus… ou du meilleur. Mais ses

jambes le trahissaient et il ne pouvait plus que

rester assis. Il devait se contenter d’un air du

milieu, un air moyen.

Cet air là, à l’évidence, ne suffisait pas.

Sur les trois chaises, il y avait trois

personnages, loin donc. La famille. Très loin du

mourant. Ils voudraient bien le toucher, mais ils

ne peuvent pas. Je voyais bien qu’ils voulaient,

mais ils étaient terrorisés. C’est cela, terrorisés.

Ils voyaient le personnage du milieu, leur père.

Ils en étaient terrorisés. En fait, ils ne voyaient

plus leur père, mais seulement son corps,

souffrant. Un corps qui les avait portés, caressés.

Qui les avait faits …

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TR

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OSSIER

Un médecin, exerçant en cancérologie, s’interroge sur la façon dont

un homme peut être « tout entier perçu comme un corps souffrant ».

Retrouvez le texte du Dr Frédéric DURIEZ

dans le numéro 63. Vous pouvez recevoir

Archipel en écrivant à :

[email protected]

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9 Archipel N° 63

L es soins palliatifs…La notion est vaste... Le groupe de bénévoles présent ce samedi matin

dans les locaux de JALMAV se pose de nombreuses questions… auxquelles va tenter de

répondre l’intervenant, le Dr Michel DEMADET, responsable de l’équipe

mobile de soins palliatifs. « A partir de quand parle-t-on de soins

palliatifs ? », « Qu’est-ce qu’un soin palliatif ? », « Quelles sont les réactions

des personnes en fin de vie ? », « A partir de quand est-on placé en soin

palliatif ? », « La sédation est-elle un soin palliatif ? », « Qui la décide ? »

« Sédation et double effet, de quoi parle-t-on ? » …etc. Voici une petite

synthèse (non exhaustive !) – la présentation étant extrêmement riche - ’un

samedi matin, pas comme un autre, avec JALMAV…

La médecine classique actuelle est « triomphante » et la maladie est

perçue comme un ennemi à combattre. Au temps d’Hippocrate, cette

vision était différente…

En effet, on estimait que la nature environnante et la nature humaine se trouvaient dans un

certain équilibre. La maladie d’une certaine façon était perçue comme un « état qui permettait de

rééquilibrer un équilibre ». (La médecine hippocratique et sa philosophie sont très éloignées des

orientations de la médecine moderne. De nos jours le médecin se concentre sur un diagnostic

précis et un traitement spécialement adapté en conséquence.) Sur le plan médical, avant que nous

soyons très « puissants » nous étions dans le soin palliatif. (Une sorte de vision globale de l’humain.)

La science « aime bien catégoriser les choses » (animaux, plantes, etc.) et les sectorise de manière de

plus en plus « savante » et de plus en plus « pointue ». L’individu est ainsi « coupé » en plusieurs

petits morceaux par la force des choses… Le médecin moderne est un « homme d’action, pressé,

efficace ». Il fait tout pour que celui qui le consulte puisse reprendre ses activités rapidement.

Dans le cas de maladie grave on se trouve dans le positionnement de la médecine

hippocratique…

En effet, les maladies graves, évolutives ou en phase évolutive peuvent être concernées par les

soins palliatifs et ce, dès leur apparition. Une maladie grave et évolutive c’est par exemple : un cancer,

un diabète, etc. Le terme « soin palliatif » fait peur et donne l’impression que le soin palliatif c’est

« forcément la fin »… Est-ce qu’on peut « sortir » des soins palliatifs ? « Oui, et la porte de sortie

c’est la guérison ! » La fin de vie est une chose, la mort en est une autre. Les « soins palliatifs n’ont

rien à voir avec la mort ». Pourtant, les choses ne sont pas si simples…

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Les soins palliatifs

Dr Michel DEMADET

Hippocrate Buste de Peter Paul

Rubens, 1638

Retrouvez le compte-rendu de Karine Mesquita dans le numéro 63.

Vous pouvez recevoir Archipel en écrivant à : [email protected]

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Journée des bénévoles du 15 février autour de jeux de rôle.

Retrouvez le compte-rendu et les photos de cette journée

dans le prochain numéro d’Archipel autour du lien.

Campagne nationale pour le droit des malades et la fin de vie. Ici, à l’hôpital de Châteaudun.

Intervention à l’IFSI, de bénévoles accompagnantes.