HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un...

20
HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 1 / 20 Séance introductive : Cartes heuristiques Foire Aux Questions Semestre 1 : Les pouvoirs de la parole Quelle est la liste du matériel ? Des feuilles simples et doubles, le petit matériel de bureau, pense-bêtes, des trombones (pour joindre des feuillets indispensables à vos devoirs). Qu'apprendrons-nous ? Nous apprendrons à comprendre, construire (le plus souvent reconstruire), déconstruire et examiner des arguments rationnels suggérant des réponses à des questions philosophiques. Celles-ci se distinguent des questions scientifiques en cela que (parce qu'elles sont très générales ou parce qu'elles visent le devoir-être plus que l'être) l'expérience ne suffit pas à les résoudre. Mais, la philosophie ne consiste-t-elle pas à dire ce que l'on pense ? La philosophie construit et examine des arguments. Cette activité s'appelle aussi « penser ». La philosophie ne consiste surtout pas à exprimer anarchiquement ses croyances personnelles, ce qu'on appelle s'exprimer. Et si le professeur n'est pas d'accord avec mes croyances ? Cela n'a aucune importance, car ce qui intéresse le philosophe, ce sont surtout les arguments de celui qui parle. En philosophie, il vaut mieux avoir de bonnes raisons d'avoir tort que de mauvaises raisons d'avoir raison. A ce propos, gardez vous de croire que l'enseignant cherche à vous imposer un « point de vue ». Vous bénéficierez d'une large liberté dans le choix des arguments sur lesquels portera l'examen : l'itinéraire de chaque leçon du premier semestre fera l'objet d'un vote, de même que l'ensemble du « menu » du second semestre. Quand puis-je contester ? A n'importe quel moment, je peux lever la main pour formuler une objection pertinente, sincère (il n'est pas admissible de contester par simple esprit de provocation) et visant le propos examiné (et non son auteur et ses motivations supposées), qu'il vienne d'un de vos camarades ou d'un texte lu ensemble. Quelles lectures personnelles puis-je faire ? A la fin de chaque document figurent des conseils de lecture dans la rubrique « Prolongements ». N'hésitez pas à y puiser. L'enseignant peut vous fournir à n'importe quel moment de l'année une édition numérique des œuvres dont le titre est suivi de l'astérisque. Si vous hésitez entre plusieurs œuvres, renseignez- vous sur les positions de leurs auteurs et choisissez celui avec lequel vous êtes le moins en accord. Si vous êtes théiste, par exemple, choisissez un auteur athée, et si vous êtes athée, choisissez un auteur théiste. Cela sera plus stimulant et plus formateur. Que dois-je apprendre ? Les définitions données en classe, les extraits étudiés avec l'enseignant, les schéma faits pendant le cours (notamment pour l'auteur principal du « menu » choisi au second semestre). Si je veux et je peux lire une œuvre supplémentaire portant sur une ou des notions qui m'intéressent personnellement, j'apprends aussi mes notes de lecture. Je n'apprends surtout pas : - des définitions trouvées en ligne. - des citations sans contexte tirées de textes que je n'ai étudiés ni avec mon enseignant, ni par moi-même. - le résumé de la pensée de tel ou tel auteur, surtout s'il n'a pas été travaillé en classe ni lu à titre personnel. Où trouver le sens philosophique d'un mot ? On réfléchira à l'emploi que l'on fait des mots pour trouver leur sens ou, dans les cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares occasions, un dictionnaire latin-français (le Gaffiot, disponible en ligne). Il n'y a pas, en effet, de sens « philosophique » particulier pour la plupart des mots que nous rencontrerons. En revanche, pour certains, il y a parfois un sens plus fondamental, dont les autres sont dérivés, ou un sens plus authentique, dont tous les autres sont des déviations ou des dérivations. Il conviendra parfois de viser le sens le plus fondamental et le plus authentique du mot. Par exemple, il ne faudra pas confondre la passion (le désir qui me domine : par exemple le désir érotique pour mon amant ou mon amante) et l'objet de la passion (par exemple : le loisir pour lequel je renonce à presque tout), qui, en un sens dérivé, est parfois appelée « passion ». Il convient aussi de ne pas confondre des mots de sens voisin, comme « désirer » et « vouloir », « univers » et « cosmos », « nécessaire »/ »indispensable », « croire en »/ «croire à »... Où trouver la méthode ? Aucun document distribué au premier semestre ne sera dépourvu de règles de méthodologie à appliquer en devoir. Pour réviser la méthode, il vous suffira de relire les différents encadrés méthodologiques et les corrigés des exercices rendus par l'enseignant. Comment améliorer mes résultats ? Vos devoirs complets seront toujours accompagnés de grilles d'évaluation et de conseil personnalisées très détaillées. Appliquez ce que vous y trouverez. Le programme me semble immense. L'aurons-nous achevé à temps ? Le programme croise philosophie et histoire des problèmes. Or, ces derniers sont plus stables (et donc moins nombreux) que les solutions qui y ont été apportées. On ramènera donc le programme du premier semestre à une liste de problèmes. Pour chacun d'entre eux, on étudiera un seul argumentaire, dont la classe décidera démocratiquement. Au deuxième semestre, chaque famille de problèmes sera abordée à partir de celui de ses membres qui figurera dans le « menu » choisi parmi les quatre qui seront soumis au vote. Il appartient à chacun de compléter le cours par des lectures personnelles, empruntées aux « Prolongements » figurant à la fin de chaque document distribué. Les apprentissages de la spécialité HLP m’aideront-ils pour l'épreuve de philosophie du tronc commun ? Les notions du tronc commun de Terminale en jeu dans les textes étudiés cette année vous seront indiquées. Semestre 2 : Les représentations du monde Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Transcript of HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un...

Page 1: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 1 / 20

Séance introductive : Cartes heuristiques Foire Aux Questions

Semestre 1 : Les pouvoirs de la parole Quelle est la liste du matériel ?Des feuilles simples et doubles, le petit matériel de bureau, pense-bêtes, des trombones (pour joindre des feuillets indispensables à vos devoirs).Qu'apprendrons-nous ?Nous apprendrons à comprendre, construire (le plus souvent reconstruire), déconstruire et examiner des arguments rationnels suggérant des réponses à des questions philosophiques. Celles-ci se distinguent des questions scientifiques en cela que (parce qu'elles sont très générales ou parce qu'elles visent le devoir-être plus que l'être) l'expérience ne suffit pas à les résoudre.Mais, la philosophie ne consiste-t-elle pas à dire ce que l'on pense ?La philosophie construit et examine des arguments. Cette activité s'appelle aussi « penser ». La philosophie ne consiste surtout pas à exprimer anarchiquement ses croyances personnelles, ce qu'on appelle s'exprimer.Et si le professeur n'est pas d'accord avec mes croyances ?Cela n'a aucune importance, car ce qui intéresse le philosophe, ce sont surtout les arguments de celui qui parle. En philosophie, il vaut mieux avoir de bonnes raisons d'avoir tort que de mauvaises raisons d'avoir raison. A ce propos, gardez vous de croire que l'enseignant cherche à vous imposer un « point de vue ». Vous bénéficierez d'une large liberté dans le choix des arguments sur lesquels portera l'examen : l'itinéraire de chaque leçon du premier semestre fera l'objet d'un vote, de même que l'ensemble du « menu » du second semestre.Quand puis-je contester ?A n'importe quel moment, je peux lever la main pour formuler une objection pertinente, sincère (il n'est pas admissible de contester par simple esprit de provocation) et visant le propos examiné (et non son auteur et ses motivations supposées), qu'il vienne d'un de vos camarades ou d'un texte lu ensemble.Quelles lectures personnelles puis-je faire ?A la fin de chaque document figurent des conseils de lecture dans la rubrique « Prolongements ». N'hésitez pas à y puiser. L'enseignant peut vous fournir à n'importe quel moment de l'année une édition numérique des œuvres dont le titre est suivi de l'astérisque. Si vous hésitez entre plusieurs œuvres, renseignez-vous sur les positions de leurs auteurs et choisissez celui avec lequel vous êtes le moins en accord. Si vous êtes théiste, par exemple, choisissez un auteur athée, et si vous êtes athée, choisissez un auteur théiste. Cela sera plus stimulant et plus formateur. Que dois-je apprendre ? Les définitions données en classe, les extraits étudiés avec l'enseignant, les schéma faits pendant le cours (notamment pour l'auteur principal du « menu » choisi au second semestre). Si je veux et je peux lire une œuvre supplémentaire portant sur une ou des notions qui m'intéressent personnellement, j'apprends aussi mes notes de lecture. Je n'apprends surtout pas :- des définitions trouvées en ligne.- des citations sans contexte tirées de textes que je n'ai étudiés ni avec mon enseignant, ni par moi-même.- le résumé de la pensée de tel ou tel auteur, surtout s'il n'a pas été travaillé en classe ni lu à titre personnel.Où trouver le sens philosophique d'un mot ?On réfléchira à l'emploi que l'on fait des mots pour trouver leur sens ou, dans les cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares occasions, un dictionnaire latin-français (le Gaffiot, disponible en ligne). Il n'y a pas, en effet, de sens « philosophique » particulier pour la plupart des mots que nous rencontrerons. En revanche, pour certains, il y a parfois un sens plus fondamental, dont les autres sont dérivés, ou un sens plus authentique, dont tous les autres sont des déviations ou des dérivations. Il conviendra parfois de viser le sens le plus fondamental et le plus authentique du mot. Par exemple, il ne faudra pas confondre la passion (le désir qui me domine : par exemple le désir érotique pour mon amant ou mon amante) et l'objet de la passion (par exemple : le loisir pour lequel je renonce à presque tout), qui, en un sens dérivé, est parfois appelée « passion ». Il convient aussi de ne pas confondre des mots de sens voisin, comme « désirer » et « vouloir », « univers » et « cosmos », « nécessaire »/ »indispensable », « croire en »/ «croire à »...Où trouver la méthode ?Aucun document distribué au premier semestre ne sera dépourvu de règles de méthodologie à appliquer en devoir. Pour réviser la méthode, il vous suffira de relire les différents encadrés méthodologiques et les corrigés des exercices rendus par l'enseignant. Comment améliorer mes résultats ? Vos devoirs complets seront toujours accompagnés de grilles d'évaluation et de conseil personnalisées très détaillées. Appliquez ce que vous y trouverez.Le programme me semble immense. L'aurons-nous achevé à temps ?Le programme croise philosophie et histoire des problèmes. Or, ces derniers sont plus stables (et donc moins nombreux) que les solutions qui y ont été apportées. On ramènera donc le programme du premier semestre à une liste de problèmes. Pour chacun d'entre eux, on étudiera un seul argumentaire, dont la classe décidera démocratiquement. Au deuxième semestre, chaque famille de problèmes sera abordée à partir de celui de ses membres qui figurera dans le « menu » choisi parmi les quatre qui seront soumis au vote. Il appartient à chacun de compléter le cours par des lectures personnelles, empruntées aux « Prolongements » figurant à la fin de chaque document distribué.Les apprentissages de la spécialité HLP m’aideront-ils pour l'épreuve de philosophie du tronc commun ?Les notions du tronc commun de Terminale en jeu dans les textes étudiés cette année vous seront indiquées.

Semestre 2 : Les représentations du monde

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 2: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 2 / 20

Leçon 1 : Parler, est-ce seulement nommer ? Pour cette leçon, vous sont proposés des textes de :

Anselme de Cantorbéry (!) (1033-1109)

(texte n°1)

Augustin d'Hippone (!)(354-430)

(texte n°2)

Pierre Fontanier (1765-1844)

(texte n°3)

Anselme, philosophe et théologien, est surnommé « le Docteur magnifique ». Le De Casu diaboli s'interroge sur l'origine du mal. Le texte n°1 avance que le nom ne se contente pas d'indiquer la chose (la nommer) mais ajoute à la nomination un certain mode de signification. Texte d'une difficulté élevée, qui cependant prépare bien à la lecture du texte n°8.

Entrée : Notions :

les séductions de la parole le langage

Né à Thagaste (aujourd'hui Souk Aras en Algérie) et mort à Hippone (Annaba), Augustin est un philosophe et théologien chrétien d'origine berbère. L'extrait proposé avance que parler c'est seulement indiquer ou faire signe vers les choses.

Entrée : Notions :

L'art de la parole, les séductions de la parole

L'existence, le langage

Pierre Fontanier est un grammairien français. Il est l'auteur de deux manuels de rhétorique, utilisés dans les lycées de toute la France au dix-neuvième siècle. Le texte proposé avance que toutes les « parties du discours »de la langue nomment quelque chose.

Entrées : Notions :

L'art de la parole, les séductions de la parole

Le langage

Vote : sur une petite feuille (pense-bête) inscrivez le numéro du texte que vous préféreriez étudier.

Texte n°1 : Anselme, De la chute du diable , 11 : « Qu'il ne se pourrait prouver, de par leurs noms, que le mal et le néant sont quelque chose mais quasi quelque chose » Il est établi que ce vocable, à savoir NÉ ANT, ne diffère nullement quant à la signification de ce que j'appelle NON-QUELQUE CHOSE. Rien n'est aussi plus évident : ce

vocable, à savoir NON-QUELQUE CHOSE, établit par sa signification qu'il faut écarter radicalement de l'intelligence toute chose ( omnem rem) et tout ce qui est QUELQUE CHOSE (omne quod est aliquid), et ne retenir dans l'intelligence absolument aucune chose ni radicalement rien qui soit QUELQUE CHOSE. Mais, puisque l'écart d'une chose ne peut être nullement signifié sans la signification de cela même dont l'écart est signifié- nul n'entend en effet ce que signifie « non-homme » s'il n'entend ce qu'est l'homme-, il est nécessaire que ce vocable, NON-QUELQUE CHOSE, en détruisant ce qui est QUELQUE CHOSE, signifie QUELQUE CHOSE. Et, puisqu'en enlevant tout ce qui est QUELQUE CHOSE, il ne signifie aucune essence dont il établisse qu'elle doive être retenue dans l'intelligence de celui qui entend, le vocable NON-QUELQUE CHOSE ne signifie pour cette raison aucune chose ni rien qui soit QUELQUE CHOSE.

Pour ces différentes raisons, ce vocable NON-QUELQUE CHOSE signifie jusqu'à un certain point une chose et QUELQUE CHOSE (aliquatenus significat rem et aliquid), et ne signifie d'aucune façon une chose ni QUELQUE CHOSE. En effet il signifie en écartant (removendo) et ne signifie pas en établissant (constituendo). Pour cette raison, le nom NÉ ANT qui supprime tout ce qui est QUELQUE CHOSE ne signifie pas -en détruisant- NÉ ANT mais QUELQUE CHOSE, et ne signifie pas – en établissant- QUELQUE CHOSE mais NéANT. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire que le NéANT soit QUELQUE CHOSE (aliquid) sous prétexte que son nom signifie QUELQUE CHOSE (significat aliquid) d'une quel NÉ ANTconque façon: mais est plutôt nécessaire que le NÉ ANT soit NÉ ANT (necesse est nihil esse nihil), parce que son nom signifie QUELQUE CHOSE (significat aliquid) de cette façon-ci. De cette façon-ci, il n'est donc pas contradictoire que le mal soit NÉ ANT et le nom de mal signifiant, s'il signifie QUELQUE CHOSE en l'anéantissant si bien qu'il n'établit aucune chose.

Texte n° 2 : Augustin, Du maître , chapitre II, « La parole est nécessaire pour montrer la signification de la parole », §3 Augustin. Ainsi nous sommes convenus que les paroles sont des signes. — Adéodat. Parfaitement. — Aug. Mais le signe peut-il être signe sans signifier

quelque chose ? — Ad. Nullement. — Aug. Dans ce vers : Si nihil ex tenta superis placet urbe relinqui (1), combien y a-t-il de paroles ?— Ad. Huit. — Aug. Il y a donc huit signes?— Ad. Certainement. — Aug. Tu comprends sans doute ce vers?— Ad. Je crois l'entendre suffisamment.— Aug. Dis-moi ce que signifient chacune de ces paroles. — Ad. Je vois bien ce que signifie si; mais je ne trouve aucun autre mot pour l'exprimer. — Aug. Tu sais au moins où réside la chose qu'il signifie ? — Ad. Je crois que si est une expression de doute; mais le doute est-il ailleurs que dans l'âme ?— Aug. J'accepte pour le moment poursuis.Ad. Nihil (rien) rappelle-t-il autre chose que ce qui n'est pas ?— Aug. Peut-être dis-tu vrai. Mais tu viens d'accorder qu'il n'y a point de signe qui ne signifie quelque chose. or ce qui n'est pas ne saurait être quelque chose. Voilà ce qui m'empêche d'acquiescer complètement. Le second mot du vers n'est donc pas un signe, puisqu'il ne signifie pas quelque chose, et nous sommes convenus à tort que toutes les paroles sont des signes ou que tout signe indique quelque chose. — Ad. Tu me serres de trop près. Ne serait-ce pas, toutefois, manquer entièrement de sens, que de recourir aux paroles quand on n'a rien à exprimer? Toi-même, en conversant actuellement avec moi, tu ne fais sans doute entendre aucun son inutilement, et tous les mots qui s'échappent de tes lèvres sont autant de signes par lesquels tu veux me faire comprendre quelque chose. Si donc le mot rien ne doit rien exprimer, garde-toi de le prononcer dans le discours. Mais si tu le crois nécessaire pour énoncer une pensée, pour nous instruire ou nous avertir quand il frappe nos oreilles, tu vois à coup sûr ce que je veux dire sans pouvoir m'expliquer. — Aug. Que faisons-nous donc? Ce mot ne désigne-t-il point, non une chose qui n'existe pas, mais plutôt l'impression de l'esprit qui ne la voit pas et qui a découvert ou cru découvrir qu'elle n'existe point? — Ad.Voilà peut-être ce que je cherchais à expliquer.— Aug. Passons Outre satins examiner davantage, pour ne pas tomber dans la plus grande absurdité. — Ad. Laquelle ? — Aug. Ce serait d'être retenus par rien, nihil, et de nous y arrêter.— Ad.La chose serait ridicule; je ne sais cependant comment il me semble qu'elle peut arriver; elle est même déjà faite.(1) S'il plaît aux Dieux qu'il ne reste plue rien d'une si brande ville. Enéide liv. II, v. 659.

Texte n° 3 : Fontanier, Manuel classique pour l'étude des tropes , première partie, chapitre I, in Les Figures du discours Nous voici maintenant aux mots affectés à ces idées délicates que nous n'avons pas voulu séparer de leurs signes, de peur qu'elles ne nous échappassent, et que nous

appellerons idées de rapports, pour les distinguer des idées d'objets. Ces mots sont de quatre espèces différentes : le verbe, la préposition, l'adverbe et la conjonction : il en est sans doute de même des idées.

Le verbe marque un rapport de co-existence entre une idée substantive quelconque et une idée concrète, ou, comme on voudra, adjective ; il marque, dis-je, que cette dernière idée tient à la première et en fait partie ; qu'elle partage, pour ainsi dire, son existence : L'homme est mortel : La vie est courte ; et au moyen d'une négation, il marque tout le contraire, c'est-à-dire que les deux idées s'excluent réciproquement ; qu'elles existent l'une hors de l'autre : Le monde n'est pas éternel : L'âme humaine n'est pas mortelle.

Mais par verbe, j'entends ici seulement le seul verbe proprement dit, le verbe être, appelé verbe abstrait ou verbe substantif ; et non ces verbes improprement dits, les verbes concrets, qui sont formés par combinaison du verbe être avec un participe : J'aime, je lis, je viens (1), pour Je suis aimant, je suis lisant, je suis venant.

Les rapports de situation, de repos, de mouvement, de tendance, d'ordre, d'opposition, et autres semblables, entre deux idées substantives, sont marquées par la préposition.L'adverbe, ainsi appelé sans doute parce qu'il va ordinairement à côté d'un verbe, indique un degré en plus ou en moins ; un trait, une circonstance particulière d'où résulte

dans l'idée concrète une modification plus ou moins marquée : Fort long, fort court, très-utile, très-agréable : Plus aimé, moins suivi, peu connu : Marcher lentement, agir prudemment, parler toujours, courir partout, etc.

Enfin, le rapport si varié de liaison entre deux idées substantives, entre deux idées concrètes, entre deux ou plusieurs combinaisons d'idées, dont les unes sont destinées à développer, à compléter les autres par leur convenance, ou à les faire mieux ressortir et valoir par leur contraste, a pour signe la conjonction, qui, comme la préposition et l'adverbe, prend toutes les formes qu'exige la circonstance.

Il est un mot dont nous n'avons rien dit, mais qui a bien son importance, et qui même pourrait seul quelquefois en faire plus entendre que les plus belles paroles : c'est l'interjection. Elle exprime les émotions du cœur, les mouvements passionnés de l'âme, et ces sentiments vifs et profonds dont se trouvent quelque fois empreintes les idées qui font l'objet du discours.(1) Pour préparer la lecture de ce texte, je vous recommande de chercher et d'écrire toutes les traductions espagnoles et/ou anglaises possibles à chacune de ces propositions (MH).

Encadré méthodologique n°1 : Problématiser

Un texte philosophique déploie une solution argumentée à un problème. C'est aussi ce que fait un devoir de philosophie, qu'il s'agisse d'une question d'interprétation, d'une question de réflexion, d'une dissertation ou d'une explication de texte. Veillez à toujours « problématiser » les questions posées, explicitement (question de réflexion et dissertation) ou implicitement (question d'interprétation et explication de texte). Pour ce faire, établissez que sont vraisemblables des réponses rivales. Pour le ….................................................. : à l'aide des définitions données par l'enseignant, problématisez la question : « Y-a-t-il une hiérarchie des paroles ? »

Encadré logique et heuristique n°1 : Éviter le raisonnement circulaire et pétition de principe.

Le raisonnement circulaire est celui, invalide, qui prétend prouver une proposition par elle-même : « Je suis plus intelligent que toi. Donc j'ai raison. J'ai raison. Donc je suis plus intelligent que toi. » La pétition de principe est le raisonnement invalide qui suppose implicitement ce qu'il doit démontrer : c'est un raisonnement circulaire caché. Par exemple l'enthymème « Dieu existe parce que le Coran le dit. » est une pétition de principe si celui qui l'énonce présuppose que le Coran est une parole de Dieu. Problématiser permet d'éviter les pétitions de principes les plus graves. Il faut cependant veiller à éviter tous mes raisonnements circulaires.

Prolongements

Arnauld et Lancelot, Grammaire générale et raisonnée*, partie II, chapitres 1 et 2 – Augustin(!), Les Confessions*, I, 8, Du maître*, Traité du catéchisme, II - Russell(!), Science et religion*, chapitre IX - Schlick, Forme et contenu, première conférence, Wittgenstein(!), Recherches philosophiques*, I, §1-19, Remarques philosophiques*, §1-46

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 3: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 3 / 20

ENTRAÎNEMENT n° 1 : La question d'interprétation : brouillon

Augustin, Du Maître , chapitre 1, §1 (texte n°4)

Entrée : l'art de la parole Notions : l'art, le langage

1. Augustin. Que penses-tu que nous voulions faire en parlant? — Adéodat. Je crois, au moins pour le moment, que nous voulons enseigner ou nous instruire. — Aug. Je le reconnais, car la chose est manifeste : en parlant, nous voulons instruire; mais comment voulons-nous apprendre nous-mêmes ? — Ad. Comment? n'est-ce pas en interrogeant? — Aug. Mais, alors même, je le vois, nous ne voulons qu'instruire. Quand, en effet, tu interroges quelqu'un, n'est-ce pas uniquement pour lui apprendre ce que tu veux? — Ad. C'est

vrai.— Aug. Tu comprends donc qu'en parlant, nous ne cherchons qu'à instruire ? — Ad.Je ne le vois pas parfaitement. Car si parler n'est autre chose que proférer des paroles, il est certain que nous parlons en chantant. Or, quand nous chantons seuls, comme il arrive souvent, et que personne n'est là pour entendre, voulons-nous enseigner quelque chose? Je ne

le pense pas.I] Entourez-la thèse du texte.

On parle dans le but de faire savoir. On parle dans le but de savoir. On parle dans le double but de savoir et de faire savoir.

On parle dans le but de se faire plaisir.

II] Formulez la question à laquelle ce texte répond : …...................................................................................................................................................III] En puisant dans vos connaissances (sans emprunter au texte), rendez séduisantes deux réponses rivales à cette question :

D'un côté... D'un autre côté...

IV] Dans le cadre ci-dessous, schématisez l'argument d'Augustin :

V] Numérotez les différents présupposés de l'argument. Que pourriez-vous dire en faveur de chacun de ces présupposés ?Présupposé n° 1

Présupposé n° 2

Présupposé n° 3

VI] Dans le cadre-ci-dessous, schématisez l'argument d'Adéodat :

VII] Numérotez les différents présupposés de l'argument. Que pourriez-vous dire en faveur de chacun de ces présupposés ?Présupposé n° 1

Présupposé n° 2

Présupposé n° 3

VIII] A l'aide d'éléments choisis dans le brouillon ci-dessus, expliquez la phrase d'Adéodat : « Je crois, au moins pour le moment, que nous voulons enseigner ou nous instruire. »

…....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................…..........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

…...........................................................................................................................................................................................................................................

Pour le …............................................, rédigez, dans le cadre ci-dessus, une réponse à la question VIII].

Classe : …............................................................ Nom : …............................................................... Note : …...............................................................

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 4: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 4 / 20

Leçon 2 : : La parole de l'un vaut-elle plus que celle de l'autre ? Pour cette leçon, vous sont proposés des textes de :

Averroès ou Ibn Rushd (!) (1126-1198)

(texte n°5)

Michel Bakounine (1814-1876)

(texte n°6)

Alphonse de Lamartine (1790-1869)

(Texte n° 7)

Averroès, est un philosophe, médecin, juriste et théologien musulman né à Cordoue, en Andalousie. Le Discours décisif est une fatwa (c'est-à-dire un avis sur une question de droit islamique) qui dit la science et la philosophie compatibles avec l'Islam. Le passage soutient qu'il y a une hiérarchie des paroles.

Entrées : Notions :

L'autorité de la parole, l'art de la parole

la religion, la science, la vérité

Bakounine est un révolutionnaire et philosophe anarchiste russe d'expression française. Dieu et l’État, publié à titre posthume, dénonce les méfaits que l'auteur attribue à la religion et à l’État. L'extrait proposé suggère qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les paroles.

Entrée : Notions :

L'autorité de la parole l’État, la raison, a science, la technique, la vérité

Lamartine est un poète français. C'est une des représentants majeurs du romantisme. Tiré d'une préface aux Méditations poétiques, le texte ci-après avance que la parole poétique est supérieure à la parole ordinaire.

Entrée : Notions :

L'art de la parole le langage, la vérité

Vote : sur une petite feuille (pense-bête) inscrivez le numéro du texte que vous préféreriez étudier.

Texte n°5: Averroès, Discours décisif , §34-35 §34. On peut quasiment dire : ceux qui s'opposent sur ces questions extrêmement ardues, soit sont dans le vrai, et dans ce cas ils seront récompensés ;

soient se trompent, et alors ils seront pardonnés. Car le fait d'assentir à quelque chose par l'effet d'une preuve établie dans son esprit est un acte contraint et non libre, c'est-à-dire qu'il n'est pas en notre pouvoir d'assentir ou non de la même façon qu'il est en notre pouvoir de nous mettre ou non debout. Aussi, comme une condition de la responsabilité légale est le libre-arbitre, celui qui donne son assentiment à une proposition erronée parce que quelque incertitude l'a affecté, s'il est homme de la science, est pardonnable. C'est pourquoi le Prophète (*)- sur lui soit la Paix- a dit : « Qu'un juge produise un effort de jugement personnel et tombe juste, il sera doublement récompensé. Qu'il se trompe, il aura une récompense [simple]. » Or y a-t-il juge plus éminent que celui qui juge que l'être est tel ou tel ? Ces juges-là, ce sont les savants auxquels Dieu a réservé- et à eux seuls- le droit d'interpréter ; et cette erreur dont la Loi stipule qu'elle est pardonnable, c'est celle qui peut être le fait des savants lorsqu'ils examinent les questions extrêmement ardues que la révélation les a engagés à examiner.

§35. Par contre , l'erreur commise par ceux qui n'appartiennent pas à cette classe d'hommes, elle n'est que pur péché, que ce soit dans des questions théoriques ou bien pratiques : de même qu'un juge ignorant la Tradition prophétique n'est pas pardonnable s'il rend un jugement erroné, de même celui qui juge sur les étants, s'il ne réunit pas les conditions habilitant à juger, n'est pas pardonnable, mais au contraire est soit pécheur soit infidèle. Si d'une personne qui juge de la licéité ou de l'illicéité [des choses] on exige qu'elle rassemble les conditions [légales] habilitant à pratiquer l'effort interprétatif, c'est-à-dire la connaissance des Sources [du Droit], et la connaissance des procédures de déduction à partir de ces Sources au moyen du raisonnement analogique, combien la même chose doit être a fortiori exigible de celui qui juge sur les étants, à savoir qu'il connaisse les principes premiers rationnels et la manière d'en déduire [des conclusions] !

Texte n°6 : Bakounine, Dieu et l'État Je m’incline devant l’autorité des hommes spéciaux parce qu’elle m’est imposée par ma propre raison. J’ai conscience de ne pouvoir embrasser dans tous ses détails et ses

développements positifs qu’une très petite partie de la science humaine. La plus grande intelligence ne suffirait pas pour embrasser le tout. D’où résulte, pour la science aussi bien que pour l’industrie la nécessité de la division et de l’association du travail. Je reçois et je donne, telle est la vie humaine. Chacun est autorité dirigeante et chacun est dirigé à son tour. Donc il n’y a point d’autorité fixe et constante mais un échange continu d’autorité et de subordination mutuelles, passagères et surtout volontaires.

Cette même raison m’interdit donc de reconnaître une autorité fixe, constante et universelle, parce qu’il n’y a point d’homme universel, d’homme qui soit capable d’embrasser dans cette richesse de détails ; sans laquelle l’application de la science à la vie n’est point possible, toutes les sciences, toutes les branches de la vie sociale. Et, si une telle universalité pouvait jamais se trouver réalisée dans un seul homme, et qu’il voulût s’en prévaloir pour nous imposer son autorité, il faudrait chasser cet homme de la société, parce que son autorité réduirait inévitablement tous les autres à l’esclavage et à l’imbécillité. Je ne pense pas que la société doive maltraiter les hommes de génie comme elle l’a fait jusqu’à présent. Mais je ne pense pas non plus qu’elle doive trop les engraisser ni leur accorder surtout des privilèges ou des droits exclusifs quelconques ; et cela pour trois raisons : d’abord parce qu’il lui arriverait souvent de prendre un charlatan pour un homme de génie ; ensuite parce que, par ce système de privilèges, elle pourrait transformer en un charlatan même un véritable homme de génie, le démoraliser, l’abêtir ; enfin, parce qu’elle se donnerait un despote.Je me résume. Nous reconnaissons donc l’autorité absolue de la science parce que la science n’a d’autre objet que la reproduction mentale, réfléchie et aussi systématique que possible, des lois naturelles qui sont inhérentes à la vie tant matérielle qu’intellectuelle et morale, tant du monde physique que du monde social, ces deux mondes ne constituant dans le fait qu’un seul et même monde naturel. En dehors de cette autorité uniquement légitime, parce qu’elle est rationnelle et conforme à la liberté humaine, nous déclarons toutes les autres autorités mensongères. arbitraires, despotiques et funestes.

Nous reconnaissons l’autorité absolue de la science, mais nous repoussons l’infaillibilité et l’universalité des représentants de la science. Dans notre Église - à nous - qu’il me soit permis de me servir un moment de cette expression que d’ailleurs je déteste - l’Église et l’État sont mes deux bêtes noires -, dans notre Église, comme dans l’Église protestante, nous avons un chef, un Christ invisible, la Science ; et comme les protestants, plus conséquents même que les protestants, nous ne voulons y souffrir ni pape, ni conciles, ni conclaves de cardinaux infaillibles, ni évêques, ni même des prêtres. Notre Christ se distingue du Christ protestant et chrétien en ceci, que ce dernier est un être personnel, le nôtre impersonnel ; le Christ chrétien, déjà accompli dans un passé éternel, se présente comme un être parfait, tandis que l’accomplissement et la perfection de notre Christ à nous, de la Science. sont toujours dans l’avenir, ce qui équivaut à dire qu’ils ne se réaliseront jamais. En ne reconnaissant l’autorité absolue que de la science absolue, nous n’engageons donc aucunement notre liberté.

J’entends par ce mot, science absolue, la science vraiment universelle qui reproduirait idéalement, dans toute son extension et dans tous ses détails infinis, l’univers, le système ou la coordination de toutes les lois naturelles qui se manifestent dans le développement incessant des mondes. Il est évident que cette science, objet sublime de tous les efforts de l’esprit humain, ne se réalisera jamais dans sa plénitude absolue. Notre Christ restera donc éternellement inachevé, ce qui doit rabattre beaucoup l’orgueil de ses représentants patentés parmi nous. Contre ce Dieu le fils au nom duquel ils prétendraient nous imposer leur autorité insolente et pédantesque, nous en appellerons à Dieu le père, qui est le monde réel, la vie réelle, dont il n’est, lui, que l’expression par trop imparfaite, et dont nous sommes, nous les êtres réels, vivant, travaillant, combattant, aimant, aspirant, jouissant et souffrant, les représentants immédiats.

Texte n° 7 : Lamartine, première préface aux Méditations poétiques Oh ! quels poèmes, si j'avais pu et si j'avais su les chanter aux autres alors comme je me les chantais intérieurement! Mais ce qu'il y a de plus divin dans le

cœur de l'homme n'en sort jamais, faute de langue pour être articulé ici-bas. L'âme est infinie, et les langues ne sont qu'un petit nombre de signes façonnés par l'usage pour les besoins de communication du vulgaire des hommes. Ce sont des instruments à vingt-quatre cordes pour rendre les myriades de notes que la passion, la pensée, la rêverie, l'amour, la prière, la nature et Dieu font entendre dans l'âme humaine. Comment contenir l'infini dans ce bourdonnement d'un insecte au bord de sa ruche, que la ruche voisine ne comprend même pas? Je renonçais à chanter, non faute de mélodies intérieures, mais faute de voix et de notes pour les révéler.

Encadré méthodologique n°2 : Définir

La philosophie ne consiste pas à « jouer sur les mots » mais à penser les choses. Veillez a) à éviter le sophisme des définitions circulaires, qui se reconnaissent généralement à ce qu'elles contiennent un mot de la même famille que le mot défini, b) à choisir la définition qui reflète le mieux le sens de la question posée, c) à construire, quand vous en êtes capables, des définitions sur le modèle : « genre+différence spécifique », d) à produire une argumentation qui vise la même chose que la définition retenue. Pour le ….........................., construisez (vous-mêmes) une ou plusieurs définitions de : « une interprétation », « le sens littéral », « la parole sacrée », « autrui ».

Encadré logique et heuristique n°2 : l'argument d'autorité

L'argument d'autorité est celui qui s'appuie sur la valeur supposée de l'auteur ou de la source d'un propos pour en inférer (de manière invalide) que celui-ci est vrai. Par exemple, si je prétends que le monde a été Créé en sept jours au motif que la Bible ou le Coran l'affirme, je commets un argument d'autorité. Symétrique de l'argument ad hominem, l'argument d'autorité est à proscrire, sauf en problématisation, où le prestige d'un texte ou d'une œuvre vénérable (poème, pièce de théâtre, film, tableau, La Bhagavad-Gita, La Bible, Le Coran, le Sermon de Bénarès...) peut suggérer que telle ou telle réponse à la question est vraie et ainsi établir qu'elle mérite l'examen. Pour le ….........................., faites les activités de l'appendice n°3 (page 19). Pour le...................................., faite l'activité n°I de l'appendice n°4 (p.20).

Prolongements

Boileau, Art poétique* - Dante, L'Enfer*, chant IV, Engels(!), De l'autorité* - Luther, Qu'une assemblée peut juger les doctrines – Platon(!), Le Philèbe*, Le Politique*, Le Sophiste* - Sartre(!), Qu'est-ce que la littérature ?*

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 5: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 5 / 20

Entraînement n°2 : La question de réflexion : brouillonY-a-t-il des mots qui ne nomment rien ?

Avant de vous engager dans les activités ci-après, veillez à relire le texte étudié lors de la première leçon.

I] Relisez l'encadré méthodologique n°2. Définissez les choses visées par les mots de la question :

Nom Nommer Rien

…....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

…....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

…....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

II] Relisez l'encadré méthodologique n° 1 et les exemples de problématisations faits en classe. Problématisez la question posée :

III] Dans un schéma à flèches analogue à ceux du classeur, représentez les ou les arguments (issus du texte ou du cours) qui répondent à la question.

IV] Complétez chaque argument avec ses présupposés, si vous y parvenez. Numérotez-les, puis justifiez-les ci-après :

Présupposé n° 1

Présupposé n° 2

Présupposé n° 3

Présupposé n° 1

Présupposé n° 2

Présupposé n° 3

V] A l'issue de votre parcours argumentatif, quelle réponse à la question est la plus raisonnable ? Pourquoi ? (résumé de l'argument principal)

Pour répondre à une question de réflexion Pour le …............., rédigez ci-après votre réponse à la question posée. Veillez à écrire votre nom ici : …....................

Je rédige mon/ma : Je choisis ce que je dis dans les questions...

Introduction I, II

Développement III, IV

Conclusion V

….......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

…..................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 6: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 6 / 20

Leçon 3 : Faut-il toujours parler comme tout le monde ? Pour cette leçon, vous sont proposés des textes de :

Anselme de Cantorbéry (!) (1033-1109)

(texte n°8)

Augustin d'Hippone (!) (354-430)

(texte n°9)

Antoine Arnauld (1612-1694)

(texte n°10)

Anselme philosophe et théologien scolastique, surnommé « le Docteur magnifique », a inventé l'argument ontologique en faveur de l'hypothèse théiste. Le De Casu diaboli s'interroge sur l'origine du mal. Le passage proposé suggère qu'il faille parler comme tout le monde, tout en s'efforçant de saisir ce que le langage courant occulte.

Entrées : Notions :

l'art de la parole le langage, la religion, la vérité

Né à Thagaste (aujourd'hui Souk Aras en Algérie) et mort à Hippone (Annaba), Augustin est un philosophe et théologien chrétien d'origine berbère. Le texte proposé avance que, à l'exemple de l’Écriture, il faut parler comme le font les hommes.

Entrées : Notions :

l'art de la parole le langage, la religion, la vérité

Surnommé « Le Grand Arnauld », Antoine Arnauld est un prêtre, mathématicien, philosophe, grammairien, et théologien janséniste, qui figure parmi les intellectuels les plus respectés du « Grand siècle ». Le texte proposé avance que l'imperfection de la langue commune exige qu'on ne parle pas toujours comme tout le monde.

Entrées : Notions :

l'art de la parole, les séductions de la parole

le langage, la vérité

Vote : sur une petite feuille (pense-bête) inscrivez le numéro du texte que vous préféreriez étudier.

Texte n°8 : Anselme, De la chute du diable , 11 : « Qu'il ne se pourrait prouver, de par leurs noms, que le mal et le néant sont quelque chose mais quasi quelque chose »

Tu cherches droitement car, bien que la raison proposée plus haut montre que « mal » et « NÉ ANT » signifient QUELQUE CHOSE, ce qui est signifié n'est cependant ni mal ni NÉ ANT. Mais il y a une autre raison pour laquelle ils signifient QUELQUE CHOSE et pour laquelle ce qui est signifié est QUELQUE CHOSE, et non pas vraiment QUELQUE CHOSE, mais QUASI-QUELQUE CHOSE.

Bien des choses assurément sont dites selon la forme , qui ne le sont pas selon la chose . Ainsi dit-on selon la forme du vocable que « craindre » est un actif, alors que c'est un passif selon la chose. On dit encore de même que la cécité est QUELQUE CHOSE selon la forme du langage, alors qu'elle n'est pas QUELQUE CHOSE selon la chose. En effet, de même que nous disons de quelqu'un : il a la vue et la vue est en lui, de même nous disons : il a la cécité et la cécité est en lui, alors que celle-ci n'est pas QUELQUE CHOSE mais plutôt NON-QUELQUE CHOSE, et que l'avoir n'est pas avoir QUELQUE CHOSE mais bien manquer de ce qui est QUELQUE CHOSE. Car la cécité n'est autre que la non-vue ou l'absence de vue là où doit être la vue. La non-vue ou l'absence de vue n'est pas plus QUELQUE CHOSE là où doit être la vue que là où elle ne doit pas être. C'est pourquoi la cécité n''est pas plus quelque chose dans l’œil parce que la vue y doit être, que la non-vue ou l'absence de vue dans la pierre où la vue ne doit pas être. Il y a encore beaucoup d'autres (choses) qui sont dites QUELQUE CHOSE selon la forme du langage et qui ne sont pas QUELQUE CHOSE, puisque nous parlons d'elles comme de choses existantes.Texte n°9 : Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art de penser , première partie, chapitre XII : « Du remède à la confusion qui naît dans nos pensées et dans nos discours de la confusion des mots ; où il est parlé de la nécessité et de l'utilité de définir les noms dont on se sert, et de la différence de la définition des choses d'avec la définition des

noms » Le meilleur moyen pour éviter la confusion des mots qui se rencontrent dans les langues ordinaire, est de faire une nouvelle langue et de nouveaux mots, qui ne soient

attachés qu'aux idées que nous voulons qu'ils représentent ; mais, pour cela, il n'est pas nécessaire de faire de nouveaux sons, parce qu'on peut se servir de ceux qui sont déjà en usage, en les regardant comme s'ils n'avaient aucune signification, pour leur donner ce que nous voulons qu'ils aient, en désignant par d'autres mots simples, et qui ne soient point équivoques, l'idée à laquelle nous voulons les appliquer : comme si je veux prouver que notre âme est immortelle, le mot d'âme étant équivoque, comme nous l'avons montré, fera naître aisément de la confusion dans ce que j'aurai à dire : de sorte que pour l'éviter, je regarderai le mot d'âme comme si c'était un son qui n'eût point encore de sens, et je l'appliquerai uniquement à ce qui est en nous le principe de la pensée, en disant : J'appelle âme ce qui est en nous le principe de la pensée.

C'est ce qu'on appelle la définition du mot, definition nominis, dont les géomètres se servent si utilement, laquelle il faut bien distinguer de la définition de la chose, definitio rei.

Car dans la définition de la chose, comme peut être celle-ci : L'homme est un animal raisonnable, le temps est la mesure du mouvement, on laisse au terme qu'on définit, comme homme ou temps, son idée ordinaire, dans laquelle on prétend que sont contenues d'autres idées, comme animal raisonnable, ou mesure du mouvement, au lieu que dans la définition du nom, comme nous avons déjà dit, on ne regarde que le son, et ensuite on détermine ce son à être signe d'une idée que l'on désigne par d'autres mots.

Il faut aussi prendre garde de ne pas confondre la définition de nom dont nous parlons ici, avec celle dont parlent quelques philosophes, qui entendent par là l'explication de ce qu'un nom signifie selon l'usage ordinaire d'une langue, ou selon son étymologie : c'est ce de quoi nous pourrons parler en un autre endroit ; mais ici, on ne regarde, au contraire, que l'usage particulier auquel celui qui définit un mot veut qu'on le prenne pour bien concevoir sa pensée, sans se mettre en peine si les autres le prennent dans le même sens.

Texte n°10 : Augustin, La Vue de Dieu , §3 et §5 L’Écriture est sainte, véridique, irréprochable. Divinement inspirée, elle sert à enseigner, à reprendre, à exhorter, à instruire et nous n'avons point à l'accuser

s'il nous arrive de nous égarer pour ne l'avoir pas comprise. La comprendre, c'est marcher droit ; s'égarer pour ne l'avoir pas bien entendue, c'est lui laisser sa pureté, car notre perversité ne pourrait l'altérer ; mais elle reste intacte et nous attend pour nous corriger. Néanmoins, elle s'exprime souvent, toute spirituelle qu'elle est, d'une manière qui semble charnelle afin de nous exercer. « La loi est spirituelle, dit l'Apôtre, pour moi je suis charnel ». Aussi marche-t-elle souvent avec les hommes charnels d'une façon qui semble charnelle, mais elle ne veut pas qu'ils restent charnels.[...]

Une mère aime à nourrir son petit enfant : est-ce pour qu'il reste petit ? Elle le tient sur son cœur, le réchauffe dans ses bras, le comble de caresses, lui donne son lait, elle fait tout pour ce petit ; mais elle demande à le voir grandir et à ne pas se conduire toujours ainsi envers lui. Considérez l’Apôtre : mieux vaut arrêter nos regards sur lui, puisqu'il n''a point dédaigné de se donner le nom de mère. « Je me suis fait petit parmi vous, dit-il, comme une nourrice qui soigne ses enfants. » Inspiré par un vrai et pieux sentiment de charité fraternelle, l'Apôtre se fait nourrice en disant qu'il soigne, et mère en ajoutant : ses enfants. Il est des nourrices qui élèvent des enfants qui ne sont pas les leurs ; il est des mères qui sans élever leurs propres enfants les donnent à des nourrices. Mais l'Apôtre élève et nourrit les siens, et pourtant, il dit ailleurs, comme je l'ai rappelé : « J'ai été parmi vous dans la crainte et un grand tremblement ».

Encadré méthodologique n°3 : Conseil pour rédiger une réponse à la « Question d'interprétation ».

Pour expliquer une phrase : je trouve une justification à chacune de ses propositions (quelle raison plaide en faveur de cette affirmation -ci plutôt que pour l'affirmation contraire?), voire à chaque mot (quelle raison plaide pour la caractérisation opérée avec l'emploi de ce mot, plutôt que pour la caractérisation contraire?). Je vous recommande donc, à chaque fois que vous expliquez un passage d'un texte, de suivre le déroulement ci-après.

A] On aurait pu avancer que... C] Le passage proposé prouve cependant que...

B] C'est en effet ce que suggère... D] C'est en effet ce qu'établit/met hors de doute...

Veillez à ce que, une fois expliqué, le passage traité soit largement immunisé contre la critique.Pour le..........................................., réécrivez votre texte de l'entraînement 1 en suivant le déroulement ci-dessus. Pour le...................................., expliquez la phrase soulignée dans le texte étudié pour cette leçon.

Encadré logique et heuristique n°3 : l'argument ad hominem

L'argument ad hominem est le sophisme qui condamne une thèse parce que c'est tel ou tel qui la soutient. Il repose sur le biais cognitif de la « culpabilité par association », provoqué par l'effet dit de halo. Un exemple d'argument ad hominem serait le suivant : « Un tel, qui prétend que le pesticide x est inoffensif, a travaillé pour le fabricant de ce pesticide. Cela prouve que ce qu'il avance est un mensonge ». BATAILLE DE MAUVAISEFOI : pour le …................., pour la thèse que vous a attribué l'enseignant, préparez la pire défense dont vous soyez capable. Prévoyez plusieurs emplois de chaque erreur logique ou heuristique présentée en classe.

Prolongement :

Anselme(!), Monologion, chapitre XXII* - Bonnefoy, Lever les yeux de son livre - Carnap, Le dépassement de la métaphysique* - Luther, Missive sur la traduction et sur l'intercession des saints – Malebranche(!), Recherche de la vérité, Livre IV*, chapitre XII - Pascal(!), Trois discours sur la condition des grands*

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 7: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 7 / 20

Leçon 4 : Est-ce seulement selon son sens littéral qu'une parole sacrée est vraie ? Pour cette leçon, vous sont proposés des textes de :

Augustin d'Hippone (!) (354-430)

(texte n° 13)

Michel Bakounine (1814-1876)

(texte n°12)

Averroès ou Ibn Rushd (!) (1126-1198)

(texte n°11)

Né à Thagaste (aujourd'hui Souk Aras en Algérie) et mort à Hippone (Annaba), Augustin est un philosophe et théologien chrétien d'origine berbère. Le Sermon sur la Tentation d'Abraham cherche à interpréter le récit fameux du sacrifice annulé d'Isaac. Le texte proposé avance que des textes sacrés sont vrais non seulement au sens littéral, mais aux sens spirituels.

Entrées Notions

L'autorité de la parole, l'art de la parole

L'histoire, le langage, la religion,

Bakounine est un révolutionnaire et philosophe anarchiste Russe d'expression française. Dieu et l’État, publié à titre posthume, dénonce les méfaits que l'auteur attribue à la religion et à l’État. L'extrait proposé suggère que, littéralement faux voire absurdes, les textes religieux recèlent néanmoins de sages enseignements..

Entrées Notions

Les séductions de la parole l'autorité de la parole

La liberté, la religion,

Averroès, est un philosophe, médecin, juriste et théologien musulman né à Cordoue, en Andalousie. Le Discours décisif est une fatwa (c'est-à-dire un avis sur une question de droit islamique) qui dit la science et la philosophie compatibles avec l'Islam. Le passage soutient qu'il y a une hiérarchie des paroles.

Entrées : Notions :

L'autorité de la parole, l'art de la parole

la religion, la science, la vérité

Vote : sur une petite feuille (pense-bête) inscrivez le numéro du texte que vous préféreriez étudier.

Texte n°11 : Averroès, Discours décisif, §28-20 §18. Puisque cette Révélation est la vérité, et qu'elle appelle à pratiquer l'examen rationnel qui assure la connaissance de la vérité, alors, nous, Musulmans, savons de

science certaine que l'examen [des étants] par la démonstration n'entraînera nulle contradiction avec les enseignements apportés par le Texte révélé : car la vérité ne peut être contraire à la vérité, mais s'accorde avec elle et témoigne en sa faveur.

§19.S'il en est ainsi, et que l'examen démonstratif aboutit à une connaissance quelconque à propos d'un étant quel qu'il soit, alors, de deux choses l'une : soit sur cet étant le Texte révélé se tait, soit il énonce une connaissance à son sujet. Dans le premier cas, il n'y a même pas lieu à contradiction, et le cas équivaut à celui des statuts légaux non édictés par le Texte, mais que le juriste déduit par syllogisme juridique. Dans le second, de deux choses l'une : soit le sens obvie de l'énoncé est en accord avec le résultat de la démonstration, soit il le contredit. S'il y a accord, il n'y a rien à dire ; s'il y a contradiction, alors il faut interpréter le sens obive.

§20. Ce que l'on veut dire par « interprétation », c'est le transfert de la signification du mot de son sens propre vers son sens tropique, sans infraction à l'usage tropologique de la langue arabe d'après lequel on peut désigner une chose par son analogue, sa cause, son effet, sa conjointe ou par d'autres choses mentionnées comme faisant partie de classes de tropes. Si le juriste procède ainsi dans de nombreux cas pour établir des statuts juridiques, le tenant de la science démonstrative est d'autant plus fondé à faire de même. Car le juriste n'use que d'un syllogisme optatif, tandis que celui qui connaît vraiment Dieu use d'un syllogisme certain.

Texte n° 12 : Bakounine, Dieu et l'État Oui, nos premiers ancêtres, nos Adams et nos Èves, furent, sinon des gorilles, au moins des cousins très proches du gorille, des omnivores, des

bêtes intelligentes et féroces, douées, à un degré infiniment plus grand que les animaux de toutes les autres espèces, de deux facultés précieuses : la faculté de penser et la faculté, le besoin de se révolter. Ces deux facultés, combinant leur action progressive dans l'histoire, représentent proprement le moment, le côté, la puissance négative dans le développement positif de l'animalité humaine, et créent par conséquent tout ce qui constitue l'humanité dans les hommes.La Bible, qui est un livre très intéressant et parfois très profond, lorsqu’on le considère comme l’une des plus anciennes manifestations, parvenues jusqu’à nous, de la sagesse et de la fantaisie humaines, exprime cette vérité d’une manière fort naïve dans son mythe du péché originel. Jéhovah, qui, de tous les dieux qui ont jamais été adorés par les hommes, est certainement le plus jaloux, le plus vaniteux, le plus féroce, le plus injuste, le plus sanguinaire, le plus despote et le plus ennemi de la dignité et de la liberté humaines, ayant créé Adam et Ève, par on ne sait quel caprice, sans doute pour tromper son ennui qui doit être terrible dans son éternellement égoïste solitude, ou pour se donner des esclaves nouveaux, avait mis généreusement à leur disposition toute la terre, avec tous les fruits et tous les animaux de la terre, et il n’avait posé à cette complète jouissance qu’une seule limite. Il leur avait expressément défendu de toucher aux fruits de l’arbre de la science. Il voulait donc que l’homme, privé de toute conscience de lui-même, restât une bête, toujours à quatre pattes devant le Dieu éternel, son Créateur et son Maître. Mais voici que vient Satan, l’éternel révolté, le premier libre penseur et l’émancipateur des mondes. Il fait honte à l’homme de son ignorance et de son obéissance bestiale ; il l’émancipe et imprime sur son front le sceau de la liberté et de l’humanité en le poussant à désobéir et à manger du fruit de la science.

On sait le reste. Le bon Dieu, dont la prescience, qui constitue une de ses divines facultés, aurait dû pourtant l’avertir de ce qui devait arriver, se mit dans une terrible et ridicule fureur : il maudit Satan, l’homme et le monde créés par lui-même, se frappant pour ainsi dire lui-même dans sa création propre, comme font les enfants lorsqu’ils se mettent en colère ; et, non content de frapper nos ancêtres dans le présent, il les maudit dans toutes les générations à venir, innocentes du crime commis par leurs ancêtres. Nos théologiens catholiques et protestants trouvent cela très profond et très juste, précisément parce que c’est monstrueusement inique et absurde ! Puis, se rappelant qu’il n’était pas seulement un Dieu de vengeance et de colère, mais encore un Dieu d’amour, après avoir tourmenté l’existence de quelques milliards de pauvres êtres humains et les avoir condamnés à un enfer éternel, il eut pitié du reste, et, pour le sauver, pour réconcilier son amour éternel et divin avec sa colère éternelle et divine, toujours avide de victimes et de sang, il envoya au monde, comme une victime expiatoire, son fils unique, afin qu’il fût tué par les hommes. Cela s’appelle le mystère de la Rédemption, base de toutes les religions chrétiennes. Et encore si le divin Sauveur avait sauvé le monde humain ! Mais non ; dans le Paradis promis par le Christ, on le sait, puisque c’est formellement annoncé, il n’y aura que fort peu d’élus. Le reste, l’immense majorité des générations présentes et à venir, grillera éternellement dans l’Enfer. En attendant, pour nous consoler, Dieu, toujours juste, toujours bon, livre la terre au gouvernement des Napoléon III, des Guillaume 1er, des Ferdinand d’Autriche et des Alexandre de toutes les Russies.

Texte n° 13 : Augustin, De la Genèse au sens littéral (ouvrage inachevé) , §5-6 5. Il faut envisager au point de vue de cette foi ce qui dans le livre présent, doit être l'objet de nos recherches et de nos discussions. « Au commencement Dieu fit le ciel et

la terre. » D'après certains interprètes des divines Ecritures, il y a quatre manières d'envisager la parole sainte l'histoire, l'allégorie, l'analogie et l'étiologie. Ces noms viennent du grec, mais nous pouvons en donner dans notre langue la définition et l'explication. L'histoire consiste à retracer, soit sous l'inspiration divine soit avec les seules ressources de l'esprit humain, les choses accomplies; l'allégorie, à entendre les textes dans un sens figuré ; l'analogie, à faire voir l'accord de l'ancien et du nouveau Testament; l'étiologie à faire connaître les motifs des paroles et des actes.

6. On peut donc demander si ces mots: «Dans « le principe Dieu fit le ciel et la terre, » doivent être entendus seulement dans le sens historique, où s'ils signifient encore quelque chose dans le sens figuré, comment ils concordent avec l'Evangile et pour quelle raison le livre sacré commence ainsi. Prenons ces paroles au point de vue de l'histoire : le mot principe doit-il s'entendre du commencement du temps ou de la sagesse même de Dieu? car le Fils de Dieu s'appelle lui-même principe quand on lui fait cette question : « Qui êtes-vous? » et qu'il répond: « Je suis le principe moi qui vous parle (1). » Il y a en effet, un principe sans principe et un principe ayant un autre principe. Le Père seul est principe sans principe, et de là ce point de notre foi, que tout est d'un seul principe. Pour le Fils, il est principe mais de telle sorte qu'il est engendré par le Père. La première créature intelligente peut être elle-même appelée principe pour les êtres dont elle est le chef et que Dieu a formés. Le chef en effet étant avec raison appelé principe, l'Apôtre ne dit pas dans cette gradation que la femme soit le chef de quelqu'un. Il appelle l'homme le chef de la femme, le Christ le chef de l'homme et Dieu chef du Christ (2) : ainsi se rattache la créature au Créateur.

Encadré méthodologique n°4

Répondant à une question de réflexion, vous devrez :

I] Poser le problème II] Développer une argumentation concluante II] Répondez à la question

a) définissez les notions principales : « Par …. on entend... »/ ».... s'entend comme ... »

b) problématisez suivant la méthode donnée dans l'encadré méthodologique n°1 (et travaillée dans les Enbtraînements n° 1 et 2)

a) construisez ou reconstruisez un argument complexe.OU

b) Cumulez les arguments simples : « D'abord... »/ « ENsuite.. »./ « De plus... »/ « ENfin... »

a) rappelez la question : « On cherchait à savoir si... ».b) résumez l'argument principal : « Or.... ».

c) répondez à la question : « Donc... »/ »A la question posée on doit donc répondre... »

Veillez à toujours donner une réponse tranchée en fin de devoir : si la question demeure ouverte, c'est que vous n'y avez pas vraiment répondu.

Pour le …......................................, relisez le texte de la leçon et répondez à la « question de réflexion » : « Une parole sacrée est-elle sans valeur pour le profane ? »

Prolongements :

Augustin(!), La Tentation d'Abraham(in Sermones ad populum)*, Borges, L'Ecriture du dieu (L'Aleph) - Borges, Trois versions de Judas (Fictions) – Derrida, Signature, événement, contexte* - Derrida, Dire l'événement, est-ce possible ?* - L'Encyclopédie*, articles «« sens » et « interprète » (l'article « interprétation » sera moins utile) - Malebranche (!), Recherche de la vérité, Livre IV*, chapitre XII – Pascal(!),

Pensées, fragments 229-259 – Russell(!) Science et religion*

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 8: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 8 / 20

Leçon 5 : Y-a-t-il une bonne rhétorique ? Pour cette leçon, vous sont proposés des textes de :

Pierre Fontanier (1765-1844)

(texte n°14)

Averroès ou Ibn Rushd (!) (1126-1198)

(texte n°15)

Plotin (!) (203-270)

(texte n°16)

Pierre Fontanier est un grammairien français. Il est l'auteur de deux manuels de rhétorique, utilisés dans les lycées de toute la France au dix-neuvième siècle. Le texte proposé avance que la pratique rhétorique est bonne et devient meilleur grâce à la théorie.

Entrées : Notions :

L'art de la parole, l'autorité de la parole

L'art, le langage, la technique

Averroès, est un philosophe, médecin, juriste et théologien musulman né à Cordoue, en Andalousie. Le Discours décisif est une fatwa (c'est-à-dire un avis sur une question de droit islamique) qui dit la science et la philosophie compatibles avec l'Islam. Le passage suggère qu'il y a une bonne rhétorique, à savoir celle, supposément révélée, du Coran.

Entrées : Notions :

L'autorité de la parole, l'art de la parole

Le langage, la religion, la science, la vérité

Né en Egypte, Plotin est le plus réputé des interprètes tardifs de Platon. Sa théologie rationnelle a influencé les monothéismes abrahamiques, qu'il rejetait pourtant comme des erreurs. Dans le passage proposé du Traité 9, il avance qu'une certaine rhétorique est indispensables pour conduire l'auditeur à connaître Dieu.

Entrées Notions

L'art de la parole langage, la science

Pour cette leçon, il n'y aura pas de vote, mais seront étudiés les textes 15 et 16. Le texte 14 est donné à titre de complément utile.

Texte n°14 : Fontanier, Les Figures du discours, pp. 67-68 On nous demandera s'il est utile d'étudier ou de connaître les figures ? Oui, répondrons-nous, rien de plus utile, et même de plus nécessaire, pour ceux qui veulent pénétrer

le génie du langage, approfondir les secrets du style, et pouvoir saisir en tout le vrai rapport de l'expression avec l'idée ou avec la pensée. Les figures ne font pas assurément tout le mérite, tout le prix du discours : dans plus d'un cas, elles seraient même déplacées, et l'expression simple, ordinaire, leur est préférable. Mais elles sont d'un usage si familier, si fréquent dans le langage même qu'on pourrait croire le moins figuré ! Si souvent c'est à elles seules que tient toute la noblesse, toute la grâce, ou toute la force de l'expression ! Et d'une autre part, quel mauvais effet, quelle horrible discordance, quelle étrange ou ridicule bigarrure ne produisent-elles pas dans le discours, lorsqu'elles sont employées sans discernement et sans choix ! Ne pas chercher à les connaître, ce serait donc renoncer en quelque sorte à connaître l'art de penser et d'écrire dans ce qu'il a de plus fin et de plus délicat : ce serait à peu près renoncer à connaître les lois et les principes du goût.

Il est vrai que les figures ne sont pas, comme leurs noms, une invention des rhéteurs ou des grammairiens ; qu'elles nous viennent de la Nature même, comme la parole, et que c'est elle-même qui les enseigne à tous les hommes, au rustre comme au savant, à l'enfant comme à l'homme fait. Il est vrai que ceux mêmes qui n'en soupçonnent pas l'existence, et qui seraient bien en peine d'en distinguer une seule, savent les trouver au besoin et les employer quelques fois aussi à propos que ceux qui en ont le plus approfondi la théorie, que ceux qui sauraient le mieux en raisonner ; mais il ne s'ensuit pas néanmoins que l'étude en soit inutile. Le rustre fait tous les jours, comme ce monsieur Jourdain de la comédie, de la prose sans le savoir ; il sait, dans les affaires communes, dans celles surtout qui regardent sa personne ou ses intérêts, se conduire avec une justesse d'idées et une rectitude de jugement qui étonnent le philosophe ; il sait, quand il est animé par quelque passion violente, s'exprimer avec une force et une éloquence dont n'approcheraient pas toujours les plus grands orateurs. Faut-il en conclure que la Grammaire, la Logique et la Rhétorique sont inutiles et que c'est perdre son temps que de les apprendre ? Dans tous les arts quelconques, ou mécaniques ou libéraux, la pratique a précédé la théorie, c'est-à-dire, le système raisonné de la méthode et des règles. Mais la théorie est venue ensuite éclairer, diriger, perfectionner la pratique, et les arts dès lors, sortant de l'enfance et de la barbarie, sont parvenus à un degré plus ou moins éminent de splendeur et de gloire.

Texte n°15 : Averroès, Discours décisif , §16-17§16. Si tout cela est bien établi, et que nous, Musulmans, sommes convaincus que cette divine Révélation qui est nôtre est la vérité, et que c'est elle qui éveille et appelle à

ce bonheur qu'est la connaissance de Dieu- proclamées soient Sa puissance et Sa majesté!- et de Ses créatures, [eh bien] c'est parce que cette [conviction] s'établit pour chaque Musulman par la méthode propre à produire son assentiment : certains hommes assentent par l'effet de la démonstration ; d'autres assentent par l'effet des arguments dialectiques, d'un assentiment similaire à celui de l'homme de démonstration, car leurs natures ne les disposent pas à d'avantage ; d'autres enfin assentent par l'effet d'arguments rhétoriques, d'un assentiment similaire à celui que donne l'homme de démonstration aux arguments démonstratifs.

§17. Ainsi, comme notre divin Texte révélé appelle les hommes [en leur présentant] ces trois méthodes, il doit [nécessairement] produire l'assentiment de la totalité des hommes, excepté de ceux qui le désavouent en parole par obstination, ou de ceux dans [l'esprit desquels] la validité des méthodes qui y sont mises en œuvre pour appeler à connaître Dieu- exalté soit-Il- ne s'est pas établie du fait d'une négligence imputable à eux-mêmes. C'est pourquoi la mission du Prophète- sur lui soit la paix- possède cette particularité d'avoir été adressée à tout homme , blanc et noir : parce que la Révélation apportée par lui comprend l'ensemble des méthodes par lesquelles on appelle à connaître Dieu- exalté soit-Il. Ceci est d'ailleurs explicitement dit dans ce verset : « Appelle les hommes dans le chemin de ton Seigneur, par la sagesse et par la belle exhortation ; et dispute avec eux de la meilleure manière. » (1)(1) « Les abeilles », Sourate XVI ; 125

Texte n°16 : Plotin(!), Traité 9, Sur le Bien ou l'Un, chapitre 4 L'aporie naît surtout parce que notre saisie de l'Un ne se fait ni au moyen de la science ni au moyen de l'intellection, comme c'est le cas pour les autres

intelligibles, mais qu'elle résulte d'une présence qui est supérieure à la science. Or, l'âme fait l'expérience de son manque d'unité, et elle n'est plus totalement une, lorsqu'elle acquiert la science de quelque chose ; car la science est un discours et le discours est multiple. Elle abandonne donc l'unité et tombe dans le nombre et dans la multiplicité. Il faut alors s'élancer au-delà de la science et ne sortir d'aucune manière de l'unité ; il faut aussi s'éloigner de la science et de ses objets, comme de tout autre objet de contemplation, même du beau. Car tout ce qui est beau est postérieur à l'Un et vient de lui, comme toute la lumière du jour vient du soleil. C'est pourquoi Platon dit qu'on ne peut ni « parler » ni « écrire » à propos de lui, mais que, si nous parlons et écrivons, c'est pour conduire à lui et pour éveiller à la contemplation à partir des discours, comme si nous indiquions le chemin à celui qui veut parvenir à la contemplation. Car l'enseignement ne peut indiquer que la route et le chemin ; la contemplation elle-même, c'est à celui qui veut contempler qu'il revient désormais de la mettre en œuvre. Mais si quelqu'un n'est pas parvenu à la contemplation, si son âme n'a pas pris conscience de la splendeur de là-bas, s'il n'a pas éprouvé ni fait en lui-même une expérience semblable à la passion amoureuse de l'amant qui, en regardant l'objet de son amour, trouve son repos en lui, parce qu'il a reçu une lumière véritable qui illumine de toutes parts l'âme tout entière, ce qui s'explique parce qu'elle s'en est rapprochée, même s'il est encore retenu dans sa montée par un poids qui fait obstacle à la contemplation, car il ne monte pas seul, mais porte encore avec lui ce qui le sépare de l'Un, et il ne s'est pas encore rassemblé en une unité (certes l'Un n'est absent de rien et il est absent de toutes choses, de sorte que, présent, il n'est pas présent, sauf chez ceux qui peuvent et qui sont préparés à le recevoir de façon à s'ajuster à lui, et, pour ainsi dire, à le toucher et à l'étreindre en vertu de la ressemblance qu'ils ont avec lui, c'est-à-dire de la puissance que chacun possède et qui est du même genre que celle qui vient de lui ; quand on se trouve dans la condition où l'on était quand on est venu de lui, on peut désormais le voir de la façon dont, par nature, il peut-être contemplé) ; si celui qui veut contempler n'est donc pas encore là-bas, mais qu'il reste à l'extérieur, soit pour les raison précédentes soit à cause de l'insuffisance du raisonnement qui le guide et lui donne confiance, il faut que l'on s'en prenne à soi-même pour cela, et que l'on essaie de rester seul, en s'éloignant de toutes choses ; quant à ce que l'on ne croit pas encore parce que l'on néglige nos discours, que l'on considère ce qui suit.

Prolongements (il vous est recommandé de lire au moins une de ces œuvres, en préparation du premier DST) : Pascal(!), L'art de persuader* - Platon (!) Gorgias*

Entraînements n°3 et 4: exercices de problématisation

Pour le …................................, faites l'activité n°2 de l'appendice n°4 (page 22). Pour le …............................., faites l'activité n°3 de l'appendice n°4 (page 22).

Encadré méthodologique n°5 : s'auto-évaluer

Deux grilles d'évaluation vous sont données en appendices 1 et 2 (pages 17-18). Le jour du DST, vous sera distribué un exemplaire de chacune, qui vous permettra de vous auto-évaluer, pendant et après votre travail. Ces mêmes grilles serviront à vous transmettre les conseils de votre professeur de philosophie.

Encadré logique et heuristique n°4 : le non sequitur.

Je commets un « non sequitur » quand je tire une conclusion qui ne suit pas de ses prémisses. Il en existe de nombreuses espèces, mais deux sont très fréquentes.

L’affirmation du conséquent (tenir le conséquent d'une inférence pour vrai et à en inférer à rebours la vérité de l'antécédent)

La négation de l'antécédent (tenir l'antécédent d'une inférence pour faux et à inférer de là la fausseté du conséquent)

Si A est vraie, alors B est vraie. Or, B est vraie. Donc A est vraie. Si A est vraie, alors B est vraie. Or, A est fausse. Donc B est fausse.

Si la lampe est cassée, la pièce est dans l'obscurité. La pièce est dans l'obscurité, donc la lampe est brisée.

Si tu étais instructeur de ski, tu aurais un emploi. Tu n'es pas instructeur de ski, donc tu n'as pas d'emploi.

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 9: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 9 / 20

Devoir sur table (sous réserve d'accord avec professeur de Lettres) autour du Gorgias (énoncé extrait du « sujet 0 » publié par le Ministère).

Socrate, mis en scène par Platon, s’entretient avec le sophiste Gorgias sur son métier, qui consiste à enseigner la rhétorique. Il répond ici au jeune Polos, qui assiste à la discussion, et veut connaître la définition que donne Socrate de la rhétorique.

La cuisine, donc, est la forme de flatterie qui s’est insinuée sous la médecine. Et, selon ce même schéma, sous la gymnastique, c’est l’esthétique qui s’est glissée ; l’esthétique, chose malhonnête, trompeuse, vulgaire, servile et qui fait illusion en se servant de talons et de postiches, de fards, d’épilations et de vêtements ! La conséquence de tout cela est qu’on s’affuble d’une beauté d’emprunt et qu’on ne s’occupe plus de la vraie beauté du corps que donne la gymnastique. Bon, pour ne pas être trop long, je veux te parler à la façon des géomètres – peut-être comme cela pourras-tu suivre. Voici : l’esthétique est à la gymnastique ce que la cuisine est à la médecine. Ou plutôt, il faudrait dire que l’esthétique est à la gymnastique ce que la sophistique est à la législation ; et encore, que la cuisine est à la médecine ce que la rhétorique est à la justice. Certes, je tiens à dire qu’il y a une différence de nature entre la rhétorique et la sophistique, mais puisque rhétorique et sophistique sont deux pratiques voisines, on confond les sophistes et les orateurs ; en effet, ce sont des gens qui ont le même terrain d’action et qui parlent des mêmes choses. Eux-mêmes, d’ailleurs, ne savent pas à quoi ils peuvent servir, et personne autour d’eux ne le sait davantage. De toute façon, si l’âme n’était pas là pour surveiller le corps, si le corps était laissé à lui-même, si la cuisine et la médecine n’étaient plus ni reconnues ni distinguées par l’âme, et si c’était au corps de décider ce qu’elles étaient en mesurant les plaisirs qu’il y trouverait alors […] toutes les réalités seraient confondues pêle-mêle et reviendraient au même, on ne pourrait plus distinguer la médecine ni de la santé ni de la cuisine. – Voilà, je viens de dire ce qu’est la rhétorique. Tu as bien entendu : elle correspond dans l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps. PLATON, Gorgias, 465 b – e

Question d’interprétation philosophique : Comment se construit ici la différence entre ce qui est nommé « flatterie » et ce qui constitue un art véritable et, en particulier, que signifie la phrase : « elle [la rhétorique] correspond dans l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps » ?

Question de réflexion littéraire : Selon vous, l’art de la parole est-il forcément au service de la flatterie et du mensonge ? Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.

Dans le document-élève final, sur cette page figureront des reproductions d'oeuvres d'arts utiles à connâitre.

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 10: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 10 / 20

Leçons 6 à 14 : quatre « menus » au choix : Arnauld, Leibniz, Luther ou Malebranche.

Menus : Vous avez le choix entre plusieurs menus ou itinéraires. Chaque menu possède un « plat principal » ou une « escale principale » qui le distingue des autres. Par exemple, le Menu « Antoine Arnauld », donne une place majeure aux problèmes rencontrés et affrontés par le logicien, grammairien, philosophe et théologien le plus influent au sein du jansénisme

français. Afin de maintenir une certaine « ouverture », au moins 1/3 des textes d'un menu ne proviennent pas de l'auteur qui lui donne son nom. Prêtez attention à la présentation de chaque menu que fera l'enseignant. Consultez également la page suivante : elle vous indique les notions du tronc commun en jeu dans les textes de chaque menu. Sur un pense-

bête, inscrivez le titre de celui pour lequel vous souhaitez voter. Le menu obtenant la majorité des voix sera celui de votre deuxième semestre.

Menu « Martin Luther »

Martin Luther (1483-1546)

Luther est un homme d’Église, théologien, professeur d'Université allemand. Initiateur du protestantisme, l'une de ses thèses majeures est que la foi seule sauve les hommes.

Menu « Antoine Arnauld»

Antoine Arnauld (1612-1694)

Malebranche est un homme d’Église, théologien, philosophe, logicien, grammairien, français, initiateur du jansénisme. Il avance entre autres choses que je ne puis parler sans avoir l'idée de ce dont je parle.

Martin Luther, Contre les

prophètes célestes... (1525)

Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art

de penser(1662)

Malebranche, extraits divers (1674-1708??)

Texte Question Texte Question Texte Question

17 Y-a-t-il des

images impies ?

22 Penser à une

chose, est-ce la

même chose que l'imagine

r ?

27 Le monde est-il matériel ou spirituel ?

18 Y-a-t-il des

images pieuses ?

20 La morale est-elle

naturelle ou

culturelle ?

30 L'animal a-t-il mal ?

21 Est-il permis ou interdit à l'art de

représenter Dieu ?

Martin Luther, Contre les

prophètes célestes... (1525)

Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art

de penser(1662)

Malebranche, extraits divers (1674-1708??)

Textes Questions

Textes Questions

Textes Questions

20 La morale est-elle

naturelle ou

culturelle ?

22 Penser à une

chose, est-ce la

même chose que l'imagine

r ?

27 Le monde est-il matériel ou spirituel ?

23 A-t-on l'idée de Dieu ?

24 Connaît-on le réel

par la raison ?

30 L'animal a-t-il mal ?

25 Faut-il se méfier

des signes ?

26 Puis-je me fier

aux idées que j'ai

des choses ?

Menu « Nicolas Malebranche »

Nicolas Malebranche (1638-1715)

Malebranche est un homme d’Église et philosophe français. Sa thèse majeure est que nous ne sommes en relation immédiate qu'avec Dieu.

Menu « Gottfried W. Leibniz »

Gottfried W. Leibniz (1646-1716)

Leibniz est un logicien, mathématicien, physicien, philosophe, juriste, diplomate, bibliothécaire allemand d'expression latine (40% de l’œuvre),française (30%) et allemande. Avec Fermat, Newton et Kowa Seki, il est l'un des découvreurs du calcul intégral. Sa thèse majeure est que chaque sujet est clos sur lui-même et sans interaction immédiate avec quoi que ce soit d'extérieur.

Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art de penser

(1662)

Malebranche, extraits divers (1674-1708)

Textes Questions Textes Questions

22 Penser à une chose, est-ce

la même chose que

l'imaginer ?

27 Le monde est-il matériel ou spirituel ?

25 Faut-il se méfier des

signes ?

28 Y-a-t-il de fausses religions ?

29 La morale est-elle naturelle ou culturelle ?

30 L'animal a-t-il mal ?

Malebranche, extraits divers (1674-1708?)

Leibniz, textes divers de (1684-1703)

Textes Questions Textes Questions

29 La morale est-elle

naturelle ou culturelle ?

31 Puis-je percevoir autre chose que Dieu ?

30 L'animal a-t-il mal ?

32 Penser à quelque chose, est-ce la même chose que l'imaginer ?

33 Penser, une chose, est-ce la même chose qu'en avoir l'idée ?

34 Pourrait-on se représenter l'univers sans communication du corps et de

l'esprit ?

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 11: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 11 / 20

Notions en jeu dans les textes n° 17 à 33.

Texte n° l'art La conscience Le devoir La justice La langage La raison La religion La science La vérité

17(menu

« Luther »)

X X

18(menu

« Luther »)

X X

19(texte

complémentaire)

X X

20(menus

« Luther » et « Arnauld »)

X X X

21(menu

« Luther »)

X X X

2(menus « Luther »,

« Arnauld » et « Malebranche

»)

X X X

23(menu

« Arnauld »)

X X X

24(menu

« Arnauld »)

X X

25(menus

« Arnauld » et « Malebranche

»)

X

26(Menu

« Arnauld »)

X

27(menus

« Luther », Arnauld » et

« Malebranche »)

X

28 (menu « Malebranche

)

X X X

29(menus

« Malebranche » et

« Leibniz »)

X X X X X

30 (tous menus)

X X

31 (menu

Leibniz)

X

32(menu Leibniz)

X X

33(menu Leibniz)

X X X X X

BATAILLE DE MAUVAISE FOI : pour le...................................., pour la thèse que vous confie l'enseignant, préparez l'argumentaire le plus fallacieux à votre portée.Pour le........................................, je fais fais le DM donné en page 15. (sous réserve d'acceptation par collègue de Lettres)

Pour le …..........................................., je réécris mon DM sur la base des conseils donnés par mes enseignants.

Prolongements :

Abbé d'Aubignac*, La Pratique du théâtre – Aristote(!), La Poétique* - Arnauld et Nicole, La Logique ou l'Art de penser – Cassirer, Essai sur l'homme, chapitre 9, « l'art ».- Darwin, L'Origine des espèces*, chapitres I à IV - Dawkins, Le Gène égoïste*, chapitres 2, 3, 4, 6, 7, 9, 11, Pour en finir avec Dieu*, chapitres 4, 5, 6, The ennemies of reason (documentaire), The Blind Watchmaker (documentaire)- Coppesn, Le Genou de Lucy* - Descartes(!), Principes de la philosophie* - Gould, Et Dieu dit : « Que Darwin soit »*, La Mal-mesure de l'homme*, Darwin et les grandes énigmes de la vie*, l'Evantail du vivant* - Lévy-Bruhl,

L'âme primitive*, introduction, L'expérience mystique et les symboles chez les primitifs*, Malebranche(!), Conversations chrétiennes*, Entretiens sur la métaphysique*, La Recherche de la Vérité* livre I et livre II, partie 2, chapitre 8, – Helvétius, De l'Esprit, discours 1, chapitre 1 - Herder, Une autre philosophie de l'histoire – Hobbes(!), Léviathan, partie I : « De l'homme » Kant (!), Idée d'une histoire universelle au point de

vue cosmopolitique* - Lamarck, Philosophie zoologique*, partie III, chapitres 7 et 8 - Leibniz(!), Système Nouveau*, Monadologie*, Discours de métaphysique* - Lewis, Douleur de fou et douleur de martien* - Montesquieu, De l'Esprit des lois, I, 1 - Montherlant, Le Maître de Santiago, Port-Royal – Nagel, Quel effet cela fait-il d'être une chauve-souris ?* - Pinker, Comprendre la nature humaine - Russell(!), Science et

religion*, chapitre 5 - La connaissance humaine, partie III, chapitre 2 - Schlick, Forme et contenu, première conférence – Searle, Le mysètre de la conscience, Liberté et neurobiologie - Singer, Libération animale – Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « âme » - Wilson, L'incroyable instinct des fourmis, La sociobiologie, L'humaine nature

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 12: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 12 / 20

Texte n°17 : Luther, Contre les prophètes célestes, des images et de l’Eucharistie , Première partie, « De l'iconoclasme ». Pléiade II, pp. 163-164 Je me suis mis à l’iconoclasme en m'employant, par la Parole de Dieu, à soustraire les images des cœurs et à les rendre dénuées de valeur et méprisables, et c'est ce qui s'est

passé, avant même que le docteur Carlstadt ne fût pris de visions iconoclastes. En effet, quand elles ont délaissé les cœurs, les images ne causent aucun préjudice aux yeux qui les regardent. Pourtant, le docteur Carlstadt, qui ne se soucie nullement des cœurs, car il ne prêche pas la foi et n'est pas en mesure de le faire, comme je ne m'en rends bien compte, hélas, qu'à présent. Lequel de ces iconoclasmes est le meilleur, je laisse à chacun le soin d'en juger.

En effet, quand les cœurs savent, par l'enseignement qu'ils ont reçu, qu'on ne plaît à Dieu que par la foi seule et non par les images, qui ne sont qu'un service accompli en pure perte et une dépense inutile, alors les gens s'en détachent d'eux-mêmes, les dédaignent et n'en commandent plus. En revanche, quand on omet un tel enseignement et se contente de s'en prendre aux images à coups de poing, cela n'a d'autre conséquence que de provoquer les jurons de ceux qui ne le comprennent pas et de faire en sorte que ceux qui le font en y étant seulement contraints par la loi pensent accomplir une œuvre bonne et nécessaire et ne le font pas avec une conscience libre, pensant au contraire plaire à Dieu par cette œuvre, idée qui est pour un cœur une véritable idole et une confiance vaine. Ainsi, en propageant une telle loi, on fait en sorte qu'ils abolissent les images de façon extérieure mais remplissent leur cœur d'idoles.

Je dis cela afin que l'on voie une fois encore quel esprit réside dans ce Carlstadt qui m'accuse de vouloir protéger les images en opposition à la parole de Dieu, en sachant très bien que je veux qu'on les arrache de tous les cœurs, qu'on les dédaigne et les détruise, et je le dis sans tolérer pour autant la façon impie qu'il a de les attaquer à coups de poing. Si l'Esprit saint était de la partie, il ne mentirait pas de façon aussi délibérée et insolente, mais déclarerait : « Oui, mon cher Luther, il me plaît fort que tu réduises ainsi totalement à néant les images dans le cœur des gens, car de cette façon, il sera d'autant plus facile pour moi de les réduire également à néant quand ils les auront devant les yeux, et j'accepte le service que tu me rends, car il contribue à cette tâche. » Et à présente, j'agirais prétendument contre la Parole de Dieu et je protégerais les images, moi qui, à tous égards, les réduis à néant dans leur réalité extérieure comme intérieure- et il faudrait que je m'abstienne de dire qu'il agit contre la Parole de Dieu, lui qui se contente de les démolir de façon extérieure et les laisse demeurer dans le cœur, en érigeant d'autres à côté, à savoir la confiance vaine et la glorification de l’œuvre ainsi accomplie?

Texte n°18 : Luther, Contre les prophètes célestes, des images et de l’Eucharistie , Première partie, « De l'iconoclasme ». Pléiade II, pp. 165-166 Mais comme l'esprit malin est si solidement ancré en lui [Carlstadt], je vais à présent, par esprit de contradiction, être moins conciliant que je ne l'ai été auparavant. C'est

pourquoi je parlerai tout d'abord des images à la façon de la loi de Moïse, puis à la façon évangélique. J'affirme tout d'abord que d'après la loi de Moïse, seule l'image de Dieu que l'on vénère est interdite, et aucune autre image, alors qu'un crucifix ou toute autre image de saint ne peut être considérée comme interdite. Holà donc, messieurs les iconoclastes, rétorquez à cela et prouvez le contraire !

J'apporte à l'appui de cette affirmation le premier commandement (Exode, XX) : « Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face ». Ce texte est immédiatement suivi par des mots qui montrent et expriment ce qu'il faut entendre par « autres dieux » : « Tu ne feras pas d'image ni d'effigie », ce qui s'applique aux mêmes dieux, etc. Et bien que nos esprits sectaires fassent grand cas du mot « faire » et ne cessent de s'y cramponner en affirmant : « Faire, faire, voilà qui est bien différent de vénérer », ils sont néanmoins obligés d'admettre que ce commandement ne parle en fin de compte de rien d'autre que de la gloire de Dieu. Or, il est évident qu'il faut faire ce qui doit être vénéré et qu'il ne faut pas faire ce qui ne doit pas être vénéré. En revanche, il ne s'agit pas d'isoler un mot de son contexte et de s'y cramponner : il faut considérer le sens d'ensemble du texte dans ce qui constitue sa cohérence ; on se rend alors compte qu'il parle des images de Dieu, qu'il ne faut pas vénérer, et, en s'appuyant sur ce texte, personne ne pourra prouver autre chose. C'est pourquoi , on lit plus loin dans le même chapitre : « Tu ne feras point d'idole d'or ni d'argent »- de sorte que ce verbe « faire » s'applique aux dieux.

En effet, cette phrase, « Tu n'auras pas d'autres dieux », est le point capital, l'aune à laquelle il faut mesurer, l'intention à laquelle doivent se conformer toutes les paroles qui suivent. Car, en effet, elle montre et exprime la signification de ce commandement, à savoir qu'il ne doit pas y avoir d'autres dieux. Aussi ne faut-il pas que les mots « faire », « images », « servir » et tout ce qui s'ensuit soient compris en un sens plus large que celui-ci : ils ne doivent pas mener à d'autres dieux ou à l'idolâtrie, de même que les paroles « Je suis ton Dieu » sont l'aune et l'intention de tout ce qui peut être dit sur le service divin, et il serait stupide de ma part de vouloir en retirer quelque chose qui ne concernerait point le divin ou le service divin, par exemple sur la façon dont il faut construire des maisons, labourer ; etc. Par conséquent, on ne peut rien retirer d'autre de la parole « Tu n'auras pas d'autres dieux » que ce qui concerne l'idolâtrie. En revanche, quand on fait des images ou des colonnes sans idolâtrie, cette activité n'est pas interdite, car on n'enfreint pas le commandement principal (tu n'auras point de dieux).

Texte n°19 : Luther, Contre les prophètes célestes, des images et de l’Eucharistie , Première partie, « De l'iconoclasme ». Pléiade II, pp. 166-167 Pour parler des images à la façon évangélique, j'affirme que nul n'est tenu de détruire aussi à coups de poing les images représentant Dieu, mais qu'au contraire, la liberté est

totale en cette matière et que ce n'est pas pécher que de ne pas les détruire à coups de poing, alors qu'en revanche, on est tenu de les détruire par la Parole de Dieu, c'est-à-dire non par la loi carlstadtienne, mais par l’Évangile, de sorte que l'on doit enseigner et éclairer les consciences sur l'idolâtrie que l'on commet en vénérant des images ou en s'en remettant à elles, parce qu'il ne faut s'en remettre qu'au Christ. Aussi, qu'on les laisse tranquilles, Dieu fera en sorte qu'elles soient détruites, renversées ou conservées, cela lui est égal, il s'en soucie aussi peu que d'un serpent auquel on a retiré son venin. Je dis cela une fois encore afin de permettre aux consciences de rester libres face à des lois impies et des péchés imaginaires, et cela non pas que je veuille défendre les images ou juger ceux qui les détruisent, en particulier ceux qui les images représentant Dieu et celles qui sont l'objet de vénération- en revanche, j'ai déjà démontré plus haut en m'appuyant sur Moïse que les images destinées à la commémoration ou au témoignage, tels les crucifix ou les représentations des saints, peuvent bien être tolérées, même sous la loi, et non seulement tolérées, mais aussi, dans la mesure où la commémoration ou le témoignage y sont attachés, considérées comme louables et estimables, comme la stèle de Josué et celle de Samuel en I Rois, VII.

Texte n°20 : Luther, Contre les prophètes célestes, des images et de l’Eucharistie , Première partie, « De l'iconoclasme ». Pléiade II, pp. 168-169 Tu pourras dire à ce propos : « Tu ne veux tout de même pas dire que le premier commandement est aboli- ne faut-il pas n'avoir qu'un seul Dieu ? De même, on n'a tout de

même pas le droit de commettre l'adultère, de tuer et de voler ? ». Réponse : j'ai parlé des lois mosaïques en tant que lois mosaïques. En effet, n'avoir qu'un seul Dieu n'est pas seulement une loi mosaïque, mais aussi une loi naturelle, comme le dit Paul en Romains, I, où il explique que les gentils, par leur connaissance du divin, savent qu'il n'y a qu'un Dieu, ce que montre le fait qu'ils ont érigé des divinités et organisé des cultes, chose qui eût été impossible s'ils n'avaient rien su de Dieu ou s'ils n'avaient pas pensé à lui- au contraire, Dieu le leur a dévoilé par les œuvres, etc. (Romains I). Quoi d'étonnant cependant que les gentils n'aient pas connu le vrai Dieu et aient adoré les idoles au lieu de Dieu, bien qu'ils eussent la loi mosaïque- et aujourd'hui encore, il y en a encore qui s'éloignent de notre Seigneur Jésus-Christ alors qu'ils disposent de son Évangile.

De même, « tu ne tueras point, tu ne commettras point d'adultère, tu ne voleras point », etc, n'est pas seulement une loi mosaïque, mais aussi la loi naturelle, qui est inscrite dans le cœur de chacun, comme l'enseigne Paul en Romains, II. Le Christ lui-même résume en Matthieu, VII tous les prophètes et toutes les lois par la loi naturelle suivante : « Ce que vous voulez que les gens vous fassent, faites-leur vous aussi », car c'est en cela que consistent la loi et les prophètes. C'est ce que fait également Paul en Romains, XIII, quand il ramène tous les commandements de Moïse à l'amour, qui est lui aussi enseigné de façon intrinsèque par la loi naturelle : « Aime ton prochain comme toi-même ». Sinon, dans le cas où cela ne serait pas inscrit de façon intrinsèque dans les cœurs, il faudrait enseigner et prêcher la loi pendant longtemps avant que la conscience ne la fasse sienne. Aussi cette dernière doit-elle la découvrir et la ressentir en elle-même, sinon personne ne pourrait avoir de conscience- bien que le diable aveugle les cœurs et en prenne possession, pour que les gens ne ressentent pas ces lois en permanence. Aussi faut-il écrire et prêcher ces lois jusqu'à ce que l'action divine les illumine, de sorte qu'ils ressentent ces lois dans le cœur de la même façon qu'ils les entendent en paroles.

Or, puisque la loi mosaïque et la loi naturelle sont une seule et même chose, la loi demeure et n'est pas abolie extérieurement, mais sur le plan spirituel, par la foi, ce qui ne signifie rien d'autre qu'accomplir la loi (Romains, III). Mais ce n'est pas le moment d'aborder cette question, elle a été amplement traitée ailleurs. Aussi ce qui concerne les images, le sabbat ou tout ce que Moïse a institué allant au-delà de la loi naturelle (dans la mesure où cela ne coïncide pas avec la dite loi) est-il facultatif, superflu, aboli, et n'a été donné qu'au seul peuple juif en particulier. De la même façon, quand un empereur ou un roi promulguait dans ses domaines des lois ou ordonnances particulières, tel le Miroir des Saxons en Saxe, les lois communes et naturelles demeuraient et se maintenaient dans tous les pays, par exemple, honorer ses parents, ne pas tuer, ne pas commettre d'adultère, servir Dieu, etc. Qu'on laisse donc Moïse être le Miroir des Saxons des Juifs, et qu'on nous en dispense, nous gentils, de même qu'en France on ne tient pas compte du Miroir des Saxons, en étant pourtant en accord avec lui sur la loi naturelle, etc.

Texte n°21 : Luther, Contre les prophètes célestes, des images et de l’Eucharistie , Première partie, « De l'iconoclasme ». Pléiade II, pp. 170-171 (1) En outre, j'ai vu et entendu moi-même les iconoclastes lire ma traduction de la Bible, et je sais pour ma part qu'ils en disposent et la lisent : on s'en rend bien compte en

entendant les mots qu'ils utilisent. Or, il y a dans ces livres bien des images représentant Dieu, les anges, des hommes ou des animaux, en particulier dans l'Apocalypse de Jean et dans les livres de Moïse et de Josué. C'est pourquoi nous les prions fort courtoisement de bien vouloir nous autoriser nous aussi à faire ce qu'ils font, afin que nous puissions nous aussi peindre de telles images sur les murs, pour en faciliter la mémorisation et la compréhension, dans la mesure où elles sont aussi peu néfastes sur les murs que dans les livres. Il est bien mieux de représenter sur les murs Dieu créant le monde, Noé construisant l'arche et bien d'autres beaux épisodes bibliques, que de peindre d'autres d'autres scènes profanes et indécentes. Dieu veuille que je parvienne à convaincre les souverains et les riches de faire peindre la Bible entière à l'intérieur et à l'extérieur des maisons, devant les yeux de chacun- voilà qui serait une œuvre chrétienne.

Je sais également avec certitude que Dieu veut que l'on prenne connaissance de ses œuvres, en particulier de la Passion du Christ, par l'ouïe et par la lecture. Mais s'il faut que je l'écoute ou que je pense à elle, il m'est impossible de ne pas m'en faire une image dans mon cœur, car, que je le veuille ou non, quand j'entends le Christ, l'image d'un homme crucifié prend forme en mon cœur, de la même façon que mon visage se reflète tout naturellement dans l'eau quand j'y jette un regard. Si donc ce n'est pas pour moi un péché mais une bonne chose que d'avoir une image du Christ dans le cœur, pourquoi serait-ce un péché de l'avoir présent à la vue ? D'autant que le cœur est supérieur à la vue et est sans doute moins souillé par le péché que la vue, dans la mesure où c'est là que Dieu réside et demeure véritablement.

Mais il faut que je m'arrête là, faute de quoi, je risquerais de donner aux iconoclastes des motifs de ne plus lire la Bible ou de la brûler, et puis de s'arracher eux-mêmes le cœur de la poitrine, tant est grande leur aversion pour les images ! Je n'ai mis cela en évidence que pour qu'on se rende compte des dommages causés par la raison quand elle se mêle de ratiociner et trouve à redire sur la Parole et les œuvres divines, et pour qu'on voie ce qui se cache derrière la prétention du docteur Carlstadt, qui se vante haut et fort de posséder la Parole divine et d'avoir à souffrir énormément à cause de cette Parole divine. En effet, le diable doit aussi souffrir énormément à cause de la Parole de Dieu, non pas parce qu'il la respecte scrupuleusement, mais parce qu'il la dénature, ce qui lui permet de conforter sa malignité et ses mensonges : c'est également le cas du docteur Carlstadt, en proie à la tentation du Malin.

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 13: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 13 / 20

Texte n°22 : Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art de penser, première partie , chapitre I,

Champs/Flammarion pp. 65-67

Texte n° 23 : Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art de penser, première partie , chapitre I, pp. 67-68

Texte n°24 : Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art de penser, première partie , chapitre I, pp. 68-69

Texte n° 25 : Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art de penser, première partie , chapitre IV, pp. 80-82

Texte n°26 : Arnauld et Nicole, La Logique ou l'art de penser, première partie , chapitre IX, pp. 100-103

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 14: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 14 / 20

Texte n° 27 : Malebranche, Entretiens sur la métaphysique, sur la religion et sur la mor t, Entretien I, V

Texte n°29 : Malebranche, Traité de Morale , chapitre I, § I-VII

I. La Raison de l'homme est le Verbe, ou la sagesse de Dieu même : car toute créature est un être particulier, et la Raison de l'homme est universelle.

II. Si mon propre esprit était ma Raison et ma lumière, mon esprit serait la Raison de toutes les intelligences : car je suis sûr que ma Raison éclaire toutes les intelligences. Personne ne peut sentir ma propre douleur : tout homme peut voir la vérité que je contemple ; c'est donc que ma douleur est une modification de ma propre substance, et que la vérité est un bien commun à tous les esprits.

III. Ainsi, par le moyen de la Raison, j'ai, ou je puis avoir quelque société avec Dieu, et avec tout ce qu'il y a d'intelligences, puisque tous les esprits ont avec moi un bien commun, la Raison.

IV. Cette société spirituelle consiste dans une participation de la même substance intelligible du Verbe, de laquelle tous les esprits peuvent se nourrir. En contemplant cette divine substance, je puis voir une partie de ce que Dieu pense, car Dieu voit toute vérité, et j'en puis voir quelques unes. Je puis découvrir quelque chose de ce que Dieu veut : car Dieu ne veut que selon l'ordre, et cet ordre ne m'est pas entièrement inconnu. Certainement, Dieu aime les choses à proportions qu'elles sont aimables, et je puis découvrir qu'il y a des choses plus parfaites, plus estimables, et par conséquent plus aimables les unes que les autres.

V. Il est vrai que je ne puis en contemplant le Verbe, ou en consultant la Raison, m'assurer si Dieu produit quelque chose au dehors. Car nulle créature ne procède naturellement du Verbe : le monde n'est point une émanation nécessaire de la Divinité : Dieu se suffit pleinement à lui-même : l'idée de l'être infiniment parfait se peut concevoir toute seule. Les créatures supposent en Dieu des décrets libres, qui leur donnent l'être. Ainsi le Verbe, en tant que Verbe, ne renfermant point leur existence, on ne peut en le contemplant, s'assurer de ce que Dieu fait. Mais supposé que Dieu agisse, je puis savoir quelque chose de la manière dont il agit, et m'assurer qu'il n'agit point d'une telle ou telle manière : car ce qui règle la manière d'agir, la loi inviolable, c'est le Verbe, la Sagesse Éternelle, la Raison universelle qui me rend raisonnable, et que je puis en partie contempler selon mes désirs.

VI. En supposant que l'homme soit raisonnable, certainement on ne peut contester qu'il sache quelque chose de ce que Dieu pense, et de la manière dont Dieu agit. Car, en contemplant la substance du Verbe, qui seule me rend raisonnable, et tout ce qu'il y a d'intelligences, je puis voir clairement les rapports de grandeur qui sont entre les idées intelligibles qu'il renferme ; et ces rapports sont les vérités éternelles que Dieu voit. Car Dieu voit aussi bien que moi, que 2 fois 2 font quatre, et que les triangles qui ont même base et qui sont entre même parallèles sont égaux. Je puis aussi découvrir, du moins confusément, les rapports de perfection qui sont entre ces mêmes idées ; et ces rapports font l'ordre immuable que Dieu consulte quand il agit : ordre qui doit aussi régler l'estime et l'amour de toutes les intelligences.

VII. De là, il est évident, qu'il y a du vrai et du faux, du juste et de l'injuste ; et cela à l'égard de toutes les intelligences : que ce qui est vrai à l'égard de l'homme, est vrai à l'égard de l'Ange, et à l'égard de Dieu même ; que ce qui est injustice, ou dérèglement à l'égard de l'homme, est aussi tel à l'égard de Dieu même. Car tous les esprits contemplent la même substance intelligible, y découvrent aussi les mêmes vérités pratiques, les mêmes lois, le même ordre, lors qu'ils voient les rapports de perfection qui sont entre les êtres intelligibles que renferme cette même substance du Verbe, qui seule est l'objet de toutes nos connaissances.

Texte n° 28 : Malebranche, Conversations chrétienne s, Entretien I,

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 15: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 15 / 20

Texte n° 30 : Malebranche, La Recherche de la vérité , livre IV, chapitre XI Texte n° 31 : Leibniz, Méditations sur la connaissance, la vérité et les idées , in Opuscules philosophiques choisis , Vrin,

pp.28-29

Quant à la question discutée de savoir si nous voyons tout en Dieu (opinion d'ailleurs très ancienne, et qui, prise dans un sens raisonnable, n'est point à dédaigner absolument), ou si nous avons nos propres idées, il ne faut pas ignorer, qu'alors même que nous verrions tout en Dieu, il serait cependant nécessaire que nous ayons aussi nos propres idées, je n'entends point des espèces de petites images, j'entends des affections ou des modifications de notre esprit, correspondant à cela même que nous percevons en Dieu. Car assurément, à mesure que les pensées surgissent les unes après les autres dans notre esprit, celui-ci subit un certain changement. Et toutefois les idées des choses mêmes auxquelles nous ne pensons pas actuellement sont dans notre esprit, comme la forme d'Hercule est dans le bloc de marbre. Mais en Dieu se trouvent nécessairement et en acte, non seulement l'idée de l’étendue absolue et infinie, mais encore les idées de toutes les figures qui ne sont rien d'autre que des modifications de l'étendue absolue. D'ailleurs, lorsque nous percevons des couleurs ou des odeurs, nous n'avons point d'autre perception que celle de figures et de mouvements, mais de figures et de mouvements tellement nombreux et tellement petits, que notre esprit, dans son état actuel, n'a pas la capacité de les considérer distinctement un à un. Par suite, il ne remarque pas que sa perception n'est qu'un composé de perceptions de figures et de mouvements extrêmement petits. Ainsi, en regardant un mélange de fines poudres jaunes et bleues, nous percevons une couleur verte ; cependant nous ne sentons pas autre chose que du jaune et du bleu très finement mélangés, bien que nous ne le remarquions pas et que nous nous figurions plutôt quelque être nouveau.

Texte n°32 : Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain , Livre II, chapitre 29 : « Des idées claires et

obscures, distinctes et confuses ».

Plilalèthe. Si un homme parle d'une figure de mille côtés, l'image de cette figure peut être fort obscure dans son esprit, quoi que celle du nombre y soit fort distincte.Théophile. Cet exemple ne convient point ici ; un polygone régulier de mille côtés est connu aussi distinctement que le nombre millénaire, parce qu'on peut y découvrir et démontrer toutes sortes de vérités.Philalèthe. Mais on n'a point d'idée précise d'une figure de mille côtés, de sorte qu'on la puisse distinguer d'une autre, qui n'a que neuf cent nonante-neuf côtés.Théophile. Cet exemple fait voir qu'on confond ici l'idée avec l'image. Si quelqu'un me propose un polygone régulier, la vue et l'imagination ne me sauraient point faire comprendre le millénaire qui y est ; je n'ai qu'une idée confuse et de la figure et de son nombre, jusqu'à ce que je distingue le nombre en comptant. Mais, l'ayant trouvé, je connais très bien la nature et les propriétés du polygone proposé, en tant qu'elles sont celles du chiliogone, et par conséquent j'en ai cette idée, mais je ne saurais avoir l'image d'un chiliogone, et il faudrait qu'on eût les sens et l'imagination plus exquis et plus exercés pour le distinguer par là d'un polygone qui eût un côté de moins. Mais les connaissances des figures non plus que celles des nombres ne dépendent pas de l'imagination, quoiqu'elle y serve ; et un mathématicien peut connaître exactement la nature d'un ennéagone et d'un décagone parce qu'il a le moyen de les fabriquer et de les examiner, quoiqu'il ne puisse point les discerner à la vue.

DM à faire pour le : …...................................................

UN ANIMAL DANS LA LUNE […]

[...]J'aperçois le Soleil ; quelle en est la figure ?Ici-bas ce grand corps n'a que trois pieds de tour :Mais si je le voyais là-haut dans son séjour,Que serait-ce à mes yeux que l’œil de la nature ?Sa distance me fait juger de sa grandeur ;Sur l'angle et les côtés ma main la détermine ;L'ignorant le croit plat, j'épaissis sa rondeur ;Je le rends immobile, et la terre chemine.Bref je démens mes yeux en toute sa machine.Ce sens ne me nuit point par son illusion. Mon âme en toute occasionDéveloppe (6) le vrai caché sous l'apparence. Je ne suis point d'intelligenceAvecque mes regards peut-être un peu trop prompts,

Ni mon oreille lente à m'apporter les sons.Quand l'eau courbe un bâton, ma raison le redresse, La raison décide en maîtresse. Mes yeux, moyennant ce secours,Ne me trompent jamais, en me mentant toujours.Si je crois leur rapport, erreur assez commune,Une tête de femme est au corps de la lune.Y peut-elle être ? Non. D'où vient donc cet objet ?Quelques lieux inégaux font de loin cet effet.La Lune nulle part n'a sa surface unie :Montueuse en des lieux, en d'autres aplanie,L'ombre avec la lumière y peut tracer souvent, Un homme, un bœuf, un éléphant.[…]

Jean DE LA FONTAINE, Fables, livre VII, 1678

Question d’interprétation littéraire :

Cette fable ne fait-elle que célébrer une représentation rationnelle de l’univers ?

Question de réflexion philosophique :

L’imagination et la raison s’opposent-elles, dans la construction de la connaissance ? Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 16: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 16 / 20

Texte n° 33 : Leibniz, Méditations sur la connaissance, la vérité et les idées , in Opuscules philosophiques choisis , Vrin, pp. 12-23

Puisque, aujourd'hui, des controverses se poursuivent entre des hommes éminents sur les vraies et les fausses idées, et que ce sujet, bien qu'étant de la plus grande importance pour la connaissance de la vérité, ne se trouve pas traité d'une façon pleinement satisfaisante dans Descartes lui-même, il me semble à propos d'expliquer en peu de mots ce qui, à mon avis, doit être affirmé relativement aux distinctions et aux critères des idées et des connaissances. Or, une connaissance est ou obscure ou claire ; une connaissance claire est à son tour confuse ou distincte ; une connaissance distincte est ou inadéquate ou adéquate, et encore ou symbolique ou intuitive ; si elle est en même temps adéquate et intuitive, elle est la plus parfaite possible.

Une notion est obscure quand elle ne suffit pas pour reconnaître la chose représentée. Ainsi je puis avoir un certain souvenir de quelque fleur ou de quelque animal vu jadis, trop peu cependant pour que je sois capable de le reconnaître s'il m'est présenté ou de le distinguer d'un animal qui lui ressemble. C'est encore le cas si je considère un terme insuffisamment expliqué dans l’École, tel que l'Entéléchie d'Aristote ou le terme de cause, puisqu'il peut désigner également la cause matérielle, la cause formelle, la cause efficiente et la cause finale, et d'autres termes semblables dont nous n'avons aucune définition précise ; ce qui rend également obscure toute proposition dans laquelle entre une telle notion. Une connaissance est donc claire lorsqu'elle suffit pour me faire reconnaître la chose représentée, et cette connaissance est à son tour ou confuse ou distincte. Elle est confuse , lorsque je ne peux pas énumérer une à une les marques suffisantes pour distinguer la chose d'entre les autres, bien que cette chose présente en effet de telles marques et les éléments requis, en lesquels sa notion puisse être décomposée. C'est ainsi que nous reconnaissons assez clairement les couleurs, les odeurs, les saveurs et les autres objets particuliers des sens, et que nous les distinguons les uns des autres, mais par le simple témoignage des sens et non par des marques que nous puissions énoncer. C’est pourquoi nous ne saurions expliquer à un aveugle ce que c'est que le rouge, et nous ne pouvons faire connaître à d'autres de telles qualités, si nous ne les mettons en présence de la chose même et la leur faisons voir, flairer ou goûter, ou si tout au moins nous ne leur rappelons certaines sensations semblables qu'ils ont éprouvées dans le passé ; cependant il est certain que les notions de ces qualités sont composées et peuvent être décomposées, puisque chacune des qualités à une cause. De même nous voyons que les peintres et les autres artistes reconnaissent très bien ce qui est bien fait et ce qui est mal fait, mais que souvent ils ne peuvent donner les raisons de leurs jugements et répondent, lorsqu'on les questionne, que dans l’œuvre qui leur déplaît il manque un je ne sais quoi. Une notion distincte est pareille à celle que les essayeurs ont de l'or : laquelle leur permet de distinguer l'objet de tous les autres corps, par des signes distinctifs et des moyens de contrôle suffisants. Telles sont d'ordinaire les notions communes à plusieurs sens : celles de nombre, de grandeur de figure, ainsi que les notions de beaucoup d'affections de notre âme, comme l'espoir ou la crainte, bref, les notions de toutes les choses dont nous avons une définition nominale, qui n'est autre chose qu'une énumération de marques suffisantes. Il y a cependant aussi connaissance distincte pour une notion indéfinissable, à savoir quand cette notion est primitive, c'est-à-dire à elle-même sa propre marque, ce qui signifie qu'elle ne peut être décomposée, qu'elle ne saurait être comprise que par elle-même et par conséquent n'a pas d'éléments constitutifs. Quant aux notions composées, il peut arriver que les notions singulières qui les composent soient elles-mêmes connues clairement mais pourtant confusément : ainsi sont connus par exemple le poids, la couleur, l'effet de l'eau-forte et d'autres notions comprises dans la notion d'or :c'est pourquoi, bien qu'elles permettent de l'or une connaissance distincte, celle-ci reste inadéquate. Mais quand tout ce qui entre dans une notion distincte est à son tour distinctement connu, ou bien quand l'analyse est menée jusqu'au bout, la notion est adéquate. Je doute cependant que les hommes puissent en donner un seul exemple parfait ; toutefois les notions des nombres s'en approchent beaucoup. Mais le plus souvent et surtout si l'analyse est très longue, nous n'embrassons pas toute la nature de la chose à la fois ; nous substituons alors aux choses des signes dont, pour abréger, nous avons coutume d'omettre l'explication dans le travail actuel de la pensée, sachant ou croyant que cette explication est en notre possession. Ainsi, lorsque je pense à un chiliogone, c'est-à-dire à un polygone de mille côtés, je ne considère pas toujours ce qu'est un côté, une égalité, le nombre mille (ou le cube de dix), mais je me sers mentalement de ces mots, pour qu'ils tiennent lieu des idées que j'ai de ces choses, - bien que sans doute j'aie le sens de ces mots confusément et imparfaitement présent à l'esprit,- parce que j'ai conscience de posséder la signification de ces mots et que j'estime que l'explication n'en est pas nécessaire pour le moment. J'appelle cette connaissance aveugle ou encore symbolique ; nous en faisons un usage dans l'algèbre et dans l'arithmétique et presque en tout domaine. Et sans doute, lorsque la notion est très composée, nous ne pouvons embrasser à la fois par la pensée toutes les notions qu'elle enveloppe ; mais quand cela peut se faire, j'appelle cette connaissance intuitive. D'une notion distincte et primitive il n'y a pas d'autre connaissance possible que la connaissance intuitive, de même que d'une notion composée la connaissance n'est, le plus souvent, que symbolique.

D'où il apparaît que, même des choses distinctement connues, nous ne percevons les idées qu'autant que nous recourrons à la pensée intuitive. Il arrive toutefois souvent que nous croyons à tort avoir dans l'esprit les idées des choses, parce que nous supposons faussement que nous avons déjà expliqué certains termes dont nous nous servons. Et il n'est certainement pas vrai et ou du moins il prête à équivoque d'avancer avec quelques auteurs(1), que nous ne pouvons parler d'une chose, en comprenant ce que nous disons, à moins de posséder l'idée de cette chose. Car souvent nous comprenons en quelque manière chacun des mots, ou nous nous rappelons les avoir compris auparavant ; mais comme nous nous contentons de cette pensée aveugle, sans pousser assez loin l'analyse des notions, il arrive qu'une contradiction, impliquée peut-être dans la notion composée, nous échappe. J'ai été autrefois amené à examiner cette question de plus près, à l'occasion de la démonstration de l'existence de Dieu, depuis longtemps célèbre parmi les Scolastiques et renouvelée par Descartes, qu'on présente ainsi : Tout ce qui suit de l'idée ou de la définition d'une chose peut être affirmé de la chose même. Or, l'existence suit de l'idée de Dieu, c'est-à-dire de l'être le plus parfait ou le plus grand qui se puisse concevoir. Car l'être le plus parfait implique toutes les perfections, parmi lesquelles il faut compter aussi l'existence. Donc l'existence peut être affirmée de Dieu. Mais à la vérité on ne peut conclure de cet argument que ceci : si Dieu est possible, alors il s'ensuit qu'il existe. Car nous ne pouvons nous servir avec assurance des définitions, pour en tirer des conclusions certaines, avant de savoir qu'elles sont réelles ou qu'elles n'impliquent aucune contradiction. La raison en est que des notions impliquant contradiction on peut tirer des conclusions contradictoires, ce qui est absurde. J'ai coutume, lorsque je veux expliquer cette vérité, d'invoquer l'exemple du mouvement le plus rapide, qui contient une absurdité. Supposé donc qu'une roue tourne avec la plus grande vitesse, qui ne voit qu'un rayon de cette roue, si nous le prolongeons, se mouvra plus vite à l'extrémité de la prolongation qu'un clou sur la circonférence de la roue même ? Ce dernier mouvement n'est donc pas le plus rapide, ce qui contredit l'hypothèse. Cependant, au premier abord, il peut sembler que nous possédons l'idée du mouvement le plus rapide ; car nous comprenons parfaitement ce que nous disons, et néanmoins de choses impossibles nous ne possédons absolument aucune idée. Pour les mêmes raisons il ne suffit pas que nous pensions à l'Être le plus parfait, pour pouvoir assurer que nous en avons une idée. Dans la démonstration dont il vient d'être question, il faut prouver ou supposer la possibilité de cet Être, si l'on veut que la conclusion vaille. Toutefois, il est très vrai que nous avons l'idée de Dieu et que l'Être le plus parfait est possible et même nécessaire (2). L’argument cependant n'est pas assez concluant, et saint Thomas d d'Aquin l'avait déjà rejeté.

(1) A ce sujet, voir Arnauld et Nicole, texte n°23

(2) La possibilité de Dieu se prouve ainsi : "L'argument se déroule comme suit. Chaque qualité simple, ou absolue, positive et indéfinissable, et exprimant son objet sans limite est une perfection. Toutes ces qualités peuvent être les prédicats d'un seul et même sujet. Supposons donc que deux d'entre elles, A et B, sont incompatibles. Leur incompatibilité, dit Leibniz, ne peut être prouvée sans qu'on les résolve, car autrement leur nature n'entrerait pas dans le raisonnement. Mais elles sont toutes deux insolubles. Et leur incompatibilité, pense Leibniz, ne peut pas non plus être connue par soi. Par conséquent, A et B ne sont pas incompatibles, et un tel sujet est possible. Et si l'existence est une perfection, un tel sujet existe." (Bertrand Russell, A critical exposition of the philosophy of Leibniz, §108, traduit par M. Harpon)

Texte n° 33 : Leibniz, Système Nouveau de la Nature, et de la Communication des substances..., §14

Étant donc obligé d’accorder qu’il n’est pas possible que l’âme ou quelque autre véritable substance puisse recevoir quelque chose par dehors, si ce n’est pas la toute-puissance divine, je fus conduit insensiblement à un sentiment qui me surprit, mais qui paraît inévitable, et qui en effet a des avantages très grands et des beautés bien considérables. C’est qu’il faut donc dire que Dieu a créé d’abord l’âme, ou toute autre unité réelle, en sorte que tout lui naisse de son propre fonds, par une parfaite spontanéité à l’égard d’elle-même, et pourtant avec une parfaite conformité aux choses de dehors. Et qu’ainsi nos sentiments intérieurs, c’est-à-dire, qui sont dans l’âme même, et non pas dans le cerveau, ni dans les parties subtiles du corps, n’étant que des phénomènes suivis sur les êtres externes, ou bien des apparences véritables et comme des songes bien réglés, il faut que ces perceptions internes dans l’âme même lui arrivent par sa propre constitution originale, c’est-à-dire par la nature représentative (capable d’exprimer les êtres hors d’elle par rapport à ses organes) qui lui a été donnée dès sa création, et qui fait son caractère individuel. Et c’est ce qui fait que chacune de ces substances, représentant exactement tout l’univers à sa manière, et suivant un certain point de vue, et les perceptions ou expressions des choses externes arrivant à l’âme à point nommé, en vertu de ses propres lois, comme dans un monde à part, et comme s’il n’existait rien que Dieu et elle (pour me servir de la manière de parler d’une certaine personne d’une grande élévation d’esprit, dont la sainteté est célébrée), il y aura un parfait accord entre toutes ces substances, qui fait le même effet qu’on remarquerait si elles communiquaient ensemble par une transmission des espèces, ou des qualités que le vulgaire des philosophes s’imagine. De plus, la masse organisée, dans laquelle est le point de vue de l’âme, étant exprimée plus prochainement par elle, et se trouvant réciproquement prête à agir d’elle-même, suivant les lois de la machine corporelle, dans le moment que l’âme le veut, sans que l’un trouble les lois de l’autre, les esprits et le sang ayant justement alors les mouvements qu’il leur faut pour répondre aux passions et aux perceptions de l’âme ; c’est ce rapport mutuel réglé par avance dans chaque substance de l’univers, qui produit ce que nous appelons leur communication, et qui fait uniquement l’union de l’âme et du corps. Et l’on peut entendre par là comment l’âme a son siège dans le corps par une présence immédiate, qui ne saurait être plus grande, puisqu’elle y est comme l’unité est dans le résultat des unités qui est la multitude.

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 17: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 17 / 20

Appendice n° 1 : Grilles de conseils pour la « question de réflexion philosophique ».

Auto-évaluation de l'élève Évaluation de l'enseignant

1 Définir

Une partie de mon texte tient visiblement lieu de définition des notions.

Mes « définitions » sont formulées dans une langue grammaticalement correcte.

Mes « définitions » sont intelligibles.

Mes « définitions » sont rédigées en phrases simples et courtes.

Mes définitions ne sont pas des exemples ni des explications.

Mes définitions ne sont pas circulaires.

Mes définitions ont la forme canonique : genre+différence spécifique.

2 Problématiser

Une partie de mon texte tient visiblement lieu de problématisation.

Ma problématisation est formulée dans une langue grammaticalement correcte.

Ma problématisation est intelligible mais exige un effort de compréhension.

Ma problématisation est rédigée en phrases simples et courtes articulées explicitement par des connecteurs appropriés.

Ma problématisation rend séduisante au moins deux réponses possibles à la question posée.

Ma problématisation s'appuie sur l'autorité du sens commun, de l'expérience ordinaire, d'un texte poétique ou spirituel.

Ma problématisation s'appuie sur les seules définitions.

3 Argumenter :

Mon argumentation se distingue par des lignes sautées au début et à la fin.

Mon argumentation est rédigée dans une langue grammaticalement correcte.

Mon argumentation est rédigée en paragraphes distincts.

Mon argumentation est rédigée en paragraphes distincts débouchant chacun sur un résultat : l'affirmation ou la

négation d'une hypothèse.

Mon argumentation s'achève par une réponse explicite à la question posée.

Mon argumentation évite les confusions entre les notions contraires (croire/savoir, sujet/objet, agent/patient...)

Mon argumentation évite les confusions entre les notions voisines (croire/penser, passion/objet de passion...)

Mon argumentation évite les arguments d'autorité, les arguments ad hominem et les autres manifestations de « l'effet

de halo ».

Mon argumentation évite les pétitions de principe et les raisonnements circulaires.

Mon argumentation évite l'affirmation du conséquent et la négation de l'antécédent.

Mon argumentation s'achève par une réponse à la question posée découlant des résultats des paragraphes qui la précèdent.

Mon argumentation montre une progression explicite à travers l'emploi de connecteurs appropriés.

Mon argumentation mentionne la référence du texte auquel elle emprunte un argument.

Mon argumentation cite un court passage du texte auquel elle emprunte un argument.

4 Conclure :

Ma conclusion répond explicitement à la question posée.

Ma conclusion la justifie par un résumé de l'argumentation.

1 Définir

Une partie de mon texte tient visiblement lieu de définition des notions.

Mes « définitions » sont formulées dans une langue grammaticalement correcte.

Mes « définitions » sont intelligibles.

Mes « définitions » sont rédigées en phrases simples et courtes.

Mes définitions ne sont pas des exemples ni des explications.

Mes définitions ne sont pas circulaires.

Mes définitions ont la forme canonique : genre+différence spécifique.

2 Problématiser

Une partie de mon texte tient visiblement lieu de problématisation.

Ma problématisation est formulée dans une langue grammaticalement correcte.

Ma problématisation est intelligible mais exige un effort de compréhension.

Ma problématisation est rédigée en phrases simples et courtes articulées explicitement par des connecteurs appropriés.

Ma problématisation rend séduisante au moins deux réponses possibles à la question posée.

Ma problématisation s'appuie sur l'autorité du sens commun, de l'expérience ordinaire, d'un texte poétique ou spirituel.

Ma problématisation s'appuie sur les seules définitions.

3 Argumenter :

Mon argumentation se distingue par des lignes sautées au début et à la fin.

Mon argumentation est rédigée dans une langue grammaticalement correcte.

Mon argumentation est rédigée en paragraphes distincts.

Mon argumentation est rédigée en paragraphes distincts débouchant chacun sur un résultat : l'affirmation ou la

négation d'une hypothèse.

Mon argumentation s'achève par une réponse explicite à la question posée.

Mon argumentation évite les confusions entre les notions contraires (croire/savoir, sujet/objet, agent/patient...)

Mon argumentation évite les confusions entre les notions voisines (croire/penser, passion/objet de passion...)

Mon argumentation évite les arguments d'autorité, les arguments ad hominem et les autres manifestations de « l'effet

de halo ».

Mon argumentation évite les pétitions de principe et les raisonnements circulaires.

Mon argumentation évite l'affirmation du conséquent et la négation de l'antécédent.

Mon argumentation s'achève par une réponse à la question posée découlant des résultats des paragraphes qui la précèdent.

Mon argumentation montre une progression explicite à travers l'emploi de connecteurs appropriés.

Mon argumentation mentionne la référence du texte auquel elle emprunte un argument.

Mon argumentation cite un court passage du texte auquel elle emprunte un argument.

4 Conclure :

Ma conclusion répond explicitement à la question posée.

Ma conclusion la justifie par un résumé de l'argumentation.

Note A] Note B] (en cas de réécriture Note C] (en cas de réécriture)

…......................................................................... …......................................................................... ….........................................................................

Attention : les grilles ci-dessus ne sont pas un barème.

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 18: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 18 / 20

Appendice n°2 : Grilles d'évaluation pour la « question d'inteprétation philosophique ».Auto-évaluation de l'élève Évaluation de l'enseignant

1. Définir :

Une partie de mon texte tient visiblement lieu de définition des notions.

Mes « définitions » sont formulées dans une langue grammaticalement correcte.

Mes « définitions » sont intelligibles.

Mes « définitions » sont rédigées en phrases simples et courtes.

Mes définitions ne sont pas des exemples ni des explications.

Mes définitions ne sont pas circulaires.

Mes définitions ont la forme canonique : genre+différence spécifique.

2. Problématiser :

Une partie de mon texte tient visiblement lieu de problématisation.

Ma problématisation est formulée dans une langue grammaticalement correcte.

Ma problématisation est intelligible mais exige un effort de compréhension.

Ma problématisation est rédigée en phrases simples et courtes articulées explicitement par des connecteurs appropriés.

Ma problématisation rend séduisante au moins deux réponses possibles à la question posée.

Ma problématisation s'appuie sur l'autorité du sens commun, de l'expérience ordinaire, d'un texte poétique ou spirituel.

Ma problématisation s'appuie sur les seules définitions.

3 Argumenter :

Mon explication se distingue par des lignes sautées au début et à la fin.

Mon explication est rédigée dans une langue grammaticalement correcte.

Mon explication est rédigée en paragraphes distincts.

Mon explication est rédigée en paragraphes distincts débouchant chacun sur un résultat : l'affirmation ou la

négation d'une hypothèse.

Mon explication s'achève par une réponse explicite à la question posée.

Mon explication évite les confusions entre les notions contraires (croire/savoir, sujet/objet, agent/patient...)

Mon explication évite les confusions entre les notions voisines (croire/penser, passion/objet de passion...)

Mon explication évite les arguments d'autorité, les arguments ad hominem et les autres manifestations de « l'effet de halo ».

Mon explication évite les pétitions de principe et les raisonnements circulaires.

Mon explication évite l'affirmation du conséquent et la négation de l'antécédent.

Mon explication s'achève par une réponse à la question posée découlant des résultats des paragraphes qui la précèdent.

Mon explication montre une progression explicite à travers l'emploi de connecteurs appropriés.

Mon explication cite un court passage du texte auquel elle emprunte un argument.

4. Conclure :

Ma conclusion répond explicitement à la question posée.

Ma conclusion la justifie par un résumé de l'argumentation.

1. Définir :

Une partie de mon texte tient visiblement lieu de définition des notions.

Mes « définitions » sont formulées dans une langue grammaticalement correcte.

Mes « définitions » sont intelligibles.

Mes « définitions » sont rédigées en phrases simples et courtes.

Mes définitions ne sont pas des exemples ni des explications.

Mes définitions ne sont pas circulaires.

Mes définitions ont la forme canonique : genre+différence spécifique.

2. Problématiser :

Une partie de mon texte tient visiblement lieu de problématisation.

Ma problématisation est formulée dans une langue grammaticalement correcte.

Ma problématisation est intelligible mais exige un effort de compréhension.

Ma problématisation est rédigée en phrases simples et courtes articulées explicitement par des connecteurs appropriés.

Ma problématisation rend séduisante au moins deux réponses possibles à la question posée.

Ma problématisation s'appuie sur l'autorité du sens commun, de l'expérience ordinaire, d'un texte poétique ou spirituel.

Ma problématisation s'appuie sur les seules définitions.

3 Argumenter :

Mon explication se distingue par des lignes sautées au début et à la fin.

Mon explication est rédigée dans une langue grammaticalement correcte.

Mon explication est rédigée en paragraphes distincts.

Mon explication est rédigée en paragraphes distincts débouchant chacun sur un résultat : l'affirmation ou la

négation d'une hypothèse.

Mon explication s'achève par une réponse explicite à la question posée.

Mon explication évite les confusions entre les notions contraires (croire/savoir, sujet/objet, agent/patient...)

Mon explication évite les confusions entre les notions voisines (croire/penser, passion/objet de passion...)

Mon explication évite les arguments d'autorité, les arguments ad hominem et les autres manifestations de « l'effet de halo ».

Mon explication évite les pétitions de principe et les raisonnements circulaires.

Mon explication évite l'affirmation du conséquent et la négation de l'antécédent.

Mon explication s'achève par une réponse à la question posée découlant des résultats des paragraphes qui la précèdent.

Mon explication montre une progression explicite à travers l'emploi de connecteurs appropriés.

Mon explication cite un court passage du texte auquel elle emprunte un argument.

4. Conclure :

Ma conclusion répond explicitement à la question posée.

Ma conclusion la justifie par un résumé de l'argumentation.

Note A] Note B] (en cas de réécriture Note C] (en cas de réécriture)

…......................................................................... …......................................................................... ….........................................................................Attention, ces grilles ne sont pas des barêmes.

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 19: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 19 / 20

Appendice 3: Exercices de problématisation

I] Lisez chacune de ces questions. Placez chacune sous la ou les œuvres ou extraits d’œuvres qui aident à la problématiser.Faut-il se méfier des signes ? Puis-je me fier à mes représentations ? Peut-on s'examiner soi-même ? Mes paroles perdent-elles leur valeur si je

ne les pense pas ?

Les hommes peuvent-ils se comprendre mutuellement ?

Les représentations du monde le révèlent-elles ou l'occultent-elles ?

Représenter Dieu, est-ce possible ? L’œuvre d'art révèle-t-elle ou occulte-t-elle le réel ?

René Margitte, La Reproduction interdite, 1937 William Blake, The Ancient of Days, 1794

René Magritte, Les Promenades d'Euclide, 1955

Baudelaire, « Élévation », Fleurs du Mal

Derrière les ennuis et les sombres chagrinsQui chargent de leur poids l’existence brumeuse, Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuseS’élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes, Vers les cieux le matin prennent un libre essor, — Qui plane sur la vie, et comprend sans effortLe langage des fleurs et des choses muettes !

…..............................................................................................................................................................................................................

…..............................................................................................................................................................................................................

…..............................................................................................................................................................................................................

…..............................................................................................................................................................................................................

Fresque de la synagogue de Doura Europos (Syrie), 244-245

Magritte, Les Amants, 1928

Albert Bierstadt, Among the Sierra Nevada, 1868

Américain d'origine allemande, chef de file de l’École de l'Hudson, Bierstedt peint ce

paysage américain dans son atelier...italien !

Euripide, Hippolyte

LA NOURRICE.Ô fils, ne viole pas ton serment !

HIPPOLYTOS.La bouche a juré, mais non mon cœur.

…..............................................................................................................................................................................................................

…..............................................................................................................................................................................................................

…..............................................................................................................................................................................................................

…..............................................................................................................................................................................................................

II]Pour 2 des questions soulignées, rédigez une partie de problématisation en utilisant une des œuvres ci-dessus présentées.…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................

…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................…...................................................................................................................

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.

Page 20: HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon ...cas difficiles, à on utilisera un dictionnaire de langue (le Littré, disponible en ligne ou le Robert) ou encore, à de rares

HLP/Philosophie (supports pour les cours de M.Harpon), page 20 / 20

Annexe n°4 : Exercices de problématisation : Les exercices I] à III] empruntent à quatre textes religieux majeurs.

La Bible Le Mahabharata Les Bhagavata Purana Le Coran

Texte sacré commun au judaïsme et au christianisme, la Bible comporte, dans le christianisme des ajouts spécifiques : le Nouveau Testament (NT). Comprenant notamment La Torah ou Pentateuque, l'Ancien Testament est rédigé du huitième au deuxième siècle avant J-C, en hébreu, puis traduit en grec. Le Nouveau Testament, s'écrit aux premiers et deuxièmes siècles de notre ère. Au quatrième siècle, Jérôme de Stridon en donne une traduction latine : la Vulgate, dépourvue de concurrentes majeures jusqu'aux traductions en langues vernaculaires de la Renaissance.

Epopée sanskrite de 200 000 vers et 1,8 millions de mots, le Mahabharata (La Guerre des Bharata) raconte une guerre fratricide entre des rois aimés et haïs des dieux. Sa rédaction rue au moins de -400 au quatrième siècle de l'ère chrétienne. Appelée Bhagavad Gîtâ (Le Chant du Bienheureux Seigneur), sa partie centrale est un dialogue philosophique entre le prince Arjuna et son conducteur de char, Krishna, dont il ignore la nature divine.

Rédigé entre le huitième et le dixième siècle de notre ère, le Bhagavata Purana (Contes anciens des disciples du Seigneur) est un texte sacré majeur de l'hindouisme, notamment du vhisnouisme. L'un de ses passages majeurs, l'Uddhava Gîtâ, rapporte les dernières paroles de Krishna, avatar ou « incarnation » de Vishnou, à son ami et disciple Uddhava.

Probablement rédigé de 610 à 632, le Coran est le texte sacré de l'Islam. Il rapporte le paroles de l'ange Gabriel/Djibril à Mahomet/Muhammad, que les musulmans considèrent comme le dernier prophète. Comme beaucoup d'autres, la Sourate X, Jonas , évoque des événements et des personnages bibliques, dont le prophète Jonas (dont le nom n'apparaît paradoxalement qu'au verset 98 de la Sourate) mais aussi le Pharaon de l'Exode.

I] sources bibliques : A) Sous chaque verset biblique, recopiez la question ou les questions qu'il aide à problématiser.

Peut-on créer par la parole ?

Suis-je coupable si j'ai seulement parlé ?

Faut-il se méfier de la rhétorique ?

Faut-il se fier aux signes ? Y-a-t-il une bonne rhétorique ?

Peut-on blesser par des paroles ?

« La langue des sages rend la science aimable, Et la bouche des insensés répand la folie. » Proverbes, 15 : 2

« Je disais: Je veillerai sur mes voies, De peur de pécher par ma langue ; Je mettrai un frein à ma bouche, Tant que

le méchant sera devant moi. » Psaumes, 39 : 2

« Au milieu d'hommes qui ont pour dents la lance et les flèches, Et dont la langue est un glaive tranchant. »

Psaumes, 57 : 5

….......................................................................................... ….......................................................................................... …..........................................................................................

« Et l'Éternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit: Le serpent m'a séduite, et j'en ai

mangé. » Genèse, 3 : 13

« La langue aussi est un feu ; c'est le monde de l'iniquité. La langue est placée parmi nos membres, souillant tout le corps, et enflammant le cours de la vie, étant elle-même

enflammée par la géhenne. » Jacques, 3 : 6 (NT)

« Il a rendu ma bouche semblable à un glaive tranchant, Il m'a couvert de l'ombre de sa main ; Il a fait de moi une

flèche aiguë, Il m'a caché dans son carquois. » Esaïe, 49:2

….......................................................................................... ….......................................................................................... …..........................................................................................

« Dieu dit: Que la lumière soit ! Et la lumière fut. » Genèse, 1 : 3

« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. » Jean 1 : 1 (NT)

« Et la bête fut prise, et avec elle le faux prophète, qui avait fait devant elle les prodiges par lesquels il avait

séduit ceux qui avaient pris la marque de la bête et adoré son image. Ils furent tous les deux jetés vivants dans

l'étang ardent de feu et de soufre. » Apocalypse, 19 : 20 (NT)

….......................................................................................... ….......................................................................................... …..........................................................................................

B) Laquelle des citations ci-dessus est la plus célèbre ? Donnez-en la version latine : …...............................................................................................C) Sur une feuille de copie portant mention de votre classe et de votre nom, problématisez les questions soulignées dans la liste de cet exercice.

II] sources coraniques : A) Reliez chaque question au(x) verset(s) de la dixième Sourate (Jonas) qui aident à la problématiser.

Plusieurs d'entre eux t'écoutent.Feras-tu entendre les sourds alors qu'ils ne comprennent rien ? (10 : 42)

Faut-il se fier aux signes ?

« Est-ce à toi de contraindre les hommes à être croyants,alors qu'il n'appartient à personne de croire

sans la permission de Dieu ? » (10 :100)

Faut-il s'inquiéter de l'erreur des autres ?

« Mais aujourd'hui, nous allons te sauver en ton corpsafin que tu deviennes un Signe

pour ceux qui viendront après toi.Cependant, un grand nombre d'hommes

sont complètement insouciants à l'égard de nos signes. » (10 : 92)

La vertu peut-elle s'enseigner ?

« Si tu es dans le doute au sujet de notre Révélation,interroge ceux qui ont lu le Livre avant toi. » (10 : 94)

Faut-il se fier à la parole des sages ?

B) Sur une copie simple portant votre classe, votre nom et votre prénom, problématisez les questions soulignées dans l'activité II]A)III] sources hindoues :

A) Vous trouverez plus bas des extraits de deux chants sacrés de l'hindouisme. Sous chaque vers, recopiez la question ou les questions qu'il aide à problématiser.

« En discours fleuris, ô fils de Prithâ, les hommes sans clairvoyance, avocats

passionnés de la lettre védique, proclament et s'en vont affirmant : « Il n'est rien d'autre qui vaille ! » Bhagavad Gîtâ, Chant II, vers

42

« Encore une fois, Janärdana, raconte—moi tout au long ta puissance yogique et sa

manifestation. Car je ne me rassasie pas d'entendre ta parole ambroisiaque. »

Bhagavad Gîtâ, chant10, vers18

« Quelque action qu'un homme entreprenne, qu'elle soit corporelle, vocale

ou mentale, qu'elle soit correcte ou pervertie, ce sont bien là les cinq causes »

Bhagavad Gîtâ, chant 18,15

« Mon égarement est dissipé ; grâce à toi, Acyuta, j'ai recouvré ma présence d'esprit.

Me voici debout, libéré du doute. J'exécuterai ton commandement. » Bhagavad Gîtâ, Chant 18, vers 73

….................................................................. ….................................................................. ….................................................................. …..................................................................

« Cet homme tombé dans cet abîme,mordu par le serpent du Temps,assoiffé de plaisirs dérisoires, sauve-le par ta compassion,

inonde-le, Seigneur de paroles libératrices »Uddhava Gîtâ, chant 14, vers 10

« C'est ainsi que chez les hommesdont la pensée se disperseau gré d'un discours fleuri,

qui sont pleins d'eux-mêmes, totalement rigides,

la moindre information sur moi ne les attire pas. »

Uddhava Gîtâ, chant 16, vers 34

« Cette réalité unique, sans différentiation, hors de portée de la parole et de la pensée,

cette vérité, sous la forme du fruit de la création,

devient double » Uddhava Gîtâ, Chant 19, vers 3

La vertu peut-elle s'enseigner ?

Y-a-t-il une bonne rhétorique ?

Est-ce au ses littéral qu'une parole sacrée

est vraie ?

Dire, est-ce faire ?

Y-a-t-il de l'indicible ?

….................................................................. ….................................................................. …..................................................................

B) Sur une copie simple portant votre classe, votre nom et votre prénom, problématisez les questions soulignées dans l'activité III]A)

Document-élève conçu par Marc Harpon, professeur de philosophie.