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Mémoire soutenu le 25 juin 2007 par Anne-Laure GOUINEAU Le conseil interne,outil performant de pilotage des trajectoires professionnelles des seniors Pour le diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon Section entreprises et collectivités locales (ECO) Promotion 2007 Directeur de mémoire : David Piovesan : maître de conférence en sciences de gestion à l’université Lyon 3 Anne Blanc-Boge : maître de conférence en conférences de gestions à l’IEP de Lyon

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  • Mémoire soutenu le 25 juin 2007par Anne-Laure GOUINEAU

    Le conseil interne,outil performant depilotage des trajectoires professionnellesdes seniors

    Pour le diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques de LyonSection entreprises et collectivités locales (ECO)

    Promotion 2007Directeur de mémoire : David Piovesan : maître de

    conférence en sciences de gestion à l’université Lyon 3Anne Blanc-Boge : maître de conférence

    en conférences de gestions à l’IEP de Lyon

  • Table des matièresREMERCIEMENTS . . 5Introduction . . 6

    L’emploi des seniors en France : une situation problématique . . 6Une tranche d’âge ambiguë . . 6De nombreuses discriminations professionnelles . . 7La question du pilotage des trajectoires professionnelles des seniors . . 7Constats croisés : macroéconomie / microéconomie . . 8L’opportunité du conseil interne . . 8Qu’entendons-nous par « conseil interne » ? . . 8Conseil et audit : quelles différences ? . . 9Conseil interne et emploi des seniors . . 10Méthodologie du mémoire . . 10Pertinence du sujet . . 10Un ancrage dans la réalité du terrain . . 11Construction du rapport . . 12

    I. Valoriser en interne l’expertise des seniors . . 13A. Pertinence économique du conseil interne . . 13

    1. Le consultant interne : une fonction clé dans l’entreprise . . 132. Une réponse à des besoins identifiés . . 163. Positionnement économique et stratégique . . 18

    B. Une opportunité en gestion des ressources humaines . . 211. Gestion des âges . . 212. Pilotage des trajectoires professionnelles . . 243. La dimension ressource humaine . . 26

    C. Un outil de knowledge management . . 291. Richesse, ouverture et capital de l’entreprise . . 292. Synergie interne et performance . . 32

    II. Une source de dynamisme professionnel . . 37A. Un métier adapté aux seniors ? . . 37

    1. 50-65 ans : Un âge d’or de la vie professionnelle ? . . 372. De cadre à consultant . . 403. Face au métier de consultant . . 42

    B. Un réel challenge . . 441. Acquérir une reconnaissance personnelle et collective . . 442. Développer un esprit d’entreprenariat . . 463. Renforcer son employabilité . . 48

    Conclusion . . 51Bibliographie . . 54

    Ouvrages . . 54Ressources internet . . 54

  • Rapports . . 55Revues et périodiques . . 55

    Annexes . . 571. Objectifs de démonstration . . 572. Guide d’entretien . . 623. Synthèse : entretiens orientés sur la structure de conseil interne et son fonctionnement. . 64

    RESUME . . 67Mots clés . . 67

  • REMERCIEMENTS

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    REMERCIEMENTSUn grand merci à toutes les personnes qui ont enrichi ce mémoire par leur témoignage : BrigitteGuénard, Bernard Letourneux, Cyrille Tichy, Nicolas Derkenne, Agathe Brion, Elvire Gueye,Yolande Portillo, Jérôme Billard, Stéphane Biton et Serge Braconne. Merci pour votre accueil ettous les moments où vos propos m’ont ouvert les yeux.

    Je remercie mon directeur de mémoire, David Piovesan, pour ses conseils avisés, ainsique la présidente de jury, Anne Blanc-Boge, pour ses apports lors du séminaire d’encadrement« management des organisations ».

    Merci enfin à tous ceux qui m’ont accompagnée durant ce projet, en apportant de précieusesaides, critiques constructives et relectures.

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    Introduction

    Le conseil interne analysé comme un outil performant de pilotage des trajectoiresprofessionnelles des seniors : quel sujet étrange ! Pourquoi parler de pilotage destrajectoires professionnelles des seniors, alors que ceux-ci sont précisément en fin decarrière ? Et le conseil interne, pourquoi l’associer à une mission essentielle de la gestiondes ressources humaines, alors que ce n’est qu’un phénomène très minoritaire, associéà une logique implacable de rentabilité ? D’ailleurs, qui sont les seniors ? Ce terme estpolémique !

    L’emploi des seniors en France : une situationproblématique

    Il est vrai que le concept « senior » est sujet à de vifs débats. Dans le milieu professionnel, lemot est peu employé, car il renvoie à une attitude critique. L’utiliser serait mal perçu, dans uncontexte de forte présence des salariés dits « âgés » dans les organisations, de discussionssur leur place croissante dans la société, et sur leur utilité, leur coût, leur rôle – brièvement,ce sujet dérange. Pourtant, de réelles questions se posent !

    Une tranche d’âge ambiguëLa définition de la classe d’âge des seniors est très fluctuante. Selon les sources, lespersonnes de 50 à 75 ans sont concernées ! En marketing, un senior est un jeune retraité,donc une cible présentant des spécificités comme la disponibilité, les loisirs, la préservationde la santé. Dans la presse généraliste, cette même définition est fréquemment reprise.Cependant, en économie et en sociologie, la signification du terme est différente. Lesseniors sont ainsi les 55-65 ans. Ils sont donc caractérisés par leur position à la frontièreentre emploi et retraite, selon les dispositifs de cessation anticipée d’activité, les régimesspéciaux, mais aussi l’âge « légal » de départ en retraite en vigueur. Nous retiendrons cettefrontière d’âge dans notre emploi du concept, étendant parfois le propos en direction detous les cinquantenaires. En effet, il convient d’anticiper certains problèmes dès 50 ans.Certes, le cap des 60 ans reste très marqué en France, ce qui scinde en deux la classed’âge. Néanmoins, cette étape est amenée à évoluer dans les prochaines années, si l’onconsidère les changements législatifs annoncés en matière de droits à la pension de retraite.En effet, partant du constat que sous l’effet du vieillissement de la population française,le déficit annuel de l’ensemble des régimes de retraites atteindra 50 milliards d’euros en2020, le gouvernement a décidé de réformer le système des retraites. Une loi, passée le 21août 2003, affirme que la retraite à 60 ans ne sera pas remise en cause. Néanmoins il estprévu une augmentation de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pensionà taux plein. Aujourd’hui, 160 trimestres de cotisation sont nécessaires, ce qui constitue

  • Introduction

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    une hausse de 10 trimestres par rapport à la dernière réforme de 1994. Or, compte tenude l’augmentation de l’âge moyen d’entrée dans la vie active, sous l’effet de l’allongementdes études, il sera difficile d’imposer à tous les salariés concernés une retraite minorée.Cependant, aucun système de surcote, c’est-à-dire d’amélioration de la pension, n’est prévupour ceux qui souhaitent continuer à travailler. De plus, nous vivons désormais plus vieux enbonne santé. Face à l’augmentation de l’espérance de vie et à l’amélioration des systèmesde soins, il semble donc légitime que les individus travaillent plus longtemps, dans la mesureoù la durée de la retraite croît parallèlement.

    De nombreuses discriminations professionnellesCependant, la société ne peut demander à ses seniors de continuer à travailler alorsqu’ils sont l’objet de discriminations persistantes dans les entreprises, rendant leur activitéprofessionnelle plus pénible. Ce traitement défavorable intervient dans de multiplesdomaines. Tous les seniors sont ainsi concernés. D’une part, les seniors en emploi subissentdes mesures désavantageuses en matière de formation et de mobilité. Les promotions etaugmentations de salaire sont rares après 55 ans. D’autre part, le marché du travail estrestreint pour les seniors en recherche d’emploi. La situation est particulièrement inquiétantedans notre pays. Le conseil économique et social souligne que le taux d’emploi des 55-59ans n’est que de 54% en France, ce qui est très inférieur à la moyenne européenne. Quantau taux d’emploi des 60-64 ans, il est de 13% en France, « l’un des plus faibles du monde »1 !Changer le regard de la société et des employeurs sur les seniors est donc une priorité,nécessitant une prise en charge du problème globale mais aussi personnalisée.

    La question du pilotage des trajectoiresprofessionnelles des seniors

    Ces trente dernières années, les difficultés professionnelles des seniors étaient unproblème individuel, dont la seule issue semblait être le départ en retraite. Dès 50 ans, ledéveloppement des carrières apparaît bien souvent bloqué. Si l’entreprise ne lui ouvre pasdes possibilités d’évolution, comment le salarié dit « âgé » peut-il envisager sereinementson avenir professionnel ? Dans les entreprises où les périodes de transition d’un poste àun autre ont été sécurisées, par la formation, l’accompagnement dans l’identification d’unprojet professionnel et la confrontation entre les désirs et les réalités du marché de l’emploi,le vieillissement ne constitue pas une rupture dans le parcours des salariés. Pour éviter lephénomène des « deuxièmes carrières passives », il convient donc d’anticiper le problèmeet de considérer dans sa globalité le parcours professionnel restant à faire.

    Le concept de « pilotage des trajectoires professionnelles » suppose un comportementactif de l’individu dans sa carrière, alors qu’autrefois les carrières étaient quasiment toutestracées linéairement dès l’entrée dans la vie active. Aujourd’hui, les possibilités d’évolutionssont nombreuses et les parcours professionnels variés. Le salarié doit donc apprendre à

    1 Antoine d’Autume, Jean-Paul Betbèze et Jean-Olivier Hairault, Les seniors et l’emploi en France, conseil d’analyse économique,la documentations française, 2005

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    se repérer parmi tous les métiers de l’entreprise et à les connaître, pour mieux conduire saprogression vers des domaines qui l’intéressent. Tous les âges sont concernés, mais il estvrai que les seniors ont parfois plus de difficultés à intégrer cette nouvelle logique d’évolutionprofessionnelle. L’une des raisons de ce handicap est que leur champ de projection està court ou moyen terme, en fonction de la proximité temporelle de la retraite. Ils peuventdonc avoir besoin d’un environnement favorable pour les aider à prendre un rôle actif dansl’orientation de leur trajectoire professionnelle.

    Néanmoins, la seconde carrière concernera de façon croissante les salariés juniorset confirmés qui souhaitent opérer un virage dans leur trajectoire professionnelle, alorsqu’aujourd’hui le terme seconde carrière n’est utilisé principalement que pour les seniors,et demeure marginal pour les plus jeunes. La nécessité de changer plusieurs fois de métierdans une vie professionnelle est en effet croissante. Ainsi, si ce mémoire traite en prioritédes seniors, il apporte une ouverture du sujet vers les salariés plus jeunes confrontés à lanécessité ou à l’envie de renouveau dans leur activité professionnelle.

    Constats croisés : macroéconomie / microéconomieCe mémoire s’inscrit dans une double actualité : la problématique nationale de l’emploides seniors et la nécessité pour les entreprises d’organiser le transfert des compétences.Les départs massifs en retraite prévus pour les prochaines années posent en effet leproblème de la fuite des savoirs, savoir faire et savoir être qui font la mémoire et dans unecertaine mesure la performance de l’entreprise. La prise de conscience de la richesse del’expertise des seniors s’accompagne d’une volonté de renouvellement du potentiel humainet des pratiques de l’organisation, parfois contradictoire. Ces deux problématiques, l’unemacroéconomique et l’autre microéconomique, se croisent donc. L’état ne peut améliorerl’accès des seniors au marché du travail sans faire appel aux entreprises, qui comptent surles aides incitatives publiques pour organiser le maintien en poste des seniors.

    Quatre mesures sont fréquemment utilisées par les organisations pour profiter desspécificités des seniors : le tutorat, la recherche, l’enseignement et le conseil. Si les troispremières visent explicitement le transfert et la capitalisation de l’expérience des salariés lesplus âgés, le conseil est motivé par des facteurs beaucoup plus variés et complexes à saisir.

    L’opportunité du conseil interneNous posons comme hypothèse de départ que le conseil interne est un métier adaptéaux seniors, et répondant aux besoins des entreprises. Mais que signifie précisément fairedu conseil en interne ? Comment le différencier de l’audit ? Pourtant, les juniors sontparfois aussi embauchés comme consultants : quel lien spécifique unit le conseil et lesquinquagénaires ?

    Qu’entendons-nous par « conseil interne » ?

  • Introduction

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    Le concept de conseil interne donne lieu à de nombreux abus de langage, qui n’ensont pas si l’on tient compte de l’absence de définition claire et reconnue de tous. Ceterme est donc accaparé par des structures de conseil interne plus ou moins formalisées.Parfois, les consultants travaillent même en « électrons libres » disséminés dans le groupe,sans appartenir à une entité distincte de conseil. Que le terme de consultant interne soitutilisé ou non par l’entreprise, un salarié investit d’une mission transversale de conseilpeut revendiquer son appartenance à l’identité professionnelle du conseil interne. Cetteimprécision du concept rend le travail très complexe : où fixer les limites du sujet ? Nousavons choisi de retenir l’approche de Florence Thirion2, directrice associée du cabinetde conseil DeVenir, dont l’expertise est reconnue dans ce domaine. Considérant qu’unedéfinition univoque du conseil interne est peu pertinente, elle identifie des constantes quipermettent de délimiter le domaine. Ainsi, le consultant interne :

    La compréhension du concept multiforme « conseil interne » est facilitée par ces septcritères. Les premières formes de conseil interne sont apparues dans de grands groupesen Allemagne et aux Etats-Unis, dans des secteurs d’activité variés. Son développementest aujourd’hui indéniable.

    Conseil et audit : quelles différences ?Le conseil se distingue de l’audit par plusieurs caractéristiques. Le petit robert le définitainsi: « mission d’examen et de vérification de la conformité (aux règles de droit, de gestion)d’une opération, d’une activité particulière ou de la situation générale d’une entreprise ».L’audit cherche donc à identifier les écarts entre la réalité et les référentiels du domaineconcerné, alors que le consultant a pour mission de résoudre un problème, qui peut portersur des domaines très variés. L’informatique, la logistique, la gestion financière ou la gestiondes ressources humaines sont ainsi susceptibles de faire l’objet d’une action de conseil,mais aussi la communication qui est un secteur moins formalisé, pour lequel il n’existepas toujours de référence. L’audit a pour objectif concret une certification ou la satisfactiond’exigences réglementaires, alors que le conseil vise une amélioration plus subjective.Cependant, il est vrai que le diagnostic conduit par le cabinet d’audit se prolonge souventpar la définition et la mise en place d’actions d’amélioration, ce qui peut rendre floue lafrontière avec le conseil si l’on oublie le but premier de la prestation d’audit, à savoir laconformité à une norme. Néanmoins, nous traitons ici du conseil interne, qui est difficile àconfondre avec l’audit dans sa conception originale, dans la mesure où ce dernier s’effectuerarement en interne, afin de garantir la neutralité du jugement porté sur l’entreprise. Selonla norme ISO 9000, les quelques situations d’audit interne « sont réalisée par l’organismelui-même, pour des raisons internes, et peuvent constituer la base d’une auto déclarationde conformité ». La définition et le contenu de l’audit interne a toutefois évolué vers uneplus grande confusion avec le conseil, comme en témoigne le commentaire ambigu affirmédans l’encyclopédie libre Wikipédia : « autrefois cantonné aux questions comptables, l’auditinterne touche aujourd’hui toutes les activités de l’entreprise et assure conséquemmentune grande variété de services d’audit et de conseil ». Nous nous limiterons donc dans cemémoire aux définitions initiales et authentiques du conseil et de l’audit pour les distinguer.

    2 Florence Thirion, www.devenir.fr

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    Conseil interne et emploi des seniorsAlors que les cabinets de conseil fleurissent, une question se pose : qui peut fairedu conseil ? Récemment, ce concept était encore associé quasi exclusivement à despersonnes très expérimentées, qui avaient une légitimité d’ancienneté pour pouvoir « mettreses connaissances à disposition de ceux qui en font la demande »3. Or, un nombre croissantde jeunes diplômés y sont embauchés. En effet, les nouveaux entrants sur le marché del’emploi sont actuellement très courtisés pour travailler comme consultants pour quelquesannées, afin de bénéficier d’un tremplin dans la vie professionnelle, permis notamment parl’exigence et l’apprentissage accéléré que nécessite une telle fonction. Les caractéristiquesdu métier de consultant semblent, selon les critères choisis, s’appliquer principalementaux jeunes - nomadisme, pression psychologique, charge de travail, ou aux seniors -expérience, connaissance approfondie du fonctionnement des entreprises. La tendanceactuelle serait de privilégier le dynamisme des structures de conseil construites sur desprofessionnels novices ou trentenaires. Elles se caractérisent notamment par un taux deturn-over très fort, et par de nombreuses premières embauches. Cependant, Thales adéveloppé en marge un concept de conseil interne associé à la problématique de la mobilité,qui regroupe sans distinction des salariés de toutes les tranches d’âge. La propositionfaite aux seniors a particulièrement retenu notre attention. D’autres expérimentations ontété conduites dans divers grands groupes. Le conseil interne peut-il être un tremplinprofessionnel, permettant l’entrée dans une seconde carrière, avec un regain d’intérêt pourle salarié comme pour l’entreprise ? Cette expérience est-elle généralisable ?

    Méthodologie du mémoire

    Pertinence du sujetLe rapprochement entre le conseil interne et le pilotage des trajectoires professionnellesn’est pas naturel. Le lien qui unit ces deux réalités du monde de l’entreprise part d’uneconviction personnelle. La problématique de ce mémoire relève donc d’un champ derecherche précis et inédit. D’ailleurs, la littérature est très peu développée sur ce sujet, quireste inexploré. C’est pourquoi nous avons du nous baser non seulement sur des ouvragesgénéraux, mais aussi sur des données dont la source est internet. En effet, les informationsqui y sont véhiculées ont l’avantage d’être récentes, comme le sont les quelques théoriesconstruites sur le conseil interne. Les dénominations correspondant au poste de consultantinterne sont variées, et le caractère interne à l’entreprise rend le phénomène peu lisibleet difficilement appréhendable de l’extérieur. Le métier de consultant interne n’étant pasencore très structuré, les entreprises le développent avec des salariés à fort potentiel, quiconstruisent à partir de diverses sources un savoir faire méthodologique. Celui-ci, inspiréde formations, lectures et expériences, constitue le socle sur lequel la structure de conseilinterne va s’ériger. Ainsi s’explique le caractère encore « secret » du conseil interne : lesconsultants ne sont pas toujours enclins à communiquer sur leurs facteurs de réussite et delégitimité. La pauvreté de la littérature sur le sujet trouve sa justification dans cette réserve

    3 Le Petit Robert de la langue française, définition du « conseil », VUEF, 2001.

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    des acteurs, soucieux de préserver leurs spécificités. Pourtant, le phénomène mérite d’êtreétudié, si l’on écoute les témoignages de ceux qui ont fait du conseil interne dans l’objectifde stimuler leur carrière : « j’ai appris à oser »4, « j’ai pris en charge mon avenir et redémarrésur d’autres bases »5.

    Un ancrage dans la réalité du terrainC’est pourquoi ce mémoire est principalement basé sur des témoignages et des expériencesvécues. Ainsi, nous avons réalisé dix entretiens6 avec des professionnels du conseil interne,et avons pu profiter de discussions informelles variées. Chacun a duré entre une demieheure et deux heures. La méthode utilisée a la plupart du temps été semi directive, afinde laisser les professionnels souligner les aspects qui leur paraissent les plus importantset s’exprimer librement sur notre problématique. Le panel des personnes interrogées seveut représentatif, couvrant des consultants internes de tous âges, permanents ou non,un formateur et une directrice de structure. La mixité de cet échantillon contraste avecl’habituelle forte proportion d’hommes dans les métiers du conseil. Une monographie deThales Missions & Conseil permet une analyse en profondeur d’une structure pionnière etspécifique de conseil interne. De plus, des exemples approfondis sont notamment pris dansl’expérience de Michelin, La Poste, Thales Engineering Consulting ou encore Faurecia.

    Brigitte Guénard est l’un des créateurs de Thales Missions & Conseil. Elle en aégalement été la directrice de 1999 à 2004. Cette structure, composée d’une cinquantainede consultants, a pour objectifs de mener des missions de conseil dans le groupe Thales, etde faciliter la mobilité des salariés. Ainsi, les consultants ne restent à TM&C que 18 mois, letemps de se reconstruire un projet professionnel et de le mettre en pratique en trouvant unnouveau poste. En parallèle, ils apprennent les grandes lignes du métier et effectuent desmissions chez des clients internes. Une équipe de quinze consultants permanents gèrentles transitions, qui s’effectuent par promotions d’une dizaine de personnes, assurent lacontinuité de l’offre et des valeurs de la structure, et accompagnent les « apprentis ».

    Bernard Letourneux est l’un des consultants permanents de TM&C. Il a spécifiquementen charge l’accompagnement professionnel des consultants temporaires. Il a exercé aupréalable de nombreux postes dans la gestion des ressources humaines.

    Nous avons interrogé six salariés de Thales qui ont vécu l’expérience de consultantà TM&C. L’objectif de cette série d’entretiens était de découvrir de façon approfondie unestructure particulière, en confrontant divers points de vue. Les salariés interviewés ontdonc des profils différents. Nicolas Derkenne, aujourd’hui en poste dans les ressourceshumaines et la mobilité, a fait partie des premières promotions. Agathe Brion, ingénieurqualité, fut l’une des plus jeunes à participer à la structure de conseil interne. Elvire Gueye,responsable de production, souhaitait se réorienter dans le groupe, sans trop savoir versquel métier se diriger. Yolande Portillo, de formation commerciale et déjà dans une posturede conseil, escomptait se professionnaliser et mieux connaître le groupe. Stéphane Bitonespérait renforcer sa légitimité pour devenir chef de projet. Serge Braconne, mathématicien,avait besoin d’une rupture après presque dix ans sur le même programme. Chacun est

    4 Yolande Portillo5 Stéphane Biton6 Le guide d’entretien et les synthèses de ces rencontres se trouvent en annexe du mémoire.

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    donc arrivé à TM&C avec des parcours et des motivations très dissemblables. Néanmoins,un point commun a attiré notre attention : l’enthousiasme avec lequel ils ont raconté leurexpérience de consultants internes.

    Jérôme Billard a été consultant junior qualité pendant deux ans à Thales EngineeringConsulting (TEC). 600 personnes étaient ainsi réparties en plusieurs départements : conseil,formation, pharmacie, infrastructures et nucléaire. Trente salariés constituaient le pôleconseil, orienté vers l’externe mais effectuant aussi en marge des prestations dans legroupe. Ce collectif familial de consultants, ayant pour objectif affiché la rentabilité, aaujourd’hui disparu.

    Enfin, Cyrille Tichy a occupé deux postes de conseil interne. Il a tout d’abord étéorganisateur industriel et Lean manager chez Michelin, puis chez Faurecia. Ces fonctions,bien que non désignées par le qualificatif de conseil interne, correspondent à notre visiondu concept. L’intérêt de ces entreprises est leur organisation, très éloignée de celles deTM&C et de TEC. Michelin est une entreprise familiale, où les salariés effectuent souventl’intégralité de leur carrière. Un grand respect des personnes donne le très bon climat socialde l’entreprise, ce qui fidélise les salariés, malgré des salaires relativement faibles. Faurecia,équipementier et fournisseur automobile, est situé dans un environnement hautementconcurrentiel et donc très flexible. L’exigence de performance est intangible.

    Le compte rendu de toutes ces entrevues, ainsi que le guide d’entretien, se trouventen annexe. Ils ont constitué un support de première importance dans la rédaction dece mémoire, pour illustrer des arguments plus théoriques mais aussi en amont pour endécouvrir !

    Construction du rapportChaque paragraphe est construit sur la même logique, articulant recherchesbibliographiques et exemples du terrain. Après avoir exprimé l’hypothèse de départ etl’objectif de démonstration, notre propos est fondé sur des théories d’auteurs puisées dansla littérature. Puis il est illustré et complété par un témoignage ou une expérience vécue.Une telle combinaison permet d’élargir le champ de recherche et de tirer des conclusionsargumentées, dont la formulation clôture chaque paragraphe. Les préconisations sont ainsibâties sur un corpus démonstratif complet. Les transitions garantissent quant à elles lacontinuité du fil conducteur. Cette démarche rigoureuse garantit le caractère novateur dece travail et sa valeur ajoutée dans le sujet de recherche.

    Ce mémoire a pour ambition de résoudre le paradoxe suivant : En quoi le conseilinterne, fonction jugée dynamique, flexible et exigeante, peut-il être un outil performant depilotage des trajectoires professionnelles des seniors, parfois considérés comme fatigués,moins productifs et démotivés car en fin de vie active ? Le plan, construit à partir de cetteproblématique par démarche inductive, se compose de deux grandes parties correspondantaux hypothèses retenues. La première prouve que le conseil interne valorise l’expertise desseniors dans l’entreprise. La seconde démontre l’opportunité de ce nouveau métier pourles seniors. Plus simplement, dans un premier temps nous montrerons l’apport du conseilinterne à l’entreprise, puis dans un second temps l’apport du conseil interne à un senior.

  • I. Valoriser en interne l’expertise des seniors

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    I. Valoriser en interne l’expertise desseniors

    L’existence de consultants internes est une richesse pour toute grande entreprise, tant sur leplan économique que organisationnel et social. La participation de salariés en milieu ou finde carrière donne un atout supplémentaire à ce métier. En effet, ils apportent leur expertiseet leur recul aux missions stratégiques, rompant ainsi avec la vision négative du rapportcoût – utilité global de cette population.

    A. Pertinence économique du conseil interneS’il est vrai qu’un consultant interne représente un coût, il est néanmoins rentable dansune grande entreprise. Par définition flexible et polyvalent, il répond à des besoins internesvariés qui seraient sans son existence satisfaits par des intervenants extérieurs coûteux,dont l’action n’est pas maîtrisée par la direction de l’entreprise.

    1. Le consultant interne : une fonction clé dans l’entrepriseL’un des critères définissant le conseil interne est sa participation aux orientationsstratégiques de l’entreprise. En effet, avec la multiplication des enjeux organisationnelset l’exigence renforcée de compétitivité, le consultant devient un levier d’action dansl’entreprise apprécié par la direction, même si sa légitimité est encore parfois contestée.

    a. Les facteurs de développement du conseil interne« Les idées se développent sur les besoins » : ainsi Brigitte Guénard rappelle-t-elle lesfondements de toute création d’une structure de conseil interne. Il ne s’agit ni de fantaisie nide mode, mais bien d’une solution expérimentée dans de grands groupes pour progresserdans un environnement mouvant et exigeant. César Consulting, cabinet de conseil enmanagement spécialisé dans la conduite de projets sensibles, complexes ou en crise,identifie des facteurs de développement du conseil interne. Les dirigeants chercheraientnotamment à répondre à une exigence : « accélérer les transformations, conditions decompétitivité »7. En effet, l’environnement des grands groupes est propice à la recherchede ressources internes en conseil.

    Les entreprises, sur un marché où les délais sont de plus en plus courts, voient leursbesoins en compétences transversales augmenter. L’accélération du « temps économique »impose des changements de plus en plus rapides, qui doivent toujours être maîtrisés.La décentralisation des entreprises, gérées par processus et par projets, appelle àune amélioration continue du fonctionnement interne. Les fréquentes réorganisations ourestructurations qui touchent tous les secteurs nécessitent des interventions de conseil

    7 www.cesarconsulting.com

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    pour accompagner le changement. Ponctuels, ces besoins n’en sont pas moins récurrents,compte tenu de l’exigence de flexibilité et d’adaptabilité des organisations. Cette démarched’évolution permanente ne doit pas briser l’identité sociale de l’organisation, ce qui impliqueune proximité culturelle des salariés qui conduisent le changement. Les prestations deconseil se doivent alors d’être personnalisées, afin de tenir compte des spécificités del’entreprise. Or, qui connaît mieux l’entreprise qu’un salarié de celle-ci, ayant déjà exercéde multiples responsabilités en son sein ? Les seniors, dotés d’une grande expertise etd’une compréhension interne des modes de fonctionnement de l’organisation, sont doncles premiers ciblés.

    De même, les innovations ont vocation à être diffusées largement dans tousles secteurs de l’entreprise, via des structures transverses et réactives comme lesdépartements de conseil interne. Dans la nouvelle économie du savoir, l’organisation sedoit en effet d’être apprenante pour être compétitive, car apprendre beaucoup, vite et bienest un avantage concurrentiel. Thales Missions & Conseil a ainsi été créé dans un contexteparticulier, de flexibilité accrue et de modifications profondes, nécessitant un apprentissagerapide de nouvelles modalités de travail dans le groupe. Le rapport « la dynamiqueentrepreneuriale des grands groupes » de l’institut de l’entreprise souligne cette évolutionrécente du secteur de la défense. Sous la pression des clients, souvent des Etats, l’offre estpassée d’une production « de produits manufacturés (comme, par exemple, construire unsatellite émetteur) à une fourniture de prestations intégrées (assurer l’émission sur différentscanaux pendant une période définie). Les strates organisationnelles de l’entreprise sevoient ainsi radicalement remises en cause, contraintes d’apprendre de nouvelles logiquesde coopération et d’inventer de nouvelles règles du jeu entre divisions »8. Il s’agissaitalors d’introduire la relation client fournisseur en interne, de responsabiliser les cadres ensupprimant des strates hiérarchiques, ou encore d’harmoniser le vocabulaire employé afinde se comprendre entre divisions et pouvoir travailler ensemble. Le consultant interne peutintroduire de la continuité et de la cohérence dans toutes ces mutations diverses, tout engarantissant une rapidité d’action, une pluridisciplinarité et une confidentialité maximale.

    De plus, la nécessité de la gestion des âges ouvre de nouvelles perspectives au conseilinterne, qui peut notamment proposer aux cadres expérimentés un nouveau poste motivant,utilisant au mieux leur expertise. Le transfert des connaissances est alors renforcé, dansun contexte de vieillissement du personnel donc de menace de perte de savoirs par lesdéparts en retraite. Ainsi, les problématiques sociales actuelles rencontrées par les grandesentreprises peuvent les inciter à développer une structure de conseil interne.

    b. Rôle du consultant interne dans l’entrepriseAvant tout, le consultant interne réalise une intervention de conseil, qui peut se définir ainsi :« démarche plus ou moins systématique effectuée, à titre onéreux, au moins professionnel,par un ou plusieurs praticiens, à la demande d’un client, généralement collectif pourcontribuer à libérer ou susciter des forces, jusque là inexistantes ou potentielles, parfoisbloquées, en vue d’un changement souhaité »9. Ainsi, le consultant est un professionnel quigère un processus de changement, ce qui le distingue d’un expert-conseil qui formule unavis sur un contenu défini. Cette notion de « processus » illustre bien l’activité du conseilinterne. Un processus se définit comme « un système d’activités qui utilise des ressources

    8 Rapport La dynamique entrepreneuriale dans les grands groupes, Institut de l’entreprise, 20049 Jacques Ardoino, la notion d’intervention, dans ANDSHA, l’intervention dans les organisations, cité par Patrice Stern et PatriciaTutoy, Le métier de consultant. Principes, méthodes, outils. Les éditions d’organisation, 1995

  • I. Valoriser en interne l’expertise des seniors

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    pour transformer des éléments entrants en éléments de sortie »10. Il s’oppose au contenu :par exemple, le contenu d’une conversation se distingue de ce qui se passe entre lespersonnes qui communiquent. Ainsi, l’entreprise n’attend pas du consultant qu’il connaissetout le contenu de son activité, mais bien qu’il maîtrise les outils méthodologiques :planification, choix d’instruments d’action, prise de décision, coordination des activités. Sonrôle commence donc lors de la définition des besoins de son client, passe par l’identification,souvent en lien étroit avec les équipes de travail, de solutions, et se termine avec la mise enœuvre, parfois même l’évaluation de l’évolution réalisée. Ces étapes récurrentes participentà le différencier d’un consultant externe. Ainsi, Cyrille Tichy constate que les consultantsexternes n’ont pas cette mission de cadrage du problème, dans la mesure où l’entreprisefait appel à eux pour résoudre une problématique déjà bien identifiée, mais pour laquelleil manque des compétences. S.Audouin, consultant à Deloitte Consulting, estime ainsiqu’ « être consultant, c’est alors être capable d’analyser une situation donnée, de faireapparaître ce qui doit faire l’objet d’un changement, puis d’élaborer et de faciliter la mise enplace de ce changement chez son client en partenariat constant avec celui-ci »11. Son enjeuest de transformer la connaissance interne qu’il a de l’entreprise en valeur ajoutée dansson intervention. Face à un problème identifié, le consultant fait appel à ses compétencesdiverses pour identifier les causes et les contrer. Il possède alors un double avantage :extériorité au problème et appartenance donc compréhension intime de l’entreprise. Habituéà cette méthode, le consultant est ainsi plus efficace qu’un manager pour impulser et définirle changement, en conformité avec les orientations prioritaires du groupe.

    Si tout le monde s’accorde pour affirmer qu’une cellule de conseil interne joue un rôlestratégique dans l’entreprise, certains professionnels déplorent l’utilisation de l’expression« conseil interne ». Ainsi, Frédéric Thomas, directeur associé de Sterwen12, estime que, pardéfinition, les termes « conseil » et « interne » sont antinomiques. « A la base, les métiers duconseil ont besoin d’une certaine indépendance. L’expérience et la liberté d’action sont lesmaîtres mots de la profession. Un consultant interne à une entreprise est, en quelque sorte,un super chef de projet, avec des compétences techniques et/ou métier : quelqu’un qui est àmême de traduire les besoins de l’ensemble des directions opérationnelles de l’entreprise,qu’il s’agisse d’une direction des ressources humaines, d’une direction commerciale ouencore d’une direction des risques »13. Le parallèle est ainsi parfois fait entre un consultantinterne et un chef de projet. Ces deux métiers possèdent en effet de fortes similitudes,comme la transversalité et la périodicité de leur action, ainsi que la coopération avec demultiples compétences de l’entreprise. De fait, pour distinguer le consultant interne du chefde projet, il faut considérer la fonction qu’il exerce dans l’entreprise. En effet, le consultantinterne possède une identité professionnelle durable dépassant le simple cadre d’un projet.Il appartient à un processus spécifique de l’entreprise, et est amené à conduire différentesmissions en son sein. Notre conviction est que le besoin auquel il répond participe largementà le différencier du simple chef de projet. Il est pour nous certain qu’il manque un élémentfondamental dans la définition et la délimitation du métier : une reconnaissance officielle dela profession de consultant interne, par exemple au sein d’un organisme patronal commeSyntec pour le conseil. Une difficulté majeure bloque ce processus : le conseil interneest par définition un simple maillon dans la chaîne d’une grande entreprise spécialisée

    10 Projet ISO/DIS 9000, dans Pilotage des processus, une gestion de projet réussie, AFNOR Recueil normes qualité, 200211 S. Audouin, cité par Justine Grange dans le dossier CAPAP (Centre d’Applications Psychologiques et d’AccompagnementProfessionnel) Conseil interne en management 2006, interview n°7

    12 Sterwen Consulting, cabinet indépendant de conseil dans l’amélioration des performances et la maîtrise des risques13 Véronique Arène, Le monde informatique, 6 février 2004, sur www.devenir.fr

  • Le conseil interne,outil performant de pilotage des trajectoires professionnelles des seniors

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    dans un domaine tout autre que le conseil. L’identification et le regroupement de cesstructures, par ailleurs très hétéroclites dans leur composition et leur fonctionnement, sontdonc complexe, et nécessiteraient un fort investissement de la part des professionnels. Neserait-ce que lister les unités de conseil interne de façon exhaustive relève de l’exploit,tant ces métiers sont cachés et mal définis. Néanmoins, nous préconisons l’organisationd’un colloque réunissant divers acteurs de ce domaine, afin de réfléchir ensemble sur lespossibilités de création d’un organisme chargé de trois missions : définir les contours dela profession, la faire reconnaître et défendre ses intérêts. Ainsi représenté, le secteur duconseil interne bénéficierait d’une meilleure visibilité, et pourrait se développer dans lesgrandes entreprises.

    2. Une réponse à des besoins identifiésParfois comparé à un chef de projet, le consultant interne est également fréquemmentassocié à un consultant externe. Malgré leurs similitudes, ces deux métiers ont unpositionnement différent au regard de leur offre de conseil. Le conseil interne permetd’apporter des solutions en interne, donc économiquement plus rentables, à desproblématiques diverses et fréquentes.

    a. Une réponse flexible aux besoins ponctuels mais récurrents de « conseil »Bien que le conseil interne réponde à des besoins exprimés hétérogènes et sporadiques,une définition des modes d’intervention de la structure est nécessaire pour cadrer lesmissions et préciser le champ potentiel d’action des consultants. La diversité du contenudes prestations n’empêche pas une certaine récurrence de grands thèmes ou méthodes,permettant de dresser une typologie des interventions. Thales Missions & Conseil a ainsidéfini six modes d’intervention :

    Ces types de prestations s’exercent dans plusieurs domaines, comme la relation client,l’efficacité des organisations, le management des hommes, ou encore les programmes,c’est-à-dire « tout ce qui concerne à la fois les projets (avant la signature de la commandepar le client) et les affaires (de la commande jusqu’à la livraison et au-delà) »14. Elles sonteffectuées à la fois auprès des directions et des unités opérationnelles.

    Cependant, il nous semble crucial de souligner que l’offre de service doit être propreà chaque entreprise au sein de laquelle la structure de conseil interne se développe,afin de répondre aux enjeux et besoins du groupe. Aucune copie de cette offre ne peutêtre pertinente dans un autre contexte. Le conseil nous semble donc interne dans deuxdimensions : par la provenance des consultants et par l’offre proposée. Selon PatriceStern et Patricia Tutoy, « une organisation a tout intérêt à faire appel à un consultantinterne si la connaissance des relations interpersonnelles, des systèmes, des processus,des procédures, des politiques et des diverses fonctions est une condition nécessaire àune mission qui doit se réaliser dans un très court délai »15. Bernard Letourneux souligneégalement les besoins réguliers et récurrents dans les groupes d’intervenants ayant à la foisun regard neuf et des clés de compréhension de l’entreprise. Notre analyse nous conduità affirmer que le positionnement du conseil interne réside dans un savant équilibre entreintériorité et extériorité, où l’extériorité est ici encore double : par la non appartenance du

    14 Brigitte GUENARD, Le conseil interne. Mobilité et partage des connaissances. Editions d’organisation, janvier 2006.15 Patrice Stern et Patricia Tutoy, Le métier de consultant. Principes, méthodes, outils. Les éditions d’organisation, 1995

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    consultant à l’environnement direct de la mission qu’il conduit et par la complémentarité del’offre de conseil par rapport aux compétences disponibles en interne.

    Ainsi, le positionnement des consultants internes est paradoxal. D’une part, ilsappartiennent à l’organisation et à sa culture. Ils véhiculent les valeurs de l’entreprise etsont soumis aux décisions de leur hiérarchie. D’autre part, ils doivent s’efforcer de prendredu recul pour pouvoir apporter un regard neuf sur l’objet de leurs missions. Par exemple,chez Michelin comme chez Faurecia, le « consultant interne », appelé « Lean manager16 »ou encore « organisateur industriel », a un double rattachement. Tout d’abord, il appartientà l’organigramme, et est donc à ce titre rattaché hiérarchiquement au responsable desa division. Il contribue ainsi à l’atteinte des résultats de sa branche hiérarchique, mêmes’il n’a pas la responsabilité d’un résultat, par les progrès qu’il a permis de générer. Deplus, un rattachement fonctionnel à la structure interne qui détient la connaissance desoutils méthodologiques lui confère une certaine indépendance. Des réunions périodiquesde travail permettent d’enrichir les pratiques spécifiques au conseil en interne et renforcerla communauté des consultants.

    b. La complémentarité entre conseil interne et externeLe conseil interne et le conseil externe ont des points de ressemblance incontestables.Les consultants réalisent des missions chez des clients, de l’ordre de l’ « aide », maisne détiennent pas la prise de décision finale. Ils ne peuvent que l’influencer, et n’en sontpas responsables. Ils réalisent des diagnostics, font des préconisations, accompagnent lechangement, évaluent l’action menée. Ils interviennent sur demande d’un client pour traiterune situation jugée problématique. Leur valeur ajoutée réside dans leurs compétencessupposées : savoirs, outils, expérience. La question centrale est donc : le conseil interne etexterne ont-ils une vocation commune ?

    Ayant un certain nombre de caractéristiques communes, ces deux types de conseil ontdonc quelques points d’affrontement sur le marché. Ainsi, pour Florence Thirion, directriceassociée de l’institut de conseil DeVenir, l’une des logiques majeures qui conduiraientune organisation à développer une structure de conseil en interne serait la volonté de« réduire la dépendance du management en termes de compétences, de méthodes, etde délais de réalisation »17 aux cabinets de conseil extérieurs. Un argument favorable auxstructures de conseil interne est ainsi notamment la perspective d’une réduction du coût duconseil externe. Mais qu’en est-il réellement ? Il est vrai que, par exemple, la création deThales Missions & Conseil a notamment été provoquée par la prise de conscience que legroupe avait recours à des cabinets de conseil externes alors que des cadres expérimentésétaient disponibles en interne. Les besoins croissants liés à l’amélioration continue de laproductivité et aux enjeux stratégiques trouvaient une réponse coûteuse et dépendante àl’extérieur. Cependant, en 2004, 10% seulement du marché de conseil utilisé dans le groupeest confié à TM&C. Cela signifie que les prestations de conseil interne n’ont pas réponduexactement aux mêmes besoins que celles fournies par les cabinets de conseil « pur ».

    16 « Lean » est une méthode, développée initialement chez Toyota, dont l’objectif est d’éliminer toutes les sources d’inefficacitéde l’entreprise, principalement les gaspillages, écarts dans la qualité et le manque de flexibilité, par une démarche systématique de« gestion au plus juste ». Ainsi, tous les consultants internes ne sont pas des Lean managers, de même que tous les Lean managersne sont pas des consultants internes. Il s’agit ici d’une appellation utilisée dans un groupe spécifique, qui n’emploie d’ailleurs pas leterme consultant. Le rapprochement entre ces deux fonctions est parfois contesté. (source : John DREW, Blair McCALLUM et StephanROGGENHOFFER, Objectif Lean, Réussir l’entreprise au plus juste : enjeux techniques et culturels, Editions d’organisation, 2004)

    17 www.devenir.fr

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    Selon nous, ce chiffre met donc en lumière une certaine complémentarité entre le conseilinterne et externe, puisée dans des différences finalement profondes.

    Malgré quelques conflits, les cabinets de conseil externes parviennent la plupartdu temps à travailler en coopération harmonieuse et mutuellement bénéfique avec lesconsultants internes, car ils répondent à des besoins différents et complémentaires. Comptetenu de son appartenance et de sa connaissance de la culture de son entreprise, leconsultant interne adopte un positionnement différent de celui du consultant externe. Il esten effet plus ou moins impliqué dans la relation hiérarchique de l’entreprise, contrairementà son homologue extérieur qui peut faire jouer son indépendance. Ainsi, selon BrigitteGuénard, si la posture commerciale est la même : le professionnalisme, la stratégiecommerciale n’est pas similaire. Le consultant interne va ainsi faire jouer son réseau etsa connaissance intime de l’entreprise, notamment des relations de pouvoir. Si le conseilexterne est mal placé pour le déploiement, car trop cher, le conseil interne permet de suivreun projet tout au long de son déroulement et de le mener à son terme par la mise en œuvreet l’évaluation. Au contraire, les consultants externes ont un fort niveau de spécialisation etune connaissance des pratiques dans les autres entreprises qui les rendent plus légitimes.Les consultants internes et externes pourraient ainsi effectuer des prestations conjointescar complémentaires et non concurrentes. Cette pratique est encore peu développée maisquelques exemples réussis, notamment par TM&C, nous incitent à la préconiser.

    A la marge, il existe aussi des structures, au sein d’un grand groupe, qui effectuentà la fois des missions de conseil interne et externe. Jérôme Billard témoigne ainsi de sonexpérience comme consultant à Thales engineering consulting (TEC). Cette entité avait pourvocation de faire du conseil externe, afin d’exploiter au mieux les retours d’expériences dansle groupe et les vendre à certains clients de Thales. La demande de compétences sur laqualité et l’environnement a amené TEC à modifier ses objectifs, et ainsi viser la simple ventede prestations à l’extérieur, dans une volonté d’anticiper les besoins des clients. Cependant,TEC a été amenée à faire du conseil interne dans un souci d’activité, lorsqu’une chargede travail temporairement insuffisante rendait disponibles certains consultants. Le conseilfonctionne en effet beaucoup par connaissances, il est donc relativement aisé d’obtenirdes missions au sein de l’entreprise. Il nous semble qu’un tel positionnement double estincertain. En effet, effectuer des missions de conseil en interne n’est pas compatible avecune volonté unique de rentabilité. Une entité d’un groupe ne peut avoir pour objectif de fairedu profit sur une autre entité de ce même groupe ! En outre, pour un consultant, la démarcheest sensiblement différente s’il agit dans son entreprise ou chez un client externe. Nousaffirmons la nécessité pour une structure de conseil d’avoir une identité et des objectifsclairs, qui guident le choix des missions. Une définition imprécise de sa raison d’être menaceen effet la pérennité de l’activité. TEC a ainsi décidé un repli stratégique des domainesd’intervention et délaissé le conseil en 2003.

    3. Positionnement économique et stratégiquePour garantir la prise de recul du consultant, la sincérité et la liberté dans ses préconisations,ou encore la légitimité de sa prestation aux yeux des clients, la direction doit faire des choixfinanciers et organisationnels, au moment de la création de la cellule de conseil interne.

    a. Quelle autonomie financière ?La pratique dans ce domaine est de fait très différente selon les structures. Cela reflètele manque d’organisation de la profession, et le caractère « secret » ou « caché »

  • I. Valoriser en interne l’expertise des seniors

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    des services de conseil interne. Aucune norme n’existe, les entreprises peuvent laisserfonctionner leur créativité dans le fonctionnement courant du service, ce qui n’est d’ailleurspas un inconvénient. De cette porte ouverte à l’innovation naît des situations totalementhétérogènes.

    A Thales Missions & Conseil, la structure revendique son autonomie financière. Lesconsultants sont envoyés en mission dans des départements en échange d’une sommed’argent correspondant aux dépenses engagées, c’est-à-dire les salaires ajoutés aux fraisfixes. Brigitte Guénard insiste sur la nécessité de « paix économique ». Elle identifie commeune clé du succès de TM&C le fait d’ « être une entité financièrement autonome, avec unbudget à l’équilibre, un financement par les missions vendues, une mise en concurrenceavec les cabinets extérieurs ». Elle ajoute même : « Nous n’avons aucune subvention de ladirection générale : notre structure n’est pas une œuvre sociale ! »18. Si TM&C refuse de fairedes pertes, elle ne vise pas nécessairement réaliser une forte marge. Néanmoins, son chiffred’affaire était de 8,5 millions d’euros en 2003, et de 2,3 millions aujourd’hui. La principaledifficulté est de rester compétitif sur un marché concurrentiel. Le positionnement de TM&Cest ainsi différent de celui des cabinets de conseil externes. Revendiquant une meilleureconnaissance de l’entreprise, la structure reconnaît néanmoins sa moindre compétenceprofessionnelle dans le métier du conseil. Ses prix affichés sont donc plus faibles que ceuxpratiqués à l’extérieur, dans la mesure où, par exemple, un consultant TM&C mettra peutêtre un peu plus de temps avant de devenir réellement force de proposition. Brigitte Guénardinsiste sur l’autonomie financière d’une cellule de conseil interne en citant l’exemple deSchneider développement de compétences. Créée par Patrick Lagarde, cette branche deconseil interne était conçue comme une cellule d’inplacement. Elle était financée par le plande restructuration sociale : son coût pour l’entreprise a entraîné sa disparition, alors mêmeque son concept était très pertinent.

    Cependant, chez Michelin, Faurecia ou encore à la SNCF, le recours au consultantinterne s’effectue sans contre partie financière. Cette pratique pose, selon Pascale Blanchet,deux types de question : « quelle est la volonté réelle du commanditaire d’être accompagnéet son acceptation à suivre les préconisations ? »19. L’intervention du consultant internen’étant pas facturée, le client a tendance à moins s’investir dans la démarche, et à moinsy consacrer de temps et d’attention. La valeur ajoutée du consultant, bien que réelle, peutalors être mal appréhendée. L’expérience de Cyrille Tichy chez Michelin et Faurecia faitétat du conseil interne comme étant plus impulsé par la hiérarchie que réclamé par la base,malgré le constat que la demande du commanditaire est indispensable dans la réussited’une mission. Il distingue ainsi deux manières de provoquer indirectement une interventionde conseil : la hiérarchie impose la mise en place d’un outil, ou exige l’obtention d’un résultatpar quelque moyen que ce soit. Dans ces deux cas, l’exigence est non négociable, la baseopérationnelle recherche donc l’aide d’un consultant, dans la mesure où cela ne constituepas un coût supplémentaire. En effet, il appartient à l’organigramme de l’entreprise, et estdonc payé quelques soient ses missions. Il nous semble que cette structuration du conseilinterne est plus risquée, tant pour l’entreprise que pour le salarié concerné. Un consultantest coûteux, il ne peut donc se contenter de conduire des actions dont les retombéesseraient superficielles. Or, si le management n’a pas conscience de ce coût et de la valeurajoutée qu’il peut apporter, il y a un risque accru de mauvaise utilisation de cette ressource,

    18 Brigitte Guénard, Le conseil interne. Mobilité et partage des connaissances. Editions d’organisation, janvier 2006.19 Pascale Blanchet, Consultante interne en management et en organisation au sein de la SNCF, interrogée par Justine Grange

    dans le dossier CAPAP (Centre d’Applications Psychologiques et d’Accompagnement Professionnel) Conseil interne en management2006, interview n°7

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    pénalisante pour le consultant comme pour l’organisation. Nous conseillons donc la miseen place d’une structure de conseil interne identifiée et parallèle au groupe, ayant sonautonomie économique, sans impératif de rentabilité monétaire. Sans cela, la légitimité desconsultants risque de reposer davantage sur la volonté du dirigeant que sur leurs proprescompétences.

    b. Rattachement à un directeur charismatique et convaincuCréer une structure de conseil interne est une grande innovation pour un groupe. Dansla mesure où la demande de prestation vient nécessairement de l’intérieur de l’entreprise,c’est-à-dire des cadres et managers, il convient de bien communiquer sur les missions etobjectifs d’un tel type d’offre. Plusieurs paramètres sont à souligner :

    Indubitablement, le soutien de la hiérarchie dans cette opération est fondamental. Lacommunication autour du conseil interne à un haut niveau permet d’installer la légitimitédu projet vis-à-vis des responsables opérationnels. Leur adhésion étant un facteur deréussite déterminant, il semble nécessaire de réaliser une analyse rigoureuse des attentesdes populations cibles et des responsables de l’entreprise, puis de mettre les résultatsde cette enquête à la base de toute construction de conseil. Brigitte Guénard souligneainsi que l’ « on manage une structure par ses finalités ». Copier une structure de conseilinterne existante dans un autre groupe conduirait irréversiblement à un échec. Une tellefonction doit en effet être construite en adéquation avec l’identité de l’entreprise et avecla volonté stratégique des dirigeants. Ainsi, ce projet doit être dès l’origine articulé avecles autres projets de l’organisation, qu’ils soient techniques ou fonctionnels. Le rapport« la dynamique entrepreneuriale dans les grands groupes »20 montre en effet que lerattachement de tous les projets entrepreneuriaux à la direction générale permet de lespréserver des réactions conservatrices qui peuvent surgir. Ce rattachement organisationnelexplicite assied la reconnaissance du caractère stratégique du projet, et renforce leschances de succès de l’initiative. Par exemple, Thales Missions & Conseil a été rattachéà sa création en 1999 à la direction des opérations, au niveau N-2 de Denis Ranque,le président directeur général de Thales. L’objectif était notamment qu’il agisse commeporteur politique du projet, et facilite donc l’acquisition des premières missions de conseilinterne à TM&C. Depuis quelques années, la structure est liée hiérarchiquement à ThalesUniversité. Cette association a plus de sens dans la mesure où TM&C se positionnecomme un vivier d’innovation, de formation et de diffusion des bonnes pratiques partoutdans le groupe. Cette transversalité du consultant interne empêche théoriquement sonrattachement à tout département spécifique. Cependant, comme à la SNCF, les missionsde conseil peuvent être comparées à de la formation, donc incluses dans la direction desressources humaines, ou encore à des opérations de qualité. Mais le principal nous sembleêtre que la direction générale connaisse, approuve et soutienne l’unité de conseil interne.Celle-ci peut être efficacement relayée par un responsable de la structure de conseil interne.En effet, l’influence de ce directeur peut servir ou desservir fortement la structure. La fragilitédu conseil interne est, comme sa force, contenue dans la réputation des membres de l’unité.Par exemple, une mission mal conduite constituera une publicité défavorable très forteen interne. Au contraire, un carnet d’adresse bien rempli offre de multiples opportunitésde missions potentielles, si son détenteur accepte de s’engager personnellement et decautionner les consultants internes en les soutenant dans l’obtention de prestations. Ainsi,Brigitte Guénard fut une directrice charismatique de Thales Missions & Conseil pendantcinq ans. Elle reconnaît lucidement que l’une des raisons de son départ est que « pour

    20 Rapport La dynamique entrepreneuriale dans les grands groupes, Institut de l’entreprise, 2004

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    faire grandir une structure le patron doit savoir partir ». Le soutien par des directeurs, dela structure de conseil comme provenant d’autres départements en interne, est en effetà double tranchant : il est bénéfique d’en tirer profit mais il convient de veiller à ne pasen dépendre exclusivement, pour éviter la subordination qui à terme serait fatale pour lapérennité et l’autonomie de la structure.

    B. Une opportunité en gestion des ressourceshumaines

    Le conseil interne présente de nombreux atouts à mettre en valeur dans le cadre d’unepolitique de gestion efficace et humaine du personnel. La structure peut en elle-mêmeêtre le lieu d’innovations managériales. Le métier de consultant représente une opportunitépour tous les salariés, et tout particulièrement pour les seniors, tant pour leur progressionprofessionnelle que pour leur carrière dans l’entreprise.

    1. Gestion des âgesLa pyramide des âges des entreprises les oblige aujourd’hui à faire preuve de méthodesinnovantes, pour d’une part garder leurs salariés seniors en leur proposant un poste adapté,et d’autre part pour favoriser le travail de collaboration entre générations afin de garantir laperformance de l’organisation à long terme.

    a. La flexibilité d’une nouvelle étape de carrière pour les seniorsLe conseil interne est ici analysé comme un outil de flexibilité salariale. En effet, lesseniors sont trop souvent considérés comme une variable d’ajustement des effectifs.Les quinquagénaires font ainsi l’objet de « mises au placard » ou de préretraites defaçon précoce. Or, ce type de mesures est excessivement coûteux et appauvrissant pourl’entreprise, à la fois économiquement et humainement. Bien des alternatives existent pouréviter ce genre de situation et inclure les seniors dans une politique globale de prévention,d’anticipation et de reclassement. Le conseil interne peut être appréhendé comme l’uned’elles. Nous voyons deux approches du phénomène.

    Tout d’abord, le conseil interne est parfois assimilé, surtout par ses détracteurs, àde « l’intérim de luxe » en période difficile. Face à un ralentissement conjoncturel de lacroissance du marché, que faire des cadres et managers dont l’unité a fusionné avec uneautre ou a disparu ? Le conseil interne permet alors de remobiliser les énergies au servicede l’organisation et de sa réorganisation temporaire, en évitant une diminution brutale deseffectifs qui serait pénalisante lors de la reprise de l’activité. Le bénéfice est dans cetteperspective double : l’entreprise améliore sa performance à long terme en menant desactions de fond, et le salarié garde un travail intéressant qu’il pourra valoriser dans la suitede sa carrière. Par exemple, La Poste conseil interne a été créé, dans le cadre de laréorganisation préparant l’ouverture à la concurrence, pour utiliser au mieux les potentielsdes cadres dirigeants affectés dans leurs précédentes missions par ce changement.

    De plus, le conseil interne est un puissant moyen de mettre en action des managersdécouragés ou démotivés, et ainsi ne pas perdre des seniors formés qui iraient finir

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    leur carrière ailleurs. Pour Florence Thirion21, développer le conseil interne permet de« remobiliser des cadres à un tournant de leur carrière, ou des seniors, sur des missions deconseil ». Devenir consultant interne peut alors être considéré comme une étape ponctuelledestinée à remettre le salarié en position d’apprentissage, tout en sollicitant toute saréactivité et sa performance. Un tel niveau d’exigence est rendu possible par le climatspécifique très humain et d’entraide qui y règne. Jérôme Billard qualifie ainsi l’ambiance dulieu de travail comme « un lieu d’échange et de convivialité ». A Thales Missions & Conseil,le respect des différences de chacun se conjugue avec un niveau élevé d’exigence. ElvireGueye souligne ainsi à la fois les relations interpersonnelles enrichissantes et la charge detravail soutenue. Elle précise : « quand on voit comment TM&C procède, le métier n’est plusun poids ». De même, un ancien consultant TM&C témoigne : « Il n’y a pas si longtemps,j’avais la ferme intention de terminer à 57 ans « comme tout le monde » (…). Oui, maisvoilà : la réforme des retraites est passée par là et j’ai dû retrouver l’énergie nécessairepour ces années supplémentaires. C’est objectivement chez TM&C que j’ai pu remobilisercette énergie »22. N’est-ce qu’une belle utopie ? Il faut croire que non, les propos ci-dessussont issus de témoignages sincères ! L’attractivité du conseil interne réside donc dans desfacteurs subjectifs multiples et différents selon les structures, que nous analyserons plusen détail dans la seconde partie. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une formidableopportunité pour l’entreprise, afin de remobiliser ses meilleurs éléments en interne, et leuroffrir un temps professionnel pour envisager un nouveau départ dans leur carrière.

    Nous touchons ici du doigt une des limites de notre sujet. Les seniors ne sont en effetpas les seuls à avoir besoin d’un temps de prise de recul et de réapprentissage pour amorcerun changement dans leur vie professionnelle. Ainsi, Xavier Gaullier23 considère qu’unbasculement des attentes professionnelles s’opère vers quarante ans. Après une premièremoitié de vie active motivée par la volonté d’ascension, les salariés aspireraient davantageà ouvrir leurs perspectives de travail. La crainte d’une stagnation prochaine et précoce desresponsabilités exercées en fait une étape parfois difficile à vivre. Néanmoins, il n’y a pas defatalité, mais une dualité des orientations alors possibles : baisser les bras et se désengagerprogressivement au travail, ou décider de fournir les efforts nécessaires pour prépareret réussir un virage professionnel porteur pour une seconde carrière épanouissante. Leterme « seconde carrière » utilisé par Xavier Gaullier nous semble d’autant plus pertinentqu’il souligne une rupture. D’où la nécessité pour les entreprises de proposer une gestiondes trajectoires professionnelles anticipée dès la quarantaine. Le conseil interne peut êtrel’une des options proposées pour s’engager dans un tournant. Nouveau métier, nouvelenvironnement de travail, apprentissage : ces éléments sont autant de clés pour mieuxcerner ses envies d’évolution professionnelle et entrer dans une démarche active deconversion. Si cette solution ne peut bien évidemment pas être la seule envisagée, dansla mesure où les effectifs de consultants internes sont limités par les besoins exprimésdans l’entreprise, nous l’envisageons comme un moyen parmi d’autres d’ouvrir de nouvellesperspectives aux salariés présentant trois caractéristiques : une quête de mobilité, un fortpotentiel, une incertitude à déterminer un domaine précis vers lequel ouvrir son projetprofessionnel. Le premier critère nous semble essentiel : le conseil interne ne peut êtreexercé que si la motivation de départ à évoluer est réelle et non imposée. Le métierest exigeant : ni l’entreprise ni l’individu ne s’y retrouveraient dans l’éventualité d’unemutation forcée. Pour cette même raison, un talent professionnel particulier est nécessaire.

    21 www.devenir.fr22 Olivier Destang, Le conseil interne, mobilité et partage des connaissances, Editions d’organisation, janvier 200623 Xavier Gaullier, La deuxième carrière. Âges, emplois, retraites, Paris, Editions du seuil, 1988

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    Ouverture d’esprit, expertise, capacités de négociation et de persuasion sont requises. Latroisième caractéristique indique notre volonté « éthique » ou « humaine » dans l’analysedu phénomène. Nous traitons en effet dans ce mémoire de l’opportunité du conseil internepour accompagner les salariés dans leur trajectoire professionnelle. Il ne s’agit donc pas demettre en place des missions de conseil « pur », mais d’articuler performance et valorisationdes potentiels des salariés qui ont besoin d’un poste de transition pour aborder une secondecarrière.

    b. Favoriser l’échange intergénérationnelSi le conseil interne nous semble une formidable opportunité pour les seniors, il nes’agit surtout pas de créer, selon l’expression de Brigitte Guénard, un « cimetière pouréléphants » ! La performance réside dans la diversité : jeunes et seniors, hommes etfemmes, opérationnels et fonctionnels. La collaboration ainsi provoquée doit permettrela reconnaissance des compétences mutuelles. En allant contre les idées reçues et enchangeant le regard des uns sur les autres, l’entreprise crée de la cohésion et donc du plaisirà travailler, ce qui se traduit concrètement par un plus grand investissement des salariéset une performance accrue.

    De plus, la création d’une fonction de tutorat ou de coaching confiée en priorité àdes quinquagénaires peut être une solution à un double problème de l’emploi : intégreret développer le potentiel des jeunes, et maintenir dans une activité reconnue et utileles seniors. Transmettre leur savoir-faire, encadrer l’intégration dans l’entreprise, fairebénéficier de leur réseau et de leur connaissance « historique » de l’organisation… autantde missions adaptées aux travailleurs expérimentés avec une forte valeur contributive.Bien entendu, le tuteur doit disposer d’outils spécifiques pour l’accompagner dans ce rôle.On peut citer une formation à la dimension pédagogique du coaching, un guide d’accueilet d’évaluation, des documents rappelant la politique sociale et humaine de l’entreprise,notamment en terme de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences. Laformalisation de ces outils méthodologiques peut permettre à l’entreprise de réfléchir surles moyens d’apprentissage progressif, de validation et d’évolution qu’elle offre à sescollaborateurs. Ces propositions peuvent être aisément mises en place dans une structurede conseil interne, et le sont d’ailleurs parfois. Un consultant senior a, de par son expérience,amassé un grand nombre de savoirs et de savoir-faire. La communauté des consultantsdans une grande entreprise étant réduite, et le dialogue coopératif étant une pratiqueconfortée, il est assez naturel de demander aux consultant seniors d’accompagner dansl’apprentissage un plus jeune. Ainsi, Thales Missions & Conseil a mis en place un processusde tutorat des consultants, le tuteur étant un consultant permanent de la structure. Cettefonction recouvre l’intégration dans l’équipe, l’apprentissage du métier, le travail sur le projetprofessionnel, le suivi des missions et le management « classique ». La démarche sedéroule dans la confiance et la transparence, afin qu’un enrichissement mutuel puisse avoirlieu. Marie-Hélène Rampillon, consultante permanente, semble ainsi avoir reçu beaucoupcomme tutrice : « TM&C m’a permis de passer ces cinq dernières années de ma vieprofessionnelle en position de faire partager aux plus jeunes les fruits de mon expérience :un régal ! »24. Du point de vue des jeunes ainsi encadrés, une bonne image du groupe estdiffusée : entreprise citoyenne, respectant son potentiel humain selon une éthique définie.En les formant à l’organisation interne via ses seniors, l’entreprise peut ainsi espérer fidéliserdes jeunes prometteurs.

    24 Le conseil interne, mobilité et partage des connaissances, Editions d’organisation, janvier 2006

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    2. Pilotage des trajectoires professionnellesPour garder ses meilleurs salariés, l’entreprise doit aujourd’hui mettre en place un systèmeperformant de gestion des carrières. En effet, un cadre ne reste plus toute sa vienaturellement dans la même entreprise, au même poste. Au contraire, la mobilité estencouragée dans la mesure où elle apporte une valeur ajoutée au salarié, de mêmeque la formation. Le conseil interne s’inscrit dans cette mouvance et peut constituer pourl’entreprise un outil de développement professionnel, pour accompagner les individus dansun changement de poste.

    a. Un outil de formationFace aux parcours professionnels de moins en moins linéaires, les entreprises doivents’adapter pour inciter leurs collaborateurs à rester dans leur organisation et donc leurproposer une carrière intéressante et ouverte sur de multiples opportunités. Pour cela,le premier élément à mobiliser est la formation. En effet, face à l’évolution rapide destechnologies et des métiers, il est indispensable pour les cadres de rester dans unedynamique d’apprentissage. Il s’agit d’un enjeu important pour l’organisation : en formantses salariés, elle augmente non seulement leurs compétences mais aussi leur motivation autravail. Compte tenu de la place croissante des ressources humaines dans les entreprises,de part la tertiarisation et l’économie des savoirs, la performance globale en est renforcée.Le conseil interne nous semble un lieu de formation inédit et efficace. Tout d’abord, c’est unlieu de formation car un consultant doit apprendre de nouvelles méthodes et les appliquerde façon pratique chez le client. Ce lieu de formation est inédit, car le consultant interneapprend beaucoup sur le terrain, ce qui contraste avec les formules courantes de formation :séminaires, cours magistraux ou exercices de simulation. Par exemple, Nicolas Derkenneinsiste sur l’aspect gestion de parcours à Thales Missions & Conseil. La problématique peutêtre formulée ainsi : « comment faire évoluer les gens d’un poste à l’autre, en changeantde culture, de métier, de division… en leur donnant l’envie de changer ? ». Le consultantinterne travaille dans un environnement mouvant et ouvert. Il réalise des missions variéesdans divers secteurs de l’entreprise, ce qui lui permet de découvrir le fonctionnement del’organisation dans ses multiples composantes. Il est mis en situation réelle et confrontéde façon opérationnelle avec le terrain. La formation est alors d’autant plus efficace que,contrairement à un Master of Business Administration25 (MBA) ou à toute autre formationhabituelle, le salarié continue à produire de la valeur ajoutée pour l’entreprise. BernardLetourneux souligne qu’il bénéficie en plus d’accès privilégiés à des emplois et à unréseau au sein du groupe. Néanmoins, contrairement à une formation de type MBA, lecadre n’augmente pas son niveau de diplôme sur son curriculum vitae, et revendra moinsfacilement cette expérience de conseil interne à l’extérieur de l’entreprise. La SociétéGénérale utilise ainsi son service de conseil interne comme un vivier de jeunes diplômés,offrant un parcours formateur aux futurs auditeurs financiers. Les postulants doivent doncpasser par le conseil interne pour accéder à ce poste, et ainsi avoir une vision globale del’entreprise, de ses problématiques et de ses métiers.

    Pour un cadre senior, l’opportunité du conseil interne est d’autant plus forte que lesformations sont souvent réservées aux plus jeunes. « Former régulièrement et à tous lesâges » est une maxime bien connue des services de ressources humaines, mais encore

    25 Master of Business Administration : diplôme de troisième cycle en administration des affaires, créé à l’origine pour offrir des notionde management aux ingénieurs. Les Executive MBA (EMBA) sont plus particulièrement destinés aux seniors ayant une expériencesignificative dans le commerce ou les affaires.

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    trop peu réalisée concrètement dans les entreprises. C’est pourtant une condition majeuredans l’adaptation des salariés aux changements techniques et organisationnels, adaptationdont l’efficacité est régulièrement remise en cause et reprochée aux seniors. Le rapportles seniors et l’emploi en France26 confirme par les chiffres la réticence des entreprises àformer des seniors. Le taux d’accès à la formation continue passe ainsi de 35% pour lesactifs en emploi ayant entre 45 et 49 ans à moins de 15% pour les 60 ans et plus. Uneexplication réside dans les gains attendus : « l’horizon trop court auquel ils font face rendpeu rentable un investissement en formation ». Les auteurs préconisent donc de « favoriserla formation en entreprise » : « elle est alors un investissement, donc un engagement »de l’organisation à changer son regard sur les seniors et à leur confier des missionsintéressantes. Cependant, la formation n’est pas la réponse à tous les problèmes desseniors. Le centre d’études pour l’emploi a étudié un échantillon d’entreprises industriellespour avoir des éléments d’analyse sur l’importance de la formation dans l’adaptabilitédes seniors au changement technologique et organisationnel. Le résultat obtenu remet encause le discours conventionnel laissant croire que des formations fréquentes après 50 anssuffiraient à résorber tout problème. Luc Behaghel remarque ainsi que « c’est peut êtreplutôt en amont qu’il convient d’agir, en promouvant des carrières diversifiées qui habituentles travailleurs à un environnement changeant »27.

    b. Un outil de mobilitéSelon Jean-Marie Peretti, « la résistance au changement attribuée aux quinquagénairesrepose sur le fait qu’ils sont moins confrontés aux occasions de changement que les plusjeunes… Mais ils sont en réalité tout aussi ouverts que leurs cadets »28. Les entreprisessoucieuses de garder intact le potentiel de leurs collaborateurs seniors se trouvent doncdevant un défi de taille : proposer les mêmes opportunités de changement de poste,malgré la perspective plus proche du vieillissement et de la retraite. L’enjeu est clairementde changer le regard porté sur les seniors pour voir en eux les mêmes potentialités deperformance que chez les plus jeunes. Thales Missions et Conseil (TMC) a ainsi été créésuite au constat que la mobilité était de plus en plus difficile dans le groupe. En effet, Thalestravaillait déjà sur son organisation, et était amené à enlever des strates hiérarchiques. Deschefs de service et de « hauts potentiels » se retrouvaient alors sans poste. Un malaiseparmi les cadres commençait à se faire sentir, accompagné d’un sentiment de gâchis decompétences en ressources humaines. Deux principes ont donc guidé la mise en placede TMC : réaliser des missions de conseil interne et favoriser des repositionnements dansle groupe. Cette double vocation n’est pas simple à gérer au quotidien : concilier projetprofessionnel et missions opérationnelles implique un management clair, porté par desconvictions profondes. Ainsi, un salarié ne passe que 18 mois à TMC comme consultant.L’objectif est donc d’être un « espace de respiration et de réflexion », « une structure depassage vers un nouveau poste »29, parfois très différent.

    Néanmoins, nous identifions une limite majeure à ce fonctionnement. Elle s’est imposéelors de la confrontation des entretiens conduits avec d’anciens consultants de TM&C. Eneffet, de petites phrases, comme « J’aurai eu besoin de six ans de TM&C ! », laissent

    26 Antoine D’Autume, Jean-Paul Betbèze et Jean-Olivier Hairault, Les seniors et l’emploi en France, conseil d’analyseéconomique, la documentation française, Paris, 2005, 243p.

    27 Luc Behaghel, Connaissance de l’emploi n°14, Centre d’études de l’emploi, avril 200528 Eleonore Marbot et Jean-Marie Peretti, Les seniors dans l’entreprise, Village Mondial, 200629 Brigitte Guénard, Le conseil interne, mobilité et partage des connaissances, Editions d’organisation, janvier 2006

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    transparaître une rigidité de la structure qui entrave parfois un développement professionneloptimal. Si un consultant peut éventuellement ne rester que quelques mois dans la structures’il trouve rapidement un poste à sa convenance, il ne peut prolonger ses 18 mois de conseilinterne que difficilement et de quelques semaines, quitte même à ce qu’il soit réembauchédans son poste d’origine. Cela nous semble être un inconvénient de taille. Ainsi, si lesalarié n’est pas prêt à changer de fonction, il est néanmoins engagé dans une dynamiquepositive d’évolution personnelle, qui sera brisée par un retour précoce dans un emploi« classique ». Tous les individus ne réagissent pas de la même façon au changement.Les rythmes de chacun peuvent être très différents, dans l’apprentissage, la remise enquestion ou la capacité à se projeter dans un avenir professionnel différent. Cependant,nous sommes conscients de la nécessité de poser des règles afin que les objectifs de lastructure ne soient pas dénaturés. La durée de l’expérience a été fixée assez arbitrairementà 18 mois, pour garantir à la fois le temps de l’apprentissage et le sentiment d’être dansune situation provisoire. Ainsi, le consultant est pressé par un effet d’agenda : il est donccontraint d’engager une démarche active de définition puis de dynamisation de son parcoursprofessionnel, notamment en recherchant un nouveau poste correspondant à l’évolutiondu métier souhaitée. De plus, le métier de consultant a des atouts qui séduisent parfoisles salariés. Un nombre non négligeable d’entre eux demandent ainsi à devenir consultantpermanent à la suite de leur expérience à TM&C ! Si à Thales cette structure de conseilinterne n’a pas vocation à former des consultants permanents, d’autres modèles existentdans de grands groupes comme IBM, Bouygues ou encore Rhône Poulenc.

    Face à l’exigence de poser des règles et à la constatation que les individus évoluentà des rythmes différents qu’il serait bon de respecter, nous proposons un modèle deconduite de la mobilité, applicable dans de petites structures à taille humaine commeTM&C. En effet, tous les consultants en transition dans ce métier sont accompagnés parun tuteur qui les aide à définir leur projet professionnel. Ce coach a assez de lucidité et deconnaissance de la personne pour identifier si elle a effectivement besoin de rester pluslongtemps que 18 mois dans la fonction de conseil interne, ou si elle le réclame pour d’autresmotivations. Dans le premier cas, l’apprentissage n’étant pas terminé, il serait envisagé depoursuivre l’expérience jusqu’à ce que le salarié ait les clés pour se repositionner dansl’entreprise, donc pour effectuer une mobilité satisfaisante. Dans le second cas, un entretienpermettrait d’identifier les raisons de l’attrait du métier de consultant afin de définir une cibleprofessionnelle adaptée à ces souhaits : par exemple chef de projet en situation transversaleou conseiller auprès d’un département de l’entreprise dans un domaine défini. La règle des18 mois serait donc maintenue, mais les conditions de passage seraient personnalisées enfonction du rythme de chacun.

    3. La dimension ressource humaineLa politique de gestion des ressources humaines au sein même de la structure de conseilinterne est fondamentale pour la réussite du projet. Des talents spécifiques sont nécessairespour exercer le métier de consultant : le choix des candidats est donc primordial. De plus,une politique salariale adaptée permet de récompenser et encourager les salariés, dontl’implication personnelle et l’expertise sont fortement sollicités. Ces deux axes sont d’autantplus essentiels dans la structure que les consultants sont âgés.

    a. Un recrutement ciblé

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    Tout le monde n’est pas apte à faire du conseil ! Fort de cette constatation, le choix descandidats au poste de consultant interne est délicat. Aucune connaissance spécifique n’esten effet requise, aucune expérience antérieure indispensable. Le processus de recrutementétudie les potentialités humaines de chaque candidat, critère qui fait souvent la différencedans l’exercice de ce métier. C’est un véritable pari que font les recruteurs. Du reste, ladécision d’embauche se fait souvent par conviction personnelle partagée par les membresde l’équipe permanente. Brigitte Guénard estime ainsi que le recrutement d’un consultantinterne est compliqué. En quelques heures, il s’agit de détecter la capacité du candidat àfaire du conseil, mais aussi à s’adapter aux enjeux de l’entreprise et à la structure de conseilinterne. A Thales Missions & Conseil, le recrutement s’effectue « tous azimuts » : aucuneexpertise spécifique n’est indispensable. Au contraire, La Poste Conseil Interne n’engageque des profils ciblés répondant à des besoins identifiés au préalable. Concrètement, lesrecruteurs de TM&C appliquent une note à trois critères : la compétence technique, le savoirêtre et le « savoir devenir ». Si le candidat présente de réelle potentialités, la note est un.S’il subsiste des hésitations, un demi point qualifiera le critère. Si le doute est profond, unzéro marque l’orientation du prétendant vers un autre métier que celui de consultant. Cetteméthode est assez caricaturale, mais « c’est aussi le rôle de la structure que de prendredes risques ». Finalement, l’envie du candidat est une composante essentielle du succèsd’une embauche. Or, ce critère est subjectif et ne s’appréhende que par le ressenti. Lemode de recrutement d’un nouveau consultant est donc profondément atypique, garantiprincipalement par la cohérence et la conviction de l’équipe dirigeante.

    Les pratiques chez Michelin sont cependant très différentes. Les salariés exerçantune fonction de conseil interne sont appelés « organisateurs industriels ». Ils sont, pour lamajorité (4/5), de jeunes embauchés à fort potentiel, mais qui n’ont pas été jusqu’au boutde leur formation initiale. Michelin leur propose alors de rejoindre une école de formationinterne, qui existe depuis les années 1970, afin de suivre un processus d’apprentissagedu métier de conseil interne. Pendant six mois, une formation théorique leur apporteles outils méthodologiques nécessaires pour conduire à bien des missions. Puis, unstage dans une usine est proposé à chacun, encadré par un tuteur expérimenté. Cetaccompagnement assure un transfert de savoir et un suivi personnalisé. La premièreaffectation en tant qu’organisateur industriel se fait pendant un an dans un secteurdélimité. Puis, progressivement, le consultant augmente son cadre d’intervention, selonses compétences. Néanmoins, ce parcours n’est pas réservé en exclusivité à de jeunesembauchés. Un cinquième des personnes formées sont des seniors, dans un objectif dereclassement interne.

    En effet, tous les professionnels du secteur s’accordent à dire que la mixité estune source d’enrichissement sans précédant dans le conseil interne. Tout d’abord, lacollaboration de jeunes avec des seniors évite le sentiment de « ghetto ». Brigitte Guénardsouligne ainsi le risque d’une structure réservée aux quinquagénaires, qui développeraitl’image d’un « samu social ». Les retombées négatives d’une telle organisation seraientdoubles. Tout d’abord, la perception par les clients de la fonction interne de conseil enserait affectée. De plus, le senior développerait sur lui-même une image dég