Terre Laine 355 petites annonces - Poyas Pat Von N.Même le Kama-sutra «J’ai découvert les poyas...

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Jeudi 19 juillet 2007 15 Terre Laine Toisons d’or produites à Ropraz (VD) à partir de chèvres angoras 20 PORTRAIT PORTRAIT Patricia Von Niederhäusern Patricia Von Niederhäusern Tombée amoureuse des représentations de la poya, elle a revisité cet art populaire à sa manière. Patricia Von Niederhäusern réalise en bois découpé des poyas peuplées de vaches un peu barjos, toujours surprenantes et parfois coquines Voir la poya autrement Voir la poya autrement S cène iconoclaste: la présidente de la Confédération, Micheline Calmy- Rey, et celle du Conseil national, Christine Egerszegi, paradent au Grütli, au milieu des vaches, pour prêter le fameux serment fondateur de l’Helvétie. Cette allégorie mêlant tradition et actualité, Patricia Von Niederhäusern l’a finement découpée dans du bois en respectant scrupuleusement le style des représenta- tions populaires de la poya. «N’y voyez pas de la provocation ni de l’ironie. Je ne me moque pas des traditions.» Au con- traire, elle tient à perpétuer l’art de la poya, mais en l’inscrivant dans l’air du temps plutôt que de le figer dans le carcan du passé. Même le Kama-sutra «J’ai découvert les poyas en papier découpé l’année dernière et elles m’ont fait craquer. Depuis, mon imagination n’a cessé de bouillonner.» A ce jour, cette Fribourgeoise d’origine jurassienne, éta- blie à Attalens (FR), a créé une dizaine de modèles différents de scènes de poya, dont la «Gstaad», où les joueurs de cor des Alpes subissent la concurrence d’un célèbre rocker débridé (et défiscalisé), la «Guillaume Tell», où le fils de Tell mange tranquillement sa pomme au lieu de la vouer aux exploits de son papa, la «Super- vache», capable des plus improbables prouesses, à l’image de Superman, ou la «Barjo», qui prend le plafond pour le plancher des vaches. Il y a même une poya coquine, la «Poya sautera», dans laquelle les vaches s’essaient à quelques fondamentaux du Kama-sutra, sans pour autant en dévoiler de détails trop triviaux. «La scène comporte sept étages comme le septième ciel et 69 sapins, cela va de soi», précise l’artiste sur un ton amusé. Patricia Von Niederhäusern a également réalisé une série d’œuvres plus sages et classi- ques. Elle exécute ses découpages à la machine sur du contreplaqué de peuplier, dont elle choisit personnellement chaque pièce pour en garantir l’homogénéité et la solidité. L’artiste, qui connaît bien les vaches, pour avoir appris à les traire à la ferme quand elle était enfant, se plaît à soigner les détails. «J’aime réaliser des scènes fantaisistes et joyeuses, mais sans jamais déformer la silhouette des vaches ni trahir l’esprit pictural de la poya. C’est une belle tradition qui mérite d’évoluer avec son époque mais pas de sombrer dans le pastiche grossier.» Pas question non plus de se contenter d’approximations. «J’ai, par exemple, passé des heures à étudier le profil silhouetté de Micheline Calmy-Rey jusqu’à ce qu’on la reconnaisse parfaite- ment.» Présence au Comptoir Côté artistique, Patricia Von Niederhäu- sern n’en est pas à son coup d’essai. A 16 ans déjà, elle rêvait de faire une école d’art, «mais il fallait d’abord gagner sa croûte». Elle travailla donc dans l’horloge- rie, puis apprit le métier d’infirmière en psychiatrie avant de décrocher, en 2001, un diplôme d’art dans le domaine du trompe-l’œil, au terme d’une formation de six mois dans la prestigieuse école de peinture décorative de Yannick Guégan, en Bretagne. «Malheureusement, le trompe-l’œil n’est pas très répandu en Suisse, et j’ai dû abandonner le rêve d’en faire ma profession.» Aujourd’hui, la jeune Fribourgeoise aimerait bien pouvoir vivre de son art, du moins partiellement. Elle a fait ses premières apparitions très remarquées sur les marchés et les stands de manifestations particulières, comme le dernier combat cantonal de reines à Aproz (VS). Signe prometteur, elle a obtenu son sésame au prochain Comptoir Suisse, dans l’espace des créateurs. Patricia Von Niederhäusern vend aussi ses œuvres via un catalogue électronique, «le poyalo- gue», que l’on peut obtenir sur demande par courriel à l’adresse ci-dessous. Mais elle tient à maintenir ses activités dans un cadre strictement artisanal: «La poya, ça ne s’industrialise pas.» Pierre Noverraz Patricia Von Niederhäusern revisite l’art traditionnel de la poya et réalise des créations très originales, de plus en plus connues. Pierre Noverraz Patricia, si vous étiez… U Un produit du terroir? Une meringue double crème. Je suis capable de me damner pour elle. U Un animal? Le dahu bien sûr. D’accord, on ne l’a encore jamais vu. Mais je ne désespère pas. U Une fleur? Le myosotis. Il est fragile, joli, mais sans prétention. U Une rivière? La Veveyse. Elle est pleine de surprises et de tourbillons. U Une boisson? Une bière. Une simple pression. Juste pour la soif et le houblon. U Une montagne? La Dent-de-Jaman. J’y ai fait mon plus beau vol en parapente. Bourses 355 petites annonces Butinez chaque semaine dans le plus gros bouquet de bonnes affaires! 21 + d’infos Patricia von Niederhäusern Route de Vevey 44 1616 Attalens (FR) tél. 021 947 43 32 [email protected]

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  • Jeudi 19 juillet 2007 15

    Terre LaineToisons d’or produitesà Ropraz (VD) à partirde chèvres angoras

    20

    PORTRAITPORTRAIT Patricia Von NiederhäusernPatricia Von Niederhäusern

    Tombée amoureuse des représentations de la poya, elle a revisitécet art populaire à sa manière. Patricia Von Niederhäusern réaliseen bois découpé des poyas peuplées de vaches un peu barjos,toujours surprenantes et parfois coquines

    Voir la poya autrementVoir la poya autrement

    S cène iconoclaste: la présidente dela Confédération, Micheline Calmy-Rey, et celle du Conseil national,Christine Egerszegi, paradent au Grütli, aumilieu des vaches, pour prêter le fameuxserment fondateur de l’Helvétie. Cetteallégorie mêlant tradition et actualité,Patricia Von Niederhäusern l’a finementdécoupée dans du bois en respectantscrupuleusement le style des représenta-tions populaires de la poya. «N’y voyezpas de la provocation ni de l’ironie. Je neme moque pas des traditions.» Au con-traire, elle tient à perpétuer l’art de lapoya, mais en l’inscrivant dans l’air dutemps plutôt que de le figer dans le carcandu passé.

    Même le Kama-sutra«J’ai découvert les poyas en papier

    découpé l’année dernière et elles m’ontfait craquer. Depuis, mon imagination n’acessé de bouillonner.» A ce jour, cetteFribourgeoise d’origine jurassienne, éta-

    blie à Attalens (FR), a créé une dizaine demodèles différents de scènes de poya,dont la «Gstaad», où les joueurs de cordes Alpes subissent la concurrence d’uncélèbre rocker débridé (et défiscalisé), la«Guillaume Tell», où le fils de Tell mangetranquillement sa pomme au lieu de lavouer aux exploits de son papa, la «Super-vache», capable des plus improbablesprouesses, à l’image de Superman, ou la«Barjo», qui prend le plafond pour leplancher des vaches. Il y a même unepoya coquine, la «Poya sautera», danslaquelle les vaches s’essaient à quelquesfondamentaux du Kama-sutra, sans pourautant en dévoiler de détails trop triviaux.«La scène comporte sept étages comme leseptième ciel et 69 sapins, cela va de soi»,précise l’artiste sur un ton amusé. PatriciaVon Niederhäusern a également réaliséune série d’œuvres plus sages et classi-ques. Elle exécute ses découpages à lamachine sur du contreplaqué de peuplier,dont elle choisit personnellement chaque

    pièce pour en garantir l’homogénéité et lasolidité.

    L’artiste, qui connaît bien les vaches,pour avoir appris à les traire à la fermequand elle était enfant, se plaît à soignerles détails. «J’aime réaliser des scènesfantaisistes et joyeuses, mais sans jamaisdéformer la silhouette des vaches ni trahirl’esprit pictural de la poya. C’est une belletradition qui mérite d’évoluer avec son

    époque mais pas de sombrer dans lepastiche grossier.» Pas question non plusde se contenter d’approximations. «J’ai,par exemple, passé des heures à étudier leprofil silhouetté de Micheline Calmy-Reyjusqu’à ce qu’on la reconnaisse parfaite-ment.»

    Présence au ComptoirCôté artistique, Patricia Von Niederhäu-

    sern n’en est pas à son coup d’essai. A16 ans déjà, elle rêvait de faire une écoled’art, «mais il fallait d’abord gagner sacroûte». Elle travailla donc dans l’horloge-rie, puis apprit le métier d’infirmière enpsychiatrie avant de décrocher, en 2001,un diplôme d’art dans le domaine dutrompe-l’œil, au terme d’une formation de

    six mois dans la prestigieuse école depeinture décorative de Yannick Guégan,en Bretagne. «Malheureusement, letrompe-l’œil n’est pas très répandu enSuisse, et j’ai dû abandonner le rêve d’enfaire ma profession.» Aujourd’hui, lajeune Fribourgeoise aimerait bien pouvoirvivre de son art, du moins partiellement.Elle a fait ses premières apparitions trèsremarquées sur les marchés et les standsde manifestations particulières, comme ledernier combat cantonal de reines à Aproz(VS). Signe prometteur, elle a obtenu sonsésame au prochain Comptoir Suisse,dans l’espace des créateurs. Patricia VonNiederhäusern vend aussi ses œuvres viaun catalogue électronique, «le poyalo-gue», que l’on peut obtenir sur demandepar courriel à l’adresse ci-dessous. Maiselle tient à maintenir ses activités dans uncadre strictement artisanal: «La poya, çane s’industrialise pas.»

    Pierre Noverraz

    Patricia Von Niederhäusern revisite l’art traditionnel de la poya et réalise descréations très originales, de plus en plus connues. Pierre Noverraz

    Patricia, si vous étiez…U Un produit du terroir?

    Une meringue double crème. Je suis capable de me damner pour elle.U Un animal?

    Le dahu bien sûr. D’accord, on ne l’a encore jamais vu. Mais je ne désespère pas.U Une fleur? Le myosotis. Il est fragile, joli, mais sans prétention.U Une rivière? La Veveyse. Elle est pleine de surprises et de tourbillons.U Une boisson? Une bière. Une simple pression. Juste pour la soif et le houblon.U Une montagne? La Dent-de-Jaman. J’y ai fait mon plus beau vol en parapente.

    Bourses 355 petites annoncesButinez chaque semainedans le plus gros bouquetde bonnes affaires! 21

    + d’infosPatricia von NiederhäusernRoute de Vevey 441616 Attalens (FR)tél. 021 947 43 [email protected]

  • 102 | Migros Magazine 41, 5 octobre 2009

    La poya s’amusePatricia von Niederhäusern donne à l’art traditionnel fribourgeois un coup de jeuneébouriffant et s’inspire du quotidien pour réinventer la désalpe.

    P our vous, une vache, çabroute de l’herbe, descendprécautionneusement les ta-lus montagnards en agitant sa clo-che en rythme. Pour Patricia vonNiederhäusern, les vaches tien-nent plutôt de Catwoman et deTarzan. La jeune femme, origi-naire du Jura bernois, est fan depoyas depuis toute petite. Maisc’est en débarquant à Attalens(FR) que sa passion a vraimentpris son essor. «Ici, il y a des va-ches partout, dans les champs, surles serviettes, dans les magasins...la tradition est très vive», constate-t-elle.

    Cette omniprésence a alimentéson imagination. Les vaches pais-sent dans le pré devant chez elle,elle a tout le loisir de les observer,de les «croquer» de son crayon.

    Infirmière de nuit, elle grif-fonne pendant ses veilles des va-chettes un peu follettes, qui dan-sent, qui s’aiment, qui grimpentaux arbres, jouent à cochon pendu,font leurs besoins... «Mes collè-gues adoraient, on rigolait beau-coup, ils me donnaient desidées.»

    Durant la journée, elle réaliseces poyas d’un genre très particu-lier, qu’elle offre autour d’elle. Puisaux amis de ses amis, sur com-mande. Elle se relève durant sesheures de sommeil pour couchersur papier une idée à peine surve-nue. Travaille sans discontinueren changeant juste dematière: pa-tients – poya – patients... Jusqu’àce que quelqu’un lui glisse: «Tu nepeux pas continuer à offrir tesœu-vres, il faut t’organiser, les ven-dre.»

    Epuisée après deux ans de jon-glage, l’artiste prend le dessus surl’infirmière, elle se lance au culot,en 2007. Patricia von Niederhäu-sern se crée alors un pseudo: PatvonN., un logo, une carte de visite.«J’ai tout appris sur le tas, je ne

    savais pas faire une facture sur Ex-cel et j’ai dû trouver du bois dequalité en quantité pour mespoyas.»

    A la recherche d’un boisà la qualité irréprochableElle écume les magasins de brico-lage de la Suisse romande, exigeun bois de peuplier contreplaquéirréprochable, sans nœud, lisse,n’hésitant pas à passer en revuetoutes les planches disponibles enstock, au risque de rendre foun’importe quel vendeur, avant des’adresser directement aux four-nisseurs de ces magasins.

    Désormais entièrement dé-vouée au crayon, aux ciseaux – ouplutôt, à la machine – et aux pin-ceaux, elle a enfin le temps. Letemps de penser, d’imaginer, decoller à l’actualité, assise à son bu-reau, ou dans la cave où se trou-

    vent les planches et la machine.2007, c’est l’année où la présiden-te de la Confédération MichelineCalmy-Rey défie les néonazis surla prairie du Grütli. Patricia vonNiederhäusern réalise une poyanommée «Grütli» sur laquelle lasocialiste devient l’une des troisfigures du serment de 1291. L’an-née suivante, la Coupe d’Europede football se déroule en Suisse, etvoilà que les vaches se transfor-ment en joueuses et échangentdes ballons entre les étages du ta-bleau.

    L’artiste se dévergonde et créeune «Poya Sautera» – sorte de Ka-ma-Sutra, version animalière –,dans laquelle les bovins s’adon-nent aux plaisirs interdits sanspudeur. «Il y a soixante-neuf sa-pins et sept étages, comme le sep-tième ciel», rit-elle. Grand succès.Suivi d’un mini-scandale,

    lorsqu’elle dessine un Cervin enplein centre d’une désalpe. «LesFribourgeois m’en ont voulud’avoir ajouté un symbole étran-ger à un art local.»

    Heureusement, ils ne lui tien-dront pas longtemps rigueur, carvoici déjà une nouvelle invention:la vache qui file d’un étage àl’autre, accrochée à la queue d’unecollègue de troupeau, au cri de«Lyoooooba». L’Attalensoised’adoption est pardonnée.

    Parfois aussi, Patricia vonNie-derhäusern réalise des poyas «sa-ges», traditionnelles, mais tou-jours avec une touche personnelle:un lapin, un chien ou un coq ac-compagnent les vaches. UnMolé-son ou un chalet d’alpage plantentle décor de fresques magnifiques.

    «Je vis un vraiconte de fées»Aujourd’hui plusieurs magasinsvendent ses créations, mais PatvonN. a toujours de la peine à réa-liser. «Je vis un vrai conte de fées,dansma tête, je suis toujours infir-mière.» Déjà, un classeur completd’idées attendent d’être un joureffectivement conçues. Leur su-jet? «Secret!» car, depuis qu’unconcurrent a volé un jour son idée,elle reste discrète sur ses pro-jets...

    Elle ne résiste toutefois pas à lafierté d’exhiber la dernière com-mande qu’on lui a adressée, quisortira avant Noël: un caquelonorné de poyas qu’elle a dessinées.Destiné à être vendu dans lesgrands commerces, il offre une vi-trine inespérée pour l’artiste.

    Mélanie HaabPhotos François Wavre / Rezo

    Les œuvres de Pat von N. sont disponi-bles à la boutique Puzzle à Vevey, chez ArtSuisse à Lausanne, au Filet de Gruyère àGruyère. Vous pouvez demander lecatalogue par mail: [email protected]

    Dans la plupart des poyas de Patricia von Niederhäusern, lesvaches ont perdu la tête.

  • RÉUSSITEPATRICIA VONNIEDERHÄUSERN | 103

    ll y a deux ans, Patricia von Niederhäusern abandonnait son métier d’infirmière pour se consacrer à 100% à sa passion.

  • Monaco lui vole sa poya

    Artiste sur bois à Evionnaz (VS), Patricia von Niederhäusern a eu la désagréable surprise de

    découvrir une de ses œuvres plagiée sur une invitation à une soirée organisée par Andrea et Tatiana Casiraghi.

    L’ILLUSTRÉ 10/14 3938 L’ILLUSTRÉ 10/14

    INSOLITE

    PASSIONNÉEL’artiste jurassienne dans son

    atelier d’Evionnaz (VS), où elle crée ses poyas sous l’œil

    attentif de Ziggy, son jeune braque de Weimar de 3 ans.

    TRADITION Les poyas de Patricia sont découpées dans du peuplier contrepla-qué teinté de 4 mm.

    Photos SEDRIK NEMETH ! Texte AURÉLIE JAQUET

  • Texte AURÉLIE JAQUET

    Patricia n’en revient toujours pas. Un mois qu’elle res-sasse «toute cette histoire», partagée entre un sentiment de fierté et de colère. Un mois qu’elle vit

    cette désagréable sensation de «s’être fait avoir». Il y a de quoi. Créatrice de poyas en bois, cette artiste jurassienne a découvert qu’une de ses œuvres a été reproduite sans son autorisation sur des car-tons d’invitation officiels. Et pas n’importe lesquels. Leurs émetteurs? Tatiana et Andrea Casiraghi de Monaco. Uni le 1er février dernier à Rougemont (VD), le couple conviait ses hôtes à une soirée fondue la veille du mariage. Et c’est sur cette invitation que figure pré-cisément la poya de Patricia. C’est une amie qui lui met la puce à l’oreille. Une artiste de la région qui jure avoir repéré

    une de ses œuvres dans un magazine de têtes couronnées. Vérification faite, c’est bien sa célèbre poya Fondue qui illustre le carton conviant à la Fondue Party du couple moné-gasque. «Je n’en ai pas cru mes yeux quand j’ai vu ça», s’étonne encore Patricia von Niederhäusern.

    Une bouse en moinsDans la cuisine de sa mai-son d’Evionnaz, où elle nous reçoit pour le café, la Juras-sienne refait la démonstration, comme pour se prouver une fois encore qu’elle n’a pas rêvé. D’un côté, l’invitation publiée dans le journal. De l’autre, l’œuvre originale en peuplier contreplaqué, signée de l’artiste.

    Douze vaches réunies autour d’un caquelon qui s’emmêlent leurs fils de fromage au milieu d’un décor de sapins. Pas besoin, en effet, d’insister bien longtemps pour constater qu’il s’agit du même dessin. Seul

    un petit détail a changé. Une bouse de vache sur l’œuvre de Patricia a disparu de l’invita-tion royale. «J’imagine qu’ils n’ont pas voulu choquer la famille princière. Mes clients, eux, l’aiment avec ce clin d’œil humoristique. D’ailleurs, la poya Fondue est une de mes créations les plus appréciées. J’en ai produit une bonne cen-taine en trois ans», poursuit l’artiste. Des pièces vendues entre 80 et 120 francs selon le format. Et c’est bien là que l’affaire choque Patricia. «Vous imaginez la tête de mes clients en voyant ça? Ces gens m’ont payée pour mon travail pen-dant que d’autres me volent par-derrière!» L’artiste ne décolère pas. D’autant qu’elle

    se serait fait un plaisir de créer un modèle sur mesure pour le couple royal si on le lui avait demandé. «J’aurais imaginé des vaches qui coupent un gâteau, avec le Rocher au milieu et les mariés dessus. Quelque chose dans ce genre. Ça aurait été sympa, non?»

    Les fils du fromageDe l’imagination, Patricia n’en manque pas. Infirmière de profession et peintre en décor diplômée, elle a quitté le milieu médical il y a cinq ans pour se lancer à plein temps dans la création.

    Une activité qui mêle sa pas-sion pour l’artisanat tradition-nel et son amour des vaches. Son travail commence par le

    dessin des motifs, qui sont ensuite découpés à l’aide d’un laser. La poya est terminée au cutter et peinte à la main. «J’ai passé des heures et des heures à dessiner les fils de fromage de la poya Fondue. Jusqu’à ce que je trouve le résultat le plus réaliste possible. Je recherche

    l’esthétique et l’équilibre dans les mises en scène de mes créa-tions, mais aussi l’humour et la surprise», explique l’artiste.

    Une poya en cadeau au couple CasiraghiDans son atelier, on découvre ainsi la poya Sautera, qui met

    en scène des vaches dans des positions encore jamais explo-rées jusque-là. Ou le modèle Charlot, qui revisite Chaplin et le cinéma selon les codes de la poya. D’ailleurs, ironie du sort, Patricia reverse des droits à la famille du cinéaste pour pou-voir utiliser son image.

    Pas question, donc, de se lais-ser impressionner par le Rocher. La Jurassienne a organisé sa défense pour informer le couple Casiraghi de la copie de son œuvre. La réponse est venue de l’agence événementielle anglaise mandatée pour la création des invitations. «Ça m’énerve d’au-tant plus de savoir que la faute a été commise par des profession-nels qui ne peuvent ignorer la loi sur les droits d’auteur. Non seu-lement ces gens ont utilisé mes dessins à des fins commerciales, mais en plus ils arnaquent la famille princière! Je suis aussi triste pour eux que pour moi.»

    L’agence a reconnu le pla-giat et expliqué avoir piqué la photo sur un site internet. L’affaire devrait se conclure par un dédommagement. Patricia, elle, se réjouit que cette his-toire se termine pour offrir, sans rancune, une «vraie» poya Fondue aux jeunes mariés. Mais avec la vache qui bouse, cette fois. www.patvn.ch

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    40 L’ILLUSTRÉ 10/14 L’ILLUSTRÉ 10/14 41

    INSOLITELE VOL DE POYA

    «Non seulement ces gens ont utilisé mes dessins à des fins commerciales, mais en plus ils arnaquent la famille princière!» Patricia von Niederhäusern

    COPIE CONFORMEA gauche, le modèle original de la poya «Fondue» réalisée depuis 2011 par Patricia von Niederhäusern. Ci-dessous, le carton d’invitation à la Fondue Party de Tatiana et Andrea Casiraghi conçu par une agence anglaise. Même dessin, même couleur. Tout est plagié, à un détail près: la vache en bas à gauche sur l’original, dont la bouse a été effacée sur la copie.

    Vendredi 31 janvier, veille de leur mariage, Andrea Casiraghi (en panthère rose) et Tatiana ont retrouvé leurs amis autour d’une fondue déguisée à l’Eggli, un restaurant de montagne sur les pistes de Gstaad.

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