Actes des Rencontres nationales sur la démocratie de ...

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des Rencontres nationales sur la démocratie de proximité en villes moyennes Actes Actes A uxerre - 14 et 15 octobre 2004 A uxerre - 14 et 15 octobre 2004

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des Rencontres nationales sur la démocratiede proximité en villes moyennes

ActesActes

Auxerre - 14 et 15 octobre 2004Auxerre - 14 et 15 octobre 2004

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• Albi • Alençon • Amiens • Annemasse • Antibes • Armentières • Autun • Auxerre • Bar-le-Duc • Bastia • Beaune • Boissise-le-Roi • Bourg-en-Bresse • Bourgoin-Jallieu • Calais • Châlons-en-Champagne• Chambéry • Chaumont • Chevannes • Cholet • Communauté d'agglomération de l'Albigeois• Communauté de communes de l'Auxerrois • Communauté de communes de Bar-le-Duc • Concarneau• Dreux • Fécamp • Gap • Gurgy • La Roche-sur-Yon • L'Etang-Salé • Lieusaint• Louviers • Mâcon • Metz• Millau • Montceau-les-Mines • Montélimar • Nevers • Niort • Rodez • Roubaix • Saint-Dié-des-Vosges• Saint-Fargeau-Ponthierry • Saint Paul de la Réunion • Saintes • Saumur • Sedan • Soissons • Villefargeau• Villiers-le-Bel

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Association créée en 1988 et présidée par Bruno Bourg-Broc, député-maire de Châlons enChampagne, la Fédération des Maires des Villes Moyennes (FMVM) regroupe les élus desvilles centre dont la population est comprise entre 100 000 et 20 000 habitants (ou moins sielles sont siège de préfecture) ainsi que les présidents des établissements publics decoopération intercommunale à fiscalité propre qui intègrent une Ville Moyenne.

Représentative du cinquième de la population française, la FMVM identifie et étudie lesspécificités des Villes Moyennes et de leurs agglomérations, pôles d’équilibre entre les métropoles régionales et lesbourgs ruraux. Organe de réflexion et de conseil, elle est une force de proposition pour la défense et la reconnaissancedes Villes Moyennes. Paritaire dans ses instances de décision, la FMVM compte aujourd’hui 160 adhérents.

FMVM - 5, rue Jean Bart - 75006 Paris - Tél. 01 45 44 99 61 - Fax 01 45 44 24 50Email : [email protected] - Site : http://www.villesmoyennes.asso.fr

Maquette : Cati Grellé • Photos : Josette Laliaux, ville d’Auxerre Flashage et impression : Imprimerie Corlet, 14110 Condé/Noireau N° Imprimeur : XXX

Depuis le début de l’année 2002, la Ville d’Auxerre a mis en place un dispositif de concertationpermanente avec les habitants. Onze conseils de quartier sont régulièrement consultés sur lesgrands projets de la Ville et élaborent eux-mêmes leurs propres projets pour leur quartier. Unbudget d’investissement et un budget de fonctionnement sont réservés spécialement audispositif.

Pour tout contact : Ville d’Auxerre - service Quartiers Jeunesse Citoyenneté14 place de l’Hôtel de Ville - 89000 AUXERRE - Téléphone 03 86 72 44 20 ou 03 86 72 44 23 - Fax 03 86 72 44 07 Email : [email protected] Site : http://www.auxerre.com (rubrique : les quartiers ont la parole, comptesrendus des assemblées et conseils de quartier, vos élus dans les conseils de quartier etc.) (responsable du service :Denis Quéva)

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AIRE

S O M M A I R E

ÉÉDDIITTOO

Démocratie de proximité, par Guy Férez . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3Les villes moyennes mobilisées, par Bruno Bourg-Broc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

ENQUÊTE « DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ »

Les villes moyennes redynamisent la démocratie locale, par Sophie Dortes . . . 7

POUR ENTRER DANS LE SUJET…

Ce qui se joue dans la démocratie de proximité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

ATELIERS

La démocratie de proximité, outil d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

La démocratie de proximité, moyen de mobilisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

La démocratie de proximité, lieu de mise en cohérence des initiatives . . . . 21

La démocratie de proximité, moment dans la décision publique locale . . . 23

Les outils pour s’écouter, élaborer un diagnostic partagé . . . . . . . . . . . . . 26

Les vecteurs pour s’informer, communiquer, se connecter . . . . . . . . . . . . . 30

Pour comprendre la proximité, des formations s’imposent . . . . . . . . . . . . . 33

L’organisation de la démocratie dans les territoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

PUISQU’IL FAUT CONCLURE…

Concilier le cap et le chemin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

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É D I T O

Démocratie de proximitéGuy Férez, maire d’Auxerre, vice-président

du conseil régional de Bourgogne

Q uand on évoque la démocratie de proximité en villesmoyennes, il y a là quelque chose de frappant dans la

démarche. En effet, aucune obligation légale n’impose à ces villesla mise en place de tels dispositifs et, pourtant, plus de 90 % deces mêmes villes se sont lancées dans la démocratie de proximité.

Ainsi, dans le temps même où la démocratie représentative se voitrégulièrement contestée et où l’on parle encore de crise de la représentationpolitique, nous nous faisons les promoteurs de la démocratie de proximitéperçue, parfois, comme une mise en cause de la démocratie délégataire.

N’y a-t-il pas là un paradoxe ? Une forme de fuite en avant qui seraitl ’ incapacité des élites à refonder la légit imité de la démocratiereprésentative ? Un risque dont nous aurions initié le mouvement, sans enmesurer les conséquences ?

Formulé dans ces termes là, le paradoxe est réel.

Reformulé sur la base d’une autre interrogation, on peut alors passer duparadoxe réel au paradoxe seulement apparent.

Parce que si, f inalement, face à la crise qui frappe la démocratiedélégataire, dans un environnement institutionnel et politique qui voit lescentres de décision de plus en plus s’éloigner des citoyens, la villeapparaissait comme le lieu d’un nouvel espace politique, à la mesure del’homme contemporain ?

Forte de cela, la ville, et notamment la ville moyenne, ouvre les conditionsd’une démocratie de proximité, qui n’est pas un alibi, et crée l’opportunitéd’une participation des habitants à l’exercice d’une citoyenneté particulière :la citoyenneté de la ville et dans la ville.

Et si la ville devient alors le lieu où s’ébauchent et se multiplient les initiativeset les pratiques civiques, la dialectique démocratie délégataire - démocratiede proximité trouve son rythme cohérent.

Ensemble, et non l’une à côté de l’autre, elles se servent d’appui etconstituent les deux moments solidaires d’un même mouvement.

Corollaire du développement de la conscience politique de nos concitoyens,leur participation aux affaires de la cité s’impose comme un nouveau droit del’Homme dans la ville.

Fondement de la République, la démocratie représentative s’en nourrit ets’adresse à son époque, dans une ville ouverte à son temps, à ses évolutionset aux exigences fortes qu’expriment nos concitoyens.

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Et c’est, in fine, un nouveau contrat politique qui nous lie à ces concitoyens etnous impose un devoir : celui de l’action, repensée à l’aune du désir d’unerelation nouvelle à la ville réclamée par ceux qui y vivent.

Dites ainsi, les choses vont de soi. Mais sans doute faut-il considérer que lechoix qui est le nôtre, d’une démocratie de proximité urbaine, appelle desmodalités de mise en œuvre qui n’appartiennent pas à la générationspontanée, mais reposent sur une construction dont nous avons la charge.

Et s’il y a un exercice qui, plus que tout autre, n’a rien de scientifique et relèvede l’à peu près, plus que de la certitude, c’est bien l’exercice de ladémocratie.

Dans ce jeu d’acteurs, sur le théâtre de la ville, les choses ne valent et nes’emboîtent que par les formes, les outils et l’organisation que l’on donne au jeu.

Et si les travaux des Rencontres doivent avoir un sens, il me semble qu’ilsdoivent répondre à trois questions et clarifier les enjeux qui les sous-tendent.

• Premièrement, la démocratie de proximité est-elle un élément conjoncturelou bien trouve-t-elle sa place dans un processus irréversible, nécessaire àl’appréhension, par les citoyens, d’un monde au contenu et auxinterrogations de plus en plus complexes ?

C’est l’enjeu de l’avenir, de sa perception et de sa gestion, qui est ainsi posé.

• Deuxièmement, les pratiques doivent-elles reposer sur une formalisation etun modèle administrés et institutionnalisés ou bien sont-elles appelées àdevenir une réalité complexe elle-même, une réalité vivante, qui seratoujours à recommencer, soumise aux contradictions de notre vie politique,soumise, peut-être aussi, à l’usure du temps ?

C’est l’enjeu direct, à travers les pratiques, les outils et les formes de ladémocratie de proximité, de la complémentarité entre les praticiens del’action publique que nous sommes et nos concitoyens qui veulent voir priseen compte leur vision de la cité.

• Troisièmement, parce que le temps est la dimension essentielle sur laquellerepose un projet de ville, avec ce qu’il comporte, parfois, d’atermoiements,d’approximations et d’erreurs, se pose la question de la légitimité dujugement de nos concitoyens sur l’action conduite par les élus et de latentation du mandat impératif qui pourrait s’exprimer dans les dispositifs dedémocratie de proximité.

C’est l’enjeu de la connaissance et du partage, entre les citoyens et les élus,de l’ensemble des dimensions qui permettent le déploiement d’un projet surun territoire.

Trois questions et trois enjeux, avec toutes les variations et les nuances qu’ilsappellent pour répondre, au fond, à une exigence : l’organisation de ladémocratie dans la ville. ■

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Les villes moyennes mobilisées

Bruno Bourg-Broc,maire de Châlons-en-Champagne,

député de la Marne,président de la Fédération des maires des villes moyennes

C onscientes du fort engagement des villes moyennes dansdes processus de concertation avec leurs habitants, la ville

d’Auxerre et la Fédération des maires des villes moyennes ontdécidé d’organiser des Rencontres nationales sur les dispositifset les enjeux de la démocratie de proximité en villes moyennes.Nous souhaitions permettre aux acteurs locaux (élus, agents,citoyens) de se rencontrer afin d’échanger sur leurs pratiques et

de mutualiser leurs expériences. Démarche que nous entendons poursuivre àtravers ces actes.

Nous avons pu mesurer l’importance du dynamisme des villes moyennes dansle renouveau de la démocratie locale à travers l’enquête que nous avons lancéeà l’été 2004 et dont les résultats sont présentés dans ces actes. Il ressort del’enquête que 92 % des villes moyennes ont mis en place un dispositif deconcertation avec les habitants en dehors de toute obligation légale.

Je vois deux principales raisons à ce volontarisme :

• d’une part, les villes moyennes, communes de 20 000 à 100 000 habitants,centre d’un bassin de vie à dominante rurale, sont des villes à taille humaine,qui permettent plus de proximité que les grandes agglomérations. Ellesconstituent en cela un terrain propice à la démocratie locale.

• D’autre part, le taux d’abstention aux élections va croissant. Il faut inciter lapopulation à s’engager davantage, à être partie prenante de la chosepublique, de l’intérêt général. L’enjeu est essentiel, mais n’est pas simple etne doit laisser planer aucune ambiguïté : promouvoir la démocratie deproximité ne signifie pas remettre en cause la démocratie représentative.

Pour re-mobiliser les habitants, les associer à la vie de la cité, leur donner voix,il existe des formes très diverses de dispositifs. Les témoignages des villesmoyennes lors des Rencontres en sont une bonne illustration. L’organisation dela démocratie participative doit se penser en fonction de chaque contexte.

La mise en place de dispositifs de concertation ne va toutefois pas sanss’accompagner de nombreux changements, dont les communes doivent êtreconscientes :

• changements dans l’organisation municipale, dans la gestion des servicesmunicipaux et dans leurs modes d’intervention ;

• changements dans la relation entre les élus et les citoyens ;• changements encore dans la gouvernance. La démocratie de proximité

renforce la démocratie représentative et enrichit les décisions prises par la

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municipalité. Elle permet de faciliter une démarche de développement localet améliore l’information de la population sur les projets et travauxcommunaux.

Mais il ne faut pas sombrer dans l’angélisme, car la mise en œuvre de ladémocratie de proximité n’est pas simple et suscite des résistances (deshabitants comme des élus et des agents municipaux !).

D’une part, la participation des habitants ne peut se créer par la seule volontépolitique. Toutefois, les élus, et au premier chef desquels le maire, peuventvéritablement influer sur l’implication des habitants en prenant mieux encompte leurs besoins et leurs initiatives. C’est là un enjeu fondamental desdispositifs de démocratie locale et de la gestion urbaine de proximité.

Il est cependant difficile de mobiliser l’ensemble des habitants, en particulier lesjeunes, les plus démunis, ainsi que les populations étrangères. Aussi, il nousrevient à nous élus, avec l’aide des services, de trouver les moyens de mieuxassocier ces habitants à la vie de la cité et de lever les freins à leur participation.Il nous faut adapter les dispositifs et aller plus volontairement à leur rencontre.

D’autre part, la mise en place de dispositifs de démocratie de proximitéimplique de mieux prendre en considération les attentes des habitants. Ce quipeut se traduire par une réorganisation des services municipaux ou, à tout lemoins, ce qui entraîne un accroissement des sollicitations en direction de cesservices. Et il faut reconnaître que le dispositif de démocratie peut s’avérerlourd à gérer pour les services municipaux et les élus.

Enfin, il est indispensable de motiver chacun des acteurs – qu’il soit habitant,élu ou agent municipal – afin d’améliorer le dispositif de démocratie deproximité. Aussi, il me semble que de la formation s’impose, car la démocratiene s’improvise pas, elle s’apprend. Elle n’est pas la somme des intérêtsindividuels, mais doit au contraire être le lieu où chacun prend conscience del’intérêt général, parfois au détriment de son propre intérêt. Elle doit être le lieuoù se confrontent les demandes des habitants, les besoins des services et laprogrammation de mandat sur laquelle, rappelons-le, la municipalité a étéélue. Elle doit permettre à chacun de mieux saisir les dimensions politique,technique et sociale des enjeux territoriaux, ce qui nécessite d’expliquer àchacun ce qu’il est possible de faire et ce qui ne l’est pas.

Associer les habitants à la vie de la cité, être à leur écoute, faciliter leursdémarches quotidiennes, adapter les services municipaux aux attentes desadministrés, mais aussi sensibiliser chacun à l’exercice de la citoyenneté… Les objectifs poursuivis par les élus des villes moyennes et leurs équipes sontambitieux. Ils ont développé des instances de concertation, de réflexion, deproposition et de partage d’expériences souvent originales afin deredynamiser la vie démocratique locale et de permettre aux habitants des’impliquer dans la vie de leur quartier et de leur ville. Souvent aussi pour lessensibiliser à des enjeux de société plus vaste que le seul périmètre communal(tel que le développement durable). Et il s’agit-là d’un des principaux objectifsvers lequel les dispositifs de démocratie doivent tendre afin que les habitantssoient des citoyens éclairés et responsables. ■

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ENQUÊTE « DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ »

Les villes moyennes

redynamisent la démocratie locale

À L’OCCASION DES RENCONTRES NATIONALES SUR LES DISPOSITIFS ETENJEUX DE LA DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ EN VILLES MOYENNES, LA FMVMET LA VILLE D’AUXERRE ONT SOUHAITÉ ÉTABLIR UN PANORAMA DESPRATIQUES DE DÉMOCRATIE LOCALE DANS CES VILLES. CE QUI LES A CONDUITÀ ÉLABORER CONJOINTEMENT UN QUESTIONNAIRE, ADRESSÉ À L’ENSEMBLEDES VILLES MOYENNES MEMBRES DE LA FMVM COURANT JUIN 2004.

90villes moyennes sur 133 ont répondu, ce qui témoigne de leur intérêt pourles quest ions de démocrat ie locale. Les réponses appor tées au

questionnaire révèlent l’importance qu’accordent les villes moyennes aux questionsde démocratie de proximité : 92,1 % d’entre elles ont mis en place des dispositifs deconcertation avec leurs habitants. Et, compte-tenu des dispositifs dont l’institution esten projet, ce sont 96,6 % des villes moyennes qui auront à court terme mis en œuvrede tels processus. Les dispositifs liés à des obligations légales n’ont pas été pris encompte pour la réalisation de cette enquête : la mise en place des dispositifs deconcer tation par les vil les moyennes est donc volontaire. Elle témoigne dudynamisme et de la volonté effective des maires de ces villes d’impulser laparticipation locale.

L’enquête nous enseigne que la mise en place du dispositif de démocratie deproximité trouve, dans la moitié des vil les moyennes, son or igine dans unengagement des équipes municipales, et en particulier du maire, lors de la campagneélectorale. On constate d’ailleurs une nette poussée de l’institution des dispositifs dedémocratie de proximité les années d’élections municipales. Ainsi, de nombreusescréations sont enregistrées en 1989, 1995 et 2001. Il faut souligner aussi que lesdeux tiers des villes moyennes ont mis en place un dispositif de démocratie deproximité avant 2002, c’est-à-dire avant la loi relative à la démocratie de proximité.

Diversité des dispositifs de démocratie

La démocratie locale est un enjeu essentiel, mais elle n’est pas simple à mettre enœuvre et ne doit pas laisser planer d’ambiguïté : promouvoir la démocratie deproximité ne signifie pas remettre en cause la démocratie représentative, elle doit aucontraire la renforcer. Le fort taux d’abstention aux différentes élections rend en effetindispensable le fait d’inciter la population à s’engager davantage, à être partieprenante de l’intérêt général.

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Il n’existe pas, à l’évidence, de forme idéale d’organisation de la démocratieparticipative, celle-ci doit se penser en fonction de chaque contexte ; elle est donc, parnature, multiforme. Pour re-mobiliser les habitants, les associer à la vie de la cité, leurdonner voix, les villes moyennes s’appuient sur diverses formes de dispositifs, ainsi :

• 76,8 % des villes moyennes organisent des réunions thématiques ponctuelles, selonles dossiers. Parmi les thèmes les plus souvent évoqués, on citera : voirie, urbanisme,cadre de vie, environnement, circulation et stationnement, sécurité et prévention,jeunesse et éducation, habitat.

• 75 % organisent des réunions régulières entre élus et habitants. Plus de la moitié deces villes moyennes a précisé qu’il s’agissait de réunions de quartier. A aussi étésouvent évoquée la mise en place de conseil des jeunes, des sages, des anciens…

• 50 % des villes moyennes ont institué des conseils de quartier.

• 23,2 % ont précisé qu’elles utilisent également d’autres formes de concertation telsdes forums sur le site internet de la ville, la mise en place de numéros verts,l’organisation de petits déjeuners citoyens, de conférences…

• 14,6 % des villes moyennes réalisent des sondages d’opinion. Ceux-ci portentprincipalement sur la gestion municipale, la perception de la ville par les habitants etl'action municipale dans son ensemble.

On notera que 78,3 % des villes moyennes ayant mis en place plusieurs dispositifs dedémocratie locale ont précisé qu’elles procédaient à une coordination desdits dispositifsà l’échelon communal. Elles ne sont toutefois que 6,3 % à le faire à l’échelleintercommunale. Néanmoins, on constate que les intercommunalités s’emparent defaçon croissante des processus de démocratie de proximité, d’autant plus que leursinterventions ont un impact direct sur la vie des habitants.

S’agissant des moyens dont disposent les dispositifs de démocratie de proximité, ils’avère que plus du tiers des dispositifs bénéficie de moyens propres :

• dans 61,4 % des cas, ils disposent d’un secrétariat.

• Dans 44 % des cas, ils disposent de locaux.

• Dans 38,6 % des cas, le dispositif bénéficie d’un budget spécifique (les montantsétant très divers).

• Dans 32,3 % des cas, le dispositif dispose d’un journal spécifique ou une rubriquedédiée leur est consacrée dans le magazine municipal.

La démocratie locale implique des changements

La mise en place de dispositifs de démocratie locale ne va pas sans s’accompagner denombreux changements :

• changements dans l’organisation municipale, dans la gestion des services municipauxet dans leurs modes d’intervention. L’amélioration de la gestion locale et de l’efficacitédes services publics locaux étant pour 23 % des villes moyennes le premier objectifassigné au dispositif de démocratie de proximité. On notera également que dans 60,8 %des villes moyennes, le dispositif de démocratie locale relève d’un adjoint spécifique et,dans 76,1 % d’entre elles, un service municipal identifié est en charge du dispositif.

LES VILLES MOYENNES REDYNAMISENT LA DÉMOCRATIE LOCALELES VILLES MOYENNES REDYNAMISENT LA DÉMOCRATIE LOCALE

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• Changements aussi dans la relation entre les élus et les citoyens. Pour plus de lamoitié des villes moyennes (51,4 %), le premier des avantages du dispositif dedémocratie de proximité est de rapprocher les élus des habitants et d’établir uncontact privilégié entre la population et ses élus.

• Changements encore dans la gouvernance. La démocratie de proximité renforce ladémocratie représentative, et les maires des villes moyennes l’ont bien compris. Ainsi,interrogés sur l’utilité effective des dispositifs de démocratie de proximité, ils ont, entout premier lieu, répondu qu’ils permettaient de faciliter une démarche dedéveloppement local. De fait, ils ont précisé que ces dispositifs améliorentl’information de la population sur les projets et travaux communaux et qu’ilspermettent également d’enrichir les décisions prises par la municipalité.

Mieux, si les instances de démocratie locale en villes moyennes sont largementsollicitées pour avis consultatif et information, elles ont la faculté de s’auto-saisir dans50,7 % des cas. Ce qui ne constitue pas une atteinte au pouvoir de l’exécutif communal,pas plus qu’une ingérence dans les affaires de la commune, mais révèle à quel point lesélus des villes moyennes accordent de l’importance à la parole citoyenne.

Difficultés de mise en œuvre

La mise en œuvre de la démocratie de proximité n’est pas simple et suscite desrésistances de la part des habitants, comme des élus et des agents municipaux. Laparticipation des habitants ne se décrète pas, même si les élus peuvent les inciter às’impliquer par leur écoute.

Cela peut se traduire par une réorganisation des services municipaux ou, à tout lemoins, cela entraîne un accroissement des sollicitations en direction de ces services.Ainsi, 17,4 % des villes moyennes ont fait part de l’engorgement des servicesmunicipaux face aux demandes et 15,9 % ont indiqué que le dispositif est lourd à gérerpour les services et / ou pour les élus. Toutefois, il faut souligner que seules 8,7 % desvilles moyennes ont indiqué ne pas pouvoir prendre en compte les propositions issuesde la concertation.

Enfin, la dernière difficulté concerne les acteurs : un quart des villes moyennesconsidère en effet qu’il est indispensable de motiver chacun des acteurs, qu’ilssoient habitants, élus ou agents municipaux, afin d’améliorer le dispositif dedémocratie de proximité. ■

Sophie Dortes,chargée d’études à la FMVM

LES VILLES MOYENNES REDYNAMISENT LA DÉMOCRATIE LOCALELES VILLES MOYENNES REDYNAMISENT LA DÉMOCRATIE LOCALE

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POUR ENTRER DANS LE SUJET...

Ce qui se joue dans la démocratie de proximité

COMMENT LA DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ INTERPELLE-T-ELLE NOS MODES DEGESTION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX ? QUELS NOUVEAUX LIENS SOCIAUX,AU-DELÀ DU VOISINAGE, ENVISAGE-T-ELLE ? COMMENT REMET-ELLE ENCAUSE NOTRE FAÇON DE CONCEVOIR LA POLITIQUE ? CES TROIS QUESTIONSONT OCCUPÉ LES DÉBATS DE LA TABLE RONDE D’OUVERTURE DESRENCONTRES NATIONALES D’AUXERRE.

Astrid Lelièvre est maire déléguée de Saint Florent, commune associée à la villede Saumur, qui a cette particularité d’être une association de cinq communes

depuis 1973. Dans leur contrat de fusion-association ont été instituées descommissions consultatives dans lesquelles se retrouvent des élus et des personnalitésqualifiées, reconnues comme telles par le conseil municipal. En 2001, les effectifs deces commissions ont été doublés et elles fonctionnent aujourd’hui régulièrement avecune quarantaine de personnes. Saumur a été découpée en huit quartiers où sontorganisées les « rencontres citoyennes ». Ce dispositif jouxte un conseil municipal dejeunes qui a déjà réalisé un skate-park, un lieu de promenade, des rencontres sur lasanté… et un conseil des sages des plus de soixante ans, qui se veut être unobservatoire des décisions municipales. Les rencontres citoyennes organisées commedes agoras permettent aux élus, dans le secteur où ils habitent, de rencontrer leshabitants au plus près de la vie du quartier. Certes, il s’agit d’abord d’écouter les

réclamations, de traiter « de tout et de rien », ce qu’AstridLelièvre appelle « la bobologie du trottoir ». « On s’aperçoitque les gens sont gênés par le trou dans le trottoir avant depouvoir réfléchir à ce qui se passe ailleurs ». Puis les rencontressont devenues thématiques, par exemple sur la présentation dubudget ou du plan local d’urbanisme (Plu).

Le lien social, générateur de solidarité

Proximité et lien social ? Astrid Lelièvre cite l’exemple du pro-gramme de rénovation urbaine engagé dans sa commune. Cer-taines habitations devaient être démolies et la municipalité a choiside travailler en concertation avec les habitants. « Nous nous sommesappuyés sur une troupe de théâtre-forum pour permettre aux gensd’exprimer ce qu’ils avaient à dire. Nous avons réalisé que la démo-lition, même d’un quartier sur lequel certains portaient un juge-ment négatif, était une opération traumatisante et combien il était

ANIMATION : FRANÇOIS HANNOYER,DIRECTEUR DE L’ADELS

INTERVENANTS : ASTRID LELIÈVRE,MAIRE-DÉLÉGUÉE CHARGÉE DE LA

DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ À

SAUMUR

GILBERT LE BRIS, DÉPUTÉ-MAIRE DE

CONCARNEAU

LAURENCE THIERY, DIRECTRICE DE

MAIRIE DE QUARTIER À ROUBAIX

SYNTHÈSE : ANTOINE BÉVORT,PROFESSEUR DE SOCIOLOGIE AU

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS

ET MÉTIERS

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nécessaire de garder lamémoire de ce qui s’yétait vécu. »Cela a également permisaux habitants d’apprendreà se connaître et de pas-ser outre la barrière sym-bolique d’une rue quisépare deux quartiers.Des jeunes et des moinsjeunes se sont rencon-trés. Bien au-delà de laprestation de la troupe dethéâtre-forum, cela a créédes liens, et les gens enredemandent.Astrid Lelièvre note éga-lement que la démocra-tie de proximité promeut la solidarité. « En participant, on est bien obligé de dépasser l’in-térêt privé pour envisager l’intérêt collectif, de créer des liens entre les uns et les autres,beaucoup plus que lorsqu’on cherche à rencontrer l’élu en entretien privé. » Les conflitsd’intérêts, dans le cadre de la rénovation d’un quartier, par exemple, doivent être dépas-sés pour que les questions d’environnement, d’art de la ville et d’art de vivre soient correctement posées. « En participant, on s’aperçoit que ce n’est pas “si simple“ et qu’unecertaine solidarité est nécessaire », affirme-t-elle encore.

À gestion de proximité, services à proximité

Pour examiner les apports de la démocratie de proximité dans les modes de gestiondes services publics locaux, c’est vers le quartier Centre-ville de Roubaix que lesparticipants sont invités à tourner leur regard. Mais, d’emblée, Laurence Thiery,directrice de la mairie de quartier, tient à préciser l’échelle de son propos. Elle neconsidère pas son action dans le cadre restreint du seul quartier. « La démocratie deproximité, on n’en parle pas beaucoup à Roubaix. On préfère le terme démocratieparticipative. Les décisions qui ne concernent que le quartier et qui ne se prennent qu’àce niveau, il en existe très peu. Celles qui pèsent sur la vie du quartier se prennent defait aux échelons de la municipalité, de la communauté urbaine, du département ou dela région. Parler de démocratie de proximité serait limiter très fortement l’ambition quese sont donnés les élus pour faire évoluer le mode de prise de décision d’actionpublique. L’objectif est plus global, il consiste à faire le lien entre les dispositifs deproximité et les services qui ne sont pas dans la proximité. Les conseils et les comitésde quartier, les ateliers de projet de quartier se mettent en réseau et ne se limitent ni àun territoire – le quartier – ni à un problème spécifique à celui-ci. » La gestion urbainede proximité est pensée non comme un dispositif, mais plutôt comme une démarchepermanente qui implique tous les acteurs de la ville et leurs relations réciproques : élus,services, habitants. Pour la gestion des friches urbaines par exemple. « On en a fait desparcs qui, dans un premier temps, satisfaisaient tout le monde. » Concertés, leshabitants avaient partagé ces espaces en jardins familiaux, terrains de basket pour lesjeunes, jeux d’enfants. « Après quelque temps pourtant, on s’aperçoit que ces espaces

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� « En participant, on crée des liens de solidarité. »

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vivent mal. Ils font cohabiter des usages différents de l’espace et cela crée desdysfonctionnements dans les relations sociales. » Comment peut-on, avec les habitants,développer un service qui tienne compte de ces réalités ? Des régisseurs de parc ontété mis en place. Ils sont des médiateurs qui veillent aux bonnes relations dans le parc.Ce type de démarche a une longue histoire à Roubaix, où l’aménagement du quartierde l’Alma-Gare pris en main par les comités de quartier demeure une référence, oùsont nés les fonds de participation d’habitants.Les élus et les techniciens de Roubaix ont également souhaité se consacrer à un travailplus en profondeur : à la fois le redéploiement des missions des mairies de quartier« qui ont vraiment un rôle d’interface entre la population et les services. Elles se sontdotées d’un nouveau poste de technicien du cadre de vie. Dès qu’on signale unproblème, il se rend sur place et tente d’en établir les causes en contact direct avec leshabitants. » Autre transformation dans les services de la ville : la création du centred’appel « AvecVivacité ». « Son but est moins d’accumuler les appels que de créer unréseau avec des correspondants, des habitants-relais dans les quartiers qui appellentrégulièrement et qui sont, en échange, régulièrement informés des mesures prises… »

Du panneau d’interdiction au collectif de proposition

Comment transforme-t-on la plainte en capacité de proposition et d’action ? « Entravaillant avec des collectifs. Les comités de quartier restent des partenaires efficaceset incontournables. On s’informe, on se concerte, on réfléchit et on fait des propositions.Là, des difficultés peuvent apparaître avec les services : non qu’ils soient dans le refusmais, aujourd’hui, ils ne sont pas organisés pour la participation des habitants. »Laurence Thiery illustre son propos par l’exemple du traitement des cent vingt points dedépôts d’ordures clandestins et récurrents. Des petits panneaux y rappellentl’interdiction, le risque de sanction et l’incitation à la réflexion sur l’environnement.Ensemble, services, comités et tous les gens qui interviennent dans le quartier se sontinvestis dans une campagne de porte-à-porte et de vigilance citoyenne. Tous cespasseurs d’informations démultiplient l’action des services et l’affinent. « C’est unerichesse, mais ils estiment être trop accaparés par les réunions d’information sur lefonctionnement des services. » Avec un cabinet conseil et le CNFPT, la ville vamaintenant redéfinir un projet de service et un plan de formation pour intégrer lesnotions de proximité et de participation, qui ne s’inventent pas.

Expérimenter de nouveaux dispositifs délibératifs

Mais la proximité interpelle aussi nos conceptions du fonctionnement démocratique, etappelle à une réhabilitation de la politique. Peu de communes ont choisi d’offrir à leursélecteurs la possibilité d’intervenir dans le débat public par la saisine du conseil munici-pal. Gilbert Le Bris, député-maire de Concarneau, revendique ce choix et explique com-ment il est arrivé à adopter cette mesure. Élu maire, il avait le choix pour écouter ses élec-teurs entre faire le tour des débits de boisson le vendredi « comme d’antan », ou opterpour la créativité. « Nous avons créé le comité consultatif concarnois, composé de trentepersonnes. Un tiers d’anciens élus – à parité droite et gauche – qui apportent une connais-sance des rouages municipaux non négligeable. Deuxième tiers : les représentants d’as-sociations, parce que ce sont des gens engagés dans la vie publique et qu’ils ont deschoses à dire sur les décisions que nous pouvons prendre. Troisième tiers, des personneschoisies pour leur représentativité dans la ville, professionnelle, géographique ou sociale.

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On a par exempleajouté trois lycéensen classe de termi-nale. Le comité estrégi par une charte,parce que la démo-cratie se doit d’êtrebien organisée. Cecomité peut s’auto-saisir ou bien êtresaisi par le conseilmunicipal, et ce surtout sujet. Son actionn’est pas limitée àdes domaines parti-culiers et ses avisn’ont pas force d’obli-gation. L’expérience montre que le conseil municipal s’y conforme dans 80 à 90 % descas. Bien entendu, les membres du comité peuvent auparavant instruire les dossiersqu’on leur présente, recevoir qui ils veulent, faire les démarches qu’ils souhaitent pourapprofondir leur connaissance des dossiers. Ce dispositif a maintenant douze ans d’an-cienneté. Parallèlement, nous avions créé un “Allo, monsieur le maire”, formule que nousavons abandonnée depuis, faute de réel intérêt. Je perdais mon temps tous les vendre-dis matin à rabâcher les mêmes prêches. »Concarneau s’est également dotée de conseils de quartier, avec un budget annuel, desparticipants volontaires non encadrés par des élus, bénéficiant de l’appui d’un agent muni-cipal pour le secrétariat des séances. Gilbert Le Bris motive ce choix : « Je considère quela démocratie participative, ce n’est pas la politique de l’élastique qui ramène toujours toutà l’élu. Il faut savoir prendre des risques et dire "voilà les règles, à vous de jouer". » NicoleGilhaudin, conseillère municipale déléguée à la démocratie participative à Chambéry,remarque toutefois que la présence des élus dans les conseils de quartiers peut être béné-fique, parce qu’elle est une reconnaissance du bien-fondé du dispositif ; et parce qu’ellepermet aux édiles d’entendre « en direct » ce que ressent la population. Le maire deConcarneau précise que, de son point de vue, participer aux réunions est en effet indis-pensable, mais en qualité d’observateur, pas d’organisateur.

La démocratie, c’est la responsabilité

Concarneau a récemment encore diversifié ses outils de dialogue élus - citoyens :« Avec le dernier mandat, nous avons mis en place le droit de saisine : 1 % de lapopulation inscrite sur les listes électorales (entre 16 000 et 17 000 personnes) peutdésormais interpeller le conseil municipal et l’obliger à délibérer sur une question. » Laformule n’a été utilisée qu’une seule fois, pour un dossier d’enfouissement technique.Toutes les conditions étaient réunies pour qu’un débat vif ait lieu à Concarneau.Pourtant, cette décision relève du pouvoir de police du maire qui, après avoir consultéles techniciens peut prendre, seul, les décisions qu’il juge adéquates. « Sur saisine deshabitants, le conseil a entendu les protagonistes au cours d’une suspension de séance,puis a voté à bulletin secret pour éviter l’effet de groupe politique. » Le projet a étérefusé, à une voix près, et le conseil municipal a renoncé à mener plus loin ce dossier.

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� « La démocratie participative, ce n’est pas la politique de l’élastique,qui ramène toujours tout à l’élu. »

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Au-delà des éloges reçus à l’époque dans la presse locale, la mesure permetaujourd’hui au maire de Concarneau de proposer à ceux qui veulent faire despropositions de suivre le même canal. « On s’aperçoit que mobiliser 1 % de lapopulation, ce n’est pas si simple. La démocratie va de paire avec la responsabilité. »Bien loin, au regard de Gilbert Le Bris, de ces pétitions qu’il juge faites de mille noms,dont on ne sait pas qui signe… « Les élus ne peuvent pas accorder d’importance à cegenre de démarche. Par contre, la démarche de saisine est citoyenne, car elle part dela personne et va jusqu’au conseil municipal. Mais les élus doivent avoir l’humilité depenser qu’ils ne savent pas tout. Ils doivent être le point de focalisation des différentsavis et arbitrer pour l’intérêt général. C’est leur responsabilité ultime. » Mais, insiste-t-il,pour y parvenir, libre à eux de définir les règles du jeu, donc d’organiser la concertationsur leur territoire et « laisser les citoyens s’exprimer à l’intérieur de ces règles ».

Regroupant les contributions des trois intervenants, Antoine Bévort, professeur desociologie au Conservatoire national des arts et métiers, remarque que la table ronde amis en lumière des expériences satisfaisantes. Sont-elles représentatives de l’état de ladémocratie participative en France, là où il a l’impression que subsistent encorebeaucoup de freins ? « Il semble acquis que la démocratie participative n’est plus vécue comme uneattaque dirigée contre la démocratie représentative, mais bien comme une façon derelégitimer l’action des élus. C’est essentiel parce qu’aujourd’hui la démocratiereprésentative est en crise, non parce que les citoyens ne veulent pas s’engager,mais parce qu’ils ont l’impression que cela ne sert à rien, qu’on ne les écoute pas. »Faire de la démocratie participative serait d’abord résoudre la crise du systèmereprésentatif par l’écoute des citoyens.

Deuxième acquis : la ville est l’espace privilégié pour expérimenter cette démocratie.Mais, note Antoine Bévort, les députés et sénateurs qui ont voté la loi sur la démocratiede proximité en février 2002 ont censuré le terme démocratie participative, qu’ilsjugeaient sans doute trop sulfureux pour être conservé dans la loi.

Troisième acquis, peut-être plus ambivalent aux yeux du sociologue : la proximité estjugée comme un lieu d’exercice de la démocratie, parce que c’est là que les citoyenssont compétents. Mais ne faut-il pas considérer également que la participation descitoyens est nécessaire pour « relégitimer » la politique en général, dans le localcomme au niveau national et européen ?

Plus corrosive est la question du pouvoir, des pouvoirs, posée par Antoine Bévort, etpas seulement à l’adresse des élus : « Est-ce que la démocratie participative n’est passynonyme d’une nécessaire remise en question des pratiques des maires, desprésidents de conseil général ou régional, qui devraient permettre un développementdes pratiques de délibération ? Ne doit-on pas étendre cette question aux agents desservices locaux qui, souvent, se considèrent comme détenteurs de l’intérêt général ? »La démocratie participative remet en cause cette façon de voir. Est-ce qu’il ne faut pas,de même, affirmer que la par ticipation remet en cause l’attitude du citoyen,confortablement installé dans la critique, pour envisager sa participation au débatpublic ? La qualité de la délibération est à ce prix, et la qualité de la décision publique,plus lente, peut-être, mais mieux acceptée et plus conforme. ■

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LA DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ, OUTIL D’ÉVALUATION

Les instances locales de concertation sont-ellesseulement des lieux de recueil de la plainte dela population ? Comment peuvent-elles êtresurtout des lieux d’écoute fine du territoire etun mode d’évaluation éclairant la décisionpublique à venir ?

Difficile de parler d’évaluation quand on parlede démocratie de proximité, non pas queles deux notions soient antinomiques, bienau contraire, mais plutôt que chacune sous-tend de fortes exigences qui, mises bout àbout, complexifient les initiatives locales etdemandent des efforts conséquents entermes de clarification des objectifs et desrègles du jeu. L’atelier, confronté à cette dif-ficulté, a appréhendé cette question croiséeà travers notamment l’expérience foison-nante de la concertation albigeoise.Menée par le service Vie des quartiers, quiest directement rattaché à la direction géné-rale des services, pour mieux traiter desdemandes transversales, la concertation àAlbi est basée sur une diversification desmodes d’action, un lien direct avec la popu-lation de chaque quartier, et une articula-tion entre présence politique et expertisesen termes d’animation et de connaissancesociale. Avec ses neufs agents, ce serviceorganise pas moins de six types de ren-contres différentes : réunions de concerta-tion, réunions de quartier, petits-déjeunerscitoyens, réunions de coordination de quar-tier, comités d’usagers des équipements deproximité, comités de rédaction des jour-naux de quartier, sans compter les maisonsde quartier, le point info, la mairie annexe,le minibus vie des quartiers… La métho-

dologie et la technicité des intervenants tien-nent une place importante dans le disposi-tif, comme dans le cas des réunions de quar-tier (quinze par an, pour vingt-deux quar-tiers), systématiquement précédées d’une« étude de terrain » préalable : un « tech-nicien de la vie quotidienne » passe dansle quartier avant la réunion, interrogeant unecentaine de personnes, habitants, com-merçants, associatifs, afin de faire remon-ter un certain nombre de sujets à traiter.Parallèlement, les services et les élus fontle même travail de recensement de sujetstouchant le secteur, et les invitations à laréunion (distribuées en « toutes boîtes »)sont accompagnées d’une fiche permettantà ceux qui ne pourront s’y rendre de s’ex-primer. Le tout est synthétisé dans un dos-sier préparatoire à l’attention des élus pré-sents, et constitue l’ordre du jour proposéen début de réunion. Enfin, un compte renduest systématiquement effectué à l’aval desréunions, envoyé aux participants, et lesdécisions prises en public sont « suivies »par le service. Le tout dessine un engage-ment de la collectivité assez lourd en tempsde travail et donc en reconnaissance de ladémarche au sein des services. Pour MichelFranques, cet engagement est à la hauteurde l’enjeu et des écueils de la concertation.L’élu en attend, parune implication enamont de la popula-tion, une auto-éva-luation de l’ensembledes projets de quar-tier, en fonction dela demande sociale,

ANIMATION : CÉLINE BRAILLON,CONSEIL NATIONAL DES VILLES

INTERVENANTS : MICHEL FRANQUES,ADJOINT AU MAIRE D’ALBI

ANTHONY PIASER, RESPONSABLE DU

SERVICE VIE DES QUARTIERS, ALBI

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de son degré d’acceptabilité, de son adé-quation à la réalité locale et micro-locale. Etil sait combien la concertation et l’évaluationpeuvent être stériles, si elles se révèlent jus-tificatrices de projets déjà décidés, ou, aucontraire, réflexions perpétuelles non géné-ratrices de réalisations concrètes.La concertation, quand elle s’en donne lesmoyens, permettrait donc de placer l’éva-luation en amont des réalisations, et non seu-lement en « bilan » des actions. Pour un cer-tain nombre de participants à l’atelier, le pro-blème de l’évaluation, commede la concertation, est lié aumanque de lisibilité générale.Un responsable de Macôn sedemande ainsi : « Nous avonségalement des agents de proxi-mité, des apéritifs citoyens,des tournées de la vie quoti-dienne, des réunions de quar-tier… Mais on est encore dansl’empirisme en ce qui concernel’évaluation : comment peut-on développer une vision glo-bale ? A-t-on des outils unifiésd’évaluation ? » Un membredes conseils de quartierd’Auxerre avance que la Chartede la démocratie participative,

dont s’est dotée sa ville (voir schéma ci-contre), est un premier outil partagé posant desobjectifs à la concertation, et donc donnantune base commune pour l’évaluation. Car sila concertation peut être posée comme éva-luatrice, en amont, mais aussi en suivi desprojets et actions publiques, elle demandeaussi à être évaluée. Reposant la questiondes objectifs précis donnés à la concertation,par les élus, les techniciens et les habitants.Et les lieux pour que ces objectifs, forcémentdivers, puissent se rencontrer. ■

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LES AXES DE TRAVAIL DU SERVICE VIE DES QUARTIER D’ALBI

Pour Anthony Piaser, responsable du service vie des quartiers à Albi, lesexigences pour que les lieux de concertation soient de réels lieuxd’écoute du territoire et constituent un mode d’évaluation éclairant lesdécision publiques sont de sept ordres :- multiplier les instances de concertation ;- les situer à différents niveaux (en termes de territoires pertinents

ou de publics cibles) et à des périodicités différentes ;- utiliser et respecter une méthodologie de travail précise ;- expliquer les enjeux et les règles du jeu en interne (au sein

de la collectivité) et en externe (auprès des habitants dont laparticipation est requise) ;

- rechercher la plus grande représentativité des participants ;- écouter et prendre en compte en termes de réalisations la parole

de l’habitant ;- chercher à élever le débat.

� « En se dotant d’une charte de la démocratie participative, la ville d’Auxerre propose unebase commune pour évaluer les effets de la concertation. »

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LA DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ, MOYEN DE MOBILISATION

La loi Vaillant rend obligatoire, pour les villesde plus de 80 000 habitants, la mise en placedes conseils de quartier. Les villes moyenness’en sont saisies sur la base du volontariat etont produit des dispositifs variés, reflets d’unevolonté politique locale diverse. Les conseilsde quartier relèvent des processus de démo-cratie de proximité et sont synonymes de chan-gement, donc de résistances, de freins à lever.Dans quelles conditions provoquent-ils aussides changements positifs dans les choix del’équipe municipale, dans la gestion des ser-vices, dans l’implication des associations etdes habitants ? Améliorent-ils les relationsentre les acteurs ?

Le problème du temps à accorder à ladémocratie participative est souvent évo-qué par les élus : écouter prend du temps.Mais, au final, beaucoup reconnaissent quel’écoute constitue la base de l’approchedémocratique et que l’élu doit se frotter à lademande citoyenne. Pour bien comprendreles problématiques de quartier, chaque éludoit être impliqué dans la vie de quartier. Or,les élus à délégation fonctionnelle sont sou-vent déconnectés des adjoints de quartier,dont les compétences sont plus transver-sales. Il est donc nécessaire que les élusfonctionnels apprennent à prendre en comp-te l’approche des élus territorialisés. « ÀNiort, l’élu en charge de la démocratie par-

ticipative coordon-ne et joue un rôled’interface entreles réunions d’ad-joints de secteuret les réunions des

conseils de quartier tous les quinze jours »,explique Alain Baudin, maire de Niort. « Unsystème de fiche navette à partir desconseils de quartier a été mis en place.L’adjoint de quartier présente la proposi-tion à l’adjoint en délégation qui valide leprojet. Le maire arbitre en dernier ressort. »Autre aspect évoqué pour réguler les rela-tions entre élus de secteur et fonctionnels :les budgets de quartier. Ces derniers sontconsidérés par certains participants commeun amortisseur aux prérogatives des ser-vices et des adjoints fonctionnels.

Les élus se confrontent à la demandecitoyenne

La nécessité pour les élus de se confronterà la demande citoyenne conduit ainsi uncertain nombre de municipalités à refuserl’approche qui consiste à déconnecter lesconseils de quartier des élus. « À Niort, lesconseils de quartier sont co-présidés pardes élus », précise Alain Baudin. « Les élusont une forte volonté d’écoute. Nous sommesdans une démocratie associée et je croisque les citoyens ne veulent pas décider àla place des élus. Ils veulent participer, maissouhaitent que l’élu prenne ses responsa-bilités. De leur côté, les élus doivent écou-ter, échanger, car ils ne sont pas proprié-taires du savoir. » Parmi les problèmes sou-levés concernant les demandes émises parles conseillers de quartier : le fait que cesdernières font appel à des compétences quine relèvent pas de la commune mais desintercommunalités, ou des services de l’État. Une interaction doit se mettre en place

ANIMATION : JACQUES PICARD,CHARGÉ DE FORMATION À L’ADELS

INTERVENANT : ALAIN BAUDIN,MAIRE DE NIORT

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entre les élus de la commune, qui sont enlien direct avec les habitants et les servicesdes structures intercommunales.Pour Thierry Abraham, adjoint au maire deCholet, « les habitants ont une tradition dedialogue difficile avec les services de l’État et c’est souvent l’élu de la communequi est interpellé sur ce qui relève de leurscompétences ». Pour Jacques Picard, « ilfaut mettre en place dans certaines villesdes interlocuteurs qui soient capables depeser sur certains services de l’État pourque ces derniers améliorent le dialogue avecla population ».

Révolution culturelle dansles services techniques

Pour Thierry Abraham, « le binôme élus /services doit d’abord fonctionner avant demettre en place une démarche de démo-cratie participative ». La mise en place d’unedémarche participative nécessite aussi ledépassement des réticences de l’adminis-tration municipale. Cette dernière est par-tagée entre l’attrait pour de nouvelles pra-tiques et la crainte de bousculer les pro-grammations et les habitudes. Les servicesappréhendent souvent le contact direct avecla population et ont peur que les conseilsde quartier ne jouent le rôle de lobbies. Maisde plus en plus, on peut observer un chan-gement de la culture des services vis-à-visde la démocratie de proximité. « Les ser-vices perçoivent différemment les demandes,les besoins et la co-réalisation », constateClaude Sauvé, directeur général des ser-vices d’Auxerre. « Il y a trois ans, les ser-vices n’étaient pas prêts à prendre en comptela demande des quartiers. C’était une ques-tion d’organisation, de culture et de moded’intervention.Toutes les demandes se bous-culaient et rares étaient celles qui étaienttraitées, car une seule personne était eninterface avec le quartier. Nous avons revu

notre organisation et notre mode de ges-tion, et nous avons découpé le territoire enquatre secteurs géographiques avec un cor-respondant qui assure un rôle d’animateurterritorial. On doit toujours être plus atten-tif et réactif, mais tout ceci se construit parétapes. » Les communes forment ainsi deplus en plus leurs cadres à la démarche par-ticipative. Les processus de démocratie deproximité obligent aussi à une plus grandetransparence sur les arbitrages.

De la « bobologie » aux projetsplus mobilisateurs

Les réticences sont aussi du côté des habi-tants, qui critiquent les modalités de fonc-tionnement des conseils de quartier, la qua-lité des débats jugée insuffisante, tout commela prise en compte des attentes dans lespolitiques publiques. Pour parvenir à leverces réticences, les élus reconnaissent qu’ilfaut agir sur le traitement des demandes etapprendre à gérer l’impatience des citoyens.Pour ce, une règle d’or semble s’imposer :lorsqu’une demande n’est pas traitée ou nepeut pas l’être, il faut toujours en donner lesraisons, ne jamais laisser croire qu’elle estenterrée. « Les problématiques de trottoirdoivent être traitées, car tant qu’elles demeu-rent, on ne peut pas construire des projetsqui, eux, sont mobilisateurs », estime BernardBrémont, conseiller municipal d’Auxerre.Autre mode de traitement possible des pro-blématiques de gestion quotidienne de l’es-pace urbain, présenté par Christophe Cus-seau, directeur de communication à la mai-rie de Fécamp : la mise en place d’un numérovert « SimpliCité », qui traite la bobologieet l’évacue des travaux en conseils de quar-tier, qui peuvent être consacrés à des pro-jets plus constructifs. L’existence d’un conseilde quartier permet aussi d’accroître la mobi-lisation. « Depuis 2001, la ville d’Auxerre dispose de onze conseils de quartier. Il y a

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deux élus membres de droit, mais ils nepeuvent pas être présidents. Ce fonction-nement a permis aux habitants de prendreconscience qu’il existe quelque chose d’ins-titutionnel dans leur quartier et les incite àse mobiliser. Les gens sont de plus en plusconscients que si ils veulent faire remonterdes choses, ils doivent venir au conseil dequartier », constate Pierre Guillermin, conseillermunicipal d’Auxerre. Les conseils amélio-rent les relations entre élus et habitants.Pour Michel Gendreau, conseiller munici-pal, délégué de quartier à Niort, « les habi-tants viennent nombreux et même s’ils res-sortent parfois frustrés, ils sont flattés d’avoirété écoutés et cela contribue à développerun certain esprit civique. Ils peuvent aussimieux saisir la complexité de l’administra-tion municipale ». Et pour améliorer les rela-tions avec les élus, les habitants ont euxaussi des progrès à faire. Thierry Abrahamsouligne ainsi que « les membres des conseilsde quartier sombrent souvent dans la dérivequi consiste à “vider leur sac” et à croire queles élus peuvent tout régler ». D’autres cri-tiques plus radicales ont été portées à l’en-contre des conseils de quartier. Émilie Roman,des Motivé-e-s toulousains, remarque : « Onparle de consultation, d’implication de lapopulation, mais on est quand même dansle centralisme. La démocratie participativeentretient l’illusion de participation : la popu-lation ne serait pas capable de se prendreen charge toute seule, de sortir de la bobo-logie toute seule et parce que l’on est élu,

on peut l’aider. » Thierry Abrahamconsidère que « pour aider les élusà avoir une action de proximité, ilfaut aller plus loin que les conseilsde quartier. Il faut éviter de multi-plier les niveaux pour faire remon-ter l’information à l’élu. Il ne fautpas limiter la consultation aux habi-tants du quartier, mais l’étendre àl’ensemble de la population. À Cho-

let sont organisés des tours de quartierpar l’élu en charge de la démocratie localeaccompagné d’un technicien. » Un parti-cipant roubaisien souligne ainsi que « lespermanences sont plus dans une logiquede collecte de l’information et moins dansla citoyenneté active. Pour rendre l’habi-tant acteur, il faut l’associer à la réalisa-tion et au suivi des projets. Les fonds departicipation des habitants sont un bonoutil de mobilisation des habitants à ladécision. Or, ils ont peu été évoqués ici ».Le maire de Niort revient aussi sur les deuxécueils à éviter dans le fonctionnementdes conseils de quartier : « Si on trans-forme le conseil en groupe de pression,on paralyse le fonctionnement du conseilmunicipal. Il doit rester dans son rôle decourroie de transmission de la demandesociale et veiller à ne pas se faire instru-mentaliser par les élus. » Alain Baudininsiste sur l’irréversibilité du dispositif :« Les municipalités mettent en place unprocessus de démocratie de proximité carelles ressentent l’attente de la population,quitte à se mettre dans une situation para-doxale. Nous ne pouvons faire sans, alorsfaisons avec et organisons-nous au mieux.La démocratie participative est une façond’animer le débat public parallèlement auconseil municipal. » Et Jacques Picard de conclure : « Pour unélu, il est toujours difficile de dire "non". Ladémocratie participative permet de le diredifféremment ». ■

� « La démocratie participative est une façon d’animer le débatpublic parallèlement au conseil municipal. »

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LA DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ, LIEU DE MISE ENCOHÉRENCE DES INITIATIVES

Les dispositifs de démocratie de proximité sont-ils une couche supplémentaire dans le mille-feuille des institutions locales ? Ou la possi-bilité de créer un lien indispensable entre toutesles initiatives et de rendre lisible la cohérencedu projet municipal ?

La ville de La Roche-sur-Yon représente unobjet d’étude intéressant pour tenter derépondre à la question posée par l’atelier,par la coexistence d’une grande traditionassociative et d’une volonté affirmée depuistrente ans dans la mise en place de dispo-sitifs de participation. En somme, une ville« avant-gardiste » en la matière.

Mise en place de la démocratie participative à La Roche-sur-Yon

Dès 1985, la ville propose de confier la ges-tion d’enveloppes de quartier aux habitants(30 000 euros par quartier), la seule condi-tion étant d’investir dans la commune. Cha-cun des douze quartiers se réunit une foispar an, en présence d’un élu animateur pourdécider du projet qui bénéficiera de l’enve-loppe de quartier. À cette expérience s’ajouteen 1990 un conseil des sages (basé audépart sur le volontariat puis sur la dési-gnation de soixante sages pour deux ans).À partir de 2002 se mettent en place le conseil de développement du pays Yon et Vie et cinq conseils de quartier. Àcôté de ces dispositifs institutionnels, la villepossède une vie associative très dévelop-pée, souvent fédérée dans les quartiers. Lechoix de ne pas calquer le nombre de conseils

de quartier (cinq) sur celui des enveloppesde quartier (douze), ni celui des maisonsde quartier (neuf), part d’une volonté desélus de rendre plus lisibles ces nouvellesinstances. Les citoyens ont pourtant l’im-pression que la municipalité a empilé leslieux de participation. L’avantage des mai-sons de quartier est d’être associées àd’autres organisations (associations…) ; serapprocher de ces structures permettraitd’englober des populations se trouvant en-dehors des circuits habituels. Commentrecueillir le point de vue des citoyens n’ap-partenant pas à ces structures ? La ques-tion semblerait en partie résolue, selon ÉlieGaborit, justement en associant les instancesparticipatives au tissu associatif existant,permettant d’impliquer de nouveaux citoyens.Ce tableau de la démocratie participative àla yonnaise, dressé rapidement, serait incom-plet si l’on omettait de mentionner les réti-cences vécues. Cette « nouvelle donne » nes’est pas imposée sans crainte : crainte dumaire de voir son projet municipal chamboulépar la démocratie participative ; difficultésdans les rapports entre nouveaux conseilsde quartier et maisons de quartier plusanciennes.L’un des membresd’un conseil dequartier d’Auxerre,déçu de primeabord, déclare quela démocratie par-ticipative ne sert qu’à re-légitimer ladémocratie repré-

ANIMATION : FRANÇOIS HANNOYER,DIRECTEUR DE L’ADELS

INTERVENANTS : YANNICK HENRY,MAIRE ADJOINT À LA ROCHE-SUR-YON

ÉLIE GABORIT, PRÉSIDENT DE LA

MAISON DE QUARTIER DES PYRAMIDES

À LA ROCHE-SUR-YON

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sentative, qu’il n’y a pas de pouvoir donnéaux conseils de quartier, d’où l’exigence detenir compte de l’avis exprimé dans les ins-tances participatives.« La confrontation entre élus, techniciens ethabitants est utile », note Yannick Henry, per-suadé que la concertation peut faire avan-cer les choses. Après une phase de rodage,le conseil municipal yonnais a suivi les avisexprimés dans les conseils de quartier, cequi a apporté de la cohérence au dispositif.Les participants déplorent que, dans cer-tains cas, les instances de démocratie deproximité n’ont qu’une fonction de défou-loir, comme celle de ne régler que les pro-blèmes du quotidien. Pour évacuer cettequestion, la municipalité de La Roche-sur-Yon a créé une enveloppe « petits travaux »d’un montant avoisinant les 250 000 euros.Sur simple appel téléphonique, les habi-tants sont invités à signaler les petites répa-rations à effectuer dans l’espace public, cequi améliore la rapidité des interventionsdes services techniques qui disposent desmoyens immédiats pour agir. Attention, sou-ligne Yannick Henry, il ne s’agit pas de lais-ser croire que les « grands sujets » demeu-rent la chasse gardée du conseil munici-pal. Faisant écho à cette remarque, NicoleGuilhaudin, conseillère municipale à Cham-béry, indique que de répondre aux ques-tions du quotidien permet de passer à desprojets plus larges ensuite.Renforçant l’idée que le contexte est essen-tiel et qu’on ne peut pas automatiquementexporter un modèle « qui marche », FabriceBelin, conseiller municipal à Roubaix,

ré-invoque le problème de la cohérence avecles dispositifs existants, qui reste entier dansles cas où de nombreux lieux de participa-tion sont constitués. Pour lui, une nécessairemutation des services doit s’opérer pouraccompagner ces changements. Plusieursquestions sont soulevées : la démocratieparticipative doit-elle se structurer pour réfor-mer la démocratie représentative défaillante ?Quel est le statut des personnes qui sontmembres de ces instances ?

De l’exportation délicate des dispositifsde participation

Face à ces questions, quelques convictionssont partagées dans la salle : les conseilsde quartier ne doivent pas servir de bou-clier face aux mécontentements. L’influencesur la décision publique doit être visible,pour que les lieux d’inflexion de la décisionsoient connus et investis. Par ailleurs, ilsemble pour les participants que la multi-plication des lieux brouille la cohérence,mais permet d’étendre la surface sociale.Restent en suspens les questions de légi-timité, de statut, de limites de l’exercice, desuspicion, d’enjeux de pouvoir, d’atomisa-tion du débat qui suscitent beaucoup d’interrogations dans le groupe.Pour Backir Hamidouche, du service démo-cratie participative de Chaumont, un desécueils à éviter est la création d’un habi-tant professionnel des conseils de quar-tier, qui ferait de ces instances des struc-tures de spécialistes. Ce que répète éga-lement Élie Gaborit : « Réaffirmer que laparticipation de tous est la base, prendre l’ha-bitant pour ce qu’il est : un expert de la viequotidienne. » Le débat est clos par celui qui l’avait ouvert,Yannick Henry : « La démocratie partici-pative permet de faire prendre conscienceaux élus qu’ils ont besoin de l’expertisecitoyenne. » ■

� « La multiplication des lieux de participation brouille lacohérence... mais permet d’étendre la surface sociale. »

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LA DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ, MOMENT DANS LADÉCISION PUBLIQUE LOCALE

Quelle place conférer aux instances participa-tives dans le calendrier de la décision publiquelocale ? Entre information, concertation, consul-tation, co-décision… Jusqu’où aller ?

« La démocratie de proximité n’est pas un“moment” de la décision publique, mais unapport – qui peut intervenir à tout moment –dans un processus d’élaboration de la déci-sion publique ; elle lui est consubstantielle. »C’est par ce préalable que Marie-Pierre deLiège a introduit l’atelier. Bien que les formesde démocratie de proximité soient très variéeset donc peu modélisables, elle en a esquisséune typologie.Premier type : la démocratie de proximitéest une manière de conforter ou d’infirmerune décision publique a posteriori. C’est laforme élémentaire de la démocratie, cau-tion de la décision publique, qui ne crée pasles conditions d’un dialogue, mais plutôt unedynamique d’affrontement entre élus et admi-nistrés. Deuxième cas de figure : la démocratiede proximité s’apparente à la participation,processus fondateur de la décision publique.C’est le cas, par exemple, lorsqu’une initia-tive est prise par un groupe d’habitants etque celle-ci est relayée par le pouvoir localpour la transformer en décision. Et, dernièrepossibilité : la délibération. Cette forme dedémocratie participative, qui se développele plus actuellement, est « fécondatrice »de la décision publique. Les habitants sontassociés à la décision publique, de la concer-tation à la co-décision. Une décision d’inté-rêt collectif partagée par le plus grand nombre

est progressivement construite, dans un va-et-vient entre la puissance publique et lasociété civile. « Cela existe déjà. Des bud-gets pour frais d’expertise sont parfois allouésaux habitants afin de leur permettre de seforger leur propre opinion », indique Marie-Pierre de Liège. Quelques règles sont à res-pecter dans cette configuration : il est néces-saire de préciser « l’intention », de définirla question et la méthode, de prévoir uneévaluation de ce processus. Tous les avisdoivent pouvoir s’exprimer, les argumentscontradictoires être discutés. Si aucun accordn’est trouvé, l’élu retrouve son pouvoir dedécision, mais de manière éclairée. « Celademande une véritable révolution culturelle,à la fois de la part des élus, des habitantset des techniciens qui doivent apprendre àne pas se substituer aux élus et à travailleren appui au projet des habitants »,ajoute-t-elle.

Aller à la rencontre des citoyens

Colette Lassalas-Ronxin évoque les réali-sations de la ville d’Amiens en la matière :revitalisation desvingt-six comitésde quartier (asso-ciations loi 1901)au début desannées 90 ; for-malisation dansune charte desdroits et obliga-tions de leurs

ANIMATION : CHRISTIAN SAUTIER,DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION,

AUXERRE

INTERVENANTES : COLETTE LASSALAS-RONXIN, ADJOINTE AU MAIRE D’AMIENS

MARIE-PIERRE DE LIÈGE, SECRÉTAIRE

GÉNÉRALE DU CONSEIL NATIONAL

DES VILLES

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membres et des élus ; création d’une uniondes comités de quartier, délégataire de ser-vice public et qui perçoit, à ce titre, une dota-tion annuelle pour son fonctionnement ; exis-tence de six mairies de secteur depuis 1995,etc. « Chaque année, des discussions ontlieu avec les comités de quartier sur les ques-tions de budget afin d’éclairer les choix dumaire adjoint de secteur. Du côté des habi-tants, cela permet une meilleure compré-hension des contraintes d’un budget »,explique-t-elle. Principale préoccupation del’ajointe au maire, la question de l’intercom-munalité. Suite à la loi Chevènement de 1999,toutes les compétences – obligatoires etoptionnelles – ont été transférées à l’agglo-mération (Amiens métropole), ce qui faitcraindre aux membres des comités de quar-tier d’être dépossédés de leur rôle et moinsparties prenantes dans les décisions. « Noussouhaitons leur donner les moyens de conti-nuer à remplir leur rôle de “poil à gratter” »,affirme l’élue. « La démocratie locale peutse concevoir comme une co-élaboration,voire une co-décision entre élus et habitantssur un projet urbain ; mais si on limite l’as-sociation des habitants aux questions dequotidienneté, ils ne vont pas s’en satisfaire.Ils aspirent également à participer à desréflexions de plus long terme sur l’aména-

gement et la politique de la ville, les grandséquipements, etc. » Et d’annoncer la miseen place prochaine d’un nouveau dispositif quiaurait l’avantage d’aller à la rencontre descitoyens qui ne participent pas spontané-ment (lire encadré page suivante).

S’adapter en fonction du contexte

Claude Géorgin, adjoint au maire de Sedan,a évoqué les financements Anru (1) quidevraient pouvoir apporter 90 % d’aides àun projet d’aménagement urbain dans saville. « On ne peut pas laisser passer unetelle aubaine ! », s’exclame-t-il. « Il faut certesconsulter les habitants, mais on ne peut pasappliquer la même méthode à chaque pro-jet. Il ne faut pas avoir peur des conflits quandon est sûr de défendre l’intérêt général, carles habitants qui se manifestent le plus sontsouvent ceux qui sont “contre”, plutôt queceux qui sont “pour”. » Ce à quoi ColetteLassalas-Ronxin répond qu’effectivement,un élu a aussi des convictions à défendremais que, « souvent, les habitants avancentdes arguments auxquels nous n’avions paspensé… ». Marie-Madeleine Bougnoux, responsable du pôle éducation, qualité devie et citoyenneté de la commune de Bour-goin-Jallieu, souligne la difficulté d’organi-

� « Si on limite l’association des habitants aux questions de quotidienneté, ils ne vont pas s’en satis-faire. Ils aspirent également à participer à des réflexions de plus long terme.»

(1) L’AGENCE NATIONALE POUR LA RÉNOVATION URBAINE, ÉTABLISSEMENT PUBLIC, A ÉTÉ CRÉÉE EN FÉVRIER 2004 POUR METTRE EN ŒUVRE LA LOI

D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA VILLE ET LA RÉNOVATION URBAINE DU 2 AOÛT 2003 (DITE BORLOO), QUI PRÉVOIT LA DÉMOLITION DE

200 000 LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX, LA RECONSTRUCTION DE 200 000 LOGEMENTS SOCIAUX ET LA RÉHABILITATION LOURDE DE 200 000AUTRES. L’ANRU A POUR FONCTION D’APPORTER LES FINANCEMENTS NÉCESSAIRES À CE PROGRAMME.

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ser la concertation lorsque les projets dépen-dent de financements extérieurs : « Nousnous trouvons dans une situation difficile :nous attendons une réponse de l’Anru pourune opération de rénovation urbaine et noussommes très dépendants de ce finance-ment. Si nous obtenons les subventions,nous essayerons de persuader les habi-tants que la démolition est la bonne solu-tion. Dans le cas inverse, nous vanteronsla position opposée… Comment organiserune consultation dans cesconditions ? On va être obligéde dire aux gens : voici cequi est négociable, et voicice qui ne l’est pas… »On peut en effet rêver d’unmodèle autrement plus aboutide démocratie participative !Patrick Hardouin, conseillerde quartier à Auxerre, s’in-terroge sur la pertinence dela démocratie participativesi elle n’est pas renforcéepar une démocratie socialeet économique. « Dans cesconditions, elle ne concer-nera toujours qu’une mino-rité de personnes, issues demilieux privilégiés. On nepeut pas séparer les ques-tions de citoyenneté quoti-dienne de celles de l’injus-tice sociale, de la précarité,etc. Quand des délocalisa-tions remettent en questionl’équilibre économique entier

d’une ville, beaucoup de gens sedisent “ Pourquoi aller dans un conseilde quartier, l’essentiel ne se passepas là ”. »Revenant à la question initiale – quelle place pour la démocratiede proximité dans la décision publiquelocale –, Marie-Pierre de Liège indique

pour sa part qu’elle ne va pas « jusqu’à laco-décision », mais préfère le terme de« co-production de la décision ». « C’estaux élus de prendre la responsabilité dela décision, et c’est aussi le rôle du poli-tique de défendre des idées telles que lanon discrimination ou la laïcité, par exemple,garantes de l’intérêt général. » ■

� « Peut-on faire de la démocratie participative sansdémocratie sociale et économique ? »

NOUVEAUX DISPOSITIFS DE DÉMOCRATIE LOCALE À AMIENS

Au terme d’une réflexion menée avec les comités de quartier, la villed’Amiens a décidé de renouveler ses outils de démocratie locale pouradapter son fonctionnement à la création d’Amiens Métropole, qui abénéficié d’un transfert de compétences très important (développementéconomique, culture, sports, environnement, tourisme, transports…).

• « Les vendredis de la Métropole » : pendant un après-midi, Gillesde Robien, président d’Amiens Métropole, les maires, les élus descommunes de l’agglomération et les membres des comités dequartier iront à la rencontre des habitants (chefs d’entreprises,responsables associatifs, etc.).

• Les « Forums de quartier » : en présence de Gilles de Robien et deBrigitte Fouré, maire d’Amiens, ils consisteront en des réunions-débats avec les habitants autour d’un thème (développementdurable, transports collectifs, éducation, aménagement duterritoire, etc.).

• « Les jeudis chez vous » : deux fois par mois, Brigitte Fouré etColette Lassalas-Ronxin iront à la rencontre de ceux qui font vivreles quartiers : parents d’élèves, commerçants, responsablesassociatifs, etc.

• « Les réunions de concertation » qui porteront sur les grandsprojets. Une campagne d’information et de consultation seraorganisée auprès des habitants sur le Plan local d’urbanisme.

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LES OUTILS POUR S’ÉCOUTER,ÉLABORER UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ

Ici et là fleurissent, dans le cadre réglemen-taire ou au-delà, des initiatives nouvelles auxcontours et aux procédures souvent rigou-reux. Référendums, panels, enquêtes parti-cipatives. Des outils, des experts au servicede quelle évaluation ?

Le Val-d’Oise est un des départementspilotes pour le passage de contrats édu-catifs locaux (Cél) en projets éducatifslocaux (Pél). Le Pél permet de mettre encohérence l’ensemble des actions éduca-tives par le biais d’une élaboration collec-tive d’une véritable politique éducative loca-le. Un des objectifs du Pél est de luttercontre le manque de lisibilité des diffé-rents contrats qui peuvent être présents surun territoire, mais aussi, comme l’indiqueune circulaire du ministère de l’Éducationnationale à l’époque où il était sous lamême responsabilité que celui de la Jeu-nesse et des Sports (2000), de faire avan-cer la notion de responsabilité partagéedes acteurs en ce qui concerne les poli-tiques éducatives. Selon ce même textequi présente le dispositif Pél, celui-ci apour vocation de rassembler les contrats

temps libres (sui-vis par la caissed’allocations fami-liales), les contratslocaux d’accom-pagnement à lascolar i té (Caf,Fasild, Éducationnationale, missionVille, DDJS…), le

volet éducatif de la politique de la villepour les zones concernées, le Cél, lecontrat Civiq du conseil général, les opé-rations Ville-Vie-Vacances, etc.Dans ce contexte, il semble indispensablepour son élaboration de mener une véri-table concertation rassemblant tous lesacteurs concernés, institutionnels, profes-sionnels, associatifs, jeunes et parents.Tout ceci nécessite en préalable un solidediagnostic partagé.La ville de Villiers-le-Bel a souhaité définirson Projet éducatif local en associant lesdifférents acteurs locaux. Elle a fait appelà la Ligue de l’enseignement du Val-d’Oise(qui était déjà en charge de la formationdes coordonnateurs Pél du département).Celle-ci est intervenue pour animer laconcertation sur le diagnostic et la finali-sation du Pél, en partenariat avec l’asso-ciation Culture et liberté Paris. La réali-sation d’un diagnostic partagé a été lepremier pas de la démarche engagée. Lediagnostic a notamment été établi sur labase du regard croisé des différents acteurssur la situation éducative de la ville, obtenudans des groupes de parole animés avec« Color vote » (lire page 29). Culture etliberté utilise « Color Vote » comme unsupport de sa méthodologie innovante deconstruction de coopérations (1).

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(1) UN ACCORD A ÉTÉ PASSÉ ENTRE LA LIGUE 95 ET CULTURE ET

L IBERTÉ PARIS QUI COMPREND NOTAMMENT UN TRANSFERT

MÉTHODOLOGIQUE DES PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE COOPÉRATION

DÉVELOPPÉS PAR CULTURE ET LIBERTÉ. L’INTERVENTION À VILLIERS-LE-BEL EST UN DES LIEUX ET DES TEMPS DE CE TRANSFERT.

ANIMATION : FRANÇOIS HANNOYER,DIRECTEUR DE L’ADELS

INTERVENANTS : JEAN MARQUET,CHARGÉ DE MISSION À CULTURE ET

LIBERTÉ PARIS POUR LES QUESTIONS

LIÉES À LA PARTICIPATION CITOYENNE

JEAN-BAPTISTE KIEFFER, LIGUE DE

L’ENSEIGNEMENT DU VAL-D’OISE

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Un an de concertation

« Villiers-le-Bel a une histoire intéressanteen matière d’aménagement du temps del’enfant. Elle avait déjà mis en place descontrats d’aménagement du temps de l’en-fant (Cate), puis des contrats Arvej (amé-nagement du rythme de vie de l’enfant etdu jeune) », indique Jean-Baptiste Kieffer,qui a encadré le processus pour la Liguede l’enseignement. « Toutes les catégoriesd’acteurs ont été questionnées, de manièretrès large, sur leur représentation du ter-ritoire, de ses caractéristiques et de sesenjeux : élus, parents, jeunes, techniciensde la mairie ou extérieurs (Éducation natio-nale, Police, éducation spécialisée, etc.).Nous en avons retiré des premiers constatset propositions, que nous avons réorga-nisés en grands axes d’action. Ceux-ci ontfait l’objet à nouveau d’une concertation,plus ciblée et opérationnelle, pour creu-ser chaque action proposée. Certainsacteurs ont évoqué par exemple leur sou-hait, lors de la première phase, de fairede l’intergénérationnel. Mais ce souhaitrestait incantatoire et demandait à êtreprécisé. Ainsi, dans la seconde phase, ons’est penché sur le “comment ?, avec qui ?,par qui ? où ?”… De ce travail sur les quatregrands axes sont sorties trente-trois fichesactions, actuellement en cours de valida-tion par la municipalité. Cette validationne survient pas en dehors du processus,puisque les élus ont été présents tout lelong, notamment dans un comité de suivipolitique et technique. » Les trente-trois fiches actions qui, avec lediagnostic partagé et les quatre grandsaxes composent le Pél de Villiers-le-Bel,regroupent des actions nouvelles, d’autresexistantes et confirmées en l’état, d’autresexistantes mais modifiées. « On a mis unan à faire le Pél, je ne crois pas que l’onpuisse en faire un sérieusement en moins

de neuf mois, si on veut vraiment prendreen compte toutes les positions et propo-sitions des acteurs locaux », juge Jean-Baptiste Kieffer.« Tout le monde s’approprie le travail aufur et à mesure, et nous avons gardé unepart importante des participants présentsjusqu’à la fin. Mais cela demande du temps.Il faut d’abord créer un cadre où les genspuissent se parler sans s’affronter. Celanécessite une vraie technicité, on ne peutpas laisser faire les échanges “naturelle-ment”, il faut les animer pour que la parolene soit pas monopolisée, pour que les débatsne soient pas à l’étroit dans des cases toutesfaites… Pour que la participation ne soitpas un gadget, il faut être rigoureux. Aujour-d’hui, les gens s’appellent, s’échangent desinformations, en font remonter d’autres àla mairie qui, elle-même, met en lien avecd’autres acteurs. Bien sûr, il a aussi fallufaire avec des résistances, mais elles sesont amoindries et l’on s’est aperçu que lesacteurs sont plutôt raisonnables dans leursdemandes. De même, les professionnelsse demandent un peu à quoi “ça sert”, puis-qu’ils sont payés pour savoir ce qu’il fautmettre en place. Un bon directeur général,qui connaît le sujet, sait en effet une bonnepartie de ce qu’il faut faire. Mais cela ne suf-fit pas pour rendre tout le monde actif dansle projet. De plus, les acteurs ont besoin,non pas d’être simplement écoutés, maisd’être participants à un projet collectif, avant,pendant et, bien sûr, après. Les parentsaussi ont des doutes au départ ; ils se deman-dent pourquoi ils sont mis à contributionalors qu’il y a des professionnels qui “savent”déjà. Mais nous soutenons l’idée que lesparents ont un diagnostic extrêmement findes actions existantes, et de leurs manques.C’est l’expertise d’usage, et il faut qu’ellesoit reconnue. Par exemple, les techniciensévoquaient la tenue du forum des métierscomme élément de réponse déjà existant

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sur la question de l’orientation profession-nelle. Parents et jeunes ont montré com-bien il était plus important d’avoir un contactdirect, sur place, avec une entreprise, plu-tôt que de faire faire des tours de standspendant une journée à des jeunes. » Pour la mise en action du Pél, Villiers-le-Bel a souhaité être accompagnée six moisde plus par la Ligue de l’enseignement,mais le passage de témoin se fera sansproblème, car Ligue et ville ont travaillé entandem, entre une chef de projet Pél etJean-Baptiste Kieffer. « Nous avons éga-lement comme objectif, dès le départ, derendre les acteurs autonomes », indiquecelui-ci.

RÉACTIONS

� Animer un débat nécessite unsavoir-faire qui doit être plus formali-sé « La rigueur et la technicité sont eneffet indispensables à l’animation dudébat public. Mais aujourd’hui, le savoir-faire n’est pas formalisé dans les ser-vices territoriaux, et on est obligé defaire appel à des aides extérieures.Quand il l’est, on le retrouve dans lesservices “politique de la ville”, et on neparvient pas à le partager horizontale-ment. Quid d’une filière, d’un service,d’une agence locale “animation du débat,concertation ?” »

� Qualité et démocratie « En internedes collectivités, beaucoup de mouve-ments se font jour en ce moment autourde la notion de qualité, notamment dequalité du service public : on “concerte”les services pour améliorer la qualité desréponses du service public, travailler lescheminements chaotiques de décisionou de traitement des dossiers, remettreen ordre ce qui a été complexifié à l’ex-cès par l’introduction d’intercommunalités

nouvelles… Mais on ne fait pas le liendans ces démarches avec la démocratieparticipative. On peut faire un sondageauprès des usagers parce qu’on en abesoin, mais on ne pense pas en termesde droit à participer. »

� Comment inciter une commune àmener une concertation ? « Ce typed’expérience se base sur le volontariat,voire la bonne volonté de la collectivitélocale, au moins autant que sur le savoir-faire technique des intervenants. Quelspourraient être les outils appropriablespar les populations et les acteurs locauxnon institutionnels qui veulent entrer en débat constructif avec la collectivité, de leur propre initiative ? Plus compliqué : comment font-ils et surquoi peuvent-ils s’appuyer si la communeest réticente, voire fermée à l’idée deconcerter ? »

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« COLOR VOTE », UN OUTIL DE DÉLIBÉRATION COLLECTIVE

Lorsqu’on veut élaborer un projet, poser un problème et en rechercher les solutions, étudier unesituation donnée ou encore définir des orientations de travail pour l’avenir en faisant participer tousles acteurs concernés, il convient de susciter leur adhésion et d’entretenir leur motivation. Pourcela, il faut proposer des objectifs intéressants, utiles et justes, lisibles par tous et conduits dans letemps le plus court possible, de façon à ce que les résultats soient perceptibles. Il faut notammentque les séances de travail en groupe soient gérées d’une manière rigoureuse et qu’elles soientréellement productives.Color vote est un logiciel informatique de sondage délibératif qui le permet. On peut, dans un tempsrelativement court (deux à trois heures) parvenir à un échange à parité et obtenir des constructionscommunes entre des personnes en situations sociales ou culturelles différentes, ou de capacités deconceptualisation inégales.Le principal intérêt de cet instrument est de permettre à un groupe de personnes de points de vuedifférents, voire opposés, sur une question donnée, d’identifier rapidement leurs zones de consensuset de dissensus. Il suffit pour cela que la question posée les intéresse tous à titre institutionnel oupersonnel et qu’ils aient la volonté de coopérer. La question est soumise aux participants qui sontappelés à dire la façon dont elle se pose à eux. Leurs remarques ou propositions sont transcrites àl’aide d’un ordinateur portable relié à un vidéo projecteur. Chacun peut ainsi visualiser sa production.Le groupe produit une liste d’idées (items) la plus exhaustive possible. Ensuite, chacun est appelé àdonner son opinion sur chacun des items produits en fonction d’un code couleur :

• vert foncé : je suis tout à fait d’accord, cette idée est très importante• vert clair : je suis plutôt d’accord, cette idée me semble assez importante• orange : je suis mitigé, il y a du pour et du contre, j’hésite• rose : je suis plutôt contre, cette idée ne me semble pas très importante• rouge : je suis tout à fait contre, cette idée n’est pas importante• blanc : je n’ai pas assez d’informations, je ne sais pas répondre• noir : la question ne me concerne pas, je ne veux pas répondre

Les résultats sont présentés instantanément à l’écran sous forme d’une image qui reflète l’opiniongénérale du groupe tout en laissant visible le point de vue de chacun. La hiérarchisation des idéess’effectue en quelques secondes, définissant la zone de consensus favorable, c’est-à-dire là où lesparticipants s’accordent sur ce qui est le plus important à leurs yeux, là où il faut agir en priorité, lazone de consensus défavorable et la zone de dissensus.L’image sert ensuite de support à un débat entre les participants, destiné à expliciter leursdifférences d’opinions, chacun étant appelé à préciser ou à défendre ses positions ou à les modifiercompte tenu des arguments des autres. Il ne s’agit pas de rechercher le consensus pour leconsensus, mais de parvenir d’une manière raisonnée à déterminer les champs de préoccupationsou de propositions partagées.À la différence d’une procédure d’enquête ou de consultation classique, ce sont les participants eux-mêmes qui définissent une problématique et proposent les aspects pertinents à mettre en discussion.Cela permet d’inverser l’ordre habituel de traitement d’un problème en offrant aux acteurs de terrainla possibilité de définir les aspects sur lesquels il convient de travailler, à tout le moins ceux surlesquels ils sont motivés.Il faut tout de même préciser que Color vote n’est qu’un outil au service de l’opérateur et que sonutilisation ne constitue pas un objectif en soi. ■

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LES VECTEURS POUR S’INFORMER,COMMUNIQUER, SE CONNECTER

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La communication tend à s’imposer commeune fonction stratégique au sein descollectivités locales. Les vecteurs decommunication se multiplient : à la lettre dumaire, au journal municipal, s’ajoutenttoutes les possibilités offertes par internet.Mais quelle est la mission première de lacommunication : informer sur les réalisationset les projets ? Véhiculer une image positivede l’action municipale ? La fonctioncommunication, à cheval entre le politique etle technique, reste souvent insuffisammentreconnue par les autres services. Lacommunication a-t-elle une place departenaire stratégique ou de prestataireopérationnel ? Une certitude : lacommunication doit être associée dès lespremières phases d’un projet.

Dominique Mégard, animatrice de l’atelier,est déléguée générale et gérante de lasociété Cap’com qui réunit des profes-sionnels de la communication, créée en1988 (lire encadré page 31).

Elle introduit son atelier par un rappel surla nécessité, pour les services de com-munication des mairies, de distinguer :

• information : direce qui se passe.L’information est unpréalable à touteconcertation, con-sultation. C’est lepremier nœud de lacommunication ;

• communication : créer de l’adhésion à ce que l’on dit, à un projet, voire le « vendre ».La communication accompagne le résultatde la concertation et de la consultation ;

• concertation : discuter avec nombre depersonnes autour d’une idée, d’un projet,d’un groupe. La dimension « écoute » estplus présente que dans la communication,qui est souvent descendante. Au momentoù se déroule cette discussion, il faut déter-miner quel contrat la municipalité souhaitepasser avec les personnes : la démarchede concertation donnera-t-elle droit à uneparticipation à la décision ?

• Consultation : envoyer un questionne-ment à la population pour savoir ce qu’ellepense. On s’éloigne là du registre de la discussion.

Jérôme Lavaux, directeur de la communi-cation à la mairie de Bourg-en-Bresse, illustrecette distinction en s’appuyant sur un projet de refonte d’une artère ducentre ville : « Le travail d’information préa-lable, présentation de l’état des lieux et desobjectifs, a été réalisé par une structure exté-rieure qui a organisé des réunions publiquesentre les élus, les associations et les insti-tutionnels. Ceci a facilité l’expression etcontribué à dédramatiser le projet.Le travail d’approche ne concernait pas leprojet mais le cahier des charges. L’ob-jectif final n’a donc pas été modifié maisles remarques des habitants ont contribuéà enrichir le cahier des charges.

ANIMATION : DOMINIQUE MÉGARD,DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE DE CAP’COM

INTERVENANT : JÉRÔME LAVAUX,DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION À

LA MAIRIE DE BOURG-EN-BRESSE

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L’ensemble des projets ont été présen-tés en animation 3D. Ceci a son impor-tance en termes de communication, tantcette technique facilite l’appropriationdes projets par les participants. Le pro-jet choisi a été retenu à l’unanimité parun jury élargi.Il faut être vigilant sur le temps, dont laperception diffère selon que l’on est habi-tant et que l’on ne maîtrise pas le projet,ou architecte ou technicien municipal etque l’on a connaissance du calendrier.Pour prendre en compte ce facteur, nousavons mis en place un système de boîteaux lettres dans laquelle des riverainsvolontaires diffusaient des informationssur l’état d’avancement du projet. Undocument grand public a aussi été dis-tribué ; il présentait le projet et sa tra-duction par l’architecte. »

Déterminer les cibles…

Dominique Mégard revient sur la néces-sité, pour présenter un projet urbain à lapopulation, de prendre son temps pourétablir le plan de communication. Pourcela, il faut en priorité définirle public auquel on souhaites’adresser. Les niveaux del’information, ses moments etses outils doivent être adap-tés au public visé. La com-munication interne ne doit pasêtre omise, le personnel muni-cipal doit lui aussi être informé.Le pire étant qu’il apprennepar la communication externel’existence d’un projet muni-cipal. Il ne faut jamais se pré-cipiter, en cherchant parexemple à toucher des ciblessupplémentaires si les prin-cipales n’ont pas été atteintes.

… avant de déterminer les objectifs…

La communication et l’information ne rem-placent jamais le projet. Le projet néces-site une volonté politique, une ambitionpréalable. Les vecteurs pour afficher l’am-bition du projet peuvent être la conférencede presse, la réunion d’information. Si lepublic n’a pas connaissance de l’objectif duprojet, il ne pourra pas réagir. Pour que lechoix politique soit défini au plus près etéviter les surcoûts de communication, il estimportant de décliner les différents enjeuxdu projet.

… pour entrer dans l’ère de la concertation

Après l’affichage de l’objectif, vient l’ère de la concertation avec la nécessité de définir les champs de cette concertation, ainsique ses limites (le projet est-il modifiable à merci ?).En matière de communication, il n’y a pasde recette type, mais des travers à éviter.

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6CAP’COM

La société réunit des professionnels de la communicationpublique : directeurs et services de communication (descollectivités terr itor iales, des ministères et desadministrations déconcentrées, des chambres consulaires,des acteurs et partenaires de l’action publique), agenceset prestataires de service, organismes de formation,universitaires et chercheurs, associations et réseauxd’élus (AMF, AMGVF, FMVM, ADCF…), de communicants(Club’Com, Communication et citoyens…), de réflexion(Adels). Cap’com organise des rendez-vous (forumnational annuel, séminaires de formation) et un grand-prix,compétition chaque année renouvelée. Cap’Com est unréseau de communicants publics qui échangent etconfrontent leurs pratiques.

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RÉACTIONS

� Faire le lien avec les citoyens « Leservice démocratie participative n’est-ilpas avant tout un service de communica-tion entre les habitants et la municipalité ?Si il peut avoir d’autres objectifs, c’est entout cas une grosse partie de sontravail. »

� Quelle compétence des élus enmatière de communication ? « La com-munication est transversale, même si ladémocratie participative est au cœur dusujet. Toutefois, l’attribution des élus poseproblème : quelle compétence en matiè-re de communication ont les élus encharge de la démocratie locale ?L’organisation de l’administration a uneinfluence sur l’outil de communication. »

� Un bon projet va à son terme « Ilest nécessaire de revenir à l’idée de dia-gnostic partagé. Quand on établit un pro-jet, on doit en définir l’ambition dès ledépart. Un bon projet ira toujours à sonterme. Souvent, c’est le projet qui est malficelé, et la communication ne peut pastout sauver. »

� Communiquer ? Écouter ! « Il fauttoujours que les élus se posent la ques-tion : qu’est ce que je veux faire de cequartier ? Pour moi, la consultation /concertation consiste à écouter l’experti-se d’usage des citoyens, à me dire queleurs remarques vont forcément être denature à modifier mon projet. La partici-pation vient après. »

� Intercommunalité« L’intercommunalité peut parfoisbrouiller la communication d’une munici-palité. Pour que l’émetteur du projet soitclairement identifié, l’intercommunalitéet la ville doivent prendre le temps dediscuter ensemble de l’ambition d’unprojet et de son affichage. Le Creusotcompte environ 25 000 habitants,Montceau-les-Mines 20 000, et la com-munauté urbaine rassemble près de100 000 habitants. Chaque entité dispo-se d’un service de communication etnous avons la chance d’être tous dumême bord politique – car les configura-tions sont multiples et lorsque ville etcommunauté ne sont pas du même bordpolitique ou que la communauté ne dis-pose pas d’une direction de la commu-nication, les relations sont plus compli-quées. Il est des échelles où la commu-nication est facile (le grand projet deville – GPV – dont le champ s’étend àl’échelle de l’agglomération). La difficul-té n’est pas dans la relation entre lestrois communes et la communautéurbaine, mais elle se situe au regarddes ambitions. Ce qui est contesté, c’estl’opportunité du projet, car il est toujoursdifficile de concilier plusieurs ambitions.Prenons le cas du GPV, tous les élussont d’accord pour transformer la ville,mais aujourd’hui, certaines dispositionssont remises en cause, notamment àcause de l’ambition de l’État, qui chan-ge. La procédure change aussi, avec lacréation de l’Agence nationale de réno-vation urbaine (Anru). Les dossiers sontmis en attente et il est toujours difficilede le faire entendre aux habitants. » ■

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POUR COMPRENDRE LA PROXIMITÉ,DES FORMATIONS S’IMPOSENT

Entre élus, techniciens, habitants mobilisés,les questions locales ne se posent pas dans lesmêmes termes. Quelle commande passer auxorganismes de formation pour que la proximitésoit un espace permettant à chacun de mieuxsaisir les dimensions politiques, techniques etsociales des enjeux territoriaux ?

Le « vocabulaire par tagé », c’est lemaître-mot de la démarche menée parChristophe Beurois au sein de la ScopMédiation & environnement : « Il faut fairetravail ler ensemble les citoyens, lesassociatifs et les élus sur le sens de ladémocratie par ticipative. » Sor tir del’emprise des lobbies de toutes sortes,« terrible nuisance », pour « redonnerl’initiative aux habitants du territoire, afinqu’ils s’auto-organisent. »

Médiation & environnement est une sociétécoopérative ouvrière de production (Scop)créée en 2000 par quatre passionnés desquestions d’environnement, issus du mondeassociatif. La scop intervient dans une réa-lité jamais démentie : toute dynamique dechangement n’est possible qu’après la co-construction des conditions du consensuset la co-élaboration des règles du jeu. Préa-lable indispensable que Médiation & envi-ronnement se propose d’établir. Elle imposeégalement quelques principes, parmi les-quels celui de la « carte blanche pour agir »,toujours en amont du projet, c’est-à-dire

quand les marges de manœuvre sont encoreintactes. La scop n’est, de plus, jamais par-tie prenante du débat lui-même, dont l’ani-mation est confiée à des intervenants exté-rieurs. Une conférence de citoyens est consti-tuée, sur la base de l’engagement desparticipants, davantage que sur une hypo-thétique représentativité. La conférence tra-vaille pendant six à huit mois sous l’œil d’ungroupe de scrutateurs, totalement étrangersaux enjeux locaux. Le pari ? Sortir du « déve-loppement bocal » pour faire mouvementen construisant du diagnostic partagé.Premier temps primordial : plus que le résul-tat du débat, c’est le processus de fabrica-tion qui doit être au centre des préoccupa-tions des protagonistes, représentants del’État, des collectivités locales, des éta-blissements publics, des industriels ou desassociations. L’effet est immédiat : en pas-sant le temps nécessaire à mettre au grandjour les règles du débat, on diminue l’écartentre les cultures propres à chaque acteur,on crée les conditions d’une reconnaissanceet d’une interpellation mutuelles. Un effetcollatéral ne doit pas être négligé : consen-suel dans la validation des règles, le groupe(et au-delà de lui, lasociété toute entière)aura quelques diffi-cultés à rejeter lerésultat des travauxmenés en commun

ANIMATION : CÉLINE BRAILLON,CONSEIL NATIONAL DES VILLES

INTERVENANT :CHRISTOPHE BEUROIS,

SCOP MÉDIATION & ENVIRONNEMENT

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et ses conclusions. Ce que crée le dispo-sitif est pérenne, à l’inverse d’une chartequi, si elle n’est pas réellement co-produite,ne pourra jamais entrer dans sa phase deréalisation concrète.Le lien social entre les protagonistes est lasource d’un renouveau politique et consti-tue un gisement d’intelligence collective. Lapolitique consiste à remobiliser ces poten-tiels, à « retricoter » une vision communede l’état des lieux et des solutions envisa-geables. Un conseil de développement, parexemple, n’est une instance de concerta-tion qu’à la condition qu’une médiationcitoyenne ancre ses travaux dans le corpssocial. La démocratie voudrait qu’on mobi-lise les citoyens non plus seulement sur lesobjets de planification, mais sur les enjeux.Aussi la question ne serait plus où et com-ment construire un équipement, mais faut-il un équipement et pourquoi.

Le pari de l’intelligence

Médiation & environnement a notammentmis sa méthode en œuvre à Saint Brieuc,à la demande d’un syndicat mixte de trai-tement des déchets (Smictom) pour renouerle dialogue entre élus, associations et citoyensautour d’un projet d’incinérateur. Quand, enaoût 2002, le président du Smictom, syndi-cat de traitement des déchets d’une zonede 140 000 habitants (comprenant SaintBrieuc), prononce le mot « incinération » enpublic comme une éventuelle solution auxproblèmes locaux de traitement des déchetsménagers, les esprits s’enflamment aussi-tôt. Ce sont d’abord les élus et militantsVerts, puis les associations environnemen-talistes, et finalement un assez large publicqui s’émeut de l’éventualité du recours à unnouvel incinérateur dans la région. Le conflitprend rapidement un tour violent, entre desélus jurant qu’ils étudient toutes les solu-tions à un problème urgent (la sous-capa-

cité de traitement du syndicat estimé offi-ciellement à 40 000 tonnes annuelles dedéchets) et des associatifs qui sont per-suadés que l’incinération est d’ores et déjàdécidée… et que c’est la pire des solutions.« Nous avons proposé aux élus de faire le paride l’intelligence », se rappelle ChristopheBeurois. « L’idée était de faire porter le débatpar un panel de citoyens "neutres". » Trois ins-tances sont alors mises en place : un comitéde pilotage, un panel de scrutateurs et unpanel de citoyens. Le comité de pilotage estcomposé d’élus du Smictom et du territoireconcerné, de représentants de l’État, desassociations et des chambres consulaires.Il a pour tâche principale le « réglage » auplus fin et la validation des règles du débatpublic, notamment les compositions desdeux autres instances. Le panel de scruta-teurs endosse lui une tâche plus proche decelle d’un commissaire enquêteur dans uneenquête publique. Composé de cinq « per-sonnalités indépendantes » (1), il doit garan-tir l’objectivité et la sérénité des débats.Enfin, le panel de citoyens, élément clé dudispositif, est composé de douze personnes,tirées au sort, représentatives des habitantsdu territoire concerné. Ce sont elles qui, àl’issue du processus de formation et du débatpublic, doivent rendre leur avis circonstanciésur le fond de l’affaire : le traitement desdéchets par le Smictom. Se réunissant à huisclos, le panel de citoyens est accompagnédans tous ses travaux par un formateur consul-tant, qui a surtout eu un rôle méthodologique :travail sur le vocabulaire spécifique aux déchets,sur comment écouter, conduire un débat, éta-blir un diagnostic et quelques notions de laméthodologie de projet. Sur une période desix mois, le panel de citoyens se forme éga-

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(1) UN MEMBRE DU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DES PAYS DE LA

LOIRE, UN BIOLOGISTE DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE,UN INGÉNIEUR AU CONSEIL GÉNÉRAL DES PONTS ET CHAUSSÉES, UNE

CONSULTANTE EN COMMUNICATION ET LE DIRECTEUR DE L’UNION

RÉGIONALE DES SCOP DE BRETAGNE.

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lement auprès d’experts qu’il choisit lui-même,pendant trois week-ends, puis en animantquatre grands débats ouverts au public. Letemps de ce processus, un dispositif de« cahiers d’acteurs » est proposé à l’ensembledes participants (associations, Smictom, élus,habitants qui le souhaitent). Le panel decitoyens est invité à étudier ces cahiers, oùchacun peut présenter ses positions de prin-cipe ou ses solutions techniques.Premier problème : trois associations, parmiles plus virulentes contre le projet d’incinéra-tion, ont refusé de faire partie du comité depilotage, persuadées que l’ensemble du débatpublic n’était qu’une « fumisterie communi-cationnelle » mise en place pour dédouanerles élus et entériner l’incinération.Seconde difficulté : sur les deux cents per-sonnes tirées au sort, puis contactées parMédiation & environnement, seules quatorzeont répondu positivement. Et le comité de pilo-tage en a exclu deux, pour cause de mandatélectif pour l’une et de non domiciliation dansla zone concernée pour l’autre. Pourtant, Chris-tophe Beurois réfute sur ce point l’argumentdu désintérêt des habitants : « C’est sûr quenous avons eu beaucoup de mal à trouverquinze personnes mais, souvent, les gensnous disaient qu’ils n’avaient pas le temps,pas la disponibilité pour s’engager sur sixmois. Beaucoup de familles monoparentalessont, par exemple, très intéressées par lesujet, mais manquent de disponibilité pourparticiper. » Troisième difficulté : les quatredébats ouverts au public, malgré une trèslarge publicité et la diffusion de 60 000 tracts,n’ont pas attiré les foules : 250 à 300 per-sonnes, protagonistes directs compris. Pourcertains membres du panel de citoyens, cemanque de public est une déception.Malgré ces obstacles, l’expérience est aujour-d’hui un succès, d’abord par la qualité desrecommandations produites par le panel descitoyens. Surnommés au début du proces-sus par les associatifs les plus sceptiques

« les douze naïfs » pour leur ignorance surle sujet, les citoyens-profanes ont réellementsu faire la synthèse des experts auditionnéset, surtout, s’extraire du climat délétère etdes conflits locaux. Une recommandationcontre l’incinération (solution qui a été abon-donnée par les élus) a été formulée par lepanel, avec une bonne compréhension desarguments et des enjeux.

RÉACTIONS

� Du consultatif au décisionnel« À La Courneuve, à l’occasion d’un projeturbain, un Jury citoyen a été créé, qui ad’abord été pensé comme une instanceconsultative. Mais la réflexion s’est révéléed’une telle qualité, a produit une telle intel-ligence collective, que le maire a finale-ment décidé qu’il ferait partie du jury offi-ciel, et donc décisionnel. »

� Les habitants fixent leurs propresrègles « À La Roche-sur-Yon, nousavons mis en place un budget participatifen cogestion avec les habitants, douzeenveloppes de quartier existent depuis1985, des conseils de quartier ont étécréés il y a deux ans. À travers la rédac-tion de la charte des conseils de quartier,ce sont les habitants qui ont fixé leurspropres règles de fonctionnement. Uneligne de crédit a été ouverte afin de finan-cer des formations au débat démocra-tique, notamment sur la conduite deréunion ou la prise de parole en public. »

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L’ORGANISATION DE LA DÉMOCRATIE DANS LES TERRITOIRES

Les régions se sont emparées très récemmentde la démocratie participative, qui a été l’un dessujets de la campagne électorale de 2004. Lesdispositifs se mettent petit à petit en place. Dequels outils disposent les régions ? Quel est lerôle et la légitimité des corps intermédiairesorganisés ? Quelles sont ou quelles peuvent êtreles relations contractuelles et les coopérationsentre l’exécutif régional et ces corps intermé-daires organisés ? Quelles sont les marges d’au-tonomie des uns par rapport aux autres ?

Pour Michel Neugnot, une première difficultéréside dans la méconnaissance de l’institu-tion régionale par les habitants (l’identifica-tion de la région comme niveau politique pro-gresse très lentement dans les études natio-nales). Il ressent, en tant qu’élu, la nécessitéde parler avec les acteurs régionaux, derépondre au déficit colossal de connaissancedes compétences et des interventions de larégion, avec une difficulté complémentairepour l’échelon régional : ses politiques sontsouvent portées par d’autres. La région n’est

pas maître d’ou-vrage, elle définitdes orientations.Cela nécessite uneaction de commu-nication importantesur les dispositifs(à quoi ça sert età qui ça sert) et,dans le mêmetemps, une tenta-tive de mise en

cohérence de la communication de la régionet des départements, de plus en plus sou-vent cofinanceurs. Michel Neugnot remarqueégalement avec son collègue associatif quel’empilement des dispositifs provient aussidu changement des exécutifs à tous lesniveaux, au fur et à mesure des alternances.« En bout de course, qui a autorité sur quoi ? »,s’interroge-t-il.S’ensuit un débat sur la contractualisation,ses avantages et ses inconvénients. MichelMorineau insiste sur le fait que la contrac-tualisation de toutes les politiques est deplus en plus ressentie par les mouvementsassociatifs comme une instrumentalisationde leurs capacités, voire une récupération.La pratique du contrat amène une courseeffrénée, parfois perverse, à la constructionde projet, en fonction des lignes budgétaires(et à fin d’y trouver les moyens de fonction-nement des structures). La recherche deces contrats est devenue trop souvent lecentre de l’activité des fédérations. Cecicontribue à l’assèchement de la fonctiondynamique des associations : la critiquesociétale, la création, la production d’idée.Dans le même temps, Michel Morineau neméconnaît pas la nécessité pour le mondeassociatif d’acquérir une culture de la par-ticipation et, de ce point de vue, le fédéra-lisme lui apparaît l’instrument par lequel unmouvement comme la Ligue de l’ensei-gnement peut aujourd’hui s’impliquer.Sera donc évoquée à plusieurs reprises dansl’atelier des tensions liées à la fonction dyna-mique des associations :

ANIMATION : JACQUES PICARD,CHARGÉ DE FORMATION À L’ADELS

INTERVENANTS : MICHEL NEUGNOT,VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL

DE BOURGOGNE, EN CHARGE DE LA

DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE, DES

FINANCES ET DE LA COMMUNICATION

MICHEL MORINEAU, PRÉSIDENT DE LA

LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT DE

L’YONNE, MEMBRE DU CESR

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• que devient la société civile organisée, dansson autonomie de pensée et d’action, sacapacité de représentation et d’organisationcollective des aspirations de la société, lors-qu’elle s’implique dans des processus et desdispositifs de démocratie participative ?

• Comment lui rendre son autonomie si cen’est en lui donnant les moyens de son fonc-tionnement, indépendamment de l’action ; desmoyens d’exister pour ce qu’elle est. Lecadre de contrats pluriannuels est-il adapté ?

• Quel rôle pour le fédéralisme : comment nepas constater que le poids déclinant desfédérations s’accompagne de la montéed’associations contestataires fédérant desintérêts particuliers ?

• Comment ne pas constater,parallèlement,qu’une partie du monde associatif connaîtun déficit générationnel dans ses militantsen responsabilités, qu’une formation col-lective à cette prise de responsabilité n’estplus dispensée ?

• Reste enfin posée la question desfinancements d’outils d’évaluation.

Michel Neugnot fait également part de ladifficulté de l’évaluation de l’action publique,alors même que la décentralisation ne semblepas produire de clarification. La sédimen-tation des dispositifs continue, rien n’étantremis en cause.Le débat existe bien sûrconcernant l’intérêt général : qui en est dépo-sitaire ? Les élus en sont les principauxdépositaires, mais pas seulement. Les corpsintermédiaires en sont aussi les tenants.Les uns et les autres, dans tous les cas,conviennent que ce qui est en jeu, c’est lefait d’admettre le travail de la société surelle-même comme source du politique et dela politique. Or, il y a naturellement unevolonté des institutions d’occuper tout lechamp du débat sur l’intérêt général.MichelMorineau revendique fortement la restau-ration du fédéralisme et les moyens qui ysont liés comme mission d’intérêt général.On ne peut à la fois regretter la disparition,le rétrécissement des corps intermédiaires

et ne pas leur donner les moyens d’exis-tence. C’est dans le type de relation quis’établit que doit résider le changement.Michel Neugnot met néanmoins en gardecontre une dérive possible des formes par-ticipatives de construction de l’action publique :qu’elles soient considérées comme simplecourroie de transmission par les élus ou lesassociations dans un jeu trop bien huilé.Des règles du jeu claires (appel à projets,par exemple) doivent être édictées. Le sensde l’action publique doit donc aujourd’huiêtre interrogé de deux manières : dans l’ap-port des corps intermédiaires ; et dans laréforme nécessaire des institutions. L’ate-lier sera clos par une réflexion prospectivedu vice-président de la région : régionalisteconvaincu, partisan des partenariats directsavec l’Europe, il souhaite clairement l’élec-tion des conseils régionaux sur des collègesdépartementaux. Une profession de foi pourla simplification du millefeuille institutionnel.

RÉACTIONS

� Ne pas soutenir aveuglément lesassociations « Soutenir les associations,bien sûr, mais pas aveuglement, ce quiserait les desservir : il faut ouvrir les yeuxde certaines d’entre elles, enfermées dansleurs intérêts de structure, qui vont devoirse remettre en cause si elle ne veulent pass’exclure d’elles-même des nouvellesformes de démocratie participative. »

� L’évalutation implique la mise enplace de nouveaux dispositifs « ll faut seméfier des soi-disant vertus de l’évaluation,d’autant qu’elle implique la mise en placede nouveaux dispositifs. » ■

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PUISQU’IL FAUT CONCLURE...

Concilier le cap et le chemin

L’IDÉE DE PROXIMITÉ N’A DE SENS QUE SI ELLE SERT À ÉCLAIRER LE FUTUR ETLE GLOBAL. LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE EST AINSI À LA FOIS UNEMÉTHODE D’APPRENTISSAGE RAPPROCHANT LE LONG TERME DU QUOTIDIENDES CITOYENS ET LE LIEU DE DÉLIBÉRATION OÙ LA POLITIQUE REPREND TOUTSON SENS. L’AGENDA 21 ILLUSTRE CONCRÈTEMENT CETTE MÉTHODE ETCETTE ATTITUDE.

Au terme des travaux des Rencontres d’Auxerre, la table ronde finale proposait auxparticipants de partager quelques réflexions sur la notion de démocratie de proximité.Ne risque-t-elle pas de constituer un enfermement sur le quotidien ? Résiste-t-elle à unregard tourné vers l’avenir, sur des questions globales plus complexes portant sur desterritoires plus vastes, au-delà du quartier et de la ville ? Pour étayer cette visionprospective, deux témoins : Guy Férez, maire d’Auxerre et vice-président du conseilrégional de Bourgogne, et Bertrand Pancher, président de la communauté decommunes de Bar-le-Duc et ancien président du conseil général de la Meuse,actuellement conseil ler technique auprès du ministre de l ’Écologie et duDéveloppement durable, chargé des questions de débat public.

La proximité : une base, pas un repli

Le terme de démocratie de proximité comporte un risque : celui du repli sur soi et del’enfermement, de l’intérêt porté à des épiphénomènes locaux. Guy Férez voit toutefoisdans l’actuel engouement pour le « terroir » une conséquence du fait que lorsque lescentres de décision s’éloignent du terrain, la population exprime le besoin de seraccrocher à des réalités tangibles, celles de l’environnement immédiat. Pour le maired’Auxerre, l’issue de cette ambiguïté se trouve dans la démocratie participative, qu’ilconsidère comme une méthode de démarche citoyenne. Tout le monde connaît l’adage« penser global, agir local », mais « peut-on penser global, subitement, sans au

préalable vérifier qu’on est bien assis sur ses bases et sur sesrepères ? ». L’intérêt de la démocratie de proximité se lit dansles relations quotidiennes entre les institutions, les élus et lapopulation. La crise des représentations sociales, culturelles,politiques, associatives fait apparaître la nécessité de cepremier niveau d’action qu’est le local. Faute de quoi on restedans le flou pour aborder la complexité. L’élite dispose, peut-être, des moyens de penser global, mais le citoyen a besoin del’action et de l’engagement dans le local pour envisager d’agirsur des champs plus larges et plus complexes. Les jeunes, parexemple, témoignent d’une volonté très ferme d’engagement,

ANIMATION : GILLES VRAIN,SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ADELS

INTERVENANTS : GUY FÉREZ, MAIRE

D’AUXERRE, VICE-PRÉSIDENT DU

CONSEIL RÉGIONAL DE BOURGOGNE

BERTRAND PANCHER, PRÉSIDENT DE

LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE

BAR-LE-DUC

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autour de notions telles que la paix et la solidarité. La crise des représentations nouscondamne à réinventer, à capter ces formes d’engagement pour vivifier nos institutions,la démocratie participative et la vie associative.

« Il y a trente ans, tout était plus simple » appuie Bertrand Pancher. « Les élus, forts deleur mandat, prenaient des décisions qui n’étaient remises en cause par personne, ens’appuyant sur des rapports d’experts que nul ne contestait. C’était le règne de ladémocratie selon Benjamin Constant, où les élus sont désignés par le peuple pourgarantir les libertés individuelles. Aux citoyens d’en jouir. » Aujourd’hui, la perception dulong terme et l’émergence de la notion de développement durable montrent que lasomme des intérêts particuliers n’entraîne pas automatiquement la défense d’un intérêtcollectif. Sans prise de conscience de la complexité des décisions, sans adhésion descitoyens à ces décisions, c’est l’impasse. Les récentes montées de l’extrémisme fontmiliter pour un renforcement des relations entre élus, chercheurs et populations.

La concertation est affaire d’attitude et de méthode

Dans ce contexte, deux conceptions du rôle de l’élu s’opposent. Celle qui veut que l’éluexprime un choix collectif, donne le cap et le tienne fermement. L’autre qui fait de l’élud’abord le garant du débat démocratique.

Deux attitudes politiques sont également à l’œuvre dans les problématiques d’installationd’équipements lourds. Bertrand Pancher donne un exemple d’épandage de boues issuesdes stations d’épuration. Si la population admet la nécessité de traiter ces boues, elle semontre aussitôt hostile à la proximité des lieux de stockage et d’épandage. L’attitudepréconisée par la Commission nationale du débat public (CNDP), avec laquelle il travaille,vise à connaître les conditions d’acceptabilité d’un projet. Les élus affichent leur idéed’équipement et affirment qu’ils ne s’engageront dans l’installation de celui-ci qu’à lacondition qu’ils soient en mesure de répondre à toutes les questions posées par lapopulation. Le simple énoncé de cette démarche et, a fortiori, la mise en place de laconcertation, ont fait que le projet de station d’épuration et d’épandage, considérépréalablement comme explosif, se déroule aujourd’hui dans de bonnes conditions. BertrandPancher y voit la démonstration probante que « lorsqu’on met des méthodes en place,même des sujets aussi complexes que celui des métaux lourds résiduels dans les bouespeuvent être traités et devenir un objet de réconciliation entre les élus et la population ». Ils’annonce aussi déterminé sur un point qu’il juge essentiel : « La concertation part des éluset arrive aux élus. Le débat public n’est pas une méthode pour dessaisir les responsablesdes finances publiques. » Cette règle du jeu n’est pas toujours simple à expliquer à des élusd’une communauté de communes, pour qui la décision qu’ils allaient prendre était a priori lameilleure, ni à des fonctionnaires qui ont instruit les dossiers. Pourquoi remettre en questioncette légitimité et ces compétences ? Élus et fonctionnaires doivent donc être les premiersconvaincus. Bertrand Pancher a d’abord convoqué les experts devant l’assembléeintercommunale, puis devant les conseillers municipaux des quinze villages qui lacomposent, puis devant les groupes de pression (associations de pêcheurs, de protectionde l’environnement…). Ensuite seulement, les experts sont venus s’exprimer devant lapopulation (30 000 habitants), par petits groupes. L’ordre du jour est identique à chaqueréunion : on écoute l’expert, on pose et on liste toutes les questions et on note celles quirestent en suspens. Dans un deuxième temps, élus et experts se réuniront pour répondre etpublier la totalité des questions posées et des réponses apportées. Un débat ouvert auraensuite lieu à la communauté de communes. Une fois la décision prise, on en fera part à la

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population par une communication à laquelle on annexera les éléments de la concertation.C’est un processus de six mois qui, idéalement, aurait pu durer presque un an pourpermettre une meilleure communication sur l’état d’esprit et le processus.

À un auditeur qui s’inquiète : « Qu’allez-vous faire si le projet n’aboutit pas ? », BertrandPancher répond qu’il faudra poser d’autres questions, trouver d’autres variantesauxquelles on ne pense pas de prime abord. « La concertation a permis de souleverainsi une question de sécurité routière que nous n’avions pas vue. » La délibération sertà cela. « Mais arrivera un moment où il faudra prendre une décision, sinon on est dans ladémocratie directe en permanence et je n’y suis pas favorable. » Faut-il estimer que ladémarche coûte cher ? Bertrand Pancher est favorable à ce que le maître d’ouvragefinance le processus. Financer la concertation sur un sujet dans lequel on est partieprenante peut constituer un mélange des genres préjudiciable. Le conseiller du ministrerépond à cette objection que le maître d’ouvrage a tout intérêt à ce que le débat sedéroule dans de bonnes conditions. C’est un débat national à mener, comme celui dudébat public, qui se prolonge dans celui sur le fonctionnement des médias de servicepublic, dans le cadre d’une réflexion globale sur la politique de communication publique.Guy Férez préfère voir dans ces coûts, non une dépense, mais un investissementindispensable. Le débat, la formation du jugement individuel et collectif, la préparation dela décision publique sont une dimension consubstantielle de la démocratie.Sur ces points, comme sur d’autres qui donnent corps à une méthode, la Commissionnationale du débat public éditera prochainement un guide où seront présentés des outilstels que le tiers médiateur chargé de l’animation de la concertation autrement que dansun rapport frontal élus / population, ou la méthode des scénarios, dont l’avantageprincipal est d’éviter le débat en cascade, ou encore l’instauration d’une possible contre-expertise si une connaissance approfondie des éléments du dossier le nécessite.

L’exemple de l’Agenda 21

C’est souvent le cas dans le deuxième outil présenté : l’Agenda 21. Auxerre se lancedans une démarche de ce type et c’est l’occasion pour son maire d’illustrerconcrètement ce que, à ses yeux, la démocratie participative peut apporter.

Mené à l’échelle du XXIe siècle, l’Agenda 21 propose une vision du territoire où semêlent plusieurs logiques qui concernent l’environnement, l’économie, l’aménagement,le développement, le logement, l’habitat… Pour atteindre le cap que fixe l’hommepolitique, pour embrasser la vision d’ensemble d’un territoire, un chemin pas à pas estnécessaire, avec le plus de participants possible. Mobiliser sur le quotidien est simple,mais sur le plus long terme ? « C’est affaire d’éducation populaire », affirme Guy Férezet, compte tenu des évolutions de la société depuis que ce mouvement existe, ilconstate que nous ne sommes qu’à l’orée d’une nouvelle dynamique dans ce sens. Ildiscerne un rapport dialectique : impossible de fixer un horizon sans tenir compte duquotidien, de même qu’on ne peut sereinement considérer l’avenir quand, chaquematin, on bute sur un trottoir abîmé. Le citoyen ne comprendrait pas comment sonmaire cherche à élaborer des projets à long terme quand il n’arrive pas à gérerquotidiennement l’espace local.

L’Agenda 21 porte une autre exigence, d’ordre territorial. Les citoyens se perdent dansl’imbroglio des compétences mêlées et ne savent plus à quel espace de décision on

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leur propose de participer. Sollicitée pour travailler à un schéma de cohérenceterritoriale (Scot), à un plan de déplacements urbains (PDU) ou à un programme locald’urbanisme (Plu), la population est noyée dans une complexité déroutante. « Certes, lesnombreuses spécialités à l’œuvre, les expertises, les diagnostics et les préconisationss’empilent et se mélangent », concède le maire d’Auxerre, mais il préfère considérer que« la dynamique de participation lancée efface la suspicion générale à l’égard des uns etdes autres. En clarifiant les termes du débat, nous entrons dans un processusdécisionnel où la coopération permet de comprendre jusqu’au droit à l’erreur ».Conseiller de quartier à Auxerre, Georges Bidault estime que la concertation dans unAgenda 21 « relève de la haute couture » et que, dans ce travail de précision, il n’estqu’une petite main. Mais il aimerait que lorsque la décision est prise par l’élu, sacontribution soit reconnue et rende visible, remarque un autre contributeur, qu’en villemoyenne la communication est satisfaisante entre les responsables politiques et lapopulation. « La démocratie participative est prise en compte avec le plus grandsérieux », leur répond Guy Férez : « Chacun, à sa place, alimente la décision de l’élu, iln’y a pas de confusion entre les trois pôles élus, techniciens, population. Il ne s’agit pasd’un quelconque enjolivement, mais bien d’une dimension structurelle du fonctionnementdémocratique. Elle est particulièrement visible, c’est vrai, en ville moyenne, où laproximité des élus avec la population conduit à être exemplaire. »

Les sujets qui fâchent

Bertrand Pancher projette que ce volontarisme, qui mène nombre d’élus avec plus oumoins de bonheur vers des pratiques de démocratie participative, prenne bientôt lesformes d’un contrat passé entre élus, techniciens et populations, dans une sorte dedémarche qualité. Les exigences européennes devraient inciter à mettre en place unedémarche qualité au plan local. Le problème de l’instance délivrant un « label qualité »est résolu dans les pays du Nord où une haute autorité valide la qualité des décisionsprises et la manière dont elles l’ont été. Formalisme que Guy Férez estime qu’il estpréférable d’éviter : « L’histoire des utopies de Platon jusqu’au XIXe siècle nous lerappelle, la tentation du mode d’emploi mène trop souvent au totalitarisme, àl’assèchement plutôt qu’au processus vivant. » Il est toutefois des sujets plus irritants, quand on évoque la démocratie locale. Premierd’entre eux : l’environnement économique, le marché, dans lequel le triptyque évoquéplus haut est immergé. Peut-on parler d’Agenda 21 sans convoquer les entreprises etles sommer d’appliquer les règlements ? Peut-on associer les experts qui œuvrent dansles filières de production ? Il faut considérer que sur certaines grandes controverses qui prennent actuellement del’importance, les élus, les experts, la population ne sont plus guidés par aucune certitude.« On n’a plus de système qui permette de trier le bon grain de l’ivraie », remarqueBertrand Pancher. « J’ai fait établir un diagnostic par deux scientifiques sur la question dustockage des déchets nucléaires et des dangers pour les eaux souterraines : les réponsesétaient radicalement opposées, au point que nous avons pensé que l’un des deux devaitnécessairement être fou. » Néanmoins, associer les chercheurs au jeu d’acteurs locauxreste nécessaire. Les mondes économique et social doivent être associés et, là encore,un regard sur l’Europe permet de voir que si les lobbies économiques sont constitués, iln’en est pas de même au plan social : le politique doit se faire le promoteur d’unemeilleure organisation démocratique des débats.

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Autre sujet qui fâche : la question de la représentativité. La légitimité de la participationréside-t-elle dans la diversité sociologique des participants ? Dans la capacité desinstances à mettre en présence des arguments différents ? À prendre en compte lesusages ? Ne sommes-nous pas, dans cette question, obnubilés par la quantité ?« Je ne suis pas partisan du plus grand nombre à tout prix. Ça ne remplace pas laqualité. On doit pouvoir organiser la concertation sans faire appel à des moyensconsidérables comme ceux déployés par la ville de New-York pour le projet de mémorialGround Zero : cinq mille citoyens en tables rondes de quinze personnes », indiqueBertrand Pancher. Il est possible de s’appuyer sur des techniques d’échantillons plusréduits, représentatifs et transparents. Là encore, la méthode prime.

Parmi les moyens nécessaires pour organiser la participation, la question de lamédiation est reprise par Michel Morineau : « Entre le trottoir et le global, qui peut fairele lien, la médiation ? » Pas l’élu, qui serait juge et partie, pas le technicien, pour lesmêmes raisons ; le citoyen manque de formation... Jadis, l’éducation populaire avaitcette fonction, affirme le président de la Ligue de l’enseignement de l’Yonne : faut-ilrenouveler un contrat avec les associations qui s’en réclament ? Guy Férez confirmequ’un investissement en formation est nécessaire pour l’animation des groupes mais,plus largement, pour permettre au citoyen de retrouver sa place dans la société, sacapacité de jugement.

Dernière controverse : l’intercommunalité structure de plus en plus le paysage français, etles villes moyennes n’échappent pas aux dangers d’opacité dans l’emboîtement descompétences entre conseils municipaux et communautés de communes oucommunautés d’agglomération. L’Adels, partenaire de ces journées aux côtés de laFédération des maires de villes moyennes et de la ville d’Auxerre, préconise l’instaurationdu suffrage universel direct au niveau intercommunal. Guy Férez pense que la toute jeuneintercommunalité française se modulera petit à petit, sous la pression de ses concitoyens.Avant cela, Bertrand Pancher, qui s’annonce favorable à cet avènement, pense prioritairede mener des réformes au plan local concernant les enquêtes publiques notamment, etau plan national : « L’État doit réformer sa pratique et, tout comme le Parlement, doitapprendre à s’enrichir de la concertation avec la population. »

Un atout, pas une contrainte

En conclusion, Guy Férez souhaite réaffirmer que « la démocratie de participationdoit être vécue comme un bonheur, un atout, pas une contrainte. Certains éluspeuvent la vivre comme une obligation. C’est la pire des choses puisque cela cessed’être une dynamique. La décision publique sera plus forte demain si nous sommescapables de prendre en compte l’avis de nos concitoyens. Nous jouons gagnantpuisque rien n’est pire qu’une décision publique prise à l’encontre des besoinsformulés plus ou moins clairement par nos concitoyens. On ne fait pas le bonheur desgens contre eux, mais avec eux, et c’est là l ’atout de cette démocratie departicipation. Il y a une différence d’attitude politique entre ceux qui souhaitent tenirun cap et ceux qui prônent de construire un jugement. Il faut marier les deux, le capet la vision, le jugement pour le réviser. » ■

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Fédération des maires des villes moyennes5, rue Jean Bart75006 Paris01 45 44 99 [email protected]

Mairie d’Auxerre Place de l’Hôtel de Ville 89000 Auxerre03 86 72 43 00www.auxerre.com

François Hannoyer, Jacques Picardet Gilles VrainAssociation pour la démocratie etl’éducation locale et sociale (Adels)108-110, rue Saint Maur 75011 Paris01 43 55 40 05www.adels.org

Astrid LelièvreMaire déléguée chargée de ladémocratie de proximitéMairie de Saumurrue Molière BP 300 49408 Saumur Cedex 02 41 83 30 00www.ville-saumur.fr

Gilbert Le Bris Député-maire Mairie de ConcarneauPlace de l’Hôtel de Ville29900 Concarneau 02 98 50 38 38www.ville-concarneau.fr

Laurence ThieryDirectrice de mairie de quartierMairie de Roubaix17, Grand Place59100 Roubaix03 20 66 46 00www.mairie-roubaix.fr

Antoine BévortProfesseur de sociologie CNAM Paris292, rue Saint-Martin 75141 Paris Cedex 1301 40 27 20 00www.cnam.fr

Michel Franques - Adjoint au maire Anthony PiaserResponsable vie des quartiers, AlbiMairie d’Albi 16, rue de l’Hôtel de Ville81000 Albi 05 63 49 10 10 www.mairie-albi.fr

Alain Baudin - MaireMairie de Niort1, place Martin Bastard 79000 Niort 05 49 78 79 80 www.mairie-niort.fr

Yannick Henri - Maire adjoint Élie Gaborit, président de lamaison de quartier des Pyramides Mairie la Roche-sur-Yon place Napoléon 85000 La Roche sur Yon 02 51 47 47 47www.ville-larochesuryon.fr

Colette Lassalas-RonxinAdjointe au maire d’AmiensMairie d’Amiens Place de l’Hôtel de Ville80000 Amiens 03 22 97 40 40 www.amiens.fr

Jean Marquet Culture et liberté12, rue Salvador Allende92000 Nanterre01 47 24 18 19www.colorvote.com

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Jean-Baptiste KiefferResponsable des politiqueséducativesLigue de l'enseignement du Val d'Oise2, rue Berthelot 95300 Pontoise01 30 31 89 47

Jérôme LavauxDirecteur de la communicationMairie de Bourg-en-BressePlace de l’Hôtel de Ville 01000 Bourg en Bresse 04 74 45 71 99www.bourg-en-bresse.org

Dominique MégardDéléguée générale de Cap’comCap’com 79, rue Hippolyte Kahn69100 Villeurbanne04 72 65 64 99 www.cap-com.org

Marie-Pierre de Liège, secrétairegénérale et Céline Braillon,chargée de missionConseil national des villes78/80, rue Lecourbe 75015 Paris01 44 38 34 [email protected]@club-internet.fr

Christophe Beurois, Scop Médiation et environnementLa Mercerie 72800Savigné-sous-le-Lude02 43 45 27 [email protected]

Michel NeugnotVice-président du conseil régionalde Bourgogne, en charge de ladémocratie participative, desfinances et de la communicationConseil régional de Bourgogne17, bd Trémouille - 21000 Dijon03 80 44 33 00www.cr-bourgogne.fr

Michel Morineau Président de la ligue del’enseignement de l’Yonne, membre du CESRFédération de l'Yonne62 bis, rue Guynemer 89015 Auxerre cedex03 86 51 86 00 [email protected]

Bertrand PancherPrésident de la communauté decommunes de Bar-le-DucHôtel de ville BP 55955012 Bar-le-Duc cedex 03 29 79 56 00

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