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DOSSIER P.8 Action économique : l’heure des réorganisations DANS L’ACTU P.2 • L’ASSEMBLÉE ADOPTE LE PROJET DE LOI ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ • CORSE : UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE UNIQUE AU 1 ER JANVIER 2018 • LA COUR DES COMPTES APPELLE À LA RATIONALISATION DES SYNDICATS INTERCOMMUNAUX FOCUS P.4 • PROTECTION DU PATRIMOINE : UN ENJEU DE TERRITOIRE ÉNERGIE P.16 • LES MODES DE DÉPLACEMENT EN TRANSITION DROIT P.18 • DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE : LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS © Perfect Lazybones / Shutterstock Juin-juillet 2016 • N° 210 Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org 5,50 E

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DOSSIER P.8

Action économique : l’heure des réorganisations

DANS L’ACTU P.2• L’ASSEMBLÉE ADOPTE LE PROJET DE LOI ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ

• CORSE : UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE UNIQUE AU 1ER JANVIER 2018 • LA COUR DES COMPTES APPELLE À LA RATIONALISATION

DES SYNDICATS INTERCOMMUNAUX

FOCUS P.4• PROTECTION DU PATRIMOINE : UN ENJEU DE TERRITOIRE

ÉNERGIE P.16• LES MODES DE DÉPLACEMENT EN TRANSITION

DROIT P.18• DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE : LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS

© Perfect Lazybones / Shutterstock

Juin-juillet 2016 • N° 210 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E

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Réforme des dotations : oui, mais la bonne !Votée l’an passé et gravée dans l’article 150 de la loi de finances, la réforme de la DGF du bloc communal était clairement inaboutie et devait être remaniée. Contrairement à ce que l’on entend parfois, le programme sans précédent de baisse des enveloppes de la DGF ne peut justifier un report des nécessaires réallocations. Au contraire, ce nouveau contexte appelle une remise à plat complète des ressources des collectivités, mais également de la grille de lecture utilisée pour analyser recettes et charges. Le semi‑échec des débats de l’an passé provient de la situation d’entre‑deux dans laquelle nous nous situons à ce jour. La réforme « par appartements séparés » n’a plus aucun sens, mais certains continuent de raisonner comme il y a dix ans, époque qui multipliait les garanties et compensations. Comment ne pas comprendre que ce monde est derrière nous ?

Depuis le début des débats, l’AdCF a proposé plusieurs principes directeurs à la réforme. Le premier est qu’aucune révision sérieuse ne pourra s’opérer sans reposer sur une analyse globale des réalités financières et fiscales par territoire, agrégeant les situations communales et communautaires. Malgré ses défauts persistants, mais parfaitement corrigibles, le FPIC a ouvert la voie de ce point de vue.

Le second principe doit être l’homogénéisation des indicateurs choisis pour évaluer les richesses et les charges. À ce jour, ces indicateurs varient d’un dispositif à un autre. Dotations de péréquation, fonds de solidarité, contribution au redressement des finances publiques… ne parlent pas le même langage. Une mise en convergence des effets des différents mécanismes est nécessaire et urgente.

Sans cette grille de lecture partagée, il s’avère impossible de s’entendre sur la photographie actuelle des inégalités et, a fortiori, sur les objectifs politiques à assigner à la réforme. Il est bien de vouloir réduire les inégalités de situations, mais comment le faire sans un baromètre fiable ? Une fois celui‑ci mis sur pied, il deviendra alors possible pour le Parlement et les associations de collectivités de s’entendre sur les objectifs et échéances à se fixer. Pour réussir, la réforme a besoin d’être incontestable dans son diagnostic et consensuelle dans ses finalités. Les outils de mise en œuvre viendront après. Remettons la charrue derrière les bœufs.

« Le nouveau contexte financier appelle une remise à plat complète des ressources »

Le 6 juillet, les députés ont adopté en première lecture le projet de loi Égalité et citoyenneté. Ce texte s’inscrit dans la continuité de l’action du gouvernement suite aux attentats de 2015 et des trois comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté tenus depuis. Il entend être la traduction législative des engagements du gouvernement en faveur du « vivre ensemble » et de la lutte contre « l’apartheid social, territorial et ethnique ».

C ouvrant un grand nombre de sujets, le projet de loi Égalité et citoyenneté est organisé autour de trois volets : citoyenneté et émancipation des jeunes,

mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat, et égalité réelle, ce dernier volet visant notamment à renforcer le poids des conseils citoyens.Le texte de loi initial a été fortement enrichi par de nombreux amendements tant lors de son examen par la commission spéciale que lors de la séance publique : il contient près de 150 articles après son passage à l’Assemblée nationale.Les principales implications pour les collectivités locales concernent le volet logement. Le projet de loi a ainsi pour ambition de compléter et de préciser les outils et dispositifs mis en place par les lois Alur et Lamy en matière de mixité sociale et d’attribution des logements sociaux : plan partenarial de gestion de la demande, conférence intercommunale d’équilibre territorial, accord collectif, système national d’enre-gistrement (SNE), fichiers partagés… Il réaffirme le pilotage communautaire des politiques de peuplement, dont les intercommunalités, déjà responsables via la délégation des aides à la pierre, sont appelées à devenir des actrices centrales.

Les attributions chiffréesPour organiser concrètement la mixité sociale sur les territoires, le projet de loi fixe des objectifs chiffrés en matière d’attribution. À l’avenir, 25 % des attributions annuelles opérées sur les territoires des collectivités compétentes en matière d’habitat, en dehors des quar-tiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), seront dédiées aux demandeurs les plus pauvres et aux ménages relogés dans le cadre du renouvellement urbain. Sensible aux observations relayées par les associations représentatives des intercommunalités délégataires, la

ministre Emmanuelle Cosse a cependant donné un avis favorable à un amendement qui permettra aux com-munautés et métropoles « d’adapter le taux de 25 % d’attribution hors QPV en fonction de la situation locale

et selon les orientations fixées par la Conférence inter-communale du logement (CIL) ». Certaines souplesses ont par ailleurs été introduites.

Des outilsDans un souci de simplification, les députés ont retenu une proposition du gouvernement visant à regrouper en un seul document contractuel, baptisé « convention intercommunale d’attribution », l’accord collectif inter-communal et la convention d’équilibre territorial. Une disposition très attendue par les collectivités et les acteurs locaux du logement. Cette convention a vocation à devenir la seule convention d’application des orientations en termes d’attribution et de mixité sociale.

À noter également que le projet de loi, dans sa version adoptée par les députés, rend obligatoire la CIL (après plusieurs hésitations lors de la publication des lois Alur et Lamy qui semblaient contradictoires sur ce sujet) pour toutes les communautés et métropoles concernées par la compétence en matière d’habitat. Cette conférence est appelée à devenir l’axe structurant des politiques d’attri-bution à l’échelle intercommunale, désignée de ce fait comme le niveau de référence pour ajuster les équilibres sociaux et territoriaux.

PLHComme dans toute étape législative sur le logement, le programme local de l’habitat (PLH) hérite de nouvelles obligations venant compléter une liste déjà bien longue.

Elles concernent l’obligation de mobiliser dans le parc privé des dispositifs d’intermédiation locative afin de satisfaire aux obligations de mixité sociale, ainsi que le renforcement d’un volet foncier des PLH.Le projet de loi Égalité et citoyenneté devrait être examiné par les sénateurs dès le mois de septembre.

L’adoption définitive de la loi est prévue au début de l’automne, le texte faisant l’objet d’une procédure dite accélérée (une seule lecture par chambre).

Claire Delpech

Le projet de loi réaffirme le pilotage communautaire des politiques de peuplement

Le programme local de l’habitat hérite de nouvelles obligations

L’Assemblée adopte le projet de loi Égalité et citoyenneté

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Charles‑Éric Lemaignen Président de l’AdCF

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En bref69 % C’est l’augmentation de la fréquen‑

tation des autocars de transport au premier semestre 2016. Selon l’Autorité de régulation des activi‑

tés ferroviaires et routières (Arafer), les compagnies de transport par autocar, à l’activité permise par la loi Macron, auront ainsi reçu plus d’un million de passagers. Le nombre d’emplois créés par ces compagnies est estimé à 250 au premier trimestre 2016, et à plus de 1 200 en huit mois. Fin mars 2016, 150 villes étaient desservies.

Accompagner le déploiement de la fibre optique par la formationDeux millions de logements et d’entre‑prises rendus éligibles à la fibre optique

d’ici à fin 2017 et 750 000 au très haut débit : tels sont les objectifs annoncés dans le cadre du plan France Très Haut Débit. Af in d’anticiper les besoins de formation aux métiers liés au déploiement de la fibre optique, une convention a été signée entre le gouvernement, l’Asso‑ciation des régions de France (ARF) et la Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique ; 40 000 per‑sonnes seront formées af in de répondre aux besoins croissants des industriels sur le territoire.

Environnement : trois décrets pour encadrer l’action des collectivitésLe 29 juin a été publié le décret f ixant les

procédures d’élaboration et de concertation pour la création de zones à circulation restreinte afin d’améliorer la qualité de l’air. La loi de transition énergétique a en effet ouvert la possibilité aux collectivités de créer des zones à circu‑lation restreinte (ZCR) pour les véhicules polluants. Autres décrets publiés à la même date : l’un relatif aux plans cli‑mat‑air‑énergie territoriaux nouvelle génération (les PCAET, désormais portés exclusivement par les communautés, dont le contenu est complété) et l’autre portant sur la liste des agglomérations soumises à un plan de déplacements urbains et/ou à un plan de protection de l’atmosphère.

Création de 135 groupements hospitaliers de territoireMis en place par la loi de modernisation de notre système de santé, les groupements

hospitaliers de territoire (GHT) sont désormais officielle‑ment créés. Leur objectif : favoriser le travail en réseau de plus de 850 hôpitaux. Les 135 regroupements ont fait l’objet d’une concertation de plusieurs mois entre les acteurs de ces hôpitaux en lien avec les élus locaux et la Fédération hospitalière de France, sous l’égide des agences régionales de santé. Des réflexions s’ouvrent aujourd’hui afin d’élabo‑rer des projets partagés pour chaque GHT. Ceux‑ci pourront déboucher sur la mise en place d’équipes médicales de territoire, de consultations médicales avancées, d’actions favorisant le développement de la médecine…

Il l’a dit...

« Le pacte État-métropoles a vocation à conforter les métropoles dans leur rôle de creuset de croissance et d’amélioration de la qualité de vie. Il doit faire des métropoles des laboratoires où se forgent et s’expérimentent les nouvelles formes du fait urbain. »

Jean-Michel Baylet,ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité

et des Collectivités locales, à Lyon, le 6 juillet lors de la signature du pacte État-métropoles

Corse : une collectivité territoriale unique au 1er janvier 2018

L e 4 juillet, le Premier ministre Manuel Valls s’est rendu en Corse pour y rencontrer Gilles Simeoni, président du conseil régional issu du parti nationa-

liste corse. Ce déplacement a été l’occasion de revenir sur les propositions issues de plusieurs groupes de travail engagés depuis février 2016. La volonté de mettre en place une collectivité unique au 1er janvier 2018 réunissant la collectivité territoriale de Corse et les deux conseils départementaux de l’île a été réaffirmée par Manuel Valls. « Le calendrier sera tenu, s’est ainsi engagé le Premier ministre. (…) Tout a été mis en œuvre pour qu’un accord soit trouvé, et que le processus de ratification des ordonnances par le Parlement puisse s’enclencher. » Une chambre des territoires, à la composition et aux compé-tences plus étoffées que ce que prévoyait la loi NOTRe, sera créée et siégera à Bastia.

Lutte contre la pression foncièreCe déplacement a également vu l’annonce d’une qua-trième tranche d’un montant de 471 millions d’euros

pour le programme exceptionnel d’investissements (PEI) pour la Corse.La lutte contre la pression immobilière et foncière fait l’objet d’attentions particulières sur le territoire. Un travail parlementaire avec les élus insulaires devrait permettre d’aboutir à l’élaboration d’une proposition de loi afin de faire évoluer les règles encadrant la gestion foncière de l’île.Le gouvernement s’est montré réservé sur les dif-férents sujets relatifs à l’identité corse. Ainsi, si un effort sera réalisé en faveur de l’enseignement de la langue corse, cette dernière ne deviendra pas une langue officielle aux côtés du français. De la même façon, la mesure votée par l’assemblée de Corse pré-voyant une résidence de cinq ans sur l’île avant de pouvoir y acquérir un bien immobilier « ne saurait être acceptée », a indiqué le Premier ministre. Enfin, la demande d’amnistie des prisonniers corses a fait l’objet d’un refus net du gouvernement.

Apolline Prêtre

La Cour des comptes appelle à la rationalisation des syndicats intercommunaux

D ans un rapport d ’évaluation réalisé à la demande de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes recommande d’approfondir le

mouvement de rationalisation de la carte des syndicats intercommunaux. Les magistrats de la rue Cambon dénombrent, au 1er janvier 2016, 7 992 syndicats à vocation unique (Sivu), 1 149 syndicats à vocation multiple (Sivom) et 2 046 syndicats mixtes fermés qui interviennent dans un peu plus de 80 compétences. L’élargissement des périmètres des communautés en 2017 et les nouvelles compétences obligatoires qui leur reviendront d’ici à 2020 sont mis en avant comme des opportunités à saisir pour accélérer le processus de diminution du nombre de syndicats. Pour la Cour des comptes, l’objectif à atteindre n’est pas tant l’enjeu budgétaire – nombre de syndicats représentant un faible niveau de dépenses – que la simplification du paysage institutionnel.

Huit leviers Le principal obstacle à la simplification relevé par la Cour réside dans l’ancrage historique des

structures. La densité de syndicats intercommu-naux varie de un à dix d’un département à un autre. Elle dépend de certains choix de gestion, mais n’apparaît pas corrélée au caractère urbain ou rural du territoire.Pour engager une nouvelle étape de rationalisa-tion, la Cour a identifié huit leviers : quatre d’entre eux relèvent du seul gouvernement et du pouvoir réglementaire, et quatre autres nécessitent des évolutions législatives. Le rapport recommande par exemple au gouvernement de cartographier préci-sément les syndicats et d’activer des mesures pour inciter voire contraindre à la réduction. La seule préconisation de nature coercitive que formule le rapport tient à la proposition de supprimer les Sivu exerçant la compétence « construction et entretien des collèges et des lycées ». Sont également préco-nisés le recours à des outils de coopération plus souples (services unifiés et communs, ententes) et la suppression de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pour les syndicats.

Pablo Hurlin Sanchez

La rencontre entre Manuel Valls et Gilles Simeoni a été l’occasion de revenir sur les propositions des trois groupes de travail engagés depuis février dernier. / © PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

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DANS L’ACTU 3

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Protection du patrimoine : un enjeu de territoireLe projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, en cours d’examen au Parlement, redessine le cadre de la protection du patrimoine en repensant les outils (documents et règles de protection) et leurs échelles (municipale et intercommunale). Ce focus aborde le sujet sous toutes ses facettes : culturel et bâti, mais également naturel et paysager. Il retrace les évolutions législatives envisagées et illustre, par des témoignages et paroles d’élus, l’enjeu que constitue cette question pour les territoires.

Patrimoines et projet de territoireComment définir le patrimoine d’un territoire dans toute sa diversité ? Et surtout, comment l’intégrer à un projet de développement de façon efficace, avisée et fédératrice ? Éléments de réponse par Corinne Langlois.

P atrimoine… aujourd’hui, ce mot est partout ! Pourtant, il prend un sens différent selon que l’on est habitant,

touriste, élu ou service en charge de sa préservation. Ces sens multiples peuvent conduire à de nombreuses ambiguïtés, sources de difficultés de gestion. À l’échelle territoriale, il serait d’ailleurs plus juste de parler de « patrimoines » au pluriel : celui support d’une relation intime à l’espace ou à la mémoire familiale, celui qui témoigne de modes de vie particuliers ou de pra-tiques, celui qui relève d’une identification nationale labellisée par la loi et, dernier né, celui reconnu à l ’échelle mondiale par l’Unesco.

Chacun de ces patrimoines se révèle par des traces matérielles sur le territoire qui forme le cadre de vie de chacun. Certaines sont naturelles, d’autres culturelles, monumen-tales ou quotidiennes, bâties ou simplement traces d’aménagement humain, parcellaire, voirie ou haies. Ce sont aussi les savoir-faire ou certaines formes relationnelles qui composent cet héritage : vendanges, chants basques ou bretons, ou encore fabrication du roquefort ! Cet ensemble de traces forme le patri-moine territorial. Il caractérise des espaces souvent si vastes qu’ils deviennent plus

symboliques que physiques. Qu’est-ce en effet que le Val de Loire ? À Orléans ou à Angers, hormis le fleuve, qu’a-t-on hérité en commun ?

Articuler les intérêtsMais comment construire un projet avec l’ensemble de ces traces ? Comment leur donner un sens pour que cet héritage soit vecteur de vivre ensemble et de qualité de vie à l’échelle locale, mais aussi d’attracti-vité dans un monde mobile qui se pense à grande échelle ?Chacune des composantes du patrimoine territorial porte des valeurs implicites qui peuvent être différentes selon que l’on est

usager quotidien ou occasionnel en rési-dence secondaire, touriste, acteur éco-nomique ou service de l’État garant de la norme culturelle ou naturelle légale. Or,

pour réaliser un projet, il est nécessaire de les faire émerger et de les articuler pour agir en limitant les conflits. En effet, tous ces acteurs, même s’ils s’entendent pour préserver et transmettre certaines traces du passé, ne sont pas toujours d’accord sur ce qui fait leur intérêt et donc sur les moyens à mettre en œuvre pour y parve-nir. Ces divergences se révèlent quand des mutations s’opèrent sur certaines parties du territoire. Un vaste espace ouvert entre deux bois, en ligne de crête, est-il davantage un point de vue, un passage de gibier ou des lisières à la riche biodiversité ? Écologue,

citadin ou chasseur ne lui donneront pas la même valeur et n’envisageront pas son avenir de la même manière.

Transmettre un héritageLe partage des valeurs attribuées à l’héritage territorial est d’autant plus important que ce sont les acteurs du quotidien qui façonnent et font muter ce socle géographique et culturel. Sans adhésion de leur part, la préservation est impossible : leur nombre et la diversité de leurs actions rendent la seule contrainte inopérante, si tant est qu’une contrainte établie au titre de l’intérêt général sans appropriation par le public ait un sens, voire même une légitimité…Le projet local fondé sur ce socle est donc un moyen de transmettre un héritage tout en l’adaptant aux modes de vie actuels, en lui donnant un usage sans le réduire à une image véhiculée à travers le monde pour attirer les touristes.Pour identifier et connaître cet héritage complexe, il faut recueillir la connaissance qu’en ont tous ceux qui interviennent dans sa transformation et pas uniquement celle des historiens. Agréger ces informations pour les communiquer permet de révéler les différentes facettes de l’héritage local et de le porter à la connaissance de tous.

Faire vivre le patrimoineEn croisant les regards, on peut dès lors en déduire un état de contraintes mais aussi un état des possibles, partager ce qui semble important, ce qui fait sens pour tous, que

ce soit au niveau national ou local. Cela conduit à choisir et à formaliser ce que l’on veut transmettre tout en évaluant les risques de mutation ou de disparition. L’harmonisation entre attentes locales et nationales permet aussi de définir des axes de gestion qui donnent de la lisibilité au

projet, fondant ainsi un récit commun.Ce récit, vrai projet politique, conduit à affi-cher des spécificités locales qui fédèrent les usagers actuels, mais aussi qui caractérisent pour attirer activités et nouveaux usages, à l’instar des démarches de marketing.Il n’est pas question, en effet, de mettre sous cloche le territoire patrimonial, mais bien de faire en sorte que les mutations socio-économiques qui l’impactent intègrent ce qui fait sens localement pour les usagers et ce qui participe à l’échelle nationale ou internationale à son attractivité. La forma-lisation du projet patrimonial permet de tirer parti de ces mutations plutôt que de s’en défendre ou de les subir, à condition d’y associer les acteurs locaux et d’avoir un réel portage politique.Ce processus peut être long et ardu. Mais c’est une condition nécessaire à la réussite du projet, processus qui doit ensuite faire l’objet d’une animation et d’une évaluation continues.

Corinne LangloisDirectrice générale adjointe d’a’urba, l’agence d’urbanisme de Bordeaux Métropole Aquitaine

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Pour identifier cet héritage, il faut recueillir la connaissance de tous, et pas uniquement des historiens

Il n’est pas question de mettre sous cloche le territoire patrimonial

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FOCUS PATRIMOINE44

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« La revitalisation des centres anciens est une priorité sociale et économique »

L’ANVPAH & VSSP réunit plus de 200 villes et territoires porteurs d’un label Ville et Pays d’art et d’histoire, d’un secteur sauvegardé, d’une ZPPAUP1 ou d’une Avap2. Regard de son président sur la protection du patrimoine et sur le contenu du projet de loi Liberté de création, architecture et patrimoine (LCAP).

Dans quelle mesure peut-on considérer que la protection du patrimoine est un enjeu de territoire ?Le patrimoine contribue au rayonnement de chaque site, de chaque région, d’un pays, de la renommée internationale de la France que traduisent ses retombées sur l’économie touristique. Il est un élément fédérateur à partir de valeurs partagées autour d’une identité commune, et une chance pour la cité.Les centres anciens ou espaces protégés doivent être de véritables lieux de projet au bénéfice du cadre de vie. Des dizaines de milliers de logements vacants sont là, que leurs propriétaires ne parviennent pas à restaurer ou qu’ils ont abandonnés pour des raisons diverses. Les remettre sur le marché est d’intérêt public. C’est lutter contre l’étalement urbain, mais aussi par-ticiper à la réanimation du centre-ville.

Quelles sont aujourd’hui les principales difficultés auxquelles est confrontée la protection du patrimoine ?Alors même que le patrimoine constitue une ressource importance pour les terri-toires, il peut être parfois mis à l’écart dans les stratégies des collectivités. S’agissant du patrimoine monumental, public ou privé, commençons par regarder ce qui a été fait en France depuis quarante ans. C’est excep-tionnel. De nombreux pays nous envient. Il

reste à faire, c’est évident ; mais le problème majeur auquel les élus et nos concitoyens sont confrontés, c’est la vie de la cité au quo-tidien. Les élus en sont conscients mais il leur est plus facile d’accorder un permis de construire pour quelques dizaines de logements à la périphérie que de lancer une opération de reconquête du centre-ville. Et les raisons financières constituent un handicap supplémentaire. La réhabilitation immobilière d’un centre ancien se heurte souvent à l’organisation même de la cité et à la volonté de tout préserver. Je pense qu’il faudra s’interroger, au cas par cas sans doute, mais tout de même s’interroger. Peut-être faudra-t-il autoriser des démolitions pour rendre des quartiers à la vie.

Comment regardez-vous les relations État-collectivités et communes-communauté dans la conduite des politiques patrimoniales ?L’État doit réaffirmer son rôle de garant de la protection du patrimoine en apportant son assistance technique et financière, d’autant plus que les communes sont aujourd’hui fragilisées par le transfert de la compétence urbanisme à leur intercommunalité. Les élus comme nos concitoyens sont fiers du patrimoine de leur ville. Les règles qui découlent des plans de sauvegarde, quelle que soit leur nature, sont bien acceptées. Cela n’a pas toujours été le cas. L’une des

interrogations porte aujourd’hui sur la volonté, voire la capacité de l’État à les accompagner dans l’élaboration et le suivi des procédures. Nous avons contesté le projet de loi LCAP dans sa partie « Espaces protégés », parce que nous avons vu là une orientation vers une sortie de l’État de ces politiques et une remise en cause possible par les équipes municipales en faisant du PLU l’instrument de référence. Lorsqu’un plan de sauvegarde a été élaboré, on ne peut pas imaginer qu’arrivant quelques mois

après son adoption, une nouvelle équipe le détruise. Le transfert aux intercommu-nalités de la compétence urbanisme doit laisser une place centrale aux communes pour leur permettre de vivre leur politique patrimoniale tout en l’inscrivant dans une démarche plus large.

Propos recueillis par Philippe Schmit

1- Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. 2- Aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine.

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Martin MalvyPrésident de l’Association nationale des villes et Pays d’art et d’histoire et des villes à secteurs sauvegardés et protégés (ANVPAH & VSSP)

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« Peut-être faudra-t-il autoriser des démolitions pour rendre des quartiers à la vie. » / © Ian HANNING/REA

La politique française de protection du patrimoine culturelL’analyse des outils de protection du patrimoine culturel bâti témoigne depuis quarante ans de profondes mutations de la politique patrimoniale française. Mais l’évolution récente de l’organisation territoriale questionne de nouveau leur équilibre. Explications d’Arnaud de Lajartre, maître de conférences en droit public à l’université d’Angers.

L a création des secteurs sauvegardés en 1962, puis celle des zones de pro-tection du patrimoine architectural

et urbain (ZPPAU), en 1983, marquent plusieurs tournants dans la politique de protection du patrimoine. Tout d’abord, ces législa-tions amplifient le passage d’une pro-tection par objet à une protection par espace patrimonial. De la même manière que le droit français de la biodiversité a très vite intégré le principe selon lequel protéger une espèce naturelle sans proté-ger son espace de vie n’avait pas de sens, la protection des unités patrimoniales culturelles a été enrichie de celle de leurs écosystèmes urbains.À ce titre, le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) constitue un document d’urbanisme se substituant au PLU à partir de son adoption. Et si les ZPPAU restent une servitude d’utilité publique, elles sont

dotées d’un règlement graphique et juri-dique permettant de définir un véritable plan de gestion des patrimoines.« Des patrimoines », car ces outils attestent également d’une ouverture du concept :

en 1993, les ZPPAU intègrent la protec-tion des paysages en devenant ZPPAUP et, en 2010, elles s’élargissent encore à la prise en compte des enjeux écologiques par le passage aux aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine (Avap). Une évolution qui renforce le rôle des col-lectivités territoriales aux côtés d’un État historiquement pionnier en matière de protection du patrimoine bâti monumental. Néanmoins, en la matière, l’histoire inter-pelle de plusieurs manières cette politique de protection du patrimoine.

PLU et patrimoinePartant du principe que le patrimoine ne constitue pas une culture hors sol mais l’un des enjeux urbains énumérés dans le Code de l’urbanisme, la question se pose de savoir quel rôle la planification urbaine doit jouer dans la protection des patrimoines. Le PLU peut-il se substituer aux outils précédemment cités ou unique-ment les compléter ? La future loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine prévoyait d’ouvrir aux collec-tivités la possibilité de ne mettre en place dans les secteurs protégés qu’un seul PLU patrimonial en lieu et place d’un PSMV ou d’un règlement d’Avap. Le gouvernement a finalement reculé sur ce point face à la fronde des associations de protection des patrimoines et des élus eux-mêmes, mais il n’est pas dit que le PLU patrimonial mis à la porte du Parlement ne revienne par la fenêtre d’un autre gouvernement. En tout état de cause, si les collectivités voyaient leurs prérogatives renforcées en la matière, cela exigerait qu’elles se dotent

d’une véritable ingénierie formée comme le sont les services de l’État, dont les effectifs s’étiolent lentement.

PartenariatCes évolutions soulèvent la question du niveau pertinent de mise en place des outils, longtemps communaux. Or, la marche forcée vers l’intercommunalité interroge aussi la notion de patrimoine communal : celui-ci va-t-il se diluer dans la complexité des enjeux de développement territorial d’intercommunalités élargies ?Enfin, ce renforcement du rôle des collec-tivités questionne la démocratie de proxi-mité. PLU comme secteurs sauvegardés ou Avap laissent aujourd’hui la place à la concertation obligatoire prévue par le Code de l’urbanisme. C’est donc bien dans une logique de complémentarité et de partena-riat que doit se fabriquer la protection des patrimoines, entre société civile et experts scientifiques, entre collectivités et État, entre protection et projet politique.

Arnaud de Lajartre

La protection des unités patrimoniales culturelles a été enrichie de celle de leurs écosystèmes urbains

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« Mettre à la disposition des élus locaux des outils modernisés »

Rapporteure du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, Françoise Férat analyse les avancées offertes par le texte en matière de protection du patrimoine.

De quelles carences législatives la protection du patrimoine souffre-t-elle ?La France s’est rapidement préoccupée de la protection de son patrimoine. La loi sur les monuments historiques, qui demeure le socle de notre législation, date de 1913. Pour autant, notre arsenal législatif mérite d’être complété. Plusieurs affaires récentes, telles que le scandale du dépeçage des châteaux dits japonais ou encore la décision de l’État de vendre certains monuments historiques lui appartenant, ont montré qu’il convenait de développer les outils pour éviter la dispersion de notre patrimoine, de mieux protéger les sites ou d’encadrer les cessions.Au-delà, il est important d’adapter notre législation pour tenir compte de diverses évolutions : au niveau international, le clas-sement mis en place par l’Unesco ou, au niveau national, la place prise par les inter-communalités dans le processus de décision ou encore le développement des éoliennes, dont les règles d’implantation font aujourd’hui fi des considérations patrimoniales.

Quels nouveaux outils de protection du patrimoine le projet de loi met-il à la disposition des élus locaux ?La protection du patrimoine fait l’objet d’une politique encore largement centralisée, une caractéristique indispensable pour garantir un haut niveau de protection et une certaine homogénéité sur notre territoire.L’un des objectifs de la loi reste néanmoins de mettre à la disposition des élus des outils profondément modernisés, plus simples d’uti-lisation et adaptables aux situations locales. C’est le sens du périmètre intelligent qui

devrait être mis en place aux abords des monuments historiques. C’est également l’objectif de la protection au titre des sites patrimoniaux remarquables, qui réunit sous une même appellation plusieurs niveaux de

protection. La disparition des superpositions de servitudes d’utilité publique devrait aussi faciliter le travail des élus.Le Sénat a essayé de veiller à ce que la loi permette la plus grande participation des collectivités territoriales à la protection du patrimoine en prévoyant systématiquement soit leur accord soit leur avis, sans que celle-ci ne se traduise par un désengagement de l’État.

Quelles perspectives le projet de loi ouvre-t-il pour le patrimoine ?Le projet de loi comporte plusieurs disposi-tions très attendues. Je pense en particulier à l’introduction de dispositions législatives relatives à la protection des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Elles devraient nous aider à mieux faire face à nos engagements inter-nationaux, à la mise en place d’une protec-tion spécifique aux domaines nationaux, qui devrait se traduire par l’inconstructibilité de certaines parties, aux améliorations du régime d’autorisation préalable de travaux dans les espaces protégés, ou encore à la possibilité pour les associations de défense du patrimoine de se constituer partie civile. Il s’agit là de progrès majeurs.Propos recueillis par Montaine Blonsard

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Françoise FératSénatrice de la Marne view

Un subtil dosage entre responsabilité municipale et intercommunaleLa protection des sites patrimoniaux remarquables devait‑elle rester de la compétence exclusive de la commune lorsque celle‑ci est membre

d’une communauté compétente en matière d’urbanisme ? La préservation de ce patrimoine allait‑elle perdre de sa consistance et s’en trouver diluée si elle était abordée à l’échelle intercommunale ? Dans le cadre de l’examen du projet de loi Liberté de création, architecture et patrimoine, les parlementaires ont privilégié ce que la loi a retenu pour le PLUi : l’esprit d’une coconstruction et des garanties accordées aux communes. Ils ont donc instauré des mécanismes de concertation entre la communauté et la commune, et conservé à cette dernière un pouvoir d’initiatives dans la protection de son patrimoine.

ConcertationLa commune peut proposer le classement de son territoire en site patrimonial sauvegardé et passer outre le refus de sa communauté (décret en conseil d’État après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture). À l’inverse, elle doit donner son accord si cette initiative de classement était prise par sa communauté compétente en matière de PLUi. Elle peut aussi se voir déléguer par sa communauté l’élaboration du plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP). Elle peut prendre l’initiative de réaliser les études préalables à un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), et contraindre sa communauté à l’élaborer. Son avis est requis sur le projet de PSMV arrêté avant qu’il ne soit soumis à enquête publique… Partager la compétence entre la commune et sa communauté, une évolution utile pour « protéger autant l’écrin que les joyaux », avait indiqué devant les sénateurs Corinne Casanova, vice‑présidente de l’AdCF, face à la destruction paysagère de nombreux abords de sites remarquables.

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Publicité : l’effet insidieux de son interdiction sur l’intercommunalitéLa nouvelle loi contient une disposition importante en matière de publicité : celle‑ci sera interdite dans un rayon de 500 mètres autour des monuments historiques (contre 100 mètres jusqu’alors). Elle entrera en vigueur en 2020 dans les territoires non dotés d’un règlement local de publicité (RLP) ou, dans le cas contraire, lors de la révision de celui‑ci. Pour saisir les effets indirects de cette interdiction, quatre points doivent être rappelés : la compétence d’élaboration des RLP suit la compétence PLU ; un RLP intercommunal couvre le territoire de la communauté (il peut cependant édicter des règles spécifiques sur une partie du territoire seulement) ; un RLP permet de déroger à certaines interdictions ; le maire d’une commune couverte par un RLP ou un RLPi devient de facto titulaire du pouvoir de la police de l’affichage, jusqu’alors détenu par le représentant de l’État.

Évolutions Même mineurs, les besoins d’ajustement local de la règle nationale encourageront probablement les élus à élaborer des RLP. Ces derniers seront intercommunaux dans de nombreux cas et engendreront alors un transfert massif des pouvoirs de police à tous les maires de la communauté. Avec, pour corollaire, la nécessité d’organiser rapidement, dans le cadre communautaire, l’instruction et le contrôle de l’affichage sur le terrain, et de placer les maires devant des responsabilités administratives souvent complexes, sous peine d’être eux‑mêmes attaqués pour n’avoir pris dans les temps les arrêtés de mise en demeure en cas d’affichage illégal. Un glissement de responsabilité vers les collectivités dont l’État, déjà condamné pour des manquements en la matière, ne se plaindra sûrement pas.

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La disparition des superpositions de servitudes d’utilité publique devrait faciliter le travail des élus

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Sites patrimoniaux remarquables : ce qu’il faut retenir• Les nouveaux sites patrimoniaux remarquables (SPP) se substituent aux

secteurs sauvegardés, ZPPAUP et Avap. Sont classés comme SPP : villes, villages, quartiers et espaces ruraux, ainsi que les paysages formant avec ces villes, villages et quartiers un ensemble cohérent, présentant un intérêt public sur un plan historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager.

• Le classement des SPP intervient sur décision du ministre de la Culture après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), sur proposition ou accord de l’autorité compétente en matière de PLU et après avis des communes dont le territoire est concerné.

• Sur le périmètre des SPP, est établi un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ou, à défaut, de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP). Ces deux documents sont établis en concertation avec l’architecte des bâtiments de France (ABF) et en consultation avec une commission locale composée de représentants des communes concernées, de l’État, d’associations de protection du patrimoine et de personnes qualifiées.

• Pour l’élaboration et la révision du PVAP, l’État apporte son assistance technique et financière.

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FOCUS PATRIMOINE6

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« Les Toulousains expriment un intérêt fort pour la candidature de leur ville à l’Unesco »

La ville et la métropole de Toulouse s’engagent pour la défense du patrimoine local. À la clé, une labellisation Unesco. Explications de Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de la métropole.

Vous avez porté la candidature de Toulouse à la labellisation Unesco. Sur quoi repose la valeur du patrimoine toulousain et comment la population se l’approprie-t-elle ? La valeur éminente du patrimoine toulou-sain est une conviction forte que je porte depuis toujours et que je sais très largement partagée. Trois axes sont en cours d’ana-lyse dans le cadre de notre candidature à l’Unesco : la qualité du patrimoine bâti en secteur historique ; la valeur historique, paysagère et patrimoniale des bords de Garonne ; et, enfin, l’importance de l’épo-pée aéronautique et des lieux qui en portent la mémoire. L’un d’entre eux sera choisi comme fil conducteur de notre projet.Les Toulousains expriment un intérêt fort pour la candidature de Toulouse à l’Unesco. Les associer est une priorité et un axe central de notre démarche. L’un des temps forts a été le forum Toulouse Patrimoine d’avenir, qui a rassemblé en octobre 2015 les habitants, les associations et les profes-sionnels. Il se réunira à nouveau en 2017 afin de mesurer l’avancement du projet.

Pour accompagner la démarche, la mairie s’est également positionnée auprès du ministère de la Culture afin d’obtenir le

label Ville d’art et d’histoire, et envisage l’ouverture d’une maison de l’architecture et du patrimoine. Enfin, à l’annonce du thème, des réunions publiques seront pro-posées pour associer les habitants.

La métropole détient la compétence PLUi et élabore un projet métropolitain. Dans ce cadre, quelle place accorder au patrimoine dans le projet de territoire ? Le projet d’aménagement et de dévelop-pement durable (PADD) de notre plan local d’urbanisme intercommunal habitat (PLUi-H) est en cours d’élaboration et traite

notamment du patrimoine en le position-nant comme un élément constitutif de l’identité métropolitaine. Il indique que

tous les points d’intérêts patri-moniaux sont des témoins de l’histoire du territoire et que leur sauvegarde et leur mise en valeur constituent, pour les 37 communes, une réponse à la demande des habitants. Il affirme également une dyna-

mique territoriale en intégrant notamment à la réflexion les périmètres de protection et de mise en valeur, mais aussi, au-delà du patrimoine urbain reconnu, en prenant en compte celui « plus ordinaire » qui marque de son emblème certains quartiers, centres-bourgs péri-urbains ou plus ruraux.

Comment articuler les échelles communales et métropolitaines en matière de patrimoine ? Quel est le rôle respectif des maires et de la métropole ? Le patrimoine immobilier de notre terri-toire métropolitain est une préoccupation

croissante des citoyens, relayée par les élus des communes et exprimée par une demande soutenue de connaissance du patrimoine. Pour répondre à cette attente, en amont des projets d’aménagement, une convention entre la région et Toulouse Métropole a été prévue pour réaliser un inventaire du patrimoine bâti. Cet inventaire, labellisé par la région, portera sur les 37 communes de la métropole et pourra servir lors de la mise en place d’outils de gestion, de planification et de valorisation du patrimoine bâti. Active dans sa démarche patrimoniale, la métropole avait créé dès 2012 un service de l’archéologie préventive, qu’elle a intégré cette année au service Atelier du patrimoine et du renouvellement urbain, domaine dont elle vient de se doter. L’Atelier développe des méthodes de valorisation, de renouvellement et de protection du patri-moine avec la création d’outils de gestion du patrimoine communal tels que les actuels secteurs sauvegardés ou la gestion des sites patrimoniaux remarquables.

Propos recueillis par MB

Notre PADD prend en compte le patrimoine reconnu mais aussi le patrimoine ordinaire

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Jean-Luc MoudencPrésident de Toulouse Métropole view

Le Bassin minier au cœur du projet de territoireLa réussite de la protection du patrimoine de Loos-en-Gohelle et du Bassin minier du Nord-Pas-De-Calais (désormais Hauts-de-France) est le fruit d’un combat politique et d’une appropriation par ses habitants.

T out d’abord culturelle, la protection du patrimoine dans le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est peu à peu

devenue un axe de développement durable. Cette évolution s’est traduite par une label-lisation Unesco : depuis 2012, le Bassin minier est inscrit au patrimoine mondial comme « paysage culturel évolutif vivant ». C’est le couronnement d’actions engagées dès les années 1970. Alors que la mine se meurt, l’effondrement des exploitations de charbon génère un chômage de masse et une absence de perspective de reconversion économique, dans un paysage totalement modifié où les services publics restent peu présents. En 1977, le nouveau maire de la ville de Loos-en-Gohelle, Marcel Caron, décide de faire du patrimoine minier un axe de développement. Un changement de paradigme qui n’apparaît évident ni pour la population, qui continue de percevoir les terrils et les puits comme d’anciens outils de travail, ni pour l’État, les autres villes ou les entreprises minières contre lesquels il bataille, allant même jusqu’à organiser des spectacles dans des lieux interdits.

Naissance d’un territoire culturelL’adhésion de la population au projet et sa réappropriation du paysage passent donc essentiellement par le développement de projets culturels valorisant les savoirs et les savoir-faire : Gohéliades, concours de décoration de terrils, théâtre…

Parallèlement, Jean-François Caron, actuel maire de Loos-en-Gohelle, s’intéresse à la richesse naturelle que constituent les terrils. Il lance le centre permanent d’initia-tives pour l’environnement (CPIE) Chaîne des terrils, association depuis labellisée « centre permanent d’initiatives pour l’environnement », qui aboutit en 1992 à la Charte des terrils. Ce texte classe plus de 400 terrils pour mieux les mettre en valeur. En 1992 est créée la Conférence perma-nente du Bassin minier, organe de dialogue territorial doté notamment d’instances de concertation publique. De cette initiative

naît la mission Bassin minier, chargée ensuite de la gestion du label Unesco, dont les compétences permettent la mise en cohérence d’un territoire culturel dépassant les différentes échelles administratives. La mission réunit aujourd’hui la région, le département, les différentes aggloméra-tions du territoire et les villes concernées.

Patrimoine et développement durableLa révision du plan d’occupation des sols (POS) en 1995 impulse une nou-velle dynamique. Réalisée en cinq ans,

en concertation avec la population et des experts, elle participe à la création d’une Charte du cadre de vie, dont l’objectif est de faire du territoire un pionnier du déve-loppement durable en s’appuyant sur son patrimoine. Le classement Unesco, mais aussi l’ouverture du Louvre-Lens confortent cette dynamique patrimoniale.Aujourd’hui, la cohérence territoriale du Bassin minier reste un enjeu majeur, même si l’emboîtement des documents d’aména-gement (schéma régional d’aménagement Sraddet, Scot, PLU) permet une certaine unité. « Le travail à multiples échelles n’a pas toujours été évident », explique Jean-François Caron. Ainsi, le développement exemplaire de Loos-en-Gohelle a pu être perçu au sein de la communauté de Lens-Liévin comme une forme de concurrence territoriale. Cette vision a toutefois évolué, et les enjeux patrimoniaux portés par la ville se sont étendus à l’ensemble de l’agglo-mération par effet d’entraînement.Lorsqu’on l’interroge sur ses attentes vis-à-vis de l’État, le maire ne s’affirme pas en faveur de plus de législation ou d’encadrement, mais exprime la néces-sité d’un droit à l ’expérimentation et d’une aide à l’ingénierie et à l’outillage. À Loos-en-Gohelle, le développement est en effet passé par l’affranchissement des cadres en place et par une concertation étroite avec la population.

MB

Le bassin minier a reçu le label Unesco en 2012. / © Joseph Leroy - Ville de Loos-en-Gohelle

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7FOCUS

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Réorganisations des compétences économiques : année zéroL’élaboration des schémas régionaux et les nouvelles missions des communautés redessinent les contours du développement économique dans les territoires. Un cadre d’action renouvelé, à l’heure où les politiques locales pèsent plus que jamais dans la trajectoire économique d’un territoire.

D ans la grande enquête de début de mandat conduite par l ’AdCF auprès des présidents de commu-

nauté à l’automne 2014, le développement économique et l’urbanisme ressortaient clairement comme les deux domaines prioritaires dans lesquels un renforcement des compétences intercommunales était

attendu. De ce point de vue, 2016 consti-tue une année décisive. Il reste quelques mois tant pour convaincre les sceptiques de l’intérêt du PLUi que pour opérer les transferts prévus par la loi NOTRe en matière économique. La conduite de ces chantiers en pleine phase de préparation des fusions de communautés n’est pas des plus aisées. Dans le même temps, l ’élargissement des périmètres constitue une véritable opportunité pour repenser ces compé-tences stratégiques d’aménagement et de développement qui, depuis les lois de 1992

et 1999, forment le « cœur du réacteur » de l’intercommunalité à fiscalité propre.

Vers plus de lisibilitéAu-delà d’un simple processus de transfert juridique des procédures ou des zones d’acti-vité, les réorganisations en cours sont l’occa-sion de repenser en profondeur les enjeux liés

à ces compétences, les ingénieries nécessaires et les modes opéra-toires. De  même que le PLU intercommunal ouvre la voie à une autre manière de planifier les

sols, l’unification des compétences écono-miques locales au sein des intercommunali-tés va permettre de gagner en lisibilité et en consistance stratégique.Le développement économique local a pro-fondément changé de visage en l’espace de vingt ans. Les attentes des entreprises à l’égard des collectivités publiques, mais aussi les relations interentreprises se sont transformées. Viabiliser des terrains le long d’une rocade autoroutière et octroyer quelques aides à l’immobilier ne sauraient suffire à former une stratégie économique locale. Comme l’ont montré les premières

rencontres organisées par l’AdCF au prin-temps dernier sur les questions économiques et la préparation des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), un fort volontarisme s’exprime pour mieux cibler les interventions économiques, améliorer les relations territoires-entreprises, rendre lisible et plus efficace l’action de soutien des pouvoirs publics...

CoopérationsLa clarification des compétences organisée par la loi NOTRe, avec la primauté accor-dée au binôme région-communautés, est largement plébiscitée. Dans le même temps, des inquiétudes se font jour sur le devenir des agences de développe-ment, le remplacement ou non du concours des départements... La crainte d’un déve-loppement des territoires à deux vitesses est tangible. C’est à ces interrogations qu’il faudra répondre dans les prochains mois en montrant les solutions imaginées, région par région, pour préserver des mutuali-sations et des solidarités entre territoires.

Il faudra également rénover les cadres de travail collaboratifs entre les nou-velles régions et les communautés. L’accord-cadre signé le 26 mai par l’ARF et l ’AdCF vise à faire progresser ces rapprochements afin de traduire les stratégies et règles du jeu régionales en une mise en œuvre opérationnelle, très territorialisée, au cœur des bassins d’emploi. Le dossier d’Intercommunalités revient ainsi sur les incidences de la loi NOTRe en matière économique tout en évoquant les premiers débats qui s’engagent en région, au sein des conférences territoriales

d’action publique (CTAP) ou ailleurs. Si l’échéance du 1er janvier 2017 apparaît trop proche à nombre d’acteurs, c’est parce qu’elle est parfois perçue comme l’achèvement d’un processus alors qu’elle ne fera en réalité que l’engager.

Nicolas Portier

Le développement économique local a profondément changé de visage en l’espace de vingt ans

Les cadres de travail collaboratifs entre régions et communautés devront être renouvelés

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Action économique : l’heure des réorganisations

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DOSSIER DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE8

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Le dialogue régions-communautés s’engage avec les rencontres de l’AdCFL’Assemblée des communautés de France a engagé au printemps 2016 un cycle de rencontres en région consacré au développement économique. Le taux élevé de participation des communautés et métropoles ainsi que l’implication des exécutifs régionaux témoignent de l’importance accordée au sujet.

D epuis le mois d’avril 2016, l’AdCF a initié un cycle de rencontres régio-nales consacrées au développement

économique. Elle est appuyée dans cet effort par l’Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) et par ses référents régionaux qui organisent des réunions préparatoires avec les direc-tions générales des services des régions. L’objet de ces rencontres est de préciser les modalités de mise en œuvre de la loi NOTRe, mais aussi d’engager un dialogue structuré avec les nouveaux exécutifs régio-naux. Cinq journées ont d’ores et déjà été organisées en Bretagne avec Jean-Yves Le Drian, président du conseil régional ; en Centre-Val de Loire avec François Bonneau, président du conseil régional ; en Occitanie avec la vice-présidente de la région Nadia Pellefigue ; en Normandie avec le président de la région Hervé Morin ; et en Pays de la Loire avec le vice-président Paul Jeanneteau. Une rencontre régionale, de format plus technique, s’est également tenue en Île-de-France. D’autres rendez-vous sont en cours de programmation pour l’automne.Ces réunions ont été marquées par une audience très importante en nombre et en qualité des participants (beaucoup de présidents ou vice-présidents, 70 % à 80 % des communautés de la région représentées à chaque fois), témoignant de l’appétence des élus pour le sujet et de l’évidence de renforcer le partenariat État-région.

Les régions et les intercos partenaires« La région est une collectivité qui met en œuvre des politiques stratégiques, et qui donne l’impulsion des grands enjeux. Mais elle doit être une collectivité moderne, à l’écoute de son territoire : la région ne doit

pas décider toute seule, elle doit travail-ler avec les autres collectivités, déclarait le 27 juin Paul Jeanneteau. Nous avons besoin de vous (les communautés) pour écrire ce SRDEII. »La taille des nouvelles régions et le nombre de participants prévus dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) ont incité les régions à mettre en place d’autres modes de concer-tation du schéma régional de développe-ment économique. La région Pays de la Loire a ainsi organisé, du 27 juin au 5 juillet, des réunions dans chaque département. Y étaient conviées les intercommunalités et les agences départementales. La région Île-de-France prévoit l’organisation, de mai à septembre, de rencontres avec les intercommunalités et les conseils départementaux qui seront

suivies par des ateliers territoriaux. Dans certaines régions, ces réunions sont com-plétées par des rencontres thématiques, comme en Occitanie.

Contributions écritesEn Pays de la Loire, en Bretagne et en Île-de-France, d’autres modes de concertation ont été mis en place, permettant aux com-munautés de formuler des propositions écrites. En Île-de-France, par exemple, un courrier a été envoyé aux communautés, à la Métropole du Grand Paris et à ses éta-blissements publics territoriaux (EPT) afin qu’ils formulent des contributions écrites. Ces contributions aideront à la réalisation d’une première version du SRDEII, pendant la période estivale, qui sera présentée aux acteurs territoriaux à la rentrée.Si les orientations des régions en matière de développement économique ne sont pas encore arrêtées, des lignes de lecture se dessinent pour certaines d’entre elles.

La région Pays de la Loire entend ainsi structurer ses actions concer-nant le développement économique selon trois objectifs : l’innovation, la simplification et l’efficience. En Île-de-France, le SRDEII sera élaboré dans le cadre d’une straté-gie socle pour la croissance et l’em-

ploi qui permettra d’assurer sa cohérence avec le schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et le contrat de plan régional de dévelop-pement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP).

ContractualisationCohérence et pragmatisme rythment les choix des régions dans l’élaboration du SRDEII, eu égard à leurs spécificités écono-miques mais également aux évolutions plus générales des dynamiques économiques. « Le bassin économique doit devenir l’échelle de référence, d’observation, d’animation et d’intervention de l’État et de la région pour toutes les politiques d’emploi et de forma-tion », ont indiqué les services du conseil régional d’Île-de-France qui définissent actuellement 25 bassins, dits « économiques,

d’emploi et de formation » pour la région. Dans le même sens, Hervé Morin, a émis le souhait d’une déclinaison de la compétence régionale de formation au niveau des bassins d’emploi dans lesquels les communautés doivent être des acteurs majeurs pour détec-ter les besoins des entreprises.Toutes les régions rencontrées ont affirmé leur volonté d’une contractualisation région-intercommunalité, constatant que l’intercommunalité, échelle territoriale la plus proche du bassin d’emploi, est pertinente pour porter les actions de développement éco-nomique. Jean-Yves Le Drian a annoncé l’engagement de la région Bretagne dans une contractuali-sation avec les intercommunali-tés, précisant que ces conventions s’accompagneront de dispositifs de régulation, de péréquation et de différenciation. De tels arrange-ments sont également prévus en région Normandie où la contractualisation a déjà été ouverte dans plusieurs départements (Seine-Maritime et Eure).

Coopération entre territoiresC’est aussi le renforcement de la coopé-ration interterritoriale, notamment entre les communautés et les métropoles, qui est appelé par les régions et les communautés. « Nous sommes conscients et convaincus

que l’on ne gagnera, nous métropoles et régions, qu’avec les autres territoires », a souligné Dominique Faure, vice-présidente de Toulouse Métropole en charge du déve-loppement économique et de l’aménage-ment des zones d’activité économique.La rencontre organisée en Occitanie a ainsi été l’occasion de présenter plusieurs initia-tives locales tendant dans ce sens, telles le groupement de plusieurs intercommunalités « Cœur de Languedoc ». Cette coopéra-tion interterritoriale est l’une des solutions avancées pour répondre au redéploiement de l’ingénierie territoriale. En effet, « ce qui fait la faiblesse d’un territoire aujourd’hui n’est pas son absence de richesses mais son manque d’ingénierie », a précisé Antoine Chéreau, président de la communauté de communes Terres de Montaigu et vice-pré-sident de l’AdCF, lors de la rencontre en Pays de la Loire. Une problématique essentielle à l’heure où le département, jusque-là appui des développeurs économiques par le biais de ses agences, se retire progressivement.Des solutions sont dès lors à trouver. La plupart des régions ne se sont pas encore prononcées sur le devenir des outils d’appui au développement économique (Occitanie, Bretagne, Pays de la Loire), invitant les com-munautés à travailler avec elles en ce sens

ou à exprimer leurs besoins. Certains par-ticipants de la rencontre organisée en Pays de la Loire ont ainsi plaidé pour une région « harmonisatrice » des aides à l’immobilier d’entreprises. « L’enjeu est la capacité du territoire à rester agile et à apporter des réponses concrètes, efficaces et rapides aux entreprises », a résumé David Samzun, pré-sident de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’Estuaire (CARENE).

Annabelle Bossavit et Olivier Crépin

Toutes les régions rencontrées ont affirmé leur volonté d’une contractualisation avec les communautés

Ce qui fait la faiblesse d’un territoire aujourd’hui n’est pas son absence de richesses mais son manque d’ingénierie

Antoine Chéreau, CC Terres de Montaigu

Débat à Mauges Communauté sur les responsabilités des communautés et métropoles en matière de développement économique. / © AdCF

Les élus et DG des intercommunalités de la région Centre Val de Loire étaient conviés à une réunion de travail à l’hôtel de région le 18 avril dernier. / © AdCF

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9DOSSIER

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Développement économique : ce que chan ge la loi NOTReLa loi NOTRe du 7 août 2015 renforce le rôle des communautés en matière de développement économique : transfert obligatoire de la totalité des zones d’activité, de la promotion du tourisme, de la politique locale du commerce… Celles-ci s’affirment ainsi en interlocuteurs directs des régions, notamment dans le cadre de l’élaboration des schémas régionaux. Décryptage de cette nouvelle donne sous forme de questions-réponses.

1. Quelles sont les principales modifications apportées par la loi NOTRe à la répartition des compétences de développement économique ?La loi NOTRe du 7 août 2015 renforce le rôle de coordination des régions en matière de développement économique, en limitant la capacité des départements à intervenir et en imposant un transfert quasi inté-gral aux communautés des compétences économiques du bloc local. En substance, là où intervenaient quatre échelons insti-tutionnels différents, le législateur a sou-haité que le développement économique repose à l’avenir sur deux niveaux pivots : les régions et les intercommunalités.

2. Comment évoluent les missions de la région ?La loi accorde une compétence exclusive aux régions en matière d’aides financières directes aux entreprises. Les régions pour-ront déléguer leurs aides, ou voir celles-ci complétées par d’autres, mais elles seront intégralement responsables des règles du jeu. Elles voient également leurs respon-sabilités renforcées en matière d’interna-tionalisation des entreprises et de pilotage de l’innovation. Elles ont vocation à copi-loter avec l’État ou piloter seules les pôles de compétitivité. Elles peuvent entrer au capital des sociétés d’accélération du trans-fert de technologies (SATT). Elle seront surtout responsables de la réalisation d’un schéma régional de développement éco-nomique, d’innovation et d’internatio-nalisation (SRDEII) qui aura une valeur prescriptive.

3. Quels sont les renforcements de compétences des intercommunalités ?Dans les communautés de communes comme d’agglomération, le développement économique faisait l ’objet d’un partage entre communes et communauté. Le

législateur a supprimé cette possibilité de partage en imposant le transfert inté-gral des compétences économiques et des

moyens afférents à l’intercommunalité. Il aligne ainsi toutes les catégories d’inter-communalités sur le régime des commu-nautés urbaines et des métropoles. Cela va se traduire par une obligation de transfert, au premier janvier 2017, de l’ensemble des zones d’activité économique et commer-ciales mais aussi de tous les autres leviers d’intervention.La loi NOTRe enrichit par ailleurs le libellé des compétences économiques des inter-communalités de la promotion du tourisme et de la politique locale du commerce. Sur ces deux points, les communes pourront

cependant continuer à agir. La promo-tion du tourisme emporte le transfert au 1er janvier 2017 de la gestion des offices

du tourisme, mais non de l’ensemble des activités touris-tiques. En matière de commerce, la loi préserve la possi-bilité de définir les

actions d’intérêt communautaire, ce qui signifie que certaines ne le seront pas et pourront toujours relever des communes.

4. Quels sont les enjeux de ces nouvelles compétences ?L’unification de la responsabilité du par-cours résidentiel des entreprises, sans distinction entre types de zone d’acti-vité, va permettre de doter les territoires d’une représentation globale de leur offre immobilière et foncière. Cette évo-lution était d’autant plus attendue que d’importants enjeux de requali-fication de notre foncier économique et de notre immobilier d’entreprise vont se manifester dans les dix pro-chaines années.La responsabilité sur la « politique locale du commerce » répond à l’urgence de doter les communautés d’une capacité à agir sur un secteur en pleine recomposition. Elle doit permettre de limiter les concur-rences excessives en matière d’implan-tation commerciale au sein des bassins de vie. La politique intercommunale du commerce ne doit pas avoir pour objec-tif de geler les recompositions en cours, mais de les ordonner et les rendre moins agressives. Elle doit également permettre de lutter contre certaines dérives spéculatives constatées sur les parcelles foncières et les localisations stratégiques.Le commerce suscite par ailleurs une part croissante des flux de déplacement et des fonctions logistiques. Il est logique qu’il soit pensé en lien étroit avec les documents intercommunaux de planification tels que les programmes locaux de l’habitat

(PLH), plans de déplacements urbains (PDU), Scot et PLUi.

5. Que reste-t-il du rôle des départements ?Contrairement aux régions ou aux inter-communalités, les départements n’ont jamais disposé d’une compétence écono-mique explicitement confiée par la loi, leurs interventions se fondant sur leur clause générale de compétence. La loi NOTRe supprimant la clause générale de compé-tence des départements, ces derniers n’ont plus de base légale pour agir. L’Association des départements de France (ADF) a néan-moins déposé une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet. Celle-ci a été transmise par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel dont est attendue la décision. En tout état de cause, la clause générale de compétence ne permet pas

d’intervenir dans un domaine que la loi réserve exclusivement à un autre échelon institutionnel. Or, la loi NOTRe attribue de manière exclusive les aides directes aux régions et les aides à l’immobilier d’entre-prise au bloc local. Ces dispositions impo-seront de fait le retrait des départements de ces modes d’intervention. La loi organise même ce dernier de manière précise : elle prévoit un calendrier détaillé pour leur retrait du financement des outils d’appui au développement (agences, comités d’expan-sion…) et leur impose de vendre la majorité de leurs parts dans les sociétés d’économie mixte (SEM) ou sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA).La loi NOTRe reconnaît toutefois aux départements une capacité à agir dans des domaines limitativement énumérés comme la forêt, la pêche ou l’agriculture. Ils pourront également continuer à agir

La loi accorde une compétence exclusive aux régions en matière d’aides financières directes aux entreprises

Le législateur n’a pas voulu décentraliser la politique de l’emploiL’article 2 de la loi NOTRe redéfinit

les objectifs des schémas régionaux

Article L. 4251-13 du CGCT :« Ce schéma [le SRDEII] définit les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional. Il définit les orientations en matière de développement de l’économie sociale et solidaire, en s’appuyant notamment sur les propositions formulées au cours des conférences régionales de l’économie sociale et solidaire. Le schéma organise, sur le territoire régional, la complémentarité des actions menées par la région en matière d’aides aux entreprises avec les actions menées par les collectivités territoriales et leurs groupements, en application des articles L. 1511-3, L. 1511-7 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie. Les orientations du schéma favorisent un développement économique innovant, durable et équilibré du territoire de la région ainsi que le maintien des activités économiques exercées en son sein.Le schéma fixe les actions menées par la région en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le schéma peut contenir un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités territoriales des États limitrophes. Le schéma peut contenir un volet sur les orientations en matière d’aides au développement des activités agricoles, artisanales, industrielles, pastorales et forestières. »

Les régions voient leur rôle de coordination renforcé en matière de développement économique. / © Stephane AUDRAS/REA

JUIN-JUILLET 2016 • N° 210 • www.adcf.org

10 DOSSIER DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

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Développement économique : ce que chan ge la loi NOTRe

en matière de tourisme puisqu’il demeure une compétence partagée pour laquelle le législateur a renoncé, après de longs débats, à désigner un chef de file.

6. En quoi les nouveaux SRDEII seront-ils différents des précédents schémas régionaux ?Les schémas régionaux de développement économique (SRDE) n’avaient qu’une valeur expérimentale et conditionnaient la décentralisation aux régions de cer-tains systèmes d’aides aux entreprises gérés par l’État. Ils ont permis de disposer d’un recensement exhaustif des régimes d’aides définis par les collectivités et d’en renforcer la cohérence d’ensemble. De nombreuses régions ont ensuite renouvelé et approfondi l’exercice, en lui donnant une portée plus stratégique et moins exclusi-vement réglementaire. Les SRDEII redéfinis par la loi NOTRe ont pour effet d’élargir les thèmes traités par ces documents mais surtout d’en renforcer le caractère prescriptif. Contrairement aux SRDE de 2004, la loi NOTRe impose la réalisation d’un SRDEII et en fait, de plein droit, un document de la collectivité régionale. Le SRDEII devient en outre directement prescriptif sur les autres acteurs, et notamment les communautés qui devront exercer leurs propres compétences économiques « dans le respect des orientations du SRDEII ». Ce mode d’écriture du Code général des collectivités territoriales, relativement inédit, crée une sorte de compétence communautaire « subordonnée » à des orientations régionales. Il est ainsi attendu des nouveaux schémas régionaux qu’ils

portent une véritable stratégie de déve-loppement économique.

7. Que signifie un schéma « prescriptif » et en quoi le SRDEII va-t-il contraindre les autres collectivités ?Objet de longs débats parlementaires, la « prescriptivité » sur les compétences exclusives reconnues aux métropoles et aux communautés a pu être assimilée par certains à une forme de tutelle. Les par-lementaires ont pour cette raison prévu que le SRDEII soit arrêté par le préfet de région, qui pourra contrôler le respect de la légalité du document et de la procédure d’élaboration mais aussi celui des intérêts nationaux. L’autre contrepartie de la « prescriptivité » renforcée du schéma régional repose dans la clause de concertation prévue avec les inter-communalités compétentes. Un SRDEII qui se voudrait très directif sur les aides à

l’immobilier d’entreprise devra faire l’objet d’une concertation nécessairement plus approfondie avec les autorités compétentes en la matière, sauf à porter atteinte à leur libre administration.Il est à noter que les intercommunalités (avec la Métropole de Lyon) sont les seules institutions locales à bénéficier, au titre de la loi NOTRe et de l’instruction ministé-rielle qui en découle, d’une obligation de concertation de la part de la région. Cette dernière sera libre d’en élargir le champ

mais ne pourra omettre les intercommuna-lités, au risque de fragiliser juridiquement son document.

8. Quels sont les délais de mise en œuvre du volet économique de la loi NOTRe ?La date limite de mise en œuvre de la com-pétence de développement économique dans sa nouvelle formulation est établie au 1er janvier 2017 (ou dès leur date de création pour les communautés qui auraient été créées entre le 7 août 2015, date de publica-tion de la loi NOTRe, et le 1er janvier 2017).Le calendrier est serré, mais cohérent, en organisant l’ensemble des échéances au 1er janvier 2017, tant pour les transferts de compétences aux intercommunalités (au sein du bloc local) et le retrait des dépar-tements (interruption de leurs aides, fin du financement des agences, cession de parts dans les SEM ou SPLA) que pour la réalisa-tion du SRDEII. Le second semestre 2016 sera par conséquent très dense sur cette question de la réorganisation des compé-tences économiques et des outils d’appui. La loi prévoit un débat au sein de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) : « Pendant cette période transitoire, la région organise, en conférence territoriale d’action publique, un débat sur l’évolution de ces organismes avec les conseils départe-mentaux concernés, les communes et les éta-blissements publics de coopération intercommunale qui y par-ticipent, dans la perspective d’achever la réorganisation de ces organismes. »

9. Que prévoit la loi NOTRe au sujet des compétences de l’État ? Durant les débats parlementaires, le législateur a clairement souhaité que les compétences des collectivités s’exercent de manière décentralisée. Le SRDEII sera approuvé par arrêté préfectoral (pour lui donner sa force prescriptive) mais le préfet ne pourra que contrôler sa légalité, notam-ment le respect des obligations procédu-rales de concertation avec les communautés

et le fait qu’il ne porte pas atteinte aux inté-rêts nationaux. Les services déconcentrés de l’État ne pourront pas imposer leur vue ou leur propre stratégie. Sur ce point, la loi de 2015 marque une avancée importante de la décentralisation et va beaucoup plus loin que la loi de 2004.Cette évolution doit être mise en regard des changements en sens contraire qui tendent à recentraliser certains outils. La créa-tion de Bpifrance comme le programme d’investissements d’avenir (PIA) ont eu des effets très recentralisateurs. Il reste beaucoup à faire pour que Business France, outil national issu de la fusion de l’AFII et d’Ubifrance, se régionalise et tienne compte des stratégies d’internationalisation des entreprises figurant dans les SRDEII. Les régions prennent le pas sur les services déconcentrés de l’État ; mais elles n’ont que peu de prise sur les grands opérateurs nationaux créés ces dernières années.

10. Que dit la loi en matière de politique de l’emploi ?Malgré la volonté du Sénat de régionaliser Pôle emploi, le législateur n’a pas voulu décentraliser la politique de l’emploi et son principal opérateur. Il a néanmoins prévu la possibilité pour l’État de transférer

aux régions un rôle de coordination des outils territorialisés de la politique de l’emploi (maisons de l’emploi, PLIE, mis-sions locales). Ce rôle de coordination reste néanmoins à préciser et dépendra beaucoup des règles de cofinancement. L’État ne peut guère déléguer des outils qu’il finance de moins en moins ; c’est pourquoi il ne pourra donner qu’un rôle de coordination. Il est à noter que sur le sujet de l’insertion et de l’emploi, les départements conserveront un rôle actif via le RSA, mais aussi de nom-breux autres dispositifs, ainsi que la gestion d’une part du Fonds social européen.

Nicolas Portier

Le législateur a imposé le transfert intégral des compétences économiques et des moyens afférents à l’intercommunalité

Le SRDEII sera approuvé par arrêté préfectoral mais le préfet ne pourra que contrôler sa légalité

Retrouvez sur le site de l’AdCF des notes juridiques consacrées à la compétence tourisme, à la politique locale du commerce

et au transfert des zones d’activité.

Rendez-vous sur www.adcf.org, rubrique Éditions & annuaires, dossier Notes techniques et juridiques.

Les prérogatives des métropoles Les métropoles ont les mêmes compétences que les autres catégories d’intercommunalités, mais disposent en outre de capacités équivalentes à celles des régions sur l’innovation (possibilité d’entrer au capital des SATT). Le volet du SRDEII portant sur une métropole devra être coproduit. À défaut, les métropoles pourront réaliser leur propre schéma qui aura pour seule obligation de prendre en compte le schéma régional. Cette articulation est assez complexe mais signifie, de manière claire, que les métropoles joueront d’égal à égal avec les régions.

La loi prévoit le transfert aux intercommunalités de la gestion des offices du tourisme. / © Francois HENRY/REA

Les départements conserveront un rôle actif en matière d’insertion et d’emploi. / © Marta NASCIMENTO/REA

www.adcf.org • N° 210 • JUIN-JUILLET 2016

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« La compétence de développement économique doit s’entendre au sens large »

Vice-président de l’AdCF chargé du développement économique, Laurent Trogrlic analyse les enjeux de l’élaboration des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) et l’évolution des missions des communautés.

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Laurent TrogrlicPrésident de la communauté de communes du Bassin de Pompey (Meurthe-et-Moselle) view

Sur le plan juridique, la loi NOTRe a clarifié la répartition des compétences économiques des collectivités locales. En pratique, comment voyez-vous la mise en œuvre opérationnelle de ces réorganisations ?Deux niveaux sont sortis renforcés du débat parlementaire : la région et l’intercommu-nalité. Cette clarification des rôles entre collectivités locales était attendue par le monde économique. Pour autant, le tandem région-intercommunalité reste à construire. Je crois aussi nécessaire d’informer le plus largement possible les acteurs sociopro-fessionnels sur la portée de ces réformes. L’AdCF souhaite y contribuer. Au plus près du terrain, c’est désormais l’ensemble des communautés et métropoles qui assumera au 1er janvier 2017 l’intégralité de la res-ponsabilité des zones d’activité du secteur communal.Des réorganisations des outils d’appui au développement économique sont également programmées en 2016. Dans chaque région, un débat devra avoir lieu en conférence terri-toriale de l’action publique (CTAP) sur le rôle et le devenir des agences de développement économique. Nous souhaitons préparer ces rendez-vous importants. Selon les régions, des solutions différentes seront envisagées.Nous aurons besoin de trouver des compro-mis entre régions et intercommunalités sur des domaines que la loi n’a pas attribué de manière exclusive à un niveau de collecti-vité. C’est le cas de l’animation des réseaux

d’entreprises et du financement des aides aux actions collectives et autres projets col-laboratifs. Un cadre de cohérence régionale pour les politiques de clusters s’imposera de toute évidence. Mais soyons pragmatique. Les régions auront besoin de s’appuyer sur des pôles opérationnels de proximité. Des conventions de mise en œuvre des SRDEII

sont possibles avec une ou plusieurs com-munautés. Et des pactes métropoles-régions sont en train de s’esquisser.

L’AdCF engage un cycle de rencontres régionales sur le développement économique dans la perspective des futurs SRDEII. Qu’attendez-vous de ces rendez-vous régionaux ?Ces journées ont deux objectifs. Le premier : permettre à toutes les communautés de s’ins-crire dans les stratégies régionales de déve-loppement économique. Au niveau national, notre association a signé un accord-cadre avec

l’ARF pour engager un suivi commun de ces stratégies. Mais nous entendons également produire avec nos adhérents des recom-mandations. C’est ici

que l’action régionale de l’AdCF, qui se met progressivement en place, prend tout son sens. Le second relève de la place et du rôle joué par les communautés et métropoles au sein de leur écosystème local, au regard notam-ment des récents transferts de compétences.Ces rencontres régionales sont l’opportunité de mettre en application les enjeux soulevés

par l’AdCF à l’occasion du congrès de Lille en 2014 : favoriser la mise en réseau des développeurs économiques, encourager le dialogue avec les partenaires quotidiens du développement économique des intercom-munalités, comme la Caisse des dépôts, les chambres consulaires, les différents parte-naires sociaux, et décliner dans les territoires notre pacte territorial pour la croissance, l’emploi et l’innovation.

Pensez-vous que le renforcement des compétences économiques des intercommunalités et l’extension de leur périmètre constituent une nouvelle donne ?Nous avons un enjeu d’organisation et de consolidation de la maîtrise d’ouvrage inter-communale. La compétence de développe-ment économique doit s’entendre au sens large : l’ouverture aux problématiques du tourisme et du commerce, et la réflexion sur les qualifications locales en lien avec les régions et les OPCA sont indispensables. Sur ce dernier sujet, il nous faut mieux appréhen-der les évolutions économiques et de l’emploi. Il est nécessaire d’anticiper les mutations économiques, la gestion prévisionnelle ter-ritoriale des emplois et des compétences,

en s’appuyant sur les missions des maisons de l’emploi, par exemple. De nombreuses intercommunalités vont se rapprocher du bassin d’emploi.Mais, comme le rappelait le président de l’AdCF dans ces colonnes (NDLR : Intercommunalités n° 198, mars 2015), il faut être humble en matière de développe-ment économique. Les collectivités locales ne sont que des « tiers garants », des tiers de confiance… S’agissant des relations interentreprises entre donneurs d’ordre et sous-traitants, entre groupes et PME, le rôle des collectivités locales est marginal. L’État a certes déployé des médiateurs en régions en 2010, et nous saluons cette ini-tiative confirmée par les derniers gouver-nements, néanmoins, de manière générale, les moyens humains s’affaiblissent. Aussi, concernant les évolutions économiques ter-ritoriales, le rôle de nos intercommunalités qui pilotent des outils territoriaux d’inser-tion et d’emploi (Plan local pour l’insertion de l’emploi – PLIE –, maisons de l’emploi, missions locales) est primordial.L’amélioration de la situation économique dans nos bassins d’emploi dépend largement de la capacité des entrepreneurs à travailler avec l’enseignement supérieur et à investir dans leur territoire. L’intercommunalité peut bien évidemment assurer une mise en réseau, un rôle d’intermédiation. Il est fort probable que des communautés élargies seront d’autant plus en capacité de remplir cette fonction d’animation économique locale, aujourd’hui souvent exercée par les Pays ou les agences de développement économique départemen-tales, en dépassant leur rôle d’aménageur.Cela implique nécessairement de conduire une réflexion en matière de ressources humaines pour organiser les équipes de développeurs économiques dans les com-munautés de communes. C’est d’ailleurs dans cet objectif que l’AdCF et le Conseil national des économies régionales (Cner, fédération des agences de développement) ont pris l’ini-tiative de constituer un groupe des fédérations d’employeurs de développeurs économiques en liaison avec la Caisse des dépôts.

Propos recueillis par Olivier Crépin

Selon les régions, des solutions et des outils différents seront proposés. / © Patrick ALLARD/REA

Les nouvelles régions et leurs territoires : repères pour l’action économiqueJuillet 2016

Le profil de développement des agglomérations et métropoles françaises Mai 2016

Territoires et entreprises : initiatives pour des bassins d’emploi mieux organisésJanvier 2016

Regards sur les stratégies et actions économiques locales : montée en puissance et diversification des compétences intercommunalesMai 2015

Développement économique : retrouvez toutes les ressources proposées par l’AdCF

Le cadre légal de l’urbanisme commercial (y compris la notion de politique du commerce) Juillet 2016

La compétence tourisme Avril 2016

Le transfert des zones d’activité économique aux communautés et aux métropoles Janvier 2016

Notes et études

juridiques

Les nouveLLes régions et Leurs territoires : repères pour L’action économique14 synthèses régionales pour nourrir les débats région-communautésJuillet 2016

Le profiL de déveLoppement des aggLomérations et métropoLes françaises

tERRItOIRES Et EntREPRISES : InItIAtIVES POuR dES bASSInS d’EMPlOI MIEux ORGAnISéS

REGARDS SUR LES STRATÉGIES ET ACTIONS ÉCONOMIQUES LOCALES Montée en puissance et diversification des compétences intercommunales

Des réorganisations des outils d’appui au développement économique sont programmées en 2016

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12 DOSSIER DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

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« La réussite ne peut passer que par la coconstruction »

La région Centre-Val de Loire fait figure de précurseur dans la réalisation de son schéma de développement économique, dont l’élaboration a été engagée dès le début de l’année, et se veut ouverte aux partenariats avec les territoires. Son président, François Bonneau, revient sur les nouvelles responsabilités régionales dans ce domaine.

Les régions s’estiment-elles satisfaites des équilibres définis par la loi NOTRe pour clarifier les compétences de développement économique ?Globalement, oui. Un processus de cla-rification est porté par cette loi. Elle positionne les régions en responsabilité et plus seulement en chef de file du déve-loppement économique. Le législateur a souhaité mettre fin à la confusion et à la trop grande multiplicité des acteurs publics, ce que beaucoup se plaisaient à comparer à l’image du millefeuille. Cette clarification s’opère avec une répartition précise des domaines d’intervention : aux régions, l’élaboration concertée du schéma, la prise en charge exclusive des aides aux entreprises, de l’innovation, de l’inter-national et de l’articulation entre forma-tion et développement économique ; aux intercommunalités, partenaires des régions, la responsabilité de l’immobilier et du foncier d’entreprise, y compris dans sa dimension innovante (pépinière, incubateur…), de l’image et de l’attractivité du territoire. Ainsi, le couple région-intercommunalité devient l’acteur central du développement économique. Il structure par ses actions ce nouvel écosystème.

Sur quels sujets le législateur aurait-il dû, selon vous, aller plus loin, notamment en matière de politique de l’emploi ?Le pilotage des politiques de l’emploi relève du niveau national (indemnisation, droit…) avec l’État et les partenaires sociaux. Il

dépend également d’enjeux régionaux au regard de la spécificité des territoires. Plusieurs régions sont demandeuses

d’expérimentations, afin de mieux articuler la formation professionnelle et celle des demandeurs d’emploi, l’accompagnement vers l’emploi et la réalité du développement économique régional. Je pense qu’il faut donner les moyens aux régions de s’engager pleinement dans ces actions.

Par ailleurs, en tant que président délégué de l’ARF, je regrette que les moyens dont disposaient les dépar-tements pour conduire leurs missions dans le domaine économique,

qui sont désormais conférées aux régions, n’aient pas fait l’objet d’un transfert de ressources.

La plupart des régions engagent actuellement l’élaboration du nouveau schéma régional de développement économique (SRDEII) qui aura un caractère prescriptif. Dans votre région, quelles priorités stratégiques vous semblent devoir être poursuivies ?La région Centre-Val de Loire, outre sa position au cœur de la France et aux portes de la région parisienne, bénéficie de plu-sieurs spécificités économiques, souvent localement et nationalement méconnues. Je pense, notamment, au fait que notre territoire a encore aujourd’hui un emploi salarié industriel particulièrement élevé. Nous sommes la première région française pour le cyclotou-risme, la production de caoutchouc industriel et la filière parfums et cosmétiques. Deuxième plus grande région céréalière d’Europe, elle est aussi au tout premier plan national pour l’industrie pharmaceutique.À travers le futur SRDEII, je veux conforter la place majeure des PME et des entre-prises de taille intermédiaire (ETI). Il nous faudra aussi, parce que c’est notre responsabilité collective, réussir la transi-tion écologique et énergétique, et concou-rir à mettre la révolution numérique au service de l’emploi. Enfin, l’un des enjeux essentiels, à mon sens, est de privilégier le made in région Centre-Val de Loire, tant dans la production, les services que la consommation.

Comment votre région entend- elle associer les intercommunalités à la préparation du SRDEII ?Nous avons été la première région à nous engager, dès le début de l’année, dans le processus d’élaboration du SRDEII. Je crois que sur tous les sujets, et plus encore en matière de développement éco-nomique, la réussite ne peut passer que par la coconstruction. La région Centre-Val de Loire a ainsi organisé, au printemps dernier, à travers des états généraux de l’économie et de l’emploi, une véritable concertation de tous les acteurs pour poser les bases de notre nouvelle stratégie.

Les intercommunalités, que ce soit à titre individuel ou à travers leur représenta-tion qu’est l ’AdCF, ont été pleinement associées à cette démarche. Elles le seront tout autant dans la rédaction du SRDEII. Plus généralement, si nous voulons réussir ensemble ce que le législateur souhaite en matière de développement économique territorial, il me semble primordial que le couple région-intercommunalité crée de concert les futurs outils économiques tant du conseil régional que des EPCI.

Propos recueillis par Apolline Prêtre

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François BonneauPrésident délégué de l’Association des régions de France (ARF), président de la région Centre-Val de Loire view

La région souhaite privilégier le made in Centre-Val de Loire et mettre en avant ses spécificités économiques souvent méconnues, comme la filière parfums et cosmétiques. / © Simon LAMBERT/HAYTHAM-REA

Il faut donner les moyens aux régions d’expérimenter en matière d’emploi

À travers le futur schéma, je veux conforter la place majeure des PME et des ETI de notre territoire

AdCF-ARF : un accord de partenariat pour encourager le dialogue région-communautésLe 24 mai, à l’issue d’un conseil d’administration de l’AdCF, Philippe Richert, président de l’Association des régions de France (ARF), et Charles‑Éric Lemaignen, président de l’AdCF, signaient un accord de partenariat. Par ce texte, les deux structures entendent favoriser le rapprochement des régions et des communautés sur les thèmes du développement économique, des politiques d’aménagement, de planification environnementale et de la mobilité. Autant de compétences pour lesquelles les collectivités se trouvent renforcées par les lois Maptam et NOTRe.En matière de développement économique, l’accord prévoit un accompagnement de la mise en chantier des nouveaux SRDEII, concerté avec les communautés. Il se donne également pour objectif d’observer les réorganisations des compétences économiques des collectivités, de favoriser le dialogue et d’encourager, le cas échéant, la signature de conventions d’application des schémas pour la déclinaison de certains volets. Le cycle de rencontres régionales de l’AdCF (voir p. 9) s’inscrit pleinement dans la mise en œuvre de cet accord.

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Répartition par région des outils de développement économique

Répartition par région des outils liés à l’emploi

Des régions inégalement outillées

U n travail conduit par l ’AdCF au printemps s’attache à l ’analyse, par région, des dynamiques éco-

nomiques et des structures de développe-ment local. Des monographies régionales mettent en valeur les spécificités de chaque territoire. Elles montrent notamment que les outils d’appui au développement écono-mique et les leviers d’action des collectivi-tés sont nombreux. Bien qu’inégalement dotées, chacune des régions dispose de relais potentiels pour agir. Les cartes présentées ici recensent cer-tains outils du développement économique local. Il en existe d’autres, mais le choix a été fait de ne retenir que ceux offrant une analyse comparée au niveau national. Cette forte densité d’acteurs et de structures sera au cœur des réflexions des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) du second semestre 2016. En lien avec les régions et les objectifs stratégiques du SRDEII, communautés et métropoles

devront réfléchir aux éventuels reposition-nements de ces outils et à la clarification des rôles dans la phase de mise en œuvre opérationnelle.

Rationalisation en coursDepuis le 1er janvier 2016, les conseils dépar-tementaux ne sont compétents en matière d’intervention économique que dans les

domaines limitativement énumérés par la loi. En conséquence, d’ici au 1er janvier 2017, ils devront mettre fin au financement des organismes concourant au développement économique (en particulier les agences) et céder aux collectivités compétentes au moins deux-tiers des participations aux sociétés d’économie mixte et aux sociétés publiques locales d’aménagement, dont la raison sociale ne relève plus de leur compétence.La loi NOTRe prévoit en outre la rationalisa-tion et la mutualisation, à l’échelle des bassins d’emploi, des interventions des acteurs du service public (région, État, Pôle emploi, maisons de l’emploi, structures gestionnaires des Plans locaux pour l’insertion de l’emploi – PLIE –, organismes spécialisés dans l’inser-tion professionnelle des personnes handi-capées). Cette démarche s’inscrit dans une convention régionale pluriannuelle visant la coordination de ces acteurs, en cohérence avec le SRDEII, et la stratégie régionale.

Maxime Goudezeune

Les maisons de l’emploi concourent à la gestion territorialisée des ressources humaines. / © Laurent CERINO/REA

Entreprise publique locale de développement économique

Désigne les sociétés d’économie mixte (Sem, sociétés anonymes dont 50 à 85 % du capital sont publics), les socié‑tés publiques locales (SPL, sociétés anonymes dont 100 % du capital sont publics et détenus par au moins deux collectivités) et les Sem à opération unique (Semop, société au capital mixte, qui détiennent de 34 à 85 % de capital public et de 15 à 66 % de capital privé). La loi NOTRe impose la restructuration de l’actionnariat public des EPL pour les‑quelles la détention de parts par les col‑lectivités actionnaires n’est plus fondée juridiquement.

Agence de développement économique

Elles sont apparues en France dans les années 1950. Associations loi 1901, elles sont mises en place par les col‑lectivités territoriales, et réunissent au sein de leur gouvernance chefs d’en‑treprise, élus locaux, représentants des syndicats de salariés et patro‑naux, chambres consulaires, universi‑taires, etc. Leurs principales missions consistent à accompagner les entre‑prises et à accroître l’attractivité et la compétitivité des territoires.

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Plan local pour l’insertion et l’emploi (PLIE)

À l’initiative des communes et communautés, les PLIE sont des plateformes partenariales qui coordonnent les actions locales en faveur de l’emploi dans un territoire. Ils offrent des services individualisés d’accompagnement des publics dans un objectif d’insertion dans l’emploi. Ils participent également à l’élabora‑tion des conventions régionales pluriannuelles de coordination de l’emploi, de l’orientation et de la formation.

Maison de l’emploi

Créées en 2005, les maisons de l’emploi visent à répondre au fort éclatement du service public de l’emploi en France. Association ou groupement d’intérêt public, elles « concourent à la coordination des politiques publiques et du partenariat local des acteurs publics et privés qui agissent en faveur de l’emploi, de la formation, de l’insertion et du développement économique » (art. L‑311‑10, Code du travail). Elles contribuent notamment à la gestion territorialisée des ressources humaines et participent au maintien, à la création et à l’extension d’activités économiques. Les maisons de l’emploi, au titre de l’article 6 de la loi NOTRe, cosignent les conventions régionales pluriannuelles de coordination de l’emploi, de l’orientation et de la formation.

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14 DOSSIER DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

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Dialogue région‑communautés : les directeurs généraux d’intercommunalité témoignentEn amont des rencontres régionales organisées par l’AdCF à l’attention des présidents d’intercommunalités sur la thématique du développement économique, l’association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) a engagé des échanges avec les services régionaux. Cette dynamique s’est traduite par des réunions techniques, premiers contacts avec des équipes régionales, souvent renouvelées. Intercommunalités a recueilli des témoignages de directeurs généraux sur l’avancée du dialogue avec la région. Si ceux-ci font état d’une volonté de concertation de la région avec les territoires, leur appréciation et les modes d’organisation mis en place varient d’un lieu à l’autre.

« Le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de créer une plateforme web permettant aux acteurs institutionnels et économiques de présenter leurs contributions pour la rédaction du futur SRDEII. Or, la réalisation du SRDEII pour le 1er janvier 2017 est sur le même calendrier que la fusion des EPCI prévue pour la même date. En moins d’une année, comment exprimer en 2016 les priorités de développement économique (qui seront renforcées pour les EPCI) sur un territoire institutionnel qui n’existera qu’au 1er janvier 2017 ? Pour l’agglomération d’Annecy, qui passera de 12 à 43 communes (chiffres comprenant les communes déléguées), ces questions de périmètre, de gouvernance et de partage d’enjeux se sont posées.

La décision des cinq exécutifs de la future agglomération a été de présenter les défis économiques et des propositions concrètes pour contribuer à l’élaboration du SRDEII à la nouvelle échelle communautaire. Cela s’est traduit par une délibération “sur la stratégie de développement économique et contribution au SRDEII”, votée au conseil de communauté au mois de juin. L’élaboration de cette contribution pour le SRDEII s’est faite en plusieurs étapes dans une logique de démarche inclusive : - installation d’un comité des présidents d’EPCI pour partager les enjeux et déterminer les grands projets économiques permettant de rédiger un texte commun ; - mobilisation de l’ensemble des acteurs économiques (chambres consulaires, université, entreprises…) pour coconstruire cette contribution pour le SRDEII.

Cette démarche s’est réalisée entre les mois de mars et juin. Cela a pu se faire rapidement car, depuis plusieurs années, les exécutifs travaillent ensemble et les bases du projet territoire étaient déjà partagées.

Les modalités de concertation engagées par la région Auvergne-Rhône-Alpes a permis aux territoires composant la future agglomération d’exprimer les priorités sur les thèmes du développement économique, qui pourront être abordés lors de la prochaine conférence territoriale de l’action publique (CTAP), notamment dédiée au SRDEII. »

Christophe Vandepoortaele,DGA de l’agglomération d’Annecy (Auvergne-Rhône-Alpes)

« En Nouvelle-Aquitaine, le dialogue entre région et intercommunalités reste en devenir. En effet, la région a organisé de grandes réunions collectives regroupant les acteurs du développement économique (chambres consulaires, représentants des branches, des filières et des entreprises, agence de développement et collectivités territoriales). Pour le moment, ces rassemblements n’ont été l’occasion que d’une communication descendante très générale, et n’ont donc pas encore été capitalisés.

En outre, les membres du comité régional de l’ADGCF ont constaté la très forte prudence des services de la région à engager un dialogue technique constructif. Bien sûr, la problématique de la fusion entre les anciennes régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes mobilise fortement le DGS, les directeurs généraux adjoints (DGA) et les directeurs du conseil régional. Pour autant, au regard des enjeux identifiés sur les coopérations entre région et intercommunalités, le comité régional de l’ADGCF considère qu’il est primordial d’organiser dès à présent des échanges réguliers entre les cadres communautaires et leurs homologues de la Nouvelle-Aquitaine.

Sur le fond, on ne peut que regretter le retard pris dans l’appréhension de la situation réelle des territoires. Sur la forme, nous sommes toujours en attente d’une réunion fixant les modalités de la concertation entre la région et les commmunautés. Enfin, la demande d’organiser une journée dédiée aux intercommunalités n’a pour l’instant eu aucun écho. »

Thibault Rufas et Marie-Noëlle Anduru,respectivement directeur du pôle territorial rive droite de Bordeaux Métropole

et DGS de la communauté du Val de Vienne (Nouvelle-Aquitaine)

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« La région considère aujourd’hui l’échelon intercommunal comme le niveau pertinent de l’action économique. Les nouveaux bassins économiques de référence (BEEF) devraient traduire cette articulation. C’est donc naturellement dans ce cadre que s’engage la concertation sur le SRDEII. Nous regrettons toutefois le temps extrêmement court laissé à l’expression des enjeux, notamment dans le contexte de la métropole parisienne, de réorganisation des territoires.

Il conviendra de solidifier cette articulation entre région et territoires, et de traduire les orientations du SRDEII dans une contractualisation. Celle-ci permettrait une visibilité sur les engagements de soutien et un cadre pluriannuel dépassant la logique des appels à projets qui ne peuvent être les seuls outils de financement des politiques publiques.

Le SRDEII est une occasion à saisir pour refondre le partenariat, assurer plus de lisibilité dans le rôle de chef de file de la région et mieux structurer l’action des territoires, légitimes aujourd’hui à conduire les stratégies économiques. »

Antoine Valbon,DGS de l’EPT Grand-Orly, Val de Bièvre, Seine-Amont (Île-de-France)

« La présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, a fixé les pistes prioritaires en matière de développement économique : l’emploi, la cohésion sociale et le développement durable. Elle a clairement exprimé sa volonté de remettre à plat les organisations en interrogant les pratiques et partenariats existants, et de s’appuyer sur le couple région-intercommunalités, qui constitue pour elle le moteur du développement économique de la région. La présidente a l’intention de faire de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) un lieu de dialogue privilégié, réunissant les acteurs du développement économique.

Le conseil régional a d’ores et déjà engagé la fusion de l’Agence régionale de développement de l’innovation et de l’économie (ARDIE) de Bourgogne, avec l’Agence régionale de développement (ARD) de Franche-Comté. La nouvelle entité sera établie sous la forme d’une société publique locale (SPL), donnant aux communautés actionnaires un plus grand contrôle sur son fonctionnement et ses actions. La région a également créé une plateforme dédiée au SRDEII permettant l’expression de tous les territoires, qui peuvent y déposer leurs contributions jusqu’à fin septembre. Parallèlement, souhaitant que toutes les communautés soient entendues quelle que soit leur taille, l’AdCF a renforcé son organisation en région, en s’appuyant sur l’ADGCF et son réseau de DGS d’intercommunalités.

La DGS de la région a quant à elle exprimé un intérêt marqué pour ces travaux collectifs permettant aux communautés d’apporter leur contribution à l’élaboration des SRDEII. Dès lors, pouvant s’appuyer sur un réseau de professionnels à l’expertise d’usage reconnue, le partenariat engagé trouvera naturellement à se prolonger pour l’élaboration des schémas régionaux à venir. »

Georges Pauchard, DGS de la communauté d’agglomération du Mâconnais - Val de Saône (Bourgogne-Franche-Comté)

www.adcf.org • N° 210 • JUIN-JUILLET 2016

15DOSSIER

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L’électrique et l’hydrogène ont le vent en poupeResponsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre, le transport constitue un levier important pour réussir la transition énergétique et décarboner notre économie. Les aides se multiplient afin d’accompagner cette transition. Tour d’horizon de l’état du développement de la mobilité verte en France.

L e développement des véhicules à faibles émissions de gaz à effet de serre passe par des améliorations technologiques

sur les nouveaux modèles de véhicules ther-miques, mais également par la montée en puissance de l’électromobilité. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée en août 2015, fixe des objectifs pour l’État et ses établissements publics, les collectivités locales et leurs grou-pements, les entreprises nationales, les loueurs de véhicules et les exploitants de taxis, dans des proportions variables, lors du renouvellement de leur flotte. Elle fixe également l’objectif de 7 millions de points de charge pour systèmes électriques et hybrides rechargeables, ouverts au public ou installés sur un espace privé, à horizon 2030 sur le territoire français.

La France très bonne élèveSur les douze derniers mois, la France se place en deuxième, derrière la Norvège, dans le classement européen du déve-loppement de véhicules électriques, avec 25 300 nouvelles immatriculations et une croissance de 44 % par rapport à l’année précédente. La Renault Zoé est également devenue en 2015 la voiture électrique la

plus vendue d’Europe. Cette tendance crois-sante se poursuit dans l’Hexagone : 2016 devrait être une nouvelle année record, le véhicule électrique (tout électrique ou hybride rechargeable) représentant plus d’1,5 % des ventes de véhicules neufs. Cette tendance s’accompagne du déploiement de bornes de recharge : 12 800 points localisés dans plus de 3 000 stations sont aujourd’hui accessibles au public, faisant de la France le

deuxième réseau européen derrière les Pays-Bas. Suite à l’appel à manifestations d’inté-rêt de l’Ademe, auquel quelque 60 projets ont été présentés, près de 20 000 points de

charge seront installés sur l’espace public, contribuant ainsi à renforcer le maillage du territoire national.

L’essor de l’hydrogèneParmi les solutions d’électromobi-lité, le véhicule électrique à hydrogène, aujourd’hui émergent, est amené à se déve-lopper dans les années à venir. Il existe différentes conceptions de ce type de voiture, avec des degrés d’hybridation variables entre pile à combustible et bat-terie. L’hydrogène présente l’avantage d’un faible temps de remplissage du réservoir du véhicule (moins de cinq minutes) et d’une forte autonomie (jusqu’à 700 km). Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le mode de production de l’hydrogène est

par t icu l ièrement important : l’hydro-gène industriel est aujourd’hui majo-ritairement produit par vaporeformage du gaz, avec un bilan

écologique peu satisfaisant. Les solutions de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, soit à partir du réseau électrique soit directement à partir d’une production renouvelable éolienne ou photovoltaïque, permettent d’obtenir un hydrogène décar-boné et de fournir de la flexibilité au réseau électrique (par exemple, en produisant de l’hydrogène lorsque la production renouve-lable locale est trop importante par rapport

à la consommation locale d’électricité). Les multiples usages de l’hydrogène, tant dans l’énergie que dans la mobilité, en font un vecteur énergétique particulièrement intéressant.

Écosystème français de l’hydrogèneC’est le pari engagé par le Japon qui, tout comme la Corée du Sud, a fait de l’hydro-gène une priorité nationale. Depuis un an, Toyota propose un véhicule grand public (la Miraï, qui signifie « futur » en japonais) ; Hyundai a aussi le sien. La France privilégie pour sa part une stratégie de développement de l’hydro-gène par « flottes captives » de véhicules afin de minimiser les coûts d’investisse-ment tout en maximisant l’utilisation de l’infrastructure de recharge construite

sur le territoire. La demande et l ’offre progressent ainsi au même rythme. Il existe tout un écosystème de jeunes PME françaises travaillant dans le champ de la mobilité hydrogène, accompagnées par de grands énergéticiens et équipemen-tiers, avec d’ores et déjà une offre com-mercialisée de prolongateur d’autonomie hydrogène sur des véhicules électriques (Symbio FCell à Grenoble, par exemple) ou des vélos à hydrogène (Pragma Industries à Biarritz), particulièrement appréciés pour le tourisme. Ces technologies sont déjà présentes dans certaines collectivités pionnières, mais aussi exploitées par de grands groupes comme La Poste.

Cédric Thoma, Direction générale énergie et climat,

ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer

LES MODES DE DÉPLACEMENT EN TRANSITION

La France se place en deuxième au classement européen du développement de véhicules électriques

Les multiples usages de l’hydrogène en font un vecteur énergétique particulièrement intéressant

En France, le développement des véhicules à hydrogène se fait majoritairement grâce à des « flottes captives » afin de maximiser l’utilisation de l’infrastructure de recharge. / © Image Point Fr / Shutterstock

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Aide à l’acquisition de véhicules à faibles émissions :Le système bonus‑malus vise à récompenser, via un bonus, les acquéreurs de voitures neuves émettant le moins de CO2, et à pénaliser, via un malus, ceux qui optent pour les modèles les plus polluants. Le barème du bonus a évolué au 4 janvier 2016 ; le barème de malus n’a quant à lui pas été modifié pour l’année 2016.Plus d’informations sur www.developpement‑durable.gouv.fr

Aide au déploiement d’infrastructures : • Fonds européen d’aide au développement de corridors européens de mobilité

propre. Appels d’offres réguliers (une fois par an). Plus d’informations sur ec.europa.eu

• Appels à projets réguliers de l’Ademe pour le déploiement des infrastructures pour carburants alternatifs. Plus d’informations sur www.ademe.fr

Sites d’actualités thématiques : • Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere) :

www.avere‑france.org• Observatoire européen des carburants alternatifs (EAFO) :

www.eafo.eu• Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (Afhypac) :

www.afhypac.org

JUIN-JUILLET 2016 • N° 210 • www.adcf.org

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SAINT‑LÔ AGGLO (MANCHE)

Pédaler à l’hydrogèneL’agglomération de Saint-Lô (Manche) a initié une expérimentation de vélos à assistance électrique à hydrogène. Nouvel axe de la politique locale de mobilité, ce projet engage à la fois des enjeux de transport et environnementaux, et constitue la base d’une nouvelle filière économique. Explications.

D’ ici à la fin de l’année 2016, 10 vélos à assistance électrique à hydro-gène viendront compléter le parc

de cycles à assistance électrique classique déjà en libre-service sur la ville de Saint-Lô et, depuis peu, sur deux autres communes de l ’agglomération (Tessy-sur-Vire et Saint-Clair-sur-l’Elle). Ce projet d’une durée de trois ans, baptisé Bhyke, s’inscrit dans une politique conduite depuis plu-sieurs années visant à créer un écosystème autour du vélo.« Dans le cadre de notre compétence mobi-lité, le vélo est un axe stratégique pour le développement des transports doux dans notre territoire. Notre agglomération est très vallonnée, les modèles à assistance électrique sont donc déterminants pour généraliser l’utilisation du vélo à tout public », explique le président de l’agglo-mération, Gilles Quinquenel. Bhyke cible notamment les déplacements domicile-travail et devrait être proposé aux agents de la communauté, aux salariés d’entre-prises locales ou encore aux étudiants.

Des investissements importants (de l’ordre de 200 000 euros) sont réalisés chaque année pour l’entretien et la création de pistes cyclables.

Démarche intégréeLa politique de mobilité du territoire com-prend également des enjeux économiques, avec l’accueil d’une entreprise de fabri-cation, Easybike. « À terme, notre ambi-

tion est de faire de Saint-Lô la capitale de la construction du vélo électrique », déclare Gilles Quinquenel. L’expérimentation des vélos à hydrogène est une manière de rendre plus visible cette technologie et de faire

évoluer le produit pour mieux l’adapter aux besoins des usagers. L’intercommunalité exerçant la compétence tourisme, elle proposera des visites du patrimoine en

empruntant les vélos électriques et à hydrogène. Ces derniers seront instal-lés près de l’office du tourisme pour en faciliter l’accès.

L’initiative de Saint-Lô Agglo prend part à une démarche plus large. Bhyke sera intégré au plan climat-air-énergie territorial (PCAET) déjà engagé. Conjointement, la révision du plan de déplacements urbains

(PDU) et du programme local de l’habitat (PLH) sera menée, avec la volonté politique de travailler ces sujets de manière trans-versale en y associant les vice-présidents de l’agglomération, ainsi que les communes.

Un projet partenarialLe conseil départemental de la Manche, à l’initiative d’une réflexion sur le stoc-kage de l’électricité grâce aux piles à hydrogène, a  regroupé industriels et collectivités dans le cadre de l’associa-tion Energy Hydro Data 2020 (EHD2020) pour mener les premières actions financées par un programme européen. Bhyke a été retenu dans le cadre d’un appel à projets de l’Ademe et porté par un consortium public-privé autour de Saint-Lô Agglo (investisseur à hauteur de 50 000 euros), Cherbourg-en-Cotentin, le conseil dépar-temental, Manche Tourisme, les socié-tés Atawey (fournisseur d’hydrogène), Cycloreca, Easybike (fabricant de vélos) et Pragma. Ces entreprises s’occuperont

de la maintenance et de la station de recharge. Les vélos à hydrogène se rechargent plus rapidement que ceux à assistance électrique (en quelques minutes contre trois à quatre heures) et ont une autonomie plus longue (100 km contre 50 km).

« Après la période de test, nous ferons le bilan et nous verrons si l’idée est viable et comment la faire évoluer », conclut le président de l’agglomération.

Camille Allé

Les vélos à hydrogène se rechargent en quelques minutes pour une autonomie de 100 km. / © PY Le Meur

L’agglomération proposera des visites du patrimoine en vélos électriques et à hydrogène

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NOUVEAU !

Le projet Bhyke cible notamment les déplacements domicile-travail

www.adcf.org • N° 210 • JUIN-JUILLET 2016

17TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

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Droit de la commande publique : les principales évolutionsLes directives européennes de février 2014 relatives aux marchés publics et aux concessions ont fait l’objet d’une transposition dans le droit français via des ordonnances et décrets parus depuis un an. Trois points sont à retenir : la nouvelle composition de la commission d’appel d’offres, la coopération public-public et une plus grande souplesse pour modifier les marchés.

Composition de la commission d’appel d’offresAvant le 9 août 2015, date de publication de la loi portant nouvelle organisation territo-riale de la République, la composition de la commission d’appel d’offres était détermi-née différemment de la composition de la commission d’attribution des délégations de service public.Depuis le 9 août 20151, la procédure à suivre, dès que le renouvellement de ces deux commissions est nécessaire (en cas de fusion, d’extension du périmètre ou de retrait de communes entraînant une nou-velle élection du bureau, ou s’il n’est pas possible de remplacer un membre faute de suppléants sur la liste), est celle de la composition de la commission d’attri-bution des délégations de service public. Cette dernière est formée du président de la communauté et de cinq membres élus par le conseil communautaire en son sein. Des suppléants à chaque membre doivent également être élus. L’élection a lieu en deux temps : tout d’abord, une délibération prise par l’assemblée délibérante règle les conditions de dépôt des listes, puis l’élection des membres de la commission à la représentation propor-tionnelle au plus fort reste.Il est à noter que les com-munautés ne comptant que des communes de moins de 3 500 habitants sont, depuis le 1er avril 2016, dans l’obligation de recom-poser leurs commissions.

Coopération public-publicUne communauté peut conclure des contrats avec d’autres personnes publiques sous cer-taines conditions. Il s’agit de coopération verticale si le cocontractant lui est ratta-ché et de coopération horizontale si son cocontractant est une personne publique indépendante.Comme pour tout contrat conclu à titre onéreux pour la réalisation d’un besoin par une personne publique, ou pour tout contrat confiant l’exécution de travaux ou

la gestion d’un service à une personne à qui est transféré un risque lié à son exploitation (en contrepartie soit du droit d’exploiter

l’ouvrage ou le service, soit de ce droit assorti d’un prix), ces prestations entrent dans le champ de la commande publique. Les procédures de passation de ces contrats devraient donc respecter les procédures de publicité et de mise en concurrence. Or, sous l’influence du droit européen, ces conventions peuvent être exemptées des règles de la commande publique.

La coopération avant le 1er avril 2016La jurisprudence du juge de l’Union euro-péenne (CJCE, désormais CJUE2) permet la coopération entre personnes publiques, verticale comme horizontale, depuis res-pectivement 1999 et 2009.

En 1999, le juge européen a affirmé pour la première fois (avant une longue série de confirmations) que, lorsqu’une collectivité exerce sur son cocontractant un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et que le cocontractant réalise l ’essentiel de son activité pour la ou les collectivités qui la détiennent, la coopération verticale n’est pas soumise aux règles de la commande publique. Le juge français a repris ce raisonnement en 2009.La même année, le juge euro-péen a étendu cette solution à la coopération horizontale en considérant qu’une auto-rité publique peut accomplir les tâches d’intérêt public qui lui incombent par ses propres moyens, en collaboration avec d’autres autorités publiques, sans être obligée de recourir à des prestataires extérieurs.

La coopération après le 1er avril 2016La coopération verticale, ou « quasi-régie » dans le texte, échappe aux procédures de publicité et de mise en concurrence si trois conditions sont réunies : la commu-nauté doit exercer une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de son co-contractant ; celui-ci réalise plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par la communauté ; son capital ne comprend pas de capitaux privés permettant d’exercer une influence décisive via un pouvoir de contrôle ou de blocage3.La coopération horizontale, ou coopéra-tion entre pouvoirs adjudicateurs, échappe aux règles posées par les ordonnances à la double condition que la mise en œuvre de cette coopération n’obéisse qu’à des considérations d’intérêt général d’une part et que les parties à la convention réalisent moins de 20 % de l’activité concernée dans le champ concurrentiel d’autre part4.

L’évolution des termes du marché lors de son exécutionPar principe, un contrat de la commande publique peut évoluer, à la condition de ne pas avoir pour objet ou pour effet de violer les principes fondamentaux de la commande publique.

Avant le 1er avril 2016Les marchés publics ne pouvaient faire l ’objet d’un avenant ou d’une décision de poursuivre qu’aux conditions que l’objet du marché n’était pas modifié et que l ’équilibre économique général du contrat n’était pas bouleversé (pas plus de 15 à 20 % d’augmentation du prix). La condition tenant au bouleversement économique du contrat était écartée si l’avenant était rendu nécessaire par une sujétion technique imprévue ne résultant pas du fait des contractants.L’avenant dans les délégations de service public était permis lorsqu’il ne modifiait pas substantiellement un élément essentiel du contrat (objet, durée, rémunération).

Après le 1er avril 2016Le pouvoir réglementaire a fait œuvre uni-ficatrice dans les décrets d’application des ordonnances : la notion d’avenants dispa-raît pour laisser la place à des « modifica-tions des contrats ». Il est plus aisé de faire évoluer les dispositions contractuelles.

Pour ce faire, il suffit par exemple d’ins-crire des clauses de réexamen suffisamment claires, précises et sans équivoque, ou encore que « les modifications, quel qu’en soit le montant, ne soient pas substantielles », reprenant ainsi la distinction précédem-ment faite par le juge sur les avenants aux délégations de service public5. De tels outils permettent aux communautés dont les périmètres, et ainsi les besoins, évoluent de prévoir des évolutions idoines.

Pablo Hurlin-Sanchez

1- Art. L. 1411-5 et D. 1411-5 du CGCT. 2- CJCE : Cour de justice des communautés européennes. CJUE : Cour de justice de l’Union européenne. 3- Art. 17 de l’ord. no 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et art. 16 de l’ord. no 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. 4- Art. 18 de l’ord. no 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et art. 17 de l’ord. no 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. 5- Art. 139 du décret no 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics et art. 36 et 37 du décret no 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession.

Les coopérations public-public peuvent être exemptées des règles de la commande publique sous certaines conditions

Le pouvoir réglementaire a fait œuvre unificatrice dans les décrets d’application des ordonnances

Les modifications de contrat (ex-avenants) deviennent plus aisées. / © Albane NOOR/REA

La coopération entre personnes publiques, verticale et horizontale, est permise respectivement depuis 1999 et 2009. / © Gilles ROLLE/REA

JUIN-JUILLET 2016 • N° 210 • www.adcf.org

DROIT18

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PAYS CHARITOIS (58)

Un kit pour des manifestations écologiques

A fin de limiter l’impact environnemental des événements et festivités organisés sur son territoire, la communauté de communes a créé un kit de manifestation. Mille gobelets en plastique écologiques (lavables et réutilisables) et quatre

points de tri mobiles sont prêtés gratuitement aux associations locales, au travers d’une convention signée avec l’intercommunalité. Cette action, au coût évalué à 8 170 euros, a bénéficié d’un financement de l’Ademe à hauteur de 70 % au titre du label Territoire zéro déchet, zéro gaspillage.

PARIS‑SACLAY (91)

Signature d’un contrat de développement territorial

L e 5 juillet a vu la signature du contrat de développement territorial « Paris-Saclay Territoire Sud » par la préfecture de la région Île-de-France, la région, le département de l’Essonne, le président de l’agglomération Paris-Saclay et les

représentants de six communes du territoire. Son objectif : participer au développe-ment d’un cluster économique et scientifique. En tout, 50 fiches projets composent le document et déclinent des actions portant sur la qualité de vie des habitants et des usagers du pôle d’excellence scientifique et technologique. En parallèle, un contrat de pôle a été signé avec la Société du Grand Paris afin d’améliorer la desserte et les transports sur le territoire.

NORD DE LA RÉUNION (974)

30 agents municipaux affectés à la police de l’environnement

À la communauté intercommunale du nord de La Réunion (Cinor), 30 agents de police municipaux sont affectés exclusivement à la police de l’environnement et de l’eau. À travers une convention signée entre l’agglomération et ses trois communes, leurs

salaires sont ainsi pris en charge par la Cinor, au titre de sa compétence environnement et des pouvoirs de police afférents. Cela représente un budget annuel de 1,1 million d’euros pour l’année 2016. « Ces agents, choisis sur la base du volontariat et de leurs motivations, se consacrent à 100 % à ces deux compétences », expliquait Rachid Razzak, directeur de l’environnement à la communauté, en janvier au Quotidien de La Réunion. Ils peuvent ainsi intervenir lors de pollutions ponctuelles, de branchements illégaux sur des réseaux d’eau, de dépôts sauvages d’ordures, etc. Si les verbalisations restent rares, l’objectif pour la communauté est plutôt « d’amener les gens à faire preuve de civisme » et de « conscien-tiser les habitants à la nécessité d’utiliser tous les moyens mis à leur disposition par la Cinor », ajoutait Radrid Razzak dans le même journal.

BASSE‑MARCHE (87)

Un mât de mesure des vents

D epuis le début de l’année, la communauté de communes de la Basse-Marche a accueilli un mât de mesure des vents. Haut de 85 m, ce dispositif permettra de récol-ter un grand nombre d’informations afin de préparer l’installation d’éoliennes sur

le territoire : orientation des vents, vitesses, température, hygrométrie du site, etc. Le pro-gramme, engagé depuis 2004, devrait compter 24 éoliennes. Leur installation est prévue pour 2017. Des oppositions locales se sont toutefois manifestées. « Le projet, totalement financé par la société Ostwind, permet d’avoir des retombées financières directes pour nos communes. Pour répondre aux opposants qui crient au scandale des lobbies, moi je dis que cet argent permettra de maintenir une certaine activité de vie dans nos campagnes, avec l’entretien des voiries, des écoles, des bâtiments publics », expliquait le 28 janvier Jean-Marie Guillemaille, président de la communauté, au quotidien Le Populaire. Les retombées financières du projet sont estimées à 315 000 euros par an pour la communauté, 70 000 euros pour les communes et 140 000 euros pour le département.

GRAND ÉVREUX (27)

Une pépinière numérique dans une base aérienne

S outenir et accompagner les porteurs de projet dans le domaine du numérique : telle est l’ambition de la pépinière Smart-Up Normandy Connexion. Ouverte mi-2015, elle accueille déjà sept start-up numériques. Celles-ci bénéficient d’un

accompagnement financier (participation aux loyers), de services et de compétences (espaces de réunion, de coworking, de restauration, appui à la recherche de financement, outils d’aide à la croissance, accès à des formations, etc.). La pépinière est le fruit d’un partenariat original entre l’agglomération du Grand Évreux, la CCI de l’Eure et la base aérienne 105. Site militaire abritant des unités de transport aérien, cette dernière entame sa reconversion vers une smart base, une « base intelligente » connectée vers l’extérieur. « À partir de technologies nouvelles et d’approches innovantes, le projet doit permettre d’augmenter l’efficacité des systèmes de combat, mais aussi d’améliorer les conditions de travail et le cadre de vie des personnels », souligne Denis Mercier, chef d’État-Major de l’armée de l’air, dans un entretien pour le site Evreux.fr. L’accueil d’une pépinière d’entreprises constitue à ce titre une première étape dans la stratégie d’ouverture vers le monde civil.

Le contrat de développement territorial participe au développement d’un cluster économique et scientifique. / © Communauté Paris-Saclay

Les points tri, entièrement construits à base de matériaux de récupération, ont été réalisés par le chantier d’insertion de la communauté. / © CC du Pays Charitois

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19TERRITOIRES

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conventionnationale de l’AdCF

POLITIQUES PUBLIQUESNotre devoir d 'ef f icac i té

STRASBOURGCENTRE DES CONGRÈS

12, 13 et 14 octobre 2016

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MERCREDI 12 OCTOBRE

15 H - 18 H

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ADCF

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ADGCF

JEUDI 13 OCTOBRE

10 H - 13 H

SÉANCE PLÉNIÈRE D’OUVERTURELes métropoles et communautés au centre du nouveau dialogue territorial

14 H 30 - 16 H 30

6 FORUMS• Planification territoriale

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• Gestion des ressources humaines

2 POINTS INFOS JURIDIQUES• Réorganisation des satellites

et opérateurs à l’aune des évolutions de périmètres

• Transfert des zones d’activité économique

16 H 45 - 18 H 30

RENDEZ-VOUS RÉGIONAUX

VENDREDI 14 OCTOBRE

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10 H 45 - 13 H

SÉANCE PLÉNIÈRE DE CLÔTURERévolution numérique : pour des stratégies digitales de territoires

14 H 30 - 16 H 30

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LES TEMPS FORTS 2016

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