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1 B ACHELOR : 2007-2008 MODULE : « D ROIT INTERNATIONAL DES AFFAIRES » ANIMATEUR : Z AKARIA ABOUDDAHAB OBJECTIF PEDAGOGIQUE : Connaître l’environnement juridique international des affaires, cerner les principa instruments juridiques régulant le commerce international, Comprendre les techniques juridiques qui président aux transactions commercial internationales, Appréhender les moyens de règlement des différends, Saisir quelques aspects récents du commerce mondial : Droit des investissement internationaux, propriété intellectuelle…) Cet enseignement tend donc à : Mettre en évidence la complexité du droit international, Indiquer les éléments de transformation et d’unification du droit commercial, Proposer les solutions à deux problèmes majeurs du contrat international, Faire un bon usage des conditions générales de vente et cerner les conditions juridiques de l’offre commerciale. METHODES PEDAGOGIQUES : * Une approche par compétences sera privilégiée. L’enseignement sera interactif : techniques d’animation de groupe (TAG), mises en situations, simulations, études de cas… SUPPORT : Un fascicule détaillé, en format Word/PDF, est mis à la disposition des participants par voie électronique (Appui), y compris des documents de travail (Affaires litigieuses, contrats, jurisprudence…). Des ressources pédagogiques électroniques seront en outre données. La consultation et la lecture du fascicule ainsi mis à disposition sont obligatoires.

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BACHELOR : 2007-2008 MODULE : « DROIT INTERNATIONAL DES AFFAIRES » ANIMATEUR : ZAKARIA ABOUDDAHAB

OBJECTIF PEDAGOGIQUE :

Connaître l’environnement juridique international des affaires, cerner les principaux instruments juridiques régulant le commerce international,

Comprendre les techniques juridiques qui président aux transactions commerciales internationales,

Appréhender les moyens de règlement des différends, Saisir quelques aspects récents du commerce mondial : Droit des investissements

internationaux, propriété intellectuelle…) Cet enseignement tend donc à :

Mettre en évidence la complexité du droit international, Indiquer les éléments de transformation et d’unification du droit commercial, Proposer les solutions à deux problèmes majeurs du contrat international, Faire un bon usage des conditions générales de vente et cerner les conditions

juridiques de l’offre commerciale. METHODES PEDAGOGIQUES : * Une approche par compétences sera privilégiée. L’enseignement sera interactif : techniques d’animation de groupe (TAG), mises en situations, simulations, études de cas… SUPPORT :

Un fascicule détaillé, en format Word/PDF, est mis à la disposition des participants par voie électronique (Appui), y compris des documents de travail (Affaires litigieuses, contrats, jurisprudence…). Des ressources pédagogiques électroniques seront en outre données.

La consultation et la lecture du fascicule ainsi mis à disposition sont obligatoires.

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PLAN DETAILLE :

PARTIE INTRODUCTIVE L’objectif de cette partie est de situer l’élément juridique par rapport aux autres modules du Bachelor I. QUE RECOUVRE LA NOTION DE DROIT INTERNATIONAL ? 1.1. UNE NOTION POLYSEMIQUE 1.1.1. DROIT INTERNATIONAL PUBLIC 1.1.2. DROIT INTERNATIONAL PRIVE 1.1.3. LA LEX MERCATORIA (DROIT DES MARCHANDS) 1.2. UNE NOTION SUBSTANTIELLE 1.2.1. ASPECTS INSTITUTIONNELS 1.2.2. ASPECTS NORMATIFS 1.2.3. ASPECTS OPERATIONNELS (LE BIAIS CONTRATCUEL ) II. ARTICULATIONS AVEC LES AUTRES MODULES 2.1.1. LIENS DIRECTS 2.1.2. LIENS INDIRECTS 2.1.3. EXEMPLES

LE CADRE JURIDIQUE DES OPERATIONS ECONOMIQUES

INTERNATIONALES

I. L’EVOLUTION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 1.1. LES EVOLUTIONS 1.1.1. L’ AVENEMENT COMMUNAUTAIRE ET SES INSIDENCES SUR LES PAYS TIERS COMME LE

MAROC (CAS DE LA TRAÇABILITE ) 1.1.2. UN DROIT DES PRATICIENS 1.1.3. LE DECLIN DES JURIDICTIONS ETATIQUES 1.2. LA COMPLEXITE DU DROIT INTERNATIONAL 1.2.1. LA DIVERSITE DES OPERATEURS 1.2.2. LA DIVERSITE DES OPERATIONS 1.2.3. LA DIVERSITE DES SYSTEMES JURIDIQUES 1.3. LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL 1.3.1. UNE VISION TRADITIONNELLE LEGALISTE

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1.3.2. LES CONVENTIONS INTERNATIONALES (FOCUS SUR QUELQUES TEXTES DE L ’OMC : AGRICULTURE , NORMES SPS, TEXTILES ET VETEMENTS , PROPRIETE INTELLECTUELLE , SERVICES , REGLES ET DISCIPLINES …)

II. LE DROIT APPLICABLE ET LE MODE DE REGLEMENT DES LITIGES 2.1. LE DROIT APPLICABLE 2.1.1. LE PRINCIPE DE L’AUTONOMIE DE LA VOLONTE 2.1.2. LA SOLUTION DES CONVENTIONS INTERNATIONALES 2.2. LE MODE DE REGLEMENT DES LITIGES 2.2.1. LES SOLUTION NEGOCIEES 2.2.2. LE RECOURS A LA JUSTICE ETATIQUE 2.2.3. LE RECOURS A L ’ARBITRAGE 2.2.4. APPLICATIONS : LE MODE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS DANS LE CADRE DE

L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE (DROIT ET PRATIQUE ) 2.3. L’EXECUTION DES DECISIONS JUDICIAIRES ET DES SENTENCES

ARBITRALES 2.3.1. L’ EXECUTION DES DECISIONS JUDICIAIRES 2.3.2. L’ EXECUTION DES SENTENCES ARBITRALES 2.4. LE CHOIX ENTRE L’ARBITRAGE ET LES TRIBUNAUX ETATIQUES 1.4.1. L’ IMPOSSIBILITE DE RECOURIR A L ’ARBITRAGE 2.4.2. LES AVANTAGES DE L ’ARBITRAGE 2.4.3. APPLICATIONS III. LE CONTRAT DE VENTE INTERNATIONALE DE MARCHANDISES 3.1. L’HARMONISATION DES REGLES DE LA VENTE INTERNATIONALE 3.1.1. LA CONVENTION DE VIENNE 3.1.2. LES AUTRES ELEMENTS D ’UNIFICATION 3.2. LA PREPARATION DE L’ACCORD 3.2.1. L’ OFFRE COMMERCIALE 3.2.2. LES CONDITIONS GENERALES DE VENTE EXPORT 3.3. LA CONCLUSION DE L’ACCORD 3.3.1. LA FORMATION DU CONTRAT 3.3.2. LES CONDITIONS GENERALES DE VENTE ET D ’ACHAT S ’OPPOSENT 3.4. LA FORMALISATION DE L’ACCORD

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3.4.1. L’ ECRIT ET SES AVANTAGES 3.4.2. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS CONTRACTUELLES 3.5. L’EXECUTION DU CONTRAT IV. LES AUTRES CONTRATS (APPLICATIONS/TRAVAUX DES

ETUDIANTS) 4.1. LA FRANCHISE COMMERCIALE INTERNATIONALE 4.2. LE CONTRAT DE TRAVAIL INTERNATIONAL 4.3. AUTRES (SOUS-TRAITANCE , JOINTVENTURES…) V. LE DROIT INTERNATIONAL DES SOCIETES : QUELQUES

PROBLEMES JURIDIQUES 5.1. DEFINITIONS 5.2. PROBLEMES (PROBLEME DE LA DOUBLE NATIONALITE , DE LA DOUBLE IMPOSITION

FISCALE...) 5.3. SOLUTIONS VI. ASPECTS RECENTS DU DROIT INTERNATIONAL DES

INVESTISSEMENTS 6.1. NOTIONS 6.2. PRATIQUE VII. LES ACCORDS DE LIBRE-ECHANGE (ALE) 7.1. LA NOTION D’INTEGRATION ECONOMIQUE REGIONALE (IER) 7.2. TYPOLOGIE 7.3. LICEITE PAR RAPPORT AU DROIT INTERNATIONAL ECONOMIQUE 7.4. APPLICATIONS (MAROC/UNION EUROPEENNE, MAROC/ETATS -UNIS, ZONE DE LIBRE-

ECHANGE ARABE…) VIII. ASPECTS NOUVEAUX DE DROIT INTERNATIONAL : LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION VIII. SYNTHESE

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ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE ET RESSOURCES INTERNET - Ouvrages : Les ouvrages sur le Droit international des affaires sont très nombreux. Ne seront ici cités que quelques-uns, à titre indicatif. L’ouvrage principal qui m’a servi à confectionner une bonne partie de ce module est un collectif : A. Barelier et al., Exporter, pratique du commerce international, 17è édition, Editions

Foucher, édité avec la collaboration du Centre Français du Commerce Extérieur, Paris, 2002, 693 pages.

- Ce livre est consultable sur le net (du moins le sommaire et les tests d’évaluation, copyright oblige !) à l’adresse suivante : www.exporter.editions-foucher.fr A partir de ce site web, vous trouverez des liens hypertexte utiles. C.-J. Berr et H. Trémeau, Le droit douanier, Editions Economica, Paris, 1988, 609

pages. D. Carreau et P. Juillard, Droit international économique, Editions LGDJ, Paris, 1998,

720 pages. T. Daoudi, Techniques du commerce international, Editions Arabian Al Hilal, Rabat,

1997, 403 pages. T. Daoudi, Pratique de l’import, Imprimerie Al Maârif Al Jadida, Rabat, 2002, 286

pages. T. Daoudi, Pratique de l’export, Imprimerie Al Maârif Al Jadida, Rabat, 2002, 233

pages. A. Slamti, Les techniques bancaires à l’international, Editions Edit, Casablanca,

2003, 523 pages. - Revues (sélection) Revue de droit des affaires internationales : www.iblj.com/fr Vous trouverez sur le

site web de cette revue beaucoup d’articles gratuits, des références bibliographiques… Le Moniteur du commerce international : www.lemoci.com (Toute l’info sur le

commerce international) - Sites Internet intéressants : "Organisation Mondiale du Commerce" : www.wto.org "Chambre de commerce internationale" (dite aussi "Organisation mondiale des

milieux d’affaires") : www.iccwbo.org "Institut international pour l’unification du droit privé" : www.unidroit.org "Commission des Nations Unies pour le droit commercial international" :

www.uncitral.org "Centre de commerce international" : www.intracen.org

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"Conférence de La Haye de droit international privé" : www.hcch.net "Cour permanente d’arbitrage" : www.pca-cpa.org "Centre international pour le règlement des différends internationaux relatifs aux

investissements" : www.worlbank.org/icsid.

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PARTIE INTRODUCTIVE

POUR L’INTELLIGIBILITE DU MODULE

I. QUE RECOUVRE LA NOTION DE DROIT INTERNATIONAL ? La notion de Droit international (DI) est chargée de sens et recouvre une matière dense. 1.1. UNE NOTION POLYSEMIQUE Traditionnellement, on répartit le DI en trois rubriques. 1.1.1. Le Droit international public C’est la partie la plus vaste du DI, car elle comprend l’ensemble des règles et institutions régissant les relations internationales (relations économiques, diplomatiques, culturelles…) Mais cette partie s’adresse essentiellement aux acteurs gouvernementaux des relations internationales, c’est-à-dire aux Etats et aux Organisations internationales : ONU, OIT, OMS… Exposé sommaire de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (dispositions et principes essentiels) Applications : sommaire de certains contentieux traités par la Cour Internationale de Justice (Barcelona Traction, intérêts des ressortissants américains au Maroc, affaire Nottebohm, affaire du Sahara occidental…) 1.1.2. Le Droit international privé Au contraire, le DI privé régit les relations entre des personnes privées (physiques « individus » ou morales « entreprises ») se situant, toutefois, dans des pays différents. Ainsi quand une société conclut un contrat à vocation internationale (contrat de vente par exemple) Il revient aux règles du DI privé de déterminer la nature juridique de cette opération, spécifier le mode de règlement des différends en cas de litige, etc. Traditionnellement, le DI privé concerne quatre domaines : la nationalité, la condition des étrangers, les conflits de loi et les conflits de juridiction 1.1.3. La Lex Mercatoria C’est une notion d’expression latine qui veut dire, littéralement, « Loi marchande » Elle se rapproche donc de la notion de « Mercatique ». Si les règles de DI, aussi bien public que privé, sont élaborées essentiellement par des instances gouvernementales (par exemple les conventions internationales), celles qui appartiennent à la catégorie de la lex mercatoria sont le fait des opérateurs économiques eux-mêmes, c’est-à-dire les entreprises agissant à l’international comme les firmes

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multinationales. Il en est ainsi des fameux Incoterm (International Commercial Terms) qui définissent les obligations respectives et le partage des responsabilités entre le vendeur et l’acheteur. 1.2. UNE NOTION SUBSTANTIELLE Le DI comprend un vaste réseau de règles, de textes, d’organisations. 1.2.1. Aspects institutionnels Droit de l’ordre institutionnel, le DI coiffe l’organisation et le fonctionnement d’une multitude d’acteurs intergouvernementaux : Etats et Organisations internationales (OI), notamment. De nos jours, le rôle des OI est devenu croissant. Il suffit de citer le rôle, de plus en plus important, occupé par le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale du Commerce… dans la scène internationale. Il est vrai que d’autres acteurs font leur irruption dans la sphère internationale, comme les ONG (Organisation non gouvernementales), les universités, voir les individus. 1.2.2. Aspects normatifs L’on veut dire par là le réseau étoffé de textes juridiques produits par les sujets de droit international. Leur nombre est impressionnant et beaucoup d’entre eux ont une incidence directe sur la vie internationale des affaires, comme les Accords de Marrakech ayant établi l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) 1.2.3. Aspects opérationnels (le biais contractuel) Ces aspects font pendant à la lex mercatoria ; ils ont donc trait à la production normative des opérateurs eux-mêmes qui, par le biais d’institutions, codifient la pratique du commerce international. Il faudra ici mentionner le rôle important occupé par la Chambre de Commerce Internationale, créée en 1919, et dont le siège est à Paris. Le contrat international est donc le moyen juridique qui donne un contenu opérationnel au DI des affaires. II. ARTICULATIONS AVEC LES AUTRES MODULES Il existe des liens entre ce module et les autres. 1.2.1. Liens directs Avec le module des techniques commerciales internationales, la complémentarité est avérée. Il faudra donc trouver les points de jonction, et ils sont nombreux, entre le DI et les TCI. 1.2.2. Les liens indirects Le DI est par nature une matière pluridisciplinaire. C’est une matière carrefour autour de laquelle gravitent d’autres éléments de nature commerciale, financière, etc.

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Marketing, finances, techniques de négociation, communication… peuvent trouver des échos dans le DI. 1.2.3. Exemples (application sous forme de jeux de rôle et retour sur expérience) En d’autres termes, la transaction internationale fait intervenir de nombreux acteurs, chacun ayant un regard particulier sur l’opération : - Le commercial à qui revient la charge de définir « l’offre solution » qui répondra le

mieux aux attentes de son client ; - Le juriste, qui vérifiera l’adéquation des contrats à la volonté des parties, à leurs

exigences de sécurité et au cadre juridique choisi comme référence ; - Le financier, soucieux de préserver l’équilibre de l’entreprise, tant pendant la durée

de réalisation du contrat qu’au cours de la période de crédit ; - Le logisticien, qui devra organiser les flux physiques et les flux d’informations de

façon à optimiser le service rendu à la clientèle dans le cadre des coûts prévus pour la transaction.

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LE CADRE JURIDIQUE DES OPERATIONS ECONOMIQUES INTERNATIONALES (PREMIERE PARTIE)

I. L’EVOLUTION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL Les échanges commerciaux internationaux connaissent un remarquable développement, généralement supérieur à la croissance économique des Etats. Se situant dans une perspective non seulement mondiale mais aussi régionale, il convient de souligner un certain nombre de points. 1.1. L’ AVENEMENT COMMUNAUTAIRE ET SES INCIDENCES SUR LES PAYS TIERS COMME

LE MAROC (CAS DE LA TRAÇABILITE) Le droit communautaire, dont la base principale est le Traité de Rome du 25 mars 1957 créant la Communauté économique européenne (CEE), a contribué, de manière considérable, à l’harmonisation des législations commerciales des pays membres (aujourd’hui 27). Les sources du droit communautaire sont de diverses catégories : - Le règlement : il a une portée générale ; il est obligatoire dans tous ses éléments, et est

d’application directe une fois publié au Journal officiel des Communautés européennes.

- La directive : elle « lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux institutions nationales la compétence quant à la forme et aux moyens » (article 189, alinéa 3 du Traité établissant la CEE)

- La décision individuelle est obligatoire en tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne.

- Les recommandations et avis se distinguent des autres instruments en ce sens qu’ils n’ont pas de force contraignante. Elles constituent néanmoins une source d’inspiration pour les législations nationales.

Etant donné que le Maroc est lié à l’Union européenne par un Accord d’association, conclu en 1995, les réglementations communautaires, par exemple les règlements, ont une incidence quasi-directe sur les exportations marocaines. On peut prendre l’exemple de la notion de « Traçabilité » En effet, depuis le 1 er janvier 2005, les entreprises marocaines intervenant dans le domaine de l’agroalimentaire ne pouvaient exporter sur le marché communautaire si elles n’avaient adopté ce principe.

Qu’est ce que la traçabilité ?

La traçabilité a été définie en 1987 par la norme NF EN ISO 8402 comme : " l'aptitude à retrouver l'historique, l'utilisation ou la localisation d'une entité au moyen d'identifications enregistrées ". L'entité peut désigner :

une activité, un processus ; un produit ; un organisme ou une personne.

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Lorsqu’il se rapporte à un produit, le terme " traçabilité " peut se référer à :

l'origine des matériaux et des pièces ; l'historique des processus appliqués au produit ; la distribution et l'emplacement du produit après livraison.

Du point de vue de l'utilisateur, la traçabilité peut être définie comme le fait de suivre des produits qualitativement et quantitativement dans l'espace et dans le temps. Du point de vue de la gestion de l'information, mettre en place un système de traçabilité dans une chaîne d'approvisionnement, c'est associer systématiquement un flux d'informations à un flux physique. L'objectif est de pouvoir retrouver, à l'instant voulu, des données préalablement déterminées relatives à des lots ou regroupements de produits (également préalablement déterminés) et ce, à partir d'un ou plusieurs identifiants clés.

L'article 3 du règlement européen (CE) n°178/2002 précise également que « la libre circulation des denrées alimentaires et des aliments pour animaux dans la Communauté ne peut être réalisée que si les prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ne diffèrent pas de manière significative d'un État membre à l'autre. »

1.1.2. Un droit des praticiens

La CCI s’appuie sur la pratique pour formuler des standards reconnus dans des domaines importants (Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires, règlement d’arbitrage…)

Ce mouvement vers un droit de praticiens est encouragé au niveau communautaire et, par extension, il a des incidences sur le Maroc lequel doit s’aligner sur les normes communautaires (voir le Plan d’action conclu entre le Maroc et l’Union européenne en 2004)

1.1.3. Le déclin des juridictions étatiques

Le fonctionnement classique de la justice caractérisé par le principe de la collégialité, l’oralité et la publicité des débats, la publication des décisions, s’accommode difficilement avec les exigences de rapidité, de confidentialité qu’exigent les transactions commerciales, d’où le recours, par les opérateurs à des systèmes alternatifs, en particulier l’arbitrage (justice d’opportunité). Au plan communautaire, recours à la Cour de justice des communautés européennes (ordre supranational)

1.2. La complexité du droit international

Cette complexité peut être saisi à travers deux aspects.

1.2.1. La diversité des opérateurs

Les échanges économiques internationaux font intervenir des opérateurs publics et privés : Etats, ONG à vocation économique, entreprises…

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Les sociétés agissant à l’international s’accommodent mal des instruments juridiques étatiques et des limites des frontières. Par conséquent, elles privilégient l’élection de leurs propres juges et, donc, se soustraire aux tribunaux étatiques.

1.2.2. La diversité des opérations

Ces opérations ont en commun un accord qui forme le contrat. Les négociations et les documents contractuels ne seront pas les mêmes selon que l’entreprise vend des biens ordinaires faisant l’objet de courants réguliers d’exportation ou qu’elle procède à des opérations complexes comme la vente de biens d’équipement, d’ensemble industriels.

1.2.3. La diversité des systèmes juridiques

Le besoin de règles sûres et claires a été à l’origine de nombreuses tentatives pour uniformiser le droit des contrats notamment. L’apport le plus important est constitué par la Convention des Nations Unies sur le contrat de vente internationale de marchandises, conclue à Vienne le 11 avril 1980.

Les questions juridiques relatives aux relations contractuelles d’opérateurs d’Etats différents demeurent naturellement complexes puisqu’il n’existe pas un véritable droit supranational reconnu. Le droit international est, en fait, une juxtaposition de règles juridiques nationales divergentes le plus souvent.

Exemples de systèmes juridiques (summa divisio élaborée par René David)

Droits romano-germaniques (civil law) (Europe occidentale, Amérique latine, anciennes colonies françaises et belges) : Le droit est le fait du législateur. Conception dirigiste.

Droits anglo-saxons (common law) (Grande-Bretagne, Etats-Unis, anciennes colonies britanniques) : Le droit est essentiellement coutumier et jurisprudentiel. Droit libéral par essence.

Droits à dominante religieuse (Chine, Inde, Japon…) : Méfiance à l’égard du droit non reconnu comme modèle de régulation des relations sociales. Solution des problèmes par voie amiable et non contentieuse.

Droit musulman. Le droit peut être régi par la Chariâ. Droits des ex-pays socialistes (Russie et pays de l’Est) : Droit en évolution, non

stabilisé, empruntant des dispositions aux droits étrangers. Une place est reconnue au principe de l’autonomie de la volonté (nombreuses

dispositions supplétives)

1.3. Les sources du droit international

Elles sont nombreuses.

1.3.1. Une vision traditionnelle légaliste

La perception du droit national s’appuie sur un système pyramidal qui comprend trois sources : la loi, l’autonomie de la volonté et la jurisprudence.

1.3.2. Les conventions internationales

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Elles sont soit :

Bilatérales (exp. Convention sur la protection réciproque des investissements) ; Soit multilatérales (exp. Accords de l’OMC)

Ces Accords ont été conclus à Marrakech, en avril 1994. Le 1 er janvier 1995, l’OMC entre en vigueur, en remplacement du GATT de 1947. Plusieurs aspects/secteurs sont couverts par la nouvelle organisation :

Agriculture (tarification, baisse des subventions…) ; Normes sanitaires et phytosanitaires (harmonisation internationale à travers

l’alignement sur les standards internationaux élaborés par les organismes compétents comme l’OMS, la FAO, l’Office international des épizooties, le Codex alimentarius…) ;

Textiles et vêtements : Démantèlement de l’AMF (Accord multifibres), entrée en vigueur de l’ATV (Accord sur les textiles et les vêtements), retour au régime normal des échanges à partir du 1er janvier 2005)

Propriété intellectuelle : Harmonisation à travers l’adoption des textes internationaux pertinents, dont la Convention de Berne et de Paris portant, respectivement, sur la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique.

Services (intégration pour la première fois des services dans le système commercial multilatéral. Le nouveau corpus juridicum établi par le GATS/AGCS) ;

Règles et disciplines : Renforcement et amélioration : anti-dumping, subventions, règles d’origine, évaluation en douane, inspection avant expédition, entreprises commerciales d’Etat, obstacles techniques au commerce…

II. LE DROIT APPLICABLE ET LE MODE D REGLEMENT DES LITIGES

Désigner le droit applicable au contrat, organiser le mode de traitement des litiges, telles sont les deux préoccupations majeures qui dominent la rédaction des contrats internationaux.

2.1. Le droit applicable 2.1.1. Le principe de l’autonomie de la volonté

Son fondement se trouve dans le Code civil marocain (Dahir des Obligations et des Contrats) : « Les conventions légalement faites tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »

L’autonomie de la volonté confère aux parties une grande liberté pour choisir le droit qui régit l’accord. La sécurité juridique, impératif prioritaire, exige que le choix du droit applicable soit fait.

Le droit est indiqué dans le contrat : Les négociateurs ont un choix.

- Retenir le droit du pays de l’exportateur. C’est souvent le souhait du vendeur parce qu’il le connaît le mieux.

- Choisir le droit du pays de l’acheteur. - Choisir un droit tiers. C’est un choix opéré par pragmatisme (droit du pays où siégera

la juridiction désignée)

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Le droit n’est pas indiqué dans le contrat :

Cette situation peut se produire dans plusieurs cas (silence juridique, inadvertance, opposition entre le vendeur et l’acheteur…)

Dans ce cas, le silence des parties va conduire le juge saisi d’un litige à rechercher lui-même les indices (lieu de formation, d’exécution, de paiement…) afin de rattacher l’accord à un système juridique en recherchant la volonté implicite des cocontractants ; d’où le risque de perte de temps, de dispersion…

2.1.2. La solution des conventions internationales

La Convention de La Haye (15 juin 1955)

A défaut d’indication du droit applicable dans le contrat, la Convention de La Haye du 15 juin 1955 retient en matière de vente de biens mobiliers corporels l’application de la réglementation du pays du vendeur. Néanmoins, la loi du pays de l’acheteur s’applique quand le vendeur s’est déplacé dans le pays de son client pour conclure le contrat.

y La Convention de Rome (1er avril 1991)

Cette convention apporte des règles précises ayant pour but de résoudre le problème du droit applicable aux contrats internationaux. Selon ce texte, en l’absence de désignation certaine, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. La solution consiste à retenir la loi du pays :

- Du vendeur (contrat de vente) ; - De l’agent (contrat de distribution) ; - Du siège social du banquier (accord du prêt ou de garantie).

2.2. Les modes de règlement des litiges

Il existe une panoplie de choix possibles pour régler les conflits pouvant naître suite à une mauvaise application des clauses du contrat de vente commerciale internationale :

- recourir aux solutions négociées afin d’obtenir un arrangement satisfaisant ; - saisir le juge ou l’arbitre quand le litige est inévitable.

2.2.1. Les solutions négociées

La conciliation : règlement amiable, suivant en cela l’adage : « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès »;

La médiation : intervention d’un médiateur pour la recherche d’une solution ; L’expertise technique : intervention d’un expert lorsque le contentieux est d’ordre

technique.

2.2.2. Le recours à la justice étatique

La clause d’attribution de juridiction.

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Elle permet de désigner le tribunal qui sera compétent pour trancher le litige.

L’absence de clause attributive de juridiction.

S’il n’y a pas de contrat écrit ou lorsque le contrat n’a rien prévu, le tribunal compétent est en général la juridiction du domicile du défendeur, conformément à l’adage : « Le défendeur suit le demandeur »

2.2.3. Le recours à l’arbitrage

L’arbitrage est fréquemment utilisé pour résoudre les litiges commerciaux internationaux. Il est le résultat de la clause compromissoire ou du compromis d’arbitrage.

Remarque:

La clause compromissoire est insérée dans le contrat et est rédigée avant la naissance du litige ;

Le compromis d’arbitrage est convenu entre les parties après la naissance des litiges.

Dans les deux cas, les parties peuvent organiser elles-mêmes les modalités de l’arbitrage (arbitrage « ad hoc ») ou adhérer à un règlement d’arbitrage à qui elles laissent le soin de constituer le tribunal arbitral.

L’arbitrage ad hoc

Exemple : Clause compromissoire (arbitrage « ad hoc »)

« Tout litige pouvant survenir à propos de ce contrat sera réglé par voie d’arbitrage.

Les parties conviennent de soumettre tous les litiges, sans exception, pouvant naître de la validité, de l’interprétation, ou de l’exécution du présent accord, à un tribunal arbitral qui sera constitué de la façon suivante :

- Chaque partie désignera un arbitre ; à défaut par l’une d’elles de le faire dans un délai de quinze jours, son arbitre sera nommé par le président du tribunal arbitral de Paris.

- Les deux arbitres ainsi désignés nommeront un troisième arbitre. Faute par les arbitres de s’entendre sur le nom de ce troisième arbitre, il sera nommé à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal arbitral de Paris.

- Les arbitres ne seront pas tenues d’observer les règles de procédure n les délais prescrits par le Code de procédure civile : ils agiront comme amiables compositeurs, et statueront en dernier ressort, quels que soient la décision et l’objet du litige. L’arbitrage aura lieu à Paris.

L’arbitrage institutionnel

Il trouve son fondement dans un choix volontariste des contractants pour obtenir la solution à leurs différends. Dans cette optique, il faut mentionner les services offerts par la Chambre de Commerce Internationale, laquelle a mis en place un Règlement de conciliation et d’arbitrage (12 000 affaires traitées depuis son entrée en vigueur !)

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La clause d’arbitrage de la CCI est la suivante : « Tous différends découlant du présent contrat seront tranchés définitivement suivant le Règlement de conciliation et d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un ou plusieurs arbitres nommés conformément à ce règlement »

Les phases de la procédure d’arbitrage :

1. La partie – ou les parties – ayant une revendication (la demanderesse) dépose une demande d’arbitrage au secrétariat de la Cour internationale d’arbitrage à Paris.

2. Le secrétariat transmet la demande à l’autre partie ou aux autres parties – (la défenderesse) qui doit faire parvenir sa réponse dans les trente jours.

3. La Cour internationale d’arbitrage met en œuvre la procédure (constitution du tribunal arbitral, détermination du lieu de l’arbitrage et de la provision pour les frais d’arbitrage) et, au reçu de la moitié de la provision, transmet le dossier au tribunal arbitral.

4. Le tribunal arbitral établit un acte de mission et le communique à la Cour dans un délai de deux mois, lequel peut être renouvelé. La Cour examine l’acte de mission afin qu’il soit conforme au Règlement CCI. Elle en prend note (lorsque toutes les parties l’ont signé) ou l’approuve (lorsqu’une partie ne le signe pas) avant la poursuite de la procédure.

5. Lorsque la seconde moitié de la provision est réglée, le tribunal arbitral instruit l’affaire au fon dans un délai de six mois qui peut être prorogé et soumet à la Cour un projet de sentence.

6. La Cour examine le projet de sentence et, le cas échéant, peut attirer l’attention des arbitres sur des questions de fond et prescrire des modifications de forme sans toutefois porter atteinte à la liberté de décision du tribunal arbitral. La sentence approuvée est ensuite notifiée aux parties par le Secrétariat.

7.

2.2.4. Applications : L’Organe de Règlement des Différends de l’OMC (revue de certaines affaires)

Dans le cadre de l’OMC, la procédure passe d’abord par trois étapes fondamentales :

- La première est celle de la conciliation, médiation et bons offices ;

- La seconde est celle de la constitution des Groupes spéciaux ;

- La troisième est celle de l’intervention de l’Organe d’appel.

* Quelques affaires traitées par l’ORD : affaire banane, bœuf aux hormones, aides fiscales à l’exportation, essence nouvelle formule… Nous rendrons compte de certaines d’entre elles grâce au menu interactif de l’OMC1.

2.3. L’exécution des décisions judiciaires et des sentences arbitrales

1 Visitez dès lors le website de cette institution : www.wto.org Suivez ressources, puis cliquez sur enseignement on-line. Consultez la rubrique dédiée au Règlement des Différends (Dispute Settlement)

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Des conventions internationales organisent la reconnaissance, l’exécution des jugements ou des sentences arbitrales ou en facilitent l’exequatur : jugement de l’autorité judiciaire d’un pays qui rend exécutoire sur son territoire une décision rendue par une juridiction étrangère.

2.3.1. L’exécution des décisions judiciaires

On peut citer des exemples, tant multilatéraux que bilatéraux.

Au plan multilatéral, la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 signée par les Etats de la CEE et les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) prévoit la reconnaissance mutuelle des jugements.

Au plan bilatéral, beaucoup de pays ont conclu entre eux des conventions sur la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires rendues par les tribunaux nationaux.

A défaut de telles conventions, la justice française (si on retient cet exemple) exige que quatre (4) conditions cumulatives soient réunies pour qu’une décision d’une juridiction étrangère obtienne l’exequatur :

- la compétence du tribunal du commerce selon les règles françaises ;

- la régularité de la procédure ;

- l’application de la loi compétente selon les dispositions françaises ;

- l’absence de toute fraude à la loi.

2.3.2. L’exécution des sentences arbitrales

En général, les jugements arbitraux rendus sont appliqués (environ 70%). Mais ce n’est pas toujours le cas. Il convient alors de rechercher la solution dans les conventions multilatérales, en particulier la Convention de New York du 10 juin 1958. Cette convention permet à la partie qui demande l’exequatur d’une sentence arbitrale sur son territoire de l’obtenir en fournissant au tribunal du lieu d’exécution l’original ou une copie authentifiée de la sentence et de la clause compromissoire et si nécessaire, leur traduction authentifiée.

Le juge du tribunal de grande instance, chargé de l’exequatur des sentences arbitrales, ne peut refuser la formule exécutoire que si la sentence est manifestement contraire aux principes de l’ordre public international : objet du différend non susceptible d’être réglé par la voie de l’arbitrage.

2.3. Le choix entre l’arbitrage et les tribunaux étatiques

2.4.1. L’impossibilité de recourir à l’arbitrage

Parfois, les parties rejettent la justice étatique. En outre, il existe des cas qui imposent le recours aux tribunaux nationaux de droit commun.

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Exemples :

Certains Etats comme l’Irak et l’Algérie récusent l’arbitrage sauf conventions bilatérales parce qu’il peut être contraire à la législation interne en vigueur ;

Les clients, notamment japonais, récusent l’arbitrage quand ils sont en position de force pour attribuer la compétence aux juridictions de leurs pays ;

Les litiges relatifs aux brevets, qui font partie de la propriété industrielle, ne peuvent être soumis aux cours arbitrales selon le droit français.

2.4.2. Les avantages de l’arbitrage

Utiliser l’arbitrage, c’est recourir à un droit des praticiens. La difficulté d’obtenir l’exequatur des décisions judiciaires peut être une raison déterminante de recourir à l’arbitrage. L’impartialité, la neutralité, la confidentialité et l’efficacité de la solution sont autant d’avantages procurés par l’arbitrage.

Néanmoins, l’arbitrage présente un inconvénient, son coût élevé2.

2 Pour plus de détails, voir « Règlement de conciliation et d’arbitrage de la CCI »

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LES AVANTAGES DE L’ARBITRAGE

Impartialité

- Désignation d’arbitres qui peuvent avoir une nationalité

différente de celle des parties.

Neutralité

- Lieu de l’arbitrage, qui se déroule le plus souvent dans un pays tiers pour des raisons logistiques mais aussi psychologiques (ne pas régler le contentieux sur le territoire de son adversaire).

- Désignation d’arbitres pratiquant une langue connue des deux parties au litige.

Confidentialité

- Un nombre restreint de personnes accèdent au dossier. - La procédure n’est pas publique. - Les décisions ne sont pas publiées et demeurent secrètes.

Efficacité

- Qualité des arbitres, qui en plus des compétences juridiques et linguistiques, possèdent les connaissances techniques nécessaires, ce qui permet de rechercher une décision conforme à ce qu’en attendent les contractants.

- Mode de règlement relativement rapide car les règlements d’arbitrage prévoient le plus souvent que les sentences ne sont pas susceptibles de voies de recours (appel, pourvoi en cassation),

- Sentences arbitrales souvent exécutées spontanément car elles sont mieux adaptées que les décisions prises par les tribunaux ordinaires, ce qui contribue à sauvegarder la bonne entente et le maintien des relations commerciales entre les parties,

- Dispositions de la Convention de New York facilitant l’exécution de la sentence lorsqu’il est nécessaire de recourir à des procédés contraignants.

Source : Exporter, pratique du commerce international, 17è édition, Editions Foucher, Paris, 2002, p. 314.

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III. LE CONTRAT DE VENTE INTERNATIONALE DE MARCHANDISES 3.1. L’HARMONISATION DES REGLES DE LA VENTE INTERNATIONALE Les travaux entrepris pour harmoniser le droit de la vente internationale ont abouti en 1964 à l’adoption des deux traités portant respectivement « Loi uniforme sur la vente internationale de bien mobiliers corporels » (LUVI) et « Loi uniforme sur la formation des contrats de vente internationaux de bien mobiliers corporels » (LUFC) Néanmoins, c’est la convention de Vienne du 11 avril 1980 qui constitue le droit commun du droit des contrats internationaux liés à la vente internationale des marchandises. 3.1.1. LA CONVENTION DE VIENNE Ce traité permet d’assurer aux échanges commerciaux une réglementation moderne, adaptée aux exigences effectives de la pratique commerciale. a – Les apports de la convention La Convention de Vienne constitue un instrument majeur du droit relatif au commerce international pour plusieurs raisons :

- elle concerne le contrat de vente et s’applique, de ce fait, directement aux échanges internationaux ;

- elle a un caractère universel puisqu’elle a été élaborée sous l’égide des Nations Unies - elle a adopté une méthode spécifique pour unifier le droit relatif au commerce

international ; - elle est constituée de règles puisées dans les différentes législations nationales avec le

souci du compromis ;

b – Les champs d’application de la Convention de Vienne La CV ne s’applique qu’aux ventes internationales de marchandises Ainsi, sont exclus du champ d’application certaines catégories de ventes comme les « marchandises réalisées pour un usage personnel, familial ou domestique de l’acheteur… » La CV ne s’applique que dans les circonstances suivantes : - Aux ventes quand l’Etat de l’une des deux parties a ratifié la convention ; - Aux ventes quand les juges ou les arbitres retiennent le droit d’un Etat contractant

signataire, en application du droit international privé (cas de l’absence de désignation du droit dans le contrat)

- Aux contractants de pays non signataires quand ils y font expressément référence. La CV ne régit pas toutes les questions de la vente internationale

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Elle réglemente exclusivement les problèmes concernant la formation du contrat de vente (art. 14 à 24) et les droits et obligations que le contrat fait naître entre le vendeur et l’acheteur (art. 31 à 84) Par contre, les dispositions de la CV ne concernent pas les règles de validité du contrat. c – Les principales caractéristiques de la Convention de Vienne : - La souplesse : la CV ne remplace pas la volonté des parties contractantes mais elle a supplée (lois impératives/lois supplétives) Par conséquent, la CV devient la règle de la vente internationale conclue par une entreprise marocaine dès lors que son application n’a pas été écartée expressément. - Le pragmatisme : afin de faciliter la compréhension du texte, les rédacteurs ont évité

l’usage de termes et concepts juridiques propres à certains pays, pour utiliser des expressions suffisamment neutres et novatrices.

Exemple : La convention écarte le concept de « délivrance », qui est l’obligation imposée au

vendeur, de remettre le bien vendu à la disposition de l’acheteur ; La force majeure, concept typiquement français, a également été évitée et les

négociateurs ont retenu une définition plus analytique des causes d’exonération de la responsabilité contractuelle ;

Un caractère profondément international : en effet ce corps autonome de règles peut être interprété par les arbitres internationaux, les opérateurs du commerce international et les juges nationaux.

d – Le choix de l’application de la Convention de Vienne (Droit neutre) La CV s’applique, sauf stipulation contraire des parties. Toute entreprise qui se livre à des opérations d’exportation et d’importation doit se demander s’il convient d’écarter les dispositions de la CV. 3.1.2. LES AUTRES ELEMENTS D’UNIFICATION a - Les Incoterms (V. cours de M. Bouayad) Le transport des marchandises pose un problème fondamental : à quel moment les risques et les frais sont-ils transférés à l’acheteur ? Les Incoterms qui définissent en la matière les diverses obligations du vendeur et de l’acheteur répondent à ces questions et évitent les incertitudes nées d’ « interprétations différentes de ces termes d’un pays à un autre » (Incoterms CCI 2000) b - Les techniques de paiement La remise documentaire mais surtout le crédit documentaire constituent des techniques de paiement largement utilisées pour rassurer les parties au CVI. Les règles et usances uniformes (RUU) relatives aux crédits documentaires, publiées par la CCI ont un caractère universel. Le contentieux est peu important car les tribunaux ont consacré l’autonomie du crédit documentaire par rapport aux contrats de base dès lors qu’il présente un caractère irrévocable.

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Sujet de réflexion : Quel est le rôle des instances de régulation monétaire internationale en matière de paiements internationaux ? (FMI, BRI…) c - Les transports internationaux Le contrat de transport est un contrat accessoire à la vente. Pour simplifier une opération et éviter la délicate question du droit applicable, des conventions internationales portant loi uniforme ont été élaborées et adoptées par plusieurs pays. Il s’agit de : - La Convention de Bruxelles pour le transport maritime, - La Convention de Varsovie pour le transport aérien, - La Convention de Genève pour le transport routier, - La Convention de Berne pour le transport ferroviaire. 3.2. LA PREPARATION DE L’ACCORD Exporter est une opération qui demande une préparation minutieuse, rigoureuse et le respect de certaines règles essentielles en raison des nombreuses spécificités que présente tout marché étranger. D’où les éléments suivants : 3.2.1. L’OFFRE COMMERCIALE a - Une offre attrayante et précise Cette offre doit être suffisamment précise, ferme et dépourvue d’équivoque pour que l’acceptation de son destinataire suffise à former le contrat. b - La facture pro-forma, support normal de l’offre commerciale La FPF formalise la proposition du vendeur et permet à l’acheteur éventuel de connaître le montant, les modalités de la commande. Elle est également utilisée par l’acheteur pour solliciter des autorisations comme la licence d’importation, l’ouverture d’un crédit documentaire lorsque cette technique de paiement est imposée par le vendeur. 3.2.2. LES CONDITIONS GENERALES DE VENTE EXPORT Ces conditions permettent de définir à l’avance le cadre juridique applicable à chaque commande, ce qui évite d’avoir à élaborer des dispositions contractuelles pour chaque affaire. a - Les principes d’une bonne rédaction Chaque exportateur doit rédiger des conditions générales qui lui sont propres. Quelques précautions sont à prendre pour une mise en œuvre efficace des conditions de vente export : Eviter les clauses excessives ou « abusives » ; Aller à l’essentiel : prix, délai, modalités, garanties, règlement des litiges… ; Distinguer le général du particulier ; Ne pas hésiter à les modifier. b - La spécificité des conditions générales de vente

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Toute entreprise désireuse d’exporter doit se renseigner auprès de l’organisation professionnelle à laquelle elle est affiliée pour savoir si des CGVE ont été rédigées. Exemple : Code d’usage pour la vente de fruits, légumes et primeurs frais et comestibles, utilisable dans les pays de l’Union européenne. c- Les conditions générales, éléments de clarification des relations contractuelles La rédaction ou la révision des conditions générales permet de prévenir les difficultés résultant d’incompatibilités entre les conditions générales d’achat et les conditions générales de vente. Il est essentiel de s’assurer que les conditions générales sont opposables aux partenaires de l’entreprise car il est inutile d’établir des conditions complexes si elles ne sont pas juridiquement applicables. La lisibilité des conditions générales pour assurer leur opposabilité est essentielle : il faut bannir les caractères trop petits, donc difficilement lisibles. Lorsque les conditions générales sont imprimées au verso des documents contractuels, il convient de porter au recto d’une manière très apparente, une mention du type « voir au verso nos conditions générales de vente » Il est souhaitable, pour des raisons commerciales et juridiques (compréhension parfaite et non équivoque), que les conditions générales de vente soient rédigées dans la langue du pays de l’acheteur, ou à défaut dans la langue véhiculaire (ex : l’anglais) 3.3. LA CONCLUSION DE L’ACCORD 3.3.1. LA FORMATION DU CONTRAT Elle est pratiquement assujettie aux règles de droit civil : offre + acceptation (expresse ou tacite ; contrat écrit ou verbal…) Dans ses articles 14 à 24, la CVIM traite de ces conditions de formation. Selon l’article 15, l’offre « prend effet lorsqu’elle parvient au destinataire » (pour plus de détails, voir texte de la Convention) 3.3.2. Les conditions générales de vente et d’achat s’opposent La liberté contractuelle autorise les parties à organiser librement leurs rapports commerciaux, la seule limite étant constituée par la nécessité de respecter les dispositions d’ordre public. Les fournisseurs rédigent des conditions générales de vente et certains clients potentiels cherchent à imposer leurs conditions d’achat (comme les Allemands par exemple) Les conditions générales de vente et d’achat sont naturellement opposées puisque les premières protègent le vendeur et les secondes l’acheteur. Il en résulte de nombreuses sources de conflit pour déterminer lesquelles prévalent. Quelques lignes directrices peuvent être suivies quand il y a problème. - Les conditions générales de vente et d’achat contradictoires s’annulent. - Les conditions particulières, donc réservées à certains clients, priment sur les conditions générales. - Les contradictions partielles entraînent l’annulation des clauses contradictoires… 3.4. LA FORMALISATION DE L’ACCORD

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En matière de contrats internationaux, l’écrit est très souhaitable (contrats type) 3.4.1. L’ECRIT ET SES AVANTAGES L’écrit offre des avantages en cas de difficultés. En effet, c’est le plus souvent l’acheteur qui tirera parti de l’imprécision ou d’un « vide juridique » si une contestation survient. 3.4.2. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS CONTRACTUELLES En commerce international, il est nécessaire que chaque partie sache ce qu’elle peut exiger de l’autre et quels ont les droits et les obligations réciproques des contractants. L’élaboration d’un contrat revêt donc une importance particulière car sans accord formalisé, les parties sont juridiquement mal protégées. On peut citer quelques dispositions contractuelles principales : * Les parties au contrat ; * L’objet ; * L’entrée en vigueur ; * Les obligations du vendeur ; * Les obligations de l’acheteur ; * Le transfert de propriété ; * Le transfert des risques ; * Le droit du contrat et règlement des litiges ; * La langue du contrat. 3.5. L’EXECUTION DU CONTRAT Une mauvaise exécution du contrat mettra en jeu la responsabilité contractuelle du débiteur défaillant. La Convention de Vienne prévoit es « remèdes » pour favoriser l’exécution du contrat toutes les fois que c’est possible. Ainsi la vérification de la marchandise doit se faire dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances (article 38) et lorsque l’acheteur constate un défaut, il doit en aviser le vendeur dans un délai raisonnable. L’acheteur dispose d’un délai de 2 ans à compter de la livraison pour faire valoir ses droits et agir en garantie dans le délai de 4 ans. Pour la suite des clauses, voir texte de la CVIM.

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IV. LES AUTRES CONTRATS (APPLICATIONS/TRAVAUX DES ETUDIANTS) 7.5. LA FRANCHISE COMMERCIALE INTERNATIONALE 7.6. LE CONTRAT DE TRAVAIL INTERNATIONAL 7.7. AUTRES (SOUS-TRAITANCE , JOINTVENTURES…)

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APPROFONDISSEMENTS DROIT INTERNATIONAL PRIVE

L’expression « droit des affaires internationales » est généralement utilisée pour définir l’ensemble des normes juridiques et pratiques qui réglementent les opérations du commerce international. Les convention internationales, les droits commerciaux internes, les pratiques commerciales reconnues par l’ensemble de la société des marchands, les principes dégagés par les sentences arbitrales représentent autant d’outils disponibles pour les acteurs commerciaux soucieux de protéger leurs intérêts économiques. Le droit international privé concerne les relations s’établissant entre personnes privées faisant intervenir un ou plusieurs éléments d’extranéité, comme la nationalité des parties, leur domicile, des flux commerciaux transfrontaliers. Plus précisément, le droit international privé englobe les règles relatives aux :

Conflits de lois ; Conflits de juridictions ; La nationalité ; La condition des étrangers

La matière contractuelle occupe une place importante en droit international privé. Plusieurs solutions sont apportées aux problèmes nés de l’application des règles internationales : solutions conventionnelles (de manière bilatérale ou multilatérale), solutions internes (application de la loi nationale) solutions jurisprudentielles, par voie de négociation, etc. Les principales conventions internationales invoquées en matière de DIP sont :

- Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises ;

- Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;

- Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels ;

- Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits.

Ci-après un tableau synthétique relatif aux principales conventions internationales constituant la matière du DIP.

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Critère

matériel Critère temporel

Critère spatial

Exclusion

Convention de la Haie du 15 juin 1955 Caractère universel :application s’étend au-delà des Etats contractants

Contrats de ventes à caractère international d’objets mobiliers et assimilés ; Ventes sur documents

Dès son entrée en vigueur dans les Etats

La seule saisine d’une juridiction d’un Etat signataire suffit

Ventes de titres, navires, bateaux ou aéronefs enregistrés Ventes par autorité de justice ou sur saisie Capacité des parties, forme du contrat, transfert de propriété et effets de la vente à l’égard des tiers

Convention de la Haye du 2 octobre 1973

Concerne la responsabilité des fabricants fournisseurs, pour les dommages causés par un produit

Dès son entrée en vigueur dans les Etats

La seule saisine d’une juridiction d’un Etat signataire suffit

Cas de la responsabilité contractuelle. Contrats de garantie Actions directes contre les assesseurs, les subrogations, les actions récursoires

Convention de Vienne du 11 avril 1980 Pas de caractère universel : Application seulement si relation il y a avec les Etats contractants

Contrats internationaux portant sur une vente de marchandise

S’applique directement au fond du litige dès son entrée en vigueur dans un Etat signataire

Lorsque - les deux parties contractantes sont établies dans deux Etats contractants différents, - ou les règles de droit international privé mènent à l’application de la loi d’un Etat contractant

Tous les contrats conclu par des consommateurs.Ventes de marchandises achetées aux enchères, sur saisies. Ventes de valeurs mobilières, les effets de commerce et monnaies. Ventes de navires, bateaux, aéroglisseurs et aéronefs et enfin les ventes d’électricité

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Convention de Rome du 19 juin 1980 Caractère universel : application s’étend au-delà des Etats contractants

L’ensemble des obligations contractuelles

Dès son entrée en vigueur dans un Etat signataire

La seule saisine d’une juridiction d’un Etat signataire suffit

Matières relatives aux droits réels et intellectuels. Testaments/successions,Régimes matrimoniaux, droits et devoirs découlant des relations de familles. Obligations nées d’instruments négociables : Conventions, arbitrage, élection de for ; questions relevant du droit des sociétés, associations… Trusts, preuve/procédure, contrats d’assurance, Etat et capacité des personnes physiques

Critère matériel

Critère temporel

Critère spatial

Exclusion

Convention de Lugano 16 septembre 1988

Compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale

Les Etats de la CE et la Suisse, Norvège, Lichtenstein, Islande

• Par un Tribunal CE, selon l’article 54 : - Si le défendeur est domicilié sur le territoire d’un Etat membre de l’AELE - Si la compétence exclusive désigne les tribunaux d’un Etat membre de l’AELE - Si une clause attributive de juridiction désigne les tribunaux d’un Etat membre de l’AELE •Par tout tribunal AELE

- L’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions - Les faillites, concordats et procédures analogues - La sécurité sociale - L’arbitrage

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Convention de Bruxelles 27 septembre

1968

Compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale

Au fur et à mesure des élargissements successifs de la CE, tous les Etats membres sont partis à al convention

- Si le défendeur est domicilié au Danemark - Si la compétence exclusive désigne les tribunaux du Danemark - Si une clause attributive de juridiction désigne les tribunaux du Danemark

- L’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions - Les faillites, concordats et procédures analogues - La sécurité sociale - L’arbitrage

Règlement CE 44/2001 22 décembre

2000

Compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale

En vigueur automatiquement dès le 1er mars 2002, pour tous les Etats CE excepté le Danemark

- Si le défendeur est domicilié dans un Etat de l’UE autre que le Danemark - Si la compétence exclusive désigne les tribunaux d’un Etat membre de l’UE autre que le Danemark - Si une clause attributive de juridiction désigne les tribunaux d’un Etat membre de l’UE autre que le Danemark

- Etat et la capacité des personnes physiques, régimes matrimoniaux, testaments, successions - Les faillites, concordats et procédures analogues - La sécurité sociale - L’arbitrage Il n’affecte pas non plus :- Les règles sur la compétence et la reconnaissance des décisions contenues dans des instruments communautaires spécifiques - Les règles contenues dans les conventions desquelles les Etats membres font partie et qui portent sur des matières spéciales.

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CAS PRATIQUE EN DROIT INTERNATIONAL PRIVE

Sur la compétence du juge Pas de juge désigné – règlement 2000 – art. 51 en matière contractuelle Sur la loi applicable Pas de loi désigné – exclusion de la convention de Vienne – conflit de convention entre la convention de Rome et de La Haye 1955 – application de la Convention de La Haye 1955 – art. 3.2 Les faits La société française Darto est intéressée par la nouvelle gamme d’écran Plasma proposée par al société brésilienne VidéoFutura, grossiste en équipement vidéo. Le directeur achat de la société Darto contacte en octobre 2005 M. Da Silva représentant permanent de VidéoFutura sur le secteur France et les parties décident que la livraison s’effectuera à l’entrepôt lyonnais de Darto. Le paiement de la livraison se fera à réception des marchandises jugées conformes Néanmoins, alors que la société VidéoFutura honore ses engagements et effectue la livraison en respect des exigences contractuelles, al société darto ne s’acquitte pas du montant de la commande effectivement reçue. La société VidéoFutura souhaiterait assigner la société Darto devant les tribunaux français supposant qu’il serait plus simple d’obtenir l’exécution en France d’une décision allant à l’encontre de son débiteur français. La saisine du juge français est-elle possible ? Est-ce un choix judicieux pour la société demanderesse ? Selon quel droit sera tranché le litige ? français, espagnol, brésilien ?

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Résolution du cas La société VidéoFutura et la société Darto ont passé dans le cadre de leurs activités professionnelles, un contrat de vente concernant un lot de 200 téléviseurs à écrans plasmas. Ce contrat est donc conclu entre deux personnes morales ayant leur siège social dans deux Etats distincts : l’un en France, l’autre au Brésil. La livraison du matériel s’effectuera en France. Si le lieu du siège social des sociétés importe peu, c’est le flux transfrontalier des marchandises entre le Brésil et la France qui donne au contrat son caractère international. Dans cette espèce, nous sommes en présence d’un contrat international de vente de marchandises. Le contrat international étant régi par le principe du libre choix au niveau de la juridiction compétente et au niveau de la loi applicable au contrat, il faut dans un premier temps rechercher au sein des dispositions contractuelles, quel a été le choix des parties dans ces deux domaines. En l’espèce les parties n’ont ni inclus une clause attributive de juridiction au contrat, ni désigné dans leur contrat une loi applicable. Il convient maintenant de savoir quel est le juge compétent pour trancher le litige ; puis de déterminer selon quelle règle de droit le litige sera tranché.

I. Sur la compétence du juge d’abord existe-t-il des conventions bilatérales désignant le juge compétent ? Dans notre espèce, aucune convention portant compétence du juge n’a été jusqu’à alors signée en matière commerciale, entre la France et le Brésil. existe-t-il des conventions internationales ou règlements communautaires pour

déterminer le juge compétent ? Pour déterminer quelle convention appliquer, le juge français doit prendre en compte trois critères : - le critère matériel, lié à la matière du litige ; - le critère temporel, lié à la date d’entrée en vigueur de la convention ; - un critère spatial, lié au territoire sur lequel la convention s’applique. Lorsque les trois critères sont réunis, les conventions désignées pourront s’appliquer, sous réserve de leurs propres règles d’application.

A. Applicabilité des conventions

Concernant d’abord le critère matériel Les conventions de Lugano, de Bruxelles 1 et le règlement 2000 ont le même critère matériel : ils s’appliquent aux matières civiles et commerciales, excluant les matières fiscales, douanières et administratives et aussi l’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et successions ; les faillites, concordats et autres procédures analogues ; la sécurité sociale, l’arbitrage. En matière contractuelle, ces trois conventions sont donc susceptibles de s’appliquer. Concernant ensuite le critère temporel et spatial

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- La convention de Bruxelles 1 en date du 27 septembre 1968 est entrée en vigueur progressivement imitant l’élargissement européen ; elle s’applique aujourd’hui seulement pour le Danemark.

- La convention de Lugano en date du 16 septembre 1988 est entrée en vigueur au fur et à mesure de sa ratification par les Etats de l’AELE.

- Enfin le règlement 2000 en date du 22 décembre 2000 est entré en vigueur le 1 er mars 2002 et s’impose à l’ensemble des 10 nouveaux Etats membres.

Le critère temporel des conventions s’apprécie par rapport au jour de l’assignation, les trois conventions sont toujours susceptibles de s’appliquer pour les faits en cause. Les critères réunis, l’application de la convention s’impose au juge dès lors qu’elle fait partie de son ordre juridique, autrement dit que la convention est entrée en vigueur dans l’Etat auquel il appartient.

B. Application des conventions Ces instruments internationaux vont permettre au juge de se prononcer sur sa propre compétence. Quatre types de règles attribuant compétence au juge sont prévus :

- les règles exclusives, ces règles s’appliquent seulement pour certaines matières : validité, nullité…

- la prorogation de compétence, permet aux parties sous certaines conditions de convenir d’un juge pour régler leur litige ;

- les règles protectrices des parties faibles, pour les consommateurs, assurés, travailleurs ;

- les dispositions générales, et les règles spéciales. Le juge saisi étudie ces règles dans l’ordre présenté ; à défaut de règles exclusives ou de prorogations de compétence, le juge saisi va généralement apprécier sa compétence selon les règles générales des conventions qui prévoit comme principe que le tribunal compétent est le tribunal du lieu du domicile du défendeur. Dans notre espèce, le litige ne rentre pas dans les hypothèses de compétence exclusive ; les parties n’ont pas non plus convenu d’un accord pour désigner le juge compétent. La société VidéoFutura n’ayant ni qualité de consommateur, ni de travailleur, ni d’assuré par rapport à la société Darto, les règles protectrices des parties faibles ne trouvent à s’appliquer. Dans notre espèce, les parties ayant contractuellement arrêté une livraison en France, le juge français pourra se déclarer compétent sur le fondement de l’article 5 al. Ier du règlement 2002. Celui-ci attribue compétence au « tribunal du lieu ou l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ». II. Sur la loi applicable Complément pour connaître du litige, le juge français doit maintenant identifier la loi applicable au fond. En l’absence de choix des parties, express ou tacite, le juge aura recours aux conventions portant lois uniformes et à défaut aux règles de conflits du for (de source internationale ou interne) pour déterminer quelles sont les règles de droit applicables.

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A. Applicabilité des conventions Le juge compétent étant le juge français, les conventions disponibles seront celles ratifiées par la France, dont les trois critères d’applicabilité sont remplis. En matière commerciale ; (le juge portant sur une vente internationale de marchandises) les conventions de Vienne, de La Haye 1955 et de Rome pourront s’appliquer. 1. La Convention de Vienne Concernant le critère matériel La présente convention s’applique à l’ensemble des contrats internationaux portant sur une vente de marchandise à l’exception des contrats de ventes conclu entre consommateurs, des contrats portant sur des marchandises achetées aux enchères, aux saisies, aux ventes de valeurs mobilières, aux effets de commerce et monnaies, aux ventes de navires, bateaux, aéroglisseurs et aéronefs et aux ventes d’électricité. La société Darto et M. Da Silva ont, dans le cadre de leur activité professionnelle, passé un contrat de vente internationale de marchandise ; le critère matériel est rempli. Concernant le critère temporel La Convention de Vienne s’applique dès son entrée en vigueur dans un Etat signataire. En ce qui concerne la France, la convention intègre l’ordre juridique interne français depuis 1988. Le litige intervenant en 2006, le critère temporel est lui aussi rempli. Concernant le critère spatial La France ayant ratifié la convention de Vienne le 1 er janvier 1988, elle intègre désormais l’ordre juridique français et le juge français est tenu de l’appliquer. Au vu des faits de l’espèce, puisque le Brésil n’est pas un Etat signataire de la convention de Vienne, elle ne pourra s’appliquer que si une règle de conflit donne compétence à une loi d’un Etat contractant En conséquence, le juge est donc contraint de recourir aux règles de conflit du for pour désigner la loi applicable au fond du litige. 2. La convention de Rome Les critères matériel, temporel et spatial doivent être réunis pour permettre à la convention de s’appliquer. Concernant le critère matériel La convention de Rome s’applique à l’ensemble des obligations contractuelles à l’exception des testaments et successions, des régimes matrimoniaux, des droits et devoirs découlant des relations de familles, de parenté, de mariage ou d’alliance, des obligations nées d’instruments négociables, des conventions d’arbitrage et d’élection de for, des questions relevant du droit des sociétés, associations, personnes morales, des trusts, de la preuve et de la procédure, et des contrats d’assurance. Sont enfin exclus, l’état et la capacité des personnes physiques. La société Darto et M. Da Silva ont passé un contrat de vente internationale de marchandises ; le critère matériel est rempli. Concernant le critère temporel

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La convention de Rome s’applique dans les Etats l’ayant ratifié ; en France elel s’applique depuis le 1er avril 1991. Le litige intervenant en 2006, le critère temporel est lui aussi rempli

Concernant le critère spatial Le critère spatial est rempli dès lors que l’Etat du juge saisi est un Etat partie à la convention de Rome. Conformément à l’article 2, la convention de Rome a un caractère universel, c’est-à-dire qu’elle s’applique même si la loi alors désignée est celle d’un Etat non contractant. Le juge saisi étant le juge français, critère spatial est donc lui aussi rempli. En l’espèce, les trois critères étant réunis, la convention de Rome a vocation à s’appliquer. Cependant, la France a également ratifié en matière civile et commerciale, la convention de La Haye. Son application doit être également recherchée afin de déterminer la convention applicable in fine. 3. La convention de La Haye Les critères matériel, temporel et spatial doivent être réunis pour permettre à la convention de s’appliquer. Concernant le critère matériel La convention de La Haye concerne les contrats de vente à caractère international d’objets mobiliers corporels. Sont exclus de son champ, les ventes de titres, de navires, de bateaux ou aéronefs enregistrés, les ventes par autorité de justice ou sur saisie, la capacité des parties, la forme du contrat, le transfert de propriété et les effets de la vente à l’égard des tiers. La société Darto et M. Da Silva ont passé un contrat de vente internationale de marchandises ; le critère matériel est rempli. Concernant de La Haye s’applique dès son entrée en vigueur dans les Etats ; en

France depuis le 1er septembre 1964. Le litige intervenant en 2006, le critère temporel est lui aussi rempli. Concernant le critère spatial Le critère spatial est rempli dès lors que l’Etat du juge saisi est un Etat partie à la convention de La Haye. La France étant Etat partie à al convention de La Haye, le critère spatial est rempli. L’ensemble des critères d’applicabilité étant réunis, la convention de La Haye est applicable. Dans cette situation, le juge français se trouve face à un conflit de conventions entre la convention de Rome et de La Haye. L’article 21 de la convention de Rome prévoyant que « la présente convention ne porte pas atteinte à l’application des conventions internationales auxquelles un Etat contractant est ou sera partie » le juge français sera liés par la convention de La Haye pour désigner la loi applicable. Toutefois, pour les domaines exclus de la convention de La Haye, le juge aura recours aux solutions apportées par la convention de Rome. B. Désignation de la loi applicable par la convention de La Haye La convention de La Haye contient deux types de règles de conflits :

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Une règle de conflit principal (art. 2) consacrant le principe d’autonomie. En l’espèce, les parties s’étant abstenues quant aux choix de la loi applicable, il faut faire référence à la règle de conflit accessoire.

La règle de conflit accessoire, elle offre trois possibilités : - Art.3 al. 1 : « la vente est régie par la loi interne du pays ou le vendeur a sa résidence

habituelle au moment où il reçoit la commande. Si la commande est reçue par un établissement du vendeur, la vente est régie par la loi interne du pays où est situé cet établissement »

- Art. 3 al. 2 : « la vente est régie par al loi interne du pays où l’acheteur a sa résidence habituelle, ou dans lequel il possède l’établissement qui a passé la commande, si c’est dans ce pays que la commande a été reçue, soit par la vendeur, soit par son représentant, agent, ou commis voyageur »

- Art. 3 al. 3 : vise le cas des marchés de bourse et de ventes aux enchères. Dans les faits, le représentant de la société brésilienne a reçu commande en France. L’acheteur, al société Darto, est établi en France. En conséquence, la commande a été passée par une société domiciliée en France auprès d’un représentant exerçant son activité en France. Au regard de l’alinéa 2 de l’article 3, c’est la loi française qui sera applicable. La convention de Vienne pourra s’appliquer sur les questions de formation du contrat et d’obligation des parties, la France étant un Etat partie de la convention.²

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Approfondissements

Les principes fondamentaux de l’OMC

La création du GATT en 1947 et son entrée en vigueur en janvier 1948 avait pour but de retrouver, par des voies conventionnelles et institutionnelles, ce qui était, avant la première guerre mondiale, une situation naturelle : à savoir la liberté du commerce. Il s’agissait de multilatéraliser les relations commerciales interétatiques qui étaient jusqu’alors essentiellement bilatérales.

L’Organisation Mondiale du Commerce, créée le premier janvier 1995 à Marrakech, est la seule organisation internationale qui s’occupe des règles régissant le commerce entre les pays. Au cœur de l’Organisation Mondiale du Commerce se trouvent les accords de l’OMC, négociés et signés par les Etats membres et ratifiés par leurs parlements.

Les Accords de l’OMC sont longs et complexes car ce sont des textes juridiques portant sur un large éventail de domaines d’activité: agriculture, textiles et vêtements, activités bancaires, télécommunications, marchés publics, normes industrielles et sécurité des produits, réglementation relative à l'hygiène alimentaire, propriété intellectuelle, et bien plus encore. Cependant, un certain nombre de principes simples et fondamentaux constituent le fil conducteur de tous ces instruments. Ils sont le fondement du système commercial multilatéral.

Voyons ces principes de plus près:

I- LA NON DISCRIMINATION :

Elle est subdivisée en deux sous principes :

¾ La clause de la nation la plus favorisée.

¾ Le traitement national.

1. Clause de la nation la plus favorisée (NPF): Egalité de traitement entre les produits importés.

Aux termes des Accords de l’OMC, les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Si vous accordez à quelqu’un une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), vous devez le faire pour tous les autres membres de l’OMC.

Ce principe est dénommé traitement de la nation la plus favorisée (NPF). Son importance est telle qu’il constitue le premier article de l’ Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui régit le commerce des marchandises. Il est aussi une clause prioritaire de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) (article 2), et de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) (article 4), même s’il est énoncé en des termes légèrement différents d’un accord à l’autre. Ensemble, ces trois accords visent les trois principaux domaines d’échanges dont s’occupe l’OMC.

Quelques exceptions sont autorisées. Par exemple, des pays peuvent conclure un accord de libre-échange qui s’applique uniquement aux marchandises échangées à l'intérieur du groupe — ce qui établit une discrimination contre les marchandises provenant de l'extérieur. Ou bien ils peuvent accorder un accès spécial à leurs marchés aux pays en développement. De même, un pays peut élever des obstacles à l’encontre de produits provenant de tel ou tel pays, qui font l’objet, à son avis, d’un commerce inéquitable. Dans le domaine des services, les pays peuvent, dans des circonstances limitées, recourir à la discrimination. Cependant, les exemptions ne sont autorisées dans les accords que sous réserve de conditions rigoureuses. D’une manière générale, la clause NPF signifie que, toutes les fois qu’un pays

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réduit un obstacle tarifaire ou ouvre un marché, il doit le faire pour les mêmes biens ou services provenant de tous ses partenaires commerciaux, que ceux-ci soient riches ou pauvres, faibles ou puissants.

2. Le traitement national: égalité de traitement entre les produits importés et les produits nationaux :

Les produits importés et les produits de fabrication locale doivent être traités de manière égale, du moins une fois que le produit importé a été admis sur le marché. Il doit en aller de même pour les services, les marques de commerce, les droits d’auteur et les brevets étrangers et nationaux. Ce principe du “traitement national” (accorder à d’autres le même traitement que celui qui est appliqué à ses propres nationaux) figure aussi dans tous les trois principaux Accords de l’OMC (article 3 du GATT, article 17 de l’AGCS et article 3 de l’Accord sur les ADPIC), même si, là encore, il est énoncé en des termes légèrement différents d’un accord à l’autre.

Le traitement national s’applique uniquement une fois qu’un produit, service ou élément de propriété intellectuelle a été admis sur le marché. Par conséquent, le prélèvement de droits de douane à l’importation n’est pas contraire à ce principe même lorsque aucune taxe équivalente n’est perçue sur les produits de fabrication locale.

II- L’ELIMINATION PROGRESSIVE DES DROITS DE DOUANE :

L’un des moyens les plus évidents d’encourager les échanges est de réduire les obstacles au commerce, par exemple les droits de douane (ou tarifs) et les mesures telles que les interdictions à l’importation ou les contingents qui consistent à appliquer sélectivement des restrictions quantitatives. Périodiquement, d’autres problèmes comme les lourdeurs administratives et les politiques de change ont aussi été examinés.

Il y a eu depuis la création du GATT, en 1947-1948, huit séries de négociations commerciales. Dans un premier temps, ces négociations étaient axées sur l’abaissement des taux de droits applicables aux marchandises importées. Elles ont permis de réduire progressivement les taux des droits perçus par les pays industrialisés sur les produits industriels, qui ont été ramenés vers le milieu des années 90 à moins de 4 pour cent.

Dans les années 80 cependant, le champ des négociations a été élargi pour comprendre les obstacles non tarifaires au commerce des marchandises et des domaines nouveaux comme les services et la propriété intellectuelle.

L’ouverture des marchés peut apporter des avantages mais elle exige aussi des ajustements. Les Accords de l’OMC autorisent les pays à introduire pas à pas les changements, par une “libéralisation progressive”. Les pays en développement disposent généralement d’un délai plus long pour s’acquitter de leurs obligations.

III - L’INTERDICTION DES RESTRICTIONS QUANTITATIVES :

A la différence des droits de douane, les restrictions quantitatives (ou contingents, ou mesures de contingement, ou quotas) sont des restrictions qui limitent la quantité d’un produit à la frontière. Elles sont susceptibles d’être instituées par les autorités d’un pays dans le sens de l’importation, soit dans le sens de l’exportation.

Les dispositions de l’article XI.1 du GATT 1994 prohibent de façon générale et absolue l’instauration par les Membres de l’OMC de restrictions quantitatives.

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Le champ d’application de l’interdiction énoncé par l’article XI.1 englobe à la fois les limitations quantitatives à l’importation et celles à l’exportation.

¾ A l’importation :

En plus des restrictions quantitatives ponctuelles à l’importation qui peuvent être instituées légalement dans le cadre de l’article XX du GATT 1994 (relatif aux exceptions générales,telles que la protection de la santé des personnes, de la vie des animaux, de la préservation des végétaux…) et du cas particulier du secteur textile, on peut distinguer trois principales catégories d’exceptions : celle destinée à remédier aux déséquilibres de balance des paiements, celle destinée à lutter contre les excédents agricoles, celle résultant de l’application de mesures de sauvegarde.

¾ A l’exportation :

En plus des cas particulier des quotas dans le secteur des textiles, on peut distinguer trois principales catégories d’exceptions au principe de l’interdiction des restrictions quantitatives à l’exportation : celle destinée à remédier à la pénurie agricole, celle résultant de certains accords internationaux de produits de base, celle fondée sur la sécurité.

IV – LE PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE ET DE LA CONSOLIDATION (PREVISIBILITE) :

Parfois, il est peut-être aussi important de promettre de ne pas renforcer un obstacle au commerce que d’en réduire, car la promesse permet aux entreprises de mieux voir les possibilités qu’elles auront à l’avenir. Lorsqu’il y a stabilité et prévisibilité, l’investissement est encouragé, des emplois sont créés et les consommateurs peuvent profiter pleinement des avantages qui résultent de la concurrence, c’est-à-dire du choix et de la baisse des prix. Le système commercial multilatéral concrétise l’effort que font les gouvernements pour rendre l’environnement commercial stable et prévisible.

Le Cycle d’Uruguay a permis d’accroître le nombre des consolidations

Pourcentages des droits de douane consolidés avant et après les négociations de 1986-1994

Avant Après

Pays développés 78 99

Pays en développement 21 73

Pays en transition 73 98

(Il s’agit de lignes tarifaires, de sorte que les pourcentages ne sont pas pondérés en fonction du volume ou de la valeur du commerce.)

À l’OMC, lorsque des pays conviennent d’ouvrir leurs marchés de marchandises ou de services, ils “consolident” leurs engagements. Pour les marchandises, cette consolidation consiste à fixer des plafonds pour les taux de droits de douane. Il arrive que les importations soient taxées à des taux inférieurs aux taux consolidés. C’est souvent le cas dans les pays en développement. Dans les pays développés, les taux effectivement appliqués et les taux consolidés sont généralement les mêmes.

Un pays peut modifier ses consolidations, mais seulement après avoir négocié avec ses partenaires commerciaux, ce qui pourrait impliquer l’octroi d’une compensation pour la perte de possibilités commerciales. Les négociations commerciales multilatérales du Cycle d’Uruguay ont permis notamment d’accroître le volume du commerce visé par des engagements de consolidation ( voir tableau). Dans

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l’agriculture, tous les produits sont aujourd’hui soumis à des tarifs consolidés. Il s’ensuit que le marché est devenu beaucoup plus sûr pour les négociants et les investisseurs.

Des efforts sont aussi faits pour renforcer la prévisibilité et la stabilité par d’autres moyens. On peut, par exemple, décourager le recours aux contingents et à d’autres mesures de restriction quantitative des importations: l’administration de contingents peut entraîner une aggravation des lourdeurs bureaucratiques et donner lieu à des accusations de pratiques déloyales. On peut aussi faire en sorte que les règles commerciales des pays soient aussi claires et accessibles au public (“transparentes”) que possible. Un grand nombre des Accords de l’OMC font obligation aux gouvernements de publier dans le pays ou de notifier à l’OMC les mesures et pratiques adoptées. La surveillance à laquelle sont soumises régulièrement les politiques commerciales nationales par le biais du Mécanisme d’examen des politiques commerciales est un autre moyen d’encourager la transparence aussi bien au niveau national que sur le plan multilatéral.

V - LE PRINCIPE DE LA RECIPROCITE :

Réciprocité dans les droits et obligations. Ce principe n’est pas exposé dans le GATT comme principe fondamental, mais se déduit des mécanismes du GATT . Afin d’atteindre une plus grande libéralisation des échanges, les Etats sont invités à appliquer la réciprocité.

A parti de 1966, il y a eu introduction d’une 4° partie qui consacre le principe de non réciprocité pour les avantages accordés aux PVD.

Aspect procédural

Le GATT est dès le départ un forum de négociations continuelles. L'origine de cette dynamique se trouve dans le GATT lui-même

les articles 28 et 28 bis ne concernent que les tarfis douaniers, perçus comme l'obstacle essentiel au commerce. Or le GATT de 1947 n'oblige pas les Etats à réduire les obstacles tarifaires. D'où, pour atteindre l'objectif de libéralisation maximum, négociations multilatérales périodiques.

Les NCM (= Round) ont porté quasi exclusivement sur la réduction des droits de douane, bien que dès les années 1960 il est prêté attention à d'autres thèmes. Succès croissant des NCM : 23 Etats en 1947, 125 pour l'Uruguay Round (1986-1993) 1947 : Genève 1949 : Annecy 1950-51 : Torguay 1955-56 : Genève 1960-61 : Genève 1964-67 : Kennedy (adoption du code anti-dumping) 1973-79 : Tokyo (extension de la réglementation du GATT) 1986-93 : Uruguay => Pour tous, problématique focalisée sur les droits de douane. Tokyo Round : réglementation spécifique consacrée au commerce des aéronefs civils + codification des procédures de réglement des différends. Uruguay Round : accord commercial multilatéral sur l'agriculture (AGR), sur le commerce du textile (AMF), sur les services, MIC (trims'), l'ADPIC , TRIPS (propriété intellectuelle)

Augmentation spectaculaire de la réglementation

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Excellents résultats en terme de libéralisation des échanges (réduction des tarifs douaniers de 50% entre le 1er et le 5è Round; Uruguay + Tokyo = baisse de 33%). 125 Etats ont participé à l'Uruguay Round, mais les principaux acteurs des NCM sont la CE et les US (principe de réciprocité et clause de la nation la plus favorisée). Le résultat de la négociation fait l'objet d'une protection : liste annexée aux accords ayant la même valeur juridique que l'accord lui-même (= valeur juridique contraignante). Egalement phénomène de consolidation triennale, (im) possibilité pour un Etat de revenir sur ses engagements pendant 3 ans (gêle). A l'expiration du délai triennal, l'article 28 bis prévoit l'interdiction de revenir à un niveau inférieur à celui d'avant la négociation

= phénomène de réduction progressive

Cependant, un relèvement des tarifs douaniers est possible en cas de circonstances exceptionnelles (conditions sévères + contrôle du GATT). Dans ce cas, obligation d'offrir des compensations, respect des principes fondamentaux du commerce (non discrimination...). - Les NCM deviennent de plus en plus complexes, d'où la longueur de la mise en application

CF lancement du NCM de l'Uruguay le 1er septembre 1986, mi-parcours à Montréal en 1988. Accord non atteint en 1990, donc package deal et accord signé en 1993.

Il y a donc néanmoins un approfondissement de l'acquis et une extension de la réglementation. Emergences de nouveaux problèmes : environnement et commerce, clause sociale, fiscalité et concurrence, valeur de la monnaie.

CONCLUSION :

L’OMC est une organisation qui s’emploie à libéraliser le commerce. C’est un cadre dans lequel les gouvernements négocient des accords commerciaux. C’est un lieu où ils règlent leurs différents commerciaux. L’OMC administre un système de règles commerciales. L’OMC encourage le développement et les réformes économiques.

Le système de l’OMC contribue au développement. Toutefois, les pays en développement ont besoin d’un délai flexible pour mettre en œuvre les accords du système. Les Accords eux-mêmes reprennent des dispositions antérieures du GATT qui prévoient une assistance spéciale et des avantages commerciaux pour les pays en développement.

Plus des trois quarts des membres de l’OMC sont des pays en développement et des pays qui sont en transition vers une économie de marché. Au cours des sept années et demie qu’a duré le Cycle d’Uruguay, plus de 60 de ces pays ont mis en œuvre de façon autonome des programmes de libéralisation du commerce. En même temps, les pays en développement et les pays en transition ont joué pendant le Cycle d’Uruguay un rôle beaucoup plus actif et influent que lors des négociations précédentes, et ce rôle s'est encore plus renforcé dans le cadre de l'actuel Programme de Doha pour le développement.

À la fin du Cycle d’Uruguay, les pays en développement étaient disposés à assumer la plupart des obligations incombant aux pays développés. Toutefois, un certain délai leur a été ménagé dans les Accords pour leur permettre, pendant une période transitoire, de s’adapter aux dispositions moins connues, et peut-

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être plus difficiles de l’Accord sur l’OMC, en particulier pour les plus pauvres — les moins avancés — d’entre eux. Une Décision ministérielle adoptée à la fin des négociations dispose que les pays riches devraient accélérer la mise en œuvre des engagements concernant l’accès aux marchés pour les marchandises exportées par les pays les moins avancés, lesquels devraient bénéficier d’une assistance technique accrue. Plus récemment, les pays développés ont commencé à admettre l'importation en franchise de droits et sans contingent de la quasi-totalité des produits en provenance des pays les moins avancés. Dans ce domaine, l'OMC et ses membres en sont encore au stade de l'apprentissage. L'actuel Programme de Doha pour le développement prend en considération les préoccupations des pays en développement quant aux difficultés auxquelles ils se heurtent pour mettre en œuvre les accords du Cycle d'Uruguay.

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LE REGLEMENT DES DIFFRENDS DANS LE CADRE DE L’OMC : THEORIE ET PRATIQUE (CAS DES PARODUITS AGRICOLES)

L’amélioration du cadre normatif des échanges mondiaux aurait peu de valeur en l’absence d’un mécanisme efficace de règlement des litiges chargé de faire respecter les obligations que les Membres ont souscrites. Si on ne respecte pas les obligations conventionnelles, « à quoi peut-il bien servir de se donner tant de mal pour les négocier ? »3. L’application des engagements par voie de règlement des différends « assure donc l’intégrité du processus de négociation, d’accord et de mise en œuvre au plan multilatéral »4.

Dans le cadre du GATT, le système de règlement des différends (« Dispute Settlement System ») était considéré comme une pièce centrale du SCM. Il donnait aux parties contractantes la possibilité de contester les mesures prises par leurs partenaires commerciaux et d’obtenir un « jugement » sur la conformité de ces mesures avec les dispositions de l’Accord général. En fait, les panels du GATT chargés de résoudre les différends commerciaux ne rendaient pas des « jugements » au sens judiciaire du terme, mais de simples avis consultatifs motivés. La procédure de règlement des litiges au GATT était principalement une procédure de « conciliation ». Comme l’écrit Thiébaut Flory : « … dans l’esprit du système du GATT, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu ; ni demandeur, ni défendeur ; ni accusateur, ni accusé. Personne n’a tort, ni n’a raison. Il existe seulement des divergences techniques entre deux parties qu’il s’agit de réduire au maximum. Aussi, les différends qui s’élèvent dans le cadre du GATT sont-ils naturellement dépolitisés et dépassionnés »5.

Les règles et procédures du GATT sur le règlement des différends trouvaient leur fondement juridique dans les articles XXII et XXIII, ainsi que dans la « pratique habituelle du GATT » qui a été codifiée par les Accords du Tokyo Round 6. Malgré son succès relatif, le système de règlement des différends du GATT s’est heurté à des retards inutiles, à des blocages au Conseil du GATT et à un manque d’empressement à donner suite aux recommandations des panels.

Le nouveau système de règlement des différends a été renforcé grâce aux réformes convenues à la suite de la Conférence ministérielle de Montréal, tenue en décembre 1988 pour l’examen à mi-parcours. Il est entré en vigueur à titre expérimental le 1 er janvier 1989, avant d’être officialisé par les Accords de Marrakech. Tout en apportant des novations majeures, le système de règlement des différends issu de l’Uruguay Round se présente comme une « conventionnalisation d’évolutions déjà largement amorcées » 7. Il est « le résultat de près d’un demi-siècle d’évolution spontanée »8.

Le Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (cité ci-après le "Mémorandum d’accord") fait l’objet de l’Annexe 2 de l’Accord

3 J.-H. Jackson, « Observations sur les résultats du Cycle de l’Uruguay », RGDIP, n° 3, 1994, p. 688. 4 M. Mike Moore, in OMC Focus, n° 50, décembre 2000, p. 2. 5 Le GATT, droit international et commerce mondial, LGDJ, Paris, 1968, p. 78.

6 Cf. Th. Flory, « Les Accords du Tokyo Round du GATT et la réforme des procédures de règlement des différends dans le système commercial interétatique », RGDIP, tome LXXXVI, 1982, pp. 235-253. 7 H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », JDI, n°

3, 1997, p. 709. 8 F. Roessler « Evolution du système de règlement des différends du GATT/de l’OMC », in SFDI, Colloque de

Nice 1995, déjà cité, p. 309.

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OMC. Il décrit de façon détaillée, dans 27 articles, répartis en 143 paragraphes complétés par quatre appendices, les procédures et le calendrier à suivre pour régler les différends 9.

Fondé sur une « approche intégrée », le Mémorandum d’accord s’applique à tous les Accords de l’OMC (art. Ier

). Il ne comptera ainsi qu’un seul organe, l’Organe de règlement des différends (ORD), qui examinera tous les différends survenus au titre des Accords de l’OMC (art. 2:1). Il sera seul habilité à établir des groupes spéciaux, à adopter leurs rapports ainsi que ceux de l’Organe d’appel, à assurer la surveillance de la mise en œuvre des décisions et recommandations et à autoriser l’adoption de mesures de rétorsion en cas de non-application des recommandations. Il s’agit là d’une amélioration certaine par rapport à l’ancien système, où le Conseil du GATT et les divers Comités chargés des Accords du Tokyo Round se partageaient la responsabilité du règlement des différends.

L’article 19 de l’Accord sur l’agriculture dispose : « Les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT 1994, telles qu’elles sont précisées et mise en application par le Mémorandum d’accord concernant les règles et procédures régissant le règlement des différends, s’appliqueront aux consultations et au règlement des différends relevant du présent accord ».

Les litiges de nature agricole qui ont été traités dans le cadre de l’OMC, depuis l’entrée en activité de cette Institution, sont nombreux. Le 30 mai 2000, sur un total de 200 affaires, l’Accord sur l’agriculture et l’Accord SPS/OTC ont été cités 51 fois dans les différends. L’ATV, les MIC, les ADPIC et l’AGCS, ensembles, ont été cités 58 fois 10. Ainsi, compte tenu de leur sensibilité et de leur importance, les produits agricoles continuent d’attiser plusieurs conflits.

Aussi, l’existence, au sein de l’OMC, d’un mécanisme renforcé de règlement des litiges est-il de nature à sécuriser les échanges commerciaux agricoles et à les rendre prévisibles (§ Ier). Les rapports établis par les organes de règlement des différends de l’OMC pourraient en outre contribuer à clarifier les dispositions de l’Accord sur l’agriculture (§ II).

§ Ier. - Le MRD, un élément essentiel pour la sécurité et la prévisibilité des échanges agricoles

Le Mémorandum d’accord reconnaît : « Le système de règlement des différends est un élément essentiel pour la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral » (art. 3:2). Il a pour objet « de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés… » (par. précité). L’expression "accords visés" désigne les accords qui rentrent dans le champ d’application du Mémorandum d’accord, à savoir l’Accord instituant l’OMC, les ACM et les Accords commerciaux plurilatéraux (Appendice 1).

Le Mémorandum d’accord constitue l’expression de l’idée d’Etat de droit. En effet, dans l’esprit des négociateurs des Accords du Cycle de l’Uruguay, ce principe devrait prévaloir dans les rapports commerciaux internationaux. C’est dans cet esprit que Feu Sa Majesté Le Roi Hassan II avait souligné, lors de la cérémonie de clôture de la Conférence ministérielle de Marrakech : « En donnant naissance ce jour, à Marrakech, à l’Organisation mondiale du commerce, nous consacrons l’Etat de droit dans les relations économiques et commerciales

9 Voir schéma du MRD à la fin de ce paragraphe. 10

Cf. Communiqué de presse de l’OMC, PRESS/180, 5 juin 2000.

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internationales en faisant prévaloir les règles et disciplines universelles sur les tentations de l’unilatéralisme et sur la raison du plus fort » 11. Dans la même optique, le Premier ministre britannique, M. Tony Blair, a déclaré, à l’occasion du jubilé du SCM à Genève, en mai 1998 : « En tant que Membres de l’OMC, nous cherchons une solution à nos différends en ayant recours à des règles et non à la puissance » 12. Le point de vue des juristes concorde avec celui des politiques. Pour Louis Delbez, « … la procédure étant l’expression visible du droit et comme le miroir grossissant où il se reflète, permet de mesurer exactement la valeur d’un système juridique et le degré de développement qu’il a atteint »13.

Cependant, si avec le MRD de l’OMC l’approche « rule-oriented », c’est-à-dire orientée vers le droit, doit théoriquement l’emporter, l’approche fondée sur la puissance économique (« power oriented ») « semble être toujours ouverte »

14.

L’apport juridique du MRD pour le commerce des produits agricoles peut être cerné à travers les deux traits fondamentaux du dit mécanisme : son caractère contraignant (A) et son aspect exclusif (B).

A. - Un système contraignant

Depuis l’installation du nouveau système de règlement des différends, beaucoup d’auteurs ont souligné la tendance vers la « juridictionnalisation » des procédures contentieuses du GATT. En fait, cette tendance était en germe depuis les Accords du Tokyo Round, les Accords de l’Uruguay Round n’ayant fait qu’accentuer ce caractère 15

. Le Rapport Leutwiler intitulé « Politique commerciale et prospérité. Des propositions d’action », préparé en 1985 par des experts du GATT, dont le Français Guy Ladreit de Lacharrière, a également souligné cette tendance 16. « C’est ainsi que – remarque Thiébaut Flory – le déroulement de la procédure doit désormais obéir à des délais stricts, qu’un Organe d’appel permanent a été institué, que la mise en œuvre des recommandations (…) est soumise à des règles précises, qu’à chaque étape de la procédure, l’Organe de règlement des différends adoptera automatiquement la décision (…), que le recours à la procédure d’arbitrage dans le cadre institutionnel de l’OMC peut être demandé par un membre… »17.

Nous détaillerons ces éléments à travers l’étude des trois types de procédures de règlement de différends prévus par le Mémorandum d’accord : les procédures ordinaires (1), les procédures spéciales (2) et les procédures alternatives (3).

1. Les procédures ordinaires

11 Cité dans GATT Focus, n° 107, mai 1994, p. 4. 12

Cité dans OMC Focus, n° 31, juin 1998, p. 18. 13 Cité par Y. Renouf, in « Quelques remarques préliminaires sur la nécessité de développer les règles de procédures dans le règlement des différends de l’OMC », SFDI, Colloque de Nice 1995, précité, p. 293. 14

Y. Renouf, « Le règlement des litiges », in Th. Flory (sous la dir. de), La Communauté européenne…, op. cit., p. 61. 15 Cf. Th. Flory, « L’évolution des régimes juridiques du GATT depuis les Accords du Tokyo Round de 1979 », JDI, n° 2, 1986, pp. 342-343. 16 Cf. E. Canal-Forgues, « Le système de règlement des différends de l’OMC », RGDIP, n° 3, 1994, p. 107. 17

« Remarques à propos du nouveau système commercial issu des Accords du Cycle d’Uruguay », JDI, n° 4, 1995, p. 883.

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Depuis l’adoption de la Décision relative aux améliorations des procédures de règlement des différends convenus lors de l’examen à mi-parcours, le mandat et la composition des groupes spéciaux ne dépendent plus de l’assentiment des parties au litige (b). Le Mémorandum d’accord étend cette « automaticité » à l’adoption des conclusions des groupes spéciaux en précisant que les résultats d’un examen en appel du rapport d’un organe spécial auront « force obligatoire » pour les parties au différend (c). Aussitôt adoptées, les recommandations des groupes chargés du règlement des différends sont mises en œuvres selon une procédure renforcée (d). Toutefois, avant de déposer un recours, les Membres doivent tenir des consultations (a).

a) Les consultations, une procédure qui aboutit rarement en matière agricole

Le but du MRD de l’OMC est de parvenir « à une solution positive des différends » (art. 3:7). Dans tout le processus, les Membres sont donc encouragés à trouver une solution mutuellement acceptable, compatible avec les préceptes de l’OMC.

La première étape dans le processus de règlement d’un différend consiste à tenir des consultations (art. 4). Tout Membre doit répondre, dans les dix jours, à une demande de consultations et engager celles-ci dans un délai de trente jours à compter de la date de présentation de cette demande (art. 4:3). Pour des raisons de transparence, chaque demande de consultations doit être notifiée par écrit à l’ORD et exposer les raisons pour lesquelles elle est présentée, y compris la mesure en cause et la base juridique sur laquelle la plainte est fondée (art. 4:4). La demande de consultations doit donc être dûment motivée.

Si les consultations n’aboutissent pas et si les deux parties en conviennent ainsi, l’affaire peut à ce stade être portée devant le Directeur général de l’OMC, qui, agissant dans le cadre de ses fonctions, pourra offrir ses « bons offices, sa conciliation ou sa médiation en vue d’aider les Membres à régler leur différend » (art. 5:6). En droit international public, les bons offices représentent une tentative faite par une personnalité officielle ou par une tierce puissance pour amener, spontanément ou sur demande, deux parties en litige à entamer ou à reprendre des pourparlers en vue de régler pacifiquement leur différend. Comme les bons offices, la médiation suppose l’intervention d’un tiers, celui-ci étant le plus souvent choisi par les parties en litige en raison de son autorité personnelle. Le médiateur propose aux parties concernées un projet de solution. A la différence de la conciliation, le rôle du médiateur ne consiste pas à rechercher seulement un rapprochement des points de vue respectifs des parties impliquées dans un conflit. La personne chargée de la médiation n’est, toutefois, pas investie du pouvoir d’imposer une décision juridictionnelle aux parties concernées comme pour le cas de l’arbitrage. La conciliation constitue un mode diplomatique de résolution des différends. Elle désigne un « accord par lequel deux personnes en litige mettent fin à celui-ci (soit par transaction, soit par abandon unilatéral ou réciproque de toute prétention), la solution du différend résultant non d’une décision de justice… mais de l’accord des parties elles-mêmes » 18. Le Directeur général de l’OMC peut donc user de son autorité personnelle dans ces trois cas en vue d’aider les Membres à trouver une solution positive à leur désaccord.

Si le Membre concerné ne répond pas à une demande de consultations dans les dix jours ou si les consultations ne permettent pas d’arriver à une solution dans soixante jours,

18

G. Cornu (dir. publ.), Vocabulaire juridique, PUF, Paris, 1992, p. 172 et s.

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la partie plaignante peut demander à l’ORD d’établir un groupe spécial pour examiner l’affaire (art. 4:7).

En cas d’urgence, y compris dans le cas où il s’agirait de biens périssables, le Mémorandum d’accord exige que les parties engagent des consultations dans dix jours suivant la réception de la demande. Si les consultations menées en vertu de cette procédure n’aboutissent pas à un règlement du différend dans un délai de vingt jours suivant la réception de la demande, la partie plaignante peut demander la constitution d’un groupe spécial (art. 4:8).

Dans l’optique du commerce des produits agricoles, les consultations peuvent aider, si elles sont menées à bien, à désamorcer un conflit en cours de cristallisation. Etant donné qu’elles constituent un mode pacifique de résolution des litiges, les consultations contribuent à la préservation des relations commerciales futures des parties plaignantes et, partant, à l’absorption des tensions commerciales. Elles constituent la traduction de l’adage « Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Hélène Ruiz Fabri écrit à ce propos : « Les consultations sont un élément tout à fait essentiel de la procédure, conformément à l’idée pragmatique selon laquelle la solution mutuellement convenue est la meilleure qui soit, puisque les solutions les plus satisfaisantes sont trouvées immédiatement ou jamais et que les parties mais aussi le système ont tout à gagner d’une résolution à la fois précoce et amiable des différends »19.

La simplicité et la souplesse des consultations expliquent probablement le recours fréquent à ce mode pacifique de résolution des litiges, notamment dans le domaine agricole. Les premières consultations portant sur des produits agricoles qui ont eu lieu dans le cadre de l’OMC ont été demandées en septembre 1995 par le Guatemala, le Honduras, le Mexique et les Etats-Unis. Elles concernaient le régime communautaire applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes. L’Uruguay a également demandé des consultations en décembre 1995 au sujet de la mise en œuvre par la CE des engagements concernant le riz20.

Les consultations peuvent aussi intervenir a posteriori, c’est-à-dire avant la résolution définitive du différend, pour aider les plaignants à trouver les moyens susceptibles de faciliter la mise en œuvre de la décision rendue à leur sujet. Des consultations de ce genre ont été tenues entre le Canada, les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande 21. L’objectif était de convenir d’un "délai raisonnable" pour la mise en œuvre, par le Canada, des recommandations contenues dans le rapport rendu par l’ORD. A la réunion de l’ORD du 27 janvier 2000, le représentant du Canada a informé l’OMC que son pays était parvenu à un accord avec les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande sur un délai raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations de l’ORD. Dans le différend qui a opposé les Etats-Unis au Japon au sujet de certaines mesures instituées par celui-ci, des consultations ont été menées entre les deux plaignants en vue de parvenir à un accord sur la mise en œuvre des recommandations de l’ORD22. Dans une communication conjointe en date du 15 juin 1999, les deux parties ont informé l’ORD qu’elles étaient convenues d’un délai de mise en œuvre de neuf mois et 12 jours à compter de la date d’adoption des rapports, à savoir du 19 mars au 31 décembre 1999.

19 « Le règlement des différends dans l’Organisation mondiale du commerce », op. cit., p. 733. 20

Cf. OMC Focus, n° 21, août 1997, p. 2. 21 Cf. Canada – Mesures visant l’importation de lait et l’exportation de produits laitiers, plainte des Etats-Unis et de la Nouvelle-Zélande, WT/DSB/M/70, 71 et 74. 22

Cf. Japon – Mesures visant les produits agricoles, plainte des Etats-Unis, WT/DS76/1.

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En réalité, les consultations, envisagées comme première étape dans le processus de règlement d’un différend, parviennent rarement à dénouer un désaccord d’origine agricole. De 1995 jusqu’en 2000, seulement deux conflits de nature agricole ont été réglés par la voie de cette procédure de conciliation. Le premier concerne une enquête antidumping des Etats-Unis visant les importations de tomates fraîches ou réfrigérées en provenance du Mexique23. Le second se rapporte à un différend ayant opposé les Etats-Unis à la Corée 24. Dans la première affaire, après le 1 er juillet 1996, date où le Mexique a introduit sa demande de consultations, le Département du commerce des Etats-Unis a indiqué, dans des communiqués officiels, que le problème a été réglé. La seconde affaire a été résolue de la manière suivante : les Etats-Unis ont présenté une demande de consultations le 3 mai 1995 au sujet des prescriptions imposées par la Corée aux importations américaines. Ces prescriptions avaient pour effet de restreindre les importations. Les Etats-Unis estimaient qu’il y avait violation des articles III et XI du GATT 1994, des articles 2 et 5 de l’Accord SPS, de l’article 2 de l’Accord OTC et de l’article 4 de l’Accord sur l’agriculture. Le 31 juillet 1995, les parties au litige ont informé l’ORD qu’elles étaient parvenues à une solution mutuellement acceptable, grâce aux consultations.

En règle générale, compte tenu de la pratique de l’OMC, les différends de nature agricole épuisent toutes les étapes du règlement des différends, des consultations jusqu’à l’arbitrage, en passant par la phase de constitution des groupes spéciaux et celle de l’appel.

b) L’automaticité des procédures

Le Mémorandum d’accord exige de l’ORD qu’il établisse le groupe spécial au plus tard à la deuxième réunion à laquelle il examine la demande présentée dans ce sens, à moins qu’il ne soit décidé par consensus de ne pas établir de groupe spécial (art. 6). Cela signifie que le Membre qui fait l’objet de la plainte ne peut pas à lui seul bloquer la procédure. L’automaticité est renforcée grâce à l’adoption d’une approche fondée sur le « consensus négatif » au sein de l’ORD : il devra y avoir consensus de tous les membres de cet Organe pour interrompre le processus à un stade quelconque du déroulement de la procédure. La note interprétative de l’article IX:1 de l’Accord OMC définit le consensus comme suit : « L’Organe concerné sera réputé avoir pris une décision par consensus sur une question dont il a été saisi si aucun Membre, présent à la réunion au cours de laquelle la décision est prise, ne s’oppose pas formellement à la décision proposée ».

Le Mémorandum d’accord prévoit une plus grande automaticité dans l’adoption des rapports des groupes spéciaux (art. 16) et dans le droit de rétorsion dans le cas où un Membre ne se conformerait pas aux recommandations adoptées par les groupes spéciaux (art. 22).

Si l’établissement d’un groupe spécial et l’adoption de ses rapports sont automatiques, ces derniers sont dépourvus de la force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement des différends entre les parties en cause. C’est du moins ce qu’avait affirmé l’Organe d’appel dans l’Affaire des taxes japonaises sur les boissons alcooliques. Cette affaire remonte à 1986 à la suite d’une plainte déposée au GATT par la CE contre la Loi japonaise de 1953

23 Cf. Etats-Unis – Enquête antidumping concernant les importations de tomates fraîches ou réfrigérées en provenance du Mexique, plainte du Mexique, WT/DS49. 24

Cf. Corée – Mesures concernant la durée de conservation des produits, plainte des Etats-Unis, WT/DS5.

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sur la taxation des boissons alcooliques25. Ainsi peut-on lire dans le rapport adopté en la matière par l’Organe d’appel : « Les rapports des groupes spéciaux sont une partie importante de l’acquis du GATT mais n’ont aucune force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement du différend entre les parties en cause »26.

Le renforcement de la procédure de mise en œuvre des rapports des groupes spéciaux, grâce à la technique du consensus négatif, devrait permettre un dénouement rapide des litiges portant sur des produits agricoles. Ceci aura pour conséquence de rendre les rapports des groupes spéciaux « en pratique, sinon en droit, automatiquement contraignants » 27. Il reviendra à l’ORD, comme nous l’avons signalé au début, d’adopter définitivement les rapports des groupes spéciaux et d’en assurer le contrôle de la mise en œuvre et d’autoriser, le cas échéant, la prise de mesures de réparation en cas de non-application des recommandations. Il incombe donc à l’ORD, c’est-à-dire en fait au Conseil général, de mettre en œuvre les recommandations des panels, ce qui souligne la double nature, juridictionnel et politique, de cet organe : faciliter le règlement des différends, et approuver et mettre en œuvre les recommandations des groupes d’experts28.

De 1995 à 2000, la pratique du règlement des différends de l’OMC n’a enregistré aucun cas de blocage dans la constitution des groupes spéciaux, surtout dans l’optique du commerce des produits agricoles. Cette « quasi-automaticité » s’explique aisément. D’abord, la règle du consensus négatif réduit les possibilités de blocage. Ensuite, les plaignants ne savent pas a priori quelle serait la portée exacte du « jugement » qui serait rendu à leur sujet. Après, les plaignants ont d’autres possibilités pour faire réexaminer leur affaire, par la voie de l’appel ou par celle de l’arbitrage. Enfin, de plus en plus, on constate que les Membres accordent une confiance accrue au système de règlement des différends de l’OMC. En témoigne le grand nombre d’affaires, agricoles ou autres, qui ont été présentés devant l’ORD depuis qu’il est devenu effectif. Vers la fin 2000, l’ORD a enregistré quelque 205 demandes de consultations29.

c) L’appel, un recours fréquent dans le domaine agricole

L’introduction d’une procédure d’examen en appel constitue un élément nouveau dans le SCM. La création d’une telle procédure était initialement une proposition de la CE. Cette suggestion a été par la suite acceptée par plusieurs participants, malgré la réticence de certains pays, apparemment peu enclins à se voir assujettir à une « juridiction commerciale internationale »30.

25 Cette affaire a fait d’abord l’objet d’un examen par un Groupe spécial. Celui-ci a rendu son rapport le 11 juillet 1996. L’affaire a été ensuite portée, en août 1996, devant l’Organe d’appel de l’OMC à la demande du Japon. Les Etats-Unis et le Canada se sont joints ensuite à l’UE dans sa plainte contre le Japon. Le 4 octobre 1996, l’Organe d’appel a adopté son rapport concernant cette affaire. Pour des précisions supplémentaires, voir Th. Flory, « Chronique de droit international économique », AFDI, XLII, 1996, pp. 809-813. 26 Cité dans ibid., p. 811. Les mots en italiques ne sont pas soulignés dans le texte. 27 Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption et de mise en œuvre du règlement des différends dans le cadre de l’OMC sont-ils viables ? », AFDI, XL, 1994, p. 780. 28 Sur la double nature politique et juridictionnelle de l’ORD, cf. D. Carreau et P. Juillard, Droit international économique, op. cit., pp. 79-84. 29 Cf. OMC, Etat succinct des différends portés devant l’OMC, Secrétariat de l’OMC, Genève, 28 septembre 2000, p. 78. 30

Cf. Th. Flory, « Chronique de droit international économique », AFDI, XXXIX, 1993, p. 759.

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L’introduction de la procédure d’appel présente un grand intérêt pour le commerce des produits agricoles. L’appel constitue, en effet, une garantie supplémentaire pour la sécurité des transactions commerciales agricoles. Il permet aux plaignants de faire examiner une seconde fois leur affaire.

La nouveauté de l’appel réside dans le fait que cette procédure prévoit la mise en place, pour la première fois, d’un « mécanisme multilatéral autoritaire de règlement des litiges économiques internationaux dans un domaine dont on avait coutume de dire qu’il était par tradition rétif au règlement juridictionnel des litiges »31. Certains auteurs ont soutenu que la « juridictionnalisation » du système constitue le signe apparent du début de l’effacement de la spécificité du droit international économique face au droit international général : « Aujourd’hui, il semble que le chemin frayé du droit international économique s’efface sous les coups de boutoirs d’un droit international classique revivifié par la découverte – ou la redécouverte – de ses caractères propres. Des caractères propres suffisamment flexibles, pour pouvoir accommoder le fumet du droit international économique à la sauce du droit international général »32.

Pour qu’il y ait une confiance accrue dans la qualité des constatations juridiques, parallèlement à l’adoption automatique des rapports des groupes spéciaux, le Mémorandum d’accord a donc prévu l’examen en appel (art. 17). Celui-ci est limité aux questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial et aux interprétations du droit qui en sont données (art. 17:6). Seule la recherche exclusive de la vérité juridique devra donc guider le travail de l’Organe d’appel. En d’autres termes, c’est à une « réelle expertise juridique, et non à une expertise économique, que l’Organe d’appel sera convié »33. Cette possibilité, qui s’apparente, en quelque sorte, à un pourvoi en cassation, « évite à la fois une répétition complète des arguments de la première phase et permet à l’Organe d’appel de se concentrer sur le seul raisonnement juridique » 34. L’examen en appel ne saurait donc être assimilé à une seconde procédure de conciliation, puisque l’Organe d’appel n’est pas habilité à réexaminer l’intégralité de l’affaire. Cette conclusion devrait, cependant, être relativisée. Si les évaluations économiques ou factuelles auxquelles s’est livré le groupe initial ne sont pas en principe revues, dans le domaine juridique, la liberté de l’Organe d’appel est totale. Rien n’empêchera donc celui-ci, s’il le juge nécessaire, de revoir l’intégralité de l’affaire examinée « en première instance » par le groupe d’experts. De surcroît, en matière commerciale, il est difficile de tracer une ligne de démarcation nette entre ce qui relève du droit et ce qui relève des faits. Thiébaut Flory a fait observer, il y a plusieurs années, que « la construction jurisprudentielle du GATT repose simultanément sur une imbrication de l’économique et du juridique et sur une interpénétration des questions de droit et des questions de fait »35.

Tous les appels seront soumis à un Organe d’appel permanent (OAP) (art. 17:1)36. L’OAP

est composé de sept membres, globalement représentatifs de l’OMC, dont quatre siégeront de manière permanente et trois ne siégeront que pour une affaire donnée. Le Mémorandum d’accord prévoit (art. 17:3) qu’il doit s’agir de personnes dont l’autorité est reconnue dans

31 E. Canal-Forgues, « La procédure d’examen en appel de l’Organisation mondiale du commerce », AFDI, XLII, 1996, p. 847. 32

Idem. 33 E. Canal-Forgues, « Le système de règlement des différends… », article déjà cité, p. 703. 34 H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », op. cit., p. 742. 35 GATT, droit international et commerce mondial, op. cit., p. 235. 36 Le Conseil général, se réunissant pour la première fois en tant qu’ORD le 10 février 1995, a institué l’OAP et a été saisi des premiers différends. Cf. OMC Focus, n° 1, op. cit., p. 6.

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le domaine du droit, du commerce international et des questions relevant des Accords de l’OMC en général, et qui n’auront aucune attache avec une administration nationale 37. Les membres de l’OAP ont un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois. Trois des membres de l’OAP sont, toutefois, renouvelables, par tirage au sort, tous les deux ans 38. En avril-mai 2000, trois nouveaux membres de l’OAP ont été désignés, après consultation des Membres, par un comité de sélection, composé du Directeur général et des Présidents du Conseil général, de l’ORD, du Conseil du commerce des marchandises, du Conseil du commerce des services et du Conseil des ADPIC 39.

La présence de personnes permanentes au sein de l’OAP augure d’un « début d’évolution vers l’institutionnalisation d’un organe quasi-juridictionnel »40. Pour remplir convenablement leur mission, l’OMC a doté les membres de l’OAP d’une grande autonomie. Lors de la cérémonie de désignation des premiers membres de l’OAP, M. Renato Ruggiero, s’adressant à ceux-ci, a souligné : « Il est extrêmement important que l’Organe d’appel, en tant qu’autorité judiciaire suprême du système de règlement des différends de l’OMC, soit un organe totalement indépendant et impartial, hermétique à toute influence politique. C’est pourquoi vous avez été dotés d’un secrétariat indépendant, distinct du Secrétariat de l’OMC. Il est absolument primordial de maintenir et préserver votre indépendance pour la crédibilité et l’intégrité du système de règlement des différends et de l’OMC elle-même »41.

Trois membres de l’OAP siègeront pour une affaire donnée (art. 17:2). Ils auront toute liberté dans l’appréciation du droit puisqu’ils pourront confirmer, modifier ou infirmer les constatations juridiques du groupe spécial (art. 17:13). En règle générale, la durée de l’appel ne devra pas dépasser soixante jours et en aucun elle ne dépassera, précise l’article 17:5, quatre-vingt-dix jours. Trente jours après sa distribution aux Membres, le rapport de l’OAP devra être adopté par l’ORD et accepté sans condition par les parties au différend, à moins que l’ORD, agissant selon la règle du consensus négatif, décide de ne pas adopter le rapport en question, ceci dans les trente jours qui suivent sa distribution aux Membres (art. 17:4). Cette disposition indique que c’est l’ORD qui détient l’autorité pour décider de l’adoption définitive des rapports de l’OAP. Il aurait été souhaitable de ne pas subordonner l’entrée en vigueur définitive des recommandations de l’OAP à l’approbation de l’ORD, ce qui aurait dû doter les décisions de l’OAP de l’ « autorité de la chose jugée » 42.

37 Le 29 novembre 1995, l’ORD a annoncé la composition de l’OAP. Les sept personnes qui ont été désignées sont les suivantes : M. James Bacchus (Etats-Unis) ; M. Christopher Beeby (Nouvelle-Zélande) ; M. Claus-Dieter Ehlermann (Allemagne) ; M. Said El-Naggar (Egypte) ; M. Florentino Feliciano (Philippines) ; M. Julio Lacarte (Uruguay) ; et M. Mitsuo Matsushita (Japon). Sur les notices biographiques de ces personnes, voir Communiqué de presse de l’OMC, PRESS/32, 29 novembre 1995. 38 Au courant de l’année 2000, l’ORD devait désigner une personne en remplacement de M. David. Beeby, décédé le 19 mars 2000, à Genève. M. David Beeby a notamment présidé l’OAP durant 1998. En décembre 1999, l’ORD a renouvelé son mandat de quatre ans. Cf. Communiqué de presse de l’OMC, PRESS/171, 20 mars 2000. 39 Les personnes désignées sont les suivantes : M. Abi-Saab (Egypte) ; M. Arumugamangalam Venkatachalam Ganesan (Inde) ; et M. Yasuhei Taniguchi (Japon). Cf. Communiqué de presse de l’OMC, PRESS/179, 25 mai 2000. 40 Th. Flory, « Chronique de droit international économique », AFDI, XLI, 1995, p. 583. 41 Cité dans Communiqué de presse de l’OMC, PRESS/37, 13 décembre 1995, p. 1. 42 Durant les premières années d’existence du GATT, les rapports des groupes spéciaux étaient directement communiqués aux parties intéressées. Ultérieurement, les rapports des panels devaient être soumis aux Parties Contractantes (l’actuelle Conférence ministérielle) ou au Conseil des représentants (l’actuel Conseil général) à qui revenaient l’approbation finale. Cf. Th. Flory, GATT, droit international et commerce mondial, op. cit., p. 70.

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51

Au regard de la pratique de l’OMC, on constate que tous les litiges d’origine agricole déférés devant cette instance, à l’exception des deux affaires citées précédemment, ont passé par la procédure d’appel. L’Affaire des boissons alcooliques, l’Affaire des saumons, l’Affaire du bœuf aux hormones, l’Affaire subventions (fromages fondus), l’Affaire sociétés de ventes à l’étranger (traitement fiscal), l’Affaire exportations de produits laitiers, l’Affaire crevettes, ainsi que d’autres, ont toutes transité par la procédure d’appel

43. Le nombre croissant de différends agricoles portés devant l’OAP risque cependant d’entraîner des lourdeurs pour le système qui ne dispose, à l’heure actuelle, que d’un effectif limité. La composition actuelle de l’OAP devrait être revue afin de répondre au nombre progressif des appels introduits, notamment en matière agricole.

d) La mise en œuvre des rapports

La mise en œuvre des rapports adoptés par le groupe spécial ou par l’OAP constitue l’étape la plus importante dans la résolution des différends. Le Mémorandum d’accord dispose à cet effet : « Pour que les différends soient résolus efficacement dans l’intérêt de tous les Membres, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l’ORD » (art. 21:1).

Après l’adoption du rapport, la partie concernée devra notifier ses intentions quant à la mise en œuvre des recommandations adoptées (art. 21:3). Dans les cas où un groupe spécial ou l’OAP concluraient qu’une mesure est incompatible avec un accord visé, il recommandera que le Membre concerné la rende compatible avec l’accord en question (art. 19:1). Si rien n’est fait dans ce sens dans un délai raisonnable, il est possible de recourir à titre temporaire à une compensation ou à la suspension de concessions ou d’autres obligations (art. 22:2). Si aucune compensation satisfaisante n’est convenu, le plaignant peut demander à l’ORD de l’autoriser à prendre des mesures de rétorsion. Le principe général est que la suspension des concessions doit avoir lieu dans le même secteur du commerce. Par exemple, la mesure de rétorsion prise en réponse à une violation d’engagements concernant des marchandises (art. 22:3, al. a) et b)). Si cela n’est pas réalisable ou efficace, et si les circonstances sont suffisamment graves, la partie plaignante peut déclencher des « représailles croisées » (« a cross retaliations »). En vertu de cette procédure, la mesure de rétorsion prise en réponse à un manquement à des engagements concernant par exemple les ADPIC peut viser le GATS (art. 22:3). En cas de désaccord au sujet du niveau de la suspension proposée, la question pourra être soumise à l’arbitrage.

Les rétorsions croisées ont été activées dans l’affaire du régime communautaire applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes44. En effet, à sa réunion du 19 novembre 1999, l’ORD a examiné une demande présentée par l’Equateur conformément à l’article 22:2 du Mémorandum d’accord en vue d’obtenir l’autorisation de suspendre, à l’égard de la CE et des ses Etats membres, l’application de concessions tarifaires ou d’autres obligations connexes au titre du GATT de 1994, de l’Accord sur les ADPIC et de l’AGCS45. L’ORD a décidé de soumettre la question à arbitrage, conformément à l’article 22:6 du mémorandum d’accord46. Le 18 mai 2000, l’ORD a autorisé l’Equateur, au titre de l’article 22:7 du Mémorandum d’accord, à suspendre, à l’égard de la CE et de ses Etats

43

Cf. OMC, Etat succinct des différends portés devant l’OMC, op. cit., pp. 76-78. 44 Voir le document WT/DSB/M/71, 78, 80. 45 Voir le document WT/DS27/52. 46 Voir le document WT/DS27/ARB/ECU.

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membres, l’application de concessions tarifaires ou d’autres obligations connexes conformément à la décision des arbitres.

Le problème qui se pose, pour ce qui concerne l’autorisation de la suspension des concessions, est celui de l’efficacité des sanctions commerciales. Celles-ci engendrent souvent des effets opposés. Ainsi, lors de la négociation de l’accord bilatéral de Blair House, les Etats-Unis ont menacé de prendre des mesures de restriction contre le vin blanc français. La conséquence de cette mesure a été un afflux de commandes de la part des importateurs américains qui ont stocké l’équivalent de quatre ans de ventes. Les sanctions précitées se sont ainsi retournées contre les Etats-Unis eux-même 47. De plus, quel serait l’impact d’une sanction commerciale prononcée par un petit Etat tel que les îles Salomon contre un pays de la taille des Etats-Unis ou du Canada ? Dans son litige l’opposant à la CE au sujet de la banane, l’Equateur, qui avait pourtant été autorisé par l’ORD à « prendre des mesures de rétorsion croisée » à l’encontre de celle-là au titre de l’ADPIC, a ainsi souligné qu’ « il était un petit pays face à un partenaire commercial comme les CE mais [qu’il] avait engagé le processus de rétorsion pour encourager ces dernières à modifier leur régime applicable aux bananes d’une manière qui soit compatible avec les règles de l’OMC ». Il a ajouté « qu’il préférerait l’octroi d’une compensation à la suspension de concessions »48.

Dans la plupart des cas de nature agricole, la mise en œuvre finale des recommandations contenues dans les rapports rendus par l’ORD ne pose pas de difficultés particulières, malgré parfois la réticence de certains Membres à y souscrire complètement. Les Etats-Unis eux-mêmes se sont pliés, maintes fois, à la décision finale de l’ORD. On peut citer dans ce cadre le conflit qui leur a opposé à l’Inde, la Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande. Ce litige a pour origine une prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes instituée par les Etats-Unis 49. A la réunion de l’ORD du 25 novembre 1998, les Etats-Unis ont informé l’ORD qu’ils étaient résolus à mettre ses recommandations en œuvre et souhaitaient débattre de cette mise en œuvre avec les plaignants. A la réunion de l’ORD du 27 janvier 2000, les Etats-Unis ont déclaré qu’ils avaient mis en œuvre les décisions et recommandations de l’ORD. Les Etats-Unis avaient cependant formulé plusieurs réserves quant à certaines interprétations du droit données par l’ORD. Au sujet de l’affaire relative au traitement fiscal des sociétés de vente à l’étranger, les Etats-Unis avaient qualifié d’ « erronées » certaines conclusions contenues dans le rapport de l’OAP ! Ils ont déclaré, en conséquence, qu’il ne leur était pas possible d’approuver l’adoption des rapports 50. Malgré cela, les Etats-Unis ont notifié le 7 avril 2000 à l’ORD leur intention de se conformer aux recommandations rendues par cette instance.

Il existe par contre des affaires agricoles qui ont rencontré des problèmes de mise en œuvre, notamment en ce qui concerne la détermination du niveau de suspension des concessions. Dans l’affaire du bœuf aux hormones, par exemple, la CE a contesté, dans un premier temps, le niveau des compensations fixé par l’ORD 51. C’est par voie d’arbitrage que le niveau des compensations a été déterminé. Dans l’affaire des bananes, à laquelle

47 Sur l’ « effet boomerang » des sanctions économiques, cf. A. Zemrani-Alaoui, Pouvoir vert et péril rouge. L’arme alimentaire dans les relations entre les deux grandes puissances, Préface de Léopold Sédar Senghor, Editions N.E.A. et J.-P. Taillandier, Paris, 1981, pp. 91-107. 48 Cité dans OMC Focus, n° 45, mars-avril 2000, pp. 13-14. 49

Cf. OMC, Etat succinct des différends portés devant l’OMC, op. cit., p. 7. 50 Cf. OMC Focus, n° 45, mars-avril 2000, p. 14. 51

Cf. Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), plainte des Etats-Unis (WT/DS26) et du Canada (WT/DS48).

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nous reviendrons en détail, la CE et l’Equateur ne s’étaient pas mis d’accord sur le niveau des concessions devant être suspendus52.

2. Les procédures spéciales au titre de l’Accord SPS

En cas de différend sur une mesure SPS, les procédures normales du Mémorandum d’accord seront utilisées, et, à titre complémentaire, l’avis d’experts scientifiques pourra être sollicité. Aux termes de l’article 11:1 de l’Accord SPS : « Les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT 1994, telles qu’elles sont précisées et mises en application par le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends, s’appliqueront aux consultations et au règlement des différends au titre du présent accord, sauf disposition contraire expresse de ce dernier »53.

En raison en effet du caractère scientifique ou technique des différends pouvant surgir au titre de l’Accord SPS, celui-ci prévoit des procédures spéciales ou additionnelles en vue de répondre à ce genre de situations 54. Il précise ainsi qu’en cas de « différend relevant du présent accord et qui soulève des questions scientifiques ou techniques, un groupe spécial devrait demander l’avis d’experts choisis par lui en consultation avec les parties au différend » (art. 11:2). A cette fin, le groupe spécial pourra établir un « groupe consultatif d’experts techniques », ou consulter les organisations internationales compétentes, à la demande de l’une ou l’autre des parties au différend ou de sa propre initiative. Le groupe spécial ne demandera donc qu’un « avis consultatif » aux experts techniques ou aux organisations internationales compétentes. Il reviendra au groupe spécial de trancher, après avoir recueilli les informations nécessaires, le différend en question. Il n’est pas besoin, certes, pour l’OAP de recueillir un avis consultatif auprès d’experts ou d’organismes internationaux, étant donné que son travail se limite principalement aux questions de droit.

L’article 11:3 prévoit, en outre, qu’aucune disposition de l’Accord SPS ne portera atteinte aux droits que les Membres tiennent d’autres accords internationaux, y compris le droit de recourir aux bons offices ou aux mécanismes de règlement des différends d’autres organisations internationales ou établis dans le cadre de tout accord international. Cependant, le problème qui risque de se poser ici est le suivant : si un différend concernant une mesure SPS a été résolu dans le cadre d’une convention internationale autre que l’Accord OMC, la solution qui en a été dégagée sera-elle d’application automatique ou immédiate ou requiert-elle l’approbation préalable de l’ORD ? On sait que les conventions internationales produisent, en principe, des effets relatifs. Le principe de l’effet relatif des traités est posé par l’article 34 de la Convention de Vienne sur le droit des traités : « Un traité ne crée ni obligations, ni droits pour un Etat tiers sans son consentement ». Pourtant, ce principe n’est pas absolu ; il est assorti de plusieurs exceptions. Ainsi en est-il des normes de la Charte des Nations-Unies dont pratiquement tous les juristes s’accordent à

52

Cf. Communautés européennes – Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes, plainte de l’Equateur, du Guatemala, du Honduras, du Mexique et des Etats-Unis (WT/DS27). 53 C’est nous qui soulignons. 54 L’appendice 2 du Mémorandum d’accord comprend la liste des textes qui prévoient des procédures spéciales ou additionnelles. Il s’agit, en plus de l’Accord SPS, de l’ATV, de l’Accord OTC, de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT 1994, de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VII du GATT 1994, de l’Accord sur les subventions, de l’AGCS et de la Décision sur certaines procédures de règlement des différends établies aux fins de l’AGCS. On rappellera que l’Accord sur l’IAE prévoit la mise en place d’une procédure d’examen indépendante appelée "Entité indépendante" chargée de régler les différends pouvant résulter au titre de l’Accord précité. Sur ce dernier point, voir supra, chap. I

er, sect. I, § Ier, B, 1, a), ce titre.

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reconnaître le caractère erga omnes55. Par conséquent, si un différend concernant une mesure SPS, opposant deux Membres, a été réglé dans un système autre que celui de l’OMC, la sentence qui en a été arrêtée n’est pas, en principe, opposable aux autres Membres.

D’autres problèmes peuvent aussi être posés par l’articulation des procédures spéciales avec les procédures ordinaires. La pluralité des procédures de règlement des différends ne risquerait-elle pas de provoquer une résurgence de la pratique antérieure du « forum shoping », celle-ci consistant « à jouer sur la concurrence d’applicabilité des règles spéciales contenues dans différents accords » ? 56. Pour que de tels problèmes ne conduisent pas à des blocages du système, le Mémorandum d’accord a prévu deux clauses. La première, qui est fondamentale, est une application du principe – déjà cité – de specialia generalibus derogant. Ce principe constitue le fondement de toute la réglementation spécifique sur l’agriculture telle qu’on l’a étudié dans sa singularité au titre premier de cette partie. Il est aussi énoncé par le Mémorandum d’accord : « Les règles et procédures du présent mémorandum d’accord s’appliqueront sous réserve des règles et procédures spéciales ou additionnelles relatives au règlement des différends contenues dans les accords visés (…) Dans la mesure où il y a une différence entre les règles et procédures du présent mémorandum d’accord et les règles et procédures additionnelles (…), ces dernières prévaudront » (art. I er:2). La seconde disposition, qui complète la précédente, est la suivante : « Dans les différends concernant des règles et procédures qui relèvent de plus d’un accord visé, s’il y a conflit entre les règles et procédures spéciales ou additionnelles de ces accords soumis à examen, et dans les cas où les parties au différend ne peuvent s’entendre sur des règles et procédures dans un délai de 20 jours à compter de l’établissement du groupe spécial, le Président de l’Organe de règlement des différends (…), en consultation avec les parties au différend, déterminera les règles et procédures à suivre dans les 10 jours suivant une demande de l’un ou l’autre Membre » (par. précité). On peut aussi envisager la possibilité de recours à la procédure d’interprétation qu’établit l’article XI de l’Accord OMC. Cet article réserve l’interprétation authentique à la Conférence ministérielle et au Conseil général. Une telle décision, pour qu’elle soit adoptée, requiert une majorité des trois quarts des votes émis.

La possibilité de tels heurts justifie qu’on ait prévu un réexamen des dispositions du Mémorandum d’accord dans un délai de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’Accord OMC 57. Ce réexamen devait être l’occasion pour les Membres de décider du « maintien, de la modification ou de l’abrogation des règles et procédures du Mémorandum d’accord ». A la réunion de l’ORD du 20 août 1999, les Membres n’avaient pas été en mesure de parvenir à un consensus au sujet de cette question. Le délai pour l’achèvement du réexamen a normalement expiré le 31 juillet 199958.

3. Les procédures alternatives : l’arbitrage

55

Cf. N. Quoc Dinh et al., Droit international public, 4e édition, Ed. LGDJ, Paris, 1992, pp. 233-244.

56 H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », op. cit., p. 729. 57

Le texte qui prévoit cette évaluation est la Décision sur l’application et le réexamen du Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends. 58

Cf. OMC, Organe de règlement des différends. Rapport annuel (1999), WT/DSB/16, Genève, 22 octobre 1999, 10 pages.

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L’article 25 du Mémorandum d’accord prévoit une procédure d’arbitrage rapide « conçue comme un autre moyen de règlement des différends » 59. Aussi le Mémorandum d’accord renoue-t-il avec la Charte de la Havane de 1948 qui prévoit à l’article 93 (par. 2 et 3) la possibilité de recours à l’arbitrage 60. Celui-ci est conçu, dans le cadre du Mémorandum d’accord, comme une procédure alternative pouvant « faciliter la solution de certains différends concernant des questions clairement définies par les deux parties » (art. 25:1).

A la différence de la conciliation, des bons offices ou de la médiation, l’arbitrage constitue un mode juridictionnel de règlement des litiges par une autorité appelée " Arbitre/s". Cette autorité tire « son pouvoir de juger, non d’une délégation permanente de l’Etat ou d’une institution internationale, mais de la convention des parties (lesquelles peuvent être de simples particuliers ou des Etats) »61.

Le recours à l’arbitrage est subordonné à l’accord mutuel des parties qui conviendront des procédures à suivre (art. 25:2). Selon ce même paragraphe, les accords sur le recours à l’arbitrage seront notifiés à tous les Membres assez longtemps avant l’ouverture effective de la procédure d’arbitrage.

L’arbitrage est contraignant pour les parties qui en ont fait recours : « Les parties à la procédure conviendront de se conformer à la décision arbitrale » (art. 25:3). Les décisions d’arbitrage sont par conséquent d’application automatique, ce qui est de nature à favoriser une résolution rapide et définitive des conflits concernant des produits agricoles. Une fois adoptées, les sentences arbitrales doivent être « notifiées à l’ORD et au Conseil ou Comité de tout accord pertinent, où tout Membre pourra soulever toute question s’y rapportant » (par. précité). Cette stipulation sous-tend que les décisions arbitrales n’ont pas à être approuvées par l’ORD.

Selon l’article 25:4, les règles du Mémorandum d’accord relatives à la surveillance de la mise en œuvre des recommandations et décisions (art. 21) et à la compensation et aux suspensions de concessions (art. 22) s’appliqueront mutatis mutandis aux décisions arbitrales.

La procédure d’arbitrage a été activée en matière agricole, spécialement pour ce qui concerne un différend portant sur des mesures SPS. Il s’agit du différend concernant la viande de bœuf aux hormones dont l’exposé des faits sera fait au paragraphe suivant. Le 26 juillet 1999, l’ORD a autorisé les Etats-Unis et le Canada à suspendre des concessions tarifaires à l’égard de la CE pour les montants fixés par voie d’arbitrage 62. Le 17 mai 1999, les Etats-Unis ont demandé à l’ORD, conformément à l’article 22:2 du Mémorandum d’accord, d’autoriser la suspension à l’égard de l’UE l’application de concessions tarifaires portant sur des échanges de 202 millions de dollars EU par an. Dans une lettre du 2 juin 1999, l’UE a contesté le niveau de la suspension proposée par les Etats-Unis. Elle a demandé que la question soit soumise à arbitrage. Dans sa déclaration, l’UE a évalué le niveau de la réduction des avantages causée par l’interdiction d’importer des viandes traitées aux hormones en provenance des Etats-Unis à un maximum de 53 301 675 dollars. Les arbitres, constitués par les trois membres du Groupe spécial initial, ont déterminé que

59 En fait, le Mémorandum d’accord n’a fait qu’entériner, à travers l’article 25, la Décision du 12 avril 1989, adoptée par la Conseil du GATT à l’occasion de l’examen à mi-parcours de Genève. 60

Cf. E. Canal-Forgues, « Le système de règlement des différends de l’OMC », in SFDI, Colloque de Nice 1995, déjà cité, p. 289. 61 G. Connu (dir. publ.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 62. 62

Cf. OMC, Communautés européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés. Plainte initiale des Etats-Unis. Recours des Communautés européennes à l’arbitrage au titre de l’article 22:6 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends (Décision des arbitres), WT/DS26/ARB, Genève, 12 juillet 1999, 23 pages.

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le niveau du préjudice commercial subi par les Etats-Unis et par le Canada, résultant de l’inapplication par la CE des recommandations de l’ORD relatives à cette affaire, s’établissait, respectivement, à 116,8 millions de dollars EU et 11,3 millions de dollars canadiens63. L’arbitrage a donc permis le dénouement d’un différend qui compte parmi les litiges les plus complexes que l’OMC ait traité au cours de ses cinq premières années d’existence.

D’autres contentieux traitant, directement ou indirectement, des produits agricoles ont également été résolus par voie d’arbitrage. A titre d’exemple, les Etats-Unis ont présenté une demande d’arbitrage dans leur différend avec l’UE à propos des FSC 64. Dans l’affaire des bananes, le délai accordé à la CE pour la mise en œuvre des recommandations a été fixé par arbitrage. Il en a été de même pour ce qui concerne l’affaire des taxes japonaises sur les boissons alcooliques. Comme l’appel, l’arbitrage est une procédure très sollicitée en matière agricole.

La procédure supplétive d’arbitrage devrait donc permettre aux Membres de trouver des solutions positives et mutuellement acceptables à leurs désaccords agricoles. La réussite du mécanisme contraignant d’arbitrage « implique toutefois que les Etats renoncent à une partie de leur souveraineté, contrainte à laquelle les puissants de ce monde ne se résignent pas facilement » !65.

B. - Un système exclusif de toute action unilatérale ?

Le Mémorandum d’accord contient une importante « clause sur le renforcement du système commercial multilatéral » dont il convient d’examiner aussi bien le contenu (1) que les limites (2).

1. La clause du renforcement du système commercial multilatéral

Incarnation de l’idée d’Etat de droit, le Mémorandum d’accord rejette toute action unilatérale pouvant aller à l’encontre des principes multilatéraux de l’OMC. Il souligne la primauté du SCM sur les tentations unilatérales. L’article 23, libellé "Renforcement du système multilatéral ", dispose au paragraphe premier : « Lorsque des Membres chercheront à obtenir réparation en cas de violation d’obligations ou d’annulation ou de réduction d’avantages résultant des accords visés, ou d’entrave à la réalisation d’un objectif des dits accords, ils auront recours et se conformeront aux règles et procédures du présent mémorandum d’accord ». En outre, les Membres ne doivent pas eux-mêmes déterminer l’existence d’une infraction, ni suspendre des concessions ; ils doivent appliquer les règles et procédures du Mémorandum d’accord (art. 23:2).

63 Cf. OMC Focus, n° 41, juillet-août 1999, p. 6. 64 Cf. OMC, Etats-Unis – Traitement fiscal des "sociétés de ventes à l’étranger". Demande d’arbitrage présentée par les Etats-Unis au titre de l’article 22:6 du mémorandum d’accord sur le règlement des différends, WT/DS 108/15, Genève, 27 novembre 2000, 1 page. 65 F. Bastien, « L’élaboration et le fonctionnement des mécanismes d’arbitrage au sein de l’AELE et de l’ALENA, du GATT et de l’OMC », Etudes internationales, vol. XXVI, n° 3, septembre 1995, p. 75.

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Les deux paragraphes précités sont à relier avec la « clause de mise en conformité des législations nationales avec les dispositions de l’OMC ». Cette clause, prévue à l’article XVI:4 de l’Accord OMC, stipule : « Chaque Membre assurera la conformité de ses lois, réglementations et procédures administratives avec ses obligations telles qu’elles sont énoncées dans les Accords figurant en annexe ». Cet énoncé affirme donc la primauté du droit international sur le droit interne. Il s’inspire probablement de l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui dispose : « Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité ». Un Etat ne peut donc se soustraire à un engagement lui incombant au titre de l’Accord sur l’agriculture sous prétexte que cet engagement est incompatible avec son droit interne. Cette approche, prônée par le Mémorandum d’accord, permettra sans doute un renforcement du SCM.

L’acceptation des règles et procédures du Mémorandum d’accord implique donc la renonciation au recours à toute mesure coercitive nationale. Autrement dit, si un Etat adhère à l’OMC, il ne pourra appliquer des mesures de rétorsion à l’égard d’un autre Membre que dans le cadre des règles et procédures du Mémorandum d’accord.

En application des clauses précitées, la CE, par exemple, ne peut plus recourir unilatéralement à son « Nouvel instrument de politique commerciale ». Cet instrument, qui date de 1984, a été mis en place par la CE pour contrecarrer les pratiques commerciales unilatérales des Etats-Unis 66. De même, les Etats-Unis ne peuvent plus en principe utiliser les mesures unilatérales prévues par la « Section 301 » du Trad Act de 1974 à l’encontre d’un Membre dans un domaine couvert par les Accords de l’OMC. La Section 301 vise à promouvoir le respect des droits des Etats-Unis lorsque ces derniers font face à des pratiques qu’« ils jugent » déloyales et affectant négativement leurs intérêts commerciaux67. Elle est donc par définition incompatible avec ce que recommande l’OMC.

L’obligation pour un Membre de recourir aux dispositions du Mémorandum d’accord, lorsqu’il a à résoudre un différend avec un autre Membre, constitue incontestablement un pas important vers le renforcement de la multilatéralisation des échanges commerciaux agricoles. Une telle obligation n’a toutefois de chance d’aboutir que si les Membres y souscrivent sans condition.

2. Les limites de la clause

La clause du renforcement du SCM n’interdit pas de façon catégorique et formelle le recours aux pratiques unilatérales dans la résolution des litiges commerciaux. Ses dispositions doivent être interprétées comme des clauses « exhortatoires » ou « incitatoires » plutôt que comme des dispositions « prohibitives » ou « prescriptives ». La clause du renforcement du SCM tend simplement à éviter le recours à des mesures unilatérales de rétorsion non autorisées par l’OMC. Elle crée une « incitation à ne pas recourir aux mesures unilatérales »68. L’idée qu’elle sous-tend est principalement de rendre le recours aux mesures unilatérales de rétorsion moins intéressant. Le Mémorandum d’accord pouvait-il faire mieux, quand on sait que la Convention de Vienne sur le droit des

66

Cf. P. Messerlin, La nouvelle Organisation mondiale du commerce, Publ. de l’Ifri, Ed. Dunod, Paris, 1995, p. 313. 67

Cf. ibid., p. 311. 68

Y. Renouf, « Le règlement des litiges », op. cit., p. 47.

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traités, qui constitue le « Traité des traités », reconnaît elle-même à l’article 60 : « Un Etat est fondé à suspendre le jeu d’une clause à l’encontre d’un autre Etat auteur d’une violation substantielle d’un traité »

69. Un Membre peut-il ainsi invoquer cet article pour suspendre unilatéralement l’application d’une concession, suite à une « violation substantielle » de l’Accord sur l’agriculture par un autre Membre ? On se trouve ici au cœur du problème de l’articulation normative des règles de l’OMC avec le droit « externe », c’est-à-dire les textes internationaux. L’OAP a eu déjà l’occasion de se prononcer sur cette question à l’occasion de son examen du régime communautaire applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes. Dans cette affaire, il a souligné que la CE ne peut invoquer les accords préférentiels qu’elle a conclus avec les Etats ACP pour se dérober à ses engagements multilatéraux contractés dans le cadre de l’OMC.

Il n’est pas évident que les instruments unilatéraux de rétorsion commerciale de type « Section 301 » disparaîtront définitivement, en particulier dans les domaines peu couverts, ou non couverts, par les règles de l’OMC, par exemple l’investissement international et la politique en matière de concurrence. Comme l’a à juste titre souligné Patrick Hoguet : « L’interprétation qui prévaut actuellement, tant aux Etats-Unis qu’au Secrétariat du GATT ou à la Commission européenne, tend à considérer que, si l’utilisation de la législation américaine unilatérale est interdite, sa suppression ne pourra pas être exigée »70.

Les Etats-Unis semblent apparemment peu disposés à abandonner leur terrain favorable : l’unilatéralisme. C’est ainsi qu’à été mise en place au Congrès américain, consécutivement à la signature de l’Acte final de Marrakech, une Commission de surveillance du MRD. Cette commission a reçu comme mandat l’examen de « tous les rapports concernant les Etats-Unis pour déterminer si le panel a excédé ses pouvoirs ou a décidé en dehors du champ d’application de l’Accord et qui peut faire des recommandations pour un ajustement des règles de règlement des différends, 3 recommandations en 5 ans autorisant à envisager le retrait des Etats-Unis de l’Organisation [ mondiale du commerce] » ! 71

. De même, la Loi de ratification des Accords de Marrakech prévoit que « le Congrès américain peut demander de sortir de l’OMC si les Etats-Unis sont condamnés trois fois au sein de l’Organe de règlement des différends » ! 72.

Les tendances commerciales unilatérales américaines n’ont pas tardé à se manifester après la conclusion des Accords de l’Uruguay Round. L’une de ces tendances est illustrée par la Loi Helms-Burton, promulguée par le Président américain, M. Bill Clinton, le 12 mars 199673. Cette loi a eu des incidences négatives sur le commerce du sucre entre la CE et Cuba. Lors de la réunion du Conseil des marchandises du 19 mars 1996, Cuba a protesté vivement contre cette loi qu’elle a qualifiée comme « contraire aux règles, aux principes et aux objectifs de l’OMC » 74. Cette position a été réitérée par Cuba à l’occasion du Sommet du G-77 qui s’est tenu en avril 2000, à La Havane 75. La Loi Helms-Burton pose un problème juridique de taille, celui de l’«extraterritorialité » : un pays peut-il imposer ses lois nationales au-delà de son territoire ? Selon Sir Leon Brittan, ancien Commissaire européen aux affaires commerciales, l’UE est en faveur de la démocratisation du régime de

69 C’est nous qui soulignons. 70 Les résultats du cycle d’Uruguay du GATT, op. cit., p. 29. 71 Cité par H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce », op. cit., p. 748, note 95. 72 Cité par B. Richez, « Le règlement des différends de l’OMC et de la Communauté européenne », Problèmes économiques, n° 2.635, 13 octobre 1999, p. 3. 73 Le Président américain a promulgué cette loi après la destruction de deux avions américains par les Forces aériennes cubaines. Cf. OMC Focus, n° 11, juin-juillet 1996, p. 7. 74

Cité dans OMC Focus, n° 10, mai 1996, p. 9. 75

Cf. Le Matin du Sahara et du Maghreb, 16/04/2000, p. 10.

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M. Fidel Castro, mais elle ne peut tolérer les législations extraterritoriales 76. Le 1 er octobre 1996, l’UE a décidé de recourir à l’ORD pour protester contre les Etats-Unis au sujet de la Loi Helms-Burton, qui visait essentiellement des sociétés européennes. Elle a auparavant tenté de régler ce problème par voie de consultations77.

Le problème de l’application extraterritoriale des lois étatiques s’est également posé dans l’Affaire des crevettes. L’objet de la plainte déposée par l’Inde en 1996 est une prohibition à l’importation de crevettes imposée par les Etats-Unis 78. L’Inde a souligné que « l’interdiction par les Etats-Unis des importations de crevettes capturées en mer en provenance de pays qui n’appliquaient pas des mesures homologuées de protection des tortues de mer était extraterritoriale, arbitraire et discriminatoire »79.

La Loi d’Amato-Kennedy constitue aussi l’expression de l’unilatéralisme américain. Cette loi, connu aussi sous le nom d’« Iran and Libya Sanctions Act of 1996 », était dirigée contre ces deux pays. Elle a été signée le 5 août 1996 en présence des familles des victimes du vol Pan Am 103, qui a explosé le 21 décembre 1988 au-dessus de Lockerbie. Si cette loi ne vise pas directement le commerce des produits agricoles, il a eu néanmoins des incidences négatives sur l’investissement international, dont celui relatif aux produits agroalimentaires.

Ainsi, avec les deux lois américaines précitées, assiste-t-on à une sorte de « mondialisation juridique » qui risque d’affaiblir les règles de l’OMC et de diminuer, en conséquence, l’attrait pour le SCM80.

Les tentations unilatérales n’ont donc pas totalement disparu malgré l’invitation du Mémorandum d’accord exprimée dans l’article 23. Certains auteurs, citant la menace américaine d’appliquer des sanctions unilatérales à l’encontre de l’UE au sujet du conflit sur la banane, sont allés jusqu’à dire que l’OMC a été « prise en otage par Washington » 81. D’autres se sont interrogé, à la lumière du conflit précité, si les Etats-Unis n’étaient pas le « mauvais élève du multilatéralisme » ? 82. L’on ne peut dès lors que s’étonner de lire ces mots prononcés par l’ancien Directeur général de l’OMC, M. Renato Ruggiero, devant l’American Buiness Council à Williamsburg, en Virgine : «… Il n’y a pas incompatibilité entre une défense active des intérêts américains et un système multilatéral ouvert. Au contraire, le système multilatéral a été mis à l’épreuve et jugé efficace, aussi bien pour accroître la prospérité des Etats-Unis que pour défendre leurs droits conformément aux règles établies. Le système est maintenant mieux équipé que jamais pour répondre à l’objectif fondamental des Etats-Unis – la primauté du droit dans le commerce international » !83.

§II. – Vers l’émergence d’un droit « jurisprudentiel » en matière de commerce international agricole ?

76 Cité par Al Bayane, 2 octobre 1996, p. 1. 77

Cf. OMC, Etats-Unis – Loi pour la liberté et la solidarité démocratique à Cuba. Demande de consultations présentée par les Communautés européennes, G/L/71 / WT/DS 38/1/S/L/21, Genève, 13 mai 1996, 2 pages. 78 La Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande étaient également plaignants, à côté de l’Inde, dans cette affaire. 79

Cité dans OMC Focus, n° 17, mars 1997, p. 4. 80 Cf. B. Stern, « Vers la mondialisation juridique ? Les lois Helms-Burton et D’Amato-Kennedy », RGDIP, n° 4, 1996, pp. 979-1003. 81

J.-P. Planchou, « Le commerce au risque de la mondialisation, in Le Monde diplomatique, février 1995, p. 5. 82 Cf. F. Sachwald, « Les débuts de l’Organisation mondiale du commerce : premier bilan », Problèmes économiques, n° 2.459, 14 février 1996, p. 15. 83

Cité dans Communiqué de presse de l’OMC, PRESS/24, 13 octobre 1995, p. 6.

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Parallèlement à sa fonction de résolution des litiges, l’ORD pourrait jouer un rôle important dans le développement du droit du commerce international. En étant en effet amené à faire des constatations juridiques sur les affaires qui lui sont présentées, l’ORD, principalement l’OAP, contribuerait à éclaircir les dispositions peu claires de l’Accord sur l’agriculture. Ceci est de nature à concourir à l’éclosion d’une jurisprudence susceptible de compléter le droit conventionnel de l’OMC ainsi que d’en combler les lacunes.

Aussi l’une des missions de l’ORD est-elle d’interpréter les dispositions de l’Accord sur l’agriculture (A). Ce travail pourrait favoriser l’émergence d’une jurisprudence en matière de commerce international des produits agricoles. Quelques précédents existent déjà (B).

A. - Le rôle de l’ORD dans l’interprétation de l’Accord sur l’agriculture

Beaucoup de différends agricoles ont été portés devant l’ORD depuis l’entrée en fonction de l’OMC : Affaire du bœuf aux hormones, Affaire des bananes, Affaire des noix de coco, Affaire des volailles, etc. La plupart des plaintes concernent des allégations d’incompatibilité avec les obligations contractées dans le cadre de l’OMC. Un simple relèvement non autorisé d’un DD peut facilement compromettre, voire annuler une concession tarifaire. Le Membre affecté par une telle mesure a le choix entre deux possibilités : entrer, par la voie du CA, en consultations informelles avec l’auteur du préjudice, ou recourir à la procédure officielle de règlement des différends dont la première étape passe, comme on le sait, par la tenue de consultations formelles.

Les différends peuvent aussi avoir pour origine une « mauvaise » interprétation d’une disposition de l’Acte final. Cette mauvaise interprétation, qui peut être involontaire (fausse compréhension d’un article par exemple) ou délibérée (par exemple détournement d’une clause de son véritable objet ou sens), est due souvent à des problèmes linguistiques, c’est-à-dire syntaxiques, sémantiques ou logiques (par exemple une énumération est-elle exemplative ou limitative ; une règle exprime-t-elle un principe ou une exception…?), ou à des problèmes d’ordre sociologique liés aux contradictions inhérentes à la société internationale : contradictions d’ordre idéologique, économique, culturel, etc. Les causes d’une mauvaise interprétation peuvent donc être soit internes au traité, par exemple les problèmes sémantiques, soit externes au traité, par exemple les problèmes idéologiques84.

Nous présenterons d’abord quelques difficultés d’interprétation posées par certains articles de l’Accord sur l’agriculture (1), avant d’exposer la méthodologie de l’interprétation telle qu’arrêtée par le Mémorandum d’accord (2).

1. Les problèmes d’interprétation posés par certains articles de l’Accord sur l’agriculture

La formulation des normes des traités se fait généralement au moyen de l’abstraction et de la conceptualisation. Comme les auteurs de ces règles ne peuvent prévoir toutes les situations concrètes qui seront soumises à l’empire de celles-ci, ils procèdent par voie d’énonciations générales. Tel est par exemple le cas de l’adjectif « raisonnable » accolé à

84

Cf. Jean J.-A. Salmon, « Le fait dans l’application du droit international », RCADI, II, 1982, pp. 344-351.

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de multiples substantifs : délai, prix, etc. De pareilles formules ont été utilisées dans l’Accord SPS, mais elles n’ont pas donné jusqu’à présent des difficultés d’interprétation. La notion de « raisonnable » permet d’introduire une dose de flexibilité dans les dispositions d’un texte pour en atténuer la rigueur. Cette technique n’est pas le propre du droit international économique. Selon Olivier Corten, « le raisonnable permettrait (…) d’adapter des textes juridiques rigides à la richesse et à la variété de leurs contextes d’application, en même temps qu’il assurerait la gestion d’une réalité sociale changeante au-delà d’une conception figée de la sécurité juridique »85.

Malgré la précision avec laquelle les clauses de l’Accord sur l’agriculture ont été rédigées, celles-ci n’ont pas échappé aux problèmes d’interprétation 86. Il s’agit plus particulièrement de l’interprétation de l’article 2:b) de l’Accord sur l’agriculture. On ne peut ici s’empêcher de reprendre brièvement les termes de ce problème dont l’exposé détaillé a été déjà fait87.

L’article 2:b) autorise une certaine « flexibilité minimale » dans la mise en œuvre des engagements en matière de subventions à l’exportation. Le problème fondamental posé par cette expression est que si les subventions à l'exportation octroyées par un Membre pour les produits agricoles au cours d'une année donnée sont inférieures à la limite de l'engagement contracté dans le cadre de l’OMC, ce Membre peut-il reporter la fraction inutilisée sur l'une des autres années couvertes par la période de mise en œuvre, entre la deuxième et la cinquième année ? 88. Certains Membres, dont les Etats-Unis et l’UE, ont prétendu que l'Accord sur l'agriculture leur permettait de le faire. D’autres, comme l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont allégué le contraire. Ce problème a fait l’objet d’abondants débats au sein du CA. L’Australie a ainsi souligné qu’elle était sérieusement préoccupée par la manière dont certains Membres interprétaient et appliquaient l’article 9:2 b). Elle a souligné que, « indépendamment de l’historique des négociations, le texte de l’Accord sur l’agriculture ne prévoyait pas un tel cumul et que le fait de l’interpréter comme donnant la possibilité d’accumuler ou de reporter les subventions inutilisées pour application aux années ultérieures supposait que l’on fasse complètement abstraction du contexte de l’article 9:2 b) »89. Le Canada a estimé de son côté que le cumul et l’utilisation de subventions à l’exportation non utilisées étaient incompatibles avec l’esprit des disciplines convenues et contraires au bon sens. Il a notamment avancé que l’utilisation accrue des subventions à l’exportation allait à l’encontre d’une réduction progressive et continue des mesures de soutien et de protection de l’agriculture, et que le report créait et renforçait un climat d’incertitude pour les négociants et les dirigeants90.

Cette question n’a pas été portée devant l’ORD. Elle a apparemment été résolue grâce aux consultations menées au sein du CA. Elle montre en tous cas qu’il n’est pas toujours facile, compte tenu des difficultés linguistiques précédemment mentionnées, de dégager le sens ordinaire d’une norme d’un traité. C’est précisément ici qu’apparaît le rôle d’interprétation de l’ORD, rôle qu’il tient de l’OMC, mais qu’il ne peut exercer d’office. L’interprétation

85 « L’interprétation du "Raisonnable" par les juridictions internationales : au-delà du positivisme juridique ? », RGDIP, n° 1, 1998, pp. 7-8. 86 La plupart des clauses de l’Accord sur l’agriculture sont en effet rédigées selon la technique du « quantitatif » : détermination précise des pourcentages, fixation des taux de réduction, spécification des années de mise en œuvre, etc. 87 Voir supra, titre Ier, chap. II, sect. II, § II, cette partie. 88 Cf. OMC Focus, n° 23, octobre 1997, p. 3. 89

Cité par OMC, in Rapport succinct de la réunion des 25 et 26 septembre 1997, G/AG/R/12, Comité de l’agriculture, Note du Secrétariat, Genève, 31 octobre 1997, p. 3. 90

Cité par OMC, Rapport succinct de la réunion des 25 et 26 juin 1998, G/AG/R/15, Comité de l’agriculture, Note du Secrétariat, Genève, 3 août 1998, p. 3.

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aura, en définitive, comme but le dénouement rapide des désaccords. En ce sens, elle permettrait non seulement de développer le droit du commerce international agricole, mais aussi la multilatéralisation de ce commerce en « recréant » en quelque sorte un consensus sur les règles que les Membres ont posées. En d’autres termes, le rôle de l’ORD consiste à « reproduire » l’ordre juridique instauré au lendemain de la signature des Accords de Marrakech.

2. La méthodologie de l’interprétation selon le Mémorandum d’accord

La tâche de l’interprète consiste « à dégager le sens exact et le contenu de la règle de droit applicable dans une situation donnée »91. L’interprétation est donc par essence « déclarative », car « elle dégage ce qui est et n’énonce pas ce qui devrait être » 92. Pourtant, l’interprète peut parfois être amené, dans sa quête de clarification et donc de recherche de la « vérité », à apporter, certes avec la plus grande circonspection, un « plus », surtout lorsque les formules du traité sont équivoques. Comme le note Charles de Visscher, « l’interprétation consiste non pas simplement à retrouver la signification primitive d’un instrument juridique, mais à lui donner, sous réserve toujours du respect du texte, la signification spécifique que formule son application pratique ; non pas seulement à "repenser, mais à achever de penser une idée" (Radbruch) pour découvrir et lui faire produire toutes ses virtualités »93.

On distingue deux types d’interprétation : l’interprétation authentique et l’interprétation faisant foi. La première est faite par les parties au traité elles-mêmes, la seconde étant accomplie par un tiers 94. Le premier type trouve son illustration dans l’article IX:2 de l’Accord OMC, aux termes duquel la Conférence ministérielle et le Conseil général peuvent adopter des interprétations aux divers Accords de l’Acte final. Concernant l’interprétation faisant foi, celle-ci peut être faite par les membres de l’ORD dans la limite du mandat qui leur est défini. C’est ce second type d’interprétation qui nous intéresse le plus ici.

Le Mémorandum d’accord reconnaît à l’ORD une mission de clarification, c’est-à-dire d’interprétation des dispositions des accords visés (art. 3:2). L’interprétation a donc pour but la clarification du droit applicable à un cas d’espèce. Elle est de ce fait étroitement liée à la qualification et à l’application. Comme l’interprétation, la qualification est un exercice de l’esprit. Elle consiste, selon Mustafa Kamil Yassen, « à examiner des situations concrètes à la lumière des règles dont le sens est dégagé par l’interprétation ; elle a pour but de vérifier si une situation donnée répond à la conception abstraite de ces règles et pourrait ainsi tomber sous leur empire… » 95

. La qualification des faits (la mineure) suppose l’application du droit (la majeure). Cette dernière opération assure le passage du général au particulier, de l’abstrait aux situations réelles. L’objectif en est de déterminer « les conséquences de la règle dont le sens est dégagé par l’interprétation dans une situation concrète »96. Une fois ces étapes franchies, il serait aisé pour l’ORD de rendre sa

91

N. Quoc Dinh et al., Droit international public, op. cit., p. 245. 92 M. Kamil Yassin, « L’interprétation des traités d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités », RCADI, III, 1976, p. 9. 93

Cité par Jean. J.-A. Salmon, « Le fait dans l’application du droit international », op. cit., p. 343. 94 Cf. N. Quoc Dinh et al., Droit international public, op. cit., p. 246. 95 « L’interprétation des traités… », article déjà cité, p. 10. 96

Idem.

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décision finale qui ne pourrait que renforcer l’approche rule-oriented du Mémorandum d’accord. Mais quelle sera son approche en la matière ?

Fixer une méthode pour l’interprétation des dispositions de l’Acte final revient à circonscrire le pouvoir d’appréciation des membres de l’ORD. Ces derniers ne doivent pas sortir du « cadre » d’interprétation qui leur est tracé. Ceci témoigne du refus des Membres à ne pas reconnaître aux membres de l’ORD une sorte de « pouvoir créateur supplétif » que l’on ne reconnaît généralement qu’aux juges. Si les membres de l’ORD n’ont pas cette qualification, les arbitres l’ont. L’on peut dès lors se demander si, conformément à la procédure d’arbitrage prévue à l’article 25 du Mémorandum d’accord, les arbitres peuvent exercer ce pouvoir au cas où ils auraient à interpréter l’Accord sur l’agriculture. Le Mémorandum d’accord ne donne pas de précision sur cette question. Certes, les parties qui décident par accord mutuel de recourir à l’arbitrage en conviennent des procédures à suivre et en précisent le domaine d’intervention des arbitres. L’on ne sait, malgré cela, si la décision arbitrale, au cas où elle porterait sur un problème relatif à l’interprétation, a seulement valeur pour le cas d’espèce ou peut-elle s’étendre, mutatis mutandis, à d’autres cas, servant ainsi de valeur de référence et enrichissant, de la sorte, le « patrimoine » jurisprudentiel de l’OMC.

De toutes les façons, quelle que soit la portée juridique de la sentence arbitrale ou des décisions rendues par l’ORD, celles-ci ne sauraient « accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés » (art. 3:2). Les Accords de l’OMC reflètent en effet un équilibre défini au cours de la négociation. En conséquence, cet équilibre ne doit pas, si l’on se tient à la lettre et à l’esprit du Mémorandum d’accord, être compromis au cours de l’interprétation.

Aux termes du Mémorandum d’accord, l’ORD procédera à la clarification des dispositions des accords visés « conformément aux règles coutumières d’interprétation du droit international public » (par. précité). Ce paragraphe s’applique aussi à la procédure d’arbitrage. La référence instrumentale de l’interprétation est donc la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités 97. Même si ce texte n’est pas expressément cité dans le Mémorandum d’accord, l’expression « règles coutumières d’interprétation du droit international public » s’y réfère implicitement. C’est ce qu’avait souligné, en tous cas, l’OAP dans l’Affaire de l’essence nouvelle formule : « L’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités constitue bien une règle de droit international coutumier ou général »98. L’OAP a en outre rappelé : « L’article 32 de la Convention de Vienne constitue également une en la matière »99.

Les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités constituent des subdivisions de la section 3 libellée "Interprétation des traités". L’article 31 porte sur les règles générales d’interprétation, l’article 32 concernant les moyens complémentaires d’interprétation. L’article 31:1 énonce la règle générale suivante : « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». Le contexte du traité comprend, en plus du corps du texte, c’est-à-dire le dispositif, le préambule et les annexes (art. 31:2). Il comprend également tout accord ou instrument qui se rattache directement ou indirectement au texte principal ou de base (art. 31:2, al. a) et b)). Ainsi, si les nouvelles

97 Pour un examen systématique de cette Convention, cf. S. Bastid, Les traités dans la vie internationale. Conclusion et effets, Ed. Economica, Coll. « Droit international », Paris, 1985, 303 pages. Le texte de la Convention (85 articles plus l’Annexe) figure en annexe de cet ouvrage. 98

Cité par Th. Flory, in « Chronique de droit international », AFDI, XLII, op. cit., p. 811. 99

Idem.

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négociations sur l’agriculture débouchent sur un accord, celui-ci se rattachera directement, en tant que texte complémentaire, au texte principal. On aboutirait ainsi à une réglementation agricole « en croissance ». L’article 31:1 précité laisse aussi entendre que le GATT 1994, par exemple, se rattache indirectement à l’Accord sur l’agriculture, et vice versa, et peut, de ce fait, servir à l’interprétation de celui-ci.

Il n’est pas toujours aisé de dégager le sens ordinaire d’une disposition, ce qui demande un grand effort de la part de l’organe chargé de l’interprétation. Cette recherche pourrait cependant conduire l’organe en question à sortir ou à s’éloigner du sens ordinaire de la disposition objet de l’interprétation. Ainsi, dans l’Affaire des boissons alcooliques, l’OAP, s’adressant en « pédagogue » au Groupe spécial qui a traité de l’affaire dans un premier temps, a précisé : « Un interprète n’est pas libre d’adopter une interprétation qui aurait pour résultat de rendre redondants ou inutiles des clauses ou des paragraphes entiers d’un traité »100

. De même, dans l’Affaire des brevets pharmaceutiques, l’OAP a souligné que les principes d’interprétation de la Convention de Vienne « ne signifient pas qu’il soit nécessaire ni justifiable d’imputer à un traité des termes qu’il ne contient pas ou d’inclure dans un traité des concepts qui n’y étaient pas prévus »101.

Lorsque le sens d’une disposition est ambiguë ou obscur, et que les règles générales d’interprétation se révèlent insuffisantes, l’interprète pourra recourir aux moyens complémentaires d’interprétation, en particulier les « travaux préparatoires » et les « circonstances dans lesquelles le traité a été conclu » (art. 32).

Tel est donc, dans ses grandes lignes, la méthode d’interprétation qui se dégage de la lecture combinée des dispositions du Mémorandum d’accord et celles de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. Dans l’Affaire des crevettes, l’OAP a lui-même résumé cette méthode désormais classique : « Celui qui interprète un traité doit commencer par fixer son attention sur le texte de la disposition particulière à interpréter. C’est dans les termes qui constituent cette disposition, lus dans leur contexte, que l’objet et le but des Etats parties au traité doivent être cherchés. Lorsque le sens imparti par le texte lui-même est ambigu et n’est pas concluant, ou lorsque l’on veut avoir la confirmation que l’interprétation du texte lui-même est correcte, il peut être utile de faire appel à l’objet et au but du traité dans son ensemble »102.

B. - Les rapports de l’ORD : quelques exemples édifiants

Dans l’ensemble des affaires agricoles qui ont déjà été traitées par l’ORD, il existe deux qui méritent d’être exposées : l’Affaire des bananes (1) et l’Affaire des hormones (2).

1. l’Affaire des Bananes

l’Affaire des bananes a constitué l’occasion pour l’ORD d’interpréter certaines dispositions de l’Accord sur l’agriculture et d’en éclaircir les liens avec les autres composantes du droit de l’OMC. Ce différend oppose, depuis plusieurs années, certains pays latino-américains et

100

Cité par H. Ruiz Fabri, in « L’appel dans le règlement des différends de l’OMC : trois ans après, quinze rapports plus tard », RGDIP, n° 1, 1999, p. 86. 101

Cité dans idem. 102

Cité dans ibid., pp. 78-79.

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les Etats-Unis, d’une part, et la CE, d’autre part. Les pays latino-américains dont il s’agit sont l’Equateur, le Guatemala, le Honduras et le Mexique. La cause du litige réside dans les préférences commerciales qu’accorde la CE aux pays ACP (Afrique - Caraïbes - Pacifique) dans le cadre de la Convention de Lomé. Ce traitement préférentiel, qui évinçait les pays non bénéficiaires du marché communautaire, a été déjà « condamné » par le GATT 1947 103.

Le différend sur les bananes, actuellement résolu dans le cadre de l’OMC, concerne plusieurs Accords de l’OMC. En plus de l’Accord sur l’agriculture, il intéresse le GATT 1994, le GATS, l’Accord sur les procédures en matière de licences d’importation et l’Accord sur les MIC 104. Le Groupe spécial chargé d’examiner ce différend a été établi par l’ORD le 8 mai 1996 105. Il a rendu son rapport en mai 1997 106. Dans ce rapport, le Groupe spécial a estimé que le régime commercial d’importation des bananes et les procédures de licences prévues dans ce cadre sont incompatibles avec plusieurs dispositions du GATT 1994, de l’Accord sur les procédures en matière de licences d’importation et le GATS. Il a en outre considéré que la dérogation accordée à la CE pour l’application de la Convention de Lomé, la quatrième du genre, jusqu’à l’an 2000 supprimait l’incompatibilité avec les articles I ("Traitement de la nation la plus favorisée") et XIII ("Application non discriminatoire des restrictions quantitatives") du GATT pour certains aspects du régime appliqué par la CE aux pays ACP, mais ne supprimait pas les incompatibilités découlant des licences d’importation107. Le 11 juin 1997, la CE a notifié son intention de faire appel à la décision finale du Groupe spécial. L’OAP ayant été saisi, celui-ci a rendu son rapport vers la fin de l’année 1997 108. Les recommandations contenues dans ce rapport n’ont pas été immédiatement mises en œuvre par la CE, ce qui a conduit la « partie demanderesse » à formuler une demande d’arbitrage pour fixer un délai raisonnable pour la mise en œuvre, par la CE, des recommandations de l’ORD. La CE devait normalement donner suite à ces recommandations à partir du 1 er janvier 1999. Elle ne l’a pas fait. En réaction, les Etats-Unis ont menacé d’appliquer des sanctions unilatérales sous forme de surtaxes à l’importation d’une valeur de 520 millions de dollars contre certains produits communautaires109. Mais ils devaient obtenir l’autorisation de l’ORD pour pouvoir appliquer légalement de telles sanctions. Des consultations s’étaient néanmoins engagées, sur la base d’une proposition de compromis faite le 25 janvier 1999 par le Directeur général de l’OMC, M. Renato Ruggiero, entre les parties intéressées en vue de parvenir à une solution mutuellement satisfaisante à leur différend 110. En juin 1999, la CE étudiait « des options pour la mise en œuvre des décisions concernant les bananes » 111. En 2000, le différend avait été soumis à un arbitrage final. Cette procédure devait notamment déterminer le niveau de suspension des concessions que les Etats-Unis et les pays latino-américains seraient autorisés à appliquer à l’encontre de la CE. Le 18 mai 2000, l’ORD est convenu d’autoriser l’Equateur à suspendre les concessions tarifaires à l’égard de la CE et

103

Cf. Le Monde, 28-05-1993, p. 3. 104 Pour une présentation de ce différend, cf. C.-L. Duproz, « Le différend sur la banane », Problèmes économiques, n° 2.616, 12 mai 1999, pp. 15-21. 105

Cf. OMC Focus, n° 11, juin-juillet 1996, p. 5. 106 Communautés européennes – Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes. Plainte déposée par le Mexique, Rapport du Groupe spécial, WT/DS 27/R/MEX, OMC, Genève, 22 mai 1997, 444 pages. 107 Cf. OMC Focus, n° 25, décembre 1997, p. 5. 108 Communautés européennes – Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes, Rapport de l’Organe d’appel, WT/DS 27/AB/R, OMC, Genève, AB-1997-3, 126 pages. 109 Cf. Le Matin du Sahara et du Maghreb, 8/03/1999 ; et L’Economiste, 11/03/1999. 110

Cf. OMC Focus, n° 37, janvier-février 1999, pp. 1 et 4. 111

OMC Focus, n° 40, mai-juin 1999, p. 4.

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de ses Etats membres ainsi que d’autres obligations annexes, conformément à la décision des arbitres112.

Dans le rapport rendu par l’OAP, plusieurs clarifications ont été apportées à l’Accord sur l’agriculture. L’OAP a d’abord souligné l’importance du Préambule de l’Accord sur l’agriculture. Il a ensuite souligné le lien juridique entre l’Accord sur l’agriculture et le GATT 1994. Il a ainsi cité l’article 21:1 de l’Accord sur l’agriculture qui est, comme on le sait, une application de la règle specialia generalibus derogant. La conséquence que l’OAP a tirée de ce rappel est la suivante : « Les dispositions du GATT 1994, y compris l’article XIII, s’appliquent aux engagements en matière d’accès aux marchés concernant les produits agricoles, sauf dans la mesure où l’Accord sur l’agriculture contient des dispositions spécifiques traitant expressément du même sujet » 113. L’OAP rappelle, en outre, que rien dans l’article 4:1 de l’Accord sur l’agriculture ("Concessions en matière d’accès aux marchés") « ne donne à penser que les concessions et les engagements en matière d’accès aux marchés consentis à la suite des négociations du Cycle d’Uruguay sur l’agriculture peuvent être incompatibles avec les dispositions de l’article XIII du GATT de 1994 »114.

L’OAP a confirmé la spécificité des dispositions de l’Accord sur l’agriculture, et ce à travers deux exemples. Le premier concerne l’article 5 sur la SGS de l’Accord sur l’agriculture. Selon l’OAP, cet article « autorise les Membres à appliquer des mesures de sauvegarde spéciales qui, autrement, seraient incompatibles avec l’article XIX du GATT de 1994 et avec l’Accord sur les sauvegardes »115. Il cite comme second exemple l’article 13 de l’Accord sur l’agriculture qui prévoit, rappelle l’OAP, « que pendant la période de mise en œuvre du dit accord, les Membres ne peuvent pas engager la procédure de règlement des différends au titre ni de l’article XVI du GATT de 1994 ni de la Partie III de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires pour les mesures de soutien ou les subventions à l’exportation qui sont pleinement conformes aux dispositions de l’Accord sur l’agriculture »116. La conclusion que tire l’OAP en se référant à la clause de modération est la suivante : « L’article 13 de l’Accord sur l’agriculture n’empêche pas (…) d’engager la procédure de règlement des différends au sujet de la compatibilité des concessions en matière d’accès aux marchés pour les produits agricoles avec l’article XIII du GATT de 1994 » 117. Ces clarifications ont conduit l’OAP à souscrire à la conclusion du Groupe spécial selon laquelle l’Accord sur l’agriculture ne permet pas aux Communautés européennes d’agir d’une manière incompatible avec les prescriptions de l’article XIII du GATT 1994.

On trouve aussi dans le Rapport Bananes des explications importantes en ce qui concerne l’articulation normative entre le GATT et le GATS 118. La question soulevée était celle du recoupement ou de l’exclusion mutuelle entre le GATT et le GATS. D’après l’OAP, les deux textes sont sensés traiter de deux matières différentes. Toutefois, l’OAP envisage la possibilité de croisements entre le GATT et le GATS dans l’hypothèse de mesures portant sur « un service concernant une marchandise particulière ou un service rendu en liaison avec une marchandise particulière » 119. Cela revient à dire qu’une mesure prise au titre du

112 Cf. OMC Focus, n° 46, mai-juin 2000, p. 7. 113 Rapport précité de l’OAP, p. 78. Souligné dans le texte. 114 Ibid., p. 79. 115 Idem. 116

Idem. 117 Ibid., p. 80. 118

Cette question a été également soulevée dans le Rapport Périodiques. Cf. ibid., p. 102. 119

Cité dans ibid., pp. 102-103.

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GATS peut aussi concerner une marchandise particulière, en l’occurrence un produit agricole.

Ainsi, dans le Rapport Bananes, l’OAP a fourni des éclaircissements importants sur les types de rapports qui existent entre l’Accord sur l’agriculture et le GATT 1994 et entre celui-ci et le GATS. Il a aussi donné des précisions intéressantes sur le problème de l’articulation normative externe du droit de l’OMC, l’OAP ayant allé en effet jusqu’à interpréter la Convention de Lomé. En la matière, l’OAP a souligné que cette Convention ne devrait pas être invoquée par la CE comme argument pour se soustraire de ses obligations au titre de l’OMC 120

. Le Rapport Bananes a également fourni des précisions lumineuses sur la méthode d’interprétation adoptée par l’OAP : une approche interprétative stricte, conforme à la lettre et à l’esprit de l’Accord sur l’agriculture et soucieuse de préserver l’équilibre issu de la négociation.

2. L’Affaire du bœuf aux hormones

Le différend concernant le bœuf aux hormones oppose, il y a quelques années, deux parties : d’un côté les Etats-Unis et le Canada (« partie demanderesse ») ; et de l’autre la CE (« partie défenderesse »). Les Etats-Unis ont été les premiers à introduire l’action en justice devant l’OMC, celle du Canada n’ayant intervenu qu’ultérieurement, au courant de l’année 1996121. Au cœur de ce différend, qu’on a déjà effleuré, figure certaines directives communautaires prohibant l’utilisation de six hormones naturelles et synthétiques différentes administrées à des fins anabolisantes ou à des fins d’engraissement du bétail. Ces directives interdisaient en outre le commerce intra-communautaire et l’importation de viande et de produits carnés provenant d’animaux auxquels avaient été administrées ces hormones. D’après le Canada et les Etats-Unis, l’interdiction d’importer instituée par la CE est contraire aux dispositions de l’Accord SPS.

Le Groupe spécial chargé d’examiner cette affaire a adopté ses rapports le 18 août 1997, dans lesquels il a souligné que « l’interdiction communautaire frappant les importations de viandes et de produits carnés provenant de bovins traités avec l’une des six hormones spécifiques utilisées à des fins anabolisantes était incompatible avec les articles 3:1, 5:1 et 5:5 de l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires »122.

Le 24 septembre 1997, la CE a notifié son intention de faire appel de l’interprétation du droit donnée par le Groupe spécial. Dans son rapport en date du 16 janvier 1998, l’OAP a confirmé la constatation juridique principale du Groupe spécial, à savoir que l’interdiction d’importer imposée par la CE n’était pas fondée sur une « évaluation des risques », et qu’elle était incompatible avec les prescriptions de l’Accord SPS. Mais il a infirmé ou modifié plusieurs constatations du Groupe spécial123.

Premièrement, il a été d’avis que le droit des Membres d’établir un niveau de protection SPS plus élevé que les normes internationales constitue un droit fondamental et autonome des Membres, et non une simple exception à une obligation générale.

120 Il convient de rappeler que l’UE a reconduit, le 23 juin 2000, la Convention de Lomé d’une nouvelle période. 121 Cf. OMC Focus, n° 12, août-septembre 1996, p. 4. 122

Cité dans OMC Focus, n° 21, août 1997, p. 5. 123

Sur ces modifications, voir OMC Focus, n° 27, février 1998, p. 4.

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Deuxièmement, il a soutenu que la prescription selon laquelle une mesure SPS doit être établie sur la base d’une évaluation des risques signifie que les résultats de cette évaluation doivent justifier suffisamment la mesure SPS en question, c’est-à-dire qu’il doit y avoir une relation logique entre la mesure SPS et l’évaluation des risques.

Troisièmement, il a été constaté que l’évaluation des risques pouvait prendre en compte les risques découlant de l’inobservation des pratiques vétérinaires dans l’administration des hormones, ainsi que les risques découlant des problèmes de contrôle, d’inspection et de mise en œuvre des bonnes pratiques vétérinaires.

Quatrièmement, il n’a pas été d’accord sur le fait que les niveaux différents de protection contre les risques établis par la CE se traduisaient par une discrimination ou une restriction déguisée au commerce. Il a par conséquent infirmé la conclusion du Groupe spécial selon laquelle la CE avait agi de manière incompatible avec la disposition pertinente de l’Accord SPS.

Le 13 février 1998, l’ORD a adopté le rapport de l’OAP et les rapports du Groupe spécial tels que modifiés par l’OAP. Les Etats-Unis et le Canada ont demandé à la CE de mettre en œuvre sans délai les recommandations de l’ORD. Tout en étant satisfaite que l’OAP ait modifié les rapports du Groupe spécial sur un certain nombre de points importants, et qu’il ait rejeté l’accusation de protectionnisme, la CE n’a pourtant pas levé son embargo contre le bœuf aux hormones en provenance des deux pays nord-américains. L’UE a en effet estimé que certaines hormones peuvent être cancérigènes. Se basant sur le principe de « précaution », la CE a exigé des analyses supplémentaires pour vérifier cette hypothèse et écarter tout risque 124. Devant le refus de la CE de lever l’embargo, l’ORD a autorisé les Etats-Unis et le Canada à imposer, on l’a vu en citant le rapport des arbitres, des sanctions tarifaires de l’ordre de 124 millions de dollars EU contre certaines exportations européennes125.

Ce rappel des faits ayant été fait, il serait maintenant loisible de passer en revue les principales interprétations que l’OAP a données à l’Accord SPS126.

Dans le Rapport Hormones, l’OAP a confirmé son analyse par le recours au contexte. Ainsi, dans le cas d’espèce, le Préambule de l’Accord SPS est utilisé comme référence pour interpréter l’article 3 qui porte sur l’harmonisation. Selon l’OAP, le Préambule a une valeur juridique semblable au dispositif de l’Accord. Le rapport précité a été aussi l’occasion pour l’OAP de se prononcer sur le principe de « précaution », principe très proche de celui d’« évaluation des risques » prévu par l’article 5 de l’Accord SPS 127. L’OAP a toutefois évité de qualifier le principe de « précaution ». Ceci témoigne du souci de l’OAP de ne pas s’éloigner de la méthodologie d’interprétation fixée par le Mémorandum d’accord. Interpréter par exemple le principe de « précaution » comme principe général de droit international public – ce que tentait probablement de faire prévaloir la CE – aurait été de nature à rompre l’équilibre de droits et d’obligations instauré par l’Accord SPS. Autant dire du souci de l’OAP de préserver, comme pour le cas précédent, l’acquis négocié. C’est pourquoi il a souligné que le principe de « précaution »

124 Le principe de « précaution », déjà examiné à la section II du précédent chapitre, a été également invoqué par la France dans son différend l’opposant à la Grande Bretagne au sujet de l’ESB. Cf. L’Economiste, 3/01/2000, p. 7. 125

Voir également Le Matin du Sahara et du Maghreb, 16/07/1999, p. 7. 126 Cf. H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement des différends… », article déjà cité, pp. 79 et ss. 127 Voir supra, titre I er, chap. Ier, sect. II, § Ier, B, cette partie.

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est pris en compte dans la substance de l’Accord SPS mais pas au point de l’emporter sur les dispositions de ce texte.

Elucidant l’article 2 de l’Accord SPS, l’OAP a souligné que « le droit des Membres d’établir un niveau de protection sanitaire plus élevé pour des questions touchant la santé des personnes était un droit important et autonome des gouvernements, et non une simple exception à l’obligation générale de l’Accord SPS de fonder les mesures sur les normes internationales en vigueur » 128. La conséquence que l’on peut tirer de ce passage est la suivante : le statut des normes SPS dans le GATT 1994 est différent de celui que leur confère l’Accord SPS. Dans le premier cas, elles sont envisagées sous l’angle de l’exception ; dans le second, elles ont le statut de « droit légal » 129. Pourtant, et c’est ce qui nous laisse un peu perplexe, le Rapport Hormones ne reconnaît pas qu’il existe entre l’Accord SPS et le GATT 1994 une relation de type lex specialis. En d’autres termes, il n’évoque pas une priorité d’un droit spécial par rapport à un droit général, ce qui prouve, du moins si l’on adopte le raisonnement de l’OAP, que la règle de la primauté des règles spéciales sur les dispositions générales n’est pas absolue quant à son application. L’approche adoptée par l’OAP consiste à apprécier cette règle, prévue entre autres par la note interprétative de l’Annexe IA de l’Accord OMC, au cas par cas. Dans le cas présent, l’OAP a vu que l’Accord SPS, malgré son caractère spécifique, n’est pas substituable à l’article XX b) du GATT 1994. Selon cette explication, l’Accord SPS et l’article XX b) du GATT 1994 doivent être appliqués conjointement et non séparément. Cette manière de voir réconforte notre remarque de départ, à savoir que la réglementation spécifique sur l’agriculture et la réglementation générale du GATT 1994 s’entrecoupent mais ne s’entrechoquent pas. Elle se rapproche également de notre conclusion concernant la nature juridique profonde de l’Accord SPS, un accord qui crée sa propre réglementation tout en étant une application de l’article XX b) du GATT 1947. Un Etat qui envisage d’appliquer des normes SPS doit donc, selon l’argumentation des membres de l’OAP, satisfaire aux obligations qui découlent et du GATT 1994 et de l’Accord SPS. L’affirmation de non-concurrence entre les deux textes est donc claire, vraisemblablement avec l’objectif d’éviter la pratique du forum shopping observée à l’époque du GATT 1947.

L’OAP a apprécié l’article 5 de l’Accord SPS libellé "Evaluation des risques et détermination du niveau approprié de protection sanitaire ou phytosanitaire". Il a d’abord considéré que l’article 5:1 est une application spécifique de l’article 2:2 relatif aux droits et obligations fondamentaux. Il a tenu également à souligner que ces deux dispositions doivent être lues conjointement, la première éclairant et donnant un sens à la seconde 130. L’OAP a ensuite clarifié la notion d’évaluation des risques en estimant qu’il ne s’agit pas uniquement du risque « vérifiable dans un laboratoire scientifique fonctionnant dans des conditions rigoureusement maîtrisées, mais aussi [du] risque pour les sociétés humaines telles qu’elles existent en réalité, autrement dit, les effets négatifs qu’il pourrait y avoir sur la santé des personnes dans le monde réel où les gens vivent, travaillent et meurent » 131. L’OAP a donc conclu que l’évaluation des risques pouvait prendre en compte les risques découlant de l’inobservation des pratiques vétérinaires dans l’administration des hormones, ainsi que les risques provenant des problèmes de contrôle, d’inspection et de mise en œuvre des bonnes pratiques administratives.

128

Cité dans OMC Focus, n° 27, op. cit., p. 4. 129 Pour des précisions complémentaires, voir supra, titre Ier, chap. Ier, sect. II, § Ier, A, cette partie. 130

Cf. ibid., p. 101. 131

Cité dans ibid., p. 86.

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La prescription selon laquelle les Membres éviteront de faire des distinctions arbitraires ou injustifiables dans les niveaux de protection imposés pour des raisons SPS nécessite une comparaison entre elles. Pas n’importe laquelle, « clame » l’OAP qui ajoute que, pour que des situations faisant apparaître des niveaux de protection différents puissent être naturellement comparées, « elles doivent présenter un ou plusieurs éléments communs suffisants pour les rendre comparables »132.

L’OAP s’est efforcé de conjurer les risques de détournements protectionnistes sans méconnaître les finalités légitimes des mesures SPS. Il s’est ainsi référé à l’«équilibre fragile… soigneusement négocié dans l’Accord SPS entre les intérêts partagés quoique parfois divergents qui consistent à promouvoir le commerce international et à protéger la vie et la santé des êtres humains »133. Ce passage constitue une interprétation du Préambule de l’Accord SPS et de l’article 2 de celui-ci. Il explicite ainsi les objectifs de cet Accord tel qu’exposés dans plusieurs endroits notamment les emplacements précités.

Un problème s’est posé en ce qui concerne le choix entre deux interprétations de l’article 3:1 de l’Accord SPS qui fait référence aux NDR internationales en la matière. L’une de ces interprétations aurait pour effet de rendre les normes du Codex Alimentarius contraignantes, l’autre ne le permettant pas. L’OAP a privilégié la première approche en se référant à la règle in dubio mitius selon laquelle « si le sens d’un terme est ambigu, il faut privilégier le sens le moins contraignant pour la partie qui assume l’obligation, ou qui porte le moins atteinte à la souveraineté territoriale et personnelle d’une partie ou encore qui impose aux parties des restrictions moins générales »134.

L’OAP se révèle ainsi comme l’organe protecteur de l’équilibre issu des Négociations agricoles de l’Uruguay Round. Dans la plupart des cas, la méthode d’interprétation de l’OAP des dispositions de l’Accord sur l’agriculture était une méthode littérale, consistant à ne pas attribuer au texte un sens que les négociateurs ne lui ont pas donné. L’ORD semble donc fidèle à sa mission qui est de résoudre les conflits et de clarifier le droit de l’OMC. Ces épurations, comme celles que l’on a données en exemple ci-dessus, contribueront à faciliter les échanges commerciaux agricoles. Elles contribueront aussi à créer, peu à peu, un droit jurisprudentiel en matière de commerce international agricole servant ainsi de valeur de référence à d’autres cas. Une décision d’adoption des rapports ne lie, on l’a vu, que les parties au litige tout en faisant partie de l’acquis GATT ; elle n’a donc qu’une valeur relative. Il n’est pas de même pour les interprétations du droit données par l’OAP, celles-ci faisant partie de la pratique subséquente. Les membres de l’OAP l’ont bien souligné dans le Rapport Bananes : « Nous tenons à préciser que nous ne limitions pas notre conclusion à l’affaire en cours » 135. Autant dire du rôle « unificateur » qu’entend désormais jouer l’OAP, rôle qui contribuerait à corroborer l’approche intégrée qui inspire les ACM de l’OMC.

132

Cité dans ibid., p. 83. 133 Cité dans ibid., p. 88. 134 Ibid., p. 94. 135

Cité dans ibid., p. 95.

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V. LE DROIT INTERNATIONAL DES SOCIETES : QUELQUES PROBLEMES JURIDIQUES136

Trois idées fondamentales sont étudiées sous cet angle.

D’abord, le statut international des sociétés (Par exemple, pour le Maroc, il faut revenir au

guide de l’investisseur)

Ensuite, les opérations internationales des sociétés ;

Enfin, la défaillance économique internationale des sociétés.

Abstract :

L’étude des sociétés dans un contexte international conduit à analyser dans un premier temps

leur situation au regard des Etats et du droit qui leur est applicable. L’examen de la

nationalité, de la reconnaissance et de la condition des sociétés ainsi que celui des conflits de

lois amène à étudier le statut international des sociétés.

Vient dans un deuxième temps l’analyse des modes de restructurations, d’établissement et de

circulation des sociétés qui sont autant d’opérations internationales soulevant des

problématiques propres.

Dans un troisième temps, doit être envisagée, la défaillance économique internationale des

sociétés qui se distingue fondamentalement des procédures collectives internes par les

difficultés qu’elle pose.

Problèmes connexes : double imposition, paradis fiscaux…

VI. Aspects récents du droit international des investissements

Historique : Le Droit international des investissements est la résultante de deux forces :

D’une part, il se présente comme un prolongement du droit de la condition des étrangers

(traitement juste et équitable)

D’autre part, i lest le produit de la mobilité des facteurs de production.

D’où les deux idées fondamentales qui président au DII : la sécurité (des personnes) et la

rentabilité (des capitaux)

136

Cf. Lichel Menjucq, Droit international et européen des sociétés, Ed. Montchrestien,

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1. Définitions de l’investissement international

L’existence d’un investissement direct repose sur la combinaison de plusieurs éléments :

a) Un apport en capital

b) L’existence de liens durables entre un investisseur et une entreprise ;

c) L’investisseur doit être en position d’exercer une réelle influence sur la gestion de

l’entreprise qu’il a investie.

2. Le droit marocain des relations financières internationales

Le droit marocain des relations financières avec l’étranger se décompose en deux branches

qui, bien que distinctes l’une de l’autre, se chevauchent continuellement l’une l’autre : il

s’agit, d’une part, de la réglementation des changes et, d’autre part, de la réglementation des

investissements

3. La notion d’investissement direct en droit marocain

Au regard du droit marocain, l’ID, c’est celui qui donne à l’investissement le contrôle de

l’entreprise investie. C’est donc le critère du contrôle qui permet, dans les cas les plus

importants, de discriminer entre l’investissement direct et l’investissement autre que direct

(IAM/Vivendi, Rachat de Renault…)

4. Les Textes multilatéraux concernant les investissements

Convention de Washington ayant établi le CIRDI (1965);

Convention de Séoul ayant mis en place l’AMGI (Agence multilatérale de garantie des

investissements, 1985) ;

L’Accord sur les mesures concernant les investissements et liés au commerce (MIC) relevant

de l’OMC, 1995;

Le projet de l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement, OCDE)

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VII LES ACCORDS DE LIBRE-ECHANGE : ASPECTS JURIDIQUES ET ECONOMIQUES (AU REGARD DU DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL MULTILATERAL)

A. Considérations générales Le libre-échange est la situation d’une économie sans entraves dans ses importations et

exportations. Ces gênes peuvent concerner les prix (droits de douane, subventions) comme les quantités (quotas) Le libre-échange signifie l’absence de politique protectionniste. 137

L’article XXIV, § 8 b, du GATT – texte toujours en vigueur – définit la ZLE comme « un groupe de deux ou plusieurs territoires douaniers entre lesquels les droits de douane et les autres réglementations commerciales restrictives sont éliminées pour l’essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires constitutifs de la zone de libre-échange. » Dans leurs rapports mutuels, les membres constitutifs des ZLE éliminent donc toutes restrictions tarifaires et non-tarifaires, par exemple les quotas, ce qui implique la formulation de règles d’origine communes. L’union douanière (UD) est une étape plus avancée que la ZLE. Non seulement les membres

de cette intégration suppriment, dans leurs rapports réciproques, les entraves physiques à la libre-circulation des biens, services et capitaux, mais en plus instituent une protection commerciale commune à l’égard des pays tiers. Au moment où le Traité de Rome a créé la CEE en 1957, celle-ci était une UD. Le Maroc a exprimé à maintes reprises son souhait de conclure avec l’UE une UD, à l’image

de la Turquie, candidat officiel à l’adhésion. L’UD peut évoluer vers l’union économique et monétaire, stade auquel est parvenu l’UE, du moins partiellement, après qu’elle eut traversé, non sans difficultés, celui du Marché commun. Le fédéralisme politique, dont les Etats-Unis sont un modèle original, constitue évidemment l’étape la plus élaborée de tout processus d’intégration approfondi. Le débat est déjà lancé au sein de l’UE pour l’élaboration, sur fond de dissensions internes, d’une constitution commune. La ZLE constitue donc une phase rudimentaire de l’intégration économique. Chaque espace

de ce type est soumis, en vertu de l’OMC, à des obligations. La principale d’entre elles est la règle dite de l’"essentiel des échanges commerciaux" qui proscrit, en théorie du moins, les ZLE à caractère partiel, couvrant certains produits ou secteurs et excluant d’autres. La Communauté économique du charbon et de l’acier n’a pu ainsi être légalisée au regard du GATT qu’en vertu d’une dérogation, autrement dit une autorisation, consentie par les Parties Contractantes le 10 novembre 1952. Néanmoins, au vu de la règle précitée, l’OMC assouplit généralement son contrôle sur les ZLE auxquelles font partie des pays en développement (PED) D’autres obligations, formelles ou matérielles, pèsent sur les ZLE : élaboration d’un plan et d’un programme pour l’établissement, dans un délai raisonnable, de la ZLE ; obligation de notification et d’information ; tenue de consultations avec des tiers éventuellement affectés par ces intégrations. Chaque ZLE est en outre tenue de fournir à l’OMC un rapport annuel sur son fonctionnement. Ces prescriptions tendent à faire en sorte que les ZLE aient un effet de création sur les courants d’échange, non un effet de détournement. Or, en pratique, il est difficile de réaliser cet objectif, car les ZLE sont fondées sur le principe de préférence et, de ce fait, constituent une atteinte à la non-discrimination, pierre angulaire du système commercial multilatéral.

137

Cf. Pascal Lort (sous la dir. de), Dictionnaire de la Mondialisation, Ed. Ellipses, Paris, 2001, p. 281.

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B. Applications : Aspects juridiques des Accords de libre-échange Maroc/Union européenne et Maroc/Etats-Unis"

Dix mois de tractations, sept rounds de discussions, l’Accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis a été scellé le 2 mars 2004. Cet accord a suscité beaucoup de bruit médiatique, en particulier au sujet des médicaments génériques, de la diversité culturelle et de l’agriculture. Il revêt sans doute une signification particulière et va au-delà des aspects strictement commerciaux. Accord « multifonctionnel », il présente autant d’opportunités que de défis majeurs pour le Maroc, lequel ne représente qu’une part minime dans le commerce extérieur américain.

Il est indéniable que cet accord accélérera le rythme des réformes engagées et en stimulera d’autres… Dans ce sens, la mise à niveau de l’économie marocaine, concept hélas galvaudé, devra être revue et corrigée à l’aune de cet accord ambitieux. Accord qu’il faudra relier aux autres arrangements similaires liant le Maroc à des entités régionales, l’Union européenne en tête.

D’où notre proposition de cerner, dans une approche comparative, les similitudes et les différences entre l’Accord de libre-échange signé entre le Maroc et les Etats-Unis et celui conclu avec l’Union européenne. Notre point de départ est une question cardinale : les deux accords sont-ils compatibles ou pas ?

Pour clarifier cette problématique, nous nous placerons dans une perspective juridique. Il faudra en effet s’interroger sur le fondement juridique des deux accords, le régime commercial qu’ils prévoient, notamment en matière de défense commerciale, le rythme de libéralisation qu’ils décrètent et, dans une optique sectorielle, les exceptions qu’ils tolèrent, et enfin les mécanismes institutionnels qu’ils établissent. Nous ne priverons pas à la fin de soulever une question à connotation culturelle : la philosophie juridico-politique qui préside aux deux accords est-elle identique ou différente ?

Plan :

Introduction : Pourquoi des accords de libre-échange ?

A. La ratio legis des deux accords B. Contexte des négociations : une vue cavalière I. Un fondement juridique commun : la réglementation pertinente de l’OMC

A. La référence axiale : l’article XXIV du GATT 1994 B. Les obligations correspondantes

II. Un dispositif de défense commerciale quasi similaire A. Les sauvegardes B. Les mesures anti-dumping

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III. L’épineuse question des règles d’origine : comment gérer le cumul ? IV. Les calendriers de libéralisation

A. Une approche graduelle commune B. Le maintien de l’exception agricole

V. Les mécanismes institutionnels A. Dans le cadre de l’Accord d’association B. Dans le cadre de l’ALE avec les Etats-Unis

Conclusion : Le déplacement du terrain de l’affrontement commercial UE/USA au Maroc ?

Pourquoi des accords de libre-échange ?

Prolongement de l’histoire d’un côté (le couple franco-marocain), recherche de débouchés potentiels dans l’autre (Etats-Unis), l’ouverture progressive de l’économie marocaine aux échanges mondiaux est un choix décisif, une option stratégique. S’arrimer à des blocs régionaux prospères tout en diversifiant les débouchés à l’exportation est désormais une constante de la politique étrangère marocaine.138

Les deux accords procèdent néanmoins de logiques différentes, et, comme chacun sait, ont fait l’objet de négociations distinctes.

A. La ratio legis des deux accords

Le projet de création d’une zone de libre-échange (ZLE) euro-marocaine s’inscrit dans une démarche stratégique, se situant dans la droite ligne du Processus de Barcelone, lancé en novembre 1995.139 Ce projet doit donc être fondu dans le vaste programme d’établissement d’une ZLE euro-méditerranéenne à l’horizon 2010. Et l’on connaît les mobiles ayant présidé à ce projet ambitieux : parvenir à la paix et la sécurité au flanc sud de la Méditerranée par le biais de l’économie, c’est-à-dire l’intensification des échanges commerciaux et la promotion de l’investissement.

Mais cet ALE est aussi à situer dans le cadre du partenariat euro-marocain, un partenariat vieux de plusieurs décennies, aujourd’hui rénové à la lumière de l’évolution internationale et régionale. L’Accord d’association euro-marocain, conclu le 11 novembre 1995, signé le 26 février 1996 exprime ce partenariat à visages multiples : politique, économique, social…

Tout autre est le fondement « politique » de l’ALE avec les Etats-Unis. Celui-ci est à inscrire dans un contexte géopolitique particulier : l’après 11 septembre. L’on ne peut donc le dissocier de la vision américaine pour la région MENA (Moyen Orient et Afrique du Nord) Le préambule de l’ALE annonce lui-même les couleurs : « … établir une zone de libre-échange des Etats-Unis, Moyen Orient et Afrique du Nord et contribuer, de ce fait, à l’intégration régionale et au développement économique »

138 Accord de libre-échange avec l’AELE (Association européenne de libre-échange), les pays arabes, la Turquie et d’autres en perspective… 139 Ce processus a néanmoins connu des difficultés, liées en particulier à la situation au Moyen Orient (conflit israélo-palestinien)

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A travers cet accord, l’on peut dire que les Etats-Unis reviennent à la charge pour ancrer leur présence active dans cette région vitale et, partant, concurrencer, sur ce terrain de compétition géopolitique, l’Union européenne, elle-même intéressée par la région à travers le processus de Barcelone. Sur ce point, on peut affirmer que les deux accords se recoupent sans pour autant converger. 140

On peut également situer l’ALE avec les Etats-Unis dans le prolongement de l’Initiative Einzenstat. Lancée du temps du Président Clinton, elle visait à établir un partenariat stratégique piloté par le secteur privé avec les trois principaux pays du Maghreb, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie.

Et chacun y trouve son compte ! Jouant sur des claviers différents, le Maroc, en dépit de sa petite taille commerciale, étonne ! Avec les Etats-Unis, il compte se désenclaver du marché communautaire et donc diversifier ses débouchés à l’exportation, source d’émulation certaine. 141 Cela tient aussi à l’approche du Roi Mohamed VI, le projet de création d’une ZLE étant lui-même une décision politique prise au plus haut niveau. 142 Internationaliste de formation, le Souverain croit en l’émulation suscitée par la compétition : « Le Maroc est … résolu à entreprendre toutes les réformes susceptibles d’assurer la pleine réussite de ce partenariat [euro-méditerranéen] car les défis ne lui font par peur, il y trouve même un surcroît d’énergie et une émulation certaine »143

Commentant l’ALE avec les Etats-Unis, Monsieur Fassi Fihri, Secrétaire d’Etat à la Coopération, a estimé, dans un exposé présenté le 8 janvier 2005 devant la Commission de la Défense, des Affaires étrangères et islamiques à la Chambre des Conseillers, que « cet accord vise à diversifier le partenariat économique du Maroc, à accélérer le rythme de l’intégration de l’économie nationale dans l’environnement international et régional et à encourager l’investissement étranger à travers l’exploitation de la position géostratégique du Maroc en tant que plate-forme de production et d’exportation grâce à un réseau de relations préférentielles que le Royaume entretient avec plusieurs pays et groupements régionaux » Il a en outre précisé que cet accord « n’affecte en rien les intérêts économiques existants ou futurs avec l’Union européenne, précisant que l’espace européen reste le principal partenaire du Maroc, notamment dans le cadre de la nouvelle politique européenne de voisinage »144

B. Contexte des négociations

Les négociations entre le Maroc et l’Union européenne (UE) étaient certes plus complexes que celles menées avec les Etats-Unis car elles visaient à établir non seulement

140

Le Ministre français des Affaires étrangères, Monsieur Michel Barnier, a avancé que le Forum de l’avenir, abrité par le Maroc les 10 et 11 décembre 2004, ne saurait créer un dialogue « institutionnalisé » et a rappelé que le Processus de Barcelone était le cadre adéquat pour mener un tel dialogue… 141 Les exportations du Maroc sont « eurocentrées » Le marché communautaire absorbe environ 70 pour cent de nos exportations ! A l’issue de l’Uruguay Round, l’Union européenne a présenté une offre qui a « choqué » le Maroc, notamment sur le plan agricole. Celui-ci a dès lors compris qu’il était de son intérêt stratégique d’atténuer la dépendance structurelle à l’égard du marché communautaire, en cherchant de nouveaux partenaires commerciaux. 142 C’était lors de sa visite d’Etat aux Etats-Unis d’Amérique en avril 2002 que le Roi Mohamed VI a convenu avec le Président américain G. Bush de créer une ZLE entre leurs pays respectifs. Cf. Z. ABOUEDDAHAB, « Zone de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis: les premiers pas vers un partenariat stratégique », Le Matin du Sahara et du Maghreb, 23 juillet 2002. 143

Cité dans Libération, « Le Maroc et l’Union européenne à l’aube du XXIe siècle », 30 août 1999, p. 3. 144 Cf. Site Web du Ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération : www.maec.gov.ma

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une ZLE, mais également à définir les termes d’un nouveau partenariat global. Ces négociations ont été lancées consécutivement aux Accords de l’Uruguay Round, lesquels ont modifié l’environnement juridique extérieur de l’UE. Du coup, l’activation de l’article 25 de l’Accord de coopération de 1976 s’imposait pour tenir compte de ce changement et, partant, transcrire les relations préférentielles du Maroc avec l’UE dans un nouvel accord conforme aux exigences de l’OMC ("Organisation Mondiale du Commerce"). Ces négociations ont été ardues, plus particulièrement en ce qui concerne le volet agricole. En outre, le dossier de la pêche, qui a fait l’objet de discussions séparées, a pesé sur la marche des négociations. Les pourparlers ont duré environ deux ans. Le 11 novembre 1995, un accord a été trouvé, signé le 26 février 1996.145 Il est entré en vigueur le 1er mars 2000.146

Au terme de sa visite aux Etats-Unis en avril 2002, le Souverain marocain et le Président Georges W. Bush ont convenu d’établir une ZLE entre leurs pays respectifs. Le 5 juillet 2002, le Roi Mohamed VI a nommé Monsieur Taïb Fassi Fihri "Coordonnateur, responsable et interlocuteur unique des autorités américaines pour la préparation et l’élaboration de l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis d’Amérique". Monsieur Robert Zoellick a conduit l’équipe des négociateurs américains chargée de discuter les termes de l’accord.

Conclu le 2 mars 2004, signé le 15 juin de la même année, l’ALE avec les Etats-Unis « entrera en vigueur le premier jour du troisième mois après la date à laquelle les Parties échangent les notifications écrites certifiant qu’elles ont achevé leurs procédures légales respectives ou à toute autre date que les Parties peuvent convenir » (article 22.6, chapitre 22)

I. Un fondement juridique commun : la réglementation pertinente de l’OMC

Les deux accords sont articulés sur la réglementation de l’OMC, notamment l’article XXIV du GATT ("Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce") de 1994 et l’article V du GATS (ou AGCS) ("Accord général sur le commerce des services"). Mais la référence axiale, notamment pour ce qui est de la détermination des obligations imposées aux partenaires commerciaux, est l’article XXIV du GATT de 1994.

A. La référence axiale : l’article XXIV du GATT 1994

L’Accord d’association fait référence d’emblée à cet important article. En effet, l’article 6 du titre II est rédigé ainsi : « La Communauté et le Maroc établissent progressivement une zone de libre-échange pendant une période de transition de 12 années au maximum à compter de la date d’entrée en vigueur du présent accord (…) en conformité avec les dispositions de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et des autres accords multilatéraux sur le commerce des marchandises annexés à l’accord instituant l’OMC »

145 La dénomination officielle de ce texte est Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et le Royaume du Maroc d’autre part, Acte final, MA, 15 novembre 1995. 146 Cf. Décision du Conseil et de la Commission du 24 janvier 2000 relative à la conclusion de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et le Royaume du Maroc d’autre part, JOCE, n° L 070 du 18/03/2000, p. 0001.

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Par ailleurs, l’article 23 stipule :

« 1. Le présent accord ne fait pas obstacle au maintien ou à l’établissement d’unions douanières, de zones de libre-échange ou de régimes de trafic frontalier, dans la mesure où ceux-ci n’ont pas pour effet de modifier le régime des échanges prévu par le présent accord.

2. Les parties se consultent au sein du Comité d’association en ce qui concerne les accords portant établissement d’unions douanières ou de zones de libre-échange et, le cas échéant, pour tous les problèmes importants liés à leurs politiques respectives d’échanges avec des pays tiers notamment dans l’éventualité de l’adhésion d’un pays tiers à la communauté, de telles consultations ont eu lieu afin d’assurer qu’il est tenu compte des intérêts mutuels de la Communauté et du Maroc inscrits dans le présent accord »

L’ALE entre le Maroc et les Etats-Unis ne sort pas de la règle fondamentale. Son chapitre premier consacré aux dispositions initiales et définitions stipule à l’article 1.1 (section A) : « Les Parties à cet Accord, conformément à l’Article XXIV du GATT de 1994 et l’Article V de l’AGCS, établissent par les présentes une zone de libre-échange conformément aux dispositions de cet Accord »

Les deux accords sont donc, juridiquement, en conformité avec la réglementation pertinente de l’OMC. L’article 23 de l’Accord d’association prévoit lui-même la possibilité, pour les parties, de conclure des accords préférentiels avec des pays tiers pourvu qu’ils n’aient pas un effet négatif sur le régime juridique des échanges mis en place.

B. Les obligations correspondantes

Selon l’article XXIV du GATT 1994, les ZLE doivent satisfaire à une double condition.

D’abord des conditions de forme. Tout projet de constitution d'une intégration économique régionale doit être notifié à l’OMC. En outre, les membres qui projètent d’instituer une ZLE doivent entrer en consultation avec les membres de l’OMC pour la négociation d'éventuelles compensations commerciales.

D’autre part des conditions de fond, dont la plus importante est la règle dite de l’« essentiel des échanges commerciaux » ("substantially all trade"), selon laquelle les droits de douane et les autres réglementations restrictives doivent être éliminés pour l'essentiel des échanges commerciaux. Cette règle vise à faire en sorte que les ZLE n'aient pas un caractère partiel, ne couvrant que certains produits ou secteurs économiques.

Une fois constituée, la ZLE doit fournir un rapport biennal sur son fonctionnement au Conseil du commerce des marchandises de l'OMC, conformément au paragraphe 11 du Mémorandum d’accord sur l’interprétation de l’article XXIV du GATT de 1994. Cet examen devra être couplé avec le contrôle périodique qu'effectue le Conseil général de l’OMC sur les politiques et pratiques commerciales des membres de cette institution.

Les deux accords sont donc, juridiquement, compatibles avec les règles prescrites par les accords pertinents de l’OMC. Il faudra néanmoins attendre l’instauration effective des deux ZLE pour apprécier leur degré de compatibilité avec le droit et la pratique de l’OMC.

II. Un dispositif de défense commerciale quasi similaire

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L’arsenal de défense commerciale prévu par les deux accords est pratiquement le même, car il est articulé, à son tour, sur les dispositions correspondantes de l’OMC, dont l’article XIX et l’Accord spécifique sur les sauvegardes. Cet arsenal permet aux membres constitutifs des ZLE de se prémunir contre des importations risquant de provoquer une perturbation du marché intérieur.

Les règles sur l’antidumping font également partie du dispositif de défense commerciale, et poursuivent un objectif particulier.

A. Les sauvegardes

Comme dans le cadre de l’Accord antérieur, l’UE n’a pas manqué de se doter

d’instruments de défense commerciale qui lui permettent de restreindre, voire suspendre les importations d’origine marocaine, particulièrement durant les périodes où les productions communautaires arrivent sur le marché. Il s’agit de la clause générale de sauvegarde, principale mesure d’exception à l’application du régime préférentiel. Son déclenchement permet à l’UE, comme pour le Maroc bien sûr, de déroger temporairement à l’application de ce régime. Elle peut donner lieu à l’adoption, selon les cas, de toute une panoplie de mesures restrictives, dont la suspension des importations.

L’ALE avec les Etats Unis prévoit lui aussi la possibilité d’instaurer des mesures de sauvegarde de 5 ans, afin de faire face à des importations massives ou tombant au-dessous d’un prix plancher, et donc comportant le risque de causer un préjudice à la production nationale. Encore faudra-t-il prouver l’existence d’un lien de causalité entre les importations et le préjudice subi, ce qui n’est pas toujours évident.

B. Les mesures antidumping

Le dumping peut être défini comme « le fait pour une entreprise d'un Etat donné d'exporter sur le marché d'un pays tiers un produit à un prix inférieur à celui auquel elle offre ce même produit sur son marché intérieur » 147. Dans la mesure où le dumping peut causer un préjudice, le GATT de 1994 autorise les Etats à se défendre contre cette pratique commerciale déloyale : « En vue de neutraliser ou d'empêcher le dumping, toute partie contractante pourra percevoir sur tout produit faisant l'objet d'un dumping un droit antidumping dont le montant ne sera pas supérieur à la marge de dumping afférente à ce produit » (article VI). Perçues sous forme de droits antidumping, les mesures antidumping sont donc des instruments de défense ou de rétorsion commerciale à l’encontre des pratiques commerciales jugées déloyales

Le droit communautaire est bien armé en matière de cet arsenal de défense. Les règles qui l’alimentent sont généralement alignées sur celles de l’OMC. Lorsque, à l’importation dans l’UE, les marchandises d’origine marocaine sont assujetties au paiement de tels droits, ils ne bénéficieront alors plus du traitement préférentiel.

Ce qui a été dit à propos de l’Accord d’association peut être étendu, mutatis mutandis, à l’ALE avec les Etats-Unis, du moment en effet où celui-ci cite expressément le GATT de 1994 et, de manière générale, les Accords de l’OMC. Dans l’ALE avec les Etats-Unis, on peut relever : « Compte tenu des risques des pratiques commerciales déloyales qui pourraient affecter les échanges commerciaux, un engagement des Etats-Unis par une lettre annexée à l’accord prévoit l’assistance technique pour le renforcement des capacités de

147

J. Boudant, L'anti-dumping communautaire, Préface de Pierre-Henri Teitgen, travaux de la CEDECE, Ed. Economica, Paris, 1991, p. 11.

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l’administration marocaine dans ce domaine et la vulgarisation auprès des opérateurs économiques du dispositif de lutte contre le commerce déloyal »

III. L’épineuse question des règles d’origine : comment gérer le cumul ?

Les deux accords prévoient une place particulière pour les règles d’origine. C’est en effet un domaine d’une rare complexité, une ZLE n’ayant de raison d’être que par les règles d’origine que les produits y bénéficiant doivent satisfaire. A défaut, les produits en question ne jouiront pas du régime préférentiel. Tout un travail de définition des critères de l’origine a donc présidé à l’élaboration des deux ALE, en particulier en ce qui concerne le cumul de l’origine, d’où la technique du faisceau de critères qui y a été suivi.

L’origine constitue un moyen d’agir sur la portée matérielle des préférences commerciales. Le problème se posera à partir du moment où des éléments d’origine tierce entrent dans la composition du produit préférentiel. C’est une hypothèse fréquente, car dans le cadre de l’économie interdépendante d’aujourd’hui, rares sont les produits dans lesquels n’entrent pas des composantes d’origines diverses. Par conséquent, la technique de l’origine doit admettre une part minimale d’éléments tiers dans la composition des produits confectionnés dans le pays préférentiel. Dès lors, l’enjeu fondamental est de définir ce minimum.

Dans le cadre des relations commerciales entre le Maroc et l’UE, pour qu’un produit puisse être réputé comme étant originaire du Maroc, il faut qu’il remplisse un certain nombre de conditions, posées par le Protocole n° 4 relatif à la définition de la notion de "produits originaires" et aux méthodes de coopération administrative.

D’abord, le produit concerné doit se conformer aux critères d’acquisition de l’origine. Ensuite, il doit respecter des règles particulières au cas où il prétendrait au bénéfice du cumul de l’origine. Il doit, enfin, faire l’objet d’un transport direct entre le Maroc et l’UE. Des exceptions sont admises à cette condition. Ainsi en est-il de l’emprunt, lors de l’acheminement de la marchandise, de territoires non liés à l’UE par des accords de partenariat.

Aux termes de l’article 2.2 du protocole en question, les produits originaires du Maroc sont :

a) les produits entièrement obtenus au Maroc (…) ; b) les produits obtenus au Maroc et contenant des matières qui n’y ont pas été

entièrement obtenus, à condition, toutefois, que ces matières aient fait l’objet au Maroc d’ouvraisons ou transformations suffisantes au sens de l’article 7 du présent protocole ».

Cette définition s’applique, mutatis mutandis, aux produits originaires de l’UE. L’Accord tolère le cumul bilatéral de l’origine entre le Maroc et l’UE, sous réserve de

certaines conditions liées à l’assemblage des produits, de leur ouvraison et de leur transformation. L’octroi par l’UE de ce cumul n’est possible que si les composants provenant de l’UE et entrant dans la fabrication du produit obtenu au Maroc sont originaires de celle-ci au sens de la définition fournie par le protocole. Dans ce cas, ces composants devront être revêtus, lors de leur importation au Maroc, d’un "certificat de circulation des marchandises EUR 1" attestant de leur origine communautaire. Ce document est établi sur la formule dont le modèle figure à l’Annexe III du protocole. Celui-ci admet également, dans une perspective d’intégration maghrébine, le cumul avec les matières originaires d’Algérie ou de Tunisie (cumul inter–Maghreb). Ainsi, les marchandises ayant fait l’objet d’ouvraisons et de transformations au sein des trois pays maghrébins seront réputées d’origine marocaine, dès lors que la dernière opération qu’elles ont subie a eu lieu au Maroc.

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L’ALE avec les Etats-Unis consacre tout le chapitre 5 à la question de l’origine. L’article 5.4 libellé "Cumul" stipule : « 1. Les coûts directs des opérations de transformation réalisées dans l’une ou les deux Parties ainsi que la valeur des matières produites dans l’une ou les deux Parties peuvent être pris en compte sans restriction en vue de satisfaire les conditions des 35 pour cent de valeur ajoutée… »

On peut dire qu’en général, les deux ALE tolèrent l’incorporation, dans des proportions limitées, d’éléments étrangers dans les produits finaux exportés par les membres constitutifs de la ZLE. Dans l’optique du Maroc, de telles dispositions, certes encourageantes, sont de nature à favoriser l’intégration régionale maghrébine, le développement de joint-ventures avec des sociétés américaines… L’on ne peut néanmoins exclure des contentieux éventuels, dans toutes les directions (Maroc/UE, Maroc/Etats-Unis, Etats-Unis/UE, via le Maroc, UE/Etats-Unis, via le Maroc) compte tenu de la sensibilité et de la complexité des règles d’origine.

IV. Les calendriers de libéralisation

Les deux accords annoncent une approche progressive dans le démantèlement tarifaire

et non tarifaire. Une période de transition est donc prévue pour la réalisation effective de la ZLE. En cela, les deux accords se rejoignent car c’est une condition posée par l’OMC, mais aussi une nécessité dictée par les réalités de l’économie marocaine. Les deux accords ont également ce point en commun : les produits agricoles, à la différence des produits industriels, sont assujettis à un régime juridique spécifique.

A. Une approche graduelle

Les deux accords ont pris en considération la vulnérabilité du tissu productif marocain. L’ouvrir brusquement à la concurrence internationale aurait causé beaucoup de dégâts ! Du coup, les deux accords ont aménagé une phase de transition vers l’établissement intégral de la ZLE.

Pour l’Accord d’association, cette phase est de douze ans, à compter de la date d’entrée en vigueur de l’Accord d’association, c’est-à-dire le 1 er mars 2000. C’est donc en 2012 que la ZLE avec l’UE devra voir le jour. Mais les réductions tarifaires et le démantèlement non tarifaire ont déjà commencé à se produire, graduellement, à partir de la mise en route de l’Accord précité.

Pour ce qui est de l’ALE avec les Etats-Unis, les phases sont en quelque sorte étagées. Ainsi, pour ce qui est de la liberté d’investissement, c’est-à-dire la libre circulation des capitaux, son intégration effective dans la ZLE ne pourra se faire qu’après dix ans, à compter de la date d’entrée en vigueur de l’Accord. De même, en nous référant aux "Notes générales" concernant les listes tarifaires du Royaume du Maroc, l’on constate qu’elles prévoient un échelonnement réparti en fonction des caractéristiques des produits, allant de 10 ans à 25 ans, en passant par 13 ans, 15 ans, 19 ans… Ce sont les produits agricoles qui bénéficient des périodes de transition les plus longues.

La question qui se pose est la suivante : comment le Maroc va-t-il mettre en harmonie autant de calendriers de démantèlement ? Disposera-t-il d’une visibilité en la matière ? Comment articulera-t-il autant de programmes de libéralisation progressive ?

B. Le maintien de l’exception agricole

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Dans l’ALE avec l’UE comme celui avec les Etats-Unis, les produits agricoles demeurent assujettis à un régime spécifique. Le régime de libre-échange intégral ne leur sera donc pas appliqué.

Du côté européen, on sait que la présence de la Politique agricole commune (PAC) empêche d’intégrer les produits agricoles dans un régime complet de libre-échange. Cette politique a fait l’objet de réformes successives, dictées en particulier par les Accords de l’OMC. Ce que prévoit donc l’Accord d’association, c’est une libéralisation progressive, aménagée et sélective. En ce sens, l’article 16 de l’Accord d’association est la traduction de cette libéralisation bridée : « La Communauté et le Maroc mettent en œuvre de manière progressive une plus grande libéralisation de leurs échanges agricoles et de produits de la pêche ». Les deux parties poursuivront également, dans le cadre de la coopération, la diversification de la production agricole au Maroc ainsi que celle des débouchés extérieurs (article 54).

Concernant l’ALE avec les Etats-Unis, les négociateurs marocains ont veillé à protéger les productions agricoles sensibles, notamment les céréales, la viande et le lait. C’est donc le Maroc qui a tenu à ce que les produits agricoles soient assujettis à un régime spécifique.

Dans les deux accords, la « multifonctionnalité » de l’agriculture a été donc transcrite, rejoignant en cela l’approche « précautionneuse » de l’OMC en la matière.

V. Les mécanismes institutionnels

A. Dans l’Accord d’association

Sur le plan institutionnel, l’Accord d’association prévoit la création d’un Conseil d’association qui se réunit au niveau ministériel, une fois par an et chaque fois que nécessaire. Il examine les problèmes importants se posant dans le cadre de l’Accord, ainsi que toutes autres questions bilatérales ou internationales d’intérêt commun. Il est composé, d’une part, des membres du Conseil de l’UE et des membres de la Commission des Communautés européennes et, d’autre part, des membres du Gouvernement du Royaume du Maroc. 148

La présidence du Conseil se fait par roulement. En fait, c’est cet organe qui décidera du rythme du calendrier relatif à la libéralisation du commerce. La première réunion du Conseil s’est tenue le 9 octobre 2000, au Luxembourg.

Le Conseil est complété par un Comité d’association qui se réunit au niveau des fonctionnaires. Il détient donc une compétence à caractère technique. Il est notamment chargé de gérer l’Accord d’association sous réserve des compétences attribuées au Conseil. Il se réunit alternativement dans l’UE et au Maroc. Il a tenu sa première réunion au Maroc, début février 2001.149

Pour la réalisation des objectifs fixés par l’Accord d’association, le Conseil et le Comité disposent, chacun dans son domaine respectif, d’un pouvoir de décision. Les décisions prises par ces deux organes sont donc obligatoires pour les parties, qui sont tenues de prendre les mesures que nécessite leur exécution. Le Conseil peut également formuler des recommandations. Il agit en outre comme une véritable juridiction, chaque partie pouvant le saisir de tout différend lié à l’interprétation de l’Accord relevant de sa compétence. Le différend en question est réglé par simple voie décisionnelle. Cette approche souple permettra

148

Cf. Décision n° 1/2000 du Conseil d’association UE du 9 octobre 2000 arrêtant le règlement intérieur de celui-ci, JOCE, n° L 273, 26/10/2000, pp. 0036-0039. Le règlement intérieur du Comité d’association est joint en annexe de la décision précitée (article 13, § 4). 149

Cf. Le Matin du Sahara et du Maghreb, 6 février 2001, p. 5.

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probablement de dénouer rapidement les désaccords. L’Accord d’association prévoit aussi la possibilité de recourir à l’arbitrage.

Quant aux problèmes pouvant survenir au titre des règles d’origine, c’est le Comité de coopération douanière, constitué d’experts douaniers marocains et européens, qui se chargera de les résoudre.

B. Dans le cadre de l’ALE avec les Etats-Unis

Comme pour l’Accord d’association, l’ALE avec les Etats-Unis prévoit un dispositif institutionnel de gestion, agissant en tant qu’organe de supervision du fonctionnement de l’Accord et d’instance d’examen des relations commerciales entre les parties.

Le chapitre 19 libellé "Administration de l’Accord" prévoit ainsi la création d’un « Comité mixte » (article 19.2) présidé alternativement par le Maroc et les Etats-Unis. Il peut instituer et déléguer ses compétences à des sous-comités ou des groupes de travail ad hoc ou permanents et demander l’avis de personnes intéressées.

Le Comité agira aussi comme un forum pour des consultations et comme instrument de prévention des différends pouvant survenir au titre de l’Accord. Il peut également concourir, dans des délais fixés, à résoudre des différends.

Le Comité est également habilité à proposer tout projet d’amendement à l’Accord. Les décisions sont prises par consensus.

Le règlement des litiges fait l’objet du chapitre 20. Il faut noter que l’Accord privilégie une approche souple pour leur résolution, insistant notamment sur le rôle des consultations. En la matière, le Comité conjoint est sollicité. Devant un différend qui n’a pu être réglé par le Comité mixte, un forum est institué (Groupe spécial) en vue de le résoudre selon des procédures à fixer.

L’option de l’arbitrage a été repoussée, à la différence de l’Accord d’association. D’autres dispositions sont prévues en matière de compensations commerciales et de retrait de concessions. Elles rappellent étonnamment les dispositions du GATT 1994 !

Les deux accords, s’appuyant sur une approche progressive, prévoient des clauses de consultation ou de rendez-vous, en vue d’approfondir le processus de libéralisation, réaménager, le cas échéant, le dispositif de règlement des différends… En cela, ils rejoignent, encore une fois, la philosophie juridique des Accords de l’OMC.

Conclusion : le glissement du terrain de l’affrontement commercial UE/USA vers le Maroc ?

Les deux accords sont, fondamentalement, quasi identiques au plan de leur régime juridique. Ils sont en effet travaillés par la même matière juridique qui les a accouchés ! Mais sur le plan de leur signification « culturelle » et de leur soubassement « géopolitique », ils ne convergent pas totalement et suscitent beaucoup d’interrogations.

En effet, avec la « Nouvelle politique de voisinage », l’UE revient à la charge et compte consolider sa présence au sud de la Méditerranée. Et les Etats-Unis ne comptent nullement perdre du terrain en Afrique du Nord (et par extension au Moyen-Orient). Le Forum de l’avenir y participe…

En somme, les deux accords sont-ils compatibles juridiquement ? La réponse n’appelle aucune nuance : oui ! A aucun endroit des deux textes, une clause d’incompatibilité n’est prévue.

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Les deux accords sont principalement articulés sur les dispositions pertinentes de l’OMC. Néanmoins, il convient d’apporter une nuance. Si l’Accord d’association cite, dans beaucoup de ses articles, les textes de l’OMC, il ne le fait que de manière incidente pourrait-on dire. Le droit communautaire a travaillé en profondeur l’Accord d’association, le Maroc étant d’ailleurs tenu par une obligation de rapprochement de sa législation avec ce droit suis generis.

L’ALE avec les Etats-Unis est vraiment émaillé, sinon truffé de dispositions de l’OMC. L’esprit du GATT, texte essentiellement anglo-saxon, y est présent de manière notoire : transparence, forum, consultations…

Où se situe donc l’incompatibilité, si incompatibilité il y a ? Peut-être dans les mobiles politiques qui ont présidé à l’élaboration des deux accords, des desseins géopolitiques ou stratégiques qui les motivent… On peut aussi avancer que sur le plan culturel, cette matière pensante qui les a travaillés, des différences subtiles existent entre les deux arrangements, des différences tenant à la « rivalité culturelle » entre l’Europe et les Etats-Unis. Il est d’ailleurs aisé de remarquer que dans beaucoup de grands dossiers, des différences d’approche ont opposé les deux alliés stratégiques qui n’hésitent évidemment pas à dévoiler leurs différences quand il s’agit de faire valoir leurs intérêts : bœuf aux hormones, guerre préventive… Approche différente aussi au niveau de la perception de la mondialisation par le Vieux Continent et le Nouveau Monde...

En dernière analyse, on peut affirmer – du moins si l’on ne craint de commettre un abus de langage – qu’avec la conclusion de l’ALE avec les Etats-Unis, un « glissement tectonique » s’est produit : le terrain de l’affrontement commercial entre les Etats-Unis et l’UE s’est déplacé sur un autre champ de compétition, le Maroc : imaginons demain des sociétés américaines spécialisées dans les organismes génétiquement modifiés, implantées au Maroc. Hypothèse peut-être lointaine mais tout à fait plausible. A vouloir pénétrer le marché communautaire, déjà allergique, sinon hermétique à ces produits, quelle en sera la réaction des instances communautaires, quand bien même les règles sur l’origine seraient respectées ?

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VIII. ASPECTS NOUVEAUX DE DROIT INTERNATIONAL : LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

La Convention des Nations Unies contre la corruption : quelles implications pour le

Maroc ?

Résumé

Le Maroc a signé la Convention des Nations Unies contre la corruption le 9 décembre

2003 et l’a ratifiée le 31 janvier 2007. Il est donc décidé à s’inscrire dans la logique

internationale de lutte contre la corruption pour des raisons que cet article s’efforcera

d’expliciter. Des projets, tendant à anticiper les effets potentiels de ladite Convention, sont

adoptés ou en voie de l’être. Il convient de citer notamment le Plan d’action de lutte contre la

corruption qui prévoit, entre autres, la création d’une Instance centrale de prévention de la

corruption, traduction juridique de l’article 6 de la Convention onusienne.

Nous nous proposons donc de mettre en exergue les effets potentiels de la Convention

onusienne sur le Maroc après avoir dégagé ses principales dispositions. Quelle est la portée

des engagements que le Maroc allait prendre, ses incidences juridiques et institutionnelles, et

la « valeur ajoutée » que cette Convention pourrait apporter au pays, notamment en termes

d’attractivité économique et de « capital » diplomatique ?

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Introduction

Compte tenu de la gravité des problèmes que la corruption peut provoquer et la

menace que ce fléau constitue pour la stabilité et la sécurité des sociétés, la communauté

internationale a décidé d’établir un cadre juridique international destiné à lutter contre la

corruption. En effet, ce phénomène sape les institutions, les valeurs démocratiques, les valeurs

d’éthique et la justice, ainsi que le rappelle d’emblée la Convention des Nations Unies contre

la corruption, adoptée en octobre 2003. Il compromet en outre le développement durable.

La corruption n’est pas un problème isolé. Par nature, il est transversal. Dans ce sens,

la Convention précitée souligne les liens qui existent entre la corruption et d’autres formes de

criminalité, en particulier la criminalité organisée et la criminalité économique, dont le

blanchiment d’argent.

Etant donné la nature transversale de la corruption et de son aspect diffus, la

coopération internationale en ce domaine s’impose désormais, afin de prévenir ce phénomène

et le juguler. La mondialisation aidant, la corruption est sortie du domaine du local et est

devenue, par ricochet, un problème transnational affectant toutes les sociétés et toutes les

économies. D’où la nécessité d’adopter une approche globale et multidisciplinaire pour

prévenir la corruption et la combattre efficacement. De tels efforts ont porté leurs fruits avec

l’adoption de la Convention des Nations contre la corruption, objet de ce papier.

Le Maroc a signé la Convention des Nations contre la corruption le 9 décembre 2003,

puis l’a ratifiée en janvier 2007, exprimant ainsi son consentement à être lié par un traité

international au sens de l’article 11 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23

mai 1969. Il s’est donc, lui aussi, inscrit dans le combat international mené contre la

corruption, témoignant de sa volonté politique de s’arrimer aux nouvelles logiques du droit

international. Un pays qui aspire à attirer un volume élevé d’investissements, promouvoir une

politique de croissance économique tirée par les exportations et, en somme, devenir un acteur

international crédible, doit en effet se conformer aux nouvelles exigences de la compétition

internationale et s’arrimer à la logique de l’Etat de droit international.

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Le concept d’ « Attractivité économique du droit », mis en avant par la Banque

mondiale, intègre, outre des éléments liés à l’efficacité des tribunaux par exemple, des

indicateurs en rapport avec la corruption150.

Sujet transversal, il ne nous sera pas aisé d’en cerner tous les aspects et les contours. Il

convient par conséquent d’en faire œuvre de tri. Cibler des points nodaux par rapport à la

problématique cardinale. La Convention de l’ONU occupera donc l’essentiel de notre

investigation151.

Il convient donc de rendre compte de l’aspect transnational du problème de la

corruption (I), de mettre en exergue l’inscription du Maroc dans le cadre juridique de lutte

contre la corruption établi par la Convention onusienne (II) et de s’interroger sur les effets

potentiels de ce texte sur le Maroc (III)

I.- La corruption : un phénomène transnational qui requiert une approche multilatérale

La communauté internationale est de plus en plus consciente aujourd’hui de la gravité

du phénomène de la corruption et de la nécessité d’adopter une approche multilatérale pour le

contenir. Ces efforts ont porté leurs fruits avec l’adoption, par l’Assemblée générale des

Nations Unies (Résolution 58/4), le 31 octobre 2003, de la Convention des Nations Unies

contre la corruption (citée ici « la Convention ») Elle entre en vigueur le 14 décembre 2005

après qu’elle ait été ratifié par au moins 30 Etats parties conformément à la procédure prévue

à l’article 68.

Il aurait fallu environ deux années de négociations pour que la Convention des Nations

Unies contre la corruption soit adoptée par un comité spécial, créé par l’Assemblée générale

en décembre 2000. Ce comité a bénéficié des services fonctionnels de l’Office des Nations

Unies contre la drogue et le crime dont le siège est à Vienne. La Convention a ensuite été

soumise à l’Assemblée générale des Nations pour adoption, le 31 octobre 2003. Elle a été

ouverte à la signature à Mérida, au Mexique, du 9 au 11 décembre 2003.

La Convention rappelle d’emblée : « Convaincus que la corruption n’est plus une

affaire locale mais un phénomène transnational qui frappe toutes les sociétés et toutes les

économies… » Les connexions du fléau sont multiples et seule une approche multilatérale

pourrait le juguler ou, du moins, atténuer ses effets nuisibles.

150 Cf. www.worldbank.org (consulté le 22 avril 2007) 151 Des études intéressantes ont déjà porté sur cette question. Voir, en particulier, M. Zirari, « La mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption au Maroc », Transparency International, The Global Coalition Against Corruption, octobre 2006, 8 pages.

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La Convention comporte 8 chapitres répartis sur 71 articles. Reprenons l’essentiel de

leur contenu.

Le premier chapitre porte sur les « Dispositions générales » (articles 1 à 4) Il souligne

l’objet de la Convention, définit les termes associés à la lutte contre la corruption, comme le

détournement des fonds, et son champ d’application. En fait, la Convention de l’ONU

s’appuie sur des textes antérieurs, notamment la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la

corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales 152.

Le deuxième chapitre comprend dix articles (articles 5 à 14) Il prévoit notamment les

mesures préventives devant être mises en place par les Etats parties afin de détecter la

corruption. Il est en effet question de mettre en place des instances de prévention de la

corruption chargées d’identifier les causes de la corruption. Au sens de la Convention, cette

instance doit jouir d’une réelle indépendance et disposer, selon qu’il est possible, des moyens

nécessaires pour accomplir convenablement sa mission. Notons que, pour ce qui est de ce

point, la Convention aménage une certaine flexibilité aux Etats parties pour la mise en œuvre

de leurs engagements issus de ce texte.

Le troisième chapitre est le plus long car il contient 27 articles (articles 15 à 42) Il

concerne les mesures liées à l’incrimination (trafic d’influence, abus de fonctions,

enrichissement illicite…) la détection et la répression de la corruption. La corruption des

agents publics nationaux comme étrangers y est considérée comme une infraction pénale

devant être réprimée. Il en est de même pour la corruption dans le secteur privé objet de

l’article 21. Les mesures liées au blanchiment du produit de crime sont prévues par l’article

23. Quant aux mesures concernant le gel, la saisie et la confiscation du produit du crime

provenant d’infractions pénales au sens de la Convention, elles sont prévues à l’article 31.

Le quatrième chapitre est consacré à la coopération internationale Il fait l’objet des

articles 43 à 50. Il y est notamment question de l’extradition, du transfèrement des personnes

condamnées, de l’entraide judiciaire, du transfert des procédures pénales, de la coopération

entre les services de détection et de répression, des enquêtes conjointes et des techniques

d’enquête spéciales. Les conventions bilatérales de coopération judiciaire ne peuvent donc

que renforcer le cadre juridique de coopération multilatérale établi par la Convention

onusienne.

Le cinquième chapitre comprend neuf articles (articles 51 à 59) Il concerne les

dispositions en rapport avec le recouvrement d’avoirs. Dans cette optique, l’article 51, § 1

152 Cette convention a été adoptée par la Conférence de négociations le 21 novembre 1997.

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dispose : « La restitution d’avoirs en application du présent chapitre est un principe

fondamental de la présente Convention, et les Etats Parties s’accordent mutuellement la

coopération et l’assistance la plus étendue à cet égard »

Le sixième chapitre ne comporte que trois articles (articles 60 à 62) Il est consacré à

l’assistance technique et l’échange d’informations. Au titre de l’article 60, § 8, des

programmes et projets dans les pays en développement visant à appliquer la Convention

peuvent être lancés par l’intermédiaire de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le

crime. Les pays en développement auront probablement besoin d’une assistance technique

pour la formation d’agents spécialisés de lutte contre la corruption.

Le chapitre VII, avec ses deux articles (articles 63 à 64) a trait aux mesures

d’application. Ainsi, une Conférence des Etats Parties est instituée afin de promouvoir et

examiner l’application de la Convention. La première Conférence des Etats parties a eu lieu

en Jordanie, en décembre 2006, soit un an après l’entrée en vigueur de la Convention contre la

corruption.

Enfin, le chapitre VIII se rapporte aux dispositions finales (articles 65 à 71) Il y est

question, entre autres, de l’application de la Convention (article 65) et des voies en matière de

règlement des différends allant de la négociation à la soumission du litige à la Cour

internationale de justice, en passant par l’arbitrage (article 66) La Convention est donc une

partie intégrante du système global de l’ONU

La lutte contre la corruption est une condition essentielle pour instaurer un système de

bonne gouvernance fondé sur les valeurs d’intégrité et de responsabilité. La convention

devrait être lue à la lumière du principe de « Responsabilité sociale des entreprises » prôné

par le Global Compact153. D’ailleurs, le secteur privé, et les bonnes pratiques qu’il doit

épouser, fait l’objet de l’article 12 de la Convention. En fait, le principe de transparence est au

cœur de la Convention. Il en constitue l’épine dorsale.

En somme, la Convention met en place un cadre juridique international de coopération

pour la lutte contre la corruption. Elle constitue en quelque sorte un cadre d’harmonisation des

politiques de prévention et de répression de la corruption.

153 Le Global Compact a été lancé en 1999 sous l’impulsion de l’ancien Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi ANNAN. Cette démarche vise à proposer aux entreprises d’adhérer à dix grands principes dans les domaines des droits de la personne, du travail et de l’environnement. La lutte contre la corruption en fait partie.

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II. L’inscription du Maroc dans le cadre normatif international de lutte contre la

corruption

A.- La signature de la convention : la ratio legis

Le Maroc a signé la Convention des Nations Unies contre la corruption le 9 décembre

2003. Il ne pouvait donc rester en marge du processus de lutte contre la corruption. Pour

plusieurs raisons.

Une raison d’image, d’abord. Le pays devait en effet améliorer son image à l’étranger,

atténuer les critiques des ONG internationales, à leur tête Amnesty International et enterrer le

passé des violations des droits de l’homme. Dans cette optique, une Instance Equité et

Réconciliation (IER) avait été créée sur proposition royale en janvier 2004. Elle devait

indemniser les victimes des années de plomb et elle organisait des auditions publiques où

d’anciens détenus et détenues politiques venaient témoigner.

Des raisons économiques, ensuite. Attirer des investissements étrangers substantiels ne

pouvait avoir lieu en l’absence d’un contexte économique sain et transparent. Le Maroc

devait ainsi améliorer sa notation économique et adopter une législation économique

attrayante, transparente… On peut citer par exemple la création des guichets uniques

d’investissement en janvier 2002154.

Des raisons géopolitiques, enfin. Il fallait se conformer aux exigences européennes et

surtout américaines, entre autres. La guerre globale contre le terrorisme, dans laquelle le

Maroc s’était rallié, devait aussi comprendre la guerre contre la corruption. En effet, la

stratégie américaine globale de lutte contre le terrorisme visait également à déraciner les

sources de financement des activités terroristes, dont certaines provenaient du produit de la

corruption et du crime. En avril 2002, le Maroc a engagé des négociations commerciales avec

les Etats-Unis tendant à instaurer entre les deux pays une zone de libre-échange 155. Deux ans

plus tard, le Maroc s’est vu attribuer par les Etats-Unis le statut d’allié stratégique majeur

hors OTAN et a été élu à tirer sur le Compte du Millénaire. Dans la région MENA (Afrique

154 C’était l’objet de la Lettre royale adressée au Premier ministre en janvier 2002 et l’invitant à simplifier les procédures en matière d’investissement. 155 Cf. Z. Abouddahab, « Zone de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis : les premiers pas vers un partenariat stratégique », Le Matin du Sahara et du Maghreb, 23 juillet 2002.

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du Nord et Moyen Orient) le Maroc est ainsi cité comme un « modèle » d’une démocratie en

marche156.

Même si la Convention de l’ONU fait sienne le principe de la souveraineté et son

corollaire la non ingérence dans les affaires intérieures des Etats, il faut dire que l’esprit du

droit international contemporain s’accommode mal des anciennes catégories juridiques, dont

le principe de territorialité.

B – La ratification : la mise en œuvre enclenchée

Le 31 janvier 2007, un Conseil des ministres présidé par le Roi Mohammed VI s’est

tenu à Casablanca. Parmi les points abordés par ce conseil, figurait le projet d’adoption d’un

texte international, la Convention des Nations Unies contre la corruption. Systématiquement,

d’autres points faisaient partie de l’ordre du jour, dont un projet de loi instituant une

déclaration obligatoire de patrimoine de certains élus des conseils locaux et de certaines

catégories de fonctionnaires ou agents publics ; et un projet de décret instituant une instance

centrale de prévention de la corruption.

Le principe au Maroc est que c’est le Roi qui signe et ratifie les traités conformément à

l’article 31 de la Constitution. Toutefois, les traités qui engagent les finances de l’Etat

doivent, avant d’entrer en vigueur, être soumis au parlement pour approbation. Cette voie n’a

donc pas été empruntée car la Convention de l’ONU n’engage pas les finances de l’Etat, au

moins directement. Au vu de la pratique, seuls les accords de libre-échange et les traités à

vocation fiscale, par exemple ceux concernant la non double imposition, sont tenus d’être

approuvés au préalable par le parlement.

Le Maroc devait donc anticiper les effets potentiels d’un texte international substantiel

et contraignant et, par conséquent, adapter son ordre juridique interne aux prescriptions du

traité. Un texte qui pourrait dégager la responsabilité internationale de l’Etat, en cas de

manquement à ses engagements obligations, et qui s’adresse non seulement aux Etats, mais

aussi aux autres personnes de droit public (les collectivités locales par exemple) et de droit

privé (les entreprises privées), ainsi qu’aux individus. Mettre en œuvre un texte d’une telle

ampleur nécessite d’abord d’introduire des réformes juridiques (judiciaires,

institutionnelles…) profondes afin de se mettre au niveau du corpus normatif ainsi établi

156 Pour une étude systématique, cf. S. Bédar, Les Etats-Unis et l’ordre global multipolaire, rapport final, Observatoire de la stratégie américaine 2003, Centre Interdisciplinaire des Recherches sur la Paix et d’Etudes Stratégiques CIRPES – GRISP, février 2004, 225 pages.

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Les lenteurs constatées quant à la ratification du texte onusien ne sont pas fortuites. Il

aurait en effet fallu pas moins de deux ans pour que le Maroc ratifie la Convention

onusienne. Elles rappellent celles enregistrées au niveau de la ratification de la Convention

ayant établi la Cour pénale internationale 157. La Convention de l’ONU contre la corruption

comme le Statut de Rome ayant établi la Cour pénale internationale (CPI) sont deux textes

« sensibles » et leur ratification pouvait dicter des changements constitutionnels.

Il convient ici de signaler le rôle joué par les ONG marocaines, notamment

Transparency Maroc, dans l’accélération du processus d’adoption finale de la Convention 158.

A l’heure actuelle, des efforts sont entrepris afin de créer les conditions nécessaires à la

mise en œuvre du texte onusien. Il en est ainsi de la réforme de la législation pénale, de la

révision du décret sur les marchés publics… De nouveaux actes en rapport avec le fléau de la

corruption doivent être incriminés et réprimés par la législation pénale. La mise en place

d’une instance centrale de lutte contre la corruption est l’un des projets importants en cours

d’élaboration. Sa création est la traduction juridique de l’article 6 de la Convention de l’ONU

qui invite les Etats parties à créer des mécanismes de prévention de la corruption. Désormais,

la lutte contre la corruption s’inscrit au Maroc dans le cadre d’un Plan d’action global érigé

en priorité de l’action gouvernementale159.

Les pouvoirs publics devraient donc passer maintenant au stade de la mise en œuvre

de la Convention et conforter le choix ainsi fait de l’inscription dans la nouvelle logique

mondiale de lutte contre la corruption. Des colloques et journées d’études s’organisent

autour du thème de la corruption 160. On note souvent la présence des représentants de la

Banque mondiale. Des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique sont lancées,

157 Le Maroc a signé le Statut de Rome ayant établi la Cour pénale internationale le 8 septembre 2000. Jusqu’à présent, il ne l’a pas encore ratifié. Il semble que le Maroc allait geler cette ratification en raison de l’incompatibilité déclarée dudit statut avec la Constitution marocaine, du moins selon les dires du ministre des Affaires étrangères, M. Mohammed Benaïssa. Pourtant, l’Instance Equité et Réconciliation, créée par le Roi Mohammed VI en janvier 2004, avait émis des recommandations, dont la ratification du Statut de Rome. Voir M. El Hamraoui, « Cour Pénale Internationale : pourquoi le Maroc ne ratifiera pas… », in www.lereporter.ma, (consulté le 1er avril 2007) 158 Transparency Maroc s’est beaucoup investi dans ce sens. Voir, par exemple, la lettre du 29 septembre 2006 adressée par cette ONG (co-signée par Transparency International) au Premier ministre marocain, l’invitant à accélérer le processus de ratification de la Convention onusienne. Les Etats-Unis ne manquent pas d’occasions pour inviter les Etats signataires à ratifier, puis appliquer la Convention de l’ONU. Ils accordent en effet à ce sujet un intérêt primordial compte tenu de ses liens avec le criminalité transnationale et donc, par extension, le terrorisme. 159 Pour en savoir plus, voir le Portail du Royaume du Maroc : www.maroc.ma (consulté le 2 avril 2007) 160 Ainsi celui qui a été organisé par le ministère chargé de la Modernisation des secteurs publics et auquel la Banque Mondiale avait pris part. Cf. « Table ronde sur la lutte contre la corruption, la promotion de l’éthique et de la transparence au Maroc "Etat des lieux " et moyens de concrétiser le Plan d’action du Gouvernement », 11 décembre 2006. Les actes de cette table ronde sont disponibles sur le site Internet du ministère : www.mmsp.gov.ma (consulté le 31 mars 2007) On pourra aussi se reporter à la Lettre d’information trimestrielle du Groupe de la Banque Mondiale au Maghreb, n° 4, janvier 2007, pp. 31-32.

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dont l’effet reste néanmoins limité. La corruption gangrène l’économie marocaine et le pays

occupe une mauvaise place dans le classement mondial 161. En plus, le passif est loin d’être

apuré, beaucoup de hauts responsables corrompus, au pays ou à l’étranger, échappant à la

justice. De même, la restitution des biens détournés n’a jamais eu lieu162.

III. Mettre en œuvre la Convention onusienne : un processus laborieux

Ayant ratifié la Convention de l’ONU contre la corruption, le Maroc s’engage, par

conséquent, à appliquer les dispositions d’un texte substantiel. Le Parlement, réuni en session

extraordinaire, durant février et mars, n’avait pas besoin de ratifier la Convention car cette

dernière, on l’a dit, n’engage pas les finances de l’Etat. Seul l’approbation royale suffisait

dans ce cas. Chose consommée. La Convention sera donc promulguée et publiée lorsque

toutes les conditions de sa mise en œuvre auront été réunies. Le compte à rebours a déjà

commencé !

La mise en œuvre de l’article 6 de la Convention libellé "Organe ou organes de

prévention de la corruption" implique la mise en place d’une structure similaire. Dans cette

optique, le même Conseil des ministres du 31 janvier a décidé de la création, par décret, d’une

instance centrale de prévention et de lutte contre la corruption. Sa composition sera en

principe représentative. Probablement, des représentants de la société civile y siégeront. Mais

l’instance sera rattachée au premier ministre, c’est-à-dire au pouvoir exécutif. Il faudra

néanmoins que cette institution jouisse d’une réelle autonomie afin qu’elle accomplisse sa

mission en toute intégrité, l’un des principes fondamentaux de la Convention onusienne à côté

du principe de transparence et celui de responsabilité. L’organe en question n’aura qu’un

pouvoir consultatif et ne saurait par exemple engager des poursuites à l’encontre des agents

publics ou privés, nationaux ou étrangers, impliqués dans des actes de corruption. Il reviendra

à l’instance judiciaire compétente d’engager de telles poursuites, d’où la nécessité d’assurer

l’indépendance des magistrats.

Dans ce sens, un projet de loi complétant le statut des magistrats de 1974 a été entériné

par le parlement. Il concerne la déclaration obligatoire du patrimoine des magistrats. De

manière générale, tous les grands commis de l’Etat, élus ou désignés, seront assujettis à la

161 Ce classement se fait notamment sur la base de l’Indice de Perception de la Corruption. Cf. Transparency International, Rapport global sur la corruption, deuxième partie : « Rapports par pays, Maroc », Berlin, 2006, pp. 269-272. 162 Des détournements qui, selon les responsables de Transparency Maroc, atteignent des sommes faramineuses. Cf. Ibid, p. 272.

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déclaration du patrimoine. Des polémiques ont été nées suite à la discussion de ce projet en

commission parlementaire compétente (législation, justice et droits de l’homme) au sujet de la

ratio legis de l’exclusion de certaines catégories de fonctionnaires (ministres et gouverneurs)

de la déclaration obligatoire du patrimoine. On sait que le principe de l’équité doit

commander toute adoption d’un texte de loi, surtout que l’article 5 de la Constitution

marocaine proclame : « Tous les Marocains sont égaux devant la loi » !

La Cour des comptes aura un rôle à jouer en matière d’application du nouveau

dispositif anti-corruption. Ses magistrats, en particulier les procureurs, engageront des

procédures de vérification des comptes « douteux ». Par exemple pour ce qui est du

financement des campagnes électorales. Le principe de la certification des comptes, de la

bonne gestion des finances publiques, la bonne gouvernance et la responsabilité imprimeront

désormais toute politique publique. Du moins si le Maroc veut augmenter sa notation

financière internationale, améliorer son indice de perception de la corruption et, donc, attirer

plus d’investisseurs163.

La Convention onusienne a compris par ailleurs les liens de la corruption avec le

blanchiment de l’argent. Au Maroc, un projet de loi sur le blanchiment d’argent a été adopté

par le Conseil des ministres du 31 janvier 2007 et a été plus tard entériné par la Commission

parlementaire compétente. Il constitue l’application de l’article 14 de la Convention. Les

pouvoirs publics devront donc s’atteler à resserrer le contrôle de l’origine des fonds, par

exemple les dépôts bancaires, et à créer des services du renseignement financier faisant office

de centre national de collecte d’informations spécialisées. Tous les établissements bancaires,

mais aussi les institutions financières comme celles du micro-crédit, en sont concernés.

Tout un travail de titans devra ensuite être mené à tous les échelons afin de mettre en

œuvre la Convention dans toute son intégralité : des textes qui doivent être adoptés, d’autres

modifiés ou complétés : du Code pénal (inclusion d’une nouvelle catégorie d’infraction liée à

la corruption des agents publics étrangers et à sa sanction) au décret sur les marchés publics

(renforcement du principe de transparence et création d’un portail dédié aux marchés publics)

en passant par l’amendement de certains textes concernant par exemple la fonction publique.

Un projet de carte électronique est, lui aussi, en voie d’élaboration164. Il est censé couper court

163 Surtout qu’aujourd’hui, l’ « Attractivité Economique du Droit » (Doing Business) concept développé par la Banque mondiale, intègre aussi l’indice de perception de la corruption. Les Etats-Unis s’appuient aussi sur cet indice pour évaluer les pays éligibles au Compte du Millénaire. 164 Ce projet (projet de loi n° 35-06 instituant une carte nationale électronique) a été adopté lors du Conseil des ministres tenu le 23 mars 2007.

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à la « petite » corruption car les détenteurs de cette carte n’auront plus besoin de produire, à

chaque fois, un certificat de résidence par exemple165.

Un immense travail de sensibilisation continue, quant aux méfaits de la corruption,

devra être conduit. Ce mal devra être combattu avec détermination car il sape, la Convention

le souligne d’emblée, les bases du développement, déroute les investisseurs et décrédibilise

l’Etat au plan international.

165 Pour désigner la corruption à une grande échelle, on emploie l’expression « Kleptocratie » (gouvernement des voleurs)

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Conclusion : il faut plus d’un traité pour éradiquer la corruption !

La corruption est comme un « cancer » qui gangrène le corps social. Elle porte atteinte

aux institutions démocratiques, à l’économie nationale et à l’Etat de droit. Il en est ainsi de la

pratique fâcheuse de l’enrichissement illicite. Lutter contre la corruption suppose non

seulement de réprimer cet acte mais d’abord le prévenir. La Convention invite ainsi les Etats à

mettre en place des mécanismes de détection et de répression de la corruption, dont les

transferts d’avoirs illicitement acquis. Ils sont en outre invités à renforcer la coopération

internationale dans le recouvrement d’avoirs.

La communauté internationale est aujourd’hui décidée à lutter contre un fléau très

nuisible. Le Maroc ne pouvait rester en marge de ce mouvement international car la

mondialisation et la globalisation des marchés accule à la standardisation des normes

juridiques. La lutte contre le phénomène de la corruption est devenue encore impérative en

raison de ses liens avérés avec la criminalité transnationale, le blanchiment d’argent et le

terrorisme. Le Maroc en est, lui aussi, concerné. C’est ce qui explique peut-être son

engagement pour la ratification et donc l’application de la Convention des Nations Unies

contre la corruption. Cela lui donnera une crédibilité supplémentaire au vu de ses partenaires,

de ses bailleurs de fonds et des investisseurs potentiels.

Le processus de mise en œuvre du texte onusien est aujourd’hui en branle. Beaucoup de

résistances au changement affiché vont se faire, ça et là. Les réseaux de la corruption vont

essayer de répliquer à leurs manières et seule une ferme volonté pourrait les combattre. Il ne

faudrait pas faire œuvre de laxisme envers eux.

Les textes ainsi adoptés devront être réellement appliqués. Il ne faut pas qu’il y ait des

discriminations à l’égard de la loi. Par ailleurs, il faudra veiller à ce que le citoyen s’inscrive

dans cette démarche de lutte contre la corruption. Les ONG devront jouer un rôle de plus en

plus important dans ce combat global contre le fléau de la corruption.

L’Etat marocain, après la ratification de la Convention, est devenu responsable devant

la communauté internationale quant à l’exécution de bonne foi de celle-là. La règle Pacta sunt

servanda bona fede (les conventions signées doivent être exécutées de bonne foi) le

commande.

Si la Convention de l’ONU constitue un garde-fou contre la corruption, il faut noter

que ce mal ne peut être combattu par la seule loi. Il faut plus d’un traité pour éradiquer un

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fléau polymorphe et protéiforme ! Néanmoins, l’adoption de ce texte constitue l’amorce d’un

processus à long terme visant à imprimer aux relations internationales une dose de

« moralité », au moins pour ce qui a trait aux transactions commerciales. Elle constitue donc

un espoir pour ceux qui croient encore au rôle régulateur du droit international.

Application : Exposé des faits 1. Conformément à l’Accord de Cotonou signé le 23 juin 2000, les Parties,

membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d'une part, et la Communauté européenne (CE) et ses États membres, d'autre part, ont convenu « de conclure de nouveaux accords commerciaux compatibles avec les règles de l'OMC, en supprimant progressivement les entraves aux échanges entre elles et en renforçant la coopération dans tous les domaines en rapport avec le commerce » (article 36). Ces nouveaux accords commerciaux sont appelés des « Accords de Partenariat Économique » (APE). Leur but est de supprimer les préférences non réciproques. L’UE et les États ACP ont toutefois convenu dans l’Accord de Cotonou que la conclusion d’APE nécessitera une période de transition, durant laquelle les préférences non réciproques seront maintenues. Ils ont alors demandé aux membres de l’OMC une dérogation qui leur a été accordée en novembre 2001 . Cette dérogation couvre la période allant du 1er mars 2000 au 31 décembre 2007. Suivant le calendrier prévu par l’Accord de Cotonou, les négociations ont débuté le 27 septembre 2002, entre les Ministres du commerce de la CE et les 77 États du Groupe ACP. Celles-ci ont cependant révélé de profondes contradictions entre les approches défendues par les deux groupes de pays : pour la CE, l’instauration d’une économie véritablement libéralisée dans ses relations avec les ACP et leur adhésion à l’Accord sur les marchés publics (AMP) de l’OMC devraient faciliter le développement économique des ACP ; pour ces derniers, la suppression des protections dont ils bénéficient conduira à une catastrophe socio-économique dont leurs populations feront les frais.

2. Les négociations ont ainsi fait naître une grande frustration parmi les

négociateurs ACP. Sous couvert d’anonymat, de nombreux officiels des pays ACP affirment que la CE exerce d’importantes pressions, notamment en conditionnant son aide financière à l’état d’avancement des négociations des APE. Certains États membres de la CE utiliseraient également leur aide bilatérale pour « convaincre » les ACP de la pertinence de conclure le plus rapidement possible des zones de libre-échange (ZLE) et de la nécessité d’adhérer à l’AMP.

3. D’autres officiels, toujours sous couvert d’anonymat, n’hésitent pas à affirmer

que certains négociateurs de la CE auraient promis d’octroyer des avantages pécuniaires à certains négociateurs des ACP.

4. Exaspéré par ces pratiques, le groupe des États ACP adopte, le 31 janvier 2007,

une résolution dans laquelle il condamne le déroulement des négociations et demande des délais supplémentaires afin de mieux se préparer aux conséquences de la suppression des préférences non réciproques.

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5. En tête de file de la contestation, le gouvernement du Ninbe, par l’intermédiaire de son ambassadeur à Ripas, fait savoir, le 10 juillet 2007, aux membres de la CE qu’il condamne fermement les « pressions » dont sont actuellement victimes l’ensemble des États ACP et fait part de ses doutes quant à la contribution des APE au développement et au respect de l’ensemble des droits humains.

6. Interrogé par une journaliste qui lui demande pourquoi le Ninbe se prépare

alors à signer de tels accords, le président de la République du Ninbe répond : « Si nous ne signons pas, nous perdrons l'appui financier de la CE, notamment l'argent du Fonds européen de développement. Nos États ont besoin de cet argent pour leur propre survie ! ».

7. Quoi qu’il en soit, le 15 octobre 2007, les États membres de la Communauté

économique d’Afrique de l’Est (CEAE) (dont le Ninbe) d’une part, et la CE et ses États membres d’autre part, adoptent un Accord de partenariat économique qui institue une Zone de libre échange entre la CEAE et la CE. Celle-ci prévoit une période de transition de 10 ans et l’ « essentiel des échanges » est interprété comme concernant 90% des exportations ACP et européennes. L’APE contient également une disposition dans laquelle les Parties déclarent adhérer à l’AMP et se conformer aux dispositions de cet accord.

8. L’APE (créant ainsi la ZLE) et l’AMP entrent en vigueur le 1er janvier 2008. Il

ne contient pas de clause de dénonciation. 9. Quelques mois après son adhésion, le 15 mai 2008, le Ninbe lance un appel

d'offres pour la construction d'un important barrage électrique sur le fleuve Gerni. Les offres doivent parvenir au Ninbe le 30 juin, à 15h, heure locale, au plus tard. Deux firmes sont susceptibles de soumissionner : Hydro-Béquec, une société du Danaca ainsi qu'un consortium constitué principalement de la Société internationale des eaux, société de l'Ancienne-Gaule, et de la Wasserwissenschaft, de la Gerprussie, tous deux, pays membres de l’UE.

10. Les deux entreprises soumissionnent et Hydro-Béquec est choisi le 20 août

2008. Un contrat lui est immédiatement proposé, conformément aux termes de la soumission, d'une valeur de 2,8 milliards d'euros.

11. Le projet soulève de vives contestations dans la population Ninboise. En effet,

plus de sept retenues d’eau sont prévues qui entraîneront nécessairement le déplacement de plus de 30 000 personnes selon les prévisions de la Banque mondiale. Par ailleurs, le projet prévoit l’inondation de la ville de Dagaez, haut lieu culturel Agassa, minorité ethnique du Ninbe, avec ses maisons en banco de couleur ocre et sa mosquée du 15e siècle.

12. Les populations s’organisent et refusent de quitter leur région. Les opposants

au barrage ont ainsi plusieurs fois menacé les ingénieurs d’Hydro-Béquec venus préparer les premiers travaux.

13. Un reportage d’un grand quotidien du Ninbe (Ninbe-Soir) rapporte les faits

suivants : un jeune avocat, citoyen de l’Ancienne-Gaule, qui faisait au moment des soumissions un stage auprès d’Hydro-Béquec, affirme, dans une interview, que cette entreprise était au courant des éléments pertinents à l’appel d’offres plus de six mois avant que celui-ci ne soit officiellement publié, ce qui lui a donné davantage de temps que ses concurrents pour préparer sa soumission. Le même stagiaire prétend qu’Hydro-Béquec a

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reçu, le matin même de la fermeture de l’appel d’offres, la soumission du consortium, ce qui l’a conduit à modifier une première soumission qu’il avait envoyée la veille. Ce document modifié (la soumission finale) a finalement été envoyé par courrier électronique au plus tôt à 19 h 45, heure locale, c’est-à-dire 45 minutes après la fermeture officielle de l’appel d’offres, heure de la capitale du Ninbe. C’est cette soumission qui a finalement remporté l’appel d’offres.

14. L’article de Ninbe-Soir déclare encore que, selon plusieurs sources fiables, la

fille de quatre ans du Ministre des travaux publics (ministère chargé de l’appel d’offres pour le barrage) était atteinte d’une maladie potentiellement mortelle, mais a finalement été soignée dans un prestigieux hôpital du Danaca. Il serait donc possible que ce ministre ait accepté de fournir le traitement décrit plus haut au consortium ayant remporté l’appel d’offres en échange de la possibilité de faire soigner sa fille aux frais dudit consortium. De fait, aucun hôpital du Ninbe ne possède les installations nécessaires pour guérir l’enfant.

15. On lit encore dans ce reportage que Wasserwissenschaft et la Société

internationale des eaux ont tenté d’utiliser le mécanisme de contestation que le Ninbe aurait dû mettre en place, conformément à l’AMP, afin de « contester de prétendues violations de l’Accord ». Or, bien que ce mécanisme existe sur papier (la Loi créant le Tribunal des marchés publics ayant été adoptée une semaine avant l’entrée en vigueur de l’APE), aucun juge n’y a encore été nommé. Les deux entreprises n’ont donc pas pu être entendues devant ledit Tribunal.

16. L’article de Ninbe-Soir n’a fait l’objet d’aucun démenti officiel ou de mise au

point par le gouvernement du Ninbe. 17. Dans le même temps la situation économique du Ninbe continue de se

détériorer. Sous l’effet conjugué de la baisse des droits de douane et de la baisse de compétitivité de ses produits, les exportations de l’UE, fortement subventionnées (comme le lait et les morceaux de poulets congelés), envahissent son marché et menacent la production locale et ses producteurs. Les conditions de travail se dégradent rapidement et le nord du pays est confronté à une importante famine. Des mouvements de paysans se créent un peu partout dans le pays pour dénoncer l’APE et l’AMP. Plusieurs organisations (le Ninbe cite des rapports du Comité des droits de l’Homme de l’ONU et de Human Rights Watch notamment) ont constaté que la capacité du pays à respecter ses obligations en matière de droits humains (et notamment en matière de droit à la santé, à l’éducation, au travail et à un niveau de vie suffisant) a été grandement diminuée. Pour la CNUCED et de nombreuses ONG la baisse des recettes fiscales suite à l’entrée en vigueur de l’APE serait l’une des premières causes de cette incapacité. Ces constatations et les contestations populaires de plus en plus nombreuses, et violentes, ont incité le pays à se retirer de l’APE et de l’AMP. Le 15 septembre 2009 le gouvernement du Ninbe adopte le décret autorisant le retrait du Ninbe de l’Accord de partenariat économique conclu avec les Communautés européennes et l’Accord sur les marchés publics, qui officialise, à compter de cette date, le retrait des deux accords. Ce retrait est notifié le même jour au Secrétaire général des Nations Unies, au Directeur général de l’OMC, et à l’ensemble des Parties concernées.

18. Condamnant cette violation unilatérale des engagements du Ninbe, constatant

de graves cas de corruption et d’importantes violations des droits humains, la CE et ses Etats membres décident de suspendre sa coopération avec ce pays.

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19. Les Communautés européennes demandent également, le 1er décembre 2009, l'ouverture de consultations avec le Ninbe, conformément à l'article XXII:1 de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ("GATT de 1994"), à l'article XXII de l'AMP et à l'article 4 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, au sujet du décret du 15 septembre 2009 autorisant le retrait du Ninbe de l’Accord de partenariat économique conclu avec les Communautés européennes et de l’Accord sur les marchés publics. À partir du 1er décembre 2009, les Communautés européennes et le Ninbe tiennent des consultations, mais celles-ci n’aboutissent pas à une solution mutuellement satisfaisante. Alors que les Communautés considèrent que le décret du 15 septembre 2009 est contraire aux engagements contractés par le Ninbe, ce dernier fait remarquer que la conclusion avec la CE de l’APE violait le droit international. En outre, toujours selon le Ninbe, la passation du marché avec Hydro-Béquec était pleinement conforme aux règles applicables à l’espèce.

20. Le 5 février 2010 les Communautés européennes demandent l'établissement

d'un groupe spécial conformément aux articles 4:7 et 6 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends ("Mémorandum d'accord"), à l'article XXIII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ("GATT de 1994"), et à l'article XXII de l'Accord sur les marchés publics (AMP). Le Groupe spécial est établi le 7 février 2010 et sa composition a été arrêtée le 25 février 2010.

21. Conformément au calendrier adopté par le Groupe spécial, les premières

communications écrites des parties sont attendues simultanément le 13 mars 2010 [soit le 13 mars 2007 pour les besoins du Concours Charles-Rousseau]. Les auditions sont prévues le 30 avril 2010 [30 avril 2007 pour les besoins du Concours Charles-Rousseau].

22. Les deux parties reconnaissent que si l’on devait appliquer l’AMP, celui-ci

s’appliquerait à l’appel d’offres pour la construction du barrage, le Ministère des Travaux publics faisant partie de la liste des entités du gouvernement central soumises à l’Accord (Annexe 1 de l’Accord qui contient la liste des entités du gouvernement central) ; la construction de barrages faisant partie de la liste des services de construction visés par l’Accord (Annexe 5 qui spécifie les services de construction visés) ; le montant du contrat octroyé dépasse largement le seuil envisagé par le Ninbe pour ce genre de services.

23. L’Ancienne Gaule et la Gerprussie sont membres de l’Union européenne.

L’Ancienne Gaule, la Gerprussie, le Danaca et le Ninbe sont membres des Nations Unies, de l’Organisation mondiale du commerce et de l’Organisation internationale du travail. Elles sont également Parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, et aux principales Conventions de l’OIT. L’Ancienne Gaule, la Gerprussie, le Danaca sont membres de l’OCDE. Le Danaca, la CE et ses États membres ainsi que le Ninbe sont Parties à l’AMP. L’Ancienne Gaule, la Gerprussie, le Danaca et le Ninbe ont ratifié la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 17 décembre 1997. La Communauté européenne et ses Etats membres ont signé la Convention des Nations Unies sur la corruption du 31 octobre 2003.