BarriŁres à l™entrØe · 2015. 10. 1. · l™oligopole. Les deux –rmes coßt marginal...
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Barrières à lentrée
Armel JACQUES�
Première mise en ligne : 6 juin 2007
Cette version : 5 janvier 2015
Contents
1 Introduction 3
2 Exemple : modèle de Stackelberg avec coût dentrée 32.1 Un seul entrant potentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32.2 Plusieurs entrants potentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
3 Capacités 73.1 Premières modélisations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
3.1.1 Capacité maximale de production . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73.1.2 Capacité déterminant la fonction de coût . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.1.3 Accumulation progressive de capacités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
3.2 Dixit (1980) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93.2.1 Hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93.2.2 Etape 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93.2.3 Etape 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103.2.4 Etape 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
3.3 Incertitude sur lenvironnement futur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113.3.1 Incertitude sur la demande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113.3.2 Incertitude sur les coûts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123.3.3 Lentrant fait ses choix avant que lincertitude ne disparaisse . . . . . . . . . . . . . . 13
3.4 Judo economics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.4.1 Restriction de sa capacité par lentrant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.4.2 Emission de bons de réduction par lentrant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153.4.3 Lentrant possède un avantage en coût ou en qualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
4 Prolifération et localisations des produits 174.1 Prolifération des produits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
4.1.1 Industrie des céréales pour petit-déjeuner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174.1.2 Diversication des produits ou prix limite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
4.2 Localisations des produits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194.3 Crédibilité de la prolifération des produits ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
4.3.1 Incitation à retirer des variétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204.3.2 Restaurer le pouvoir dengagement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
�CEMOI, Université de La Réunion, Faculté de Droit et dEconomie, 15, avenue René Cassin, 97715 Saint-Denis messagcedex 9. Email : [email protected].
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5 Contrats dexclusivité 245.1 Extraction du surplus de lentrant potentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
5.1.1 Hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245.1.2 Détermination du contrat optimal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245.1.3 Propriétés du contrat optimal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255.1.4 Asymétrie dinformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265.1.5 Plusieurs acheteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265.1.6 Distributeurs stratégiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
5.2 Exploiter le manque de coordination des distributeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295.2.1 Illustration par un exemple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295.2.2 O¤res discriminatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305.2.3 Concurrence entre les distributeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305.2.4 Exclusion partielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
6 Incertitude sur la qualité 326.1 Avantage des "marques pionnières" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 326.2 Qualité endogène et aléa moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
7 Investissement en publicité 35
8 Learning by doing 36
9 Prix limite 36
10 Choix technologiques 38
11 Structure nancière 39
12 Barrières à la sortie comme barrières à lentrée 3912.1 Durée du capital . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4012.2 E¤ets de la sortie sur le choix des barrières à lentrée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
13 Brevets dormants 42
14 Création dune base installée 42
15 Barrières collectives 4215.1 Existe til un problème de passager clandestin ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4215.2 Choix de qualités et dissuasion de lentrée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4315.3 Entrants faibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4515.4 Alliances stratégiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
16 Etudes empiriques 4616.1 Utilisation de barrières stratégiques à lentrée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4616.2 Réactions à lentrée dun nouveau concurrent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
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1 Introduction
Toutes les actions qui peuvent être entreprises et observées par les concurrents potentiels, avant quils ne
prennent leur décision dentrée, et qui constituent un engagement crédible à se comporter de manière agressive
peuvent potentiellement servir de barrières à lentrée.
2 Exemple : modèle de Stackelberg avec coût dentrée
On va illustrer la méthodologie des modèles de barrière à lentrée en reprenant le modèle de Stackelberg,
mais en supposant que la seconde rme doit acquitter un coût xe pour entrer dans lindustrie. On étend
ensuite ce modèle au cas où il y a de nombreux entrants potentiels.
2.1 Un seul entrant potentiel
Initialement, lindustrie ne comprend quune seule rme, la rme 1, qui est donc déjà active et na plus à
payer de coût xe pour entrer dans lindustrie. Il existe une seconde rme, la rme 2, qui nest pas encore
entrer, mais qui peut le faire en payant un coût xe F . On suppose que la décision de la rme 2 dentrer ou
non dans lindustrie est prise après que la rme 2 a observé la quantité q1 produite par la rme 1.
Hypothèses : La chronologie du jeu est donc la suivante : Lors de la première étape, la rme 1 choisit la
quantité q1 quelle souhaite produire. Lors de la seconde étape, la rme 2 observe q1, puis décide dinvestir
F pour pouvoir entrer dans cette industrie ou de rester hors de lindustrie. Si la rme 2 a choisi dinvestir,
elle choisit ensuite la quantité q2 quelle souhaite produire.
On va reprendre les mêmes fonctions de coût et de demande inverse que dans le chapitre consacré à
loligopole. Les deux rmes coût marginal constant égal à c. La fonction de demande inverse est linéaire :
p (Q) = A� �Q.
Forme générale des équilibres : Selon la valeur de F , on aura lune des trois situations suivantes.
(1) Si F est très grand, la rme 2 ne peut pas entrer et réaliser un prot positif lorsque la rme 1 se
comporte comme un monopole. La rme 1 produit alors la quantité de monopole et la rme 2 renonce à
entrer. On va désigner par "blocage de lentrée" cette situation.
(2) Si F est très faible, il sera trop coûteux pour la rme 1 de produire un q1 su¢ samment grand pour
dissuader lentrée de la rme 2. La rme 1 va alors accepter lentrée de la rme 2 et les quantités produites
seront celles de léquilibre de Stackelberg, que lon a calculé dans le chapitre sur loligopole. On va dénommer
cette situation "adaptation à lentrée".
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(3) Si F est intermédiaire, la rme 2 a intérêt à entrer si la rme 1 produit la quantité de monopole. La
rme 1 peut cependant dissuader la rme 2 dentrer en augmentant q1 au delà de la quantité de monopole.
Situation que lon va appeler "dissuasion de lentrée".
On va caractériser chacun de ces trois équilibres possibles et déterminer les valeurs frontières de F qui
les séparent.
Blocage de lentrée : La rme 1 se comporte comme un monopole (car elle sait que la rme 2 nentrera
pas pour cette quantité). Comportement de la rme 1 :
�1 (q1) = (A� �q1) q1 � cq1d�1 (q1)
dq1= 0, A� 2�q1 � c = 0, 2�q1 = A� c, q1 =
A� c2�
p = A� �q1 = A� c+ c� �A� c2�
= c+A� c2
�1 = pq1 � cq1 =A� c2
� A� c2�
=(A� c)2
4�
Il faut vérier que la rme 2 na pas intérêt à entrer. Si la rme 2 entre, elle choisit la quantité donnée
par sa fonction de meilleure réponse :
q2 (q1) =1
2�(A� �q1 � c) =
1
2�
�A� �A� c
2�� c�=A� c4�
On a alors :
p = A� �q1 � �q2 = A� c+ c� �A� c2�
� �A� c4�
= c+A� c4
�2 = pq2 � cq2 � F =A� c4
� A� c4�
� F = (A� c)2
16�� F
Lentrée est bloquée si F > (A�c)2
16� .
Adaptation à lentrée : Si la rme 1 se résigne à ce que la rme 2 entre, les rmes produisent les quantités
de léquilibre de Stackelberg calculées dans le chapitre sur loligopole. On a alors :
q1 =1
2�(A� c) ; q2 =
1
4�(A� c) ; p = c+ 1
4(A� c)
�1 =1
8�(A� c)2 ; �2 =
1
16�(A� c)2 � F
Remarque : La quantité produite par la rme 1 est identique à celle produite lorsque la rme 1 est
en situation de monopole. Il ne sagit pas dun résultat général. Généralement, les deux quantités sont
di¤érentes. Voir par exemple la "colle" doctobre 2014, où le même exercice est réalisé avec des fonctions de
coûts quadratiques.
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Dissuasion de lentrée : La rme 1 peut choisir daugmenter sa production au delà de la quantité de
monopole pour dissuader la rme 2 dentrer.
On calcule le prot de la rme 2 si elle décide dentrer en fonction de la quantité q1. Si la rme 2 entre,
elle choisit la quantité donnée par sa fonction de meilleure réponse :
q2 (q1) =1
2�(A� �q1 � c)
On a alors :
p = A� �q1 � �q2 = A� �q1 � c+ c� �1
2�(A� �q1 � c) = c+
1
2(A� �q1 � c)
�2 =1
2(A� �q1 � c)�
1
2�(A� �q1 � c)� F =
1
4�(A� �q1 � c)2 � F
Pour dissuader lentrée, la rme 1 doit choisir q1 telle que :
�2 � 0,1
4�(A� �q1 � c)2 � F � 0,
1
4�(A� �q1 � c)2 � F , (A� �q1 � c)2 � 4�F
, A� �q1 � c � 2p�F , A� c� 2
p�F � �q1 , q1 �
A� c�
� 2
sF
�
La rme 1 choisit la plus petite quantité permettant de dissuader lentrée (elle produit déjà plus que la
quantité de monopole). On a donc :
q1 =A� c�
� 2
sF
�
p = A� �q1 = A� � A� c�
� 2
sF
�
!= c+A� c�
�A� c� 2
p�F�= c+ 2
p�F
�1 = 2p�F �
A� c�
� 2
sF
�
!= 2 (A� c)
sF
�� 4F
Frontières des trois équilibres : La dernière étape consiste à comparer les prots de la rme 1 dans la
situation où lentrée est dissuadée et dans celle où elle est acceptée. La rme 1 préfère la première situation
à la seconde si :
2 (A� c)
sF
�� 4F � 1
8�(A� c)2 , 0 � 4F � 2 (A� c)
sF
�+1
8�(A� c)2
On pose x =pF . On obtient :
0 � 4x2 � 2p�(A� c)x+ 1
8�(A� c)2
On recherche les racines de ce polynôme du second degré :
� =4
�(A� c)2 � 4� 4� 1
8�(A� c)2 = 4
�(A� c)2 � 2
�(A� c)2 = 2
�(A� c)2
5
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x1 =
2p�(A� c)�
q2� (A� c)
2
8=1
8
�2p�(A� c)�
r2
�(A� c)
�=2�
p2
8p�(A� c)
x2 =
2p�(A� c) +
q2� (A� c)
2
8=2 +
p2
8p�(A� c)
On remplace les xi parpF . Les deux bornes deviennent :
pF1 =
2�p2
8p�(A� c), F1 =
�2�
p2�2
64�(A� c)2 < (A� c)
2
16�pF2 =
2 +p2
8p�(A� c), F2 =
�2 +
p2�2
64�(A� c)2 > (A� c)
2
16�
On a donc :
- Si F < (2�p2)
2
64� (A� c)2, léquilibre est "adaptation à lentrée".
- Si (2�p2)
2
64� (A� c)2< F < (A�c)
2
16� , léquilibre est "dissuasion de lentrée".
- Si (A�c)2
16� < F , léquilibre est "blocage de lentrée".
2.2 Plusieurs entrants potentiels
Etro (2006) traite le cas où le nombre des entrants potentiels est très grand. Le nombre de rmes entrant
dans lindustrie est donc déterminé par une condition de prot nul. Lauteur xe � = 1.
Sil y a n� 1 entrants, en plus de la rme 1, chacun produit qi = (A� c� q1) =n. Le nombre dentrantspour une quantité q1 donnée est déterminé par la condition de prots nuls et égal à : n = (A� c� q1) =
pF�1.
Chaque entrant potentiel produit donc qi =pF . On a aussi p = c+
pF . Le prot de la rme 1 est égal à
�1 = q1pF �F . La rme leader choisit : q1 = a� c�2
pF et dissuade totalement lentrée des autres rmes.
La rme leader produit su¢ samment pour sassurer de rester en situation de monopole.
Etro (2006) souligne quex post le marché est un monopole. Cependant, cette situation paraît plus
concurrentielle (le prix déquilibre est plus bas) que la situation obtenue lorsquil ny a quun petit nombre
dentrants potentiels. Dans la section précédente, lorsquil ny avait quun seul entrant potentiel, léquilibre
pouvait être un duopole. Lorsquil y a libre entrée et un grand nombre de rmes, léquilibre est un monopole.
Mais, le prix déquilibre est plus faible que le prix déquilibre du duopole. Sous certaines hypothèses, un
marché très concentré ex post, peut signaler que la concurrence potentielle est en fait très forte. Alors quun
marché moins concentré peut signaler paradoxalement lexistence de barrières à lentrée (peu dentrants
potentiels).
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3 Capacités
Lexemple précédent a permis dillustrer la méthode de résolution des modèles de barrières à lentrée. Le
mécanisme de dissuasion de lentrée repose cependant sur le choix de la quantité produite. Or, il sagit plutôt
dun choix de court terme, tandis que le choix dentrée de lentrant potentiel est un choix de long terme. La
chronologie de lexemple précédent est donc discutable. A moins dinterpréter les choix de quantités comme
des choix de capacités. On a vu, dans le chapitre sur loligopole, que cétait une interprétation possible
des résultats établis par Kreps et Scheinkman (1983). Il peut, cependant, être préférable de modéliser
explicitement les choix de capacités plutôt quimplicitement au travers du choix des quantités. Cette voie de
recherche a été initiée par Spence (1977). Le modèle de référence de cette littérature est cependant celui de
Dixit (1980).
3.1 Premières modélisations
Spence (1977) a avancé lidée quune rme en situation de monopole peut choisir daugmenter ses capacités
de production dans le but de dissuader lentrée dun entrant potentiel. Cette stratégie peut conduire le
monopole en place à conserver des capacités inutilisées. Lauteur présente deux versions de ce modèle.
3.1.1 Capacité maximale de production
Dans la première, la rme en place (rme 1) choisit une capacité k. Cette capacité représente la limite
supérieure de loutput que la rme pourra ensuite produire. En revanche, elle na pas dimpact sur le coût
marginal de production de la rme 1. Lentrant potentiel observe k, puis choisit de payer ou non un coût
xe F pour entrer dans cette industrie. Lhypothèse centrale du modèle est quen cas dentrée, la rme 1
produit toujours la quantité q = k. En revanche, si la rme 1 reste en position de monopole, elle choisit la
quantité q qui maximise son prot sous la contrainte q � k. En labsence dentrée, la rme 1 choisit doncparfois q < k tandis que, si lentrée se produit, elle choisit toujours q = k. Lauteur ne justie pas cette
asymétrie de traitement et cest la principale faiblesse de ce modèle. La rme 1 sengageant à produire q = k
en cas dentrée, il est clair que, si k est su¢ samment grand, la rme 2 na pas intérêt à entrer.
Si F est grand, la rme en place choisit une capacité égale à la quantité de monopole et cela su¢ t pour
bloquer lentrée de la rme 2. Si F est plus petit, la rme en place augmente k an de dissuader lentrée
de la rme 2. La rme 2 renonce à entrer. La rme 1 choisit ensuite q = k ou q < k, selon la valeur
des paramètres. Il existe donc des cas où la rme en place accumule des capacités quelle laissera ensuite
inutilisées an de dissuader lentrée de la rme 2.
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3.1.2 Capacité déterminant la fonction de coût
Dans la seconde version du modèle, la capacité k choisie par la rme 1 ne représente pas le maximum
pouvant être produit par cette rme, mais détermine sa fonction de coût c (q; k). Un k plus élevé réduit
le coût marginal de production (supposé croissant) de la rme. La rme 2 observe k avant de prendre
sa décision dentrée. Si la rme 2 décide de payer le coût xe F pour entrer, elle choisit à son tour une
capacité ke qui détermine sa fonction de coût c (qe; ke). En cas dentrée de la rme 2, les rmes choisissent
les quantités qui égalisent leur coût marginal au prix déquilibre. Elles se comportent donc comme des rmes
concurrentielles. En revanche, si la rme 2 nentre pas, la rme 1 se comporte comme un monopole. Il y
a nouveau une dichotomie entre le fait que la rme 1 prenne en compte son pouvoir de marché lorsquelle
est en monopole, mais pas lorsquelle est en duopole. Lauteur la justie dans une note en bas de page en
rappellant que, si les rmes se livrent une concurrence en choisissant simultanément leur quantité et leur
prix, elles xent des prix égaux à leurs coûts marginaux.
Si F est grand, la rme 1 se comporte comme un monopole et lentrée est bloquée. Dans ce cas, la rme
en place choisit le k qui minimise son coût moyen de production. Si F est un peu plus faible, la rme en
place augmente k pour dissuader lentrée de la rme 2. La rme 2 renonce à entrer. La rme 1 produit plus
que si elle navait pas été menacée par lentrée possible de la rme 2, car elle a augmenté k et elle a donc un
coût marginal plus faible. La rme 1 ne minimise pas ses coûts de production. Il serait possible de produire
la même quantité à un coût plus faible en réduisant k. La rme sur-investit dans k pour dissuader lentrée
de la rme 2 et utilise ensuite trop peu ses capacités de production.
Dans la dernière section de larticle, lauteur se¤orce de généraliser le modèle. La rme 1 choisit une
variable z qui impacte son prot en labsence dentrée � (q; z) ainsi que la probabilité que la rme 2 entre.
La rme 1 augmente z au delà de la valeur maximisant � (q; z) an de réduire la probabilité dentrée de
la rme 2. z est, par exemple, assimilé à un niveau de publicité et les biens produits par les deux rmes
peuvent alors être di¤érenciés.
3.1.3 Accumulation progressive de capacités
Spence (1979) présente un modèle daccumulation de capacités sur un marché naissant. Un nouveau marché
apparaît à la date 0, par exemple suite à une invention. Les rmes détectent lapparition de ce marché et
la possibilité de sy implanter à des dates di¤érentes ti. Dès quune rme a détecté lexistence du marché,
elle peut commencer à acheter des unités de capacités à un prix unitaire r. Les rmes ne sont pas autorisées
à recourir à lendettement. Elles ne peuvent donc accumuler des capacités que progressivement. Elles
commencent par utiliser les fonds propres Di dont elles disposent au moment de leur entrée. Elles utilisent
ensuite leurs prots pour auto-nancer de nouvelles capacités. Dans la version de base du modèle, chaque
rme accumule le plus vite possibles une capacité telle que le revenu marginal soit égal à r. Léquilibre est
assez similaire à celui du modèle de Stackelberg. Larticle nest pas centré sur le problème de la dissuasion
8
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de lentrée de rmes concurrentes, mais lauteur y consacre une section. Pour pouvoir dissuader lentrée de
la rme 2, la rme 1 doit (1) y avoir intérêt et (2) être capable daccumuler une capacité su¢ sante avant la
date t2 à partir de laquelle la rme 2 peut commencer à accumuler des capacités.
3.2 Dixit (1980)
3.2.1 Hypothèses
Fonction de demande inverse linéaire : p = A�Q.
Timing : (1) la rme 1 choisit k1, (2) la rme 2 observe k1 et décide dentrer ou non sur le marché, (3)
les rmes entrées sur le marché choisissent simultanément leur niveau de production.
C1 (x1) =
�wx1 + rk1 + f si x1 � k1(w + r)x1 + f si x1 > k1
C2 (x2) = (w + r)x2 + f
3.2.2 Etape 3
On suppose, dans un premier temps, que la rme 2 a choisi dentrer sur le marché et on cherche léquilibre
de seconde période en fonction de k1.
Premier cas : k1 est faible. Si la valeur de k1 est faible, le jeu de seconde période est équivalent à un
jeu de concurrence à la Cournot entre deux rmes ayant un coût marginal égal à w + r.
On obtient donc1 :
x1 =1
3(A� w � r) et x2 =
1
3(A� w � r)
�1 =1
9(A� w � r)2 � f et �2 =
1
9(A� w � r)2 � f
Si k1 est inférieur à 13 (A� w � r), léquilibre du jeu de seconde période est indépendant de la valeur dek1.
Deuxième cas : k1 est élevé. Si la valeur de k1 est élevée, la rme 1 va choisir en seconde période
un niveau de production x1 plus faible que k1. Le jeu de seconde période est alors équivalent à un jeu de
concurrence à la Cournot dans lequel la rme 1 a un coût marginal égal à w et la rme 2 a un coût marginal
égal à w + r.
1Voir le chapitre sur les oligopoles.
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On obtient alors :
q1 =1
3(A� 2w + w + r) = 1
3(A� w + r) et q2 =
1
3(A� w � 2r)
�1 =1
9(A� w + r)2 � rk1 � f et �2 =
1
9(A� w � 2r)2 � f
Si k1 est supérieur à 13 (A� w + r), léquilibre du jeu de seconde période est indépendant de la valeur dek1.
Troisième cas : k1 a une valeur intermédiaire. Si k1 2�13 (A� w � r) ;
13 (A� w + r)
�, alors le coût
marginal de la rme 1 est égal à w à gauche de k1 et à w + r à droite de k1.
A gauche de k1, la rme 1 peut augmenter son prot en augmentant sa production et à droite de k1, la
rme 1 peut augmenter son prot en diminuant sa production. La rme 1 choisit donc, en seconde période,
x1 = k1.
On introduit ce niveau de production dans la fonction de meilleure réponse de la rme 2 pour obtenir la
production de la rme 2 :
x2 =1
2(A� k1 � w � r)
Le prix déquilibre est alors égal à :
p = A� k1 �1
2(A� k1 � w � r) =
1
2(A� k1 + w + r)
Les prots des rmes sont égaux à :
�1 = (p� w � r) k1 � f =1
2(A� k1 � w � r) k1 � f
et �2 = (p� w � r)x2 � f =1
4(A� k1 � w � r)2 � f
3.2.3 Etape 2
On sintéresse maintenant à la décision dentrée de la rme 2. La rme 2 décide dentrer sur le marché, si
son prot est positif.
En étudiant létape 3 du jeu, on a montré que le prot de la rme 2 dépend de la valeur de k1 choisie
par la rme 1 lors de létape 1.
�2 =
8 19 (A� w � r)2, quel que soit le niveau dinvestissement k1, le prot de la rme 2 sera négatif si
elle entre sur ce marché. La rme 2 décide donc de ne pas entrer.
10
-
Si f � 19 (A� w � 2r)2, quel que soit le niveau dinvestissement k1, le prot de la rme 2 sera positif si
elle entre sur ce marché. La rme 2 décide donc dentrer.
Si 19 (A� w � r)2 � f > 19 (A� w � 2r)
2, alors la décision dentrée de la rme 2 dépend de linvestissement
engagé par la rme 1 à létape 1.
On cherche le niveau dinvestissement seuil qui dissuade lentrée de la rme 2 :
1
4(A� k1 � w � r)2 � f = 0, A� k1 � w � r = 2
pf , bk1 = A� w � r � 2pf
Si k1 < bk1 (f) alors la rme 2 entre sur le marché. Si k1 � bk1 (f) alors la rme 2 nentre pas sur lemarché.
3.2.4 Etape 1
3.3 Incertitude sur lenvironnement futur
3.3.1 Incertitude sur la demande
Le prot de la stratégie consistant à ériger une barrière à lentrée en installant une capacité importante peut
cependant être réduit si on introduit dans ce modèle des éléments dincertitude. Yildizo¼glu (1994) considère
un modèle identique à celui de Dixit (1980) en introduisant un aléa sur la demande. Laléa sur la demande est
levé entre les deux premières périodes du modèle. La rme 1 doit donc choisir sa capacité initiale en ignorant
la véritable valeur de la demande, mais cette valeur est connue de la rme 2 lorsque cette dernière prend sa
décision dentrée. Pour une même valeur de la capacité initiale, plusieurs scénarii sont possibles en fonction
de la valeur prise par la demande. Si la demande est très faible (relativement à la capacité installée), la rme
2 nentre pas et la capacité installée est supérieure à la production choisie par la rme 1. Si la demande est
faible, la rme 2 nentre pas et la production de la rme 1 est égale à la capacité installée. Si la demande est
relativement forte, la rme 2 entre et la production de la rme 1 est inférieure à la capacité installée ; la rme
1 a un prot plus élevé que la rme 2. Enn, si la demande est très forte, la rme 2 entre et la production de
la rme 1 est supérieure à sa capacité initiale ; les prots des deux rmes sont identiques. Lors de la première
période, la rme 1 choisit sa capacité en confrontant deux types de¤ets. Augmenter la capacité permet de
diminuer la probabilité dentrée de la rme 2 et permet dinuencer favorablement le déroulement du jeu
de troisième période si la rme 2 entre. Ces deux e¤ets constituent la valeur stratégique de lengagement
et favorisent le choix dune plus grande capacité. Cependant, pour certaines réalisations de la demande, la
capacité est supérieure au niveau de production e¤ectivement choisi ; dans ces cas le coût de la capacité a été
payé en vain. Réduire la capacité initiale permet déviter ce problème de capacité excédentaire car la rme
1 a toujours la possibilité daugmenter sa capacité lors de la troisième période. Cette possibilité dextension
future constitue une valeur doption qui incite à une réduction de la capacité initiale. Larbitrage entre ces
deux valeurs détermine le choix de la capacité initiale de la rme 1. Laugmentation de la variance de la
demande peut amener la rme 1 à réduire ou à augmenter sa capacité initiale. En e¤et, il existe plusieurs
11
-
zones dans lesquelles les e¤ets qui dominent sont opposés. Le¤et total dépend donc de la distribution exacte
des probabilités entre les di¤érentes zones, ce que la variance ne su¢ t pas à indiquer. Une plus grande
incertitude de la demande peut donc dans certains cas amener la rme à augmenter sa capacité initiale (ce
qui revient à réduire son degré de exibilité).
3.3.2 Incertitude sur les coûts
Henry (1993) sintéresse aussi au dilemme engagement versus exibilité dans un modèle assez proche. Ce
modèle possède cependant deux caractéristiques di¤érentes de celui dYildizo¼glu (1994). La technologie des
rmes ne comprend pas de coût xe. Lengagement préalable permet donc à la rme 1 de modier léquilibre
de Cournot lors de la dernière période, mais ne lui permet jamais de bloquer lentrée de la rme 2. La
seconde di¤érence porte sur la nature de lincertitude. Dans le modèle de Henry, lincertitude porte sur le
coût de production de la rme 2 qui peut prendre deux valeurs (lhypothèse que le coût soit une variable
aléatoire discrète peut sexpliquer par laccès ou non à une nouvelle technologie de production). La rme 1
doit choisir sa capacité initiale en prenant en compte deux risques : si elle a choisi une capacité importante
et que le coût de la rme 2 est faible, une partie de la capacité est inutilisée en seconde période ; en revanche
si elle a choisi une capacité faible et que le coût de la rme 2 est élevé alors la rme 1 ne tire pas totalement
avantage de sa possibilité de pré-engagement. La rme 1 choisit sa capacité initiale en arbitrant entre ces
deux risques opposés. Henry insiste sur le fait que cet arbitrage nest pas un compromis. La rme réalise
une étude coût-avantage entre deux valeurs de la capacité bien distinctes, lune o¤rant lavantage de la
exibilité, lautre permettant de sengager. Le basculement du choix de la rme dune valeur à lautre, dû à
une modication légère des valeurs des paramètres exogènes, crée une non convexité dans le comportement
de la rme 1.
Somma (1999) développe un modèle dont larchitecture de base est assez proche de celle de Henry.
Lincertitude porte sur lapparition possible dune technologie plus e¢ cace en seconde période. Cette tech-
nologie est adoptée par la rme 2, mais elle peut aussi être adoptée par la rme 1 pour accroître son niveau
de production. Toutefois, la rme 1 est soumise à une certaine inertie, qui se traduit par un désavantage
exogène dans lutilisation de cette nouvelle technologie. Somma (1999) suppose de plus que la rme 1 peut
non seulement construire une capacité préalable en période 1 mais aussi produire des unités doutputs. Bien
que le modèle soit beaucoup plus complexe à résoudre, les e¤ets économiques sous jacents sont analogues.
La rme 1 retarde une partie de son investissement si la probabilité dapparition de la nouvelle technologie
est su¢ samment forte et si son désavantage dans lutilisation de cette nouvelle technologie nest pas trop
important.
12
-
3.3.3 Lentrant fait ses choix avant que lincertitude ne disparaisse
Dans les modèles précédents, lincertitude était déjà résolue lorsque lentrant faisait ses choix. Maskin (1999)
étudie un modèle de dissuasion de lentrée dans lequel les deux rmes choisissent leurs capacités avant que
lincertitude soit levée.
La chronologie du jeu est la suivante. (1) La rme en place choisit une capacité kI . (2) Lentrant
potentiel observe kI et décide dentrer ou non sur le marché. Sil choisit dentrer, il choisit une capacité
kE . Par hypothèse, il existe une valeur minimale de la capacité k0 en dessous de laquelle lentrée nest pas
possible. Lentrant fait donc face à la contrainte kE � k0. (3) La nature choisit une variable aléatoire " quiinuence la demande inverse et les coûts des rmes. (4) Les rmes se livrent une concurrence à la Cournot
avec la contrainte que qi � ki.
Lauteur commence par considérer le cas où il ny a pas dincertitude. Pour certaines valeurs des
paramètres du modèle, la rme I peut dissuader lentrée de la rme E en augmentant kI au delà de la
capacité que choisirait un monopole. Trois conditions doivent être vériées. (1) La rme I doit être incitée
à létape 4 à utiliser pleinement sa capacité. (2) La rme E doit réaliser un prot négatif en entrant avec
une capacité k0 ou une capacité supérieure. (3) La rme I doit préférer dissuader lentrée que si adapter.
Il existe des formes fonctionnelles et des valeurs des paramètres pour lesquelles ces trois conditions sont
simultanément remplies.
Lauteur se tourne ensuite vers le cas avec incertitude. Il montre que lincertitude a¤aiblit le caractère
dissuasif de la capacité choisie par la rme I. Notamment la condition (1) ci-dessus peut poser problème. Si la
demande est faible et les coûts élevés, la rme I nutilisera plus totalement sa capacité. Lincertitude introduit
une asymétrie entre les di¤érents états de la nature. Pour une capacité kI donnée, lentrant préfère plus
dincertitude. Car si la demande est élevée (ou les coûts faibles), la rme I naugmentera pas sa production,
car elle est bornée par kI . En revanche, si la demande est faible (ou les coûts élevés), la rme I va réduire
sa production en deça de sa capacité. Augmenter kI est donc moins dissuasif, car, dans certains états de la
nature, la rme I nutilisera pas sa capacité totalement. Pour continuer de dissuader lentrée de la rme E,
la rme I doit augmenter kI . Ce qui augmente ses coûts. Parallèlement, si lincertitude est petite, la rme
E continue dutiliser totalement kE même si la demande est faible. Cette asymétrie entre les deux rmes
vient du fait que kE < kI . Lentrant, jouant en second, a une capacité plus faible que la rme en place. Il
choisit donc plus souvent de lutiliser totalement. Lauteur montre aussi que si lincertitude est faible, les
prots de la rme en place ne sont pas modiés par lincertitude si cette rme choisit daccepter lentrée de
la rme E. En e¤et, si la rme I accepte lentrée de la rme E, elle choisit un kI plus faible et donc elle
utilise totalement cette capacité même si la demande est faible (ou les coûts élevés). Lincertitude réduit
donc les gains de la stratégie de dissuasion en obligeant la rme à augmenter kI , mais ne modie pas (si elle
est faible) les gains de la stratégie consistant à accepter lentrée de E. Lintroduction de lincertitude peut
donc conduire la rme en place à renoncer à sa stratégie de dissuasion de lentrée et à accepter lentrée de
13
-
la rme E.
3.4 Judo economics
3.4.1 Restriction de sa capacité par lentrant
Gelman et Salop (1983) inversent le timing par rapport aux modèles précédents. Lentrant potentiel peut
choisir sa capacité avant que la rme en place ne¤ectue ses choix. La concurrence entre les rmes est une
concurrence en prix avec contraintes de capacités. Les auteurs montrent que lentrant a intérêt à limiter sa
capacité an dinciter la rme en place2 , qui choisit son prix en second, à xer un prix plus élevé et à lui
laisser une part de marché positive. Le modèle est très proche des modèles de concurrence en prix que lon
a étudiés dans le chapitre sur loligopole. La rme qui xe son prix en second xe un prix plus élevé si la
rme qui joue en premier a une capacité faible et a choisi un prix su¢ samment faible. La rme qui joue en
premier choisit donc une stratégie qui repose sur sa propre faiblesse et sur la puissance de sa concurrente.
Une stratégie qui utilise selon les auteurs les mêmes principes que le judo3 .
Hypothèses : La rme 1 est déjà entrée sur le marché et elle dispose dune capacité de production illimitée
(i.e. supérieure à la demande potentielle). La rme 2 peut entrer dans lindustrie en payant un coût xe F .
La chronologie du jeu est la suivante : Lors de létape 1, la rme 2 choisit dentrer ou non sur le marché.
Si elle entre, elle choisit une capacité maximale de production q2 et un prix p2. Lors de létape 2, la rme 1
observe les choix de la rme 2 et choisit son prix p1.
Les coûts unitaires de production des rmes sont constants. Celui de lentrant potentiel est plus élevé
que celui de la rme en place : c2 > c1. On pose c1 = 0.
La fonction de demande est notée D (p). Les auteurs ne spécient pas une fonction particulière. Pour
illustrer leur modèle, on va supposer que la demande est composée de 100 consommateurs achetant au plus
une unité du bien et ayant un prix de réserve égal à 100. Les consommateurs achètent à la rme proposant
le prix le plus bas. En cas dégalité des prix, les consommateurs achètent à la rme 1.
Résolution : Si la rme 2 ne restreint pas sa capacité, la rme 1 va systématiquement choisir p1 = p2 si
p2 2 [0; 100]. La rme 2 ne peut pas réaliser un prot positif si elle ne restreint pas sa capacité.
Pour pouvoir réaliser un prot positif, la rme 2 doit inciter la rme 1 à choisir p1 > p2.
2Boyer et Moreaux (1988) montrent que lon retrouve ce résultat que la rme leader rationne les consommateurs qui sadressentà elle dans tous les modèles de Stackelberg où la rme leader choisit un prix et une quantité.
3Sørgard (1995) étudie une variante du même modèle dans laquelle les rmes peuvent passer un accord de collusion aprèslentrée de la rme 2 (voir le chapitre sur la collusion).
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-
Fonction de meilleure réponse de la rme 1 : Si la rme 1 choisit p1 > p2, son prot est égal à
p1 (100� q2). Elle choisit un prix égal à 100 et réalise un prot 10000� 100q2.
Si la rme 1 choisit p1 = p2, son prot est égal à : 100p2.
La rme 1 choisit la première stratégie si :
100� (100� q2) � 100p2 , 100� q2 � p2
Choix de la rme 2: La rme 2 va choisir le couple (p2; q2) qui maximise son prot sous la contrainte
que la rme 1 doit être incitée à choisir p1 > p2. Le programme de la rme 2 est donc :
maxp2;q2
(p2 � c2) q2 � F
s=c 100� q2 � p2
La rme 2 a intérêt à saturer la contrainte : 100 � q2 = p2. La fonction de prot de la rme 2 peut seréécrire :
�2 = (p2 � c2) q2 � F = (100� q2 � c2) q2 � F@�2@q2
= 0, 100� q2 � c2 � q2 = 0, 2q2 = 100� c2 , q2 =100� c2
2
p2 = 100� q2 = 100�100� c2
2=100 + c2
2p1 = 100
�2 = (p2 � c2) q2 � F =(100� c2)2
4� F �1 = 100� (100� q2) = 100�
100 + c22
La rme 2 entre sur ce marché si F � (100�c2)2
4 . On a alors léquilibre décrit ci-dessus. Si F >(100�c2)2
4 ,
la rme 2 nentre pas. La rme 1 choisit alors p1 = 100, vend 100 unités et réalise un prot égal à 10000.
3.4.2 Emission de bons de réduction par lentrant
La seconde partie de larticle de Gelman et Salop (1983) étudie lutilisation stratégique de bons de réduction
par lentrant. Cette partie est inspirée par lexemple des compagnies aériennes américaines. Les compagnies
aériennes ont commencé à émettre des bons de réduction donnant droit à une réduction de prix de 50%
sur certains trajets. Certaines compagnies aériennes ont accepté les bons de réduction émis par dautres
compagnies. Un marché secondaire de revente de bons sest développé entre consommateurs potentiels.
Les auteurs supposent que si la rme 2 (lentrant potentiel) peut distribuer des bons permettant chacun
dacheter 1 unité du bien au prix p2. Ces bons ne sont pas nominatifs. Ils peuvent donc être revendus à un
autre consommateur. Sur le marché secondaire, les bons vont séchanger à un prix v = p1 � p2 si p1 � p2 etsi le nombre de bons est inférieur à la demande. Ce marché secondaire justie lhypothèse dun schéma de
rationnement e¢ cace.
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A létape 1, lentrant décide dentrer ou non. Sil entre, il choisit le nombre de bons quil souhaite émettre
ainsi que le prix dexercice p2. Lentrant choisit aussi sil souhaite distribuer ses bons gratuitement ou les
mettre aux enchères. A létape 2, la rme 1 observe la stratégie choisie par la rme 2. Elle choisit ensuite
son prix p1 et décide si elle souhaite ou non accepter les bons émis par la rme 2. Si elle les accepte, la rme
1 vend au prix p1 aux consommateurs nayant pas de bons et au prix p2 aux consommateurs disposant de
bons. Si p2 � c1, la rme 1 a intérêt à accepter les bons émis par la rme 2. La rme 1 compare les protsobtenus en xant p1 = p2 et p1 > p2 pour choisir sa stratégie. Dans le premier cas, la rme 2 se retrouve sans
demande tandis que dans le second cas, la rme 1 accepte lentrée de la rme 2. Lentrant choisit p2 = c1
et choisit de vendre ces bons. La rme 1 va xer un prix p1 supérieur ou égal à p2 et qui est une fonction
décroissante du nombre de coupons. Le prix p1 ne sapplique quaux personnes non munies de coupons. Il
sagit du prix de monopole sur la demande résiduelle. La rme 2 ne vend aucune unité. Ses seuls revenus
proviennent de la vente des coupons. Le nombre de coupons est déterminé par un arbitrage entre le nombre
de coupons vendu et leur prix de vente, p1 � c1, qui est une fonction décroissante du nombre de couponsvendus. A nouveau, lentrant est incité à restreindre sa taille, pour inciter la rme en place à accepter son
entrée (i.e. à ne pas aligner son prix sur celui de lentrant).
3.4.3 Lentrant possède un avantage en coût ou en qualité
Cracau (2013) montre que lentrant (rme 2) renonce à sa stratégie basée sur le judo lorsquil possède un
avantage su¢ samment important sur la rme en place (rme 1).
Le modèle est identique à celui de Gelman et Salop (1983) à lexception que la demande est inélastique.
Elle est égale à D. Le prix de réserve des consommateurs est noté w. Il peut être di¤érent selon lidentité
de la rme. Ce qui est assimilé à une di¤érence de qualité entre les biens proposés par les deux rmes.
Lauteur commence par supposer w1 = w2 et étudie limpact des di¤érences de coût unitaire sur léquilibre.
Si c1 � c2, lentrant adopte une stratégie basée sur le judo et léquilibre est : p2 = w+c22 , q2 =D�c22(w�c1) et
p1 = w. On retrouve léquilibre de lexemple ayant servi à illustrer le mécanisme de Gelman et Salop (1983),
dans une forme légèrement plus générale4 . Si c1 � c2 > w � c1, lentrant renonce à la stratégie "judo". Ilpréfère choisir p2 = c1 � " et sapproprier la totalité de la demande.
Lauteur suppose ensuite que les qualités des rmes sont di¤érentes w1 6= w2. Si w1 � c1 > w2 � c2,la rme en place a un avantage. Lentrant adopte une stratégie "judo" pour ne pas être sorti du marché.
Léquilibre est p2 = w2+c22 , q2 =(w2�c2)D2(w1�c1) et p1 = w1. Si w2 � c2 > 2 (w1 � c1), lentrant renonce aux
stratégies de type judo. Il utilise son avantage pour semparer de la totalité du marché en xant un prix
limite.
Lorsque lentrant possède un avantage su¢ samment important sur la rme en place, il ne limite pas sa
4Cracau (2013) note (note 3) quavec une demande linéaire, on doit recourir au calcul numérique pour déterminer léquilibre.Il est donc di¢ cile dabandonner lhypothèse dune demande xe.
16
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capacité.
4 Prolifération et localisations des produits
Dans les marchés où les biens sont di¤érenciés et la concurrence "localisée", la concurrence entre les rmes
est plus vive lorsque les variétés vendues sont moins di¤érenciées. Les rmes en place peuvent donc essayer
de dissuader les entrants potentiels dentrer sur le marché en les empêchant de se di¤érencier fortement des
produits en place.
4.1 Prolifération des produits
Un moyen datteindre cet objectif est pour les rmes en place de produire de nombreuses variétés et de ne
pas laisser de créneaux libres dans lespace des produits potentiels.
4.1.1 Industrie des céréales pour petit-déjeuner
Schmalensee (1978) a étudié, à la demande des autorités de la concurrence, cette stratégie de prolifération
des produits an de dissuader lentrée5 dans lindustrie des céréales pour petit-déjeuner aux USA. Au début
des années 1970, les premiers producteurs (Kellogg, General Mills, General Foods et Quaker Oats) ont fait
lobjet dune enquête des autorités en charge de la concurrence. Les prix et les prots dans cette industrie
étaient élevés et aucune rme nétait entrée sur ce marché au cours des 20 années précédentes, alors que
dans le même temps, les quatre rmes leaders avaient introduit au total plus de 80 produits nouveaux.
Létude de Schmalensee mélange arguments théoriques, preuves empiriques et arguments plus littéraires.
Lintuition générale est que les rmes en place ont introduit su¢ samment de variétés di¤érentes pour ne
pas laisser de créneaux libres pour des entrants potentiels. Parallèlement, elles ont réalisé des dépenses de
publicité importantes pour augmenter les coûts dentrée sur le marché. Un nouveau produit ne pouvait
attirer des consommateurs quen bénéciant dune campagne de publicité importante. De 1950 à 1970,
les goûts des consommateurs ont évolué et de nouveaux segments sont apparus sur le marché des céréales
pour petit-déjeuner. Les rmes en place ont cependant régulièrement lancé de nouveaux produits pour les
occuper. Schmalensee estime quune nouvelle variété devait représenter environ 1% de la demande pour que
son lancement par une rme en place soit rentable. Il estime aussi quune nouvelle rme devait produire
au moins 3 à 4% de la demande totale pour atteindre la "taille critique". Une nouvelle rme ne pouvait
donc entrer sur ce marché quen découvrant 3 ou 4 créneaux libres. En revanche, au début des années 70,
les rmes en place nont perçu quavec retard lémergence dune demande pour des céréales "biologiques"
(natural ?) et de nouvelles rmes (Colgate, International Multifoods, Pet et Pillsbury) sont entrées dans
cette industrie.5Voir aussi Hay (1976).
17
-
Létude de Schmalensee (1978) est conçue pour "coller" à un exemple concret. Les hypothèses sont donc
faites pour que les résultats soient très proches des faits constatés et les hypothèses sont parfois fortes ou ad
hoc. En outre, Schmalensee montre que la stratégie des rmes en place empêche lentrée de nouvelles rmes,
mais il ne montre pas que lobjectif de cette stratégie est de dissuader cette entrée et que les rmes en place
se seraient comportées di¤éremment en labsence dentrants potentiels.
Des études ultérieures sont venues nuancer lintuition de Schmalensee que la prolifération des produits
était utilisée comme barrière à lentrée.
4.1.2 Diversication des produits ou prix limite
Omori et Yarrow (1982) étudient la stratégie choisie par une rme multiproduits pour dissuader lentrée de
concurrents potentiels. Pour entrer dans cette industrie, les rmes doivent consentir un coût xe F . Elles
doivent, en outre, payer un coût de développement b pour chaque variété du bien produite. Enn, les rmes
doivent acquitter des coûts de production variables, qui sont une fonction concave des quantités produites.
Les rmes opèrent avec des coûts marginaux décroissants. La chronologie du modèle est la suivante. (1)
La rme I choisit la gamme de produits quelle souhaite produire ainsi que la quantité de chacune des
variétés quelle sengage à produire. (2) Un grand nombre dentrants potentiels observent la stratégie de I
et choisissent sils entrent ou non dans cette industrie.
La rme I dispose de deux instruments possibles pour bloquer lentrée : (1) sengager sur des quantités
élevées (ce que les auteurs assimilent à une stratégie de prix limite), (2) étendre la gamme des variétés
produites (diversication des produits).
Les auteurs commencent par montrer que la rme I a toujours intérêt à dissuader lentrée de tous les
entrants potentiels. Lidée est que, sil y a un très grand nombre dentrants potentiels, des rmes entrent
jusquà ce que les quantités produites soient su¢ santes pour dissuader lentrée de nouvelles rmes. La rme
I a intérêt à produire elle-même ces quantités, plutôt que de laisser dautres rmes en produire une partie,
puisque les coûts marginaux sont décroissants6 . La rme I peut produire à un coût plus faible les quantités
qui pourraient être produites par dautres rmes. La rme I a donc toujours intérêt à dissuader lentrée des
entrants potentiels7 .
La seconde problématique traitée par larticle est la forme de la stratégie de dissuasion de lentrée. La
rme I peut multiplier les variétés ou augmenter les quantités produites. Les auteurs montrent que la
stratégie retenue dépend des formes fonctionnelles et des valeurs des paramètres. Ils illustrent ce point par
un exemple. Le nombre de variétés potentielles est limité à deux. Les fonctions de demande inverses de ces
6On retrouve le même argument dans Gilbert et Vives (1986).7Le raisonnement ne sappliquerait pas si le nombre dentrants potentiels étaient faibles. Notamment, sil ny avait quun
seul entrant potentiel.
18
-
deux variétés sont :
P1 (Q1; Q2) = �� �Q1 � (a� �)Q2
P2 (Q1; Q2) = �� �Q2 � (a� �)Q1
� 2 [a=2; a] mesure le degré de substituabilité entre les deux variétés. Initialement, la rme I ne produitque la variété 1. Elle est menacée par des entrants potentiels qui pourraient produire la variété 2 en payant
un coût dentrée f + b. La rme I peut se mettre à produire la variété 2 en payant le coût de développement
b.
Les auteurs montrent que, selon les valeurs de f et �, la rme I adopte lune des six stratégies suivantes.
Si f est élevé et si les biens sont fortement substituables, la rme I ne produit quune seule variété et la
quantité de monopole. Lentrée est bloquée. Si f est élevé et les biens sont peu substituables, la rme
I produit les deux variétés et les quantités de monopole. Si f est faible, la rme produit des quantités
su¢ samment élévées pour dissuader lentrée. Elle adopte donc une stratégie de prix limite. Elle produit un
seul bien si la substituabilité est forte et les deux biens si la substituabilité est faible. Dans ce dernier cas, la
stratégie de dissuasion combine les deux instruments disponibles (diversication des produits et prix limite).
Si f est intermédiaire, la rme utilise un seul instrument de dissuasion de lentrée. Si les deux biens sont
fortement substituables, la rme produit un seul bien et mène une stratégie de prix limite. Si les deux biens
sont faiblement substituables, la rme produit les deux variétés et choisit les quantités de monopole. La
rme I nutilise donc quun seul instrument de dissuasion de lentrée, qui dépend de la valeur de �, lorsque
f est intermédiaire.
4.2 Localisations des produits
Bonanno (1987) a montré que la stratégie de multiplication des produits avancée par Schmalensee nétait pas
toujours la meilleure façon de dissuader lentrée dun concurrent cas. Bonanno étudie un modèle comprenant
trois étapes. Lors de la première, une rme choisit le nombre de variétés quelle souhaite produire et leurs
localisations dans une ville linéaire à la Hotelling. Lors de la deuxième, lentrant potentiel décide dentrer ou
non. Sil décide dentrer, il choisit simultanément une localisation. Il est, par hypothèse, limité à produire au
plus une variété. Lors de la troisième étape, les deux rmes se livrent une concurrence en prix. Le coût xe
dintroduction dune variété est égal à K et les coûts de transport des consommateurs sont quadratiques td2,
où d est la distance entre le consommateur et la variété quil consomme. Lauteur étudie dabord les choix
dun monopole protégé de toute menace dentrée et les comparent avec les choix dune rme menacée par
un entrant potentiel. Bonanno montre que, si K > 25144 t, une seule variété, localisée au centre de la ville, est
su¢ sante pour dissuader lentrée. Cependant, pour les valeurs de K comprises dans lintervalle�25144 t;
316 t�, la
rme en place choisit dintroduire deux variétés, localisées en 14 et34 . Un monopole protégé ferait exactement
les mêmes choix. Le nombre de variétés choisi par la rme en place est strictement supérieur au nombre
nécessaire pour dissuader lentrée. La prolifération des produits nest pas due à la volonté de dissuader lentrée
19
-
dune rme concurrente. Pour K 2�9128 t;
25144 t
�, un monopole protégé continue de produire deux variétés,
localisées en 14 et34 , et cette stratégie est su¢ sante pour dissuader lentrée du concurrent potentiel. En
revanche, pour K 2�1693000 t;
9128 t
�, un monopole en place conserverait la même stratégie, mais cette stratégie
nest plus su¢ sante pour dissuader lentrée. Bonanno montre, cependant, que la rme va dissuader lentrée
de sa rivale, mais ne va pas le faire en introduisant une troisième variété. Lentrant potentiel choisirait une
localisation à une des extrémités du segment, plutôt quau centre où il devrait faire face à la concurrence
des deux variétés de la première rme. La première rme va choisir de modier les localisations de ses
deux variétés. Elle va les éloigner du centre du segment pour "défendre" les extrémités de son marché. Les
localisations séloignent donc du centre jusquà atteindre 15 et45 lorsque K diminue. Lorsque K devient
inférieur à 1693000 t, rapprocher les deux variétés des extrémités nest plus su¢ sant pour dissuader lentrée de
la rme concurrente car cette dernière peut aussi entrer de façon rentable au centre du segment. Dans ce
cas, la dissuasion de lentrée nécessite daugmenter le nombre de variétés, qui devient alors supérieur à celui
choisit par un monopole protégé. La dissuasion de lentrée par la prolifération des produits est donc une
stratégie possible, mais pour certaines valeurs des paramètres, ce nest pas celle qui est choisie. La rme en
place préfère dissuader lentrée en modiant le design de ses variétés sans augmenter leur nombre. En outre,
pour dautres valeurs des paramètres, la stratégie spontanément choisie par la rme en place bloque lentrée
du concurrent potentiel. La rme na donc pas à modier son nombre de variétés, ni leurs localisations. La
prolifération des produits nest donc pas la seule stratégie de dissuasion de lentrée et ce nest pas toujours
celle qui est choisie.
4.3 Crédibilité de la prolifération des produits ?
4.3.1 Incitation à retirer des variétés
Judd (1985) a montré que la stratégie de dissuasion par la prolifération des produits nétait pas toujours
crédible. En e¤et, une rme exploitant de nombreuses variétés peut avoir intérêt à abandonner lexploitation
de certaines variétés après lentrée dun concurrent. Le modèle de Judd (1985) comprend 2 biens potentiels
qui sont des substituts imparfaits et 4 étapes. Lors de la première étape, la rme 1 choisit les biens quelle
souhaite produire. Elle doit construire une usine pour chacun deux. Le coût de chaque usine est égal à
FE . Lors de la deuxième étape, la rme 2 choisit à son tour les biens quelle souhaite produire. Lors de la
troisième étape, les deux rmes choisissent simulatément de conserver leurs usines ou de fermer certaines
dentre elles. La fermeture dune usine entraîne un coût FX . Enn, lors de la quatrième étape, les rmes
se font concurrence. Dans larticle de Judd (1985), le mode de concurrence nest pas totalement spécié.
Lauteur fait uniquement des hypothèses sur le classement des prots entre les di¤érentes situations. Pour
illustrer le résultat de Judd (1985), on va supposer que les deux biens potentiels sont situés aux deux
extrémités dun segment dHotelling et que la concurrence est à la Bertrand. Supposons quà létape 1, la
rme 1 est choisi de produire les deux variétés et quà létape 2, la rme 2 est choisi de produire la variété
localisée en 1. Que se passe til à létape 3 ? La rme 2 na pas intérêt à fermer sa seule usine. Si toutes
20
-
les usines restent ouvertes la concurrence à la Bertrand sur la variété localisée en 1 va réduire les prix au
niveau des coûts marginaux et la rme ne réalisera aucun prot. Cependant, si elle ferme son usine, elle
perd, en outre, FX . Conserver lusine en activité est donc une stratégie dominante pour cette rme. Les
choses sont di¤érentes pour la rme 1. Si elle conserve ses deux usines, la concurrence à la Bertrand en bien
homogène à la localisation 1, va conduire les deux rmes à choisir un prix égal au coût marginal en ce point
et la rme 1 ne réalisera aucun gain sur ce bien. En outre, comme cette variété est vendue à un prix très
faible, elle va faire une forte concurrence à la variété vendue à la localisation 0. En revanche, si la rme 1
ferme son usine produisant la variété 1. La rme 2 va augmenter le prix auquel elle vend la variété 1 et la
rme 1 va pouvoir réaliser des prots plus importants sur la variété 0. Si FX nest pas trop élevé, la rme
1 a donc intérêt à fermer son usine située en 1 lors de létape 3. La stratégie de prolifération des produits
nest pas crédible, la rme 2 anticipe que la rme 1 abandonnera la production de lune des variétés si la
rme 2 décide de la produire. Lauteur obtient donc les résultats suivants. Si FX est très élevé, la rme 1
peut dissuader lentrée de sa rivale en choisissant de produire les deux variétés à létape 1. En revanche, si
FX est faible, cette stratégie nest pas crédible, la rme 1 ne construit donc quune usine à létape 1 et la
rme 2 choisit de produire lautre variété à létape 2.
4.3.2 Restaurer le pouvoir dengagement
Contrat de franchise : Hadeld (1991) montre quune rme peut restaurer son pouvoir dengagement
en déléguant certaines décisions à un agent tiers. La rme peut sengager à ne pas abandonner de points de
vente après lentrée dun concurrent en cédant ses points de vente à des franchisés et en choisissant bien la
forme du contrat de franchise. Le jeu comprend deux périodes. Lors de la première, la rme en place choisit
son mode de distribution : intégration verticale, réseau franchisés ou réseau de détaillants indépendants.
Ensuite, lespace entre deux points de vente est déterminé. Ces points de ventes sont localisés sur une droite
(innie) comme dans le modèle dEaton et Wooders (1985). Chaque point de vente génère un coût xe k. Les
consommateurs ont des coûts de transport quadratiques. Lors de la seconde période, un entrant potentiel
choisit dentrer ou non sur le marché et, sil entre, il choisit librement une localisation pour son point de
vente. La rme en place peut ensuite fermer certains de ses points de vente. Les rmes déterminent ensuite
leurs prix de vente.
Si la rme en place choisit lintégration verticale, elle choisit lespacement de ses points de vente et leurs
prix de vente. Ce cas est analogue à celui traité par Judd (1985), la rme en place ferme un de ses points de
vente si lentrant choisit la même localisation. La prolifération des produits ne peut pas servir de barrière
à lentrée. Si la rme en place choisit un réseau de détaillants indépendants, elle choisit uniquement un
prix de gros unitaire. Toutes les autres variables sont choisies par les détaillants. Les détaillants choisissent
lespacement des points de vente et leur prix de vente nal. Dans ce cas, la rme en place ne peut pas
dermer de points de vente après lentrée du concurrent potentiel, car elle ne contôle pas ces points de vente.
Cependant, lentrée nest pas bloquée car le coût marginal des détaillants indépendants est égal au prix de
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-
gros unitaire, qui est plus élevé que le coût marginal de la rme en place. Lentrant potentiel ayant le même
coût marginal que la rme en place, il bénécie dun avantage de coût sur les détaillants indépendants et il
peut entrer sur ce marché. Pour bloquer lentrer, la rme en place devrait réduire son prix de gros unitaire
mais cela réduirait fortement ses prots. Choisir un réseau de franchisés permet de supprimer les deux
problèmes précédents. La rme en place peut diminuer son prix de gros unitaire et récupérer les marges
perdues en augmentant le coût xe de la franchise. Un contrat de franchise dissocie le niveau du prix de gros
des prots et permet donc de donner un avantage concurrentiel aux franchisés par rapport à lentrant. Il
reste à montrer que la rme en place na pas intérêt à fermer des points de vente. La rme ne les contrôle pas
directement donc pour fermer un point de vente elle doit rompre le contrat de franchise ou racheter le point
de vente au franchisé. Pour que cette stratégie ne soit pas rentable, le contrat doit prévoir une compensation
su¢ samment élevée B, versée par la rme à son franchisé, en cas de rupture du contrat. Ex post, il est
cependant possible que la rme et son frnachisée renégocient le contrat et diminuent B. Pour éviter que cela
ne se produise, il faut que le prot du franchisé soit su¢ samment élevé pour quil nait pas intérêt à vendre
son magasin. On peut obtenir cet e¤et en xant un prix de gros unitaire su¢ samment faible. Pour éviter
quun prix de gros unitaire ne se transforme en un faible prix de vente nal, la rme en place doit insérer une
clause de prix plancher dans le contrat de franchise. La rme en place peut obtenir le prot de monopole en
contrôlant lespacement des points de vente grâce à une clause dexclusivité territoriale et elle peut inciter
les franchisés à passer un accord de collusion prévoyant que tous choisissent le prix de monopole en incluant
un prix conseillé (non impératif) et en incitant les franchisés à mettre n à cet accord en cas dentrée.
Extension de réputation : Choi et Scarpa (1992) proposent un autre mécanisme pour éliminer lincitation
dune rme à abandonner la production dun produit. Initialement, la rme en place vend deux produits
situés, par hypothèse, aux deux extrémités dun segment dHotelling de longueur 1. Ces deux biens peuvent
être de qualité faible ou élevée. La qualité est exogène. Les consommateurs nobservent pas la qualité des
biens. Mais, si ces derniers sont vendus sous la même marque, les consommateurs pensent quils ont le
même niveau de qualité. Un concurrent potentiel peut entrer sur le marché et produire un bien situé à
lextrémité droite du segment. La qualité de ce bien peut aussi être faible ou forte et elle est aussi inconnue
des consommateurs. En revanche, chacune des rmes est en mesure dobserver la qualité du bien de son
concurrent. La rme en place choisit alors dabandonner ou non son produit situé à lextrémité droite du
segment. Après ce choix, les rmes choisissent leur prix et les consommateurs font leur choix dachat sans
observer la qualité des produits. On commence alors une seconde période. Chacune des rmes a à nouveau
la possibilité dabandonner un produit. Les rmes choisissent leurs prix et les consommateurs font leur choix
dachat mais cette fois ci en connaissant la qualité des biens.
Lidée centrale de larticle est que les consommateurs peuvent interpréter un abandon dun produit de
la rme en place comme un signal de qualité faible des deux produits de la rme en place. La rme
en place doit donc arbitrer entre retirer lun de ses produits ce qui réduit la concurrence en prix et le
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maintenir pour conserver sa réputation de qualité. Si le¤et sur la réputation de la rme de labandon dun
produit est su¢ samment fort, alors la rme préfère conserver ses deux produits même en cas dentrée dun
concurrent. Créer un e¤et de réputation en vendant les deux biens sous la même marque permet donc à la
rme de sengager à ne pas abandonner la production de ses biens et restaure la barrière à lentrée liée à la
prolifération des produits.
Jouer un entrant contre un autre : Ishibashi (2003) présente un exemple où la rme en place est
incapable de dissuader lentrée dun entrant potentiel unique en multipliant les variétés mais y parvient
lorsquelle fait face à deux entrants potentiels. Le jeu est composé de 4 étapes. Lors de la première, la
rme en place choisit le nombre de variétés quelle souhaite produire et leurs localisations sur un cercle de
périmètre 1. Lors de la deuxième, deux entrants potentiels peuvent entrer sur le marché. Sils entrent, ils
sont limités à la production dune seule variété dont ils choisissent la localisation. Lordre dentrer des deux
entrants potentiels est endogène. Chacune des rmes choisit entre trois possibilités : (1) entrer en premier
(2) ne pas entrer, (3) entrer en second, (uniquement) si lautre rme a décidé dentrer. A létape 3, la rme en
place peut décider dabandonner la production de certaines de ses variétés. A létape 4, les rmes se livrent
une concurrence en prix. Lauteur présente un exemple de stratégie permettant de dissuader lentrée. La
rme en place choisit 5 variétés localisées en 0, 15 ,25 ,
35 et
45 . Si un concurrent potentiel entre en premier, il
cherche à séloigner le plus possible des variétés quil anticipe que la rme en place va continuer de produire.
Le mieux quil puisse faire est de se localiser au même endroit quune variété existante. Par exemple en 15 .
Supposons maintenant que lautre entrant entre en second et se localise en 35 . Supposons, en outre, que la
rme en place nait intérêt à ne conserver quune seule variété. Il est clair quelle va abandonner les variétés
localisées en 15 et35 . Elle doit encore abandonner 2 autres variétés, elle ne souhaite pas conserver
25 qui
est la plus proche des deux autres rmes mais elle est totalement indi¤érente quant à la localisation de la
variété quelle va conserver parmi les 2 restantes. Dans les 2 cas, elle sera à une distance de 15 de lune des
autres rmes et à une distance de 25 de lautre. En revanche, les deux autres rmes ne sont pas indi¤érentes
à la localisation de la variété conservée par la rme en place. La rme en place va utiliser ce fait et va
favoriser le second entrant au détriment du premier. Elle annonce donc que si elle se retrouve dans cette
conguration, elle abandonnera la localisation 45 et conservera la localisation 0. Le prot du second entrant
est alors plus élevé que celui du premier. Il existe, donc, des valeurs des paramètres pour lesquels lorsque
la rme en place joue cette stratégie, le prot du premier entrant est négatif tandis que celui du second est
positif. Dans ce cas, aucun des deux entrants potentiels ne veut entrer le premier sur ce marché. Cette
entrée serait immédiatemment suivie de lentrée de la troisième rme et le premier entrant obtiendrait un
prot négatif. En menaçant le premier entrant et en encourageant le second entrant, la rme en place utilise
chacun des entrants potentiels comme menace contre lautre et dissuade les deux dentrer sur le marché.
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-
5 Contrats dexclusivité
Une rme peut aussi dissuader lentrée dun concurrent potentiel en passant des accords de long terme avec
ses clients, dans lesquels ces derniers sengagent à acheter à leur fournisseur habituel dans le futur ou à lui
payer un dédommagement pour rupture de contrat. Certains auteurs ont avancé que cette stratégie paraissait
peu plausible. En e¤et, on ne voit pas très bien pourquoi les clients accepteraient de signer de tels contrats.
Le blocage de lentrée va entraîner des prix plus élevés pour eux dans le futur. Ils vont donc demander un
dédommagement pour accepter de signer de tels contrats. Or, la diminution du surplus des consommateurs
en cas daugmentation du prix est supérieure à laugmentation du prot de la rme en place. Il semble donc
que si la somme proposée est faible, les clients refuseront de signer et si elle est élevée cette stratégie nest
pas rentable pour la rme en place. Aghion et Bolton (1987) et Rasmusen, Ramseyer et Wiley (1991) ont
cependant proposé deux modèles dans lesquels des contrats dexclusion permettant de bloquer lentrée dun
concurrent potentiel peuvent apparaître à léquilibre. Le premier modèle développe lidée que la rme en
place et ses clients peuvent utiliser ce type de contrat pour capter une partie du prot de lentrant potentiel.
Le second modèle est basé sur lidée que la rme na pas besoin de faire signer tous ses clients mais seulement
une partie dentre eux.
5.1 Extraction du surplus de lentrant potentiel
Aghion et Bolton (1987) ont proposé un modèle où le contrat dexclusivité passé entre le fournisseur en place
et son distributeur sert à extraire une partie du surplus du nouveau fournisseur en cas dentrée de ce dernier.
5.1.1 Hypothèses
Une rme en place est en relation avec un client. Le client souhaite acquérir une unité du bien et son prix
de réserve est égal à 1. La rme en place a un coût de production unitaire c = 12 . Lentrant potentiel a un
coût unitaire ce. Ce coût est une variable aléatoire uniformément distribuée sur [0; 1]. Si aucun contrat na
été signé et si lentrant potentiel décide dentrer sur le marché, les deux rmes se livrent une concurrence en
prix à la Bertrand. Le prix payé par le client est alors égal à max�12 ; ce
�. Les contrats pouvant être passés
entre la rme en place et le client sont de la forme fP; P0g, où P est le prix payé si le client achète à la rmeen place et P0 est la pénalité versée à la rme en place si le client achète à lautre rme. La rme en place
propose au client un contrat "à prendre ou à laisser".
5.1.2 Détermination du contrat optimal
Si le client achète à la rme en place, son surplus est égal à 1� P . Pour attirer le client, lentrant potentieldoit lui abandonner un surplus au moins égal. Donc, en signant le contrat, le client obtient un surplus égal
à 1 � P . Ce surplus doit être au moins égal à celui quil obtiendrait sans contrat. Sans contrat, il doit
24
-
acheter le bien à un prix égal à 1, si le coût de lentrant est supérieur à celui de la rme en place (dans
ce cas, lentrant potentiel décide de ne pas entrer), et à un prix égal à 12 sinon. Les deux événements sont
équiprobables. En labsence de contrat, lespérance du surplus du client est égale à : 120 +1212 =
14 .
Pour que le contrat soit acceptable par le client, on doit donc avoir : 1� P � 14 .
Lentrant potentiel attire le client uniquement sil lui propose un prix eP plus faible que le prix proposépar son concurrent moins le montant de la pénalité que le client va devoir payer sil change de fournisseur.
On doit donc avoir : eP � P � P0.Lentrant potentiel nentre sur le marché que sil peut réaliser un prot positif ou nul. Donc uniquement
si : eP � ce � 0.Lentrant potentiel entre donc sur le marché avec une probabilité : � = max f0; P � P0g.
Le programme de maximisation de la rme en place est donc le suivant :
maxP;P0
�P0 + (1� �) (P � c) s=c 1� P �1
4
Le contrat optimal pour la rme en place est donc :�34 ;
12
.
5.1.3 Propriétés du contrat optimal
Le contrat optimal permet à la rme en place daugmenter lespérance de son prot. En labsence de contrat,
elle fait un prot égal à 12 avec une probabilité égale à12 . Lespérance de son prot est donc égale à
14 . Avec
le contrat, lespérance de prot est égale à :
�P0 + (1� �) (P � c) =1
4
1
2+
�1� 1
4
��3
4� 12
�=1
8+3
4
1
4=5
16
Le contrat optimal permet donc à la rme en place daugmenter lespérance de son prot sans diminuer
lespérance de gain de lacheteur.
Le contrat optimal réduit la probabilité dentrée de lentrant potentiel. Cette probabilité est égale à 14si le contrat est signé et à 12 en labsence de contrat. Mais, le contrat optimal ne bloque pas totalement
lentrée. Il est dans lintérêt de la rme en place de laisser sa concurrente potentielle entrer sur le marché,
si celle-ci est nettement plus e¢ cace quelle. Sil ny a pas dentrée, le gain de la rme en place est égal à 14 ,
alors que, si lentrée a lieu, la rme en place reçoit la pénalité pour rupture de contrat donc le montant est
égal à 12 .
Le contrat permet à la rme en place et au client de capter une partie du prot de lentrant potentiel en
lobligeant à réduire son prix au-dessous du prix quil xerait en labsence de contrat. Si ce était observable
avant la signature du contrat, le contrat pourrait être amélioré en xant P0 = 12 � ce.
Le contrat diminue le surplus social, car, dans certains cas, il dissuade lentrée dun concurrent potentiel
dont le coût de production est inférieur à celui de la rme en place.
25
-
5.1.4 Asymétrie dinformation
Il est possible que la rme en place ait une meilleure connaissance de la probabilité dentrée dun concurrent
potentiel que le client. Notamment, les deux producteurs peuvent connaître le coût de production de la rme
en place alors que le client peut lignorer. Dans ce cas, le client utilise le contrat que lui propose la rme
en place pour estimer son coût de production. Le contrat proposé sert donc de signal. Aghion et Bolton
(1987) ont montré que, si une rme en place ayant un coût faible choisit de distordre le contrat proposé en
diminuant le dédommagement en cas de rupture P0, une rme en place ayant un coût élevé na pas intérêt
à limiter. Cependant, Ziss (1996) a montré quune distorsion dans ce sens nétait pas attractive pour une
rme en place ayant un coût faible. Il est préférable pour cette dernière de distordre le contrat dans lautre
sens et daugmenter P0, ce qui diminue la probabilité dentrée.
Aghion et Bolton (1987) ont aussi montré que, si la distorsion qui doit être introduite pour permettre à
la rme ayant un coût faible de le signaler dans un équilibre séparateur, cette rme peut préférer ne plus
signer de contrat avec son client. Ayant un coût faible, elle ne craint pas beaucoup le risque dentrée et elle
na donc quun intérêt limité à passer un contrat pour le réduire. Les auteurs avancent que, dans un modèle
avec plusieurs périodes, ce résultat signierait que les rmes en place ayant des coûts faibles proposeraient
des contrats dune durée plus courte que celles ayant des coûts élevés.
5.1.5 Plusieurs acheteurs
Lorsquil y a plusieurs acheteurs, la probabilité dentrée dun concurrent potentiel peut dépendre du nombre
dacheteurs potentielles quil peut attirer. Dans ce cas, si un acheteur passe un contrat de long terme avec la
rme en place, il diminue la probabilité dentrée dun concurrent potentiel. En signant un contrat, il génère
donc une externalité négative pour les autres rmes. La rme en place peut exploiter cette externalité
pour passer un contrat avec les autres consommateurs dans de meilleures conditions. Sil y a de nombreux
acheteurs, la rme en place peut les utiliser les uns contre les autres et leur faire signer des contrats qui
prévoient un prix proche du prix de monopole. Cette idée est présentée plus en détails dans le modèle
suivant. En outre, la rme en place peut choisir un P0 qui permet lentrée dans certains cas dun concurrent
potentiel et capter une partie du prot de celui-ci. La rme en place peut dans ce cas obtenir un prot plus
élevé lorsquelle est menacée par un concurrent potentiel que sans concurrent.
5.1.6 Distributeurs stratégiques
Dans le modèle dAghion et Bolton (1987), le monopole en place signait un contrat dexclusivité avec le
distributeur an de capter une partie du surplus de lentrant potentiel. Ce contrat dexclusivité réduisait le
surplus social en dissuadant parfois lentrée dune nouvelle rme ayant un coût de production plus faible que
le producteur en place. Innes et Sexton (1994) reprennent lanalyse de ce problème mais en introduisant la
possibilité pour le distributeur de signer un contrat dapprovisionnement avec lentrant potentiel avant quil
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-
ne prenne sa décision dentrée.
Le timing du jeu est la suivant. A létape 1, le monopole en place (M), dont le coût de production est égal
à c = 1=2, propose un contrat dexclusivité au distributeur. Ce dernier peut laccepter ou le refuser. A létape
1, le distributeur peut proposer un contrat dachat à lentrant potentiel (E). Lentrant potentiel laccepte
ou le refuse. A létape 2, les coûts de production de lentrant deviennent connus. Ces coûts de production
se composent dun coût dentrée F et dun coût de production ce. Au début de létape 1, les agents savent
uniquement que ce est distribué uniformément sur lintervalle [0; 1] et que F est distribué uniformément sur
lintervalle [0; 1=2]. Après avoir pris connaissance de ces deux coûts, lentrant potentiel décide dentrer ou
non. Sil nentre pas, le contrat quil a éventuellement signé à létape 1est automatiquement annulé. A
létape 3, le distributeur achète une unité du bien à lun des producteurs. Son prix de réserve pour cette
unité est égal à v = 1.
Lintroduction de létape 1modie profondément le modèle. Pour le comprendre, on suppose dans un
premier temps que létape 1 nexiste pas. En labsence de contrat entre le distributeur et lentrant potentiel,
ce dernier ne peut pas espérer vendre son produit à un prix supérieur à c. Il décide donc dentrer si et
seulement si c � ce � F . Supposons que ce = 0; 6 et F = 0; 2. En labsence de contrat, lentrant potentielchoisit de ne pas entrer. Le distributeur a, cependant, intérêt à "subventionner" son entrée. Le distributeur
peut verser à lentrant une somme équivalent au coût dentrée, ici 0; 2, pour quil entre. A létape 3, il
obtient alors le bien auprès du monopole en place pour un prix égal à 0; 6, alors que sans lentrée du nouveau
producteur, il aurait dû payer un prix égal à 1. Cette entrée est, cependant, socialement ine¢ cace. Elle
entraîne un coût social égal au coût dentrée F et aucun gain social. Le transfert de 0; 4 de M vers le
distributeur na pas de¤et sur le surplus social. La valeur de lentrée de E pour le distributeur est supérieure
à sa valeur sociale (qui nest positive que si c� ce � F ). Le distributeur est donc incité à subventionner desentrées qui socialement ne sont pas souhaitables, en labsence de létape 1.
Aghion et Bolton (1987) ont montré que la présence de létape 1, sans létape 1, empêche des entrées
socialement souhaitables. Innes et Secton (1994) montrent que la présence de létape 1, sans létape 1, a
le¤et inverse. Elle conduit à trop dentrée. Les auteurs montrent que si létape 1 et létape 1sont toutes
les deux présentes alors les deux e¤ets se compensent et, à léquilibre, la décision dentrée correspond à celle
qui maximise le surplus social.
Lorsque les deux étapes sont présentes, M va passer un contrat avec le distributeur à létape 1 pour essayer
dextraire le surplus de lentrant potentiel. M doit, cependant, tenir compte du fait que le distributeur peut
passer un contrat avec lentrant potentiel. Il va donc devoir lui laisser une part du surplus plus importante que
dans le modèle dAghion et Bolton (1987). A létape 1, le distributeur passe aussi un contrat avec lentrant
potentiel. Innes et Sexton (1994) montrent que le contrat passé à létape 1 entre M et le distributeur
comprend les cinq éléments suivants. Un prix P auquel le distributeur doit acheter une unité du bien à M
à létape 3. P = 1=2. Un montant P0 que le distributeur doit verser à M sil décide de ne pas acheter le
27
-
bien à M à létape 3. P0 = 1=2. Un transfert T payé par M au distributeur sil accepte de signer le contrat
proposé. T = �1=6, cest le distributeur qui verse de largent à M lors de la signature du contrat. Le contratcontient, en outre, la possibilité pour le distributeur dobtenir une réduction de P0 à PL0 contre le versement
dune somme R. Cette option doit être exercée au plus tard avant lentrée de E. PL0 = 0 et R = 1=24. Le
contrat entre le distributeur et E, signé à létape 1, comprend les trois éléments suivants. Le prix PE = 1=2
auquel le distributeur sengage à acheter une unité du bien à E lors de létape 3. Un montant PE0 = 1 que
le distributeur doit payer à E sil ne lui achète pas le bien à létape 3. Un transfert TE = 1=24 que lentrant
potentiel paye au distributeur. Avec ces deux contrats, E entre au début de létape 2 si et seulement si
ce + F � 1=2. Lentrée de E se produit donc si et seulement si elle permet une augmentation du surplussocial. Les espérances de gain de M, du distributeur et de E sont respectivement égales à 5=24, 1=3 et 0. Les
contrats permettent à M et au distributeur de semparer du surplus de E sans entraîner de distorsion sur la
décision dentrée.
Les auteurs interprètent leur modèle avec un seul distributeur comme une situation où les distributeurs
peuvent se coordonner parfaitement. Pour étudier, les e¤ets dune absence de coordination entre les dis-
tributeurs, ils étudient ensuite une variante de leur modèle avec deux distributeurs. Dans cette variante, il
ny a plus dentrant potentiel mais les distributeurs ont la possibilité de produire eux-mêmes le bien. Les
distributeurs peuvent développer ce bien seuls ou sassocier pour partager le coût xe de développement. On
suppose que les termes des contrats proposés à chacun des distributeurs peuvent être contingents à la valeur
de ce observée au début de létape 2 (dans cette variante F nest plus aléatoire) mais ne peuvent pas être
contingents à lacceptation ou au refus par lautre distributeur de signer le contrat qui lui est proposé. M
propose les deux contrats au début de létape 1, cependant, les distributeurs donnent leur réponse séquen-
tiellement. Le distributeur 1 choisit de signer ou non le contrat qui lui est proposé. Le distributeur 2 observe
ce choix et décide à son tour de signer ou non le contrat qui lui est proposé. Avec ce timing, les termes du
contrat proposé au premier distributeur sont plus avantageux que ceux proposés au second. Car, si le premier
distributeur refuse le contrat, il anticipe que le second le fera aussi et quils pourront partager les coûts xes
de développement du bien. En revanche, lorsque le second choisit de signer ou non le contrat dexclusivité, il
sait que le premier distributeur la déjà signé. Donc, sil refuse, il devra développer le bien seul. Les auteurs
montrent donc que M propose des contrats di¤érents aux deux distributeurs. Il y a donc discrimination par
les prix. M et le distributeur 1 utilisent les contrats dexclusivité pour capter le surplus du distributeur 2.
Les auteurs montrent aussi que avec ces contrats dexclusivité le développement du bien par les distributeurs
a lieu si et seulement sil augmente le surplus social. Si les contrats ne peuvent pas être contingents à la
valeur de ce, M continue de jouer le distributeur 1 contre le distributeur 2 ; mais, il nest plus capable de
mettre en place une règle dentrée socialement e¢ cace. Dans ce cas, certaines entrées qui seraient socialement
e¢ caces nont pas lieu (comme dans le modèle dAghion et Bolton). Cependant, si la discrimination entre
les distributeurs est interdite, la décision dentrée devient à nouveau optimale. Le modèle soutient donc une
politique économique interdisant la discrimination et autorisant les contrats dexclusivité. En labsence de
28
-
contrat dexclusivité, dans cette variante comme dans la précédente, des entrées ine¢ cientes ont lieu. Les
contrats dexclusivité jouent le rôle de barrières à lentrée mais pour dissuader des entrées qui réduiraient le
surplus social.
5.2 Exploiter le manque de coordination des distributeurs
Rasmusen, Ramseyer et Wiley (1991) proposent un modèle dans lequel, à léquilibre, la rme en place peut
obtenir des clients quils sengagent à ne jamais acheter à un concurrent potentiel, en ne leur proposant quun
dédommagement très faible (généralement inférieur à la perte quils subissent), en jouant sur leur manque
dorganisation.
5.2.1 Illustration par un exemple
Les hypothèses sont les suivantes. Le coût moyen de production des rmes est une fonction strictement
décroissante du niveau de production des rmes jusquà un niveau Q�, au-delà il est constant et égal à C.
Les rmes se font concurrence en prix. Si les deux rmes xent le même prix, elles obtiennent chacune la
moitié de la demande. Il y a N consommateurs identiques. N est su¢ sament important pour que, lorsque les
deux rmes xent un prix égal à C, la demande totale soit supérieure à 2Q�. Le marché est donc su¢ sament
important pour que les deux rmes puissent atteindre la taille critique.
Supposons N = 100 et supposons que lorsquune rme vend à un prix C, elle doit vendre à au moins 20
consommateurs pour que la demande qui sadresse à elle soit au moins égale à Q� et quelle puisse atteindre
la taille critique. Pour bloquer lentrée, la rme en place doit faire en sorte que lentrant potentiel ne puisse
pas obtenir 20 clien