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DISTRIBUTION & DIFFUSION HACHETTE LIVREDILICOM // 3010955600100

ISBN // 978-2-8145-9609-2ISSN // 2417-7954 © 2012 Lilian Bathelot & Éditions Publie.netMise à jour © 2016 Lilian Bathelot & Éditions Publie.netCouverture et mise en page : Roxane LecomteGraffiti intérieur : CC0 Raffael HermannDépôt légal 3ème trimestre 2012© papier+epub, marque déposée des éditions publie.netLa version numérique de ce livre est incluse. Reportez-vous en fin d’ouvrage pour y accéder sans surcoût. Bonne lecture !

L’AUTEUR

Lilian Bathelot naît en 1959, dans le bassin minier et industriel de Decazeville,

dans le sud de la France.

Un temps saltimbanque et cracheur de feu, un autre professeur de philosophie

puis conseil en communication, les contre-pieds de son parcours – qui sont aussi

passés par l’usine et le bâtiment – débouchent en 1996 sur l’écriture.

Ses trois premiers romans paraissent en 1998 et 1999, aux éditions Climats.

Après plusieurs autres romans parus aux éditions Albin Michel et Métailié

notamment, en 2007, C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc, son dixième titre,

est plébiscité par les libraires. Il est sélectionné pour une vingtaine de prix

littéraires.

L’Étoile noire (2010) et Kabylie twist (2012) suivront le même chemin, et en 2014,

Terminus mon ange, dernier roman paru, est encensé par la critique du roman

noir. Le premier tirage est épuisé la première semaine.

En 2014, il signe aussi son premier film long métrage, co-réalisé avec Renée

Garaud, La fabuleuse histoire de la Paravision, lauréat du prix Grollywood (Canal+),

sélectionné dans de nombreux festivals de prestige dont Cinemed de Montpellier

et diffusé sur Canal+/ciné+ en 2015.

Parallèlement, Lilian Bathelot a aussi écrit pour le théâtre, la radio et réalisé

différents clips et films courts.

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Zinedine était inconscient depuis plusieurs minutes, mais sa main droite serrait toujours son vieux skate entre ses doigts crispés.

Dans les éclairs bleu électrique du gyrophare, trois hommes en blanc venaient de faire glisser son corps inerte sur le brancard gonflable de l’ambulance du SAMU.

Marion réussit à contenir le sanglot qui lui nouait la gorge. Il menaçait d’éclater dans un flot de larmes qu’elle ne pourrait plus retenir si elle laissait la pre-mière s’échapper. En ravalant une grosse gorgée de salive, elle parvint à marcher d’un pas qui lui parut étrangement tranquille vers le brancard. Automati-quement, ses copines l’avaient aidée à se frayer un passage dans la foule des badauds que l’accident avait attroupés.

Sur le visage immobile, très pâle, elle crut aper-cevoir fugitivement un sourire accroché comme un voile léger. Elle ignorait que cette impression venait

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simplement du relâchement musculaire provoqué par le coma. Ses yeux, d’un bleu très clair — comme l’eau de la piscine  —, étaient fermés, et une petite brise d’automne agitait ses boucles blondes du Kabyle. Seule l’une de ces boucles ne bougeait pas. Elle était prisonnière d’une gangue de sang noir qui coulait d’une mauvaise plaie entaillant profondé-ment le front du garçon.

Marion caressa la main encore crispée sur le skate. L’autre bras formait un angle bizarre. Il était cassé, et il était facile de comprendre que ce truc pointu qui saillait sous le tee-shirt, au-dessous de l’épaule, c’était certainement un os. Fracture ouverte.

Un à un, elle dessouda les doigts blanchis collés au grip du skate. Quand elle l’eut saisie, elle retourna un instant la planche entre ses mains, le regard égaré, embrassant des pensées inconnues qui lui semblèrent vastes comme un désert.

Elle porta délicatement le skate jusqu’à sa bouche pour poser ses lèvres roses sur le sticker du Fise1 de l’an passé. Juste à l’endroit où Zinedine avait l’habitude d’embrasser sa planche avant de tenter une figure difficile. Cet autocollant, c’est Marion qui le lui avait donné, il y a quelques mois déjà.

1 Festival international sports extrêmes, à Montpellier.

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Elle eut encore le temps de laisser courir un instant son doigt sur le front inerte, et de déposer un baiser léger comme un papillon sur les lèvres blanches. Un infirmier la repoussa alors, à moins que ce ne fût un médecin. Puis la civière fut emportée dans le ventre lumineux de l’ambulance. Le brancard roula silencieu-sement jusqu’au fond, et déjà une infirmière armée d’un ciseau découpait les vêtements du garçon. Les portières claquèrent.

La sirène déchira le murmure des passants com-mentant avec stupidité l’accident auquel ils ne pou-vaient rien comprendre. Finalement, l’ambulance disparut, et la rumeur de la ville digéra très vite les sirènes stridentes.

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Marion s’était assise sur les marches, entre le deuxième et le troisième étage.

Elle avait posé son sac de cours à son côté, près du skate râpé, et avait pris sa tête entre ses mains. Là, son esprit s’était évadé. Elle n’avait pas eu le cœur à rentrer tout de suite chez elle, où elle ne pourrait parler de cela avec personne. La seule fois où elle avait essayé de parler de Zinedine à la maison, ça s’était plutôt mal passé. Carrément catastrophique serait plus juste. La Bérézina.

« Zinedine ? ! Plus question que tu fréquentes ce garçon. Tu m’entends, Marion, plus question. Ou tu auras affaire à moi ! »

Son père n’avait pourtant pas la moindre idée de qui ce pouvait être, il ne l’avait jamais vu. Mais c’était comme ça : Zinedine, niet.

Assise sur les marches de granito multicolore, elle revoyait les instants qui avaient précédé l’accident.

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Elle savait que l’épreuve de Street-off était pour ce soir, et en sortant du collège, avec deux copines, elles avaient suivi de loin Zinedine qui se dirigeait vers son mystérieux rendez-vous. À la récré du matin, il avait simplement soufflé à l’oreille de Marion  : « C’est pour ce soir », et elle avait compris de quoi il s’agissait.

Street-off, c’est un mot qu’avaient inventé les garçons de la bande des Roues Dingues, une tribu de skateurs vraiment balèzes, rien que des troisièmes. Et il y avait même deux ou trois secondes.

Le Street-off, donc, c’était le nom qu’ils donnaient à l’épreuve qui décidait si les prétendants étaient dignes de rentrer dans le groupe, et de suivre l’entraî-nement de free style avec la tribu des Roues Dingues.

Marion ne savait pas vraiment qui faisait partie de la tribu. Au collège, ils ne se regroupaient jamais, et aucun ne se vantait jamais d’appartenir aux Roues Dingues. C’était une organisation secrète. Ils se donnaient rendez-vous à la sortie, dans un endroit décidé à la dernière minute, toujours dans le centre-ville, assez loin du collège. Ils se livraient alors à des parcours de street sauvage, à la barbe de la police municipale. Car évidemment, les obstacles les plus intéressants étaient toujours interdits à la pratique du skate  : les rebords des fontaines, les bordures métalliques protégeant les pelouses, les volées de

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marches, les bornes de pierre, les couloirs de bus, les rues en pente, comme tout le reste. Les seuls endroits autorisés étaient bien entendu les moins drôles. Les Roues Dingues regardaient avec un mépris qu’ils ne prenaient même pas la peine d’afficher ces skate-parks aseptisés, imaginés dans les bureaux feutrés du conseil municipal pour canaliser l’énergie des jeunes qui l’effrayait tant. Et les figures les plus inavouables de leurs parcours sauvages relevaient tout simplement de la folie furieuse.

Le droit de participer à ces séances se méritait. Et le ticket d’entrée s’appelait Street-off.

Marion ne connaissait pas bien la règle car Zine-dine n’avait jamais jugé nécessaire de la lui détailler. Tout ce qui tournait autour de la Tribu baignait dans un épais mystère. D’ailleurs, Zinedine avait dû intri-guer pendant des mois pour réussir à approcher un de ses membres. Et plusieurs semaines avaient encore été nécessaires pour le convaincre, à coups de démonstrations sur des figures de dingue, qu’il était digne, au moins, de se mesurer à l’inquiétante épreuve.

À chaque fois, le garçon avait regardé Zinedine faire ses acrobaties d’un œil dégoûté, puis avait secoué la tête de droite à gauche pour finalement tourner les talons avant même qu’il ait terminé l’enchaînement de figures qu’il avait préparé.

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Mais Zinedine avait continué à s’entraîner, tout seul, car aucun de ses copains n’était désormais capable de le suivre. Parfois, dans un coin de la cour du collège ou de la salle de jeux vidéo d’à côté, il racontait à Marion ses dernières séances. Alors, le cœur de la très jeune fille s’emballait au récit de ses audaces, chaque jour un peu plus effrayantes.

Enfin vint ce jour où le gars de la tribu des Roues Dingues avait regardé Zinedine jusqu’au bout de sa démonstration. À la fin, il s’était dirigé vers lui en hochant la tête :

—  Ouais… T’es pas mal, là. T’as le niveau. Le niveau pour essayer je veux dire. Essayer et te planter…

Le gars avait ri de sa vanne foireuse, puis il avait ajouté :

— Je te tiens au courant. Tu sais, hein : tu n’auras qu’une seule chance. C’est la règle. Ne parle de ça à personne. 

Puis il avait disparu sans laisser à Zinedine le temps de poser la moindre question. Ensuite, plus rien pendant des semaines. Plus de nouvelle. Chaque jour, Zinedine disait à Marion son impatience. « Mais qu’est-ce qu’ils foutent ? »

Et puis, un matin, le gars des Roues Dingues s’était débrouillé pour croiser Zinedine dans un couloir du collège, et il lui avait glissé un bout de

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papier arraché d’un cahier, sans un mot d’explica-tion. C’était la règle.

Dès qu’il avait trouvé un coin tranquille, Zinedine avait déplié le papier de ses doigts tremblants, et il avait pu lire les mots tracés à l’encre brune : « C’est pour ce soir. 5 heures 20. Devant le bar Monte-Carlo, au centre-ville. »

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