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S o m m a i r e 3 Editorial François Valérian LES TECHNOLOGIES D’INFORMATION ET DE COMMUNICATION ET LEURS APPLICATIONS Les technologies 5 La micro et la nano-électronique Laurent Gouzènes 12 Le PCRDT et les TIC. Aquis et perspectives du 7 e programme-cadre Patrick Schouller 18 Traçabilité Georges Kayanakis 22 La contribution décisive des technologies de l’information au développement économique et à l’aménagement du territoire Jacques Pomonti et Françoise Roure 25 Nouveaux objets communicants : une offre potentielle foisonnante pour quels marchés ? Jean-Paul Laurencin et Evelyne Janeau Les applications 34 Le téléphone mobile, notre nouveau compagnon Grégoire Olivier et Thierry Buffenoir 41 Assistance à la conduite : les perspectives Daniel Augello NOVEMBRE 2005 - 23,00 ISSN 1148-7941 R É A L I T É S INDUSTRIELLES UNE SÉRIE DES ANNALES DES MINES FONDÉES EN 1794 Rédaction 120, rue de Bercy - Télédoc 797 75572 Paris Cedex 12 Tél. : 01 53 18 52 68 Fax : 01 53 18 52 72 http://www.annales.org François Valérian, rédacteur en chef Marcel Charbonnier, lecteur Danièle Barbier, secrétaire générale de la rédaction de Réalités industrielles Danielle Degorce, Martine Huet, assistantes de la rédaction Comité de rédaction de la série Réalités industrielles : Michel Matheu, président, Pierre Amouyel, Grégoire Postel-Vinay, Claude Trink Maquette conçue par Tribord Amure Fabrication : AGPA Editions 4, rue Camélinat 42000 Saint-Étienne Tél. : 04 77 43 26 70 Fax : 04 77 41 85 04 e-mail : [email protected] Abonnements et ventes Editions ESKA 12, rue du Quatre-Septembre 75002 Paris Tél. : 01 42 86 55 73 Fax : 01 42 60 45 35 Directeur de la publication : Serge Kebabtchieff Editions ESKA SA au capital de 40 000 Immatriculée au RC Paris 325 600 751 000 26 Un bulletin d’abonnement est encarté dans ce numéro entre les pages 48 et 51. Vente au numéro par correspondance et disponible dans les librairies suivantes : Presses Universitaires de France - PARIS ; Guillaume - ROUEN ; Petit - LIMOGES ; Marque-page - LE CREUSOT ; Privat, Rive-gauche - PERPIGNAN ; Transparence Ginestet - ALBI ; Forum - RENNES ; Mollat, Italique - BORDEAUX. Publicité J.-C. Michalon directeur de la publicité Espace Conseil et Communication 44-46, boulevard G. Clemenceau 78200 Mantes-la-Jolie Tél. : 01 30 33 93 57 Fax : 01 30 33 93 58 Table des annonceurs Annales des Mines : 2 e , 3 e et 4 e de couverture, page 4, 88 et 94. Illustration de couverture : La communication mondiale par internet. Photo © Richard Prideaux / Science Photo Library-Cosmos 0951-2 01-02 som 27/10/05 16:08 Page 1

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S o m m a i r e3 Editorial

François Valérian

LES TECHNOLOGIES D’INFORMATION ET DE COMMUNICATION ET LEURS APPLICATIONS

Les technologies

5 La micro et la nano-électroniqueLaurent Gouzènes

12 Le PCRDT et les TIC. Aquis et perspectives du 7e programme-cadre

Patrick Schouller

18 TraçabilitéGeorges Kayanakis

22 La contribution décisive des technologies de l’informationau développement économique et à l’aménagement du territoireJacques Pomonti et Françoise Roure

25 Nouveaux objets communicants : une offre potentielle foisonnante pourquels marchés ?Jean-Paul Laurencin et Evelyne Janeau

Les applications

34 Le téléphone mobile, notre nouveau compagnonGrégoire Olivier et Thierry Buffenoir

41 Assistance à la conduite : les perspectivesDaniel Augello

NOVEMBRE 2005 - 23,00 € ISSN 1148-7941R É A L I T É SINDUSTR IELLES

UNE SÉRIE DES

ANNALESDES

MINESFONDÉES EN 1794

Rédaction120, rue de Bercy - Télédoc 79775572 Paris Cedex 12Tél. : 01 53 18 52 68Fax : 01 53 18 52 72http://www.annales.org

François Valérian, rédacteur en chef

Marcel Charbonnier, lecteur

Danièle Barbier, secrétaire générale de la rédaction de Réalités industrielles

Danielle Degorce, Martine Huet, assistantes de la rédaction

Comité de rédaction de la série Réalités industrielles : Michel Matheu, président, Pierre Amouyel, Grégoire Postel-Vinay, Claude Trink

Maquette conçue parTribord Amure

Fabrication : AGPA Editions 4, rue Camélinat42000 Saint-ÉtienneTél. : 04 77 43 26 70

Fax : 04 77 41 85 04e-mail : [email protected]

Abonnements et ventesEditions ESKA 12, rue du Quatre-Septembre75002 ParisTél. : 01 42 86 55 73Fax : 01 42 60 45 35

Directeur de la publication :Serge KebabtchieffEditions ESKA SA au capital de 40 000 €Immatriculée au RC Paris 325 600 751 000 26

Un bulletin d’abonnement est encartédans ce numéro entre les pages 48 et 51.

Vente au numéro par correspondanceet disponible dans les librairies suivantes :Presses Universitaires de France - PARIS ; Guillaume - ROUEN ; Petit - LIMOGES ; Marque-page - LE CREUSOT ; Privat, Rive-gauche - PERPIGNAN ; Transparence Ginestet - ALBI ; Forum - RENNES ; Mollat, Italique - BORDEAUX.

PublicitéJ.-C. Michalondirecteur de la publicitéEspace Conseil et Communication44-46, boulevard G. Clemenceau78200 Mantes-la-JolieTél. : 01 30 33 93 57Fax : 01 30 33 93 58

Table des annonceursAnnales des Mines : 2e, 3e et 4e de couverture, page 4, 88 et 94.

Illustration de couverture : La communication mondiale par internet.Photo © Richard Prideaux / Science PhotoLibrary-Cosmos

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45 L’architecture avionique de l’A380Pierre Froment

51 Les technologies de l’information et de la communication et leurs applica-tions dans la santéGéraldine Capdeboscq

57 L’administration électronique : un bouleversement sans précédentJacques Sauret

62 Le développement des TIC à l’épreuve de la sécuritéAlain Esterle

68 La défense et les technologies de l’information et de la communicationFrançois Levieux

73 Des mutations majeures dans l’organisation des entreprisesJean-Michel Yolin

Conclusion

83 La France en voie de rattrapage ? L’urgence de l’investissement intelligentGrégoire Postel-Vinay

L’ÉNERGIE EN DÉBAT

89 Quelle Europe électrique et gazière ?Patrick Buffet

95 Résumés étrangers

Ce numéro a été coordonné parGrégoire Postel-Vinay

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3N o v e m b r e 2 0 0 5

L es technologies d’information et de

communication, qu’on désigne du

vilain sigle de « TIC », sont mar-

quées par la convergence : non pas une,

mais plusieurs convergences. Il y a d’abord

la convergence à l’origine du développe-

ment étonnant de ce secteur : celle entre la

micro-électronique qui miniaturise les

appareils, l’informatique qui numérise les

données contenues dans ces appareils, les

télécommunications qui transportent l’in-

formation ainsi condensée. Il y a aussi la

convergence des outils de communication

eux-mêmes : fixe, mobile, Internet. On

parle aussi de plus en plus de convergence

des usages, à l’intérieur d’un même objet :

le téléphone qui prend en photo, l’agenda

qui téléphone, véritable appareil à tout

faire qui seconde le cerveau. Enfin, la

convergence, elle est dans nos vies, quand

vie privée et vie professionnelle se confon-

dent car le monde nous suit partout, de

partout nous viennent des appels que nous

hésitons à refuser.

Les TIC forment un vaste champ de conver-

gence, mais elles connaissent aussi des

divergences. Divergence entre ceux qui y

ont accès et ceux qui en sont privés, ou n’y

ont accès qu’au rabais comme les habitants

des pays du Sud et leurs téléphones por-

tables, divergence aussi parmi les pays déve-

loppés, entre ceux qui ont réussi à imposer

leurs technologies, principalement les Etats-

Unis, et ceux, les pays européens, qui en

sont importateurs nets.

On a beaucoup dit que les TIC détruisaient

les emplois. Elles peuvent en créer aussi, en

nombre, et correspondant à de hautes quali-

fications. La maîtrise des technologies est

donc un enjeu important pour s’assurer de

ces emplois, et garantir leur stabilité. Dans

ce domaine apparemment mondialisé, il

convient que les gouvernements européens

amplifient leur coopération. ●

E d i t o r i a l

François Valérian

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5N o v e m b r e 2 0 0 5

l e s t e c h n o l o g i e s

La miniaturisation continue destransistors depuis quarante ans a

mené la microélectronique àl’échelle du nanomètre : la

nanoélectronique est née ! Lesformidables défis scientifiques et

technologiques justifient desprogrammes de recherche deplus en plus internationalisés.Mais les enjeux économiques

sont également devenusmajeurs, tant pour les entre-

prises que pour les Etats, et jus-tifient une attention toute

particulière aux plans scienti-fique et financier.

par Laurent Gouzènes,Directeur du Plan

et Programmes d’EtudeSTMicroelectronics

Introduction

Les produits électroniques nous accom-pagnent au quotidien : téléviseurs, télé-phones mobiles, ordinateurs, cartes àpuce, etc., de même que les servicesqui s’y rattachent : chaînes de télévisionet publicité, entreprises de télécommu-nications, fournisseurs d’accès, servicesbancaires… La chaîne de valeur del’électronique est devenue une partincontournable de l’économie mondia-

le moderne : le marché mondial dessemi-conducteurs s’élève à 220 mil-liards de dollars (Mds$), celui des pro-duits électroniques à 1 100 Mds$ et lemarché plus large des services engen-drés par ces technologies à 5 000 Mds$(pour un PNB mondial d’environ50 000 Mds$). Inexistant voilà dix ans,le marché de la téléphonie mobilereprésentait déjà, en 2003, 380 Mds$ :le double du transport aérien !La clef de cette omniprésence et decette importance économique résidedans la technologie des circuits inté-grés et des transistors. En 2004, envi-ron 400 milliards de composantsdiscrets (ou circuits intégrés) ont étéfabriqués, représentant un total deplusieurs centaines de millions de mil-liards de transistors, l’élément fon-damental des technologies del’information.Après presque soixante ans d’existence,le transistor, dispositif physique issu deprincipes liés à la mécanique quantiqueet à l’électromagnétisme, a transforméfondamentalement nos façons de com-muniquer, de commercer, de chercher,de nous distraire, de percevoir et com-prendre notre monde et notre environ-nement. Pourtant son histoire n’est pasachevée : des centaines de milliers dechercheurs, physiciens, chimistes, infor-maticiens et mathématiciens du mondeentier cherchent encore à améliorer sesperformances et usages pour permettrede nouvelles applications et développerde nouveaux marchés de produits etservices.Défis technologiques exceptionnels etenjeux économiques mondiaux sont lamarque de cette industrie particulière.

Un peu d’histoire

L’histoire du transistor et du circuitintégré est récente : le transistor a étéinventé en 1947 par une équipe des

laboratoires Bell (ses concepteurs, JohnBardeen, Walter Brattain et WilliamSchockley recevront le Prix Nobel dePhysique en 1965). L’élucidation deson fonctionnement repose sur unebase scientifique bien établie (l’électro-magnétisme) et une science récente : lamécanique quantique. Grâce à uneconfiguration très spécifique de sastructure électronique, le matériaun’est ni isolant (électrons bloqués),ni conducteur/métallique (électronslibres), il est semi-conducteur : uneportion minime des électrons permet laconduction électrique. Quant au tran-sistor, sa principale fonction est depouvoir contrôler un courant ou unetension élevée à partir d’un courant oud’une tension faible : c’est un amplifi-cateur de signal. Pour donner desordres de grandeur, les performancesde cette technologie originelle sont del’ordre du MHz pour la vitesse de com-mutation, et d’un cm3 en volume partransistor. Cette invention de base per-met déjà la réalisation de la fameuseradio à transistors, qui possède l’im-mense avantage sur les radios à lampesde l’époque d’être opérationnelleimmédiatement et de consommerbeaucoup moins d’électricité. La réali-sation de systèmes électroniques estalors obtenue par l’assemblage decomposants discrets individuels. Al’époque, l’assemblage de systèmescomplexes reste coûteux et difficile àréaliser.En 1958, Jack Kilby, chercheur chezTexas Instruments (Prix Nobel 2000),inaugure une autre révolution technolo-gique fondamentale, avec l’inventiondu premier circuit intégré (4 transistors)et, surtout, la fabrication en parallèle detransistors et de circuits, en une seuleétape.L’industrie entre alors dans l’ère de laminiaturisation. La physique sous-jacente permet l’application d’unerecette magique, car tous les para-

La micro et la nano-électronique

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6 A n n a l e s d e s M i n e s

mètres évoluent simultanément dans labonne direction : si l’on sait faire pluspetit, on sait faire plus complexe, moinscher et plus rapide, tout en consom-mant moins d’énergie.Depuis quarante-cinq ans, le progrèsdans la miniaturisation est constant :tous les 10 ans, les transistors devien-nent 10 fois plus petits. On enassemble donc 100 fois plus sur lamême surface, le prix ainsi que laconsommation sont divisés par 100(Cf. schéma 1). Aujourd’hui, onfabrique des transistors de 90 nano-mètres (nm), assemblés à raison de500 millions sur une puce mémoire de1 cm2, avec une performance supé-rieure à 100 Ghz. Pour comprendrecette minuscule dimension, il faut réa-liser que sur la surface d’un cheveu encoupe (~1 000 µm2), on peut loger27 000 transistors, soit l’équivalentdu processeur Intel 8086 (29 000 tran-sistors), qui a démarré l’ère du PC. Untéléphone portable réalisé avec latechnologie de 1960 occuperait levolume d’un semi-remorque.

Défis technologiques

L’objectif des technologies de l’informa-tion est de réaliser des objets technolo-giques interconnectables dotés defonctionnalités de contrôle et de trans-formation de l’information. Pour com-prendre et évaluer les capacitésactuelles et futures, il faut répondre àquatre questions clés :- quels sont les objets permettant decontrôler un courant électrique àl’échelle micro/nanométrique et com-ment réaliser un élément de taille nano-métrique ?- Comment assembler/interconnecterdes dizaines de millions (aujour-d’hui), voire des milliards d’objets(demain) pour réaliser une fonctioncomplexe ?- Comment faire fonctionner ces mil-lions/milliards d’objets de façon cohé-rente pour répondre à une finalité ?- Comment concevoir des objets aussicomplexes ?Le transistor est aujourd’hui le seulobjet répondant à l’ensemble de cesobjectifs à bas coût, à condition quela complexité soit limitée à environ

100 millions d’objets (sauf le cas par-ticulier des mémoires, qui ont unestructure répétitive).

Le transistor et les circuitsintégrés aujourd’hui

Il existe aujourd’hui beaucoup deformes et de variantes de transistors,selon les besoins : stockage de l’infor-mation (DRAM, Flash, EPROM…), cal-cul rapide et à faible consommation(CMOS), contrôle de puissance (bipo-laire), génération de hautes fréquences(RF), photosensibles, etc. (Cf. photos 2et 3). Les principales formes de transis-tors sont construites au-dessus d’unmatériau très spécifique, le silicium,disposant à la fois des caractéristiquesélectriques et des possibilités de fa-brication à l’échelle nanométriqueadéquates. Bien que minuscule, untransistor est un objet extrêmementcomplexe. Il est réalisé à partir d’unetrentaine de matériaux (voire de vide)aux caractéristiques très étudiées : élec-triques (isolant, conducteur, semi-conducteur), magnétiques (permittivité,etc.) et structurelles (cristallin, amor-phe, métallique, etc.). Les dimensionsde ces diverses couches constitutivesvarient de 10 nm à 3, voire 2 nm (envi-ron 5 atomes). La répétitivité de certainsprocessus de fabrication est d’unecouche atomique : les transistors sont

depuis longtemps des objets nano-tech-nologiques. Pour fabriquer des transistors en grandvolume et de façon structurée (30 mil-lions de transistors par circuit intégré,300 circuits par plaquette de silicium,300 000 plaquettes par an dans uneusine), il faut maîtriser de nombreusessciences et technologies de fabricationaux échelles micro et nanométriques(physique, chimie, métallurgie, sallesblanches, gravure plasma, dépôts enphase gazeuse, lithographie, matériauxultra-purs, etc.) et surtout disposer decapacités d’observation à la mêmeéchelle (microscopes à effet tunnel,ellipsométrie, etc). La grande difficultéest que tous ces éléments doivent êtreréalisés parfaitement pour que l’en-semble fonctionne (Cf. photo 1).

Schéma 1. - Le problème de l’assemblage coordonné d’un très grand nombre de trèspetits objets n’est pas maîtrisé ailleurs qu’en micro-électronique avancée. Pour le trai-tement de l’information, il n’y a pas d’alternative crédible sur le court et moyentermes à la microélectronique silicium.

Photo 1. - La grande difficulté est quetous les éléments d’un transistor doiventêtre réalisés parfaitement pour que l’en-semble fonctionne (Transistor de 16 nm).

Nombrede dispositifs

assemblés

L’arbitrage entre miniaturisation et complexité

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Le second défi consiste à assembler lesnano-objets selon une architecture pré-définie, afin d’obtenir une fonction pré-cise : mémoire, décodage d’adresses,additionneur, ou, encore plus com-plexe, un microprocesseur complet ouun téléphone sur puce. A titre de com-paraison, la fabrication d’une voiturenécessite l’assemblage d’environ dixmille éléments et celle d’un avion deligne, dix millions. Dix millions decomposants, c’est précisément ce quiconstitue une puce ordinaire, commeun circuit pour décodeur de télévisionnumérique ou une puce pour téléphonemobile.La troisième difficulté consiste à syn-chroniser le fonctionnement des diverssous-ensembles d’un circuit intégré(processeur, mémoires, bus, unités spé-cialisées), en vue d’obtenir une finalitéutile. Il faut intégrer les logiciels et pro-tocoles de télécommunications, inter-faces utilisateur, traitement d’images etdu son, calcul temps réel, stockaged’information, sécurité de l’informa-tion. Le fonctionnement correct et opti-mal repose sur la connaissancedétaillée de l’architecture physique dusystème et des délais de transmissiond’information entre ses éléments : uneunité de calcul d’un téléphone mobileeffectue plus d’aiguillages d’informa-tion par seconde que la SNCF n’aiguillede trains en un an. Les logiciels appor-tent aussi une souplesse d’emploi desarchitectures nécessaire dans un envi-ronnement complexe. Les développe-ments des logiciels embarqués sontaujourd’hui indissociables de la tech-nologie matérielle.Enfin, et pour maîtriser cette complexitécroissante, la microélectronique intègrede nombreux domaines de recherche etproblématiques pour développer desoutils informatiques de plus en plussophistiqués utilisés dans la conception :mathématiques (l’industrie des semi-conducteurs utilise couramment desdémonstrateurs de théorèmes spécialiséspour valider les architectures, cryptogra-phie, traitement du signal…), traitementde vastes volumes de données, simula-tion, outils pour la construction des archi-tectures de circuits, etc. Un point critiqueest le test de ces ensembles finaux : nuln’achète un système qui ne fonctionneque partiellement ou pas du tout. Il faut

donc développer des méthodologies etstratégies de test adaptées.

Les évolutions technologiques à venir

Compte tenu des dimensions désor-mais atteintes pour le dispositif lui-même (des circuits en technologie 65nm sont déjà disponibles sur le mar-ché) l’appellation nanoélectroniqueest en train de se généraliser.Toutefois, cette appellation cache un

phénomène nouveau, lié à la réduc-tion des dimensions : des phénomènesquantiques de toutes sortes se multi-plient, ainsi que les difficultés defabrication, et vont inciter progressi-vement à revisiter les bases et archi-tectures mêmes du fonctionnementdes transistors actuels. La nanoélec-tronique sera différente de la micro-électronique. C’est pourquoi les recherches se tour-nent dans trois directions :- une amélioration des dispositifs exis-tants, dans la lignée actuelle ;

7N o v e m b r e 2 0 0 5

Photo 2. - Il existe aujourd’hui beaucoup de formes et de variantes de transistors,selon les besoins : les structures DRAM permettent de stocker l’information (StructureDRAM embarquée 120 nm).

Photo 3. - Certains transistors servent à des calculs rapides, à faible consommation(Transistor BiCMOS SI :Ge).

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- une rupture architecturale (transistorsverticaux…) ;- une rupture fondamentale (nanotubes,spintronique…).Dans les dix prochaines années, autre-ment dit pour les trois prochaines gé-nérations de circuits, jusqu’à desdimensions de 32 nm, il est générale-ment admis que ce processus de minia-turisation devrait se poursuivre sansrupture conceptuelle fondamentale,même si de nombreux et difficiles pro-blèmes ne sont pas encore complète-ment résolus, et exigent d’importantschangements d’architecture et de pro-cédés. Jusque dans les années 90, leseul facteur limitatif était la technologiede photolithogravure, que l’on pensaitlimitée à environ 1 µm. Grâce aux pro-grès des lasers, des résines photosen-sibles, des optiques de la mécanique,des masques, des techniques d’illumi-nation et de l’optique en immersion, onpense atteindre au moins les 32 nm. Onsait aujourd’hui fabriquer individuelle-ment des transistors bien plus petits (lerecord est à 8 nm) (Cf. photo 1), maisleurs performances ne sont pas satisfai-santes sur un plan pratique. Maisd’autres limites surgissent concernantles transistors (par exemple, les maté-riaux actuels pour l’isolant de la grillesont perméables par effet tunnel, et doi-vent être remplacés par des matériaux àhaute permittivité), la dissipation ther-mique en fonctionnement (elle exploseplus qu’exponentiellement avec laréduction des dimensions) ou les pertesénergétiques par fuites.En 2010, les transistors auront desdimensions de 45 nanomètres et lesmémoires Flash stockeront plus de10 milliards d’octets : un livre sur uncheveu, c’est ce que la miniaturisationdes mémoires permettra. Un autre axe de développement trèsimportant concerne les fonctionnalitésautres que les fonctions logiques, dontles performances sont directementliées à la miniaturisation. Ces progrèss’appuient sur les sciences et tech-niques de base développées pour lescircuits intégrés, et s’enrichissentd’autres techniques et problématiquesapplicatives. Ces éléments se décli-nent dans la direction de l’électro-nique très haute vitesse, comme la RF,pour obtenir des télécommunications

sans fil, la photonique pour les cap-teurs d’image ou le photovoltaïquepour l’énergie, dans la microfluidique(têtes d’imprimantes), les microsys-tèmes (microaccéléromètres), la biolo-gie (laboratoires ADN), et biend’autres encore à inventer (Cf. sché-ma 2). L’image globale si l’on compa-re ces potentiels à ceux de l’êtrehumain, est qu’à côté du cerveau etde ses capacités calculatoires, oncommence à savoir réaliser lesorganes des sens, ensemble de cap-teurs et d’actionneurs complétant laperception du monde externe par lesobjets.Dans un futur à plus de 15 ans et pourla miniaturisation, la physique surlaquelle repose le fonctionnement dutransistor actuel devra être revue endétail à cause des phénomènes quan-tiques prépondérants. En gardant lemême principe global d’utilisation dusilicium comme matériau de base, denouvelles architectures de transistorssont à l’étude (transistors verticaux,nanotubes de carbone).Mais d’autres innovations radicalesdonnent matière à recherche :- la spintronique, ou électronique utili-sant les spins des électrons pour contrô-ler des courants très faibles dans lesdispositifs ;- l’électronique quantique, qui utiliseles qubits (mélange quantique de 0 et 1)pour accélérer les calculs ;

- les semi-conducteurs organiques.Ces dispositifs ne sont encore aujour-d’hui que des objets de recherche. Lespossibilités d’assemblage et les tech-niques de fabrication répétitives etfiables ne sont absolument pas maîtri-sées. De façon comparative par rapportà l’ère du transistor, on n’a pas encoreatteint l’année 1947. Pour ces nouvellessolutions, tout doit être, de surcroît,réinventé, en matière de conception,car il faudra revoir entièrement lesméthodes de conception, d’assembla-ge, de simulation et redessiner les ar-chitectures. Pour les méthodes defabrication, tous les rêves sont permis,depuis l’auto-assemblage à ADN jus-qu’aux bactéries programmées.Une des grandes orientations architec-turales du futur est le multiprocesseurmonopuce massif. La puce Cell d’IBM,qui équipe la prochaine génération PS3de consoles Sony, inclut déjà 9 proces-seurs. L’avantage est bien sûr de fournirplus de calculs, mais aussi de les accé-lérer fortement, en minimisant leséchanges externes hors de la puce. Ilexiste une marge de progression,sachant qu’un processeur 32 bits néces-site environ 100 000 transistors. L’aug-mentation de la puissance de calculn’est pas qu’un gadget destiné à amé-liorer les ventes de microprocesseurs.L’expérience montre que chaque nou-veau progrès permet l’émergence denouvelles applications : Internet a dé-

8 A n n a l e s d e s M i n e s

Schéma 2. - Le marché de la microélectronique comprend désormais un très grandnombre de segments, des applications les plus concrètes jusqu’à l’automatisation decertaines fonctions du cerveau.

Sciences et technologies pour la microélectronique

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collé avec l’introduction des proces-seurs 32 bits, le téléphone mobile aenvahi nos poches dès qu’une puissan-ce de 100 MIPS (millions d’instructionspar seconde) a été disponible, le haut-débit de l’ADSL et du VDSL repose surune capacité toujours accrue de traite-ment du signal. La demande des appli-cations reste importante : un décodeurde TVHD nécessite une puissance detraitement d’environ 50 milliards d’opé-rations par seconde (pour une puce à30 dollars). Nos PC sont encore inca-pables de réaliser la compréhension dela parole ou la traduction de langues defaçon satisfaisante ; l’assemblage denos vidéos de vacances représente tou-jours un travail de longue haleine ; lasimulation de programmes à l’échellede la planète (météo, géologie…) béné-ficie également directement de cesavancées.Comment programmera-t-on ces sys-tèmes sur puce capables d’incorporerdes dizaines, voire des centaines, demillions de lignes de code ? Quellesseront les garanties de bon fonctionne-ment et de résultats corrects ? Commentces systèmes résisteront-ils à une erreurmatérielle ou logicielle, ou à de simplesévolutions des standards de leur envi-ronnement ? La solution pourrait résiderdans des modules incorporant des pro-grammes d’intelligence artificielle, dontles missions seraient d’étudier les in-compatibilités diverses entre versions,de définir automatiquement des pointsde restauration, d’effectuer des modulesde calcul redondants, de s’assurer de lacohérence entre données dans la puceet les interfaces avec le monde exté-rieur. A cette fin, un immense effort derecherche est nécessaire.Un facteur limitatif dans le futur pour-rait être simplement notre capacité àdéfinir des objets « hyper-complexes »(de cent millions à plus d’un milliardd’éléments) et à valider leur fonctionne-ment lorsqu’ils seront fabriqués. Laconception des éléments hyper-com-plexes repose sur un ensemble d’équa-tions qui en modélisent l’architecturestatique et le fonctionnement dyna-mique. Ce nombre d’équations croîtexponentiellement (+ 40 % par an)pour suivre le potentiel de la technolo-gie, alors que la productivité des ingé-nieurs (en équations par jour) ne peut

croître que très lentement (5 % par an).Le développement d’un jeu de circuitspour téléphones mobiles mobilise déjàplusieurs centaines d’ingénieurs et unan de tests et validation. Avec cent foisplus d’éléments, faudra-t-il une arméed’ingénieurs et cent ans de tests ? Lessystèmes hyper-complexes posent ainside nouveaux problèmes de coordina-tion et de cohérence, dont la solutionne peut venir que des mathématiqueset de l’informatique. De nombreuxcentres de recherche sont évidemmentactifs dans ce domaine.

Quelles limites ?

Une comparaison avec le cerveauhumain montre qu’il est composé debeaucoup plus d’éléments que nous nesavons en assembler sur un circuit inté-gré, de l’ordre du tera-objet (1 000 mil-liards). Deuxièmement, le cerveau sedéveloppe en volume, tandis que lescircuits intégrés sont essentiellementplats. Il existe donc une dimension àgagner correspondant à tout un nou-veau champ de recherches. Enfin, lecerveau humain dispose de capacitésd’apprentissage, de redondance etd’abstraction qui en font un système detraitement de l’information encoreextraordinaire, avec une consommationde seulement 20 W. La nature nousmontre qu’il existe donc une bellemarge de progression, ainsi que despistes de réflexion (Cf. schéma 2).Le prix des usines de semi-conducteursaugmente de 15 % par an, en raison dela complexité croissante des machines defabrication et de métrologie. La barrièredes 3 milliards de dollars (le doubled’une usine automobile) est déjà dépas-sée et ce coût double tous les cinq ans.Les usines de nanoélectronique sont lesplus chères du monde. Sans amélioration

fondamentale de l’explosion du coût desprocédés et usines, la limite de la nano-électronique sera sans aucun doutefinancière avant d’être technologique.

Enjeux économiques et financiers

Comment financer ces importantsinvestissements intellectuels et de pro-duction ?La progression du marché de l’électro-nique est liée à plusieurs facteurs :- de plus en plus de secteurs ontbesoin de ces nouvelles technologies :l’automobile intègre par exemple prèsde 20 % de systèmes électroniquesdans son coût final de production(allumage, freinage, moteur, habi-tacle, sécurité, clés…). Cette pro-portion doublera dans les cinqprochaines années ;- de nouveaux secteurs sont régulière-ment créés : ordinateurs, Internet, télé-phonie mobile, appareils photo,imprimantes pour les photos numé-riques, etc. Les spécialistes qui fondentleurs estimations sur les expériencesrécentes considèrent que plus de lamoitié des applications et des servicesconstituant le cœur du marché dans dixans n’ont pas encore été imaginésaujourd’hui ;- la part de l’électronique (matériel etlogiciel) dans chaque secteur augmente(Cf. tableau 1).Dès lors que des ordinateurs de toutetaille et de toute nature remplacent etcomplètent les outils des peintres, desphotographes et des musiciens, commeceux des agriculteurs ou des industriels,et s’insèrent dans tous les outils simpleset de grande utilisation comme dans lesoutils professionnels les plus com-plexes, il devient essentiel d’en maîtri-ser la technologie, qui sous-tend

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Année 1970 1980 1990 2000

Part du semiconducteur 5 % 10 % 15 % 20 %

Part du logiciel 5 % 10 % 15 %

Exemples de produits TV couleur Magnétoscope PC GSM

Taux de croissance annuel 5 % 10 % 15 % 30 %

TABLEAU I Progression de la part des composants semi-conducteurs et des logiciels

dans la valeur (prix usine) des produits électroniques.

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l’innovation et la compétitivité interna-tionale.

Une source d’emplois de haut niveau

L’industrie électronique génère le typed’emplois de haut niveau essentielspour le futur bien-être économique etsocial en Europe, avec une large diffu-sion dans pratiquement tous les sec-teurs. Les grandes entreprises desemi-conducteurs sont des employeursimportants : STMicroelectronics em-ploie près de 50 000 personnes, dontprès de la moitié en Europe, Infineon,35 000 et Philips semi-conducteurs,32 000. Le fabricant d’équipements delithographie ASML compte environ5 000 employés. Ces chiffres se com-parent favorablement à Intel (80 000personnes), ou AMD (14 000, dontbeaucoup en Europe). D’autres compa-gnies internationales, comme Atmel,IBM et Freescale (ex Motorola), avecleurs quartiers généraux hors d’Europe,ont également créé des dizaines de mil-liers d’emplois en Europe bénéficiantlargement des aides associées, sans quel’inverse soit possible. Chez les systé-miers, dont le chiffre d’affaires est géné-ralement cinq fois plus élevé (les ventesde Samsung avoisinent 50 milliards dedollars), l’emploi suit en proportion.La nanoélectronique et, plus générale-ment, les technologies de l’informationoffrent aux Européens l’opportunitémajeure de devenir une source encoreplus importante d’emplois de hautequalification. Plus largement, l’électro-nique et le secteur des services attachésemploient directement plus d’un mil-lion de personnes en Europe. Cenombre devrait certainement augmen-ter, compte tenu de l’importance de cessecteurs pour la croissance écono-mique. Cependant, force est de consta-ter que sur ce secteur high-tech,l’Europe est importatrice nette de tech-nologies (ordinateurs, matériel multi-média) et en supporte les conséquencesen matière de croissance, d’emploi etde déficit commercial : le ratio produc-tion/électronique par habitant estquatre fois plus faible en Europe qu’auJapon ou en Corée, ce qui représenteplusieurs millions d’emplois au final, et

l’électronique est le second poste dedéficit commercial après le pétrole.

La collaboration : un passage obligé

Les domaines de recherche sont trèsvariés (Cf. schéma 2), et nécessitent uneréelle collaboration pluridisciplinaire.Pour surmonter les immenses difficultésthéoriques et pratiques auxquelles sontconfrontés les industriels des circuitsintégrés, de nombreuses collaborationsde recherche sont organisées entrelaboratoires et industriels. Plusieurs rai-sons expliquent cette proximité : - nécessité d’accélérer les transfertsdans un contexte où les générationstechnologiques se succèdent à un ryth-me effréné (tous les deux ans enmoyenne) ;- nécessité de faire remonter les diffi-cultés technologiques fondamentalesvers les scientifiques pour aider à laprogrammation des recherches amont.Plus en aval et, de façon paradoxale,pour surmonter l’hyper-compétition dusecteur, la coopération entre compéti-teurs industriels est indispensable.L’association permet en effet simultané-ment, en additionnant les ressourcesintellectuelles et les moyens physiques,de disposer de l’ensemble des compé-tences, d’accélérer les projets et d’é-tablir des standards de facto quipermettent d’ouvrir de nouveaux mar-chés. Les grands blocs/alliances sontle groupe « européen » (ST/Philips/Motorola), le groupe « américain »(IBM, AMD, Infineon, Toshiba, Sony), legroupe japonais (NEC, Hitachi,Mitsubishi, Hitachi, Toshiba…), les trèsgrandes entreprises comme Intel ouSamsung ayant une politique plus indi-vidualiste, permise par leur taille.

La compétition des pays

Les enjeux économiques et d’emploissont très importants, qu’ils soientdirects (production de matériels électro-niques) ou indirects (services générés),avec de plus un fort potentiel de crois-sance. Aucun domaine ne peut plus sepasser des Technologies de l’Infor-mation et de la Communication (TIC),

pas plus que l’essor de la connaissancen’a pu se priver de l’imprimerie. Dansle commerce mondial, il faut cependantprendre conscience que l’échange nepeut être profitable que s’il existe desoffres compétitives de part et d’autre, etqu’une économie moderne ne peut passe mettre durablement dans une situa-tion où l’échange, voire l’acquisitiondes outils créés dans d’autres parties dumonde, deviendrait impossible ou d’uncoût exorbitant.Dans ces conditions, il existe une véri-table course entre pays, qui configurentleurs dispositifs de recherche de maniè-re à soutenir leur industrie et un rythmed’innovation toujours accéléré. Larecherche de l’excellence scientifiqueet technologique est ainsi encouragée,mais elle ne peut être utile qu’à lacondition d’être efficace en matièred’innovation et développements, lors-que les liens entre recherche publiqueet privée fonctionnent efficacement etde façon bidirectionnelle.La France tient un rôle particulier et glo-balement satisfaisant en Europe,puisque le centre de Crolles (Isère)accueille les cœurs de la recherchetechnologique de STMicroelectronics,Philips et Freescale (ex Motorola). Cedispositif est complété par la collabora-tion de nombreux laboratoires (CEA,INRIA, CNRS) et entreprises dans lesdomaines de la conception et des logi-ciels. La nouvelle politique des pôles decompétitivité devrait permettre de ren-forcer ce pôle grenoblois, ainsi que lepôle parisien, principal centre complé-mentaire en matières de logiciels etconception. La politique des Réseauxde Recherche et Innovation Tech-nologique, développée ces dernièresannées s’avère aussi un excellent outilpour le rapprochement des communau-tés de recherche publiques et privées.On peut cependant juger que le déve-loppement d’applications et de nou-velles architectures est relativementfaible, et qu’il doit donc être renforcé(la création de l’ANR, regroupant lesRRIT, comme les pôles de compétitivité,peuvent contribuer à ce renforcement).Il faut cependant relativiser ces configu-rations : par exemple l’équivalent tai-wanais du CEA/LETI, l’ITRI, disposed’environ 6 fois plus de personnel pourla recherche en électronique. La seule

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région de Tokyo regroupe 2 fois plusd’usines de semi-conducteurs (et leursclients, à savoir les grands groupes) quetoute l’Europe… Et la Chine est en trainde se positionner !

Enjeux éthiques et culturels

L’omniprésence, la miniaturisation etles capacités de connexion des disposi-tifs nanoélectroniques posent de nou-velles questions culturelles et éthiques.Le respect des libertés individuellestient un rôle central.A titre d’exemple, la multiplicationdes moyens de stockage et la facilitéaccrue de retrouver des informationsinstantanément vont obliger les indivi-dus à évoluer dans un monde où laplupart des événements et actions,mêmes mineurs, seront « tracés » etmémorisés avec la plus extrême préci-sion. Il suffit de songer au rôle joué,dans « l’affaire de l’OM », par les rele-vés de téléphone informatisés et detélé-péages autoroutiers. Plus récem-ment, les réseaux de caméras de sur-veillance de Londres ont permis deretrouver en un temps record les par-cours des kamikazes auteurs d’atten-tats. Mais les mêmes dispositifseffectuent aussi des contrôles de vites-se pour un coût réduit, sur les routesen France. La question de la libertéfondamentale d’un individu est poséesous un angle complètement nouveau.Elle doit être examinée et discutéeavec le plus grand soin.De ce point de vue, la téléphoniemobile est une technologie ambiguë :pour des raisons de qualité de liaison,

nous souhaitons être reliés partout ettout le temps au réseau. Il existe doncun échange permanent de notre GSMavec les stations de base, permettant àl’opérateur et donc à tout système decontrôle qui y est relié, de savoir où sesitue son propriétaire à tout moment.Dans le même temps, nous ne voulonspas a priori que nos déplacementssoient suivis. Le résultat est bénéfiquelorsque des promeneurs imprudentss’égarent en montagne ou qu’unepersonne souffrant de la maladied’Alzheimer ne retrouve plus son che-min en ville. Le Parlement finlandais arécemment approuvé une loi pourautoriser un nouveau service de suivides personnes : un signal est envoyéaux parents lorsque le téléphone deleur enfant sort d’un couloir de cir-culation préétabli. Le procédé se justi-fie lorsqu’il s’agit de s’assurer dela non-disparition des enfants à lasortie de l’école, mais discutablelorsqu’il se transforme en instrumentde contrôle (comment aller chapar-der des pommes ou faire l’école buis-sonnière ?). Le suivi des enfants est-ilautorisé avec leur propre consente-ment ? Leurs droits fondamentauxsont-ils respectés ?Plusieurs européens se sont émusrécemment des projets de la sociétéaméricaine Google d’archiver l’en-semble des livres et données de la pla-nète : quelle garantie les individusauront-ils que les informations qu’ilsrecherchent et les liens qu’ils récupè-rent au moyen de cet outil ne seront pasbiaisés à leur désavantage, ou que despans entiers de la connaissance neseront pas favorisés au détrimentd’autres ?

Les exemples de tentatives liberticidesne manquent pas : Microsoft proposemaintenant un protocole d’usage conçude telle manière que les logiciels oufichiers musicaux implantés sur lesordinateurs doivent demander uneautorisation à Redmond (siège deMicrosoft) pour fonctionner, de sorteque l’on sait exactement qui a écoutéquelle musique et à quel instant (avectous les avantages statistiques et com-merciaux que cela peut aussi présen-ter). La facilité avec laquelle les« majors » américaines ont pisté les uti-lisateurs européens de fichiers MP3pour leur intenter des procès laisse ima-giner l’effet de ces outils dans uncontexte dictatorial ou même simple-ment malveillant.Que ferons-nous demain des cen-taines d’objets personnalisés en notrepossession, tous équipés de cartes àpuces ou d’étiquettes intelligentescommuniquant avec leur environne-ment ?La difficulté liée aux progrès technolo-gique permis par les nouveaux outilsélectroniques tient au fait que leslégislateurs et les pouvoirs publics neprennent pas suffisamment rapide-ment conscience de leurs consé-quences humaines et éthiques. Leprincipe de précaution ne peut pass’appliquer dans ce cas, car ces outilsne génèrent pas de pollution nouvelleni de danger massif pour la santé desindividus. Il ne s’agit pas de bloquer leprogrès technique, mais de l’orienteret d’en adapter les applications pouraméliorer la qualité de la vie, tout ensauvegardant les principes fondamen-taux garantissant la liberté des indivi-dus. ●

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l e s t e c h n o l o g i e s

Quels sont les acquis concer-nant les technologies de l’infor-mation et de la communication

(TIC) dans le 6e programme-cadre de recherche et de déve-

loppement technologique ?Comment mieux anticiper les

perspectives en la matière dansle 7e PCRDT ? Répondre àcette double interrogation

d’évaluation et de prospectivesuppose, dans un premier

temps, de rappeler la finalitéoriginelle des programmes de

recherche communautaires,puis d’examiner quantitative-ment les acquis en matière de

TIC, de les illustrer ensuitequalitativement par quelques

exemples, pour tenter de mon-trer la rationalité des choixopérés, avant d’aborder les

défis du 7e PCRDT.

par Patrick Schouller,DGE-STI

But des programmes communautaires : la compétitivité industrielleeuropéenne

Après les initiatives politiques euro-péennes de Jean Monnet, concrétiséespar la création de la Ceca, ce sont lesentreprises qui soutiennent, en 1985, larelance dite Delors avec comme objec-tif la sortie de la crise économique.Trois décisions politiques du couplefranco-allemand sont alors mises enœuvre, dont deux sont bien connues :le marché intérieur d’abord, la créationdu système monétaire ensuite. La troi-sième, moins visible pour le grandpublic, réside dans la mise en placed’une coopération entre grandes entre-prises High Tech européennes, pilotéedepuis Bruxelles par les services de laCommission sous la direction d’EtienneDavignon et ce, grâce au lancementd’Esprit, le premier programme derecherche collective communautaire(1). C’est ainsi que les discussions entrede grands groupes industriels commePhilips, Siemens, Bull ou Olivetti ontservi de projets pilotes à cette coopéra-tion européenne et montré qu’unerelance européenne était possible.Naturellement, afin de ne pas perturberles prérogatives commerciales de cha-cun de ces grands industriels, ni defausser la concurrence conformémentaux grands principes de l’Union, larecherche communautaire s’est d’em-blée située au niveau d’actions de type« précompétitif », en soutien à la com-pétitivité industrielle. Cette volonté a été traduite dans lestextes et c’est pourquoi le titre XV du

traité de Maastricht précise dans sonarticle 130 F que « la Communauté apour objectif de renforcer les basesscientifiques et technologiques del’Industrie de la Communauté et defavoriser le développement de sa com-pétitivité internationale, ainsi que depromouvoir les actions de recherchejugées nécessaires au titre d’autres cha-pitres du traité ». L’article 130 G préci-se, quant à lui, le niveau souhaité decoopération : « dans la poursuite de cesobjectifs, la communauté… met enœuvre des programmes de recherche,de développement technologique et dedémonstration en promouvant la co-opération avec et entre les entreprises,les centres de recherche et les universi-tés ». Ce rappel est important car il sou-ligne qu’au départ, cette recherchecommunautaire reposait sur un grandprincipe : une collaboration entreprises/centres de recherche sur des théma-tiques pour lesquelles les acteurs trou-vaient un intérêt à travailler ensemble,afin d’augmenter leur compétitivité.Nous sommes à l’aube du lancementdu VIIe de ces programmes-cadres, et lesbudgets sont en augmentation constan-te. Mais nous constatons que cettevolonté de coopération industrielle ini-tiale s’estompe, au profit de la mise enplace d’une recherche plus générale,plus orientée vers la recherche acadé-mique. La recherche communautairerisque ainsi de s’éloigner de son princi-pe de subsidiarité initial (ne traiter auniveau communautaire que les points

Le PCRDT et les TIC.Acquis et perspectives du 7e programme-cadre

(1) Qui répond aussi au renforcement de l’effortpublic de R&D aux Etats-Unis, au début des années80. L’objectif de Lisbonne entendait ainsi répondreau nouvel accroissement de 50 % de cet effortaméricain, sur la période 2000-2005.

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sur lesquels les acteurs des différentspays ont un intérêt commun) et ce, auprofit de thématiques incluses dans lesdifférentes priorités de recherchespubliques nationales, pour venir ainsiabonder financièrement ces dernières.Cette dérive de l’objectif initial risque,dès lors, à terme, de nuire à l’effort deconcentration sur les sujets essentielsau soutien de la compétitivité indus-trielle.

Les acquis du VIe PCRDTen matière de TIC

Les TIC, du fait de leur nature horizon-tale et de leur impact sur la compétiti-vité de toutes les composantes de lasociété, sont un thème de prédilectiondes programmes communautaires, aupoint d’en représenter la plus grossepartie : 3,6 G€ sur les 14,95 G€ du VIe

PCRDT. Pour cette raison, les TIC ontdonc été choisies au démarrage desprogrammes communautaires. Cetteimportance s’estconfirmée, aussibien dans toutesles analyses améri-caines de la croissance, que dans lesdécisions des Conseils européens (stra-tégie de Lisbonne). Toutefois, dans le VIe

PCRDT, pour résoudre des problèmesmajeurs de la société et de l’économie,une focalisation particulière des TICs’est faite sur : - le développement des technologies àla hauteur des défis que représentent,en matière de sécurité, le « tout numé-rique » et la nécessité de sauvegarderles droits des individus et des commu-nautés ;- une recherche visant à résoudre desproblèmes sociétaux, avec la mise enplace d’une « ambiance intelligente »pour faire participer le plus largementpossible les citoyens à la société de l’in-formation, rendre plus efficaces les sys-tèmes de gestion et d’appui dans lesdomaines de la santé, de la sécurité, dela mobilité et de l’environnement et,naturellement, préserver le patrimoineculturel ;- une recherche visant à résoudre desproblèmes liés à l’activité économiqueen donnant aux entreprises, aux indivi-dus et aux administrations les moyens

de contribuer à part entière au dévelop-pement d’une économie de la connais-sance sûre, et d’en tirer pleinementparti, tout en améliorant la qualité dutravail et de la vie active, et en favori-sant l’apprentissage en continu tout aulong de la vie ;- la mise au point des technologies per-mettant d’exploiter des ressources decalcul et de stockage géographique-ment dispersées et de les rendre acces-sibles, en continu, pour la résolution deproblèmes complexes dans les do-maines de la science, de l’industrie, del’activité économique et de la société. Si le bilan financier est relativementsimple à faire, il est plus difficile dedresser le bilan technologique sanstomber dans un catalogue à la Prévert. Ainsi, au niveau global, une étude del’ANRT (2) pour le compte du ministèreen charge de la Recherche estime qu’auterme des trois premiers appels à pro-positions, 423 projets (soit plus de6 100 participations, dont 718 fran-çaises) sont financés dans le domaine

des TIC (soit 20 %de ceux qui ontdéposé un projet).Ce financement

global atteint 280 M€, dont 42 % à des-tination des grands industriels, 46 %pour les laboratoires académiques,14 % pour les PME/PMI de hautes tech-nologies. Avec 140 M€ de plus que lesFrançais et 200 M€ de plus que lesBritanniques, les acteurs allemandss’imposent comme les leaders euro-péens en matière de TIC.Sur le plan qualitatif, nous pouvonsrésumer en disant que ces priorités sedéclinent sur la consolidation et ledéveloppement des points forts del’Europe dans des domaines comme :- les communications mobiles, avec ledéveloppement de nouvelles généra-tions de systèmes et de réseaux mobileset sans fil qui permettent uneconnexion optimale aux services entout lieu. 74 projets dotés de 333 M€.La France, présente dans 40 de ces pro-jets, reçoit plus de 53 M€ ;- les réseaux « tout optique » d’unetransparence et d’une capacité accrues.En optique & photonique, l’Europesoutient actuellement 16 projets, dont11 avec des Français, et investit56,4 M€ ;

- les solutions pour améliorer l’inter-opérabilité et l’adaptabilité des ré-seaux : 37 projets, dotés de 157 M€,favorisent les technologies du hautdébit ;- des technologies pour un accès per-sonnalisé aux systèmes audiovisuels enréseaux ;- les technologies de logiciels, systèmesenfouis et systèmes distribués avec lamise au point de nouvelles technolo-gies de logiciel (16 projets de logicielsembarqués reçoivent 57,6 M€ de sub-vention), d’environnements de créationde services multifonctionnels et la créa-tion d’outils pour le contrôle de sys-tèmes distribués complexes (12 projets,pour 52 M€), afin d’aménager un cadre« d’intelligence ambiante » et de parerà la croissance et à l’extension atten-dues des applications et des services etd’améliorer les performances, la fiabili-té, la rentabilité, la fonctionnalité et lescapacités d’adaptation des technologiesde communication et de calcul, demanière à répondre aux besoins crois-sants en matière d’applications ;- les composants et microsystèmes : avecpour la micro, nano et opto-électroniqueun objectif de réduction des coûts, d’aug-mentation des performances et d’amélio-ration de la reconfigurabilité, del’extensibilité, de l’adaptabilité et descapacités d’auto-ajustement des compo-sants « micro, nano et opto-électro-niques » et des systèmes « sur puce ».Pour la partie micro et nano technolo-gies, microsystèmes, écrans, l’objectif estd’améliorer la rentabilité, les perfor-mances et la fonctionnalité des sous-sys-tèmes et microsystèmes et d’augmenterleur degré d’intégration et de miniaturisa-tion, tout en améliorant l’interfaçage deces systèmes avec leur environnement,dont les services et systèmes en réseaux.73 projets sont en cours, dotés de près de353 M€ de subvention communautaire.En complément à ces recherches, lePCRDT s’est préoccupé des technolo-gies des connaissances et des inter-faces, afin d’améliorer la convivialitédes applications et des services et l’ac-cès aux connaissances. A cet effet, cetterecherche traitait des technologies, desconnaissances et du contenu numé-

(2) Association nationale de la recherche technolo-gique.

La recherche communautaires’est d’emblée située au niveaud’actions de type « précompétitif »

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rique ainsi que des interfaces et sur-faces intelligentes.Comme toutes les thématiques ne sontpas prévues au départ, et pour tenircompte des avancées technologiques,le PCRDT soutient également des FET(technologies futures et émergentes) surles nouvelles disciplines et technologiesqui pourraient devenir stratégiques à unhorizon plus lointain.L’étude ANRT sur la participation desacteurs montre que les Français sont :- leaders : dans le haut débit, les sys-tèmes mobiles et sans fil du futur, la fia-bilité et la sécurité, les interfacesmultimodales, les systèmes de connais-sances fondés sur la sémantique, lessystèmes audio-visuels en réseaux et lesplates-formes domestiques, les techno-logies avancées d’affichage, les plates-formes de développement ouvertespour les logiciels et les services, les sys-tèmes embarqués et la gestion desrisques ;- suiveurs : dans les technologies duCMOS, les micro et nanosystèmes, lesentreprises et administrations en ré-seaux, la sécurité électronique destransports routiers et aériens, les tech-nologies d’apprentissage et d’accès aupatrimoine culturel, les composantsoptiques, optoélectroniques et photo-niques, les contenus multimédia pourles loisirs et ledivertissement ;- distancés : dansla santé électro-nique, les systèmescognitifs, les appli-cations et services pour les travailleursmobiles, les systèmes de grilles (Grid) etla résolution des problèmes complexes,l’insertion numérique, les technologiesfutures et émergentes et la mise enréseaux de la recherche.Pour répondre à ces problèmes, lesacteurs peuvent soumettre différentstypes de projets, qui vont des IP (Projetsintégrés dont le but est de concentrerles efforts sur un grand projet commun,lequel impose l’implication de tous lestypes d’acteurs de la chaîne de valeur,les financeurs. Ce sont des projets del’ordre de 10 à 20 M€ de financementcommunautaire), aux NoE (Réseauxd’excellence dont le but est de coor-donner les activités d’un domaine), enpassant par des Strep (projets spéci-

fiques de recherche ciblée, qui ont pourbut de résoudre un problème ponctuelprécis), les CA (actions de coordination)et SSA (actions spécifiques de soutien).L’analyse montre que vis-à-vis de cesinstruments, les performances fran-çaises se situent essentiellement sur lesactions d’envergure visant la rechercheet le développement technologique

destinées à desacteurs importantset bien structurés,mais qu’elles s’ef-fondrent dès qu’ils’agit de projets

applicatifs plus petits (d’ailleurs souventà destination des PME). Ces résultatsconfirment les tendances déjà consta-tées dans les programmes des annéesantérieures (exemple des résultats duprogramme Esprit, comparés à ceux duprogramme Applications télématiques).Mais globalement, dans l’état actueldes choses, les acteurs français sontprésents dans plus de la moitié des pro-jets sélectionnés. Ce qui est, indépen-damment des retombées financières, unpoint important. En effet, lorsqu’uneentreprise a besoin d’une technologie,elle peut : soit en financer la rechercheen interne sur fonds propres, soit rache-ter une société qui possède cette tech-nologie, soit enfin participer à unprogramme communautaire, ce qui

présente alors l’avantage de mutualiserles coûts de recherche. Par ailleurs, laparticipation à cette recherche en col-laboration communautaire apported’autres avantages (ce qui la rend parti-culièrement intéressante pour les PME),comme le fait de s’ouvrir à de nouvellescultures, de nouvelles méthodes de tra-vail, et in fine de nouer de nouveauxpartenariats européens dans le mondedes affaires. Cette dynamique de parte-nariat, qui a toujours été une volonté del’Europe, se retrouve dans le principedes projets collaboratifs : IP, Streps, etc.Deux études récentes de la Com-mission (3) ont permis d’analyser890 projets (issus des programmesEsprit, ACTS, Applications téléma-tiques, etc.) et ce, suffisamment long-temps après leur achèvement, afin d’enmesurer l’impact effectif. Il convient eneffet d’attendre quelque peu avant depouvoir mesurer les résultats d’unerecherche essentiellement pré-compé-titive. Ces études montrent que 40 %des projets, à l’issue des travaux, tes-tent ou valident réellement un produitet sont donc largement des succès quivont au-delà de la simple étude théo-rique à laquelle souvent d’aucuns s’at-

14 A n n a l e s d e s M i n e s

Graphique 1. - La plupart des utilisateurs de la procédure communautaire ont connudans leurs projets un succès important.Source : Commission européenne.

(3) Disponibles sur Internet ; http://www.cordis.lu/ist/about/impact-analysis.htm

Si le bilan financier est relative-ment simple à faire, il est plusdifficile de dresser le bilan tech-nologique sans tomber dansun catalogue à la Prévert

organisation

réputation

compétitivité

augmentation de parts de marchés

accès à de nouveaux marchés

accroissement du chiffre d’affaires

obtention de brevets

prototypes

nouvelles coopérations inter-entreprises

droits de copie

succès importants déception

Etude d’impact des TIC, 2004 – Base : 80 resp.

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tendaient. Même si 47 % des projetssignalent des problèmes de gestion desdroits de propriété intellectuelle etindustrielle entre partenaires, la diffu-sion des résultats reste bonne. 33 %des projets signalent avoir développéun business plan crédible et 20 % ontdébouché sur la création d’une jeunepousse. Enfin, selon ces études, 44 %des projets auraient un impact sur lesnormes (le conditionnel traduit unléger doute sur ce point). Ces étudesmontrent également – de façon indé-niable –, l’apport des programmescommunautaires au processus d’inno-vation des acteurs. Les graphiques 1 et2 (issus de ces études) montrent que lesbénéfices des participations commu-nautaires sont supérieurs aux coûts etque l’utilisation des résultats est unsuccès.Enfin, et c’est sans doute le plus impor-tant, 73 % des partenaires estiment quesans l’argent communautaire, le projetn’aurait pas été entrepris.Au-delà des chiffres et études, l’analy-se de cas concrets montre l’impact dela recherche communautaire sur lescommunautés concernées. Il est diffi-cile de détailler les centaines de pro-jets financés dans le cadre despremiers appels du VIe PCRDT, maisquelques exemples suffisent. Tout lemonde connaît le succès du GSM(Groupe spécial mobile) né d’une ini-tiative Cost (une opportunité derecherche européenne) : poursuividans un groupe de travail Race, il a

finalement fait l’objet d’un développe-ment normatif dans le programmeACTS tandis que dans le même tempsle futur processeur de ces téléphonesmobiles était partiellement développédans le programme Esprit.Mais les Européens ignorent souventleurs importantes potentialités, commeen témoigne le prix Marie Curie attri-bué au projet IST swarm boots (unassemblage de robots dont la formeest déterminée parl’environnementextérieur). L’Europedispose sans doutedans ce domainedes meilleures équipes mondiales, alorsque c’est le Japon qui passe pour être legrand spécialiste du secteur ! Une ana-lyse plus fine des projets de recherchetrès avancés du PCRDT montre que80 % d’entre eux sont largement enavance sur l’état de l’art, que 50 %mènent à une rupture, une percée tech-nologique et sont souvent des successstories (création de spin-offs, dépôts debrevets, participation à de nouveauxstandards…).En micro-électonique, le projetNanocmos (24 M€ de subventionpour une première phase de 27 mois,puis 25 M€ pour une deuxièmephase) est exemplaire. D’un coût totalavoisinant in fine les 100 M€, ce pro-jet regroupe les acteurs européensmajeurs (ST microélectronics, Philips,Infineon, Imec, CEA-LET, CNRS, FhGIISB, ZFM, IBS, Isiltec, Magwel avec

une gestion par ACIES) et a pour mis-sion de maintenir l’Europe dans lepeloton de tête quant à la performan-ce des semi-conducteurs et à leurdensité, en démontrant la faisabilitédes technologies CMOS 45 nm (avecla mise en place d’une chaîne piloteen 2008-2009), tout en explorant lespistes 32 nm et 22 nm. Ce projet s’ins-crit dans la logique de construction del’espace européen de la recherche (il

prévoit même desliens étroits avecle NoE Sinano quiréunira pendanttrois ans 43 parte-

naires du domaine). Il joue la complé-mentarité avec les clusters Eurêka(Medea+) comme cela a souvent étéle cas par le passé. La microélectro-nique est une illustration de ce quesouhaite l’Europe en matière desynergie en vue de la constructiond’un espace européen de la recherchecapable de maintenir la compétitivitéde l’industrie européenne au plushaut niveau.Dans un autre domaine, en matièrede logiciels embarqués pour l’auto-mobile, le projet Decos, d’une duréede trois ans et de 9 M€ de subven-tions, réparties entre 19 parte-naires dont Audi Electronics Venture,Airbus, EADS, Infineon, TTTech, Fiat,Profactor, Hella, Liebherr, Thales,Esterel ARC Seibersdorf (Co-ordinateur), SP Swedish Test. & Res.Inst. et les universités technologiquesde Vienne, Darmstadt, Hamburg,Kassel, Kiel et Budapest, se proposede faciliter la conception systéma-tique et l’utilisation tout aussisystématique de sous-systèmes élec-troniques « intégrés » dans les sys-tèmes embarqués et ce, grâce à :- la réduction des coûts du matérielélectronique (moins de câbles, connec-teurs) ;- une sûreté de fonctionnement renfor-cée dès la conception (une partitionclaire entre éléments critiques de sécu-rité et éléments non critiques et, cela,dès la conception) ;- une réduction des coûts de développe-ment (certification modulaire, compo-sants logiciels réutilisables, intégrationstructurée pour les éléments de commu-nication et de calcul) ;

15N o v e m b r e 2 0 0 5

Graphique 2. - L’étude coûts/bénéfices montre des résultats satisfaisants.Source : Commission européenne.

Globalement, dans l’état actueldes choses, les acteurs françaissont présents dans plus de la moitié des projets sélectionnés

Ratio coûts/bénéfices

non-

répondants

8 %

coûts >

bénéfices

16 %

bénéfices >

coûts

48 %

coûts =

bénéfices

28 %

Etude d’impact des TIC, 2004 – Base : 191 resp. projets RDT

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- un diagnostic (des défauts transitoireset intermittents des composants) etmaintenance ;- la protection de la propriété intellec-tuelle.Les applications de Decos touchentde nombreux secteurs : automobile,aérospatial, chemin de fer, contrôleindustriel, systèmes médicaux et sys-tèmes autonomes. Ce projet dévelop-pera donc des lignes directricesstructurées pour l’intégration de do-maines et de technologies indépen-dantes.

Les perspectives du 7e

PCRDT

Comme l’a rappelé très récemmentMadame Reding, nouveau Com-missaire de la DG Infoq & Media, pourle futur (du moins pour les cinq ou septprochaines années), les programmescommunautaires en matière de TICcontinueront de soutenir (4) lesdomaines d’importance stratégiquepour l’Europe « tels que la microélec-tronique, la nanoélectronique, les com-munications mobiles et les technologiesdu haut débit, maisaussi d’autres do-maines, qui présen-tent un potentielimportant en termesde percées industrielles et commer-ciales, comme les systèmes cognitifsqui aident les hommes à enregistrer,comprendre et donc mieux gérer lesévénements quotidiens. Les technolo-gies d’amélioration de la sécurité et dela fiabilité des systèmes d’informationet de communication ne seront naturel-lement pas oubliées non plus que lesrecherches en matière de services etd’applications, principalement dans lasanté, les transports, la création descontenus, les techniques de l’adminis-tration et la gestion des servicespublics ». Deux défis : la complexité et le pilotaged’instruments communautaires à réa-dapter !En effet, au-delà de cette volonté poli-tique, deux défis sont à relever : le pre-mier est la prise en compte d’unenvironnement de plus en plus com-plexe et le second est la structure même

des moyens (encore appelés instru-ments communautaires) mis à la dispo-sition des acteurs, et leur utilisation.Commençons par la complexité. Dansl’exemple des communications mo-biles, l’utilisateur revendique son auto-nomie, ne se contente plus d’être unsimple consommateur souvent captifd’un opérateur et qui doit consommerdes services « descendants ». Il voudra

de plus en plus desservices adaptés àses besoins, mêmes’ils sont simples(voire technologi-

quement parlant, simplistes), et il seramême prêt à payer cher pour celacomme en témoigne l’engouementpour les SMS (qui rapportent plusieursmilliers d’euros par mégabyte transpor-té, alors que le coût moyen du mégaby-te est de l’ordre de l’euro). Nous seronsen outre pleinement entrés dans lemonde de la convergence, monde danslequel les opérateurs ne fourniront plusdes services mais des solutions, avecune obligation d’interopérabilité totale(actuellement on ne peut pas chargerde la musique chez Sony et l’écoutersur son Ipode) tant sur les réseaux qu’àla maison… ; une sorte de Media cen-ter réellement européen. Le grand défine sera sans doute plus alors technique,mais juridique et financier : il faudraque les acteurs de la chaîne de valeurarrêtent de faire une fixation sur leursdroits respectifs, pour penser auxbesoins du consommateur et trouver

des solutions simples. Un autre défi : lesvolumes à gérer. En effet la quantité dedonnées à transmettre sera monstrueuse(23 milliards de terminaux attendus en2008 selon les chiffres de la Com-mission). Même si cette informationn’est pas toujours de bonne qualité(60 % de pourriels actuellement), iln’est pas certain que les opérateurspourront assumer les débits qui serontfournis. La sécurité représentera unautre défi important (en 2004, lesattaques de hackers ont donné lieu àdes pertes estimées à 14 G€ (80 % desPC sont peu ou prou contaminés) parceque les infrastructures sont de plus enplus complexes, donc vulnérables etparce que cette vulnérabilité s’accroîtexponentiellement avec leur taille.Actuellement le réseau GSM fonctionneavec quelques millions de nœuds (quicoûtent 50 K€ chacun). Le WIFI com-mence à changer la donne, en introdui-sant des dizaines de millions de sources(à 100 € chacune). Mais demain, laminiaturisation des capteurs (à quel-ques euros pièce) et des autres sourcesgénérera des milliards de nœuds(exemple : plus de 10 000 puces RFIDdans un Airbus A 380 génèrent descommunications issues des divers élé-ments de l’avion, allant du gilet de sau-vetage à la machine à café !).

16 A n n a l e s d e s M i n e s

(4) Les Tic devraient représenter 28 % du total du 7e

PCRDT ce qui en fait de loin la première prioritéparmi les 9 présentées par la Commission.

Graphique 3. - Quelques projets-clés européens en matière de TIC.Source : Commission européenne.

Les programmes communautairesen matière de TIC continuerontde soutenir les domaines d’impor-tance stratégique pour l’Europe

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Les consommateurs deviennent aussides producteurs : 6,5 millions de blogscréés en 2005, soit 20 % de croissancedu trafic. Le contenu fourni par les indi-vidus dépassera bientôt celui des four-nisseurs classiques (80 % des contenusfournis sur le tsunami en Asie sont issusde sources privées). 56 % du trafic estdu trafic « pair à pair » ; ainsi, il yaurait, en permanence, 8 millions d’in-ternautes qui s’échangeraient desfichiers (soit 10 Mégabytes). Ce princi-pe de darknet va-t-il mettre fin auxcanaux traditionnels de diffusion et àleurs modèles économiques ? En toutcas, cette nouvelle forme de l’innova-tion remet en cause des acteurs institu-tionnels : 52 millions de caméras et174 millions de téléphones vendus en2004 ont un appareil photo intégré.Agfa a disparu, Kodak survit à peine.Le second grand nouveau défi viendradu PCRDT lui-même. Avec deux pointsessentiels : la finalité de la recherche etles instruments mis à la disposition desacteurs. Le risque est grand de voir lePCRDT accentuer encore son orienta-tion vers une recherche plus acadé-mique, plus fondamentale. Cetterecherche est certes importante, il nefaut pas le nier, mais la priorité duPCRDT est, et doit rester, le soutien à la

compétitivité industrielle. Il est toujoursregrettable, dans cette compétitionmondiale, de voir des projets derecherche financés en Europe faire l’ob-jet d’un développement industriel dansle reste du monde. Le danger est réel,car nombreux sont ceux qui veulent enfinir avec une recherche européennefocalisée sur quelques objectifs priori-taires (souvent fiefs de quelques grandsgroupes industriels) pour passer à unerecherche plus fondamentale, dont laseule valorisation européenne reste tropsouvent la publication. De plus, la len-teur de ses procédures et un saupoudra-ge certain, induisent un désintérêtprogressif des industriels, au profitd’outils comme Eurêka, la coopérationbilatérale ou simplement des projetsmenés de façon autonome. Il en résulteune réactivité globale plus faible del’effort de R&D européen, alors mêmeque celui-ci ne peut faire jeu égal avecd’autres qu’au prix d’une optimisationde son efficacité à grande échelle.En parallèle à ce défi d’orientation stra-tégique se joue celui du choix des ins-truments mis à la disposition desacteurs pour effectuer ces recherches.Là encore, les débats sont intenses, tantau niveau politique (Conseil etParlement) qu’au niveau des acteurs

eux-mêmes qui se répartissent entrepartisans du maintien des grands outilsstructurants (projets intégrés ou encoreles futures plates-formes technolo-giques) et partisans de projets pluspetits, plus proches du marché, plusnombreux et essentiellement destinésaux PME. En l’absence des moyens degouvernance que prévoyait la charteconstitutionnelle européenne, la ten-dance naturelle d’un dispositif qui doitintégrer les orientations souhaitées parle Parlement européen et dans lequelles voix des petits pays ont une pondé-ration élevée serait celle d’un éparpille-ment et d’une faible focalisation desprojets. Ce serait l’inverse de ce qui sepasse aux Etats-Unis, où un petitnombre d’Etats bénéficient de l’essen-tiel de la manne fédérale, et de clustersmondiaux très puissants dont les retom-bées bénéficient ensuite à l’ensemblede la fédération. Certes, le point d’équi-libre n’est pas encore atteint et ce typede considération pourra encore jouerdans les choix finaux. Quoi qu’il ensoit, la structuration de projets de gran-de ampleur au niveau national peut êtrede nature à faciliter la structurationultérieure des moyens, comme cela aété le cas, par exemple, dans le secteurde l’aéronautique. ●

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18 A n n a l e s d e s M i n e s

l e s t e c h n o l o g i e s

La « traçabilité électronique »ouvre de vastes perspectivesd’évolution des nombreuses

fonctions de suivi de produc-tion, de stocks et de gestion dela logistique au sein des entre-

prises. Les développementsindustriels et de services

engendrés par la croissance dece marché impliquent un effort

soutenu de recherche et deformation permettant à la

France de disposer desconnaissances et des compé-

tences nécessaires pouraffronter la concurrence.

par Georges Kayanakis,ASK

La « traçabilité »(ou, plus précisément, la « traçabilité électro-nique ») pourrait bien êtreune énorme vague de fondtechnologique

Si le terme « traçabilité électronique »désigne l’ensemble des bénéfices quel’on peut tirer de la connaissance d’in-formations sur des objets cheminantrationnellement d’un point à un autredurant tout ou partie de leur vie utile, ildésigne aussi l’ensemble des tech-niques mises en œuvre à cette fin.

Les bénéfices qu’on peut tirer de cesinformations concernant des objetssemblent a priori positifs. Il n’en est pasforcément ainsi lorsque ces objets sontportés par des personnes, si l’on ne metpas en œuvre les garde-fous nécessairesà la protection de la vie privée.Du fait de l’étendue de son impact, la« traçabilité électronique » affecteratransversalement une grande partie dumonde de l’industrie et des services :plus grande efficacité de la logistique,automatisation poussée des inventaires,prévention des pertes, des coulages, descontrefaçons, gestion aisée des dates depéremption, réassortiment automatiquesur les points de vente.L’importance de ces bénéfices provoque-ra ipso facto une augmentation considé-rable des activités industrielles et deservices dans des domaines qui sont déjàconsidérés comme stratégiques : fabri-cants de matériels (semi-conducteurs, éti-quettes (tags) intelligentes, terminaux,concentrateurs, systémiers spécialisés ouencore concepteurs/vendeurs de grandssystèmes informatiques).La nature des techniques à mettre enœuvre, ainsi que le besoin impératifd’obtenir des coûts récurrents extrême-ment faibles, engendreront le besoin derenforcer nos connaissances dans nosuniversités, écoles et laboratoires dansles domaines de la miniaturisation(nano/bio-technologies pour préparer larelève du semi-conducteur classique)de la radio transmission/réception enmilieux très hostiles, du cryptage/décryptage très rapide, et de la protec-tion de données informatiques répartiessur de grands territoires.

Un système de « traçabilitéélectronique » nécessite au minimum quatre typesde produits

Le premier, constituant la partie la plusspectaculaire et la plus innovante, estreprésenté par une étiquette électro-nique passive collée sur un objet ou

portée par une personne. Cette étiquet-te reçoit et envoie, par fréquence radio,des informations à un lecteur, lesdistances de communication variant dequelques centimètres à plusieurs mè-tres. Le deuxième est constitué par unappareil électronique appelé lecteur. Ilintègre le logiciel applicatif et compor-te une antenne émettrice/réceptricepour communiquer par radiofréquenceavec l’étiquette. Le troisième est unconcentrateur, le plus souvent un PCpuissant, ou équivalent, sur lequel sebranchent, en grappes, les lecteurs. Sonrôle est d’organiser et de formater lesinformations en provenance des lec-teurs afin de les rendre exploitables parla partie amont du système. Le quatriè-me type de produit est un logiciel systè-me porté par des ordinateurs puissants,souvent connectés à des logiciels debases de données (ERP).Chacun de ces quatre éléments joue unrôle très précis : lors de franchissementsd’étapes importantes, l’étiquette, quicontient les informations relatives àl’objet ou la personne, est interrogéepar le lecteur, selon un programmeapplicatif. Une identification, puis untransfert d’informations ont lieu entreétiquette et lecteur, et inversement. Unenregistrement est effectué dans le sys-tème et éventuellement dans l’étiquette.Il en va de même à toutes les étapesprévues.Hormis les étiquettes, l’ensemble descomposants du système utilisent dessavoir-faire déjà mis en œuvre par cer-tains spécialistes. Quant aux étiquettes,cœur du dispositif, leur nature totale-ment nouvelle donnera encore lieu àdes actions de protection intellectuel-le/industrielle (brevets…). L’étiquette estgénéralement constituée d’une petitefeuille mince de plastique ou de papier,sur laquelle on dépose une antenne(accordée à la fréquence voulue), elle-même connectée à une micro-puce desilicium. Celle-ci doit allier perfor-mances électriques, très faible coût(quelques centimes), minceur (130microns d’épaisseur), capacité à inté-grer des techniques analogiques et digi-

Traçabilité

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tales dans un cadre de très faibleconsommation car la micro-puce nepeut être alimentée que par l’énergiecaptée par l’antenne.La mise au point de normes appropriées(action en cours) rendra ces marchéstrès compétitifs, dans les domaines tantdu matériel que du logiciel.

Les nouveaux marchésouverts

Les systèmes de « traçabilité électro-nique » devraient remplacer très avan-tageusement, à terme, les fameuxsystèmes « code barre » actuels grâceaux bénéfices qu’ils procurent : riches-se et fiabilité de l’information, captureoptimisée et enrichissement des don-nées pendant le cycle de vie du produit,partage de l’intelligence (centralisée/décentralisée). L’étiquette électronique,composante majeure de ce nouveausystème, prendra la place de l’étiquette« code barre » et le lecteur celle ducouple scanners optiques/terminalapplicatif. Les puissants logiciels systè-me « traçabilité » remplaceront, eux,les logiciels de systèmes code barre. Les marchés principaux, candidats àl’utilisation de cette technologie sontles suivants :Dans la grande distribution et seschaînes d’approvisionnement, la pré-sence d’une étiquette électronique col-lée sur des palettes, colis, produits…rend possible la connaissance fine etinstantanée de l’état des inventaires etde leur localisation : la puce contient lecode du produit ainsi que toutes lesinformations pertinentes relatives à latraçabilité et, même invisible, elledemeure lisible et inscriptible électroni-quement. Ces informations sont trans-mises instantanément à un lecteur. Laconnaissance détaillée et complète ducontenu des palettes, boîtes, cartons,produits et de leur historique, s’effectuesans jamais procéder ni à des ouver-tures ni au scanning individuel dechaque produit. Selon les applications,plus ou moins d’ « intelligence » seranécessaire. Pour y faire face, les micro-puces employées pourront être de diffé-rentes puissances. On peut imaginer,par exemple, en plus des fonctions nor-males, l’utilisation d’autres fonctions,

telles que l’enregistrement des tempéra-tures subies durant le transport.L’industrie automobile bénéficiera d’unnouvel outil très performant grâce à la« traçabilité électronique ». Cette in-dustrie, dans un souci permanent deréduction des coûts (gestion simultanéede différents sites, amélioration de lafiabilité et de la compétitivité de sesgammes de produits, etc.) a déjà goûtéaux avantages de la connaissance par-faite de l’ « histoire » de ses pièces et deleur montage. La « traçabilité électro-nique » permettra, notamment, de ren-seigner, à chaque étape de l’assemblaged’un sous-ensemble, une étiquette élec-tronique pour autoriser, ou non, lapoursuite des opérations de fabricationet personnaliser le modèle fabriqué enfonction des informations contenuesdans la puce. En fin de chaîne, cettemême étiquette, témoin de la conformi-té aux spécifications de travail du sous-ensemble, ira rejoindre les étiquettesrelatives aux autres parties de la voitureen cours d’assemblage, ici ou ailleurs,pour constituer un dossier de conformi-té aux spécifications de fabrication. Cedossier ira rejoindre à son tour le dos-sier « traçabilité » pouvant, le caséchéant, être réouvert pour cause deproblème sur le terrain. Il va de soi quecette technique est directement appli-cable à la chaîne d’approvisionnementdes fournisseurs. L’ensemble de cesinformations permettra aux construc-teurs automobiles d’être plus perfor-mants et d’optimiser leur gestion àmoindre coût.D’autres industries de masse présentantdes similitudes de contraintes aveccelles de l’automobile (matériel infor-matique, téléphones portables, etc.)devraient suivre le même chemin.L’industrie de la logistique, et des ache-minements de bagages/colis/plis sécuri-sés, importante utilisatrice des systèmesde code barre voit en la « traçabilitéélectronique » la technologie d’avenirapte à satisfaire de nouvelles exigences.Une étiquette électronique collée surun objet en transit lui assure, à chaquepassage devant un lecteur, et ce, sansintervention humaine, qu’il se dirigevers la bonne destination (le coût deréclamations pour destinations erronéess’élève à 2 % du chiffre d’affaires decette industrie). On peut ainsi, à tout

instant, connaître le contenu du charge-ment d’un camion et le confronter avecsa destination finale. De même on peutrapprocher, sur demande, les quantitésd’objets réelles et théoriques, du départde l’usine, afin de prévenir coulages etfraudes.La gestion des actifs tels que les équi-pements des entreprises, les docu-ments, les livres, les CD, les DVD desbibliothèques, etc., où les sommes d’ar-gent investies sont énormes et lesrenouvellements fréquents, nécessiteun suivi strict eu égard aux durées devie concernées et tend à maximiserl’usage (exemple : réduction du tempsde cycle dans le cas des conteneurs depièces détachées). La technologie « codebarre », utilisée depuis très longtempspar ce marché a montré ses limites,notamment en ce qui concerne cesaspects fondamentaux que sont la rapi-dité des inventaires, leur précision et lesuivi des flux. La « traçabilité électro-nique » permet de combler ces lacuneset prépare ce domaine à de futursbonds en avant tels que, par exemple,les condensés de documents consul-tables sans accès direct, l’enregis-trement des interventions sur unéquipement et leur consultation à dis-tance via Internet.L’industrie pharmaceutique cumule descontraintes externes et internes trèsimportantes quant au suivi de données.Pour les premières on peut noter, entreautres, la globalisation du marché, lagestion de la péremption, les disposi-tions anti-contrefaçon ou importationsillégales (ces deux maux dégradent lesventes de l’industrie de 4 % en Europe),la traçabilité arrière ou les tarifications.Pour les secondes on peut aussi noter laqualité des matières entrantes, l’appli-cation scrupuleuse des spécificationsde fabrication, la qualité finale des lotsfabriqués, etc.L’utilisation de la « traçabilité électro-nique » permet l’enregistrement et l’ex-ploitation de données de façon fiable etcomplète, sans alourdir les processus etl’authentification des médicaments. Latechnologie « sans contact » permetd’extraire toutes les informations et deles modifier, à distance, selon un modenon intrusif. Il deviendra ainsi particu-lièrement aisé d’effectuer des inven-taires dans les pharmacies ou de

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décourager la fabrication de produitscopiés (fraudés) car les codes-produitsautorisés à la vente pourront êtreconsultés. On estime aujourd’hui que le chiffred’affaires cumulé sur les cinq pro-chaines années (2005-2010) engendrépar les différentes industries, pourraitatteindre le niveau de 20 milliards d’eu-ros. Pendant cette même période, lesinvestissements industriels en R&D etproduction passeraient de 100 millionsd’euros à plus de 2 milliards d’euros. La croissance du chiffre d’affaires pourles années au-delà de 2010 pourraitatteindre en moyenne les 30 % sur lescinq années suivantes.

L’examen de la chaîne des valeurs fait apparaîtreque cette nouvelle techno-logie sera bénéfique à de nombreux industrielsPour pouvoir faire face à la demanded’étiquettes, lecteurs, concentrateurs/serveurs, équipements de réseaux, etc.,l’industrie du semi-conducteur verraarriver une nouvelle grande opportunitéde croissance qui pourrait être de natu-re à créer de nouveaux équilibres. Auxcôtés des acteurs majeurs apparaissentdéjà de nouvelles sociétés start-ups quiouvrent la voie. Peu nombreuses, ellessont principalement situées aux USA eten France. L’industrie des étiquettesélectroniques qui, elle, a vu récemmentle jour en France, se verra tirée vers lehaut par les besoins en méga-volumes,fiabilité, robustesse et faibles coûts ;l’ensemble de ces besoins/contraintesdevrait, grâce à l’innovation, susciter denouvelles techniques de fabricationjamais imaginées à ce jour. Certainessont déjà visibles en France sous forme,par exemple, de machines spéciales dereport de puces à ultra haute cadence.De même, l’utilisation de substratspapier en électronique ouvre des pers-pectives immenses. L’ensemble de cesinnovations crée, ainsi, une nouvelleopportunité de redistribution des savoir-faire industriels et donc, des emplois. L’industrie des lecteurs devrait, elle aussi,se développer à un rythme élevé pourfaire face à la demande très spécifique de

rapidité, sécurité des transactions, fonc-tionnement en environnements hostiles(sensibilité aux rayonnements), perfor-mances de lecture à 100 % d’objetsproches les uns des autres, faibles coûtset protocoles de communication avecdes réseaux. Ces terminaux présentent denombreux points communs avec les ter-minaux bancaires, pour lesquels l’indus-triel de référence mondial est français.L’industrie des concentrateurs (middle-ware), qui sont des matériels électro-niques interfaçant les lecteurs avec lesgrands systèmes informatiques, devrait sedévelopper au même rythme que les lec-teurs, tout en se spécialisant de plus enplus en fonction des besoins spécifiques.Dans ce domaine, où les compétencesmultiples se rejoignent (matériels, logi-ciels, technologies de l’information etréseaux télécom sécurisés), il est pro-bable qu’à côté des « grands » fabricantsmondiaux de PC et éditeurs de logiciels,apparaîtront des nouveaux venus plusspécialisés et ayant acquis un savoir-fairedédié dans le domaine de la sécurité destransactions. Les grands fabricants de systèmes infor-matiques dédiés à la technologie del’information verront leurs activitéss’accroître considérablement tant enaval (réseaux locaux type Ethernet)qu’en amont (interconnexions interna-tionales de réseaux nationaux). Lescontraintes en sécurité, rapidité, méga-volumes de transactions télécom, etcoût desdites transactions peuvent faireapparaître de nouvelles vocations,telles que celles des opérateurs de télé-com qui, du fait de l’accroissementconsidérable de la demande en transac-tions et en équipements de télécommu-nication, pourraient être tentés de jouerun nouveau rôle. Les systémiers ou intégrateurs bénéfi-cieront très rapidement de cette nouvel-le technologie : ayant assuré la mise enplace des systèmes à code barre, ilsseront naturellement les premiersconsultés pour assurer la migration versla « traçabilité électronique ». Ils aurontaussi à couvrir les besoins nouveaux.Ce métier verra probablement appa-raître de nouveaux venus, grâce à uneproblématique technologique spéci-fique. En effet, jusqu’à ce jour, l’étiquet-te code-barre était considérée – à justetitre – comme un élément détenant de

l’information passive. L’étiquette élec-tronique, quant à elle, peut à la fois êtreactive et contribuer à l’intelligence dusystème. En d’autres termes, ces métiersdevront très rapidement tenir comptede cette évolution. Pour ces raisons, ilest hautement probable que de nou-veaux entrants apparaissent. La Francea de grands systémiers et voit se créerquelques nouvelles petites sociétés spé-cialisées. Les consultants seront de plusen plus sollicités du fait de la complexi-té du sujet, du degré de maturité del’offre et aussi des réglementations envigueur dans les divers pays. Lesnormes internationales étant en voie decréation (certaines sont finalisées,d’autres sont en cours d’élaboration),leur métier devrait apparaître commedes plus utiles, à condition qu’ils puis-sent aborder avec compétence tous cesaspects.

La « traçabilité électro-nique » : une opportunitéde redistribution de la richesse industrielleà l’échelle mondialeElle présuppose, pour qui désire y jouerun rôle de premier plan, l’existencedans leur environnent national d’untissu adapté de formations universitaireset de recherche fondamentale et appli-cative. Dans le cas de la « traçabilité électro-nique », la chaîne : disponibilité d’unenouvelle technologie/création de nou-veaux besoins/création d’une offreindustrielle/création d’emplois peut êtrefavorable à des pays comme la Franceoù toutes les compétences sont déjàréunies pour une phase de démarrage.En effet, pendant cette phase, la tech-nique actuellement disponible est suffi-sante et les coûts acceptables. Les coûtsnon récurrents d’installation d’un telsystème qui présentent l’avantagemajeur, rappelons-le, de réduire lescoûts économiques grâce à l’offre denouveaux services, la réduction de lafraude, la réduction des stocks et inven-taires, etc., ne sont pas très élevés etpermettent un excellent retour surinvestissement. Evidemment, ce coûtéconomique avantageux est fondé sur

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la possibilité de disposer, pour sa partierécurrente, d’étiquettes électroniquespeu chères (environ 5 centimes d’europour de grands volumes, à terme). Al’heure actuelle, ces coûts sont tout àfait réalistes, notamment dans desconditions de grands volumes de fabri-cation française. On peut noter, dès àprésent, que la sous-traitance de ces éti-quettes dans des zones de main-d’œuvre à bas coût ne se justifie pas,compte tenu, tant de la faible part de lamain-d’œuvre dans le coût global quede la part élevée du coût de trans-port/droits de douane.Au-delà de cette phase de démarrage, ilfaut envisager très rapidement desactions de fond pour accompagnerl’évolution naturelle de la demande.L’enseignement public devrait faire faceà une demande croissante de personnesformées notamment pour concevoir,fabriquer, vendre, installer, et maintenirdes systèmes de « technologie de l’in-formation », pour gérer de grandesbases de données, concevoir des maté-riels utilisant la HF, l’UHF et concevoirdes antennes en fonction de l’environ-nement.La recherche publique sera, quant àelle, sollicitée pour un certain nombred’innovations (par exemple : trouverde nouveaux matériaux très conduc-teurs, afin de composer des antennestrès performantes et peu chères, quipuissent être fabriquées sur des sub-strats à très grande échelle). Il seranécessaire aussi de mieux modéliseret comprendre les radio-fréquencesdans les environnements hostiles dela vie quotidienne, et de sécuriser destransactions par micro-cryptages ra-pides. Sur un plan plus classique, larecherche devra se pencher sur uneamélioration à court et moyen termesdes technologies analogique/digitaleactuelles des semi-conducteurs afinde réduire les coûts et d’augmenterles performances, tout en réduisantles consommations et à moyen/longtermes, de mettre au point de nou-velles technologies permettant defabriquer des micro-puces pour éti-quettes plus performantes et moins

chères, notamment en explorant lesvoies des nano et bio-technologies.

La sélection du pôle « solutions communicantessécurisées » comme pôlede compétitivité est un atout indéniable pourfavoriser le leadershipfrançais dans la « traçabi-lité électronique », en mettant en commundes moyens importants

Cette première étape pourrait rapide-ment être accompagnée de la mise enplace de programmes nationaux (carted’identité électroniques, traçabilité dedocuments et matériels sensibles, etc.),afin d’accélérer l’essor de l’industriefrançaise.

L’adoption de la technolo-gie « traçabilité électro-nique » a commencé. Elle fait le pari que les problèmes résiduelstrouveront rapidementleurs solutionsDepuis très longtemps l’industrie auto-mobile s’est intéressée au sujet et elle aadopté, pour quelques cas précis, uneversion de cette technologie sans pourautant avoir généralisé son utilisation.Toutefois, le vrai coup d’envoi a étédonné en 2004 par une société améri-caine leader de la grande distribution.Elle a été suivie de très près, en Europe,par d’autres sociétés du même secteur.Chacune de ces sociétés dispose d’unplan de migration pour passer du code-barre à la « traçabilité électronique », etles premiers projets pilotes ont démar-ré. De grandes sociétés de logistiqueont, elles aussi, adopté la traçabilité

électronique et certaines l’utilisent déjàà grande échelle. D’autres cas de cetype pourraient être cités un peu par-tout dans le monde, y compris enChine. Il reste néanmoins de nombreux pro-blèmes à résoudre car les standardsinternationaux disponibles sont loind’être complets. Rappelons, toutefois,que l’existant constitue une base dedépart acceptable et que le travail decréation des normes internationalescomplémentaires est en cours et avancenormalement, compte tenu de la com-plexité des sujets. Dans un cadre voisin,et non moins important, les manquesd’harmonisation internationale tant enmatière de puissances d’émission deslecteurs que de fréquences autoriséesdans chaque pays sont à noter. Cesdeux points constituent un obstaclemajeur à la création d’une offre com-merciale transfrontières de cette tech-nologie. Les performances des étiquettes restentinsuffisantes, dans certains cas particu-liers où l’aspect « plan » d’une étiquet-te n’est pas toujours compatible avecl’aspect « volume » de l’émission/réception des ondes radio. De même,les matières dont sont constitués lesobjets porteurs d’étiquettes influencentla performance de celles-ci. Les coûts des étiquettes électroniquesétant liés aux volumes vendus, tant queceux-ci n’atteignent pas des niveauxannuels importants (de l’ordre du mil-liard d’unités), un certain attentismepeut voir le jour et freiner l’éclosion àgrande échelle de ces marchés.La plupart des problèmes résiduelstrouveront leur solution grâce à l’actiondes industriels. Certains d’entre euxnécessiteront, cependant, des actionsde nature réglementaire, voire mêmelégislative. C’est le cas des objets éti-quetés électroniquement portés par despersonnes. Celles-ci, dans ce cas, pour-raient être « tracées » à leur insu. Si desproblèmes liés à la protection de la vieprivée peuvent voir le jour, il existe déjàde nombreuses solutions en fonctiondes degrés de protection recherchés,certaines étant déjà validées. ●

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l e s t e c h n o l o g i e s

Les technologies de l’informa-tion constituent un levier

majeur du développement éco-nomique et, par là, de l’amé-

nagement des territoires. Les politiques publiques ont

initialement privilégié le sou-tien aux infrastructures natio-nales de réseaux ; l’effort doit

dorénavant porter sur l’im-plantation de l’Internet à hautdébit dans les territoires trop

peu denses pour avoir été irri-gués par les infrastructures

commerciales.

par Jacques Pomontiet Françoise Roure,

Membres du Conseil généraldes technologies de l’information

(CGTI)

L e consensus des économistes surun diagnostic intéressant l’évolu-tion d’une situation économique

déterminée est suffisamment rare pourêtre noté. Tel est pourtant le jugementgénéralement porté sur la croissanceremarquable de l’économie américaine

tout au long des années 90, à savoirqu’elle a tenu, pour une large part (d’au-cuns disent : plus de 50 %), à la bonneappropriation des nouvelles techniquesd’information (usage de l’ordinateur et del’Internet) par les structures productives,notamment dans les petites et moyennesentreprises. L’utilisation massive et efficace de ceséquipements nouveaux a ainsi forte-ment contribué à la modernisation desstructures, du fonctionnement collectif,au changement des comportementsindividuels, contribuant à une sensibleaugmentation de la productivité d’en-semble. D’une manière générale, l’apport destechnologies de l’information et dela communication s’avère un leviermajeur pour accompagner les muta-tions industrielles, stimuler l’innova-tion et la création d’emplois dans nossociétés avancées, dites post-indus-trielles ou encore sociétés de l’informa-tion. Cela est de nature à favoriser undéveloppement économique durable etde qualité, à faciliter l’accès et l’utilisa-tion des connaissances à des fins mul-tiples, et à faire évoluer en profondeurles organisations tant sociales que pro-ductives.

Les enjeux macroéconomiques des TIC Ces enjeux sont considérables, d’autantque ce qui vaut pour l’économieconcerne naturellement, et tout aussiactivement, le développement et l’amé-nagement des territoires.

Et pourtant, force est bien de constaterque ces enjeux demeurent sous-estiméspar les décideurs publics – administra-teurs et responsables élus – qui ne dis-posent trop souvent que d’une visionpartielle et de court terme quant à leurpotentiel de renforcement de l’efficaci-té de l’intervention publique dans lechamp économique et des politiquespubliques conduites dans les territoires(avec leur diversité et les spécificités quiles caractérisent). Outre la réalité de l’organisation histo-riquement cloisonnée des administra-tions de l’Etat en France et la singularitédu mode de recrutement et de renou-vellement de ses couches dirigeantes,cette myopie relative des pouvoirspublics peut s’expliquer par la difficultéde dépasser le caractère hétérogène etfragmenté des systèmes d’informationet par la lenteur de l’assimilation desapports récents des travaux de prospec-tive appliqués aux territoires. Notons ici que les conséquences decet état de fait ne sont pas minces dupoint de vue de la politique publique.Cela conduit notamment à faire sup-porter par la collectivité le coût indude la défaillance numérique, en parti-culier dans les zones territoriales lesmoins denses et, par conséquent, lesmoins rapidement rentables. Une tellesituation doit donc être combattueavec force au moyen, par exemple,d’une amélioration significative desméthodes d’évaluation, du choix deleurs critères par les acteurs concernéset, dans le domaine précis de l’amé-nagement du territoire, d’un investis-sement conséquent dans des outilsadéquats tels que les systèmes d’infor-

La contribution décisive des technologiesde l’information au développement

économique et à l’aménagement du territoire

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mation géographique et les enquêtesdes observatoires régionaux del’Insee.

Les trois axes principauxde la contribution des TICau développement de l’économie et des territoiresLes TIC peuvent jouer un rôle détermi-nant pour favoriser l’accélération etl’inflexion qualitative du développe-ment économique ; apporter une aidepuissante à la préparation des acteursprésents sur ces territoires à l’entréedans une société de la connaissancehyper compétitive et mondialisée ; etenfin influer sur l’efficacité des organi-sations qui, pour n’être pas aisémentquantifiable, n’en demeure pas moinstout à fait essentielle, de la très petiteentreprise aux principaux employeurspublics ou privés d’une région. Cestrois affirmations méritent une rapideexplication :

L’accélération et l’inflexion qualitative du développementéconomiqueCette affirmation découle d’un constatfort et décisif : l’accès à l’Internet bou-leverse le rapport du producteur avec lemarché. Ce rapport n’est plus, commedans tout ce que nous avons connudepuis l’origine des temps, proportion-nel à la puissance de l’entreprise, à sacapacité d’investissement et à sa surfa-ce commerciale. L’Internet supprimetout cela : d’un seul « clic », le produc-teur, quelles que soient sa localisationet la dimension de son unité écono-mique, peut, en principe, accéder àl’ensemble du marché planétaire poten-tiel qui correspond à son produit. Nous disons « en principe », car ilconvient que les moyens de connexionlui soient assurés en quantité appro-priée et à un prix abordable. Celarevient à dire : - que le déploiement partout desmoyens modernes de la communica-tion électronique, en capacité suffisante(haut débit), est un enjeu déterminantde la compétition économique ;

- que ce déploiement n’étant pas garan-ti par le seul jeu du marché (l’intérêt desopérateurs est d’aller au plus rentable,c’est-à-dire là où la densité des utilisa-teurs assure une profitabilité rapide etoptimale), l’intervention publique estnécessaire ; Cette intervention publique a deseffets positifs très puissants sur ledéveloppement économique local etau-delà, y compris en matière d’inno-vation et de recherche, et représenteaujourd’hui, de ce fait, l’un desleviers les plus importants tant dupoint de vue de la politique écono-mique que de celui de l’aménage-ment du territoire.

Une aide puissante à la préparation des acteurs présents sur ces territoires à l’entrée dans une société hypercompétitive et mondialisée de la connaissanceEn d’autres termes : la bonne efficacitéde l’apport des communications élec-troniques au développement écono-mique et social et à celui des territoiresrequiert deux accompagnements, quisont autant de conditions d’amont(s’agissant, par exemple, de la capacitéd’anticipation des décideurs et desaménageurs) et d’aval (notamment pourassurer la pleine compréhension et l’ef-ficacité des responsables et des exécu-tants).Ces deux accompagnements consistenten :- la bonne préparation des acteurslocaux, problème à la fois d’informa-tion (pertinente et disponible) et de for-mation (cela commence à l’école !),d’une part ; - la disponibilité d’une logistique d’ac-compagnement et de maintenance quisoit à la fois permanente et sûre, d’autrepart. On retiendra que l’interventionpublique, qu’elle soit locale ou na-tionale, est, sans doute, davantageconcernée par le premier niveau d’ac-compagnement. On peut normalementattendre du marché, sous réserve de sabonne régulation, qu’il dispense defaçon satisfaisante les prestations rele-vant du second niveau d’accompagne-ment.

Leur influence sur l’efficacité des organisations qui, pour n’êtrepas aisée à quantifier, n’endemeure pas moins tout à faitessentielle, de la très petiteentreprise aux principauxemployeurs publics ou privésd’une région

Il convient ici de rappeler le constatparticulièrement éclairant signalé plushaut quant à l’apport très sensible destechnologies de l’information à laremarquable croissance de l’économieaméricaine tout au long des dix der-nières années du siècle passé (gains deproductivité dans l’appareil de produc-tion apportés par une introduction mas-sive et adaptée de ces technologiesdans les entreprises, notamment detaille petite ou moyenne). Il faut aussi rappeler un deuxièmeconstat, plutôt négatif et qui sembleconcerner la France : ce serait précisé-ment sur ce point que le retard dansnotre pays serait le plus grand : celui dela prise de conscience par les milieuxdécideurs, et, plus largement, des« encadrements », de l’importance del’accès à l’ordinateur et à l’Internet dansle domaine professionnel et dans celuides études. En témoignent, parexemple, les résultats de l’enquêteannuelle du CGTI pour 2005 (enquêtequ’il réalise désormais conjointementavec l’Arcep) qui font apparaître, entre2004 et 2005 en France, une stagnation– voire une régression – de l’usage del’ordinateur et de l’accès à l’Internettant sur le lieu du travail, que sur celuides études !Le retard de prise de conscience estdonc réel. C’est une responsabilitéimportante – même si elle n’est pas suf-fisante – des responsables publics qued’agir pour y remédier, à la fois entermes d’affichage des priorités et d’in-tervention plus directement opération-nelle. Remarquons, par exemple (ils’agit là, en l’occurrence, de notrepropre domaine de responsabilité ausein de l’administration nationale) quela nouvelle présentation budgétaire ins-taurée par la LOLF, qui vise à identifierles dépenses de l’Etat en fonction de laréalisation des missions publiques aux-quelles elles correspondent, retientbien l’approvisionnement énergétique

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comme mission importante, mais pasles technologies de l’information !S’agissant maintenant plus précisémentd’aménagement du territoire : on note-ra tout d’abord que l’approfondisse-ment de la déconcentration ainsi queles progrès continus de la décentralisa-tion conduisent à moderniser la mise enœuvre des missions publiques concer-nées par les technologies de l’informa-tion et de la communication. Lesresponsabilités imparties à chaqueacteur public selon le principe de sub-sidiarité en vigueur méritent une expli-citation qui soit compréhensible partous, en particulier lorsqu’une alloca-tion de fonds publics est nécessaire.Par ailleurs, les politiques publiquesnationales visant à utiliser les TIC à desfins de développement ont porté priori-tairement sur les infrastructures natio-nales de réseaux, avec une bipolarisationde l’intervention publique sur la cou-verture des zones blanches de la télé-phonie mobile d’une part, et lelancement d’un grand programme d’ad-ministration électronique d’autre part.L’expansion de cette politique doitdorénavant s’attacher à apporterl’Internet haut débit dans les territoiresqui ne sont pas spontanément desser-vis, pour des raisons de profitabilitéinsuffisante de l’investissement.Aussi le dossier de presse du comitéinterministériel d’aménagement et dedéveloppement du territoire du 3 sep-tembre 2003 (CIADT) a-t-il affirmé l’uti-lité des TIC au service des territoiresruraux en ces termes : « Le Président dela République s’est engagé sur l’objectifd’offrir, d’ici 2007, à toutes les com-munes de France un accès à haut débit,en particulier pour les zones qui nebénéficieront pas de l’investissementdes opérateurs privés ». Toutefois, il nes’agissait en rien de la substitution del’Etat aux opérateurs privés, mais del’ouverture réglementaire de la capacitédes collectivités locales d’établir etd’exploiter des réseaux de télécommu-nications en s’appuyant sur l’article1425-1 du Code général des collectivi-tés territoriales.

Les fonds publics mobilisés par les col-lectivités locales à des fins de servicepublic local de communications élec-troniques proviennent dorénavant detrois sources : le fonds européen d’amé-nagement régional, les aides de l’Etataux régions et enfin les finances localesissues de l’impôt et de l’emprunt. Selonla Commission européenne, c’est lalenteur de l’expansion des services àlarge bande qui imposait de repenser lerôle du financement public en tenantcompte de son caractère stratégiquepour le développement économique. Tout en faisant ce constat, la Com-mission a tenu à souligner, dans seslignes directrices de juillet 2003 (1),que le renforcement de la cohésionsociale et économique dans la sociétéde l’information dépendait de la capa-cité des régions à intégrer les tech-nologies de l’information et de lacommunication dans leurs politiquespubliques. Depuis ce moment, 100 mil-lions d’euros issus des fonds structurelseuropéens ont été réservés à la réalisa-tion d’une cinquantaine de projets deréseaux à haut débit dans les départe-ments ou les agglomérations (2).Toutefois les régions, compétentespour le développement économique,ne sont pas toutes, à ce jour, en posi-tion favorable pour obtenir des opéra-teurs des offres de services quis’adressent à tous, dans des conditionsde prix abordables. Elles ont pourtant,en principe (et du moins potentielle-ment, car il y a toujours un certaindélai pour une pleine compréhensionde configurations juridiques, techno-logiques et financières très nouvelles),la taille critique nécessaire pour sedoter d’une expertise technique etjuridique adéquate et inciter les terri-toires à se structurer en projets écono-miques cohérents. Cela se fait parfoisen partenariat avec les services exté-rieurs de l’Etat, au premier rang des-quels les secrétariats généraux pourl’aménagement régional (Sgar) aux-quels a été confiée une mission spéci-fique dans le domaine des TIC, voireen ayant recours aux conseils de cer-

taines sources d’expertise de niveaunational comme le CGTI (décision duCisi de juillet 2002). La relation avec l’opérateur historique(doté d’une position largement domi-nante dans les zones non-commer-cialement rentables en matière detechnologies matures), délicate du faitdu nécessaire renforcement des capaci-tés de négociation des collectivités ter-ritoriales en ce domaine, est toutefoisen train d’évoluer, comme le montrel’expérience innovante de la Corse,dans le cadre de son projet de dévelop-pement insulaire numérique.Autre exemple : l’utilisation des TIC auservice des gens et comme levier depolitiques publiques horizontales dansde multiples domaines comme la com-pétence et la spécialisation, ainsi que lacohésion et l’efficacité, a été réaliséedans une des régions les plus impor-tantes du territoire métropolitain, enPACA (Provence Alpes Côte d’Azur), ens’appuyant sur une vision prospective,consolidée par un système d’informa-tions géographiques particulièrementdéveloppé. Ces deux expériences complémentairesau regard des leviers identifiés mettenten relief les objectifs et les moyensd’une action publique locale ainsi quecertaines limites à dépasser pour tirer leplein bénéfice des apports des TIC audéveloppement des territoires. Compé-titivité et attractivité durable des terri-toires constituent une dimension vitaledu dynamisme économique et de lacohésion sociale de l’ensemble natio-nal et européen. L’accélération de lapénétration et de la pleine utilisationdes technologies de l’information enreprésente une composante détermi-nante, justifiant amplement la mobilisa-tion de tous les acteurs, publics etprivés. ●

(1) Les directrices relatives aux critères et modalitésde mise en œuvre des fonds structurels en faveurdes communications électroniques, 28.07.2003SEC(2003)895 CE.(2) « La France et la société de l’information »,Délégation aux usages de l’Internet, Services duPremier ministre, www.delegation.Internet.gouv.fr.

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l e s t e c h n o l o g i e s

Les modes de vie, les systèmesde production et d’échanges ont

déjà considérablement évoluégrâce aux nouveaux outils et

services issus des technologiesde l’information et de la com-

munication. Si la concentrationmultifonctionnelle des outils

futurs l’emporte, les servicesassociés devraient être au cœur

des applications à venir.

par Jean-Paul Laurencin,Economiste chargé de recherche

et Evelyne Janeau (1),Psychologue (Luce/MSH-Alpes)

I l est volontiers admis que les nou-veaux produits et services issus destechnologies de l’information et

de la communication (TIC) devraientmodifier en profondeur nos façons devivre, d’échanger et de produire. La loide Moore (2) qui règle le progrès de latechnologie la plus générique n’est-ellepas là pour garantir la diffusion et lesusages de plus en plus nombreux desinnovations dans ces domaines ? La loide Moore n’est cependant pas une loiéconomique et la question des marchésde ces nouveaux produits et servicesreste posée. Pour la plupart d’entre eux,

les marchés n’existent pas encore (3), àtel point d’ailleurs que face à l’épreuvedu marché, le contenu de cette offre sifoisonnante et si variée ne se prête passpontanément à l’investigation. Cet ar-ticle se propose d’éclairer ce paradoxeet d’apporter des éléments positifs pouranalyser cette situation et répondre à laquestion posée plus haut. Dans ce but, il comprend cinq étapesdont les deux premières proposentd’abord des éclairages préalables.Ainsi, que désigne-t-on quand on parled’ « objets communicants, interactifs »,de smart objects, communicatingdevices, de « terminaux éclatés,enfouis, d’intelligence ambiante, d’in-formatique ou d’environnement ubi-quiste » (4)… » ? Répondre à cette question et proposerune recension intelligible impose depréciser auparavant ce qu’on entendpar technologies de l’informationet de la communication. Après cerappel, on se livre à la recension desobjets et services communicants(OSC) existants et en gestation. Cecipar grands domaines d’applicationsou d’usages. Un constat ressort de cerelevé : si certains artefacts, objets etservices sont propres à un domaine,d’autres sont communs ou transver-saux à plusieurs d’entre eux. C’estbien sûr l’indice d’une plus grandecapacité de diffusion de ces OSC et deleur rôle potentiellement moteur dansles évolutions des marchés. Mais c’estaussi autant de dilemmes pour lesentreprises dont l’offre se situe à larencontre des évolutions techniques etdes attentes des marchés. D’où desdilemmes techno-économiques tel

celui opposant la variété d’objetsspécialisés fonctionnellement à laconcentration multi-fonctionnelle surquelques objets-clés. Cependant, cetype d’alternative est autant (et mêmeplus…) lié aux pratiques d’usagequ’aux capacités technologiques.D’où l’intérêt d’une approche socio-économique pour appréhender lescontextes et le jeu des variables d’ac-ceptabilité (fonctionnelles, cognitives,d’usage, de prix) qui sous-tendent l’at-trait des nouveaux produits et servicescommunicants. Cet attrait sous-tend les comportementsdes futurs usagers et les décisionsd’achat qui contribueront à construireles marchés de ces nouveaux produitset services issus des TIC. En nous situantdans un horizon temporel de 2 à 5 ans,nous présenterons enfin ces perspec-tives d’évolution des marchés, en ras-semblant les anticipations les plus

Nouveaux objets communicants :une offre potentielle foisonnante

pour quels marchés ?

(1) Jean-Paul Laurencin est économiste, chargé derecherche au CNRS et responsable du serviceInnovation-Valorisation de l’université PierreMendès-France. Evelyne Janeau est psychologue; elle assure lacoordination de l’équipe-projet Luce (LaboratoireUsages, Conception, Evaluation). Ce laboratoire,dirigé par P. Mallein est basé à la MSH-Alpes deGrenoble.Nous remercions particulièrement Joëlle Coutaz duCLIPS-IMAG et de l’université Joseph Fourier pourles échanges que nous avons eus avec elle ainsique les participants au séminaire du Luce où cetexte fut d’abord présenté.(2) Selon cette loi, une évolution cyclique pro-voque une miniaturisation de plus en poussée despuces constituant le cœur des objets communi-cants avec une augmentation de leur puissance etune baisse de leur coût de production.(3) Allusion à l’ouvrage de P. Millier, L’étude desmarchés qui n’existent pas encore, Editions d’orga-nisation, Paris, 2002.(4) Cf. le numéro de la revue Les Cahiers du numé-rique, coordonné par P. Mallein et G. Privat : « Cesobjets qui communiquent » Vol 3 n° 4 – 2002, ainsique C. Kintzig, G. Poulain, G. Privat, P.-N. Favennec (dir), Objets communicants, Paris,Hermès, 2003.

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admises à ce sujet – anticipationsbasées sur l’évolution probable desmarchés existants (5).

Les TIC : trois technologies liées et un foisonnement d’applications

Trois technologies en convergenceconstituent ce qu’on appelle les tech-nologies de l’information et de la com-munication (TIC). Ces technologiesmettent en présence plusieurs secteursindustriels et de services dont la coordi-nation repose sur les seules relationsque nouent entre elles les entreprises deces secteurs. Il s’agit de :- la micro-électronique, qui permetla fiabilité et la miniaturisationdu traitement dusignal, de l’image,de la mesure,de la commande.Cette technologierecouvre notamment l’industrie descomposants (les semi-conducteurs),qui produit les mémoires et les pro-cesseurs ;- l’informatique, c’est-à-dire les maté-riels et les technologies logicielles per-mettant la numérisation de données detoutes sortes, textes, images, sons ainsique la réalisation des interfaces entreles supports techniques et les utilisa-teurs ;- les télécommunications, qui permet-tent le transport de données multimé-dias et les interactions afférentes à cetransport, facilitées par les techniquesmultimédia de communication, leséquipements à haut débit (commel’ADSL) accroissant les possibilités dansce domaine. Pour de nombreux observateurs (6), lacombinaison de ces technologies elles-mêmes traversées de progrès incessantset spectaculaires a une telle portée quecertains y voient la marque d’un nou-veau paradigme – le paradigme infor-mationnel et communicationnel –révolutionnant le système techniqueantérieur. D’où le foisonnement desapplications actuelles, et plus encorefutures, des TIC, comme le montrenotre recension ci-après.

Dans l’avenir, on devrait en effet assisterà la multiplication de nouveaux produitset services dans notre environnement etdans notre mode de vie, avec l’intégra-tion croissante de capteurs/actionneurs,de dispositifs interactifs, d’ordinateurs etautres terminaux activés dans desréseaux intelligents… tout cela illustrantles expressions ambient intelligence ousmart system mises en avant par exempledans le 6e PCRD de l’Union européenne.A partir des communications de per-sonne à personne, observées aujour-d’hui, on devrait voir se réaliser desconnexions d’objets à objets, associéesou non à des utilisateurs et disposant decapacités propres de traitement de l’in-formation et de communication.Les applications peuvent concerneraussi bien notre environnement domes-tique que professionnel ou public etmettre en jeu des réseaux ad hoc

pouvant gérer cesmultitudes d’objetsdans des interac-tions dynamiques.De là à considérer

la transformation possible de tous lesobjets et services de notre environne-ment en objets et services communi-cants, capables même d’assurer, encomplément de leur fonction utilitairede base, des fonctions d’utilisateurs, deserveurs, de médiateurs, de gestion-naires de sous-réseaux, il n’y a qu’unpas, que certains travaux de prospectivefranchissent aisément (7). Il n’en va pas de même pour les indus-triels, contraints de s’assurer de l’ac-ceptabilité et de la valeur desnouveaux objets et services pour lesusagers. Il convient en effet que lesinnovations soient adaptées à desattentes réelles des usagers et qu’ellessoient également assez attractivespour fonder une propension à payerl’acquisition de ces nouveaux objetset services.C’est l’objectif des laboratoires de l’usa-ge et du travail pluridisciplinaire ensciences humaines sur les plates-formesde conception des innovations que des’en assurer (8).Dans la problématique habituelle dumarketing ou de la sociologie de l’usa-ge, il est naturel de mettre l’accent surles usages finaux de ces nouveaux pro-duits et services.

De nombreux usages le sont cependantà titre de composants ou de dispositifsdestinés à la production d’autres pro-duits ou services. C’est le cas parexemple de produits comme : les(micro)-capteurs sensoriels, les (micro-)processeurs, les amplificateurs de puis-sance, les composants pour oscilla-teurs, les outils de segmentationd’images, les logiciels de test deconception de circuits intégrés, lesréseaux optiques. Il en est de mêmed’un service tel que la télé-surveillancede machines. Ces produits, services ouprocédés remplissent des fonctionstypiques de biens intermédiaires etd’équipements qui sont au cœur desdémarches de qualité et de productivitédes entreprises. On ne fait ici que signaler en bloc cesapplications, dont la demande de lapart des entreprises est pourtant réputéestratégique dans l’activité des secteursindustriels, tant par l’importance desventes que par la technicité de cesapplications. R. Boyer rappelle à cepropos le paradoxe signalé par desétudes américaines portant sur lademande des entreprises, paradoxeselon lequel la plus forte demandeconcerne celles des TIC (9).Sans mésestimer cette part de l’offredes secteurs des TIC, nous limiteronsnotre recension aux produits et ser-vices associés susceptibles d’utilisa-tions finales par les particuliers et lesentreprises. Quels sont les grandsdomaines dont relèvent ces produitset services et à quelle recension seprêtent-ils ?Une typologie en six catégoriesrépond à la première de ces deuxquestions.

(5) La cellule de veille des marchés du CEA deGrenoble, dirigée par Sophie Min, est une sourcetrès précieuse d’informations sur ce point, cesinformations étant collectées à l’échelle d’unréseau mondial de prospective des technologies etdes marchés.(6) Cf. P. Mallein, G. Privat. Ces objets qui commu-niquent, op. cit.(7) Cf. le programme de la « Société de l’informa-tion » avec le projet « Global smart system » dusous-programme FET (Future emerging technolo-gies) dans le Programme de R&D de l’Union euro-péenne (PCRD).(8) Les méthodes de la conception participativeorientée usage telles qu’elles sont développéesdans le laboratoire Luce répondent à cet objectif.Cf. J. Caelen (sous la direction de), Le consomma-teur au cœur de l’innovation, CNRS-Editions,2004.(9) R. Boyer, La croissance début de siècle, de l’oc-tet au gène. Ed. Albin Michel, 2002.

Les applications peuvent concer-ner aussi bien notre environ-nement domestique queprofessionnel ou public

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Six domaines d’applicationDeux domaines relèvent des deuxsphères principales de la vie d’un indi-vidu, sans que l’on songe ici à distin-guer les individus selon l’âge, le sexe,les croyances, la situation familiale,sociale, la qualification professionnelle,le type d’emploi, le niveau de revenu : - la sphère des individus dans le cadrede la vie privée ; - la sphère des individus dans le cadrede la vie professionnelle ; - la sphère des entreprises dans leurfonctionnement interne et leurs rela-tions avec d’autres entreprises ;- trois domaines transversaux méritentégalement d’être distingués, là où sontprésentes des institutions publiquesdont les moyens d’action peuvent êtreaccrus ou modifiés par les lois et régle-mentations. Il s’agit des domaines rela-tifs aux secteurs de l’environnement etde la santé, des transports et de la mobi-lité et de la sécurité. On distinguera donc six domaines,sachant qu’il serait possible d’en isolerd’autres tel que celui de la formation.Sans doute serait-il possible de considé-rer une autre typologie, prenant uni-quement en compte les trois sphères dela vie d’un individu – la vie privée, pro-fessionnelle et publique. Quelle quesoit la typologie mise en avant, lesdomaines d’application recouvrent desoffres très inégales en termes de volumeet de variété.Les segments de marché (dont la plu-part sont d’ailleurs potentiels) ne sontcependant pas cloisonnés. Pour unOSC présent dans plusieurs domaines,on admettra alors qu’il a plusieurssegments de mar-ché potentiels. Unusage commun àdeux ou plusieursdomaines contri-bue également à faciliter l’acceptabilitédu nouvel objet/service, du fait de sonutilité dans plusieurs contextes et pourdifférents usagers possibles. Cela neveut cependant pas dire qu’on a là lesmarchés qui promettent d’être les plusporteurs.Chaque semaine apportant son lotd’applications nouvelles, telles que lestravaux de veille technologique en indi-quent l’émergence (10), les listes pro-

posées ci-dessous sont surtout illustra-tives de la diversité de l’offre danschaque domaine, la diversité des ser-vices étant encore plus grande quecelle des objets de consommation oud’équipement. Ainsi peut-il en êtredemain de tout objet courant enrichi dece qu’on appelle une « réalité augmen-tée » propice à une numérisation d’in-formations captées et à des interactionsentre des objets, ou entre des personneset des objets.

Dans la vie privée des individusC’est dans cette sphère que l’on obser-ve le plus grand nombre d’OSC, exis-tants et à venir. On y trouve les outils etles procédures attachés à l’organisationde notre temps, de notre communica-tion avec les autres et à la gestion denos affaires personnelles et de nos loi-sirs. C’est dans cette vaste probléma-tique d’usage qu’on rencontre parexemple : le lecteur-enregistreur audio-vidéo portable, l’organiseur personnel(PDA), l’ordinateur à caméra intégrée,l’ordinateur portable avec courrier élec-tronique et accès à Internet, le télépho-ne mobile multimédia ou de 3e

génération (avec caméra intégrée, cour-rier électronique et accès à Internetgrâce à la norme UMTS), le stylo com-municant, le e-book, la montre-caméra,le vêtement communicant (écransouple sur fibres optiques intégrées), latéléportation visuelle (avec navigationen 3D), la puce bio-métrique, la télé-surveillance, le badge de paiement, latélécommande des équipements del’habitation, le réfrigérateur intelligent,la télévision numérique interactive

(avec modem etaccès à Internet),l’appareil photo-numérique avecses applications

secondaires (webcam, lecteur MP3,dictaphone), la navigation en 3D pourjeux videos en réseaux multi-joueurs ouforums de rencontre, la carte d’électeurélectronique, le baladeur MP3, le lec-teur et enregistreur de DVD, le robotanimalier, le robot d’assistance à ladomotique. Citons enfin comme projetemblématique d’un groupe commeSony, la PSX, attendue en 2005. Ce pro-duit phare de l’avenir est une machine

multimédia avec un tuner de télévision,un disque dur, un enregistreur de DVDet une connexion Internet sans fil quipourrait gérer tous les contenus numé-riques (photos, vidéo, jeux, pro-grammes, télévision, films, musique,Internet).

Dans la vie professionnelle des individusL’éventail de l’offre est plus réduit etl’on retrouve là quelques-uns des OSClistés plus haut et, à côté de ceux-ci, desOSC plus spécifiquement dédiés à lavie professionnelle. On peut ranger eneffet dans cette catégorie : l’organiseurpersonnel (PDA), l’ordinateur portableavec courrier électronique et accès àInternet, le stylo communicant, le vête-ment communicant, le téléphone mobi-le avec courrier électronique et accès àInternet (haut débit avec l’ADSL), le e-learning ou télé-enseignement, la-téléassistance, la télé-activité, la communi-cation médiée par l’environnement

Dans les entreprises et dans les relations entre les entreprisesA l’intention des entreprises, on trouveune offre souvent basée, comme pourles particuliers, sur des objets multi-fonctionnels (les ordinateurs surtout)mais avec des usages à forte dimensionprocédurale et avec autant de servicesrépondant aux fortes contraintes decoordination et de communicationentre de nombreux agents. On peutainsi distinguer les OSC suivants : latélésurveillance (dans l’entreprise), lasécurisation des paiements, la confi-dentialité des transferts d’information(cryptage), les étiquettes interactives, laliaison EDI, l’Intranet, le stockage dedonnées à distance, le vêtement com-municant, le visiophone, le e-business,la télé-assistance, la télé-activité, le e-learning, la traçabilité, le Web confe-rencing (e-conférence), le tableaumagique, le badge communicant, lesconnexions entre ordinateurs, lesréseaux d’objets communicants dansun espace de travail (capteurs sans filavec bluetooth), la visiophonie, le télé-

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(10) Ainsi la veille technologique opérée dans lesMedias lab. aux USA et les laboratoires de l’usageen France (dont le laboratoire Luce à Grenoble).

A l’intention des entreprises, ontrouve une offre souvent basée,comme pour les particuliers, surdes objets multi-fonctionnels

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diagnostic des processus de fabrication,le télé-contrôle, la télé-manipulation,la télé-robotique mobile, le serviceInternet à haut débit, le réseau de trans-port IP à très haut débit.

Dans le domaine de l’environnement et de la santéComme pour les deux domaines sui-vants, l’offre est ici beaucoup plusréduite. Elle suppose en général qu’unsuivi puisse être opéré par des profes-sionnels alertés en cas d’incident et,ceci, aussi bien pour la santé que pourles atteintes à l’environnement. Citons :le capteur ou puce biométrique qui per-met la mesure des paramètres phy-siologiques (le capteur de pressionpulmonaire par exemple), la télésur-veillance (bracelet de téléalarme, giletavec détecteur de chute), la carte àpuce (Vitale), les implants biotech-niques, les capteurs de péremption desmédicaments pouvant être disposésdans une armoire à pharmacie elle-même communicante, l’accéléromètrepour pace-maker, le capteur audiointelligent pour la télémédecine, la télé-simulation chirurgicalePour la protection de l’environnement,on peut évoquer les capteurs auto-nomes en réseau laissés dans l’environ-nement ou « sensor networks », latéléobservation environnementale, latélédétection.

Dans le domaine des transportset de la mobilitéOn retrouve des artefacts déjà men-tionnés comme, par exemple : le télé-phone mobile multimédia ou de 3e

génération avec caméra intégrée etservice de localisation par accès àInternet grâce à la norme UMTS) (11),le badge de paiement, la carte detransport, la localisation par GSM/GPS(service d’autoguidage et d’aide aucheminement). D’autres artefacts serapportent plus spécifiquement à cesfonctions : le système d’aide à laconduite (spatio-guide), le télédia-gnostic des pannes des véhicules, latélésurveillance (dans les transports encommun), la navigation en 3D, laborne interactive d’information, labalise intelligente.

Dans le domaine de la sécurité

On retrouve ici certains OSC suscep-tibles d’être utilisés dans le domaineprécédent : la télésurveillance (ou télé-détection), la caméra communicante,les bornes d’information, la téléalarme,mais aussi, entre autres, le vêtementcommunicant et lebracelet de sur-veillance.Au terme de cetterevue de l’éventailde l’offre (existante et émergente) danschaque domaine, on constate que cer-tains OSC prennent place dans plu-sieurs domaines, redoublant ainsi lesopportunités de marché de ces pro-duits. La réalité de ces marchés n’enreste pas moins sous-tendue par toutesles variables qui font la porosité et laplasticité des frontières séparant entreeux les domaines que nous avons dis-tingués, sous l’effet des logiques à lafois techniques, économiques etsociales qui traversent ces domainesd’application. On est dès lors conduit à discerner et àexpliciter ces variables et ces logiques.Ceci nous amène d’abord à prendre lamesure des évolutions techno-éco-nomiques en cours, avant de poserquelques points de repère qui nousparaissent indispensables pour appré-cier l’acceptabilité des nouveaux OSCet les perspectives de marché des OSCexistants, et à venir.

Une lecture des évolutionstechno-économiques en coursDifférentes clés existent à cette fin : ladistinction en fonction de la valeur uni-taire des produits offerts, la relationentre les instruments et les surfaces, quiest une constante du monde des objetscommunicants et enfin – et surtout – lecouplage entre l’intégration et la mobi-lité logicielle.

Du haut de gamme vers le bas de gamme (12)

Cette approche distingue quatre catégo-ries d’objets communicants, ceux :

- d’accès au réseau (ordinateur,PDA…) ;- portatifs (stylo ou vêtement communi-cant…) ;- d’environnement (capteurs de pollu-tion…) ;- passifs (étiquettes électroniques,badges…).

Alors que la pre-mière catégorie re-couvre les objetsde haut de gammemais d’un marché

étroit – des centaines de millions àl’échelle du monde – ouvert selonJ. Rifkin à une élite (13), à l’autre extrê-me, la quatrième catégorie recouvre lesobjets bas de gamme à très faible prixqui équiperont les objets manufacturésles plus courants et dont le marchémondial est de quelques trillions.Les catégories 2 et 3 ont quant à ellesun marché de dizaines de milliards.Parallèlement à cette typologie, G.Privat considère que l’évolution techno-économique s’analyse comme la mon-tée de l’informatique enfouie donnantaux objets communicants une immaté-rialité et une subjectivité croissantes,tout en reconnaissant qu’il y a là unevision technologiste discutable auregard des observations anthropolo-giques.

La relation entre instruments et surfaces

Le monde des objets communicantsest fait de surfaces qui sont desespaces d’information et de commu-nication et d’instruments qui sont desopérateurs d’information et de com-munication (14). Un même objet peutêtre un outil pour plusieurs usages dèslors qu’il est dans certains cas surfaceet, dans d’autres, instrument. Au-delàde la seule amélioration des télé-

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(11) Selon France Télécom R&D, les services asso-ciés à la 3e génération donneront toute sa dimen-sion à la notion de mobilité. Il s’agit du transfert desvoix, images, données, de l’accès aux informationsde toutes natures, transfert de photos ou demusiques.(12) On reprend ici l’analyse de G. Privat dans LCNn° 4-2002. Cf.aussi F. Mattern, From smart devicesto smart everyday objects, SOC’2003 (« Smartobjects Conference »), Grenoble, mai 2003.(13) J. Rifkin, L’âge de l’accès ; la révolution de lanouvelle économie, La Découverte 2000.(14) Voir G. Privat et J. Coutaz in P. Mallein,G. Privat, eds, LCN 2002, op. cit.

Certains OSC prennent placedans plusieurs domaines, re-doublant ainsi les opportunitésde marché de ces produits

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phones mobiles, sont en gestation descapteurs et actionneurs d’informa-tions nouveaux, distincts du télépho-ne mobile, comme les interfaces entreun individu et son domicile, parexemple.

Le couple intégration/mobilité logicielle : du poste PC fixe à l’ « ambient intelligence »

L’intégration est une variable décisivede l’évolution technologique, parallèle-ment à la mobilité, conformément àl’observation de B. Playoust dans « Del’atome à la puce : le parcours du CEA-Leti » (15), où l’on peut lire, à la page78 : « Si…ce parcours paraît parfois dif-ficile à cerner, c’est du côté des techno-logies d’intégration qu’il faut chercherle fil conducteur dans la majorité desdéveloppements menés depuis 30ans. »Dans cette voie, empruntons à JoëlleCoutaz (16) sa représentation en quatrequadrants, qui combine deux axes :- celui de la mobilité des logiciels oudes utilisateurs ; - celui de l’intégration des capacités decalcul.Dans le graphique ci-contre, la ligned’évolution à long terme va de Q1 àQ4, le quadrant Q4 (« ambient intelli-gence ») (17) marquant l’ultime étapede l’évolution techno-économique quisous-tend le paradigme informationnelet communicationnel.Il n’est cependant pas certain que cetteévolution aboutisse car elle s’opèreselon des évolutions à court-moyentermes qui correspondent à la situationactuelle et qui vont de Q1 à Q2 puis deQ1 à Q3, le passage de Q2 à Q4 et deQ3 à Q4 n’étant pas du tout automa-tique. Pour mieux le comprendre, il esttemps de verser au débat les élémentsde réflexion utiles au sujet des oppor-tunités mais aussi des obstacles àl’usage et à l’acquisition des OSC, laquestion de l’acceptabilité contri-buant à notre avis à fédérer les pointsde vue complémentaires des dif-férentes disciplines des scienceshumaines et sociales.

Variables d’acceptabilitéqui sous-tendent les usageset leurs évolutions

Les observations suivantes éclairent larelation entre l’acceptabilité et laconsommation des OSC. On constate-ra, pour certains contextes, les conflitsinhérents à cette relation (et donc lanécessité de compromis), selon la façondont l’offre répond (ou non) au départ,aux attentes des usagers.

L’évolution de la frontièreentre vie privée et vieprofessionnelleUne constatation ressort du point 2 : lerecouvrement dans la sphère des parti-culiers entre l’offre au titre de la vie pri-vée et celle au titre de la vieprofessionnelle. L’acquisition d’OSCmet en cause la frontière entre la vieprivée et la vie professionnelle ; ellesemble contribuer activement à la poro-sité de cette frontière. Il y a là autant defacteurs d’opportunités que de blocagesde la consommation, selon la volontéde l’individu d’imbriquer entre elles savie privée et sa vie professionnelle, ouau contraire de les dissocier. Le souhait de préserver son intimité (18)de la possible diffusion intempestivedes informations d’une sphère à l’autres’oppose ici au désir d’articuler étroite-

ment ces deux facettes de la vie de l’in-dividu en vue d’enrichir chacune del’expérience de l’autre, ne fût-ce quepour réussir des apprentissages plusrapides. Certaines propriétés tech-niques intrinsèques aux OSC, commela multimodalité, les services proactifs,la connexion continue ou encore le faitd’être inséré dans des réseaux de rela-tions non divisibles vont dans le sensd’une continuité des usages entre la vieprivée et la vie professionnelle et vice-versa, rendant la frontière évoquée plushaut encore plus ténue. Cette question de frontière rejoint cellede l’organisation du temps, de l’espacede vie et de socialisation de chaqueindividu.Du point de vue éthique, s’agissant dutemps de tout un chacun, la frontièreest nécessaire entre les îlots de stabilitéoù l’on désire qu’aucun message nonvoulu ne nous parvienne et les îlotsd’opportunité qui sont traversés d’infor-mations et de communications pouvant

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Graphique - Une évolution fondée sur le couplage entre intégration et mobilité.

(15) Ed. Libris, 1998.(16) J. Coutaz : Quand les surfaces deviennentinteractives in LCN, volume 3, n° 2-2002.(17) Selon E. J. Van Loenen l’« ambient intelligen-ce » est la conjugaison de l’informatique ubiquiste(ubiquitous computing) et d’interactions d’usagepersonnalisé (« social user interfaces ») au point deréagir à la parole, à une gestuelle mais aussi à unobjet que l’on peut prendre, d’où la notion de gras-pable object. Cf. E.V. Van Loenen, On the role ofgraspable objects in the ambient intelligence para-digm. Colloque Soc 2003 « Smart objectsConference », Grenoble. (18) Ce que l’on appelle en anglais la « privacy ».Cette question est largement débattue dans ISTAdvisory Group, Scenarios for ambient intelligencein 2010, Rapport final, Bruxelles, 2001, 58 p .

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s’accompagner de stress et de chargementale superflue. Une autre lecture des besoins potentielsd’objets facilitant la vie prend en comp-te la dichotomie de la vigilance de l’es-prit humain partagé entre la continuitéet la fragmentation entre plusieurs acti-vités parcellisées, dont la part va aug-mentant.Dans le rapport de l’homme avec l’es-pace et les autres, une difficulté – nonrésolue pour l’instant – est celle de laconciliation entre l’utilisation géné-rique (ou standard) d’objets porteursd’information ou de communication etl’utilisation spécifique (ou personnali-sée) de ces objets. Cette conciliationdépend des solutions techniques appor-tées aux questions de l’interopérabilité,de l’interfaçage des objets et de leurintelligence. Les utilisations spécifiquesà un individu supposent que s’opèrentdes interactions avec des données per-sonnelles. Mais encore faut-il que cesinteractions soient contrôlables d’unemanière simple et fiable par cet indivi-du, quand bien même les interfaces luiseraient propres (19). D’où le dilemmeentre l’extension de l’informatique ubi-quiste avec des interactions pré-pro-grammées et celle d’une l’informatiqueubiquiste adaptable à tout moment, cequi suppose un double niveau d’interfa-ce homme/machine avec une interfaced’opérateur physique permettant degarder le contrôle.Une conséquence en matière d’offre del’entreprise est la contrainte qu’il y a àdédoubler la chaîne de valeur en faisantapparaître le prix perçu par chacunpour que la tarification des prestationsdes différents opérateurs en présencesoit adaptée à cette flexibilité de l’usa-ge.

Le dilemme entre la variété d’objets spécialisés fonctionnelle-ment et la concentrationmulti-fonctionnelle sur quelques objets-clés

Dans les usages actuels (ou imminents)des OSC, l’accroissement des fonctionsde l’ordinateur, du téléphone mobile ou

encore du PDA est en concurrence avecla diversification d’une l’offre d’objetsdédiés de plus en plus nombreux (20).La logique de concentration de l’offresur des objets multifonctionnels s’op-pose à celle de la variété de l’offre et dela « nomadification » des objets, sousréserve que la question de l’énergienécessaire au bon fonctionnementd’objets nomades soit résolue d’unemanière plus satisfaisante. S’agissant des usages futurs des objetscommunicants, l’amélioration des ca-pacités de numérisation, jointe à ladécentralisation des modalités de traite-ment et de stockage des informations,accroît l’intimité de l’association entredes objets usuels et des services dédiésutilisant des données, des images et duson, avec des interfaces assurant auto-matiquement cette association. Cetteassociation entreobjets et servicesn’est cependantqu’apparente, carles informations nerelèvent pas del’objet lui-même, mais d’un site Internetauquel son capteur est rattaché.Des capteurs, des actionneurs, des sen-seurs ou des processeurs d’informationspeuvent aussi assurer cette association,comme le sont divers interfaces possiblesentre un individu et son logement (tablemagique, borne…). Dans ce cas, et entenant compte de ce qui vient d’être ditsur Internet, la tendance dominante de lademande et de l’organisation des chaînesde valeur et de la fixation des prix du côtéde l’offre irait dans le sens d’une diversi-fication des objets avec services associés.C’est pourquoi la question du contrôledes interactions et celle de l’interopérabi-lité entre les objets deviennent très vitecruciale.

L’existence – ou non – de fonctions induites semblables à des bienslibres et l’influence du prix des télécommuni-cations

De manière générale, l’environnementphysique et tout objet physique peut

être enrichi par l’informatique : c’est ceque l’on appelle la réalité augmentée.Tout objet peut être alors dédié à unautre usage que son usage premier : unstylo fait pour écrire peut aussi conser-ver la trace de ce qui est écrit, untableau ou une table magique peutconserver la trace de ce qui est écrit sursa surface. Outre ce stockage des infor-mations, un objet peut aussi émettredes informations et même réaliser desactions mais sans qu’un paiement puis-se rémunérer ces fonctions induites.C’est un problème auquel peuvent seheurter les objets dits « malins » : sera-t-on prêt à payer (et à qui ?) le traite-ment d’informations en plus du simplecaptage et de la diffusion d’informa-tions prédéfinies ? (21) Le prix des télécommunications exerceune influence sur l’achat de telle et telle

fonction. La pro-pension de l’usa-ger à payer unsimple service ouau contraire unservice complexe

exigeant, entre autres coûts, uneconnexion plus longue et à plus hautdébit à Internet va dépendre du prix destélécommunications et de l’arbitragedes opérateurs en présence entre la tari-fication de leurs services de base etcelle de leurs services à valeur ajoutée.

L’utilisation d’objets génériques dans les entreprises est individuelle et inter-personnelle Au sein des entreprises, la plupart desOSC sont des objets multi-fonctionnelségalement utilisés par les particuliers.Cette utilisation n’est donc pas disso-

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(19) Comme le dit D. Boullier, dans sa contributionà LCN n° 4-2002 op. cit. « Objets communicants,avez-vous donc une âme ? Enjeux anthropolo-giques » : « Les objets communicants devrontapprendre le savoir-vivre, ce qui est après tout unebonne définition de la communication. » ibid p.49. (20) N. Demassieux dans LCN n° 4, 2002.(21) Si on considère un cas de domotique commele frigo intelligent, ce n’est pas le composant quiest coûteux, mais le service d’information et éven-tuellement de commande et plus encore de logis-tique du réapprovisionnement, c’est-à-dire desconnexions Internet avec des programmes interac-tifs correspondants.

L’acquisition d’OSC met en causela frontière entre la vie privée etla vie professionnelle ; ellesemble contribuer activement à laporosité de cette frontière

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ciable des usages des individus à titretant professionnel que privé. Cettecohérence est un contexte privilégié dudéveloppement des marchés des TIC.Les analyses consacrées aux marchésdes technologies de l’information et dela communication montrent que l’utili-sation des TIC et avant tout le fait desentreprises (22).La contrainte de compétitivité propreaux entreprises est au cœur de ces évo-lutions. L’entreprise doit en effet, d’unepart, conforter ses aptitudes fondées surdes routines établies et, d’autre part,progresser dans des connaissances etdes aptitudes nouvelles. Or le cycle del’ « exploitation » (des actifs acquis) etde l’« exploration » (23) (de nouveauxactifs) ne peut en réalité se faire quedans une même période de temps.Dans une entreprise, c’est une démulti-plication du temps dans une mêmepériode que permettent les TIC. Grâceaux TIC, une même période devient undélai de réaction à une variation avéréeou anticipée de l’environnement et undélai d’adaptation ou d’apprentissageface à des objectifs nouveaux ou face àun environnement changeant.Les travaux des économistes portant surla flexibilité dynamique (24) des entre-prises soulignent l’importance de cetapprentissage permanent, qui n’estautre qu’un apprentissage d’informa-tions nouvelles. Dans les faits, cetapprentissage repose sur la circulation,l’interaction, l’incorporation de nom-breuses informations sélectionnées oujugées pertinentes dans des réseauxinternes et externes à l’entreprise,réseaux s’accordant plus à des relationsde type horizontal ou oblique que stric-tement vertical comme c’était le casavec l’entreprise taylorienne classique(25). Cette situation participe à laconstruction d’analyses et de solutionsnouvelles qui renouvellent l’avantageconcurrentiel de l’entreprise et règlentainsi le dilemme entre « exploitation »et « exploration (26) ». Un dernier aspect des TIC dans la diffu-sion des informations, c’est qu’une foisles informations acquises, leur circula-tion et leur traitement ont des coûts etdes délais si faibles que le bénéficepour l’entreprise est assuré à moins queles informations initiales soient inutilesou non pertinentes. En pratique, ce

bénéfice résulte de coopérations activesfondées sur l’interaction non program-mée d’individus ou de sous-ensemblesde l’entreprise, cette interaction étantsouvent généréepar des communi-cations sortant descircuits routiniersau sein de l’entre-prise ou de son réseau ou encore impli-cites dans les circuits imposés maisreformulées par les individus concernés(27).

Les perspectives de marché des nouveauxobjets et services communicants

Les observations précédentes condui-sent à anticiper l’importance croissan-te des objets centraux polyvalents,non seulement dans une même sphèred’usage mais aussi capables de passerd’une sphère à l’autre. Des segmentsde marché latéraux se développerontégalement dans l’intelligence embar-quée ou la réalité augmentée attachéeà des objets fixes (ou nomades) àfonctions spécifiques dans des do-maines précis.Ces deux projections ressortent, d’unepart, des résultats de la veille des mar-chés (celle menée au CEA de Grenobleen l’occurrence) et, d’autre part, del’observation des offres d’entreprisescomme Sony, Philips, Microsoft, FranceTélécom et de distributeurs dont ceuxdu commerce électronique commeAmazon.com. Ces offres sont consul-tables sur leurs sites Internet. Ce com-merce précisément, et avec luil’économie numérique, sont d’ailleursun puissant vecteur de la présence desobjets centraux assurant un accèscontrôlé et personnalisé à Internet. Sil’on ajoute à ces fonctions celles – pre-mières – avec Internet, de l’accès àl’information et la communicationinteractive que les objets fixes ounomades spécifiques viennent assurer,on reconnaîtra toute la place que doitprendre la dynamique de croissancedes usages d’Internet dans notreréflexion. Cette dynamique est com-mentée comme suit dans l’annuaire

« Technologies clés 2005 » du Minefi(28) : « La révolution numérique estsymbolisée par l’explosion des usagesde l’Internet sur les dernières années.

Internet est bienplus une révolutionéconomique, enraison de la trans-formation des acti-

vités qu’elle permet, qu’une révolutiontechnologique. Les technologies y sontmobilisées pour faire évoluer les conte-nus vers le multimédia et en améliorerl’accès (mobilité,ubiquité, accès per-manent) et la vitesse. Ces trois facteurs– multimédia, accès, vitesse – rendentpossible l’interconnexion des applica-tions… ».On laissera de côté la question des spé-cificités de certains espaces géo-graphiques et des artefacts pluscaractéristiques des marchés correspon-dants comme les robots animaliers oude compagnie, qui sont appréciés auJapon mais peu en Europe, du moinsdans leurs usages prévus à l’origine.Certains usages aujourd’hui semblentporteurs d’une réduction de ces spécifi-cités. Ainsi, par exemple, le deuxièmeopérateur de télécommunicationsmobiles japonais KDDI a récemment

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(22) Voir sur ce point R. Boyer, La croissance débutde siècle… op. cit.(23) Pour reprendre la distinction qu’on trouve leplus souvent en management stratégique.(24) Cette flexibilité dynamique pouvant être de« réponse » ou d’« initiative ». C’est surtout dans cedeuxième cas qu’il y a construction de l’environ-nement, selon le point de vue notamment de lathéorie économique évolutionniste. L’entreprisedoit dès lors avoir une organisation réactive etflexible, sans affecter l’efficacité de son systèmeproductif à court terme.(25) Ainsi par exemple la remontée des informa-tions sur les marchés, à partir des services com-merciaux, peut sortir des cloisonnementsfonctionnels et être orientée vers les fournisseurs del’entreprise ou ses services de veille technologique,via une plate-forme collaborative.(26) En transposant cette observation à l’usage dutéléphone portable, et comme le note FrancisJauréguiberry dans Les branchés du portable (PUF,2003, 196 p.) : « Ainsi, le portable permet-il dedensifier le temps, de multiplier les opportunités,de coordonner les occupations… ».(27) Certains modèles de gestion s’attachent à cesprocessus qui dépassent les frontières strictes del’organisation. On pense aux travaux de V. Chanalet ceux de S. Carton et alii qui montrent, en se fon-dant sur les travaux de Cooper et Zmud, qu’undéploiement réussi des TIC dans les entreprisesimpose la succession de six étapes mettant chacu-ne en œuvre un certain équilibre entre les solutionstechniques et leurs applications dans l’organisation :l’initiation, l’adoption, l’adaptation, l’acceptation,la routinisation et l’infusion. Cf. S. Carton et alii.Déploiement, formation et impacts organisation-nels des systèmes d’information, Working Paper,Univ St Etienne 2003, 12 p.(28) Ministère de l’Economie, des Finances et del’Industrie. Editions de l’Industrie, 2000. La citationest extraite des pages 65 et 66.

La question du contrôle des in-teractions et celle de l’inter-opérabilité entre les objetsdeviennent très vite cruciale

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(mai 2005) annoncé le lancement detéléphones portables équipés du GPS etintégrant la télévision, permettant ainsiaux parents de savoir où sont leursenfants pour peu qu’ils regardent latélévision sur leur mobile. Cette innova-tion ne fait-elle pas écho – mais pourune autre génération d’enfants – àl’ours en peluche placé dans lachambre d’enfants et permettant auxparents de « surveiller » leur enfant ?

Des objets centraux de plus en plus polyvalents

La ligne de force des marchés dedemain est une polyvalence ou unemultifonctionnalité encore plus pous-sée des objets centraux rapprochant desusages jusqu’ici principalement atta-chés à la vie privée d’une part et à l’ac-tivité professionnelle d’autre part. Afortiori, cette polyvalence en fait desobjets porteurs de fonctions et de ser-vices couvrant tous les usages princi-paux au sein d’une même sphère. Cetteévolution placée sous le signe de laconvergence, est sous-tendue par lacroissance toujours positive des mar-chés respectifs des micro-ordinateurs,organiseurs, téléphones mobiles (sur-tout les téléphones de troisième généra-tion 3G, avec l’UMTS) ouvrant ainsi despossibilités de marché à de nouveauxterminaux hybrides comme les télévi-seurs de poche ou les consoles de jeuxportables.Dans cette évolution, des objets jus-qu’ici aussi différents qu’un ordinateurà usage surtout professionnel, un télévi-seur surtout dédié au loisir, un télépho-ne portable surtout attaché à lacommunication, un assistant personnelnumérique… seront en mesure d’assu-rer le même ensemble de fonctions. Unmodèle récent de téléphone portableoffre ainsi, grâce à la technologieUMTS, la possibilité de faire office debaladeur MP3, d’accéder à Internet et àla télévision avec deux écrans LCD, decomporter aussi un appareil photonumérique et un tuner FM. Avec l’étapeultérieure du 3,5G et de nouveaux logi-ciels installés sur les réseaux à très hautdébit, il sera également possible detransférer des quantités importantes dedonnées.

Cette multifonctionnalité des objets cen-traux est sous-tendue par une standardi-sation qui réduit le nombre d’objetsnécessaires à la sphère de la vie privée etde la vie professionnelle. Ainsi dans lavie privée, un objet comme le téléviseurcentral à grand écran placé au cœur del’habitation tend à s’imposer en assuranttoutes les fonctions de mémorisation, dedivertissement, de communication (mail,Internet) et, ceci, avec des fonctions nou-velles de domotique et de contrôle del’habitation (29). Cette tendance est net-tement observable aux Etats-Unis et auJapon, avec des acteurs industriels issusdes industries informatique, électroniqueet de télécommunications et se concur-rençant dans ce choix – dominant – de lamultifonctionnalité. Une ligne de partage plus nette entre cesobjets centraux sera dès lors tracée entreles fixes et les portables, les différencesde taille, d’autonomie énergétique, depossibilités de liaison Wi-Fi ou Bluetoothet enfin de contextes et de pratiquesd’usage ayant aussi une incidence surleur multifonctionnalité. En dépit desprogrès de la digitalisation, il est ainsipeu probable que les objets de consom-mation de loisirs comme les balladeursaudio et i-pod seront aptes à traiter desdonnées et à effectuer des tâches bureau-tiques mais il est sûr qu’ils permettront desuivre les programmes télévisés surInternet. Dans le même ordre d’idée, le téléviseurcentral polyvalent évoqué plus haut (dit« mediacenter ») se prêtera peu à desusages de communication soucieux d’in-timité ou de « privacy » ou à des tâchesrédactionnelles. Face à ces modalités dif-férentes de polyvalence, la mise enréseau ou l’interconnexion entre ces dif-férents objets permettra de les rendre tou-jours aussi utiles, leur complémentaritévenant en contrepoids de la tendance dechacun à remplacer les autres.

Les objets fixes (ou nomades) à réalitéaugmentée dans des domaines et des fonctions spécifiquesTout objet de la vie quotidienne peutêtre équipé d’une puce lui permettant

d’être un capteur (visuel, de vitesse…),un senseur (acoustique, inertiel…), untraiteur et un transmetteur d’informa-tions numérisées. L’incorporation dansce même objet d’un microsystème per-met de faire suivre cette transmissiond’une interaction humaine ou pré-pro-gammée qui fait retour sur l’objet. Lesavancées dans la domotique, dans lasécurité et l’assistance à la conduite desautomobiles reposent sur ce principede l’intelligence embarquée, la présen-ce de microsystèmes assurant des opé-rations déterminées en lieu et place del’action humaine. De nombreux domaines peuvent êtredès lors considérés comme autant dechamps d’émergence de nouveauxobjets et services communicants. Desconditions restrictives conduisent à uneanalyse plus sélective, et donc – plusraisonnée – des perspectives de mar-ché. Le fonctionnement de ces objetssuppose des infrastructures matériellesde communication et logicielles per-mettant l’émission des informations àdistance et la réalisation des com-mandes qui s’ensuivent. Ces objetsdeviennent en effet autant d’agentslogiciels embarqués dans un microsys-tème interagissant avec des utilisateurset des environnements.Dans ce domaine, le meilleur exemplede la complexité et du niveau d’exigen-ce des dispositifs dans ce domaine estcelui de la carte bancaire. Certainsobjets de ce type constituent autant demarchés en gestation, une fois que lesproblèmes techniques et de réglemen-tation subsistant auront été réglés. C’estle cas de l’identification biométriqueprojetée, en France, avec le programmeInes (Identité nationale électronique etsécurisée). A partir de là (mais sousréserve de la solvabilité de la demandeou d’un financement public adéquat),on peut envisager la mise sur le marchéd’objets associés aux personnes dans ledomaine de la santé (lecteur biomé-trique), du confort (semelles intelli-gentes), de la sécurité (téléassistance,webcam de surveillance de l’habitationreliée au téléphone mobile), du contrô-le des personnes (bracelet électro-nique). Le domaine de la sécurité

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(29) T. Makimoto, Paradigm shift in the electronicindustry. Communication à 7e Leti Annual Review,juin 2005.

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privée est, à l’instar de la domotique,un domaine promis à une forte crois-sance si l’on considère l’éventail desusages qu’il recouvre : ordonnance-ment et sûreté des chaînes de produc-tion dans l’industrie, traçabilité desproduits, gestion des stocks, des opéra-tions de maintenance… Dans cedomaine, la géo-localisation recouvreune large palette de solutions permet-tant de situer, de connaître et d’accéderà un espace décrit dans un formatnumérique.Comme d’autres usages, la géo-locali-sation peut cependant se réaliser selondifférentes modalités de valorisationindustrielle et d’incorporation de ser-vices. Le randonneur par exemple peutêtre équipé d’unesimple étiquetteRFID sensible àquelques bornesbalisant son itiné-raire comme il peut, dans une solutionbien plus coûteuse mais bien plus pré-cieuse en cas de difficultés, être équipédu modèle (déjà sur le marché) d’unordinateur de poche doté d’un naviga-teur de localisation GPS. D’autres solu-tions existent (ou existeront) face à cettefonction comme pour d’autres, la ques-tion qui se pose alors étant celle de larelation entre la demande et l’offre,étant entendu que la demande met enjeu la propension de l’usager à payer

l’usage de l’objet et du service qu’ilprocure et que l’offre n’est pas simple-ment ce qu’il est techniquement pos-sible de produire.

Conclusion : de l’acceptabilité et des perspectives de marché aux conditionsde l’offreL’attention portée aux usages et à l’ac-ceptabilité relève d’une problématiquesocio-économique reconnaissant l’im-portance de la demande et des attentesqui fondent cette demande : diversité

de la demanded’objets et servicesd’information et decommunication,particularités des

usagers (entreprises, particuliers, ser-vices publics), profils d’identité plus oumoins réceptifs à tel ou tel type de pro-duit ou service. Dans la recension desOSC présentée plus haut et comme lefont la plupart des réflexions du mêmetype, on peut constater que l’éventailde ces OSC est très largement ouvert.Au terme de cette investigation, où ladémarche typologique et d’identifica-tion introduit à celle des usages et del’acceptabilité, on ne peut s’empêcher

de penser que la nomenclature quiprévaudra dépendra aussi largementdes conditions de l’offre dans cedomaine. Comme dans le secteurautomobile dans les années 1920 (etpour les mêmes raisons de profitabili-té et d’organisation des chaînes devaleur), il est possible que la rentabi-lité minimale recherchée par lesindustriels provoque une grande sim-plification de l’offre, sur des volumesimportants et avec des prix décrois-sants, plutôt qu’une différenciationpoussée ouvrant l’éventail de l’offre etcréant des risques de sous-rentablilitésur tel ou tel segment. Le problème sepose d’autant plus que ces produitsfont intervenir plus d’un opérateur etque tous doivent être assurés de per-cevoir une part satisfaisante de lavaleur créée. Ainsi (et comme nous lepensons), si c’est la concentrationmulti-fonctionnelle qui l’emporte, cesont plus les services que les supportsmatériels polyvalents qui seront aucœur des applications à venir et deschaînes de valeur associées à cesapplications. D’où, la question del’organisation de la chaîne de valeur,liée au modèle économique retenudans tel ou tel cas et aussi la questiondes signaux plus ou moins incitatifsque l’identité des opérateurs envoieen direction des consommateurspotentiels. ●

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Dans une entreprise, c’estune démultiplication du tempsdans une même période que permettent les TIC

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l e s a p p l i c a t i o n s

En moins de quinze ans, le GSMest devenu le premier moyen decommunication et représente un

marché dont le potentiel dedéveloppement semble sans

limites. L’enrichissement desservices pour les pays à fort

taux d’équipement et le dévelop-pement d’une offre adaptée auxpays en développement reposent

sur un effort permanent deR&D. Dans ce contexte, les

opérateurs et industriels françaisdisposent de sérieux atouts.

par Grégoire Olivier (1)et Thierry Buffenoir (2)

L e GSM, issu de la Recherche etdu Développement européens,s’est imposé à la planète comme

le moyen de communication personneluniversel. Quelle que soit l’heure, quelque soit l’endroit où vous vous trouvez,(à quelques rares exceptions près !)vous pouvez communiquer ou êtrejoint. Ce petit morceau d’électronique,qu’on peut glisser dans sa poche oudans son sac, a su séduire toutes lesgénérations, toutes les cultures. Pourcela, et pour se rendre indispensable, ils’est transformé en agenda personnel,en carnet d’adresses, en appareil photo,en poste de radio et très récemment entélévision portative. Grâce à l’évolution

de l’électronique et malgré cette multi-plication des fonctions, sa taille et sonpoids se réduisent à chaque nouvellegénération, son utilisation se simplifie,il est même devenu personnalisablegrâce à ses sonneries téléchargées, sesfonds d’écran, ses coques amovibles.C’est désormais un compagnon idéalde notre vie quotidienne.En moins de quinze ans, le GSM estdevenu le premier moyen de communi-cation, avec un marché qui atteindra750 millions de terminaux vendus en2005. Mais le terminal ne suffit pas ; ilfaut lui adjoindre une infrastructureainsi que des serveurs supportant lesapplications proposées aux usagers. Lapuissance de la technologie en a fait unexemple d’interopérabilité réussie quinous permet, dès la descente de l’avion,d’être à nouveau opérationnel sansavoir à reconfigurer notre terminal. Deplus, l’apparition de systèmes d’exploi-tation ouverts à l’utilisateur du terminalfavorise l’intégration de nouvellesapplications : ainsi, la géolocalisation,la messagerie électronique, le paiementsécurisé, les jeux commencent à sedévelopper (Cf. photo 1).Cette technologie, devenue mature etqui aborde l’année 2005 avec ledéploiement de sa troisième généra-tion, a toutefois un niveau de pénétra-tion encore inégal dans le grand public.Proche de 80 % de pénétration enEurope de l’Ouest, elle conserve unpotentiel de croissance important dansles pays émergents comme l’Inde, leBrésil ou la Chine. Deux marchés coha-bitent donc : un marché de renou-vellement, significatif, est tiré parl’apparition de nouvelles technologies(écran couleur, appareil photo inté-gré…) et de nouvelles applications,désormais soumises aux phénomènesde mode, et un marché de premieréquipement, orienté vers des terminaux« entrée de gamme », peu chers, packa-

gés dans des offres d’opérateurs trèsattractives.Géolocalisation, guidage, télémétrie,moyens de paiement, suivi médical,sécurité, connexions haut débit, télévi-sion, courrier électronique : le potentielde développement des applications duGSM semble sans limites. Deux mil-liards d’êtres humains utilisent déjà untéléphone mobile (dont une majoritésous la norme GSM), un troisième mil-liard suivra en quelques années seule-ment : la croissance va se poursuivre,même si, avec le temps, la vigueur dece marché va dépendre de l’innovationet de l’imagination des opérateurs detélécommunications mobiles et desindustriels, qui devront s’appuyer surl’évolution des technologies de l’infor-mation en matière de performance, deminiaturisation et de baisse de coût.

Le téléphone mobile,notre nouveau compagnon

Photo 1. - Un téléphone mobile permetaussi de se repérer sur un territoire.

(1) Membre du Directoire, Safran.(2) Directeur général délégué, Sagem Communication(Groupe Safran).

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Evolution du nombred’abonnés aux servicescellulaires dans le monde

Il convient, pour comprendre ce quereprésente l’innovation technologiquequi a connu la diffusion la plus rapidede tous les temps, de revenir, un instant,à ses origines. Il y a seulement dix ans,quelqu’un qui appelait d’une voiturecommençait généralement par l’annon-cer, moins pour prévenir son interlocu-teur des risques de parasites que pourindiquer qu’il faisait partie des privilé-giés équipés d’un téléphone mobile.Les choses n’ont cessé d’évoluer de-puis, à une vitesse qui a surpris tous lesobservateurs : chaque année, les étudesde marché sous-estimaient la croissan-ce de l’année suivante, jusqu’à la sur-chauffe de la fin 2000.Le succès du GSM s’est construit surdeux fondements : la normalisation,d’une part ; la puissance et la miniaturi-sation de l’électronique numérique,d’autre part (Cf. graphique 1).

Le développement du système GSM dit « de deuxième génération »Le système GSM que nous connaissonsaujourd’hui est né au début des annéesquatre-vingts, du constat d’une dispari-té entre systèmes cellulaires de premiè-re génération, alors utilisés en Europe.C’est ainsi que fut constitué en 1982 ausein de la conférence européenne desPostes et télégraphes le « Groupe SpécialMobile », chargé dedéfinir les caracté-ristiques techniquesd’un nouveau typede réseau cellulairepour l’Europe. L’im-pulsion de la France et de l’Allemagnepermit de favoriser la promotion d’unsystème numérique, plus risqué techni-quement qu’une simple évolution analo-gique, mais qui devait s’avérer rentable.Les principaux éléments du cahier descharges mis en avant par les deux paysétaient les suivants :- bonne qualité subjective de la voix ;- coûts réduits des terminaux et des ser-vices ;

- support de l’itinérance internationale(roaming) ;- possibilité d’avoir des combinés por-tables (par opposition aux téléphonesde voiture que l’on devait porter enbandoulière) ;- Support de toute une gamme de ser-vices ;- efficacité spectrale ;- compatibilité avec le RNIS.Deux milliards d’abonnés et vingt ansplus tard, on ne peut que s’inclinerdevant la prescience des fondateurs,dont le cahier des charges avait antici-pé tous les besoins d’un marché quin’existait pourtant pas à l’époque.Le succès du GSM s’est ensuite progres-sivement construit dans les annéesquatre-vingt-dix, après l’ouverture despremiers réseaux analogiques NMTdans les pays nordiques en 1981,

le lancement enFrance du systèmeRadiocom 2000 en1986, et la signa-ture en 1987 d’unaccord de déve-

loppement du GSM par quinze opéra-teurs européens. L’année suivante,après consultation des constructeurs, laresponsabilité du développement duGSM a été transférée à l’ETSI (EuropeanTelecommunication Standards Institute),basé à Sophia-Antipolis.En 1990 sont publiées les spécificationsdu GSM « Phase I » (environ 8 000pages, pour 121 spécifications tech-niques). France Télécom lance com-

mercialement son réseau expérimentalGSM en 1991, suivi un an plus tard parle Danemark, la Finlande, l’Allemagne,l’Italie, le Portugal et la Suède. Enfin, lepremier accord de roaming, entreTelecom Finland et Vodafone auRoyaume-Uni, est signé en 1992.L’année suivante, le premier milliond’abonnés est atteint.De façon à lancer les services dedonnées, la première démonstrationpublique de transmission radio GPRS(dit 2.5G) entre un téléphone mobileSagem et une infrastructure Alcatel estréalisée en 1999.Fin 2001, plus de 170 pays sont équipésde systèmes GSM, et le nombre d’abon-nés atteint les 600 millions.

Les réseaux de troisièmegénération (UMTS)

Le succès foudroyant du GSM connaîtdeux limites. D’une part, certains paysasiatiques (Japon, Corée…) et l’Amériquedu Nord ont déployé des technologies detéléphonie mobile différentes du GSM,rendant virtuellement impossible le roa-ming d’une zone à l’autre. D’autre part,le débit du GSM « amélioré », le GPRS,permet difficilement la diffusion vidéo,qui nécessite un débit plus élevé.L’ambition d’arriver à définir un systè-me mondial harmonisé, capable d’at-teindre un débit de 2 Mbit/s démarredès 1985, et sera baptisée en 1993« IMT-2000 » (International Mobile

Graphique 1. - Evolution du nombre d’abonnés aux services cellulaires dans le monde (en milliers).

En moins de quinze ans, le GSM estdevenu le premier moyen decommunication, avec un marchéqui atteindra 750 millions determinaux vendus en 2005

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Telecommunication for year 2000),après réservation par la conférencemondiale administrative des radiocom-munications de bandes de fréquencesharmonisées, dans la bande des 2 GHz.La pression des avancées réalisées auJapon pousse l’Europe à accélérer lesdiscussions à partir de 1998. En effet, leJapon doit non seulement introduireune nouvelle génération de mobilespour faire face à la menace de satura-tion des réseaux existants, mais cher-cher aussi à repartir à la conquête dumarché européen où les tentatives depénétration des constructeurs nippons,en GSM, n’ont pas eu de suite.Il faut en effet noter, au plan industriel,que le succès de la norme européenneGSM a permis l’émergence de nom-breux fabricants européens de termi-naux mobiles. Nokia, Ericsson, Sagem,Alcatel, Philips, Télit, Sendo, Siemens…ont laissé peu de place, en Europe, pourles terminaux des spécialistes japonaisde l’électronique, qui cherchent àreprendre l’initiative.Fin 98, le 3GPP (3rd GenerationPartnership Project) est créé, qui associecinq organismes de standardisationeuropéen (ETSI), japonais (ARIB et TTA),coréen (TTA), américain (ATIS), et chi-nois (CCSA) pour définir l’évolution desréseaux GSM vers la 3e génération. Desefforts d’harmonisation sont consentispour rapprocher les propositions ini-tiales japonaises et européennes, puisles propositions chinoises et euro-péennes, en ajoutant une variante quidevient la référence pour le système dit« TD-SCDMA » chinois (Time Division-Synchronous Code Division MultipleAccess). Les spécifications techniquesproduites par le 3GPP sont transcriteslocalement en standards par les cinqorganismes de standardisation qui leconstituent.En réponse à la création du 3GPP, estcréé aux Etats-Unis le « 3GPP2 » quivise à définir les évolutions des réseauxà la norme CDMA, employée enAmérique et en Asie.L’ITU (International TelecommunicationUnion),constatant que l’objectif d’har-monisation ne pourra être complète-ment atteint, valide une famille destandards, dont émergent IMT-DS(l’UMTS européen), IMT-TC et IMT-MC,suffisamment proches entre eux pour

laisser espérer la possibilité de roaminginternational.Ces normes ont donné naissance à desinfrastructures très complexes et inté-grant de nombreux éléments, qu’il fautsavoir gérer de manière centralisée (Cf.graphique 2).

Les évolutions parallèlesou à venir

En complément de ce rapide panoramasur le GSM et ses évolutions, on peutmentionner que le GSM a égalementété utilisé pour développer un systèmede radio professionnel, dit GSM-R(« R » pour Railways), pour répondreaux demandes de compagnies de che-min de fer, en l’enrichissant de servicesspécifiques comme la gestion de lapriorité d’un appel ou la notion de dif-fusion d’informations à un groupefermé d’usagers.Au-delà, les standards continuent àévoluer, pour satisfaire de nouveauxbesoins :Déjà disponible, l’EDGE (EnhancedData rates for Gsm Evolution), se placecomme une étape intermédiaire entrele GPRS (aujourd’hui généralisé) etl’UMTS, permettant d’atteindre desdébits théoriques maximaux proches de400 kbps, avec une modification essen-tiellement logicielle des réseaux.

Le DTM (pour Dual Transfer Mod) per-mettra bientôt de bénéficier sur desréseaux et terminaux « 2G » de trans-ferts simultanés de voix et de données,ce qui est aujourd’hui l’apanage del’UMTS. Cela permettra, par exemple,d’envoyer une photo du lieu où l’on est,tout en continuant à converser avec soncorrespondant (de préférence, avec uneoreillette !).L’UMTS aussi continue à progresser,avec une augmentation de ses débits,d’abord dans le sens descendant avec leHSDPA (High Speed Downlink PacketAccess), offrant un débit théoriquemaximal pouvant monter jusqu’à14,4 Mbps, mais en pratique plutôt jus-qu’à 3 à 7 Mbps, puis dans le sens mon-tant, grâce au HSUPA (High SpeedUplink Packet Access) qui offre un débitthéorique maximum ascendant de 5,8Mbps, en pratique plutôt 1,5 Mbps.Enfin, les interconnections à des ser-vices IP doivent être améliorées, grâce àl’introduction de l’IMS (IP MultimediaSubsystem).

Les applications

Initialement, la conquête du GSM s’estappuyée sur le premier des servicesofferts : le service de téléphonie, c’est-à-dire la possibilité d’être joint et d’ap-peler un correspondant à tout moment.

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Graphique 2. - Il faut savoir gérer des infrastructures très complexes, intégrant denombreux éléments.

Architecture des réseaux GSM et UMTS

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La différentiation entre opérateurs por-tait alors principalement sur la couver-ture du territoire offerte, mais aussi surla qualité du codage de la parole utili-sé : la puissance de calcul des télé-phones augmentant, le recours à desalgorithmes de compression plus gour-mands en puissance de calcul, maisplus performants, était devenu possible.Pour les offres professionnelles, des ser-vices de transmission de données, limi-tés à 9 600 bps, sont apparus dès 1995en mode circuit à un moment où lesmodems filaires passaient à 28,8 kbps.Cependant, ce service, coûteux, estresté limité à certaines niches.Les services développés par FranceTélécom sur le RNIS sont aussi apparusrapidement : renvois d’appel à diversesconditions, présentation du numéro del’appelant, etc.En revanche, le SMS (Short MessagingService), dont beaucoup doutaient del’utilité, est resté quelques années dansl’ombre, avant de décoller et de devenirl’une des sources de revenus les plusefficaces des opérateurs.Le SMS s’est ensuite enrichi d’ex-tensions propriétaires, pour contenirdes sonneries, puis a été étendu offi-ciellement, donant l’EMS (EnhancedMessaging Service), puis le MMS,Multimedia, qui permet le développe-ment d’applications telles que lesenvois de photos et de cartes postalesélectroniques.Le besoin de présenter du contenuinteractif est apparu en parallèle audéveloppement de systèmes de présen-tation et de langages associés par diffé-rents constructeurs et éditeurs delogiciels. En 1997, ces initiatives ontconvergé au sein du WAP (WirelessApplication Protocol) Forum, en défi-nissant un Wireless Markup Languageunifié pour les applications mobiles.Ce fut la première application sur télé-phone mobile à se normaliser endehors de l’ETSI ou du 3GPP qui avaitdéfini les SMS et les services de nature« télécom ». L’usager, grâce à elle, pou-vait ainsi accéder facilement aux prévi-sions météorologiques, aux horaires detrains ou aux cotations boursières etretrouver des services équivalents àceux accessibles en France par Minitel.Depuis, le WAP forum a intégré, en2002, l’Open Mobile Alliance, lieu de

définition « officiel » des principalesapplications pour téléphones mobiles.La programmation en Java est égale-ment un moyen d’enrichir les applica-tions offertes par un téléphone mobile.Java est un langage semblable à celuiutilisé sur les PC, mais adapté aux res-sources limitées dont dispose un té-léphone mobile (mémoire, écran,clavier…). Il existe cependant, à côté deces standards définis par la communau-té Java, des classes ou variantes pro-priétaires, spécifiques à des opérateursou à des marques de terminaux, ce quimaintient une certaine fragmentationdu marché des applications, que lesstandards étaient sensés éviter. Lescoûts de portage sont cependant réduitsgrâce à un noyau commun important.L’intégration de JAVA dans le terminal acontribué aux développements de jeux,qui deviennent de plus en plus sophisti-qués, suivant la puissance de calculembarquée dans leterminal (intégrantla couleur, le son,les vibrations, le3D, etc.).Le SIM (Subscriber IdentificationModule) application Toolkit, permetaux opérateurs d’offrir des services quileur sont propres, en pilotant depuis lacarte SIM un menu dédié, afin, notam-ment, d’accéder directement à certainsserveurs vocaux.De nouvelles façons de communiquerapparaissent, comme la vidéotélépho-nie en UMTS, ou le mode de fonction-nement talkie-walkie dont les premièresversions sont, par exemple, commercia-lisées par l’opérateur Orange sous lamarque Talk Now.La liste des applications actuelles(ou bientôt disponibles), pour impres-sionnante qu’elle soit quand on lacompare au simple service de commu-nication vocale initialement disponible,ne doit pas nous dispenser d’une cer-taine modestie : de l’aveu même desutilisateurs de téléphones mobiles, lesapplications disponibles sont peu ex-ploitées : moins de 5 % estiment seservir de toutes les fonctions de leurtéléphone mobile, et plus de 60 %n’utilisent qu’une partie très limitée desfonctions offertes.Par ailleurs, dans de nombreux pays, letéléphone mobile constitue, tout sim-

plement, le moyen privilégié d’accéderà un téléphone.

Les téléphones mobiles

On pourrait reprendre pour le télépho-ne mobile ce que l’on dit des chaus-sures de femmes : petites à l’extérieurpour être jolies, grandes à l’intérieurpour être confortables. Le mobile idéalest compact et simple d’emploi à l’exté-rieur, mais d’une extrême complexité àl’intérieur. La simplicité d’emploi résul-te de l’implantation de logiciels d’unecomplexité prodigieuse, et les effortsde miniaturisation des composantsélectroniques se mesurent en centainesde milliards de dollars d’investis-sement industriel et de recherche.Le nombre énorme de téléphonesmobiles produits chaque année per-met aux constructeurs de bénéficier

de composant sconçus spécifi-quement pour cesproduits à des

coûts extrêmement compétitifs : batte-ries, écrans, capteurs photographiques,écouteurs et microphones. Ce miraclerésulte d’un phénomène bien connu :les économies d’échelle.Un modèle de mobile se définit partrois éléments essentiels :

Son architecture mécaniqueElle donne sa personnalité au téléphoneet, depuis les premiers téléphonesmonoblocs à antenne extractible, denombreuses variantes sont apparues :antenne fixe, antenne intégrée, télépho-ne à clapet, avec ou sans écran secon-daire, téléphone à glissière, téléphone àécran tactile, téléphone à écran rota-tif… (Cf. photo 2).

Son architecture électroniqueElle est définie par la nature des fonc-tions offertes :Un terminal haut de gamme pourra dis-poser d’un processeur dédié aux appli-cations, avec une architecture similaireà celle d’un PC.Sur des terminaux plus simples, le pro-cesseur qui traite les protocoles decommunication avec le réseau est éga-

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Le potentiel de dévelop-pement des applications duGSM semble sans limites

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lement chargé de gérer les interactionsavec l’utilisateur. La puissance des pro-cesseurs actuellement disponibles, quipeut dépasser 200 MHz, permet desapplications plus riches, telles que lavidéo, la musique, ou encore des cap-tures de vidéo, tout en gardant lecontact avec le réseau. Pour des appli-cations particulières, et selon la puis-sance disponible, ce processeur centralpeut être aidé par un coprocesseur par-ticulier (par exemple, pour le décodaged’un flux d’intégration numérique ter-restre, le DVB-H).Sur les terminaux les plus simples, lesprocesseurs employés sont moins puis-sants et les interfaces plus limitées, afinde réduire les coûts des composantsemployés (Cf. photo 3).De nombreux autres paramètresinfluent sur les capacités du téléphone,en particulier la configuration mémoireutilisée qui conditionne performance etcoût, la batterie et le chargeur, l’ajoutde fonctions complémentaires commel’écoute amplifiée, l’appareil photoavec flash…De façon générale, pour les téléphonesde milieu de gamme, on constateque les nouvelles fonctions (premierscapteurs photographiques, premièressonneries MIDI, premières capturesvidéo)… sont souvent introduites avecl’ajout d’un coprocesseur dédié, pourêtre ensuite intégrées au cœur numé-rique du téléphone à la génération sui-

vante, une fois que les volumes produitsle justifient.La puissance de calcul intégrée dans leterminal permet aussi de gérer desécrans de taille différente (depuis 1,7 à2,2 pouces) et de résolution différente(de 101 x 80 pixels à 320 x 240 pixelsQVGA), intégrant de 256 couleurs à260 000 couleurs, voire même jusqu’à16 millions de couleurs ! Il en va demême pour les capteurs numériques dephotos, dont la résolution va de300 000 pixels en VGA (jusqu’à plu-sieurs millions de pixels avec des fonc-tions de zoom intégrées).

L’architecture logicielleComme on s’en doute, elle est directe-ment affectée par l’architecture électro-nique choisie, mais il est de bonnepratique de limiter cet impact au strictminimum.Néanmoins, à structure matérielleconstante, le logiciel doit pouvoir êtredécliné en un grand nombre de confi-gurations, tant sont nombreuses lesvariantes à gérer :- il faut s’adapter à des langues (commele chinois, le grec ou le farsi), quinécessitent des mécanismes de saisie etd’affichage spécifiques ;- il faut pouvoir ajuster la définition desproduits au plus près des attentes desopérateurs, afin que l’accès à leurs ser-vices soit optimisé en termes d’ergono-

mie (nombre d’appuis touche le plusfaible possible, place dans les menus,etc.) ;- il faut gérer différents types de réseaux(intégrer ou non le support du GPRS, del’EDGE ou de l’UMTS, les logicielsembarqués, les différentes bandes defréquences selon les pays de commer-cialisation).Les grands groupes d’opérateurs ont desvolumes d’achats qui peuvent justifierdes développements spécifiques, par-fois même qui anticipent sur les spécifi-cations édictées par les organismes destandardisation.Ce besoin de flexibilité s’étend biensûr à l’outil de production, qui doitnon seulement pouvoir s’adapter à desvariations de volumes, mais aussi àdes changements de type des té-léphones à produire (couleur descoques, marquage des vitres, clavier,etc.).Ces contraintes sont gérées de fa-çon différente selon les constructeurs,avec des modèles économiques trèsvariables, qui vont de l’intégration ver-ticale à une sous-traitance presquecomplète, tant du développement quede la production.

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Photo 3. - Sur les terminaux les plussimples, les processeurs employés sontmoins puissants et les interfaces pluslimitées.

Photo 2. - Depuis les premiers téléphones mobiles, de nombreuses variantes sont apparues.

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Les opérateursPar certains aspects, la téléphoniemobile semble appartenir au monde del’électronique grand public. Elle s’endistingue cependant sur un point essen-tiel : l’existence d’un service de télé-phonie mobile, de plus en plus riche,sophistiqué et adapté aux besoins demultiples clients – service mis en œuvrepar les opérateurs de téléphonie mobi-le.Ces opérateurs font, à quelques excep-tions près, partie intégrante de grandsgroupes de télécommunications mon-diaux, tels que Orange (France Télécom),Vodafone, T-Mobile (Deutsch Telecom),Telecom Italia Mobile, Telefonica, etc.La mise sur le marché d’une offre d’unopérateur suit des étapes successives,dont le cycle (de 3 mois à deux ans)varie en fonctionde son importancestratégique et dela concurrence desopérateurs entre eux.La naissance d’une offre s’appuie tantsur une analyse précise des marchéslocaux que sur une stratégie centraliséetirant parti des innovations technolo-giques ou de la force de propositiond’un constructeur de téléphones mo-biles ou d’infrastructures. C’est sur labase d’un modèle donné de téléphoneportable, seul élément matériel tangibledu service, qu’une offre de service estcommercialisée par l’opérateur.Suivant les fonctionnalités du terminal,un ensemble de services (par exemplele téléchargement de jeux ou l’utilisa-tion de l’e-mail mobile) et une offre tari-faire adaptés sont mis en place, afin dedévelopper de nouveaux usages grâce àde nouveaux services.Le téléphone mobile et son offre tarifai-re sont ensuite proposés au client finalpar l’intermédiaire de grands groupesde distribution spécialisés tels que laFnac, Car Phone Warehouse, Phone4U,Mediamark, ou généralistes tels queCarrefour, Auchan, Woolwoth, ou leréseau de boutiques propre à l’opéra-teur, sans oublier les offres directes auxentreprises.Le marché du téléphone mobile com-porte donc quatre intervenants majeursqui sont l’opérateur, le distributeur ou levendeur dans sa boutique, le consom-

mateur final et le constructeur du termi-nal : un ensemble qui complexifie l’ac-te de vente et nécessite de la part duconstructeur des actions simultanées, àces différents niveaux.

Trois enjeux stratégiques :la convergence, les normes, les systèmesd’exploitation

La convergence

Le fantastique développement de latéléphonie mobile ne doit pas faireoublier l’existence de postes fixes,qui demeurent presque aussi nom-breux que les mobiles. La conséquence

immédiate de cedouble réseau estque, la plupart dutemps, que ce soit

au bureau ou chez soi, nous pouvonsappeler, ou, inversement, être contac-tés, sur deux appareils, l’un fixe etl’autre mobile, dans des conditions decoût et d’ergonomie très différentes.L’exploitation de cette redondance, ensupprimant si possible l’un des termi-naux, est l’un des aspects les plusconcrets, pour l’utilisateur, de la« convergence fixe-mobile ». Les opé-rateurs les plus actifs en la matière sontceux qui ne disposent que de l’un desdeux réseaux, fixe ou mobile. Ainsi,British Telecom, qui s’est séparé en

2001 de son activité de téléphoniemobile, propose-t-il un blue phone, quicommunique, à la maison, sans fil, viale réseau fixe de BT, et, en dehors, parle réseau de téléphonie mobile d’unpartenaire mobile via un accord d’opé-rateur virtuel (MVNO).Cette convergence, lente à venir pour leconsommateur final qui conserve,encore aujourd’hui, un téléphone fixe,un téléphone mobile et un accèsInternet, se réalise plus rapidement surles réseaux sur lesquels se généralisentles technologies numériques et les pro-tocoles Internet. Cette situation para-doxale ouvre pour les opérateurs desopportunités de proposer au consom-mateur des services plus intégrés met-tant ainsi fin aux offres de servicesstrictement alignées sur les organisa-tions verticales des opérateurs, queDidier Lombard, PDG de FranceTélécom, appelle « l’esclavage dusilo ». La course est ainsi lancée, tantpour les opérateurs que pour les équi-pementiers, pour définir le service decommunication fixe et mobile (sansoublier l’accès Internet) le plusconvaincant et adossé aux terminauxles plus séduisants, avec à la clef diffé-rentiation, et donc croissance.

La normalisationLa normalisation, et l’interopérabilitéqui en résulte, sont à l’origine du succèsplanétaire de la téléphonie mobile.Cette normalisation se poursuit dans lesinstances internationales ad hoc, où les

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Carte - La croissance du marché de la téléphonie mobile passe par la conquête, dansles pays en développement, de populations à revenus moindres que ceux des premiersutilisateurs occidentaux.

De l’aveu même des utilisateurs detéléphones mobiles, les applicationsdisponibles sont peu exploitées

Taux de pénétration des services de téléphonie mobile dans le monde (2005)

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plus grands équipementiers se livrent àune lutte d’influence acharnée pourfaire adopter des solutions techniquespour lesquelles ils ont, par avance,déposé de nombreux brevets. Au-jourd’hui se discute ainsi le choix finalde la norme de diffusion hertzienne detélévision sur téléphonie mobile, ouencore la future norme de téléphoniemobile de quatrième génération. Bienévidemment, ceux qui auront vu leurspropositions techniques retenues onttoutes les chances de se retrouver à latête de portefeuilles de brevets « essen-tiels », générateurs de royalties lors dudéploiement des technologies corres-pondantes. Voilà pourquoi il est vitalpour les industriels des télécommunica-tions de maintenir une recherche quiintègre une anticipation cohérente avecles avancées de la normalisation et quis’accompagne de dépôts de brevets, defaçon à être en situation de négocierdes accords de licences croisées, pourn’avoir pas à payer à chacun des grandséquipementiers mondiaux de coûteusesroyalties.

Le système d’exploitationDe plus en plus, le logiciel représentel’essentiel du développement d’un télé-phone mobile : l’expérience utilisateur,critère de succès majeur d’un nouveauterminal, est marquée avant tout parl’ergonomie de l’interface homme/machine, qui relève, à la base, du logi-ciel. De fait, plus des deux tiers du coûtde développement d’un nouveau termi-nal correspondent à l’écriture de lignesde codes, sans compter les multipleslogiciels applicatifs chargés par la suite,l’ensemble dépassant allègrement un,voire deux millions de lignes de codesdans le terminal.Au cœur de ce logiciel réside le systè-me d’exploitation, ou OS, pour opera-ting system, qui présente par rapport àun OS de micro-ordinateur la com-plexité supplémentaire d’être « tempsréel » et embarqué, donc implanté surdes plates-formes disposant a priori demoins de mémoire et de capacités de

calcul. La maîtrise des systèmes d’ex-ploitation devient ainsi un enjeu fonda-mental dans la fourniture du terminal,enjeu de la confrontation traditionnelleentre Microsoft et les logiciels libres« Linux », avec un effort de quelquesgrands industriels pour imposer un sys-tème commun dédié au mobile, baptiséSymbian. Ces offres sont venues s’ajou-ter aux systèmes d’exploitation proprié-taires, développés par chacun desindustriels, qui mettent au point des ter-minaux mobiles, lesquels demeurentaujourd’hui encore majoritaires.L’évolution des parts de ces différentsOS sur le marché des terminaux dépen-dra désormais de leur facilité à suppor-ter les nouvelles applications et lesnouveaux servicesque déploieront lesopérateurs. Il appa-raît dès à présentque, contrairement au monde de l’in-formatique, qui a vu rapidement ladomination d’un seul OS, la diversitédes applicatifs conduira les téléphonesmobiles à la coexistence d’un petitnombre d’OS, adaptés chacun à tel outel segment du marché, dès lors queleurs promoteurs leur assureront évolu-tivité et compétitivité.

Conclusion

Avec deux milliards d’utilisateurs dansle monde une quinzaine d’années aprèsle lancement des premiers GSM, la télé-phonie mobile connaît un essor d’unerapidité sans précédent. L’usage du por-table continuera à se développer selondeux axes :- dans les pays développés, où la péné-tration du mobile atteint d’ores et déjà80 % de la population, l’enjeu portedésormais sur le déploiement de ser-vices de plus en plus riches en conte-nus : photo-vidéo-télévision, connexioninternet rapide permise par le déploie-ment de la troisième génération, et,demain de la quatrième, mais aussi denombreux services : santé, sécurité,paiement en ligne, etc.

- dans les pays en développement, où lapénétration actuelle ne dépasse pas25 %, la croissance future passe par laconquête de populations à revenusmoindres que les premiers utilisateurs.Elle résultera de la capacité des équipe-mentiers à concevoir des terminaux etdes réseaux moins coûteux, sur lesquelsles opérateurs pourront déployer un ser-vice basique d’acheminement de lavoix proposé à des conditions très com-pétitives (Cf. carte).Née de premiers travaux menés parFrance Télécom et Deutsche Telecom, lanorme GSM a permis à la France de sepositionner de façon dynamique dansl’économie des télécommunicationsmobiles. Notre pays dispose en effet d’un

acteur significatifdes réseaux GSM –Alcatel, d’un acteuractif dans le termi-

nal mobile – Sagem Communication(groupe Safran), de nombreuses start updans les composants et les logiciels etenfin, de trois grands opérateurs :Orange, l’un des premiers acteurs euro-péens, SFR, qui fait partie du réseauVodafone, et Bouygues – sans compterde nombreux opérateurs virtuels(MVNO).Dans un monde où l’innovation techno-logique ne vaut que par sa congruenceaux services déployés par les opérateurs,et où l’impératif d’interopérabilité impo-se, de ce fait, des développements enpartenariat entre industriels, l’existencedes éléments de base de l’écosystème dumobile est un atout très significatif pourl’industrie de notre pays. Il nous appar-tient de poursuivre et promouvoir active-ment les coopérations entre ces différentsacteurs afin de maintenir notre capacitécollective de proposition et d’innovation.L’industrie des services de télécommuni-cation mobile, en raison de son impactprouvé sur le développement écono-mique, mais aussi de sa contribution à lasécurité et à la qualité de la vie, doit êtreconsidérée comme stratégique pournotre pays, tant pour son poids écono-mique actuel que pour ses potentialitésde développement, dans le futur. ●

La simplicité d’emploi résultede l’implantation de logicielsd’une complexité prodigieuse

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l e s a p p l i c a t i o n s

La diversité des composants dusystème de circulation montre

bien que l’usager n’est pas res-ponsable de tout. Il ne construitni les routes ni les véhicules, pas

plus que la météo ou la densitédu trafic, la présence de tra-

vaux, la signalisation défaillante,etc. En revanche, il incombe à

l’usager de prendre les décisionsqui s’imposent, en fonction de

ce qu’il rencontre sur la route.Les véhicules qu’il utilise ou le

réseau routier qu’il emprunte ouencore la gestion de la circula-

tion doivent accroître sa sécuri-té, lui permettre d’optimiser sesdécisions, voire même de pallier

les conséquences de ses pluslégères erreurs.

par Daniel Augello,Délégué à la Politique Transports,

Renault SA

Les facteurs de risque

L’accident de la route intervient à lasuite d’un dysfonctionnement du systè-me de circulation. Ce dysfonctionne-ment naît d’une conjonction de facteursqui rompt la situation « normale » de

conduite, crée une situation d’urgence,puis de choc. On considère souvent,pour des raisons pédagogiques, que cesfacteurs sont liés (par ordre d’importan-ce décroissante) : à une défaillance del’usager, à un défaut de l’infrastructure,à un environnement détérioré, à unedéfaillance mécanique, ces facteurspouvant se combiner entre eux.En ce qui concerne la défaillance del’usager, l’accident n’est pas nécessai-rement la conséquence d’une prise derisque délibérée. L’individu peut pren-dre des risques, ou bien ne pas perce-voir correctement le danger ou encorese trouver subitement exposé à unesituation qu’il ne peut maîtriser. Parmiles principaux facteurs, citons : l’al-coolisation, la fatigue, la distraction,les erreurs de conduite (dont la vitesseinappropriée, les réactions inadap-tées).Ces facteurs sont reliés soit aux caracté-ristiques psychologiques, physiologi-ques ou sociales de la personne soit àdes caractéristiques transitoires. Bienentendu, un accident n’intervient pas àchaque fois que l’on constate unedéfaillance de l’usager ; cette défaillan-ce ne fait qu’augmenter le risque.En ce qui concerne les facteurs liés àl’infrastructure, il est bien connu quecertains sites routiers sont considéréscomme des « points noirs ». En géné-ral, ces sections ne respectent pas unedes sept exigences de sécurité : visibi-lité, adéquation à la dynamique desmobiles usagers, possibilité d’évite-ment et de récupération, limitation dela gravité des chocs, cohérence detous les éléments de l’infrastructure,gestion adéquate des flux.Un environnement détérioré com-prend : de mauvaises conditions météo-rologiques, des possibilités insuffisantesd’alerte et de secours, des conditions decirculation difficiles.Les facteurs de risque liés au véhiculeconcernent plutôt son état : usure decertaines pièces (freins, amortisseurs,

pneumatiques), qualité de l’éclairage,qualité du châssis, etc. Les véhiculesneufs sont de mieux en mieux équipéspour la sécurité. En particulier, les pro-grès portent depuis longtemps sur lalimitation de la gravité des accidents :ceintures de sécurité, prétensionneurs,airbags, éléments de carrosserie absor-bant l’énergie. Depuis plus récemment,les constructeurs équipent leurs véhi-cules de dispositifs de sécurité primaire(ABS, maintien de la trajectoire, assis-tance au freinage d’urgence, etc.).

De nombreux projets de R&D impliquant fortement les TICLa notion d’assistance à la conduitetrouve son origine dans les programmesEureka, Prometheus et Carminat, qui sesont déroulés de 1987 à 1994. Cettenotion est née de la constatation quedans un grand nombre de situationsaccidentogènes, un gain d’une secon-de, voire d’une fraction de seconde,dans la juste compréhension d’unesituation, grâce à une information adé-quate ou bien l’amorce d’une réactionpar un automatisme approprié, pouvaitfaire la différence entre accident et non-accident, ou encore en matière deréduction de la gravité de l’accident.D’une manière analogue (bien quemoins critique) un conducteur bieninformé sur l’itinéraire à suivre dans unenvironnement routier ou urbain incon-nu grâce à un système de guidage, oubien renseigné sur les conditions àvenir du trafic, voit son stress diminuéet son attention portée à la conduiteaugmentée, diminuant ainsi la probabi-lité d’une situation accidentogène.A cette même époque, les potentialitéstechnologiques en termes de puissancede calcul embarqué, de capteurs,d’algorithmie, de télécommunicationmono- ou bidirectionnelle rendaientréaliste cette approche de fonctions

Assistance à la conduite : les perspectives

0951-2 41-44 Augello 27/10/05 14:29 Page 41

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d’assistance à la conduite et de coopé-ration avec l’infrastructure.C’est ainsi que les différents démons-trateurs Carminat et Prometheus sesont concrétisés. Depuis, certains ontfait l’objet d’une commercialisation :Carminat (pour la navigation/guidage etl’information sur le trafic), ACC (régula-teur de vitesse/distance), l’ESP (contrôleélectronique de stabilité).D’autres ont fait l’objet d’expérimenta-tion, comme Aida (pour la communica-tion courte portée entre le véhicule etl’infrastructure) et IVHW (Inter VehicleHazard Warning) (pour la communica-tion entre véhicules, réalisant la fonc-tion d’alerte rapprochée).D’autres fonctions enfin font encorel’objet de travaux de recherche commela détection et l’évitement d’obstaclesou la détection de baisses de la vigilan-ce (Cf. figure 1).La mise en œuvre des dispositifs d’as-sistance à la conduite repose sur l’ana-lyse des événements qui précèdent l’ac-cident, sur ce que nous appelons des« études détaillées d’accident », quiconstituent les bases de données acci-dentologiques. Celles-ci sont élaborées,depuis plusieurs années, en collabo-ration avec l’Inrets (Institut nationalde recherche sur les transports et leursécurité) et le Ceesar, structure directe-ment active sur le terrain.Le but est de pouvoir décrire les fac-teurs qui vont faire que l’accident seproduise. Des équipes interviennent entemps réel sur leslieux de l’accident,en même tempsque les services depolice et de se-cours, et décriventles accidents grâceà leurs observations et leurs contactsavec les différents acteurs présents. Le LAB (Laboratoire d’accidentologie etde biomécanique, commun à Renaultet PSA) travaille ainsi sur un peu plusd’un millier de cas de pré-collision, enFrance, afin d’identifier les événementsinitiateurs des chocs. Nous les répartis-sons, dans un premier temps, selon unetypologie classique : comportement hu-main, véhicule, infrastructure ou envi-ronnement (en particulier les conditionsmétéorologiques). Nous les répartissonsaussi selon des typologies de routes :

sur les sections de droites, dans desvirages ou à des intersections.Nous constatons que dans 70 à 83 %des cas, l’être humain est le premierresponsable. Nous expliquons ceserreurs par des défaillances de diffé-rents types.Les premières sont :- des défaillances de perception (leconducteur déclarant le plus souvent « jen’ai rien vu ») qu’on retrouve dans 50 %des cas ;- des défaillances d’évaluation de lasituation (vitesse, distance, adhérence,etc.) dans 15 % des cas ;- des défaillances d’interprétation

(incompréhensionde la situation)dans 8 % des cas ;- de mauvaises dé-cisions dans 10 %des cas ;- enfin de mau-

vaises manœuvres – malgré une bonnedécision – pour 17 % des cas.Nous pouvons également, sur la basedes études détaillées d’accidents, clas-ser les différentes défaillances selon letype de route, ligne droite, virage ouintersection. Les problèmes posés par ces différentesdéfaillances nécessitent des réponsesdifférentes. Il est donc indispensable dedécrire non seulement les défaillances,mais aussi les mécanismes ayant entraî-né ces erreurs. C’est à cette conditionseulement qu’on peut espérer mettre au

point des dispositifs susceptibles d’aiderle conducteur.On constate que dans 17 % des acci-dents, des informations sont indispo-nibles. Or, certains dispositifs sontcapables de fournir ces données auconducteur, alors qu’il ne peut lesdéceler lui-même. Dans 40 % des cas, on observe dessous-activations : le conducteur n’estpas en situation de percevoir, d’inter-préter et de décider. Là aussi, des dis-positifs peuvent l’aider. Enfin, dans 40 % des cas, la responsa-bilité repose sur des erreurs de condui-te (erreurs d’interprétation, de décisionet d’action). C’est dans ces cas-làqu’on se pose aujourd’hui la questiond’assister le conducteur par l’automati-sation de certaines fonctions deconduite.Les exemples sont : l’ABS, l’amplificateurde freinage d’urgence, le contrôle élec-tronique de stabilité (ESP), le régulateurde vitesse/distance (ACC) et, à plus longterme, la détection d’obstacles et le lanekeeping ou suivi de ligne.

L’interaction homme-machine

Cependant, le défi que la conception deces systèmes d’assistance doit releverréside dans l’étude de l’interface homme-machine, ou plus précisément du proces-sus d’interaction entre l’homme et la

Figure 1. - Historique des projets de recherche.

La mise en œuvre des dispositifsd’assistance à la conduite reposesur l’analyse des événementsqui précèdent l’accident, surce que nous appelons des« études détaillées d’accident »

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machine, et dans la nécessité évidentequ’ils soient utilisés par l’homme – leconducteur – sans contraindre exagéré-ment son style de conduite ou ses habi-tudes tout en comportant une certainedose de prescriptivité ou d’automatisme,condition nécessaire à une améliorationréelle et tangible de la sécurité.C’est sur ce point que les analysesdivergent parfois entre pouvoirs publicsou chercheurs et constructeurs d’auto-mobiles. Il est évident que des fonctionstrès prescriptives et très automatiséesauraient une efficacité théorique beau-coup plus grande du point de vue de lasécurité, à la condi-tion expresse detrouver des clientspour les acheter ets’en servir (à moinsque cela ne fassel’objet d’obligationde montage au travers de directiveseuropéennes).Toutefois, compte tenu du prix auquelces fonctions peuvent commencer àêtre mises sur le marché, passer par lestade de l’obligation réglementaire estirréaliste. Il est indispensable d’amorcerle processus vertueux de baisse descoûts au fil de l’enchaînement produc-tion, vente, productivité, en mettant surle marché des produits susceptibles detrouver des clients solvables, et doncdes produits répondant à des besoinssolvables, tout en apportant une contri-bution significative mais non optimale àl’amélioration de la sécurité routière.De plus, l’examen des forces et faibles-se comparées de l’homme et de lamachine (Cf. figure 2) nous confortedans notre attitude prudente quant àl’automatisation totale de la conduite :il faut savoir ne pas aller trop loin. L’autre phénomène à prendre en consi-dération dans ces développements estconstitué de l’effet secondaire (oupervers) que peut induire l’usage dece genre de fonction. Les construc-teurs sont très sensibles à cet aspectet conduisent des tests très appro-fondis avant commercialisation. PourCarminat, par exemple, plus d’un mil-lion de kilomètres x conducteurs ontété accumulés dans la phase de miseau point finale du produit (dans lecadre du projet européen Carminat-Cities).

A l’avenir, pour ces fonctions de sécuri-té active, nous sommes profondémentconvaincus qu’il convient d’adopterune approche statistique et relative(résultats avec la fonction par rapport àla situation de référence sans la fonc-tion) pour pallier ces phénomènes d’ef-fets secondaires ou plus généralementd’homéostasie du risque. En effet ils’agit d’augmenter majoritairement etstatistiquement la sécurité, pas néces-sairement de résoudre à 100 % etimmédiatement tous les problèmes,pour toutes les configurations et tous lescomportements. Qualitativement, l’ho-

méostasie du ris-que est un phéno-mène indéniable,mais aucune étudestatistique sérieuse(prenant en compte– comme en épi-

démiologie – les facteurs de confu-sion) n’a démontré à ce jour, quantita-tivement et statistiquement, un effetnéfaste sur la sécurité de l’offre defonctions d’assistance à la conduitedu type ABS, par exemple. Dans cetordre d’idée on peut aussi ajouter que,heureusement ou malheureusement,le risque routier ne fait pas partie del’univers objectif du conducteur : leconducteur moyen prend parfois desrisques sans en avoir conscience.Comment, dans ces conditions, pou-voir affirmer que tel dispositif (ABS,airbag ou autre), en renforçant le sen-timent de sécurité, va faire prendreplus de risques alors même que lefond du problème est que les risques,dans la très grande majorité des cas,sont pris inconsciemment.

Les domaines d’applicationUltime paradoxe à justifier : il s’agitdu champ d’application des fonctionsd’assistance de première générationque sont les voies du type autoroutesou voies rapides urbaines. Force est deconstater que ce n’est pas sur cesvoies que l’insécurité routière est laplus critique et quantitativement laplus importante (de l’ordre de 4 % desvictimes de la route). D’autre part, ilest de fait que ces premières généra-tions de systèmes ne sauront pasprendre en compte tous les contextes,toutes les situations et tous les usagers(piétons, cyclistes, animaux) et c’estpourquoi le domaine autoroutierconstitue un excellent laboratoired’introduction de ces technologiesnouvelles nous permettant (nous,constructeurs et équipementiers),d’amorcer un processus de progrèspas-à-pas, technique et économique,sur la durée, amorçant ainsi le marchégénérateur de productivité et debaisses de coûts justifiant des investis-sements complémentaires dans lesrecherches visant à augmenter les per-formances et le périmètre de fonction-nement de ces dispositifs.La démarche inverse prônée par cer-tains chercheurs considérant que laseule vraie solution est l’automatisa-tion totale de la conduite des voituresparticulières relève, industriellement,socialement et économiquement, del’utopie techniciste. Ajoutons à celaqu’aucun scénario d’introduction etde déploiement n’a à ce jour été ébau-ché et que personne ne sait (ou neveut) répondre à la question des

43N o v e m b r e 2 0 0 5

Figure 2. - Forces et faiblesses comparées de l’homme et de la machine.

L’examen des forces et faiblesse com-parées de l’homme et de la machinenous conforte dans notre attitudeprudente quant à l’automatisationtotale de la conduite : il faut savoirne pas aller trop loin

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constructeurs : dans cette hypothèsed’automatisation complète, qui seraresponsable, et de quoi ?A contrario, la commercialisation etl’intégration progressive de fonctionsd’information, d’alarme, d’assistancesous contrôle du conducteur, d’inter-vention automatique (Cf. figure 3) toutcela en coopération (Cf. figure 4) avecune infrastructure devenue, elle aussi,intelligente, devraient nous amener,éventuellement et sur le très long terme(2030/2050 ?), aux portes de la routeautomatisée, au sens technique de ceterme.

Définition de quelques fonctionsd’assistance à la conduite

- Carminat : système de navigation/gui-dage intégrant les informations sur letrafic en temps réel. L’information est àla fois visuelle et sonore, avec synthèsede la parole.- ACC (Adaptive Cruise Control) : systè-me régulant la vitesse du véhicule à lavaleur choisie par le conducteur ou, enprésence d’un autre véhicule sur lamême voie, régulant la distance avec cevéhicule (de 1,2 à 2 secondes) avecaction sur l’accélérateur et les freins.

- UDC : système comparable à ACC,mais avec un domaine de fonctionne-ment étendu jusqu’à la vitesse nulle etle redémarrage automatique (décolla-ge), avec éventuellement une commu-nication avec l’infrastructure pour latransmission d’une vitesse de consigne.- ESP : système de contrôle électroniquede stabilité destiné à corriger des sousou sur-virages, en cas d’inadaptation dela vitesse à la courbe et/ou à l’adhéren-ce disponible, ceci par un freinage dif-férencié des quatre roues.- ABS : système destiné à éviter le blo-cage des roues en cas de freinage, per-mettant ainsi de conserver la directivitédu véhicule.- Lavia : système de limiteur de vitesses’adaptant à la vitesse autorisée sur l’in-frastructure utilisée par l’automobiliste,résultat obtenu par l’intégration d’unlimiteur de vitesse et d’un système denavigation, avec une base de donnéescontenant les vitesses réglementairespar tronçon de route et/ou par unecommunication courte portée avec l’in-frastructure (signalisation « intelligen-te »).- Aida : système d’information embar-qué, reposant sur la communicationbidirectionnelle courte portée sol/véhi-cule. Le véhicule fait remonter automa-tiquement de l’information au PC decirculation (vitesse, pluie, brouillard…)et en reçoit en retour.- IVHW (Inter Vehicle Hasard Warning) :système d’alerte rapprochée du messa-ge « feux de détresse », sur une portéede un à deux km, avec géolocalisationet sens de circulation.- Collision Warning ou détection d’obs-tacle : système analogue à l’ACC, maisavec prise en compte des obstaclesfixes de toutes natures pouvant se trou-ver sur la trajectoire.- Lane Keeping ou suivi de ligne : systè-me de maintien de la trajectoire sur lavoie de circulation par lecture vidéo dumarquage horizontal de la route.- E-Call ou appel d’urgence : systèmeintégrant GPS, GSM et un détecteur dechoc, destiné à envoyer un « SOS »géolocalisé aux services de secours encas d’accident. ●

44 A n n a l e s d e s M i n e s

Figure 3. - Plus le danger est proche, plus le besoin est important de dispositifs de sécurité électroniques.

Figure 4. - Feuille de route des systèmes intégrés d’assistance à la conduite.

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l e s a p p l i c a t i o n s

Airbus a décidé d’adopter uneavionique modulaire sur son

dernier né, l’A380. Cette archi-tecture apporte une réponse àun besoin rapidement évolutif,

car la vie d’un programmed’avions se compte en décen-

nies, alors que les servicesdemandés par les compagnies

aériennes et leurs passagers pré-sentent des cycles beaucoup pluscourts. Ce concept facilitera lesévolutions futures de l’A380 et

devient, pour Airbus, le nouveaustandard avionique.

par Pierre Froment, Airbus

L a technologie de l’avioniquemodulaire adoptée pour l’A380se fonde sur :

- des ressources configurables (matérielet logiciel basique) capables de recevoirun certain nombre d’applicatifs (calculs,logiques, entrées/sorties) dédiés à desfonctionnalités particulières de l’avion ;- un réseau Ethernet redondant de 100Mbits/s, qui a du être adapté pour pou-voir répondre à des contraintes de criti-cité.En dépit du niveau d’innovation propo-sé, un excellent niveau de maturité aété atteint dès le premier vol.Une multitude de systèmes sont instal-lés à bord de l’avion, dont le but estd’assurer les fonctionnalités néces-

saires à la conduite de sa mission et àla sécurité de ses occupants. Le tableauci-dessous en donne une vision nonexhaustive.

Le constat d’une évolutionet la nécessité d’une révolution1983 : A310- présentation électronique (écrans)pour l’ensemble des instruments debord et du système d’alarmes ;- pilote automatique et gestion du volsur calculateurs digitaux.1998 : A320- système de commandes de vol élec-triques, calculateurs digitaux ;- système de maintenance centralisé.1992 : A340- contrôle électronique des gestionsd’énergie (électrique, hydraulique) ;- communication par satellite ;- système de gestion électronique ducarburant.1992 à 2002 : tous programmes- services nouveaux à l’équipage et auxpassagers ;- système de navigation du futur (liaisonde données avec les centres opération-nels des compagnies aériennes etcentres de gestion du trafic aérien) ;- nouveaux concepts de navigationaérienne ;

- téléchargement de logiciels.La figure 1 résume l’évolution perçuesur la puissance totale de calcul, lenombre de bus et le volume de logi-ciels.Pour assurer leurs fonctions, ces diverssystèmes disposent de capteurs, de cal-culateurs, d’actionneurs, d’alimentationen énergie, etc. Chacun de ces sys-tèmes doit donc, en soi, être capable degérer, d’échanger et de traiter des don-nées. Ceci avait historiquement été réa-lisé par une électronique dédiée à cha-cun de ces systèmes, qui avait étédésignée sous le barbarisme « avio-nique », c’est-à-dire : avion + électro-nique.Mais l’augmentation des fonctionnalitésdemandées a conduit progressivementà une forte inflation du nombre de cal-culateurs embarqués, qui présente unnombre important d’inconvénients :- une masse importante (câblage et cal-culateurs) ;- une consommation d’énergie (refroi-dissement des calculateurs) ;- un coût élevé (faibles séries) ;- une fiabilité moindre (nombre élevéde calculateurs) ;- une gestion complexe de l’obsoles-cence des composants électroniques.Par ailleurs, les fonctionnalités à assurerdevenant plus complexes, il s’ensuit unbesoin croissant d’échanges de don-nées entre les systèmes eux-mêmes. Il

L’architecture avionique de l’A380

Conditionnement, pressurisation Instruments de bord

Génération & distribution électrique Navigation

Pilote Automatique Surveillance des portes

Commandes de vol Communications

Antigivrage Protection incendie et fumées

Eclairage Génération & distribution hydraulique

Maintenance Train d’atterrissage

Système de carburant Système propulsif

Système de freinage Système de démarrage

Services aux passagers Eaux usées

TABLEAU I

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46 A n n a l e s d e s M i n e s

apparaît donc clairement un facteur« exponentiel » dans la croissance del’échange d’information.Cet ensemble de facteurs a créé un fortbesoin d’évolution ; les technologiesissues du monde de l’informatiquemoderne ont permis d’y apporter desréponses. Cependant, les contraintes del’avionique embarquée ont nécessité uncertain nombre de travaux de dévelop-pement.

Les contraintes de l’électronique embarquée dans un avioncommercial

Première contrainte : la sécurité. Lemonde de l’aéronautique est soumis àde très fortes contraintes, que nous nedétaillerons pas ici. L’une d’entre ellesest qu’aucune panne « unitaire » del’un quelconque des éléments, mêmedémontrée comme extrêmement im-probable, ne doit entraîner d’événe-ment catastrophique.Deuxième contrainte : la performanceopérationnelle. Les attentes légitimesdes passagers, l’encombrement du tra-fic aérien, la gestion des opérations sontdes éléments qui conduisent les com-pagnies à avoir de fortes exigences en

matière de fiabilité de l’avion. Typi-quement, les exigences exprimées parnos clients sont de l’ordre de « 99,5 %de vols ayant moins de 15 minutes deretard pour des raisons liées à l’avion ».Les autres causes de retard ne man-quent malheureusement pas : il estdonc nécessaire que l’avion soit aussitransparent que possible dans la diffici-le orchestration des opérations.Troisième contrainte : la performancetechnique. La masse est évidemment leprincipal ennemi de l’aviation… Il enest un autre, plus insidieux, c’est laconsommation électrique. Elle induitun premier effet sur le dimensionne-ment du système de génération élec-trique, et un second… sur le système derefroidissement. Par ailleurs, un élé-ment non négligeable est à prendre encompte, particulièrement sur les avionsde grande taille : la masse des câblagesdépasse souvent largement celle descalculateurs…Enfin, quatrième contrainte : l’évolutivi-té. La durée de vie d’un programmed’avion est de plusieurs dizaines d’an-nées (c’est l’âge de l’Airbus A300 ou duBoeing 747, tous deux encore en pro-duction). Sur une telle durée, les évolu-tions du trafic aérien, des services auxpassagers, des possibilités offertes enmatière de navigation (etc.) génèrent lebesoin d’implémenter sur nos appareils

(voire d’appliquer en retro fit sur desavions déjà produits) de nouvelles fonc-tionnalités insoupçonnées lors de saconception initiale. L’architecture avio-nique doit donc s’accommoder de cettenécessité.L’avionique modulaire embarquée a étédéfinie comme une réponse aux défisévoqués ci-dessus. Deux élémentsessentiels la composent :- des modules (appelés « modulesIMA » dans la suite du texte), standardi-sés dans leurs composants essentiels,destinés à abriter les divers applicatifs,et à acquérir et échanger des données ;- un réseau de communication à hautdébit, appelé AFDX (Full DuplexEthernet).

Les modules IMA

Les séries d’avions commerciaux,même les plus vendus, ne dépassentpas les quelques milliers d’exemplaires.C’est à la fois énorme, si l’on comparece volume aux premiers programmesaéronautiques européens, et insigni-fiant, comparé aux productions de l’au-tomobile, de la téléphonie mobile, etc.Si l’on souhaite pouvoir obtenir uneélectronique développée de manièreindustrielle et à un coût acceptable, ilest nécessaire de couvrir l’ensemble

Fig. 1. - Les systèmes électroniques se sont considérablement accrus d’un modèle à l’autre depuis trente ans.

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des besoins de l’électronique embar-quée, fort différents d’un système àl’autre, par des composants aussi stan-dardisés que possible. L’approche rete-nue a consisté à développer 8 compo-sants de base (par exemple boîtier,alimentation, carte CPU, plusieurscartes d’entrée-sortie…), qui peuventêtre assemblés de façon flexible, pourcouvrir les besoins de chaque systèmeou groupe de systèmes particuliers(figures 1 et 2).La conception de chaque composantest calculée pour que chacun desmodules assemblés ait un « MTBF » de50 000 heures. Par ailleurs, chacun deces composants de base est conçu avecl’objectif non pas d’échapper à l’obso-lescence des composants, ce qui seraitvain, mais d’en limiter le risque et desavoir y faire face.

On pourrait ainsi comparer cette stratégieà celle des « assembleurs de PC » qui, àpartir d’un certain nombre de compo-sants, peuvent élaborer la machinenécessaire aux besoins spécifiques d’unclient. Dans le cas de l’A380, ces 8composants de ba-se permettent d’as-sembler les 30 mo-dules nécessaires àchaque avion (lenombre total est dû aux nécessaires re-dondances).Le fournisseur de chacun des systèmesdevra donc élaborer ses applicatifs demanière à les implanter dans cesmodules, un même module pouvantainsi abriter plusieurs applications, pro-venant éventuellement de fournisseursdifférents. Cette stratégie permet uneutilisation meilleure des ressources.

Le réseau AFDXComme tout réseau informatique, lebut du réseau AFDX est de garantirl’échange de données entre les dif-férents modules, mais aussi entre

modules et autrescomposants dessystèmes embar-qués. Les caracté-ristiques supplé-

mentaires attendues d’un réseauembarqué sont relatives au « détermi-nisme » du mode de fonctionnement decelui-ci ; il faut, en effet, garantir demanière déterministe l’acheminementeffectif des données, mais aussi leurtemps de transfert. Afin de prendre en compte cescontraintes, mais aussi de faire large-ment appel aux standards du commer-

47N o v e m b r e 2 0 0 5

Fig. 2. - L’architecture globale du réseau est particulièrement complexe.

La masse est évidemment le prin-cipal ennemi de l’aviation… Ilen est un autre, plus insidieux,c’est la consommation électrique

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ce pour pouvoir bénéficier de l’environ-nement de développement nécessaire àmoindre coût, la stratégie s’est appuyéesur la base existante du protocoleEthernet TCP/IP. La mise en œuvre de ceréseau a nécessité le développement de« routeurs » (ou « switchs »).La couche physique du réseau a été« durcie » pour être cohérente avecl’environnement avion et repose surdes paires torsadées en cuivre.L’ensemble du réseau présente évidem-ment le degré de redondance nécessai-re pour satisfaireles exigences desécurité.A partir des com-posants décrits plushauts, Airbus s’est attaché à définir unearchitecture de réseau permettant uneoptimisation de la masse ainsi que desflux de données, tout en respectant évi-demment les contraintes de redondanceet de ségrégation, indispensables à lasécurité.

L’aspect industriel

Cette révolution architecturale n’est passans conséquences sur le panorama in-dustriel, puisqu’elle revient à ramener,dans une architecture optimisée, desfonctionnalités qui étaient auparavantdisséminées de manière plus ou moinsharmonieuse.

Sur le plan de l’ensemble de l’avio-nique modulaire, les acteurs essentielsen sont Airbus (architecte réseau etproduction de modules), Thalès (pro-duction de modules) et Rockwell-Collins (production des routeurs ou« switchs »).Mais cette révolution n’est pas sansconséquence sur les autres acteurs. Leséquipementiers « traditionnels », quifournissaient les systèmes les plusvariés, en développaient la plupartdu temps aussi la partie « électroni-

que de contrôleet commande ». Au-jourd’hui, Airbusattend d’eux, dansce domaine, la

fourniture d’un applicatif susceptibled’être intégré dans les modules IMA.Ce qui constitue à la fois un change-ment de « business model » (moins departies physiques) et l’apparition d’unnouveau métier (évolution de compé-tences). Cette évolution a été accom-pagnée, par Airbus et Thalès, d’undéveloppement d’outils, diffusés au-près des autres équipementiers et des-tinés à obtenir un développement plus« fédéré », ce qui a limité les pro-blèmes liés à l’intégration.Globalement, l’ensemble des acteursde la construction aéronautique adonc contribué à ce qui, après les pre-miers vols, apparaît déjà comme unsuccès technique et industriel.

Vers une évolution du nouveau standard

La réponse apportée par l’avioniquemodulaire intégrée a permis de faireface aux défis de l’A380 et de proposerun nouveau standard pour l’aéronau-tique, déjà adopté par l’A400M (avioneuropéen de transport militaire).Ce standard correspond réellement àune rupture par rapport aux architec-tures qui l’ont précédé. La durée de viedes programmes aéronautiques est telleque la prochaine révolution n’est sansdoute pas pour demain. Toutefois, lenombre et la complexité des fonctionsattendues de l’électronique embarquéene cesseront pas pour autant de croître !Il est donc déjà temps de penser auxévolutions que devra accepter ce nou-veau standard pour rester une norme. Ilfaudra en particulier intégrer, dans lesmodules IMA, une augmentation de lapuissance de calcul et de la capacité demémoire, mais aussi s’accommoder, enmatière d’entrées – sorties, de futursstandards de bus locaux (ou « bus deterrain »). Notons que la conceptionmodulaire facilitera cette évolution, encantonnant les évolutions à quelques-uns des composants. En ce qui concer-ne le bus AFDX, aujourd’hui supportépar des paires torsadées, l’arrivée de lafibre optique donnera une marge sup-plémentaire de croissance. ●

48 A n n a l e s d e s M i n e s

L’ensemble du réseau présenteévidemment le degré de redon-dance nécessaire pour satisfaireles exigences de sécurité

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nomiques. Consacrées hier à l’industrie lourde,elles s’intéressent aujourd’hui à l’ensemble de l’ac-tivité industrielle en France et dans le monde, sousses aspects économiques, scientifiques, techniqueset socio-culturels.

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nourris d’expériences concrètes : les numéros desAnnales des Mines sont des documents qui fontréférence en matière d’industrie.

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Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines pose un regard lucide, parfois critique,

sur la gestion « au concret » des entreprises et desaffaires publiques. Gérer & Comprendre va au-delàdes idées reçues et présente au lecteur, non pas desrecettes, mais des faits, des expériences et des idéespour comprendre et mieux gérer.

Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines propose de contribuer aux débats sur

les choix techniques qui engagent nos sociétés enmatière d’environnement et de risques industriels.Son ambition : ouvrir ses colonnes à toutes les opi-nions qui s’inscrivent dans une démarche deconfrontation rigoureuse des idées. Son public :industries, associations, universitaires ou élus, ettous ceux qui s’intéressent aux grands enjeux denotre société.

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MINESFondées en 1794

F ondées en 1794, les Annales des Mines comp-tent parmi les plus anciennes publications éco-

nomiques. Consacrées hier à l’industrie lourde,elles s’intéressent aujourd’hui à l’ensemble de l’ac-tivité industrielle en France et dans le monde, sousses aspects économiques, scientifiques, techniqueset socio-culturels.

D es articles rédigés par les meilleurs spécialistesfrançais et étrangers, d’une lecture aisée,

nourris d’expériences concrètes : les numéros desAnnales des Mines sont des documents qui fontréférence en matière d’industrie.

L es Annales des Mines éditent trois séries com-plémentaires :

Réalités Industrielles,Gérer & Comprendre,

Responsabilité & Environnement.

Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines fait le point sur un sujet technique, un

secteur économique ou un problème d’actualité.Chaque numéro, en une vingtaine d’articles, pro-pose une sélection d’informations concrètes, desanalyses approfondies, des connaissances à jourpour mieux apprécier les réalités du monde indus-triel.

Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines pose un regard lucide, parfois critique,

sur la gestion « au concret » des entreprises et desaffaires publiques. Gérer & Comprendre va au-delàdes idées reçues et présente au lecteur, non pas desrecettes, mais des faits, des expériences et des idéespour comprendre et mieux gérer.

Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines propose de contribuer aux débats sur

les choix techniques qui engagent nos sociétés enmatière d’environnement et de risques industriels.Son ambition : ouvrir ses colonnes à toutes les opi-nions qui s’inscrivent dans une démarche deconfrontation rigoureuse des idées. Son public :industries, associations, universitaires ou élus, ettous ceux qui s’intéressent aux grands enjeux denotre société.

RESPONSABILITÉ & ENVIRONNEMENT

GÉRER & COMPRENDRE

RÉALITÉS INDUSTRIELLES

Réalités Industrielles

4 numéros France Etrangerau tarif de :Particuliers ❑ 74 € ❑ 89 €Institutions ❑ 96 € ❑ 115 €

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51N o v e m b r e 2 0 0 5

l e s a p p l i c a t i o n s

Les applications des TIC audomaine de la santé devraientconnaître dans les prochaines

années un développement consi-dérable, générateur d’emplois

industriels, de gains de producti-vité et de réduction des coûts

pour ce secteur. La France dis-pose des compétences néces-

saires au développement des TICadaptées au secteur sanitaire ;

les résultats économiques dépen-dent des efforts de recherche et

développement engagés et desencouragements en direction desacteurs de la santé, des sociétésde service, des développeurs de

logiciels et des producteurs dematériels électroniques.

par Géraldine Capdeboscq,Bull

A près une histoire mouvementée,dont elle n’aurait pas surmontéles difficultés sans une grande

capacité d’innovation due à ses compé-tences techniques, et sans l’appui per-sévérant de l’Etat, la société Bull reste le

dernier fournisseur européen d’ordina-teurs. Elle espère sortir un jour de cettesituation qui a longtemps empêchél’opinion publique française, et euro-péenne – au moins dans les pays quiavaient laissé disparaître leurs propresconstructeurs – de prendre consciencede l’importance des technologies nu-mériques dans la spécialisation interna-tionale, et des inconvénients qu’auraitla perte de contrôle d’un élément clé dela chaîne de valeur ajoutée qu’appor-tent ces technologies pour la croissanceéconomique. Contrairement à ce qui se passe dansle domaine des technologies électroni-ques et numériques, le domaine de lasanté est généralement crédité d’un bonpotentiel tant pour les activités actuellesque pour les bio-technologies du futur. Mais dans ce domaine aussi, la com-pétition internationale est très forte, etl’effort de recherche et d’innovationva devoir prendre en compte desavantages nouveaux qu’apportent dessystèmes d’information très perfor-mants, des capacités d’échange entemps réel, et des capacités de traite-ment de données très nombreuses etcomplexes. Pour participer aux grands projets deréforme en cours en France et enEurope dans le domaine de la santé,Bull a choisi de coopérer avec Siemens,pour associer l’expérience de cettesociété dans l’outillage et les tech-niques médicales et la gestion des sys-tèmes de soins américains avec ses ser-vices d’intégration de systèmes et depilotage de grands projets, qu’il s’agissede déployer une infrastructure orientéeservices en ligne (SOA) ou des solutionsperformantes pour la sécurité des sys-tèmes, avec les grands serveurs Bull

conçus à partir de composants stan-dards et de logiciels libres. Comme l’ensemble des sociétés activesdans le domaine de la santé, Bull seradonc très attentive au succès des évolu-tions du marché européen sous l’anglede :- la nécessaire relance de la rechercheet du développement de solutions inno-vantes dans le domaine des Tic et celuide la santé, l’un aidant l’autre ;- la promotion de solutions conçues etdéveloppées en France pour la mise enréseaux et l’interopérabilité des sys-tèmes d’information, leur sécurisationet leur infogérance ;- la mise en œuvre des principalesréformes annoncées depuis quelquesmois, dans le domaine de l’aide à larecherche, de la réforme de l’assurancemaladie (dossier médical personnel) etdu fonctionnement des services publics(partenariats « public-privé ») dans ledomaine de la santé. Il a été « de bon ton » en Europe, dansles années récentes, de considérerque la maîtrise des technologies nu-mériques pouvait être laissée auxAméricains et aux Japonais, voire auxIndiens, et qu’on devait importer lesoutils correspondants au prix le plusbas possible, plutôt que faire l’effort deconcevoir ceux-ci, et de les développer,sur le territoire européen. Cette position correspondait certes auxintérêts de court terme des consomma-teurs, et s’accordait bien aussi avec lesouci de protéger des structures tradition-nelles, notamment administratives ou deproduction, dans la mesure où elle indui-sait une introduction plus tardive et lented’outils informatiques modernes, fauted’avoir été conçus en prise directe avecles utilisateurs potentiels.

Les technologies de l’informationet de la communication et leurs applications

dans la santé

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52 A n n a l e s d e s M i n e s

Bien qu’avec retard, ces outils se sontnéanmoins imposés, en raison des gainsde productivité qu’ils permettent. Lesemplois traditionnels ont diminué àmesure que se généralisaient ces outilsqui, à de rares exceptions près, ont étédéveloppés dans d’autres pays. L’idéo-logie ambiante a donc simplement frei-né le développement local des emploisnouveaux, plus techniquement quali-fiés, qui auraient dû remplacer, au bé-néfice des générations suivantes, lesemplois inéluctablement dépassés.Dans tous les métiers, les outils faisantappel aux technologies mécaniques,analogiques, photographiques, etc.,sont progressivement remplacés par desordinateurs communicants, ou tout aumoins par des outils utilisant les tech-nologies numériques, qui prennent unepart croissante de la valeur ajoutée.C’est particulièrement vrai dans le sec-teur de la santé.Ces technologies numériques devien-nent on demand, comme l’énergie,l’eau ou l’électricité ; mais, alors queles investissements de recherche et dedéveloppement dans les TIC continuentà être prioritaires (et considérablementaidés par les pouvoirs publics) dans lesautres parties du monde, et alors que laChine fait aujourd’hui l’effort de créerde toute pièce une industrie électro-nique diversifiée et puissante, cet étran-ge mépris de l’enjeu que représententles TIC reste malheureusement répan-du. Les conséquences culturelles, éco-nomiques, sociales, et financières et leseffets de la dépendance correspondanten’ont commencé que très récemment àêtre un objet de débat et de réflexioncollective. Leurs acheteurs européens, publics etprivés, n’ont qu’insuffisamment contri-bué au développement des TIC sur leurterritoire ; ils n’ont pas souvent le ré-flexe de privilégier les technologiesnouvelles qui s’y présentent et de cher-cher à tirer avantage des innovations ense les appropriant dès qu’elles apparais-sent, comme le font systématiquementleurs homologues américains ou asia-tiques ; ils ont tendance à se contenterdes solutions TIC déjà éprouvées ail-leurs, ce qui les prive d’atouts différen-ciants dans la compétition internationa-le et les met en situation dangereuse dedépendance. La rentabilité de l’aide à

la recherche apportée par les pouvoirspublics en sort affaiblie, car les créa-tions d’emplois locaux, qui engendrentdes recettes fiscales et des cotisationssociales supplémentaires, sont freinées.Les compétences et les start-ups bril-lantes n’ont pas manqué, mais nombred’entre elles n’ont eu d’autre solutionque de se vendre à des sociétés étran-gères puissantes, plus disposées à lesaider à conquérir le marché internatio-nal et, avec retard, leur pays d’origine.Il faut donner aux emplois associés àces technologies nouvelles la possibili-té de se construire, leur offrir non pasun marché réservé, mais une chance dese faire connaître par une ou plusieursréalisations de référence, et de conqué-rir une part de marché significative surleur marché d’origine. Le « patriotismeindustriel » moderne ne peut en effetreprendre les voies du nationalisme etdu protectionnisme d’antan, car larecherche et l’innovation sont des prisesde risques, qui résultent toujours decoopérations et de compétitions exi-geant une grande intensité d’échanges ;elles tirent parti d’acquis déjà promuspar des sociétés internationales puis-santes et dont il ne faut évidemment passe priver ; enfin, pour démontrer la qua-lité d’une innovation sur le marchéinternational, la dimension européenneest indispensable.

L’enjeu est considérable

Les chiffres clés pour 2005 sur la scien-ce, la technologie et l’innovation par laCommission européenne, publiés enjuillet, font apparaître que le taux decroissance du rapport entre les dé-penses de R&D et le PIB régresse depuis2000 et est actuellement proche dezéro. En outre, l’Europe attire moins lesactivités de recherche que par le passé :entre 1997 et 2002, les dépense deR&D effectuées par les entreprises del’UE aux Etats-Unis ont augmenté beau-coup plus rapidement que celles desentreprises américaines dans l’Unioneuropéenne (54 % contre 38 %). Ledéséquilibre net en faveur des Etats-Unis a quintuplé entre 1997 et 2002 : ilest en effet passé d’environ 300 mil-lions d’euros en 1997 à près de 2 mil-liards d’euros en 2002. De plus, les

investissements des Etats-Unis ont aug-menté beaucoup plus rapidement dansdes régions situées en dehors de l’UE :25 % par an en Chine contre seulement8 % environ dans l’Union européenne.Or, ce retard pris par l’Europe dans ledomaine de la recherche et de l’innova-tion est notamment dû aux domainesdes TIC et de la santé.La France dispose pourtant dans ledomaine de la santé d’une positionfavorable, que cette position se mesureen termes d’espérance de vie descitoyens, de natalité et de taux de mor-talité infantile, de productivité horairedu travail (pour les actifs), ou par l’exis-tence sur son territoire de grandesentreprises pharmaceutiques, de labo-ratoires de recherche réputés, et decompétences scientifiques et technolo-giques importantes dans le domainedes TIC. Et ces compétences françaisessont reconnues sur le plan internatio-nal.Mais de multiples rapports (1) d’expertsrécents insistent sur le retard qui seprend désormais dans les domaines de :- la recherche dans les médicaments(Cf. le n° 2005-I des Annales des Mines) :- les biotechnologies ;- la psychiatrie ;- l’organisation des soins (médecine deville/hôpitaux) et le déficit de l’AssuranceMaladie ;- les emplois induits (depuis le cher-cheur et prix Nobel de médecine jus-qu’aux emplois d’aide à domicile) ;- le rythme d’appropriation des TICet leur rôle dans toutes les formesd’échanges, les outils et l’organisationsociale du travail.L’inquiétude des experts reflète bien sûrla prise de conscience d’une réalité,mais elle correspond aussi au sentimentque tout n’est pas fait pour y remédier,et que les compétences encore dispo-nibles peuvent contribuer à un effort deredressement efficace.Selon l’OCDE, les dépenses totales desanté représentaient 8,5 % dans lamoyenne des pays de l’OCDE (prèsde 8 % au Royaume-Uni, 11 % en

(1) Numéro des Annales des Mines, série RéalitésIndustrielles, de 2005 consacré à la pharmacie ;rapport Fontagné-Lorenzi du Conseil d’analyse éco-nomique, fin 2004 ; rapport Betbèze, juin 2004 ;rapport Beffa, janvier 2005 ; rapport Moinot ; rap-port annuel de la Cour des comptes sur l’assurancemaladie ; rapport Yolin sur les TIC et les PME.

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Allemagne et 9,5 % en France, 14,5 %aux USA en 2002). Ces dépenses cou-vrent aussi bien des équipements quedes bâtiments et des personnels.Rappelons que le secteur de la santé estun employeur majeur, souvent le plusgrand, dans la plupart des pays occi-dentaux ; plus d’un million de per-sonnes en France et en Grande-Bretagne, par exemple. Les principaux analystes industriels spé-cialistes des TIC (Datamonitor, Gartner,IDC…) prévoient une croissanceannuelle moyenne de ces activités (surle marché européen, dans le domainede la santé) comprise entre 6 et 9 % paran d’ici 2010, dont près de 8 % par anpour les trois prochaines années. Lacroissance des dépenses TIC dans lasanté devrait être de l’ordre de 10 % enEspagne et 14 % dans les pays de l’Est,contre 7 % en moyenne en Allemagneet en France. Ces taux concernent le matériel (+ 8 à+ 12 % par an, si l’on inclut l’outillagemédical « propriétaire » dont les com-posants « embarqués » spécifiques évo-luent à mesure que les informationsdoivent être mises en réseaux), les logi-ciels (+ 6 à 9 % par an) et les services(+ 3 à 4 % par an). C’est dire l’importance que prendrontles TIC dans les applications de la santédans les années qui viennent. Le domaine de la santé est à la fois undomaine qui relève de la responsabiliténationale et un domaine très porteur del’activité économique et de l’emploi, oùla disponibilité d’outils compétitifs estessentielle. Les règles en vigueur, ouque développe l’Union européennedevraient favoriser leur diffusion danstous les pays de l’Union.Compte tenu de la nature et de l’impor-tance des réformes qui y sont actuel-lement engagées, ce domaine devraitêtre un champ exemplaire du « patrio-tisme industriel » européen, évoqué ré-cemment par le Premier ministre pource qui concerne la France, ou à tout lemoins d’un dynamisme industriel eu-ropéen maîtrisé, favorisant des investis-sements rentables dans des domainesinnovants et créateurs d’emploi, c’est-à-dire de la promotion de technolo-gies très innovantes et compétitives,conçues sur le territoire européen oupour ses besoins spécifiques, de façon à

y réconcilier la création d’emplois avecla compétition internationale. Un grandnombre des technologies développéespour la santé devraient avoir en outreun caractère « dual » privé-public, et sedéployer au sein de solutions concer-nant notamment les services de l’Etatou les collectivités territoriales, commedans toutes les activités commerciales.Dans la plupart des pays, mais notam-ment en Europe, l’allongement de ladurée de la vie et l’augmentation de laqualité des soins médicaux se tradui-sent par une croissance des dépensesde santé plus rapide que celle de larichesse nationale, ce qui impose, pourrésoudre la contradiction qui en résulte,un rythme d’innovations et de gains decompétitivité très soutenu, tant dans ledomaine des technologies médicalesque dans celui de l’organisation dessoins.Une très large part des produits et « so-lutions » (combinant produits et ser-vices sous-jacents à la croissance desactivités de santé) restent à inventer. Lescompétences nécessaires pour construi-re ces nouveaux outils existent heureu-sement en France, mais il faut encoura-ger les acteurs de la santé, mais aussiles sociétés de services, les dévelop-peurs de logiciels ou les producteurs dematériels électroniques, à en faire deséléments de leur compétitivité.Les pays européens présentent globale-ment deux types de systèmes de santé : - des soins gratuits financés par l’impôtet gérés par une administration : c’est lecas au Danemark, en Espagne, enFinlande, en Grèce, en Italie, enIrlande, au Portugal, au Royaume-Uni,et en Suède. Les médecins y sont dessalariés du secteur public. Un secteurprivé parallèle répond à la demandeque le secteur public ne peut satisfaire ;

- des soins financés par des cotisationssociales prélevées sur les salaires etgérées par des organismes de sécuritésociale. La médecine de ville y estmajoritairement libérale alors que lesecteur hospitalier est généralementpublic, mais il y existe aussi un secteurhospitalier de cliniques privées.C’est lesystème de soins en vigueur enAllemagne, en Autriche, en Belgique,en France, au Luxembourg, et aux Pays-Bas. En dépit de la forte pression financièresur les finances publiques qui en résul-te, la solidarité et l’universalité restentles principes fondateurs de tous les sys-tèmes européens et ne sont pas remisen cause.En revanche, tous ces pays ont entaméle chantier de la rénovation de leurpolitique de santé publique, pour rele-ver des défis majeurs, notamment lemaintien à un niveau satisfaisant del’offre de prévention et de soins, par : - la protection contre les pandémiesinternationales avec les systèmes devigilance appropriés ;- la mise en œuvre de programmes derecherche pour favoriser le développe-ment et le partage des connaissancemédicales ;- la fixation des grands objectifs desanté publique et le développementd’outils de mesure des résultatsatteints ;- la vérification de la qualité des médi-caments par un mécanisme d’autorisa-tion de leur mise sur le marché ;- la coopération entre médecine de villeet médecine hospitalière, en prenant encompte une participation croissante despatients dans les décisions de santé ;- la définition des règles d’organisationdes soins et l’optimisation des dépensesen vue d’en maîtriser la croissance.

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Milliards $ US 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Hardware* 5,5 5,9 6,5 7,0 7,3 7,7

Software 4,4 4,8 5,2 5,6 6,0 6,4

Services IT 9,3 9,6 10,1 10,7 11,3 12,1

Total 19,2 21,2 21,8 23,2 24,6 26,2

* hors matériels médicaux.Source : IDC 2005 : Europe des 25 + Suisse, Norvège et Russie.

TABLEAU I Les services représentent un peu moins de la moitié

des investissements totaux d’informatique

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L’évolution des systèmesd’information constituel’instrument privilégié de ce très vaste chantier

L’objectif est de faciliter la collaborationd’équipes pluridisciplinaires et souventgéographiquement distantes (2), de leurpermettre de mettre en commun, avecla meilleure qualité possible, les infor-mations (images, textes, sons…) dontelles ont besoin.Ainsi, en France, les « systèmes d’infor-mation hospitaliers » (SIH), aujourd’huihétérogènes et informatisés à des de-grés variables, devraient devenir trans-parents pour garantir aux professionnelsde santé, où qu’ils se trouvent dansl’hôpital, l’ergonomie de leurs postesde travail et un accès suffisamment rapi-de aux informations de toutes sortes quileur sont nécessaires (production desoins, relations avec la recherche, pla-teaux techniques, finance et administra-tion). Le développement de réseaux de soinset de l’hospitalisation à domicile s’ins-crit également dans une logique d’ou-verture du système d’information de lasanté, au service des patients.Pour certaines spécialités, telles que lecancer et le diabète, ces réseaux desoins sont déjà arrivés à maturité et sontprésents de manière homogène sur leterritoire national. A terme, tout soignant devrait pouvoirdisposer de l’ensemble des informa-tions disponibles sur un malade, qui luisont nécessaires pour une pleine effica-cité. Ce besoin est particulièrement cru-cial pour les services d’urgences, et feradu dossier médical personnel une piècemaîtresse du système de soins. L’un des défis majeurs de ce fonction-nement en réseau est de garantir néan-moins la confidentialité des donnéesmédicales, tout en autorisant l’accèsaux informations nécessaires pour bienprendre en charge les patients. Or lessystèmes d’information existants sontstructurés en grands ensemble, ou « si-los » indépendants, entre lesquels leséchanges sont d’autant plus complexesqu’ils ont été conçus à des époques dif-férentes avec des technologies hétéro-gènes. La suppression des « effets de

silos » passe par la définition de réfé-rentiels communs à la disposition desprofessionnels de plusieurs disciplines –comme par exemple la définition et lavalidation de la connaissance sur lespathologies, les actes et les signes –mais aussi par l’identification desacteurs et la création d’annuaires. Lafiabilité des données échangées doitêtre extrême, et le secret médical sau-vegardé. Pour obtenir :- une coordination de l’ensemble desinformations ou données associées à unpatient, à une pathologie, à un en-semble d’équipements, au personnelhospitalier, etc. il faut réaliser l’agréga-tion de données de natures diverses(image, graphique, texte…) fournies pardes acteurs multiples qui peuvent êtredes personnes (les médecins et person-nels soignants ; dans certains cas lespatients eux-mêmes), des dossiers,images et « contenus », ou des pro-grammes d’ordinateurs chargés de trai-ter les informations reçues ; il faut aussiavoir la capacité d’archiver de manièrecohérente les très grandes masses d’in-formation associées. Ces archivesdevront rester accessibles de manièrestandard, sécurisée, conviviale (utilisantnotamment le langage naturel), stabledans la longue durée, et avec un tempsde réponse acceptable. Des analysestrès approfondies de certains dossiers,ou d’un grand ensemble de dossiers,avec une durée de traitement compa-

tible avec la prise de décision, serontsans doute nécessaires. Tous les concepteurs d’ordinateurs oud’équipements de télécommunicationsréfléchissent aujourd’hui à l’élaborationde solutions compétitives à ces pro-blèmes, dans la mesure où l’interopéra-bilité exigée introduit une rupture parrapport aux offres établies, que ce soitdans le domaine des composants maté-riels standards, ou celui des logicielsadaptés d’archivage, d’interrogation, defouille de données et de communica-tions, ou dans le domaine des systèmesd’exploitation sous-jacents aux applica-tions « tournant » sur ces machines. Ledéveloppement d’Internet provoque eneffet la diffusion et l’adoption de nou-velles normes d’échange et d’archivagede données complexes, qui sont l’enjeud’une forte compétition sur un marchéencore très ouvert, donc accessiblemême à des acteurs nouveaux.- une organisation intégrée des diversesfonctions ou métiers de l’hôpital et dela ville, favorisant une automatisationde processus internes, la coopérationentre divers services intérieurs ou exté-rieurs, l’interopérabilité de leurs sys-tèmes d’information, l’aptitude auchangement…

54 A n n a l e s d e s M i n e s

Figure 1. - La standardisation internationale dans le domaine des TIC commence às’attaquer aux applicatifs métiers : il est temps d’en reprendre la maîtrise.

propriété de Bull

(2) Voir par exemple les travaux du 9e congrès euro-péen du télétravail en 2002, pour l’e-santé, lacoopération lors d’accidents, les interventions àdistance, ou faiblement intrusives : http://www.tele-com.gouv.fr/informatique/prog_9teletrav.htm.

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il faut, bien sûr et en premier lieu,déployer des réseaux à très haut débitintra- et inter-établissements, mais ilconviendra ensuite de doter l’ensembledes serveurs et terminaux concernésd’outils logiciels standard permettant lacommunication entre applications et laconception des nouvelles applicationsdistribuées. L’architecture de systèmed’information qu’il va falloir ainsidéployer repose sur le concept nouveaud’ « architecture orientée services » (OS)qui va permettre notamment de consti-tuer, à diverses échelles géographiques,ce qu’on pourrait appeler des grillesd’informations et de connaissances.L’industrie européenne toute entièrepourrait tirer parti de la rupture juri-dique et technique associée dans cedomaine aux projets open source. Cemouvement accélère la standardisationen s’appuyant sur des coopérationsdans la recherche-développement etdès la conception technique des outils,sans attendre l’investissement commer-cial de promotion de produits incorpo-rant ces nouvelles techniques. Fondésur la diffusion libre de connaissancesétablies en commun, il introduit de lamodularité, un processus internationalde contrôle de la qualité et une trèsgrande stabilité dans la couche des logi-ciels indispensables à l’interopérabilitédes services.- la sécurité des systèmes d’informa-tion fait naturellement appel àd’autres concepts que ceux de libertéet d’ouverture. La France a des com-pétences reconnues dans ce domaine,notamment en matière d’encryption etd’authentification. En dépit des com-pétences dont disposaient les princi-paux pays d’Europe dans le domainedes cartes à puces, ceux-ci n’ont passu imposer un standard unique euro-péen au moment de la création del’euro. La compétition internationaleest aujourd’hui très sévère pour l’éta-blissement d’outils efficaces de sécuri-té sur Internet et pour les communica-tions entre mobiles. Les efforts doiventse poursuivre pour éviter que dessolutions venues d’ailleurs ne vien-nent rendre obsolètes les solutionsdestinées à la sécurité des systèmesd’information des administrations etentreprises françaises ou euro-péennes.

Par ailleurs, les outils électroniques per-mettant de développer les biotechnolo-gies ou d’autres recherches médicales,de développer des médicaments ou decontribuer à l’amélioration de l’efficaci-té des opérations chirurgicales ou dessoins, vont aussi continuer à progres-ser : par exemple, de nouveaux outils,plus performants et moins coûteux,devraient remplacer l’IRM. Ces nou-veaux outils devront permettre le pilo-tage des soins, l’évaluation des bonnespratiques sous leurs aspects techniqueset, bien sûr, protéger aussi la sécuritédes informations traitées et le secretmédical. Les informations produites par ces nou-veaux outils propres aux métiers de lasanté devront elles aussi être commu-nicables en ligne, ce qui impliqueune profonde évolution des compo-sants « embarqués ».Les solutions correspondantes serontdéveloppées grâce à des coopérationsentre laboratoires de recherche publicset privés et des entreprises, et leurcontribution au développement de lacompétitivité économique et de l’em-ploi devrait être majeure. Libérés decertaines tâches, les acteurs de la santévont devoir appréhender de nouvellesprocédures et s’approprier les nou-veaux outils. Les conditions d’exercicede la plupart des métiers concernésvont changer et devraient susciter unplan d’accompagnement adéquat. Desproduits et des services nouveaux ver-ront le jour et en engendreront d’autres.Dans les principaux domaines de lasanté ou des TIC, les compétences pourconstruire les outils du futur existent enFrance et en Europe, mais de nombreuxefforts restent nécessaires pour que cescompétences se réunissent, s’organisenten projets et débouchent assez rapide-ment sur des réalisations, pour pouvoirs’imposer dans la compétition interna-tionale. Ces compétences sont souvent disper-sées, ou s’ignorent entre elles. Les pous-ser à se connaître et à définir des projetscommuns peut soulever un enthousias-me fécond, comme l’a montré la dé-marche de lancement des « pôles decompétitivité » au début de 2005.Pratiquement, tous les pôles de compé-titivité labellisés par le Comité intermi-nistériel d’aménagement du territoire

(Ciat) du 12 juillet 2005 peuvent appor-ter leur concours à la conception d’ou-tils contribuant à l’amélioration de lasanté.

Des réformes en cours,source d’espoir,à condition d’intégrerl’expérience acquise

D’importantes réformes sont actuelle-ment engagées, en France, dans le do-maine de la santé et/ou des tech-nologies de l’information et de lacommunication, qui doivent contribuerà la réalisation des objectifs d’innova-tion et de développement évoqués ci-dessus. Elles concernent en particulierl’aide publique à la recherche, le dos-sier médical personnel et les règles del’achat public pour créer les « partena-riats public-privé ».Leur réussite mérite une attention parti-culière. Dans son discours du 30 août 2005 àReims, le Président de la République aplacé – ensemble – le domaine de lasanté et celui des technologies numé-riques au cœur des priorités de la« nouvelle politique industrielle et derecherche française ». C’était à l’occa-sion de la réunion inaugurale del’Agence pour l’innovation industrielle,après la création de l’Agence nationalepour la recherche, et d’Oseo, pour lesPMI. La définition du champ d’action, desobjectifs et des modalités d’interventionde ces trois organismes a été clairementprécisée, et on ne peut que se féliciterdu fait que des moyens supplémentairesimportants leur soient réservés. Toutefois, on ne peut manquer de s’in-terroger sur les conditions dans les-quelles un projet nécessitant les effortsconjoints d’au moins un laboratoire derecherche publique, une grande entre-prise et une PME va pouvoir tirer partide ces encouragements, et de se de-mander si la complexité administrative(qui ne manquera pas de résulter de ceque chaque organisme définira sespropres règles) ne risque pas de freinerl’enthousiasme et le rythme de mise enœuvre de ces nouveaux moyens, alorsque le développement du reste du

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monde n’attend pas. Les règles dechaque organisme risquent en outre dese heurter à celles – aujourd’hui large-ment divergentes – des directions« Recherche », « Information de la so-ciété » et « Concurrence » de la Com-mission européenne, chacune pour sondomaine d’intervention. Ces règlesméritent également d’être rendues pluscohérentes, sans attendre, pour ce faire,l’échéance du 7e PCRD. Enfin, les pôles de compétitivité labelli-sés par le Ciat du 12 juillet 2005 ontsuscité dynamique et enthousiasme.Mais si les projets correspondants doi-vent tenir compte des zones d’implan-tation et des ambitions politiqueslocales, ou s’il arrive qu’il y ait besoin,pour réussir, d’associer une équipeissue d’un autre pays européen, etdépendent pour leur succès d’un com-plément d’aide de la Commission euro-péenne, le temps nécessaire au monta-ge des dossiers d’aides risque dedevenir une contrainte bien lourde ; lesuccès de ces réformes va donc dé-pendre largement des conditions deleur mise en œuvre.L’expérience pratique acquise grâce à lagestion des programmes Euréka seratrès utile à cet égard. Elle a montrénéanmoins que les meilleurs projets decoopération entre pays européens pou-vaient échouer à cause des différencestrop grandes de traitement (règles etdélais d’octroi des aides, niveaux derémunération) existant entre les équipesinitialement volontaires pour coopérer.Avec la réforme des conditions d’inter-vention de la Commission – et donc sacapacité à compléter des projets déjàpartiellement financés par les Paysmembres, sans imposer a priori desrègles supplémentaires –, qui restentencore à définir, devrait achever de semettre en place un train de réformestrès important pour l’avenir.- La création d’un dossier médical per-sonnel informatisé, prévue par la loi du13 août 2004 sur la réforme del’Assurance Maladie, et dont les pre-miers prototypes sont appelés à voir lejour au printemps de l’année prochai-ne, devrait constituer une étape trèsimportante pour la mise en réseau des

activités des professionnels de santé :l’établissement d’une approche globaledes besoins des patients doit permettred’éviter les contradictions ou les redon-dances des soins qui leur sont apportés,une meilleure qualité des soins, ainsiqu’une meilleure information pour lepilotage des progrès à rechercher dansle domaine de la santé.Il s’agit d’un projet ambitieux et diffici-le, tant du point de vue purement tech-nique que du point de vue de la défini-tion précise des objectifs prioritaires, deleur calendrier de mise en œuvre et desréorganisations institutionnelles néces-saires. Il paraîtrait donc raisonnable detirer parti des expériences déjà menéesdans d’autres pays, en les complétantafin de tenir compte des usages et desobjectifs spécifiquement français. Du point de vue technique, les deuxsujets les plus délicats sont celui de lasécurité (avec une convergence « fixe-mobiles » sur Internet), et l’organisationde l’infogérance du système, sur la based’un « partenariat public-privé ». Ladémonstration des solutions de sécuritédevra être faite pour des maquettes,avant la fin de cette année, mais, envraie grandeur, seulement au fur et àmesure de la montée en charge du sys-tème, en 2006 et, surtout, en 2007. Enrevanche, l’organisation territorialedéfinitive sur la base de laquelle seraaffermée la gestion du DMP ne seradéfinie qu’en 2006. Les conditions d’in-teropérabilité entre les solutions misesen œuvre par les différents groupes derégions ne seront fixées, le cas échéant,que dans la seconde moitié de 2006.Il s’agit là d’une approche prudente,mais qui incite aussi les entreprisesconcernées à la prudence pour leursinvestissements. Le financement duvaste projet qu’est le DMP reste en effetà définir. - Pour assurer une bonne coopérationentre les différentes institutions et lesdifférents métiers du monde de la santé,il faudra passer par de nouvelles orga-nisations. Celles-ci devront être soupleset modulaires, prévoir les effets de l’ap-prentissage (comme les réactions quipeuvent se produire en réaction auxchangements) ou les retards que les

pénuries de certains personnels peu-vent provoquer dans certaines zones. Ce sera le rôle des nouvelles formes deconcession de service public, les « par-tenariats public-privé ».Le principal risque, dans ce domaine,est de voir les sociétés étrangères quidominent déjà le marché des TIC et dis-posent de ressources financières consi-dérables, se constituer une rente supplé-mentaire en « achetant » les marchéscorrespondants. En effet, il ne s’agit passeulement d’obtenir des concession-naires une prestation banale à meilleurprix. Les compétences, les technologies,et les brevets acquis grâce à ces parte-nariats devraient apporter une avancesignificative à leurs bénéficiaires sur lemarché européen de la santé, et il fau-dra veiller à ce que le mouvement créésur le territoire puisse se poursuivre danssa lancée en termes d’emplois créés,d’innovations et de développement deservices, au bénéfice des compétencesfrançaises. Incontestablement, les idées changent.Comme la sagesse populaire dit que« ce sont les meilleurs ouvriers qui ontles meilleurs outils », il est urgent decréer les conditions pour que des do-maines d’activité prioritaires pour tous,comme la santé, bénéficient desmeilleurs outils, et maîtrisent les tech-nologies électroniques et numériquesqui leur sont – et seront – absolumentnécessaires. La compétitivité d’unmonde en réseaux dépend avant toutde l’aptitude à imposer un standard surle marché local et mondial avant lesautres. Le processus de standardisationen cours dans les technologies électro-niques et numériques n’a pour l’instantbénéficié qu’en partie à l’Europe (dansle domaine des télécommunications,quand les administrations d’Etat sesont entendues pour imposer le GSM).Il faut aujourd’hui prendre garde àce que la standardisation des usageset besoins exprimés par les citoyensou consommateurs (le Business toConsumer ou to Citizens remplaçantle business to business) ne soit impo-sée par la standardisation en cours desoutils qu’ils utilisent afin de communi-quer. ●

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l e s a p p l i c a t i o n s

L’administration électroniquese mettra en place. Reste àsavoir selon quel rythme etquelles modalités s’opérera

cette transformation majeurede l’administration, transfor-mation qui modifiera en pro-fondeur un grand nombre denos pratiques, et influera sur

notre relation à l’Etat.

par Jacques Sauret,Directeur de l’ADAE (1)

L e concept d’administration élec-tronique (e-government en anglais)est né à la fin des années 90

lorsque les administrations ont com-mencé à utiliser les technologies del’information et de la communication(TIC) pour offrir des services accessiblespar l’Internet. Il couvrait alors essentiel-lement les portails d’information et lesformulaires dématérialisés. Il a rapide-ment été étendu à l’ensemble des trans-formations issues de l’utilisation des TICpar les administrations. Les bouleverse-ments induits dans les relations entreusagers et administrations comme dansl’organisation et les missions des admi-nistrations elles-mêmes, les questionssoulevées en matière de libertés indivi-duelles, de service personnalisé, depolitique industrielle ou de simplifica-tion administrative font de l’administra-tion électronique un enjeu stratégiqueen termes de choix de société, mais sacomplexité et le caractère technique de

certains des aspects qui la sous-tendentrebutent encore souvent politiques etdécideurs, qui ont la tentation de laramener à une question d’outils oud’intendance. Personne ne peut prédireavec certitude à quoi ressembleront lesadministrations dans une vingtained’années du fait de l’utilisation généra-lisée des TIC, mais il est nécessaire debâtir sans attendre les infrastructuresqui en constitueront les fondations et deproposer une première vague de ser-vices.La définition la plus généralementadmise du terme « administration élec-tronique » est celle donnée parl’OCDE, à savoir l’utilisation par lesadministrations des technologies del’information et de la communication(TIC), et en particulier de l’Internet, afind’améliorer leur efficacité et les ser-vices qu’elles offrent. Le périmètre del’administration électronique variecependant d’un pays à l’autre. Alorsqu’il couvre dans son acception fran-çaise tous les domaines administratifs,dont le domaine de l’éducation oucelui de la santé, l’e-government est leplus souvent cantonné dans les paysanglo-saxons au champ de la gouver-nance et du fonctionnement interne desadministrations nationales et locales.L’administration électronique est néedans les années 90 avec le double phé-nomène de la diffusion de masse de lamicro-informatique au sein des admi-nistrations et de la population, et dudéveloppement d’Internet. Après l’in-formatique de production des années60-70, réservée aux back-offices desgrandes administrations de production(fiscales et sociales pour l’essentiel) ettrès centralisée (mainframes et termi-naux passifs), puis les systèmes « clients-serveurs » des années 80-90, encoretrès tournés vers l’interne, le lancementpar Al Gore en 1995 des Autoroutes del’information a marqué le lancement

des services axés sur le fonctionnementen réseau et l’ouverture aux utilisateurs(téléservices). Pour ce qui concerne lesadministrations, les pays d’Amériquedu Nord et certains pays d’Asie (Coréedu Sud, Singapour) s’y sont lancés trèsactivement vers 1997, ceux d’Europedu Nord et de l’Ouest plutôt vers 1999-2000. En 2005, un mouvement mondialest perceptible, tant dans les paysd’Europe de l’Est, dont certains sont trèsavancés (Estonie, Slovénie), que dansles Etats du Proche-Orient, du Moyen-Orient et de plus en plus de l’Afrique.Plusieurs phases peuvent être observéesdepuis ces débuts. La première aconsisté à diffuser des informations surun site web avec la constitution de por-tails. La deuxième correspond à la miseen ligne de formulaires existants (déma-térialisation des démarches), mais sansremise en cause fondamentale des pro-cédures ou de l’organisation adminis-trative. Sans que cette deuxième phasesoit terminée, une troisième a débutéen 2003 à peu près simultanément dansde nombreux pays. Elle consiste en unetransformation radicale des administra-tions, en fonction des possibilitésoffertes par les technologies dispo-nibles. Le service est alors bâti essen-tiellement autour des attentes desusagers (personnes, entreprises, asso-ciations ou autres administrations)prises par événement de vie (naissance,embauche, déménagement, décès, etc.)et non plus par interlocuteur adminis-tratif. Ce changement de paradigmeinduit une remise à plat des conditionsdans lesquelles des informations circu-lent entre les différentes administrationset leurs usagers. Il est à l’origine d’uneremise en cause réellement fondamen-tale quant à la façon de penser l’admi-nistration, tant en termes de missions,

L’administration électronique :un bouleversement sans précédent

(1) Agence pour le développement de l’administra-tion électronique.

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de fonctionnement, ou d’organisationinternes qu’en termes institutionnels(compétences institutionnelles, organi-sation territoriale, etc.) ou de droit(sécurité juridique, libertés indivi-duelles, sécurité nationale).Le présent article se propose de dégagerles opportunités liées à cette dernièrephase d’administration électronique,mais également les risques de cetterévolution, avant d’évoquer les orienta-tions retenues par notre pays pour ten-ter de concilier les contraintes etd’atteindre le plus efficacement pos-sible les objectifs assignés.

L’administration électronique : des opportunités nombreuses et à fortevaleur ajoutéeLes nouveaux services de l’administra-tion électronique contribuent à dimi-nuer les contraintes imposées auxusagers des services publics : heuresd’ouverture non décalées par rapportaux horaires de travail, déplacementnécessaire au guichet et files d’attentesouvent longues pour obtenir parfoisde simples informations ou traiter desdossiers très simples. Les systèmesd’information permettent tout d’abordd’élargir la palette des médias permet-tant de dialoguer avec l’administration :à côté du guichet traditionnel, les ser-vices par téléphone et les services surinternet permettent une meilleurerépartition des demandes. Grâce àcette approche dite « multi-canal »,les bénéfices pour l’usager sont nom-breux : les services en ligne sont dis-ponibles à tout moment, ils fontgagner du temps (même si le déplace-ment au guichet est requis, la prépara-tion de la démarche et la prise derendez-vous soit par téléphone, soitpar internet, fait gagner au moins 50 %du temps).L’usager peut ainsi choisir le média enfonction de la nature du dossier qu’il aà traiter (secteur concerné, complexitédu dossier, heure, proximité ou non duservice public compétent, etc.). Les gui-chets d’accueil, qui constituent le pointde contact – et par là même sont l’ima-

ge de l’administration –, verront leuractivité allégée par déport d’une partiede leur charge sur les téléservices, etréorientée vers du conseil et de l’assis-tance (dossiers complexes, personnesincapables d’utiliser seules les téléser-vices).La mise en place de téléservices induitégalement des gains en termes dequalité de service par limitationdes erreurs de saisie ou de compré-hension. Dans une procédure clas-sique, l’usager remplit un formulairepapier, puis l’adresse à l’administra-tion destinataire, qui saisit de nouveaul’information dans son système d’in-formation interne. Se cumulent doncles erreurs de l’usager lui-même (oublid’un chiffre, non remplissage d’unerubrique, faute d’orthographe, incom-préhension, etc.), les erreurs de lectu-re ou de frappe à la nouvelle saisiedes formulaires, estimées en moyenneà une faute de frappe pour vingtcaractères. Même si le système deproduction est ensuite capable derepérer les erreurs et de rejeter les for-mulaires correspondants, le coût detraitement des formulaires rejetés, ma-nuel dans de nombreux cas, est trèsélevé. Les administrations préfèrent leplus souvent renvoyer le formulaire àson expéditeur, avec les coûts inhé-rents pour elle-même et pour l’usager.Les téléservices permettent de pallierla plupart de cette non-qualité. La sai-sie devient unique, par l’usager lui-même ou sous son contrôle en casd’intermédiation, limitant ainsi unebonne part des risques mentionnés ci-dessus. De plus, des contrôles deforme ou de vraisemblance permet-tent d’éliminer à la source un grandnombre d’erreurs (oublis, fautes defrappe, non respect du format attendu,etc.). Enfin, certaines rubriques peu-vent être remplies automatiquement,simplifiant la tâche de saisie et évitantlà encore des erreurs.Au final, les téléservices permettent, dèsla simple mise en ligne des formulairesexistants, une meilleure efficacité del’administration gestionnaire, ainsiqu’une meilleure réactivité de celle-ci.Un exemple illustre cette améliorationde la qualité : la mise en place desfeuilles de soins électroniques dans lecadre du programme Sesam-Vitale.

Cette dématérialisation a permis depasser d’un délai de remboursement de3 à 6 semaines au début des années2000 à moins de cinq jours, avec quasidisparition des erreurs de saisie. Ilconvient de noter que les délais de trai-tement du résidu de feuilles de soinspapier (environ 300 millions) ont égale-ment été réduits du fait de la dématé-rialisation à la source du milliard defeuilles de soins maintenant transmisespar voie électronique.Mais la numérisation des donnéesappliquée à la sphère administrativepermet également de créer de nou-veaux services, inimaginables aupara-vant. Il est bien évidemment impossiblede les décrire tous, et en la matière l’in-ventivité est quasi sans limite. Troisillustrations seulement seront présen-tées.La première concerne les systèmesd’information géographiques (SIG). Ils’agit de services s’appuyant sur desinformations géo-référencées tellesque la localisation (adresse, réseaux),la nature d’un bien (surface d’une par-celle ou d’un immeuble, caractéris-tiques techniques) ou le type d’activité(zones culturales, documents d’urba-nisme, etc.). Chaque administrationgère ces informations de façon plus oumoins isolée, voire secrète (ex : le« calepinage » des agents EDF décri-vant avec précision les lieux de passa-ge des réseaux électriques sur lavoirie, qui fait l’objet d’une transmis-sion quasi initiatique). L’adminis-tration électronique, pour peu qu’elleimpose des référentiels communspour garantir l’interopérabilité entre lamultitude d’informations ayant unecomposante géographique, permet lacréation de services inédits. Ainsi, lagestion des enquêtes publiques peutêtre largement améliorée par la sim-plification du porté à connaissance oupar l’accessibilité des documents. Demême, des services d’information oud’alerte peuvent être mis en œuvre,dans lesquels seules les personneseffectivement présentes dans unezone peuvent être alertées (gestion parSMS), ou en fournissant une image deszones concernées (inondation, alerte« Seveso » ou autre). La mise en cohé-rence de diverses politiques publiquesest également une possibilité nouvelle

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permise par les SIG, comme parexemple la politique de l’eau, les po-litiques environnementales et lespolitiques agricoles. Les ministèreschargés de l’Agriculture et de l’Envi-ronnement fondent de grands espoirsen la matière et sont très actifs dansle domaine de l’information géogra-phique.La deuxième illustration des nouveauxservices disponibles grâce aux TIC et àl’administration électronique concernel’ergonomie des services et leur person-nalisation. Les téléservices permettentla mise en place de formulaires simpli-fiés car adaptés au profil de l’usager :seuls apparaissent les champs perti-nents pour la personne concernée, évi-tant ainsi les incompréhensions et latransmission d’informations erronées.Cette personnalisation se traduit égale-ment par le pré-remplissage d’un cer-tain nombre de rubriques, et peut allerjusqu’à la constitution de dossiers per-sonnels, avec information sur l’étatd’avancement du traitement d’unedemande ou encore l’accès au dossierlui-même. Plusieurs administrationsproposent déjà ce niveau de service(caisses d’allocations familiales, ser-vices fiscaux, éducation nationale avecles espaces numé-riques de travail).Cette évolution,qui va s’intensifieravec l’utilisationprochaine des commandes vocales etd’interfaces hommes-machines plusintuitives (sans doute couplées à la télé-vision numérique terrestre et aux télé-phones portables de troisième ouquatrième génération), induit d’ores etdéjà un changement radical des admi-nistrations, qui deviennent plus transpa-rentes et plus tournées vers les usagers.L’accès aux documents administratifsde toute nature, prévu par la loi« CADA » du 17 juillet 1978, devientune réalité avec l’administration élec-tronique. L’ordonnance de juin 2005sur l’accès et la réutilisation des don-nées publiques a notamment actualiséla loi de 78 en tenant compte de la dis-ponibilité des informations sur Internet.Le troisième exemple de nouveaux ser-vices est sans conteste celui qui aura leplus de conséquences. Il s’agit de l’évo-lution vers des services globaux corres-

pondant aux événements de la vie desusagers, que ceux-ci soient des per-sonnes physiques, des entreprises oudes associations. Les réseaux de com-munications et des technologies ré-centes telles que les Web servicespermettent de rassembler en un serviceunique toutes les démarches des admi-nistrations concernées par un événe-ment de vie. Ce type de service a déjàété créé dans les années 90 dans lemonde du papier, avec notamment lechèque emploi-service ou la déclara-tion annuelle de données sociales(DADS), mais ils étaient subodonnés àl’existence d’un opérateur unique(l’URSSAF de Saint-Etienne pour lechèque emploi-service ou la CNAVpour la DADS). Du fait des rivalités ins-titutionnelles, une généralisation decette approche centrée sur les besoinsréels des usagers à un instant donnén’était pas envisageable. Il en va toutautrement aujourd’hui, les TIC permet-tant que chacun conserve la maîtrisedes données qui le concernent tout enparticipant à un service global. De telsservices obtiennent un succès immé-diat, comme en atteste le service publicde changement d’adresse (www.chan-gement-adresse.fr) : dès son ouverture

en mai 2005 etsans qu’un tasse-ment soit observédans les quatremois qui ont suivi,

plus de 17 % de l’ensemble des foyersdéménageant l’ont utilisé, bien qu’il neconcerne encore que cinq administra-tions. A titre de comparaison, le servicede déclaration des impôts en ligne(Télé-IR) a franchi la barre des 10 %d’utilisateurs après 4 ans d’existence.Nous n’en sommes qu’aux prémices dudéveloppement des services globaux,car ils nécessitent la mise en place d’in-frastructures garantissant l’interopérabi-lité (cf infra). Ils concerneront tous lesévénements de la vie civile (naissance,mariage, divorce, scolarisation, décès,prestations sociales, fiscalité, etc.) oude la vie professionnelle (créationd’une entreprise, déclarations fiscales etsociales, embauche, cessation d’activi-té, marchés publics, etc.) et permettrontde masquer les séparations institution-nelles dont l’usager n’a que faire. C’est« l’administration sans couture », ob-

jectif actuel de tous les pays, quel quesoit leur degré d’avancement en matiè-re d’administration électronique.Au-delà des services que peut proposerl’administration électronique, l’utilisa-tion des TIC par les administrations per-met de repenser fondamentalementl’organisation des services publics surle territoire. Depuis que les administra-tions existent, la nécessaire gestion dedossiers personnels, qui constitue l’es-sence même du travail administratif,imposait que chaque dossier, parexemple fiscal, soit élaboré par unagent de l’administration compétentegéographiquement proche du contri-buable, stocké dans une armoire fisca-le, elle-même placée dans un bâtimentde l’administration fiscale. Toute l’orga-nisation administrative des services del’Etat en découle. Avec la numérisationdes données, les dossiers peuvent êtrestockés en tout point du territoire, et ilest possible de repenser la présence desservices publics en dissociant plus clai-rement les fonctions d’accueil, les fonc-tions de « production/expertise » et lesfonctions de « pilotage/contrôle/évalua-tion ». Les fonctions d’accueil peuventêtre revalorisées et « professionnali-sées », pour déboucher sur de véri-tables écrivains publics, plus nombreuxet plus proches des citoyens, équipés etformés de façon à être capables d’in-former et d’assister les usagers dansl’essentiel de leurs démarches adminis-tratives, alors que les autres fonctionspeuvent être largement concentréesdans des « back-offices » plus efficaceset disposant d’outils et de conditions detravail améliorés pour les agentsconcernés.Dans cet esprit, et pour répondre à laproblématique du renforcement de laprésence des services publics, notam-ment en milieu rural, quelques expéri-mentations de « guichets polyvalents »vont être lancées pour favoriser ladémultiplication des accueils multi-services au plus près du domicile, dansune mairie, une caisse d’allocationsfamiliales, une sous-préfecture, etc.

Les risques

De tels bouleversements, aussi béné-fiques soient-ils, sont nécessairement

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La numérisation des données appli-quée à la sphère administrative per-met également de créer de nouveauxservices, inimaginables auparavant

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porteurs de risques. De nature diverse,ils sont liés à la compréhension duchangement des usages, à la gouver-nance et au champ d’action. Le passagedu papier au numérique n’est évidentpour personne.Le premier risque était celui de l’accep-tabilité par les utilisateurs de ces tech-niques, qu’il s’agisse des citoyens oudes agents publics. L’ergonomied’Internet est encore loin d’être optima-le, les nouveaux types d’interfacehomme/machine comme la commandevocale ne sont pas encore très perfor-mants ou sont encore trop coûteux, etles modes d’inscription et les chartesgraphiques varient encore beaucoupd’un service à l’autre, ce qui peutdérouter et décourager les éventuelsusagers. Et pourtant, les taux d’utilisa-tion des services en ligne augmententfortement, l’année 2005 étant à ce titreune année charnière : le taux d’utilisa-tion des télé-services publics augmentedans toutes les couches de la popula-tion et les différences s’estompent entrezones géographiques ou catégoriessocio-professionnelles.Ce risque semble donc maintenant der-rière nous, même si des interrogationsdemeurent, notamment sur les ques-tions liées à la sécurité et aux libertésindividuelles. En effet, la puissance destechnologies disponibles permet toutautant une protection des libertés à unniveau encore jamais atteint que lamise en place d’un système de contrôlegénéralisé (« Big Brother ») : l’outil estneutre, mais les résultats peuvent êtreopposés selon les choix effectués. A cetitre, la position du Gouvernement fran-çais, édictée dans le Plan stratégique del’Administration électronique (PSAE) duprogramme ADELE, est tout à fait claire :l’administration électronique, pour êtreacceptable, ne peut se concevoir quecomme un moyen permettant de sim-plifier les démarches, tout en garantis-sant aux individus une protectionencore renforcée de leurs libertés indi-viduelles. Cela se traduit par l’absencede numéro national d’identificationpour l’ensemble des administrations,sans qu’en pâtisse la simplicité d’identi-fication pour l’usager, grâce au méca-nisme de fédération d’identité : aprèss’être identifié une fois auprès d’un por-tail « de fédération d’identité », en

l’occurrence « mon.service-public.fr »,l’usager pourra passer d’un télé-servicepublic à un autre sans avoir à s’authen-tifier à nouveau, bien que chaque ad-ministration garde son identifiantsectoriel.Un troisième risque tient à la connota-tion technique qui colle encore à l’ad-ministration électronique. Pendantlongtemps, les décideurs ont considéréqu’il s’agissait de questions de et pourinformaticiens, reléguées à de simplespréoccupations « d’intendance ». Leterme même de système d’informationrenvoie encore trop à l’informatique,alors que les questions les plus épi-neuses touchent à l’organisationnel, aujuridique, aux procédures et, plus gé-néralement, à cequ’on appelle laconduite du chan-gement. Dans la réalité, les sujets tech-niques ne représentent en moyenne que20 % du coût du projet et des risques.Une évolution est perceptible, liéenotamment aux résultats incontestablesd’autres pays en matière de gains deproductivité (Canada notamment) oudu secteur privé. Il n’en reste pas moinsque le travail de sensibilisation desdécideurs, au niveau politique commeau niveau de la haute administration,est loin d’être achevé. Ce risque se tra-duit par des arbitrages, notamment bud-gétaires, n’allant pas dans le sens desinvestissements productifs que consti-tuent les projets d’administration élec-tronique. Encore très souvent, cesprojets sont les premières victimes desrégulations budgétaires : ils coûtentcher (même si leur rentabilité financiè-re à court ou moyen terme est certaine)et, hormis pour les grands projets duministère des Finances, sont peu por-teurs politiquement. Il est à souhaiterque la mise en œuvre des dispositionsde la Loi organique relative aux lois definances (LOLF) induira bien un com-portement vertueux des responsablesde programmes en les incitant à privilé-gier les investissements productifs.Le dernier risque majeur qu’il convientd’évoquer concerne le risque tech-nique, ou plutôt systémique. Pour êtreen capacité d’offrir des services glo-baux aux usagers et une améliorationsignificative de l’efficacité des adminis-trations, il est nécessaire de faire dialo-

guer de façon simple et avec une hautequalité de service une multitude d’orga-nisations (plus de 110 000 entitéspubliques sont par exemple en relationavec le réseau des comptables publics).Définir puis mettre en place les élé-ments nécessaires et suffisants pourassurer l’interopérabilité effective desmilliers d’applications des différentesadministrations, le tout dans un calen-drier cohérent avec chacun des sys-tèmes et sans avoir de rupture deservice, constitue une des plus grandesdifficultés auxquelles est confrontéel’ADAE dans son rôle d’impulsion et decoordination des administrations. Ilconvient de concilier la cohérencegénérale sans limiter les innovations et

la créativité desacteurs des 350projets menés par

l’Etat, les collectivités et les organismessanitaires et sociaux. Pour que l’en-semble des projets se développe demanière harmonieuse, chacun doitavoir une visibilité d’ensemble sur lesservices, les infrastructures et lesnormes d’interopérabilité et de sécuritéqui s’imposeront, ainsi que les dates deleur disponibilité, pour pouvoir définirson plan d’action en conséquence. Lesdifférents référentiels doivent égale-ment s’inscrire dans le contexte eu-ropéen et international, dont lescalendriers sont peu maîtrisables. Aufinal, le pilotage de l’ensemble estd’une grande complexité, nécessitebeaucoup de concertation en amont, etrend illusoire le « zéro défaut » : cer-taines briques devront être élaborées enavance de phase par rapport au référen-tiel pour permettre à un projet d’êtreopérationnel, et devront être abandon-nées une fois le référentiel défini.

Les orientations retenues

C’est sur la base des considérations pré-cédentes que le Premier ministre aannoncé, en février 2004, le lancementd’ADELE, le programme gouvernemen-tal de l’administration en ligne sur lapériode 2004-2007. Il a pour objectifde donner une vision commune à l’en-semble des acteurs dans le cadre d’unplan stratégique, d’un plan d’action etd’un plan de communication.

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Des services globaux correspondantaux événements de la vie des usagers

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Le plan stratégique fixe les objectifs etles principes de l’administration élec-tronique en prenant appui sur trois axesde développement : construire uneadministration de service pour les usa-gers, moderniser le fonctionnementinterne de l’administration, faire mieuxen dépensant moins.Le plan d’action se décline concrète-ment par des services développés pourles usagers et les agents publics, par desprocédures rénovées qui permettentl’efficience des administrations et par lasécurité juridique et technique desinfrastructures nécessaires pour établirla confiance entre l’usager et l’adminis-tration. Aujourd’hui 42 % des projetsADELE 2004 sont opérationnels, ceuxofferts aux usagers particuliers et pro-fessionnels sont accessibles à l’adresse :http://ww.Adele.service-public.frLe programme ADELE a fait l’objetd’une large concertation menée parl’ADAE avec lesecteur public (mi-nistères, collectivi-tés territoriales, sphère sanitaire etsociale), le secteur privé (industriels,banques), les usagers (particuliers etentreprises) et les agents publics.Pour la sécurité juridique des téléser-vices, une ordonnance et ses décretsd’application seront publiés début 2006afin de garantir les libertés individuelleset la sécurité des transactions entre lesusagers et l’administration ainsi qu’entreadministrations (signature électroniquedes actes administratifs, espace de don-nées, référentiel général d’interopérabi-lité et référentiel général de sécurité).Pour générer des économies, l’ADAE aadopté avec les ministères le principede la mutualisation des projets : sur les140 mesures ADELE 2004, 43 % d’entreelles sont menées de manière mutuali-sée. Ces 140 mesures représentent,d’ici la fin de 2007, un budget de 1,8milliard d’euros pour les développe-ments et un budget équivalent pour laconduite du changement et la forma-tion. Les gains générés par les projetsADELE pour cette période sont de

l’ordre de 5 à 7 milliards d’euros par anà partir de 2007. Une évaluation parprojet est en cours d’évaluation dans lesministères. Pour les projets menés endirect par l’ADAE, qui représentent unbudget sur 4 ans de 180 M€, les gainsfinanciers sont évalués en 2006 à157 M€ (dont 32 M€ liés aux gains ETP)et 522 M€ par an à partir de 2010.Le plan de communication décline lamarque ADELE, soit lors d’événementsdestinés aux acteurs et aux agentspublics, soit en organisant des cam-pagnes média destinées au grandpublic. Les actions engagées le sont enpartenariat avec les ministères et pluslargement les services publics impli-qués dans le programme.Afin de mieux structurer le plan d’ac-tion et de donner une meilleure visibili-té à tous les acteurs, un schémadirecteur de l’administration électro-nique a été lancé fin 2004 et sera ache-

vé fin 2005. Il apour objectif d’ar-ticuler et d’ordon-

nancer les projets en initiativesregroupant les projets interdépendants.La prochaine étape de la mutualisa-tion consistera à mettre en place unmode opératoire de contractualisationet de financement dans le cadre deconventions de projet négociées etsignées entre les acteurs concernés. Cesconventions préciseront les objectifs duprojet, les acteurs impliqués, le modede pilotage du projet, le niveau d’impli-cation de chaque acteur, le calendrierde mise en œuvre, le montage financieret les modalités d’évaluation du projet.L’année 2006 sera celle de l’explosionde l’administration électronique : tousles formulaires administratifs pourrontêtre remplis et envoyés en ligne, lesréférentiels généraux d’interopérabilitéet de sécurité seront en place au planjuridique et commenceront à être ali-mentés, les infrastructures communesverront le jour (annuaires communs,« hub » d’échanges entre administra-tions, infrastructure de gestion de clégouvernementale, noyau commun des

systèmes d’information des ressourceshumaines, etc.), les services existantsseront enrichis (changement d’adresse,compte fiscal, etc.) et de nouveaux ser-vices seront opérationnels (demandeunique de subvention par les associa-tions, portail personnalisé « mon.servi-ce-public.fr », certificats d’urbanisme,etc.). Cette augmentation de l’offre deservices et des capacités à la dévelop-per sera couplée avec l’augmentationde la demande de tels services par lesusagers. Jean-François Copé à ainsi fixél’objectif de 10 millions de télé-décla-rations de revenus au printemps 2006,soit un triplement par rapport à l’année2005, qui avait elle-même connu un tri-plement par rapport à l’année précé-dente.Dans le cadre des projets ADELE, lespouvoirs publics sont amenés progres-sivement à bâtir les infrastructures d’unmode d’administration totalementnouveau, à repenser globalement lesmissions et l’organisation des adminis-trations, à accompagner la montée encompétence des agents pour atteindreune plus grande efficience.L’administration électronique participeainsi à une transformation d’uneampleur et d’une rapidité sans précé-dent de la société. Il est impossible deprédire aujourd’hui quel en sera leterme et quelle sera l’intensité desmodifications pour les usagers commepour les administrations. La questionn’est plus de savoir si l’administrationélectronique se mettra ou non en place,mais quand et dans quelles conditions.L’enjeu consiste donc pour le gouverne-ment à profiter à plein des effets positifsde l’administration électronique (amé-lioration des services, gains de produc-tivité, valorisation du travail des agents)dans un processus maîtrisé et non subi,afin de renforcer l’attractivité de laFrance au niveau international. Le pro-gramme ADELE constitue ainsi un despiliers de la modernisation de l’Etat queJean-François Copé, ministre déléguéau Budget et à la Réforme de l’Etat, asouhaité accélérer et intensifier. ●

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C’est « l’administration sans coutu-re », objectif actuel de tous les pays

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62 A n n a l e s d e s M i n e s

l e s a p p l i c a t i o n s

Pour le développement des tech-nologies de l’information et de

la communication, la sécurité del’information et des réseaux

s’est progressivement imposéecomme un passage obligé.

Partant de positions très diffé-rentes, les Etats membres et

l’Europe évoluent vers des poli-tiques de plus en plus cohé-

rentes et complémentaires enmatière de sécurité des systèmes

d’information. L’établissementd’une base technologique, indus-trielle et opérationnelle compéti-

tive et indépendante à l’échellenationale et européenne est le

nouvel objectif à viser.

par Alain Esterle (1)

Les fondements des politiques de sécurité des systèmes d’information

Le développement des technologies del’information et de la communications’accompagne d’un besoin croissant enpolitiques de sécurité destinées à pré-

server l’information (intégrité), à garan-tir ses conditions d’accès (disponibilité,confidentialité, identification des in-terlocuteurs) et sa valeur probante(authentification, imputabilité). Cespropriétés, regroupées sous le terme SSI(sécurité des systèmes d’information) ouInfosec en anglais (information securi-ty), sont essentielles pour garantirl’exercice autonome de la politique del’Etat, ainsi que pour fonder la confian-ce des différents acteurs dans lesgrandes applications socio-écono-miques des technologies de l’informa-tion (échanges en ligne pour l’adminis-tration, le commerce, l’enseignement,la santé…). Trois types d’acteurs sont concernés : - le citoyen, en tant qu’individu intéres-sé à la protection des données à carac-tère personnel, condition première deslibertés individuelles dans les Etatsdémocratiques, et en tant que consom-mateur soucieux de la qualité des pro-duits et services qu’il achète ;- Les entreprises, dont le fonctionne-ment et la réussite – voire la survie –sont étroitement liés à la protection deleur savoir-faire, au respect des règlesde propriété intellectuelle et de concur-rence loyale, au bon déroulement desprocessus de production et de distribu-tion ; - L’appareil d’Etat en charge de la pro-tection des informations sensibles, afortiori des informations classifiées,ainsi que de la sécurité et de la conti-nuité de fonctionnement des institu-tions et des infrastructures vitales pourles activités socio-économiques dupays : la maîtrise des moyens de com-munications est plus que jamais un élé-ment essentiel de la souveraineté.Face à cette diversité d’acteurs et d’in-térêts, les politiques de sécurité des sys-tèmes d’information sont toujours descompromis (traduits en règles tech-niques, opérationnelles et juridiques)

entre la préservation des libertés indivi-duelles, des procédures de sécuritécontraignantes et des allocations de res-sources matérielles et humaines. Troisphases peuvent être distinguées :- la protection des systèmes d’informa-tions qui porte sur le choix de produitsde sécurité, les actions de contrôle etd’audit, les fonctions de veille et d’aler-te ;- la prévention des incidents, notam-ment grâce à des actions de sensibilisa-tion, de formation, de qualification deprestataires et à des exercices ;- la capacité de réaction et de sanction,grâce à des équipes opérationnelles(CERT (2) ou CSIRT (3)), un appareiljuridique spécifiant le caractère délic-tueux de certains actes et les servicescapables d’engager d’éventuelles pour-suites.Au cours des cinq ou six dernièresannées, des mutations profondes sontintervenues dans le paysage de la SSItant au plan national qu’européen (1).Elles pourraient infléchir notablementle développement des TIC.

Les politiques nationalesen matière de sécurité dessystèmes d’information :de fortes disparités institu-tionnelles sur fond d’unhéritage commun

Au plan national, la sécurité des sys-tèmes d’information apparaît comme

Le développement des TIC à l’épreuvede la sécurité

(1) Alain Esterle a été Directeur adjoint à laDirection Centrale de la Sécurité des Systèmesd’Information du SGDN de décembre 1999 à août2005. Le 1er septembre 2005, il a rejoint l’Agenceeuropéenne pour la sécurité des systèmes d’infor-mation (ENISA) comme Chef du DépartementTechnique.(2) Computer Emergency Response Team (termino-logie déposée par l’Institut Carnegie-Melon).(3) Computer Security Incident Response Team(sigle européen).

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un héritage de l’époque pas si lointaineoù la cryptographie était considéréecomme une arme que les Etats devaientmaîtriser afin de protéger leurs informa-tions militaires et diplomatiques lesplus secrètes, et d’accéder à celles desEtats et groupes hostiles. Depuis la fin des années 90, l’emploigénéralisé des technologies de l’infor-mation et de la communication exigeune pleine confiance de tous les acteursdans la sécurité des systèmes. Il n’étaitplus possible de réserver les outils,méthodes et pratiques de sécurité auxseules fonctions régaliennes, ce qui aconduit à faciliter la fourniture et l’utili-sation des moyens de cryptographie etle développement d’un marché ouverten produits de sécurité.Au plan institutionnel, le schéma géné-ral est le suivant :- une agence gouvernementale disposede certaines prérogatives nationales(évaluation de la cryptographie, fabri-cation des clés…) et met des prestationsde sécurité à disposition de l’ensembledes ministères, qui restent responsablesde la SSI de leurs réseaux, - une autre instance (autorité de régu-lation des télécommunications, parexemple) est en charge de la SSI pourles applications « civiles » de la sociétéde l’information.Il peut se faire que l’agence gouverne-mentale englobe l’ensemble des res-ponsabilités de la politique de SSI (casde la DCSSI en France, l’ART n’ayantpas de responsabilité en SSI). Mais ilarrive aussi, souvent, que cette agencereste, comme aux Etats-Unis, intégréedans les services de renseignement surles communications ou SIGINT (4)(Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas). Parailleurs, cette agence peut être ratta-chée directement au chef du gouverne-ment (France, Espagne) ou faire partied’un ministère particulier (Intérieur enAllemagne, Affaires étrangères auRoyaume-Uni). Elle entretient le plussouvent des relations étroites avec l’ins-tance gouvernementale en charge dudéveloppement de l’administrationélectronique (eEnvoy au Royaume-Uni,ADAE en France).Malgré quelques différences de péri-mètres, les ressources humaines de cesagences peuvent être considéréescomme un bon révélateur de la priorité

politique accordée à ces questions :environ 3 000 personnes travaillant àla Division Information Assurance dela NSA, aux Etats-Unis, 400 auBundesamt für Sicherheit in derInfromationstechnik (BSI) en Allemagneet au Commununications ElectronicsSecurity Group (CESG) au Royaume-Uni, et 100 personnes à la DCSSI, enFrance.

Les capacités de développement et d’évaluation des produitsde sécurité : un besoinpartagé au niveau nationalLe marché des produits commerciauxassurant des fonctions de sécurité descommunications électroniques estaujourd’hui largement dominé par unnombre limité de fournisseurs noneuropéens. Cette situation de quasi-monopole peut avoir des répercutionstrès négatives en termes tant de concur-rence que de sécurité.Des procédures d’évaluation ont étémises en place pour garantir auconsommateur que le produit qu’ilachète fait bien ce qu’il est censé faire(mais sans garantir qu’il ne puisse aussifaire autre chose…), notamment résisterà certaines attaques. Les agences gou-vernementales sont largement impli-quées dans ces procédures :- elles réalisent pratiquement toutes lesévaluations des produits cryptogra-phiques en interne ;- dans le domaine du contrôle dessignaux compromettants (TEMPEST), latendance actuelle est à l’externalisationdes évaluations, celles-ci étant alorssimplement sous-traitées ou réaliséeschez les industriels, sous contrôle éta-tique ;- l’évaluation des produits de sécuritédes technologies de l’information, plusrécente, a dès le début été réalisée pardes laboratoires privés agréés par lesagences nationales en SSI, sur la basede standards publics tels que lesCritères communs (norme ISO 15408)et plus récemment le FIPS140-2 propo-sé par le NIST (5) américain ;- ce travail d’évaluation est validé parun centre de certification qui délivre in

fine un certificat (schéma d’évalua-tion/certification). Cette fonction estassurée par l’agence gouvernementale,même si peuvent exister simultanémentdes organismes privés de certification(TUV-IT et T-System en Allemagne, parexemple) ;- un accord de reconnaissance mu-tuelle, signé en 1999 entre les Etatsmembres, valide pour tous les évalua-tions/certifications faites chez l’und’eux, quel qu’en soit le niveau, excep-té les équipements traitant d’informa-tions classifiées. Sur le plan internatio-nal, le « Common Criteria MutualRecognition Agreement » adopté enmai 2000 permet de reconnaître lescertificats selon les critères communsdélivrés par n’importe quel pays signa-taire, jusqu’au niveau EAL 4.Compte tenu des garanties limitéesqu’offrent ces procédures d’évaluation,la plupart des Etats membres essaientde préserver une certaine diversitéd’approvisionnement, par exemple enfavorisant le développement de filièresfondées sur des sources ouvertes (logi-ciels libres) et/ou en assurant un contrô-le direct sur le développement decertains produits, notamment les équi-pements cryptographiques de hautniveau de sécurité. Comme aux Etats-Unis, c’est généralement l’agencenationale en SSI qui est chargéedu développement de ces produits(Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni,Espagne). En France, cette activité estactuellement assurée par la Délégationgénérale pour l’Armement (DGA) duministère de la Défense.

Les services en sécuritédes systèmes d’informa-tion : un marché qui tendà se réguler

Les services traitant de la SSI se sont lar-gement développés ces dernières an-nées. A la traditionnelle gestion des cléscryptographiques se sont ajoutés leconseil (assistance à maîtrise d’ouvra-ge), la réalisation d’audits techniquesde sécurité, l’exploitation de la sécurité

(4) Signal Intelligence.(5) National Institute for standards and Technology.

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des réseaux, la certification des clésracines des IGC, avec, dans chaque cas,la nécessité d’une grande confianceentre le commanditaire et le prestataire.La gestion des clés cryptographiquesreste traditionnellement une des activi-tés les plus contrôlées. Ainsi le CESG(pour le Royaume-Uni), la NSA (pour leDoD américain), DACAN (pourl’OTAN), le NLNCSA (pour les Pays-Bas) ont encore le monopole de lafabrication des clés de confidentialitépour l’administration, avec toutefoisune certaine tendance à la décentralisa-tion compte tenu de la lourdeur decette fonction.Pour les services plus récents, lesbesoins croissants des secteurs tantpublic que privé ont fait émerger ungrand nombre de prestataires privés etle besoin d’un label de qualité pourleurs prestations. Le CESG britanniquea été le premier à s’engager dans cettevoie, avec notamment les programmesde qualification des consultants CLASSet le programme IT-Health Check pourla réalisation d’audits techniques dessystèmes d’information. De même, leBSI a mis récemment en place un pro-gramme d’accréditation des auditeursselon son standard d’audit des systèmesd’information (I). En France, le Plan derenforcement de la sécurité des sys-tèmes d’information de l’Etat (II) prévoitdes mécanismes de qualification deprestataires privés, notamment en auditet conseil. Cette régulation progressivedu marché des services en SSI s’appuiesur des standards, dont le plus connuest l’ISO 17799.

Les capacités de réactionaux attaques et de protec-tion des infrastructurescritiques : des approchesnationales publiques et privées qui gagneront à être mieux coordonnéesDepuis la fin des années 90 se sont pro-gressivement développées au sein desEtats membres des structures opération-nelles et juridiques destinées à réagirplus efficacement aux attaques sur lesréseaux et à mieux protéger les infra-

structures critiques nationales. Cesstructures sont principalement de troiscatégories :- des équipes techniques de statutpublic ou privé, de type CERT (6) ouCSIRT (7) pour la veille, l’alerte et laréaction aux attaques ;- des services de type CCU (8) en char-ge des poursuites des délits liés à l’em-ploi des technologies de l’informationet de la communication ; - des structures dédiées à la protectiondes infrastructures critiques et des plansde vigilance et d’intervention adaptésaux attaques contre les réseaux, jus-qu’au plus haut niveau d’intensité. Après l’abandon du projet d’EuroCERT(1999-2000), des structures autonomesà statut universitaire, gouvernementalou commercial se sont progressivementmises en place au sein des Etatsmembres, pour assurer les fonctions deveille, alerte et réaction aux attaques.On compte actuellement quelques 80CSIRTs en Europe, regroupés au sein dela structure de coordination TF-CSIRTqui a notamment des activités de for-mation (création de nouveaux CSIRTs),de normalisation (catégorisation desincidents) et de mise au point de liai-sons sécurisées en toutes circonstances.Un accent particulier est mis sur la dis-ponibilité de moyens de veille et d’aler-te au service des PME. D’autres struc-tures de coordination existent àl’échelle mondiale (FIRST) et entre lesCSIRTs gouvernementaux de certainsEtats membres de l’Union européenne(European governmental CSIRTs).Le besoin de lutter contre la cyber-cri-minalité a conduit la plupart des Etatsmembres à instaurer des unités spécia-lisées, couramment appelées CCU(Computer Crime Units), pour mener entant que de besoin, et en s’appuyant surl’expertise technique des CSIRTs, despoursuites judiciaires relatives auxattaques contre les réseaux ou à desdélits plus traditionnels ayant impliquéles communications électroniques. La plupart de ces équipes restent depetites dimensions, au regard de l’am-pleur de la tâche et une bonne partiede leur activité consiste à coordonnerles actions d’autres équipes d’investiga-tion (BundesKriminalamt ou BKA enAllemagne). Au Royaume-Uni, la structu-re nationale NHTCU (9) assure la coordi-

nation avec des correspondants locaux àl’échelle du pays, la coopération entreagences et des liaisons avec les indus-tries. En France, ce rôle est assuré depuismai 2000 par l’OCLCTIC (10) créé ausein de la Direction générale de la Policenationale du ministère de l’Intérieur.D’une manière générale, ces CCUs sontconfrontées à des besoins de croissanceinterne, de coordination entre elles etde coopération opérationnelle avecleurs homologues étrangères (investiga-tions au-delà des frontières). Desréseaux de points de contact nationauxavec certaines instances internationales(Europol, Interpol, G8) ont été mis enplace pour améliorer la coordination deleurs actions.Les Etats membres sont aussi confrontésau risque d’attaques majeures contreles réseaux, susceptibles de paralyserou d’endommager durablement cer-taines infrastructures essentielles à lacontinuité des activités socio-écono-miques du pays : télécommunications,transports, énergie, santé, système ban-caire, etc. La protection de ces infra-structures « critiques » s’appuie aussilargement sur les compétences et lesstructures de coordination dont dispo-sent les CSIRTs. Ainsi au Royaume-Uni, le NISCC (11),rattaché au Home Office, s’appuie surl’UNIRAS (CSIRT gouvernemental) pourfournir aux opérateurs des infrastruc-tures critiques des avis techniques etdes informations sur les menaces, lesvulnérabilités et les niveaux d’alerte. Ils’appuie aussi sur des WARPs (12),chargés de recueillir des alertes et designaler des incidents (mais sans capa-cité d’intervention) et des ISAC (13), quidiffusent des informations d’alerte etd’incidents au sein d’une communautédonnée d’utilisateurs, généralement surune base commerciale.En Allemagne, la protection des infra-structures critiques est confiée au BSI

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(6) Computer Emergency Response Team (termino-logie déposée par l’Institut Carnegie-Mellon).(7) Computer Security Incident Response Team(sigle européen).(8) Computer Crime Unit.(9) National High Technology Crime Unit.(10) Office Central de Lutte contre la Criminalitéliée aux Technologies de l’Information et de laCommunication.(11) National Infrastructure Security Co-ordinationCentre.(12) Warning, Advice and Reporting Point.(13) Information Sharing and Analysis Center.

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qui a entrepris un travail d’identificationde ces infrastructures, grâce à des exer-cices impliquant l’administration (mi-nistères de l’intérieur, de la défense, destransports, des télécommunications) etdes industriels (EADS).En France, le pilotage général de la pro-tection des infrastructures vitales estconfié au Secrétariat général de laDéfense nationale, avec un rôle parti-culier pour le COSSI (centre opération-nel en SSI qui englobe le CERTA, leCSIRT gouvernemental français). Lapolitique de protection comprend desinspections pratiquées régulièrementsur un ensemble de points et réseauxsensibles répartis sur le territoire, desplans de vigilance et d’intervention quisont déclenchés lorsque les menacesaugmentent significativement et desexercices impliquant tout ou partie del’appareil d’Etat et des infrastructurescritiques.De plus en plus, ces activités nationaless’élargissent à des actions coordonnéesau plan international (Table top exerci-ce impliquant les pays du G8 en mai2005) et européen, avec notamment lapréparation d’un Programme européende protection des infrastructures cri-tiques (EPCIP) s’appuyant sur le réseaud’alerte CIWIN (III).

L’Union européenne et la sécurité des systèmesd’information (SSI) : une politique en devenir

Contrairement aux Etats membres, lesinstitutions européennes n’ont pas d’hé-ritage historique en matière de protec-tion d’information classifiée ni d’activi-té de renseignement (IV) : la politiqueactuelle de l’Union en matière de SSIs’inscrit d’abord dans le sillage de lapolitique économique et monétairedéveloppée depuis 50 ans, au regard dela politique européenne de sécurité etde défense (PESD), beaucoup plusrécente.On peut considérer comme élémentfondateur de l’engagement européen enmatière de SSI la « stratégie deLisbonne », adoptée par le Conseil enmars 2000 (14) afin que l’Unionpuisse « devenir l’économie de la

connaissance la plus compétitive et laplus dynamique du monde, capable decroissance économique durable ac-compagnée d’une amélioration quanti-tative et qualitative de l’emploi et d’uneplus grande cohésion sociale », sur labase d’un emploi généralisé et fiabledes technologies de l’information et dela communication. Depuis lors, la pres-sion du contexte géopolitique a conduitl’Union à aborder d’autres domaines dela SSI.

Le développement d’un cadre juridique euro-péen à même de renforcerla confiance des acteurs

En préambule à un espace unique euro-péen d’information (objectif du pro-gramme i2010 en gestation), les di-rectives du « paquet télécom » ontrenforcé le socle juridique de la sécuri-té des communications électroniquesen Europe, notamment en matière :- d’intégrité et sécurité des réseaux, quidoivent être garanties par les autoritésnationales de régulation (directivecadre 2002/21) ;- d’accès au réseau pour tous et en par-ticulier aux services d’urgence pour les-quels les Etats membres doivent pren-dre toutes les mesures nécessaires(directive « service universel » 2002/22),à charge pour les autorités de régula-tion de fixer les techniques et lesméthodes opérationnelles auxquellesles fournisseurs devront se soumettre(directive « accès » 2002/19) ;- d’interception légale et d’utilisation encas de catastrophe majeure, qui fontpartie des obligations spécifiquesconditionnant les autorisations de four-niture de réseaux et de services de com-munication électroniques (directive« autorisation » 2002/20) ;- de protection des données à caractèrepersonnel, que les autorités nationalesde régulation doivent contribuer à as-surer à un niveau élevé (directive« cadre » 2002/21).L’édifice a été complété par la directive2002/58 concernant le traitement desdonnées à caractère personnel et laprotection de la vie privée, notammentla confidentialité des communications

électroniques à caractère public, quidoit être garantie par les Etats membres,ainsi que les messages non sollicités ouspam, pour lesquels le principe de l’au-torisation préalable (opt-in) est retenu.En matière d’imputabilité, la directive1999/93 donnait déjà à la signatureélectronique la même valeur légalequ’à la signature manuscrite. Quant à laprotection des personnes physiques, auregard du traitement des données per-sonnelles et de leur libre circulation,elle est assurée par la directive1995/46.En ce qui concerne la conservation desdonnées de connexion associées auxcommunications électroniques (maisqui ne concernent pas leur contenu),déjà abordée dans la directive 2002/58,l’adoption de la déclaration sur la luttecontre le terrorisme consécutive auxattentats du 11 mars 2004 à Madrid aconduit beaucoup d’Etats membres àlégiférer et quatre d’entre eux (France,Irlande, Royaume-Uni et Suède) ontproposé une série de principes qui,repris pas la Commission sous forme dedirective, devraient être adoptés d’ici lafin 2005.Sur ces bases, le travail consiste surtoutà suivre la mise en œuvre des textes(transposition dans les législationsnationales) et à débattre des ajuste-ments souhaitables (révision tous lestrois ans environ).

Des programmes de R&Délargis à certaines applications duales Sur les 3,62 milliards d’euros du 6e pro-gramme cadre de R&D (PCRD) consa-crés aux ICT (20 % du total) (15), 50millions d’euros environ concernent le

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(14) Avant 2000, la Commission avait mis en placeun Senior Officer Group sur la société de l’infor-mation (SOG-IS) dont les recommandations ontconduit à l’adoption en 1997 d’un Accord deReconnaissance Mutuelle sur l’emploi des critèresITSEC pour l’évaluation des outils de sécurité, puisà son extension aux critères communs en 1999 (cf.supra). On peut aussi noter l’adoption de la direc-tive sur le signature électronique, fin 1999. (15) Le budget total du 6e PCRD s’élève à 17,5 mil-liards d’euros (y compris Eurotam) sur la période2002-2006. Par comparaison, le 5e PCRD a repré-senté une enveloppe de 15 milliards d’euros de1998 à 2002, dont 3,6 pour les technologies de lasociété de l’information. Le budget du 7e PCRD esten discussion (débat sur le budget de l’Union de2007 à 2013, avec une proposition initiale de laCommission à 73 Mds€, dont 28 % sur les TIC, 10 %sur la sécurité).

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thème « Vers un cadre global deconfiance et de sécurité ». Dans la pré-paration du 7e PCRD, on notera un bud-get accru consacré aux ICT (28 % peut-être), la confiance et la sécurité restantun thème prioritaire ciblé (parallèle-ment au soutien au commerce et à l’in-dustrie, aux contenus, techniques d’ap-prentissage et nouveaux media, auxgrands enjeux sociaux).A partir de 2004, et sur la base d’unrapport validé par 25 personnalitéseuropéennes, la Commission a engagéune Action préparatoire sur les re-cherches en sécurité (PASR) portant surles moyens techniques de lutte anti-ter-roriste, la prévention et la réactioncontre les armes de destruction massive(16) et la protection des réseaux d’infor-mation. Dotée d’un faible montant decrédits (12,5 millions d’euros en 2004,autant en 2005), elle vise surtout à pré-parer un programme européen derecherches en sécurité (EPSR), qui doitêtre intégré au 7e PCRD. Il s’agit d’untournant majeur de par son volume(dotation attendue de l’ordre du mil-liard d’euros) mais surtout parce que lesthèmes traités sortent du cadre tradi-tionnel (soutien au marché intérieur,applications civiles) et concernent clai-rement les second et troisième piliers.

Les responsabilités croissantes de l’Union enmatière opérationnelleA la suite du programme IDA(Interchange of Data between Admi-nistrations), devenu IDABC (17), laCommission européenne a entrepris fin2003 de développer TESTA (18), réseaueuropéen reliant les réseaux nationauxdes administrations des Etats membres.La Commission, maître d’ouvrage, estaujourd’hui amenée à définir une poli-tique de sécurité propre à TESTA, à spé-cifier avec les Etats membres les condi-tions techniques et opérationnellesd’interconnexion entre TESTA et lesréseaux nationaux et à mettre en placeune procédure d’homologation deréseaux impliquant les partenairesnationaux.D’abord simple coordinatrice des tra-vaux préparatoires du programmeGalileo (études de faisabilité financées

sur le 5e PCRD), la Commission a pro-gressivement réduit son rôle au profit del’ESA (co-pilotage de l’étude de défini-tion), puis de l’Entreprise commune(phase de développement) et enfin del’Autorité de surveillance Galileo(phase de déploiement). En revanche, lerôle du Secrétariat général du Conseils’est progressivement affirmé en tantqu’autorité politique européenne légiti-me pour la gestion opérationnelle desenjeux de sécurité liés à Galileo, enparticulier pour les prises de décisionnécessairement très rapides en périodede crise telles que celle de dégradercertains signaux, de les rendre inacces-sibles à certains utilisateurs, de les sup-primer, de les rétablir, etc. Enfin le Secrétariat général du Conseil aété confronté à la gestion du réseauESDPnet (European security and DefencePolicy), fusion des réseaux opérationnelsWEUnet de l’UEO ainsi que de Cortesyreliant les ministères des Affaires étran-gères des Etats membres, les représenta-tions permanentes, la Commission et leSecrétariat du Conseil à Bruxelles. Lesaccords de reconnaissance mutuelledans l’évaluation de produits de sécuriténe s’appliquant pas à la protection desdonnées classifiées, le Secrétariat a faitadopter en décembre 2002 par les Etatsmembres le CISPS (Council InfosecSelection and Procurement Scheme) quiprévoit qu’un équipement développé parun Etat membre donné sera valablementévalué par une AQUA (AppropriatelyQualified Authority) relevant d’un autreEtat. De plus, l’OTAN et l’Union euro-péenne ont signé à Athènes le 14 mars2003 un accord sur la sécurité de l’infor-mation, ouvrant la voie à l’échange d’in-formations classifiées, complété le 3 juin2003 par la définition de standards com-muns pour la protection des informationsclassifiées, y compris pour les équipe-ments utilisant des systèmes de crypto-graphie.

Le rôle attendu de l’agence européenne pourla sécurité de l’informa-tion et des réseaux

En matière de sécurité, le programmeeEurope, en vigueur de 2000 à 2005

pour soutenir la stratégie de Lisbonne,aura eu au moins un résultat majeur : lacréation de l’agence européenne char-gée de la sécurité des réseaux et de l’in-formation (ENISA) (19). Il est attendu d’ENISA qu’elle devienneun centre d’expertise capable « d’assis-ter la Commission, les Etats membres etle secteur des entreprises en vue de lesaider à satisfaire aux exigences de sécu-rité des réseaux et de l’information » etde « renforcer la coopération entre lesdifférents acteurs dans le domaine de lasécurité des réseaux et de l’informa-tion ». Une des premières tâchesd’ENISA consistera à dresser un cata-logue des compétences réparties ausein de l’Union pour l’ensemble desmétiers de la sécurité des systèmes d’in-formation.Elle devra aussi assurer la « promotiondes meilleures pratiques, y compris lesméthodes d’alerte des utilisateurs…fournir à la Commission des conseilssur la recherche en matière de sécuritédes réseaux et de l’information… etsuivre l’élaboration [des normes] pourles produits et services » en SSI.Il est bien sûr trop tôt pour apprécier laplace qu’ENISA est appelée à prendredans le développement des politiquesde SSI au sein de l’Union et au-delà.L’année 2005 sera surtout consacrée àl’implantation de l’agence à Héraklion(Crète), à la démonstration de ses capa-cités à mener des actions de sensibilisa-tion et de concertation entre les acteursconcernés et à la consolidation de sescompétences dans le domaine de laSSI.Quoi qu’il en soit, ENISA peut devenirà terme un acteur précieux d’harmoni-sation des politiques et des pratiques dela SSI à l’échelle de l’Union, facteur deréduction des disparités de compé-tences techniques et opérationnellesentre les pays membres, voire entre lesacteurs au sein d’un même pays. Dans

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(16) Nucléaire, Radiologique, Bactériologique etChimique (NRBC).(17) Fourniture interopérable de services paneuro-péens de gouvernement électronique aux adminis-trations publiques, aux entreprises et aux citoyens(IDABC).(18) Trans-European Services for Telematics bet-ween Administrations.(19) Règlement n° 460/2004 du Parlement euro-péen et du Conseil du 10 mars 2004, instituantl’Agence européenne chargée de la sécurité desréseaux et de l’information – JO de l’UE, L77/1 à 11du 13 mars 2004.

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ce sens, elle est appelée à jouer un rôlemajeur dans l’élévation du niveaugénéral de la sécurité de l’informationet des réseaux dans l’ensemble del’Union.

Les nouveaux enjeux de la SSI pour la sociétéde l’information enFrance et en Europe

Avec la convergence informatique-télé-communications qui s’approche et lepassage au « tout IP », les enjeux desécurité des réseaux et de l’informationdoivent maintenant être réévalués àl’horizon des dix à quinze années àvenir. Alors que la Commission euro-péenne propose d’élaborer en 2006 une« Stratégie pour une société de l’infor-mation sûre » (voir COM(2005) 229final), deux documents récents analysentles enjeux de SSI à moyen terme et pro-posent une dizaine d’actions prioritaires.On peut noter que le comité consultatifen technologies de l’information du pré-sident américain (V) et le séminaireeuropéen sur la sécurité d’Internet (VII)identifient quelques objectifs similaires :- une meilleure coordination des poli-tiques et plans d’action, entre les Etatsmembres et les agences fédérales res-pectivement ;- un emploi plus systématique deméthodes rigoureuses pour inclure lesexigences de sécurité dans la concep-tion, le développement et la validationdes logiciels de commerce ;- des actions de sensibilisation pouraméliorer la culture de sécurité et pourpartager les expériences ;- des méthodes et des moyens tech-niques nouveaux à la mesure de lacomplexité croissante des réseaux etdes interconnexions.Néanmoins, en vue des analyses straté-giques à venir aux niveaux national et

européen, deux points méritent uneattention particulière, en raison de leursimplications sociales et économiques.La gestion des identités est un champoù s’entrecroisent la protection desdonnées personnelles, la recherche deprofits économiques et les actions delutte contre la grande criminalité et lesactions terroristes. Le terrorisme inter-national et les gains de productivitéassociés aux technologies de l’informa-tion sont devenus deux tendanceslourdes pour le moyen terme, alorsque la vision européenne de la protec-tion des données personnelles (directi-ve 1995/46), bien que dominanteà l’échelle mondiale, est toujoursconfrontée à une conception américai-ne beaucoup plus limitative en matièrede protection. Une inflexion de cetteposition européenne, sous la pressiondes deux tendances lourdes évoquéesplus haut, pourrait avoir des consé-quences majeures en matière d’équi-libre social et politique dans le contex-te européen (VII).

L’enjeu de souverainetéque représente la maîtrisedes moyens de communi-cation doit être adapté aucontexte qui se prépare,avec deux conséquencesconcrètesD’une part la gouvernance d’Internetdevient un enjeu politique majeur,comme le confirme la décision du dépar-tement du commerce américain demaintenir ses relation privilégiées avecl’ICANN (VIII). La mise en place d’unecapacité réellement autonome de gestiondes adresses et noms de domaines doitêtre identifiée comme un enjeu majeurau niveau national et européen et se tra-duire dans les faits.

D’autre part, le caractère stratégique dela base technologique et industrielle enSSI doit être reconnu comme tel, ce quidemande des inflexions majeures enmatière de soutien à l’innovation, derecherche de compétitivité, des actionspubliques volontaristes en matière dedéveloppement de produits et servicesde haut niveau en SSI, des adaptationsorganisationnelles, voire institution-nelles. Au plan national français, cetteproblématique s’inscrit clairement dansle sillage du rapport du député Carayon(20), ainsi, plus récemment que de lamission confiée au député Lasborde (LaTribune, 8 juillet 2005). La préparationde la nouvelle tranche du Plan de ren-forcement de la sécurité des systèmesd’information devrait être l’occasion desa traduction concrète. La préparationprochaine d’une « stratégie pour unesociété de l’information sûre » pourraégalement être l’occasion de sa prise encompte au niveau européen. ●

BIBLIOGRAPHIE

(I) IT Baseline Protection Manual, Federal Office forInformation Security (BSI), http://www.bsi.de/engli-sh/gshb/manual/(II) Plan de renforcement de la sécurité des systèmesd’information, SGDN, 10201/SGDN/SG, 17octobre 2003.(III) Séminaire sur la protection des infrastructurescritiques, Union européenne, Bruxelles, 6-7 juin2005.(IV) M. Lemoine, recommendation 707 « On thenew challenges facing European Intelligence »,Western European Organization Assembly, 2002.(V) « Cyber security : a crisis of prioritization »,President’s Information Technology AdvisoryCommittee (PITAC), février 2005.(VI) Séminaire sur la Sécurité d’Internet,Commission européenne, DG INFSO-A3, mai2005.(VII) Alain Esterle, « ICT security stakes and identitymanagement in the future Europe », ConférenceFistera, Séville, 16-17 juin 2005.(VIII) US principles on the Internet’s domain name andaddressing system, National Telecommunication andInformation Administration, 30 juin 2005.

(20) Htpp://w.ladocumentationfrancaise.fr.rapports-publics/034000484/index.shtml

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l e s a p p l i c a t i o n s

Les technologies de l’informa-tion et de la communication se

sont diffusées largement dansles systèmes et équipements des

armées. Mais elles ont surtoutprovoqué une transformationprofonde des organisations etde la conduite des forces parune mise en réseau de toutes

les informations opération-nelles, rendant leur transmis-

sion possible au niveau dechaque combattant.

par François Levieux,Directeur des processus techniques,

Groupe Thales

S i vous demandez à dix spécia-listes des affaires militaires leuropinion sur les technologies de

l’information, nul doute que vousobtiendrez au moins dix réponses diffé-rentes et contradictoires. En cela, lacommunauté militaire ne se distinguepas vraiment du reste de la population !Mais elle entretient vis-à-vis de cedomaine technique une relation com-plexe, liée à l’évolution des trente der-nières années. La défense a été, en effet,le principal marché de l’informatiquejusqu’en 1960, et un donneur d’ordresignificatif, jusqu’aux années 70.Aujourd’hui, le numérique et le logicielont pénétré tous les systèmes opération-nels du commandement, des équipe-

ments et de la logistique, et cependantla défense n’est plus un marché signifi-catif pour les fournisseurs du domainede l’information et de la communica-tion, alors même qu’entre un quart et lamoitié de la valeur ajoutée d’un équi-pement militaire moderne relève au-jourd’hui de ces disciplines. Les technologies de l’information et dela communication (pour simplifier nousdirons désormais : les TIC) sont depuisplus de vingt ans des technologiesduales, c’est-à-dire communes à l’éco-nomie et à la défense. On pourrait donccroire que les armées se contententd’acheter les produits disponibles, unpeu partout, pour les faire intégrer, telsquels, dans les architectures de leursoutils. La situation réelle est beaucoupplus complexe. Les possibilités offertespar la révolution permanente du mondeinformatique transforment les organisa-tions militaires, de la même façonqu’elles modifient le reste de l’organisa-tion sociale. Tout d’abord, nous allonsexaminer la réorganisation radicaleimposée aux militaires par l’informa-tique et les télécommunications etensuite nous exposerons quels produitset technologies du domaine des TICjouent un rôle significatif dans lesarmées et quelles sont les contraintespropres à leur utilisation.

Les TIC et la « transformation »des armées

« Murat, vas-tu nous laisser dévorer par ces gens-là? » [1]

Pour lancer en quelques minutes la plusgrande charge de cavalerie de l’histoiremoderne, Napoléon n’a eu besoin qued’une longue vue et de sa voix. Lebesoin était clair : réorganiser immédia-

tement les forces disponibles, pour faireface à un événement imprévu. Cebesoin est toujours d’actualité – deuxsiècles plus tard – et l’urgence toujoursprésente, mais ni la voix ni une longuevue ne peuvent suffire. Un réseau com-plexe de transmissions est nécessaire,associant grande fiabilité, distancesconsidérables et haute performance,car le combat est toujours le monde dutemps instantané. Ce que faisait Napoléon à Eylau s’ap-pelle aujourd’hui « boucle OODA »(observer, orienter, décider, agir) ; maisle champ de bataille est à la taille d’unétat, la chaîne logistique traverseocéans et continents et le combat seplanifie sur des semaines, voire desmois. De plus l’information est fourniepar une grande variété de capteurs por-tés par des plates-formes diverses(avions, chars, drones, navires, robots…ou observateurs humains). Le délai de re-planification des opéra-tions est un paramètre critique. Pourdonner des ordres de grandeur, il étaitde l’ordre de la semaine en 1945, del’ordre de la journée lors de la premiè-re guerre du Golfe, de l’ordre de l’heu-re en Afghanistan, inférieur à l’heure enIrak [2]. Ceci suppose une actualisationde la situation de toutes les unités enquelques minutes. Collecter toutes cesdonnées sur le terrain, les transmettreau quartier général, parfois au niveaupolitique, pour décision, réaffecter lesressources et agir : voilà qui seraitimpossible sans un réseau de transmis-sion cohérent et homogène, depuisl’observateur, humain ou automate, jus-qu’à l’arme sollicitée, elle-même plate-forme pilotée ou module automatique. Un exemple : pendant l’opérationEnduring Freedom en Afghanistan, unsergent des forces spéciales, sur soncheval, identifia une cible. Il téléchar-gea à partir d’un drone une photogra-phie aérienne de son environnement,

La défense et les technologiesde l’information et de la communication

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envoya par satellite une demande d’en-gagement aux USA. Le quartier généralaffecta un avion d’armes à la mission,qui reçut du sergent les coordonnées dela cible. Le pilote vérifia la situationopérationnelle pour s’assurer de l’ab-sence de troupes amies et neutralisa lacible, par l’intermédiaire d’un enginmuni d’un GPS. Pas une seule de ces actions qui n’aitlargement recouru aux TIC (sauf le che-val, bien sûr…).Deux questions priment : commentaccélérer la transmission de la bonneinformation au bon utilisateur, et quelleest l’information pertinente pour cha-que niveau de commandement ? Laréponse à la seconde question, de natu-re opérationnelle, doit être apportée parles militaires, et sort par conséquent dusujet de cet article. En revanche, la pre-mière réponse est technique et elle faitlargement appel aux TIC. Selon lespays, elle porte un nom différent :Network Centric Warfare aux USA [3],Network Enabling Capability enGrande-Bretagne, Réseaux Info-Centrésen France. La conséquence en fut uneprofonde réorganisation des arméesdans tous les pays de l’Otan, baptiséeaux USA « transformation des forces ».

Les organisations info-centrées

« The network is the computer »

Ce slogan marketing du début desannées 90 est dû à la société SUNMicrosystems. Il montre dès cette datequ’un système informatique, ne pou-vant plus se limiter à une collectiond’ordinateurs reliés entre eux, devientun tout cohérent, dont la colonne verté-brale est le réseau, élément central del’organisation. Dix ans plus tard, cemême concept se généralise, dans lesarmées.Un premier niveau de mise en réseauconcerne plusieurs plates-formes mili-taires : flotte d’avions ou escadre nava-le, par exemple. On parle dans ce casd’engagement coopératif, et les infor-mations sont souvent homogènes(radars, sonars, senseurs de guerre élec-tronique, contre-mesures, etc.). La diffi-

culté principale réside dans la maîtrisede la latence. Non pas la latence tech-nique, liée à la transmission, qui est del’ordre de la microseconde, ni la laten-ce liée aux traitements, nettement plusélevée du niveau de la milliseconde,mais la latence induite par l’interven-tion de l’homme dans la boucle dedécision, d’une durée variable, maisconsidérable, par rapport aux deux pre-mières (quelques dizaines de secondes,voire plusieurs minutes). Ceci pousse àune organisation sans interventionhumaine (man out of the loop) qui sup-pose des algorithmes de robotique,d’intelligence artificielle et une puissan-ce de calcul considérable, mêmecompte tenu de l’état de l’art actuel.L’usage du drone en aéronautique, ouencore du robot marin ou terrestre, vadonc se généraliser dans les armées,avec les transmis-sions, les senseurset les logiciels demission correspon-dants.Un deuxième niveau est le concept de« bulle ». La mise en réseau des moyensmilitaires des trois armes, appuyés etrelayés par des observations et destransmissions spatiales, crée des zonesde sûreté appelées « bulles opération-nelles » qui protègent les unités ou leséquipements critiques de tout risque dedestruction. Ce principe peut d’ailleursêtre aisément étendu à la sécurité civilelorsque c’est réaliste économiquement(protection des aéroports ou des côtes,par exemple). Il faut bien sûr disposerde moyens variés, faisant ici aussi unelarge place aux engins automatiques etaux capteurs sophistiqués.Le troisième niveau est dédié à laconduite des opérations militaires elles-mêmes. La mise en réseau structure lemode de conduite des forces engagées.Les observations de toute nature sontregroupées, fusionnées et transmises àchaque unité combattante qui en al’usage. Ceci suppose la capacité degérer, traiter et transmettre en faibletemps différé des quantités d’informa-tions très importantes à toutes les posi-tions de combat, dont il faudra bien sûractualiser les mouvements. Ces prin-cipes ont été mis en œuvre par l’arméeaméricaine pendant l’offensive en Irak,en 2003. Les résultats, variables, sont

encore en cours d’analyse aujourd’hui[4].

L’interopérabilité des armées coalisées

« J’admire beaucoup moinsNapoléon, depuis que je sais ce qu’est une coalition »

Le maréchal Foch se posait déjà laquestion en 1918 : avec des organisa-tions collectives aussi sophistiquées,comment mener une coalition ? Cesorganisations étant construites en fonc-tion des capacités des TIC à fournir desréponses instantanées, et deux sys-tèmes informatiques conçus sépa-rément n’étant jamais parfaitement

compatibles, deuxarmées alliées depays distincts sontconfrontées au pro-

blème de la cohérence de leurs infor-mations et de leurs actions. Ce n’est pastrès difficile à résoudre avec des messa-geries classiques. Mais comment, enrevanche, faire tirer une frégate françai-se ou britannique sur une cible identi-fiée et codée par un bateau américain(ou l’inverse) ? La réponse est malaiséeet, illustrant le cas extrême, il y eutencore de nombreux morts par tir fratri-cide en 2003, un des drames les plusspectaculaires de ce type ayant été ladestruction d’un avion britannique parles défenses US [5]. Pour éviter de telles situations, unecoopération étroite entre armées alliéesest indispensable, au point de poser leproblème – difficile – du commande-ment et des procédures partagés. Desméthodes et cultures variées coexistantpar nécessité historique, une telle har-monisation est irréaliste sur l’ensemblede l’OTAN, par exemple. L’impact desTIC accroît clairement la difficulté. Unpremier objectif serait sans doute d’arri-ver à une grande compatibilité entre lesarmées des nations majeures euro-péennes. C’est en cours, mais mêmedans ce cadre restreint, le travail àaccomplir est considérable. Les accordsfranco-britanniques et franco-alle-mands, la création de l’agence euro-péenne de défense, participent à cet

Aujourd’hui, le numérique et le logi-ciel ont pénétré tous les systèmesopérationnels du commandement

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effort préalable à toute concrétisationd’une force militaire européenne inté-grée. Tous ceux qui ont essayé de ratio-naliser l’informatique interne d’ungrand groupe industriel comprendrontsans doute quelle est la nature des diffi-cultés rencontrées…Passons maintenant à l’examen dequelques problèmes techniques liés àl’utilisation des TIC dans les armées

Les télécommunicationsmilitaires

Depuis toujours, les télécommunica-tions jouent un rôle décisif dans laconduite des armées et des flottes. Letéléphone portable, produit embléma-tique du marché des télécommunica-tions civiles depuis dix ans, existe aumoins depuis la première guerre mon-diale dans sa version militaire et, soussa forme moderne, au moins depuis lessystèmes de la classe RITA ou MSE de lafin des années 80. Mais la version civi-le banalisée ne résout pas deux besoinscritiques – le chiffrement et l’anti-brouillage – lesquels justifient laconception de solutions spécifiques. Deplus, se pose le problème de la compa-tibilité avec les formes d’ondes desmatériels militaires préexistants. Lasolution en prépa-ration est la radiologicielle dont lescaractéristiques du signal émis résultentde l’exécution d’un des programmes del’ordinateur intégré au poste [3]. Ainsi,malgré son succès éclatant sur le mar-ché civil, l’impact du portable sur lesarmées induit surtout une certaine bais-se des coûts.La version civile d’Internet et son com-plément – le Web – ont en revanchemodifié le mode d’organisation et deconception des réseaux et, commenous l’avons vu, des armées. Le proto-cole Internet (IP), bien connu des inter-nautes, est en passe de se substituer àtous ses prédécesseurs. On peut obser-ver que cela termine une évolution ori-ginale qui aura vu l’Arpanet de la guer-re froide devenir le Web de larecherche physique fondamentale, puisenvahir les messageries privées et lesméthodes documentaires de toutel’économie, avant de revenir offrir aux

armées une solution exceptionnelle-ment robuste et économique pour laréalisation des réseaux de transmissioncritiques.

L’informatique militarisée

Internet fournit la transition entre lestélécommunications, domaine d’unecertaine continuité, et l’informatique,lieu de tous les bouleversements.L’informatique est, après le nucléaire, latechnologie qui a eu le plus d’impactsur la défense depuis les années 1950.A l’origine de l’évolution du matériel,une seule cause : l’intégration des com-posants sur silicium et la célèbre loiempirique de « Moore » (1). A l’opposé,la pesanteur et l’inertie considérabledes standards de logiciel de base (2)(Dos, Unix, Windows, MacOS,Linux…) et des logiciels d’applicationqui en dépendent représentent uninvestissement coûteux qui pèse surdes décennies. Une des conséquencesde ces évolutions contradictoires (lesilicium qui pousse, le logiciel quiretient) est l’apparition de cycles de septà huit ans générant des ruptures bru-tales sur le marché informatique, queles utilisateurs ont été obligés deprendre en compte, du fait notamment

de la disparition defournisseurs pré-cédemment domi-

nants et de leurs lignes de produits.Ceci est aggravé par la banalisation desproduits militarisés.En effet, le même matériel pouvant êtreutilisé au nord du Canada en hiver ouen Arabie Saoudite en été, on a connuune prolifération de circuits et logiciels« militarisés » jusqu’au milieu desannées 90. Mais l’automobile, devenueun marché dominant pour les compo-sants, a imposé à tous les fabricants deproduits électroniques des contraintesautrefois réservées aux seules applica-tions militaires. Le marché du « militari-sé » a disparu, en-dehors du cas parti-culier du spatial.Aujourd’hui, les systèmes militaires uti-lisent les mêmes composants numé-riques élémentaires que les civils(mémoires, microprocesseurs, inter-faces…). Le problème d’accès à unmatériel robuste et bon marché ne se

pose plus. Mais, comme toujours, lasituation est plus complexe pour le logi-ciel.

Un dilemme technique : le choix des standards logicielsDans un célèbre tableau de W. Turner,un navire de ligne du milieu du 18e

siècle, le « Téméraire », héros de labataille de Trafalgar, est remorqué parun vapeur à roue à aubes… Cecimontre que le système d’armes repré-senté par ce bâtiment a été utilisé pen-dant plus d’un demi-siècle. Ce constatperdure pour les systèmes militairesd’aujourd’hui, où l’informatique a rem-placé la hausse manuelle des canons etla manœuvre au sifflet. Les armées fontcampagne avec des outils imaginés, aumieux 20 ans plus tôt, et souvent, bienavant. Pensons au bombardier B-52,conçu comme outil stratégique de laguerre froide, mis en service dans lesannées 50 et prévu pour servir, avecune informatique qu’on suppose réno-vée, jusqu’en…2030 au moins !Changer en cours de développement lelogiciel de base (2) des ordinateurs uti-lisés est pratiquement impossible, sansune remise à zéro des applications déjàréalisées, et donc un coût prohibitif. Or,les standards les plus répandus –Windows, UNIX, MAC-OS – sont, tous,la propriété de sociétés privées quin’ont aucun intérêt à s’intéresser à ladéfense et à ses exigences originales,surtout en-dehors du marché dominantdes USA. Un fournisseur célèbre a déjàdéclaré : « Je n’ai pas un seul de mesrares ingénieurs à affecter à ce marchéstupide ! ». Que faire, quand votre poste de travailet son logiciel sont abandonnés partous en trois ans et que votre dévelop-

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(1) Dès 1966, G. Moore, le fondateur d’Intel, a pré-dit que les circuits numériques doubleraient leurcapacité tous les dix-huit mois sur… les dix annéessuivantes. En 2005, c’est toujours vérifié…(2) Un logiciel de base (système d’exploitation, ges-tion de la mémoire et des interfaces) est nécessaireau fonctionnement d’un ordinateur. Un logicield’application est dédié à une utilisation précise. Lecode source (ou, simplement : la source) d’un logi-ciel utilise un langage « proche » du langagehumain, ce qui en permet la modification. La ver-sion de tout logiciel, fournie contractuellement àl’utilisateur, est le code binaire, qu’on ne peut inter-préter sans connaître le code source.

La mise en réseau structure le modede conduite des forces engagées

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pement s’étale sur dix, voire quinzeans, sans parler de la logistique,sur…vingt-cinq ans ! Le fournisseur desystèmes militaires doit donc soit négo-cier – difficilement – un accord techno-logique avec l’un d’entre eux, soit ache-ter tel quel leur produit, avec, commeseul support, celui dédié aux applica-tions civiles [3]. La première option estsatisfaisante sur le plan technique, maiscoûteuse et risquée si le partenaire péri-clite et la seconde, très dangereuse carne garantissant en aucun cas le bonfonctionnement du système. Ces deuxsolutions génèrent de plus un risqueopérationnel.

Un enjeu de souveraineté

Comme dans tous les pays de l’OCDE, lematériel de guerre américain est soumis àdes restrictions aux pratiques d’exporta-tion. Et ce n’est pas une clause de style :Boeing a par exemple été mis en causepour avoir fourni à la Chine des avionscivils comportant un circuit critique coû-tant seulement 1 000 $ ! Tout produit« concourant à la supériorité des forcesaméricaines » peut être concerné : on leconstate, il s’agit d’une définition pour lemoins large de la notion de matériel mili-taire stratégique.Pas de risque, en revanche, pour lematériel et logiciel informatique clas-sique, par exemple les microproces-seurs, car une application à ce type deproduit de restrictions commercialesaurait des conséquences économiquesinsupportables pour les industriels amé-ricains. Pour des produits plus spéci-fiques ou la source (2) des logiciels, lasituation est tout autre, comme l’illustral’exemple des supercalculateurs, à l’ori-gine de quelques frictions transatlan-tiques demeurées célèbres. Des refusde commercialisation, même au seindes pays membres de l’Otan, survien-nent régulièrement. Or, sans supporttechnique permanent, aucune applica-tion informatique militaire ne peut êtremise au point. Enfin, subsiste le risqueque le logiciel fourni contienne des« failles », connues du seul fournisseur,ce qui accroît l’effet de dépendancesouligné plus haut.Comment contourner cette difficultédans le contexte européen ? Le véri-

table enjeu porte sur l’usage – ou non –de Windows et de l’énorme quantité delogiciels d’applications associés aumonde Microsoft. Ceci est particulière-ment vrai en ce qui concerne les appli-cations jugées non-critiques. Pour unarchitecte de systèmes militaires, élimi-ner une partie des aléas de l’informa-tique, en choisissant ce standard pro-priétaire, est très tentant. (Il y a troisdécennies, la même logique jouait enfaveur d’IBM). Mais, dans ce cas, lamise au point et la logistique, voire lefonctionnement, dépendent du bonvouloir de la firme de Redmond…

L’impact des logicielslibres

La solution à ce dilemme provient defaçon inattendue de la communautéuniversitaire, car la mission d’éducationpose ce même problème d’accès auxsources (2) des logiciels de base. Lesinformaticiens universitaires ont doncdécidé, au niveau mondial, dès 1991,de créer leurs propres standards gratuitset universels, dont l’élément le pluscélèbre est le système d’exploitationLinux. Cette solution des « logicielslibres » (« Open Source » en anglais)n’a été rendue possible que grâce à lagénéralisation d’Internet, qui rend ladiffusion gratuite aisée et assure unemise au point d’une qualité exception-nelle. Linux représente aujourd’hui uneexcellente option technique pour lessystèmes de commandement et tous lessystèmes militaires hors « temps réel ».Le rôle des logiciels libres est décisif.Ces technologies sont extraterritorialeset l’accès aux sources via Internet esttotalement garanti (et accessoirementpresque gratuit).Plusieurs sociétés(dont au moins uneen France) assurentla diffusion et le support de ces logicielspour ceux des utilisateurs qui souhai-tent se décharger de cette tâche. C’est àterme la solution la plus sûre pourtoutes les applications de défense. Lapanoplie des logiciels d’applicationaccessibles autour de Linux est désor-mais très complète. Aux USA, le lance-ment de plusieurs procès contre lesfournisseurs de logiciels libres montre

d’ailleurs que cette solution est consi-dérée par les fournisseurs traditionnelscomme une concurrence très sérieuse.Le frein le plus gênant à leur plus largeadoption tient aux habitudes des utilisa-teurs, qui bénéficient aux produitsMicrosoft. On a vu des systèmes decommandement utiliser Windows pourla seule raison qu’il était plus pratiquede transférer en fichiers Excel les rap-ports à l’état-major, grâce à ce logiciel !Cependant les considérations de sécuri-té et de souveraineté imposeront lechoix de l’indépendance, et donc l’usa-ge généralisé des logiciels libres.

Un dernier problème technique : le tempsréel…De nombreux équipements militairesne peuvent réagir qu’après un temps delatence incompressible. Ceci est dû àdes servitudes essentiellement méca-niques (tour d’antenne sur les radars,identification et validation des objetsobservés, vitesse de défilement desavions d’observation, etc.). Pour des rai-sons de mémorisation (que nous n’ex-poserons pas ici), un ordinateur munid’un logiciel classique est tributaire dela vitesse de rotation de son disque dur.Celle-ci, prenant du retard sur le déve-loppement des performances de l’élec-tronique, devient un goulet d’étrangle-ment que tout utilisateur peut constatersur son PC lorsqu’il doit attendre,durant d’interminables secondes, quesa demande apparemment anodinedaigne être prise en compte… Ce type de contrainte doit être contour-né par un logiciel de base spécifique àce type d’application : le système d’ex-

ploitation en tempsréel (2). Les mili-taires sont les plusgros consomma-

teurs de ces produits, qui ont pour seulinconvénient d’exiger l’adaptation detous les logiciels qui en dépendent. Ilexiste une spécificité des applicationstemps réel, protégée par les loi d’inertiede la mécanique et le théorème empi-rique (encore un !) – ironiquement inti-tulé « théorème des gaz parfaits infor-matiques » – qui rend compte de laboulimie d’occupation des mémoires,

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Depuis toujours, les télécommunica-tions jouent un rôle décisif dans laconduite des armées et des flottes

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trop largement répandue chez la plu-part des concepteurs de logiciels.

Quelques perspectives

La « loi » de Moore (1) restera sansdoute valable encore au moins dix ans.Nous verrons donc apparaître au moinsquatre générations d’ordinateurs avanttout éventuel ralentissement de l’évolu-tion technologique. La capacité destransmissions sous protocole IP iracroissant, avec l’ « encapsulation »,puis l’absorption, sous IP, des réseauxpréexistants. Tout ceci améliorera l’effi-cacité des armées, notamment par laréduction des destructions dites « colla-térales ». Où les futures opportunitésvont-elles donc se créer et quels goulotsd’étranglement sont-ils susceptibles defreiner la diffusion des TIC dans ledomaine militaire ?Rappelons les quatre étapes de touteaction militaire : Observer, Orienter,Décider, Agir (OODA).- Observer : les TIC induisent unenumérisation généralisée et une banali-sation des traitements numériques detous les capteurs physiques. Le traite-ment radar ressemble à celui du sonar,de la guerre électronique, des contre-mesures, etc. En parallèle, le traitementde l’information dépend de la fusiondes données issues de ces capteurs etde renseignements extrêmement diver-sifiés : voix, textes, cartes, imagesvidéo… On peut imaginer que destechnologies du grand public, tellescelles illustrées par Google, ou desconcepts de diffusion grand publiccomme le triple play soient bientôtnécessaires aux armées, ce qui repré-sente un champ presque vierge pour lesconcepteurs des systèmes futurs. - Orienter : première phase du com-mandement, la préparation et la planifi-cation des actions devront recourir àdes simulations mélangeant les niveaux

opérationnels et physiques, et ceci, entemps quasi réel. Les moyens informa-tiques nécessaires n’existent pas enco-re, de nos jours, mais avec un peu depatience, cela ne devrait pas tarder. - Décider : le rôle de l’aide à la décisionet des nombreuses techniques d’intelli-gence artificielle sera ici primordial.Une partie de la chaîne de décisionéchappera nécessairement au contrôlehumain. Comment en vérifier le bonfonctionnement ? En prévenir les éven-tuelles dérives ? La bonne ar-chitecture des fu-turs systèmes decommandementreste encore àpréciser, tant leschamps du possible ouverts par les TICs’élargissent sans fin.- Agir : Les armes sont déjà largementpénétrées par des solutions numé-risées : commandes de vol des avions,contrôle des commandes de l’arme-ment des navires, réglage automatiquedes tirs, pilotage des missiles, etc. Cetteévolution va continuer sans heurts. Enrevanche, la rupture proviendra vrai-semblablement de l’amélioration desdrones et autres robots. Le sans piloteou le piloté à distance vont inévitable-ment devenir la règle, l’amélioration dela sécurité des combattants se conju-guant à la baisse du coût des perteséventuelles pour justifier un recourssystématique à ce type de moyens.

En conclusion : Les TICsont-elles stratégiquespour la défense ?Nous avons vu que la réponse à cettequestion est loin d’être simple. Stra-tégiques, les supercalculateurs l’ont été,or ils ne le sont plus aujourd’hui, oùn’importe quelle université peut enconcevoir un, au moyen de micropro-cesseurs et de logiciels libres. Les sys-

tèmes d’exploitation le sont, alorsmême qu’ils sont apparemment trèsrépandus et facilement accessibles.Demain, les moteurs de recherche oude messagerie peuvent le devenir, enfonction de l’évolution de l’organisa-tion industrielle des fournisseurs.Mais il y a, dans tous les cas, une certi-tude : la maîtrise des technologies infor-matiques et de télécommunications parune large communauté d’ingénieurs etde chercheurs est une condition néces-saire de la création et de l’entretien de

forces armées effi-caces. Si la puis-sance des nationsdépend de leur ca-pacité reconnue à

exercer éventuellement leur ultimaratio militaire, alors, n’en doutons pas,cette communauté des technologies del’information et de la communicationjouera un rôle majeur dans la crédibili-té de l’ensemble du dispositif de défen-se d’un Etat moderne. Ceci dit, restons modestes : quelle TICpermettra-t-elle de se protéger contrele tir à très courte distance d’un missi-le rudimentaire lancé…depuis unecharrette tirée par un âne ? La métal-lurgie et le blindage ont peut-êtreencore un certain avenir militairedevant eux… ●

BIBLIOGRAPHIE

[1] Napoléon Bonaparte à la bataille d’Eylau.Citation rapportée notamment par G. Plon dans sonouvrage « La Grande Armée », éd. R. Laffont, 1979,p. 130. [2] Annales du colloque « Nouvelles Technologieset Art de la Guerre » – CID 28 avril 2004 – http://www.college.interarmees.defense.gouv.fr.[3] IT Special Report « Connecting the Dots », J.C. Anselmo, AW & ST, February 28th, 2005, pp.19-25.[4] US Army Transformation; An Update, M.Leibstone, in Military Technology, Vol. XXVIII, issue10, 2004, pp. 19-25.[5] « Unfriendly Fire », D. Barrie, AW & ST, April 7th,2003.

L’informatique est, après lenucléaire, la technologie qui a eule plus d’impact sur la défensedepuis les années 1950

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l e s a p p l i c a t i o n s

La compétitivité d’une entrepri-se dépend largement de la quali-té des informations dont elle dis-

pose et de sa capacité à lescapitaliser puis à les traiter. Elledépend également de sa réactivi-

té. Or tous les processus tou-chant l’information – produc-tion, consommation, échange,traitement ou capitalisation –

sont susceptibles d’être concer-nés par l’Internet. Nouveau sys-

tème nerveux de l’économie,Internet permet de passer d’unprocessus discontinu à un pro-

cessus continu et de réduiredrastiquement les délais : c’est

là une des principales modifica-tions qu’il apporte au fonction-

nement de l’économie et donc, àterme, à sa structuration.

par Jean-Michel Yolin, Ingénieur général des Mines

P our une entreprise, l’informationreprésente une part en fortecroissance de la valeur ajoutée

dans un produit et les services qui luisont associés.

En effet, de plus en plus fréquemment,le contenu informationnel dépasse, envaleur, le contenu en énergie, en matiè-re première et en heures de travailmanufacturier d’un produit. Un sémi-naire récent de la Banque Mondiale àParis indiquait ainsi que l’investisse-ment immatériel égalait aux Etats Unisl’investissement matériel. Or nous entendons par coûts infor-mationnels toute la gamme des coûts« immatériels », de la conception duproduit au service après-vente, en pas-sant par la transmission et le traitementde l’information ou la gestion de lalogistique. Il s’agit donc :- des études préliminaires du marché,du marketing, de la détermination desbesoins du client, de l’analyse de laconcurrence, de l’intelligence écono-mique ;- des coûts de conception (R&D, bureaud’étude, mise au point, élaboration desprogrammes de CFAO qui piloteront lesmachines de production (MOCN), ousuivi dans la pharmacie des tests sur desmilliers de patients) ;- de la protection juridique et de laveille technologique ;- des coûts de fabrication de la partieimmatérielle (élaboration des modesd’emploi, de la documentation tech-nique, écriture des logiciels nécessairespour le produit…) ;- des coûts engendrés par le suivi quali-té ;- des coûts de transmission de l’infor-mation (télécommunications) ;- des coûts de traitement de l’informa-tion (informatique) ;- des coûts immatériels au niveau del’atelier de production, du bureau desméthodes, de l’organisation des proces-sus de production, des cercles de quali-té, de la programmation des machines-outils à commandes numériques, maisaussi des choix techniques réalisés par

les opérateurs (définition des para-mètres d’usinage, choix des maté-riaux…) ;- des coûts relatifs à la recherche desous-traitants ou de partenaires ;- des coûts de gestion (procéduresadministratives relatives au paiementdes taxes, aux demandes d’autorisa-tions ou aux questionnaires statistiques,comptabilité, facturation), etc. ;- des coûts nécessaires à la communi-cation ou aux relations publiques ;- des coûts de commercialisation (publi-cité, conseil au client, catalogue, forma-tion des clients, négociation du prix etdes clauses du contrat, recherche de nou-veaux distributeurs, de nouveaux clients,de nouveaux marchés) ;- des coûts de gestion du per-sonnel (recrutement, paye, formation dessalariés) ;- des coûts liés à la logistique (gestion etorganisation du transport et du stocka-ge…) ;- des coûts des services finan-ciers (négociation, optimisations, ges-tion de trésorerie ;- des coûts liés aux achats, à larecherche de fournisseurs, au lance-ment des appels d’offre, à la gestion desapprovisionnements ;- des coûts que génère la conduite deprojets ou de chantiers ;- des coûts spécifiques au service aprèsvente (maintenance, upgrading (1),contentieux…) ;- sans oublier le coût des informationsque l’on achète, comme les brevets, leslicences, ou l’accès à des banques dedonnées…En outre, la compétitivité d’une entre-prise, liée à la pertinence de ses déci-sions, dépend largement de la qualitédes informations dont elle dispose etde sa capacité à les capitaliser puis à

Des mutations majeures dans l’organisationdes entreprises

(1) Augmentation de la performance des matérielsnotamment par une amélioration des logiciels decommande.

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les traiter. Ainsi, par exemple, le CIOde Boeing (2) déclarait : « Aujourd’huiBoeing, c’est 80 % d’info-mana-gement et 20 % de processus phy-siques ». La compétitivité d’une entreprisedépend également de sa réactivité etdonc de la performance de son « systè-me nerveux ». Et tous les processus tou-chant l’information, sa production, saconsommation, son échange, son traite-ment ou sa capitalisation sont suscep-tibles d’être concernés par les technolo-gies de l’Internet.

D’un processus discontinuà un processus continu

Internet véhicule des instructions exé-cutoires : nouveau système nerveux del’économie, il réduit drastiquement lesdélais, en passant d’un processus dis-continu à un processus continu. C’est làune des principales modificationsqu’Internet apporte au fonctionnementde l’économie – et donc, à terme, à sastructuration – et pourtant peu la per-çoivent dans toutes ses conséquences.Aujourd’hui les étapes de productionsont effectuées les unes après les autres.Prenons l’exemple d’un fabricant demeubles : le client va dans une bou-tique, il choisit un meuble et passe sacommande (ou, pressé, emporte unproduit disponible en stock). Le com-merçant envoie un ordre de fabricationà l’usine (le meuble commandé ou unréassort pour son stock), voire même àun grossiste qui lui-même s’adresse auproducteur. Le fabricant transmet lesinstructions de fabrication à l’atelier. Lebureau d’étude et le bureau des mé-thodes programment les machines etordonnancent la production. Pour cer-tains éléments, le fabricant passe égale-ment commande à ses fournisseurs etsous-traitants qui, après avoir produitles pièces nécessaires, livrent l’usinequi procède au montage et au contrôlequalité. Enfin, il est fait appel à un trans-porteur qui assure la livraison de lamarchandise.Les factures et les paiements suivent unprocessus identique : opération aprèsopération, avec la lenteur, les coûts etles risques d’erreur qu’impliquent lesdiverses saisies des chiffres.

L’une des mutations majeures entraî-née par l’Internet est la remise encause radicale de ces processus deconception, de production et devente. Jusqu’alors, dans l’économietraditionnelle, chacune des opérations(prise de commande, approvisionne-ment, production, appel à des sous-traitants, livraison…) était initiéeet lancée l’une après l’autre : on étaitdans un processus économique « sé-quentiel ».Ce que permet l’Internet, en intercon-nectant l’ensemble des acteurs de lachaîne, c’est de lancer l’ensemble deces opérations simultanément. Onpasse ainsi à un processus « continu »avec, comme principale conséquence,un écrasement radical des délais. C’est cette mutation qui permet de pro-duire des objets « sur mesure » pourchaque client, avec les prix d’une pro-duction de masse, des délais de livrai-son inférieurs à ceux de l’économie tra-ditionnelle, tout en évitant d’avoir àfinancer des stocks.De même, pour la conception de pro-duits (comme une automobile, unavion, un moule, une maison…),Internet permet d’interconnecter lesbureaux d’étudede toutes les entre-prises concernées,qui peuvent appor-ter chacune leursavoir-faire. Celles-ci travaillent sur une« maquette numérique » partagée (c’est« l’ingénierie concourante » ou « co-ingénierie »), qui permet de réduireconsidérablement les délais et les coûtsde conception.Dans une économie qui exige desrenouvellements de plus en plus fré-quents des produits, la productivité desbureaux d’étude devient un facteuressentiel de compétitivité : « Si de 1997à 2001, neuf « événements produits »(lancement de nouveaux véhicules ourestyling profond) ont eu lieu pour legroupe, la période 2002-2004 devraitvoir vingt-cinq « événements produits »se dérouler, ce qui constitue une aug-mentation drastique » (Annick Gentes-Kruch, Directeur e-business de PSA,avril 2003).Dans la nouvelle organisation qui sedessine, l’ensemble des opérateurs estinterconnecté grâce à l’Internet, par un

véritable système nerveux qui les relieentre eux : un « extranet » (3). Demain notre client trouvera chezlui ou chez son marchand, commedéjà aujourd’hui chez les « MeublesGrange » ou chez Buronomic, un outilde simulation et de visualisation lui per-mettant de « créer » sa bibliothèque enfonction de ses goûts, de ses contraintesde place et de son budget (mensura-tions, tiroirs, partie vitrée, acces-soires…) : lorsque son choix est fait, son« clic » de commande n’envoie pas unesimple « information » mais une « ins-truction » qui traverse sans délai l’en-semble des maillons de la chaîne deproduction – livraison – paiement. Lorsque que le client lance sa comman-de, celle-ci « irrigue », d’un clic, sansaucun délai, chacun des acteurs avecles instructions qui le concernent. Illance directement l’ensemble des pro-cessus de fabrication, de facturation etde paiement : ce qu’il envoie alors surl’Internet, ce ne sont pas seulement desinformations, mais des instructions exé-cutoires. Sans aucune nouvelle saisie,les mensurations qu’il aura choisiesiront directement commander la machi-ne à commande numérique qui usinera

les panneaux dansl’usine, initiera lescommandes de ser-rurerie, lancera laproduction chez

les sous-traitants concernés, organiserala logistique pour la livraison, transmet-tra les ordres de paiement relatifs à cha-cune de ces opérations, entraînera lapassation de l’ensemble des opérationscomptables… La valeur ajoutée des différents opéra-teurs change alors profondément denature. Elle se situera en particulierdans la définition préalable de l’en-semble des process : ceux-ci devrontfaire l’objet d’une programmation, afinde pouvoir être déclenchés automati-quement par les choix du client (pro-grammation de la machine-outil, or-donnancement de la production,processus comptable, organisation dela logistique…).L’action des acteurs se situe dorénavantau niveau de la conception, de l’amé-

Nouveau système nerveux de l’éco-nomie, Internet réduit drastiquementles délais en passant d’un processusdiscontinu à un processus continu

(2) Mission Acsel à Chicago en mai 2002.(3) http://yolin.net/extranet.html.

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lioration permanente et du contrôle dece process (notamment de la gestiondes anomalies qui permet d’en amélio-rer l’efficacité) et non plus de son exé-cution qui est automatisée.On comprend ainsi comment cettenouvelle organisation, permise par lestechnologies de l’Internet, peut écraserles délais et éviter d’avoir à constituerles stocks de produits aujourd’huinécessaires pour être en mesure derépondre dans des délais courts auclient (et cela, avec des produits quicorrespondent seulement « à peu près »à ses besoins).Mutatis mutandis, avec une organisa-tion industrielle infiniment plus com-plexe, l’industrie automobile basculedans cette nouvelle organisation avecpour objectif de fournir aux clientsexactement la voiture qu’ils désirent (etnon le modèle en stock qu’un garagiste,bon vendeur, parviendra vaille quevaille à lui faire acheter, après une remi-se). Renault estimait ainsi en 2002 quecela permettrait :- d’augmenter la valeur du produitvendu grâce à un beaucoup plus largechoix de variantes et la disponibilité detoutes les options souhaitées ;- de réduire à 15 jours les délais entre laprise de commandes et la livraison ;- de diviser par deux les stocks, qui nese bonifient pas toujours avec le tempset nécessitent une considérable immo-bilisation stérile de capital.« Cela va nécessiter une adaptation del’outil industriel et la formation de 28 000personnes pour être capable de produireune voiture avec un préavis de 5 jours…Internet va booster la diversité des mo-dèles… jusqu’à présent nos voitures neu-ves attendaient les clients qui devaient serabattre sur les modèles disponibles »(André Bodis, Renault, aux Echos).François Hinfray déclarait aux Echos enjuillet 2002 : « 40 % des clients d’auto-mobiles en Europe font une recherchesur le Web avant d’acheter. Internetnous a apporté 10 000 nouveauxclients que nous n’aurions jamais eussans cela sur les six premiers mois de2002 ».Grâce au e-procurement et aux MarketPlaces, les gains en approvisionnementsont estimés à 50 %.Bien entendu, tout au long de cettechaîne, le produit et ses composants

seront très précisément localisés avecun suivi qualité continu.En outre, moins de stocks, c’est aussiune moindre vulnérabilité à l’évolutionparfois brutale des prix : les mémoiresDRAM ont baissé de 80 % en 2001,DELL qui n’a que 5 h de stocks a gagné1,7 milliard de dollars en accroissantses parts de marché là ou ses concur-rents « buvaient la tasse ».

Révolution dans la gestiondes entreprises

Derrière cette digression d’apparencetrès technique se cache une profonderévolution :- les délais et coûts de conception dras-tiquement réduits permettront unrenouvellement plus rapide des pro-duits ;- les délais de production qui, pour laplupart, proviennent des temps mortsentre les étapes de fabrication (« Monacier passe son temps à rouiller », esti-mait Francis Mer alors à la têted’Usinor, avant de réduire ses stocks)sont réduits d’un ordre de grandeurd’un facteur 7, d’où cette expression de« dog years » illustrant l’accélération dutemps. Cette accélération est amplifiéepar l’impatience des clients qui ontperdu l’habitude d’attendre (« l’unité detemps n’est plus la même, nous devons

répondre au client dans les vingt-quatreheures ») ;- ce processus continu ne nécessite plusde stocks, ce qui permet de produire lescommandes une à une et donc de lespersonnaliser, révolutionnant le marke-ting ;- les stocks et les en-cours représententsouvent des immobilisations financièresdu même ordre que les outils de pro-duction ; réduire ceux-ci permet doncde limiter les besoins de capitaux del’entreprise ;- ce process, qui ne nécessite pas d’in-terventions en cours de fabrication, per-met une productivité voisine de la gran-de série « mass customisation » ;- la logistique se trouve dorénavant surle chemin critique ; tous les autres pro-cessus étant considérablement accé-lérés, le client n’est pas prêt à attendrenotablement plus longtemps que lors-qu’il y avait des stocks ; ainsi, si l’Inter-net devient le système nerveux del’économie, la logistique devient sonsystème sanguin ;- le métier des commerciaux change,avec des vendeurs-conseillers chargésd’écouter le client et d’apporter uneréponse à ses besoins et non descommerciaux-bonimenteurs chargésd’écouler les stocks ;- une large part du métier de comptabledisparaît, puisque la comptabilitédevient un sous-produit de tout ce pro-

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Ce que permet l’Internet, en interconnectant l’ensemble des acteurs de la chaîne,c’est de lancer l’ensemble des opérations simultanément (prise de commande, approvi-sionnement, production, appel à des sous-traitants, livraison, etc.).

Animation Power point accessible à www.yolin.net/process.ppt.

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cessus ; il ne reste plus que l’audit de ceprocessus pour s’assurer qu’il traduitfidèlement les opérations et la partie« artistique », qui en « calculant » lesprovisions, les dépréciations des stocks,la valeur des contrats sur les annéesfutures, les amortissements exception-nels et les revalorisations d’actifs per-mettent « d’ajuster les bénéfices » (etces dernières années ont montré à denombreuses reprises que ce pouvoird’appréciation pouvait porter rienmoins que sur plusieurs dizaines demilliards de dollars) ;- cela entraîne des évolutions en matiè-re d’urbanisme ; aujourd’hui les maga-sins sont immenses (plutôt en périphé-rie à cause des impératifs de stocks etde parking), demain ils pourraient êtreplus petits, réduits à des boutiques d’ex-position en centre ville (car il sera enco-re longtemps demandé par le client lapossibilité d’évaluer la qualité dumeuble en le touchant) ;- les préoccupations de sécurité desréseaux d’information prennent unpoids accru, du fait d’une certaine vul-nérabilité de ces organisations (à l’oc-casion de la fusion des systèmes d’Elf etde Total, Philippe Chalon déclarait aujournal Les Echos : « Lorsque le réseautombe c’est notre trésorerie qui ne fonc-tionne plus, tout comme nos ERP, sansparler des raffineries qui ne peuventplus charger les camions de livrai-son… »).

Le respect des standards,clé de l’entreprise en réseauComme nous l’avons vu, Internet (IP),c’est d’abord et avant tout un standardqui permet l’interconnexion entretoutes les applications qui le respectent.Un fonctionnement en réseau imposedonc un strict respect des standards,tant pour pouvoir travailler efficace-ment à l’intérieur de l’entreprise (intra-net) qu’entre entreprises concourant àun même projet (extranet).Pour toutes les applications nouvelles,il est donc impératif de respecter abso-lument tous les standards, pour pouvoirdécentraliser le développement desapplications auprès des responsablesopérationnels en étant certain que

celles-ci pourront communiquer tant àl’intérieur de la société qu’avec les par-tenaires actuels… ou futurs.Dans les relations interentreprises, lacapacité à s’intégrer au système infor-matique de l’acheteur devient un critè-re de choix déterminant. Pour l’élabora-tion des Standards, les Market Place(UDDI pour les catalogues, XML, Web-EDI…) jouent un rôle essentiel. L’XMLet le Web-EDI s’imposent car, moinschers et plus souples que l’EDI, ils per-mettent d’aller « further down the sup-ply chain » (LEAR). Il ne faut pas oublierl’utilisation desstandards dans lesproduits fabriquésqui sont eux ausside plus en pluscommunicants (Bluetooth pour DaimlerChrysler, Audi, Saab, BMW, Peugeotpar exemple).Il est important de s’assurer en particu-lier qu’un fournisseur de logiciel ouASP respecte les standards pour ne pasêtre handicapé par sa disparition(Yankee Group).Enfin, une filiale est mieux valorisée sison système informatique répond auxstandards car elle est plus facilementvendable… Une des difficultés tient bien évidem-ment au fait que les entreprises ontdéveloppé depuis plus de 30 ans desprogrammes informatiques (legacy sys-tems) qui ne sont bien entendu pasconformes à ces standards et qu’il n’estpas envisageable de mettre au rebutdans un délai rapproché (le traitementdu bug de l’an 2000 a montré qu’ontrouvait encore des applications enCobol, écrites dans les années 70 etdont les modes d’emploi étaient sou-vent inexistants).C’est un des défis majeurs pour lesgrandes entreprises, tout à la fois eninterne pour faire communiquer leursapplications (notamment avec les in-nombrables fusions intervenues depuislors) que pour les relations interentre-prises (e-procurement, ingénierie simul-tanée, Extranets, places de marché…).Les techniques d’autrefois, l’EDI(Electronic Data Interchange) et la fabri-cation de « passerelles » entre pro-grammes, l’EAI traditionnelle (Enter-prise Integration Application) sont horsde prix (il en faut une pour chaque

couple de programme ayant besoind’échanger) et doivent être revues àchaque évolution de l’un d’entre eux.C’est pourquoi a émergé la techniquedes « connecteurs », briques logiciellespermettant de rendre toute entrée-sortiedu programme compatible avec lesstandards. Cette technologie a étécurieusement nommée Services Web(Web services).Ceux-ci ont représenté la plus grossepartie des achats informatiques en 2001(40 % à 60 % des budgets) et la plusforte croissance du marché (+ 63 % en

2001) et ce mou-vement s’est pour-suivi depuis. ChezQuaker Oats, cesont ainsi 200 sys-

tèmes incompatibles qui ont du êtreconnectés en 2001 à un « core system ».Les services Web sont des logicielsqui font communiquer deux applica-tions hétérogènes grâce à la combi-naison de standards Internet : le pro-tocole http (transport) et SOAP (undérivé d’XML). Ils gèrent des inter-faces pour les rendre compatibles etcommunicantes, ce sont des outilsd’interopérabilité.Ils utilisent XML pour formater des don-nées transportées par le protocoleSOAP (Simple Object Access Protocol) :les « modules de traduction » SOAPservent d’interfaces entre l’entreprise etses partenaires, organisant le dialoguevia Internet avec d’autres services Web.Les services pertinents peuvent êtreidentifiés et joints grâce à UDDI(Universal Description, Discovery andIntegration), annuaire également au for-mat XML, répertoriant de façon homo-gène l’ensemble des services acces-sibles sur Internet. Les Web Servicespermettent le déploiement d’applica-tions distribuées et accessibles depuisn’importe quel type de terminal, PC,téléphone Internet, PDA… Ce sont desoutils d’intégration puissants entreapplications distantes.En permettant aux entreprises d’acheteruniquement la fonctionnalité dont ellesont besoin, au moment où elles en ontbesoin, l’architecture Web peut réduirede manière substantielle les investisse-ments en technologie d’information. Entransférant la responsabilité de la main-tenance des systèmes à des fournisseurs

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Ce que le client envoie surl’Internet, ce ne sont pas seu-lement des informations, maisdes instructions exécutoires

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extérieurs, elle réduit les embauches despécialistes ainsi que le risque d’utiliserdes technologies obsolètes.Pour des programmes récents, des logi-ciels comme GLUE (The Mind Electric)ou Cape Connect (Cape Clear) automa-tisent ce process pour une somme del’ordre de 2 000 $. Cela permet detransformer les programmes en « jeu delego » réduisant de 30 % le coût desprojets (Whit Andrews, Gartner Group).« L’intégration de nos services entre unrevendeur et notre plate-forme nécessi-te entre 3 jours et 8 jours. Le coût deséchanges de données-commandes,listes de prix, rapports de ventes, etc.est nul, ce qui est une fameuse différen-ce avec l’EDI » Philippe Geleyn, deB2boost, place ce marché entre édi-teurs et revendeurs de jeux vidéo (LesEchos 9/9/2002).Selon le Yankee Group, cette technolo-gie permet de diviser par deux les coûtsdes projets d’intégration d’applicationsinhérents à une entreprise en réseau.

Centralisation et décentralisation dans l’organisation de l’entreprise

Les outils de l’Internet conduisent, para-doxalement et simultanément tout à lafois, à un mouvement de centralisationet de décentralisation.Les standards doivent être totalementcentralisés : c’est la condition mêmede… la décentralisation des projets(pour reprendre l’expression entenduede nombreuses fois lors de notre mis-sion dans le cœur industriel des Etats-Unis au printemps 2002). De même les achats doivent être cen-tralisés : c’est par leur regroupementque l’entreprise peut les rationaliser etavoir un volume suffisant pour être enposition de force afin de négocier lesprix, tout en veillant à ne pas mettre endifficulté un partenaire dont elle abesoin sur le long terme… mais c’est cequi permet de décentraliser complète-ment les « appro » (ce qui explique enparticulier le développement fulgurantdes « cartes d’achat » qui impliquenttout un système de gestion décentrali-sée des approvisionnements) : « before

we had purchasing people, now wehave people purchasing » (QuakerOats, mission Chicago, mai 2002).Une entreprise, pour être efficace, abesoin tout à la fois d’être proche de sesclients pour pouvoir mieux les satisfaireet, donc, d’être « éclatée », et en mêmetemps d’avoir une forte cohérenceinterne et, donc, d’être « ramassée ». Engommant les distances, Internet permetd’apporter des éléments de solution àces exigences contradictoires :- l’entreprise peut se concentrer sur uneimplantation géographique et être né-anmoins étroitement connectée, par unExtranet, avec ses clients ;- à l’inverse, elle peut adopter une orga-nisation éclatée au plus près de sesclients (comme les équipementiersautomobiles ; MC SYNCHRO, parexemple, doit fournir une heure aprèsla commande, les pneus montés sur laligne de montage) et, pour autant, grâceà un intranet assurer une forte cohéren-ce managériale.L’entreprise DEFI 12 à Rodez, bureaud’étude qui conçoit des machines spé-ciales pour l’industrie aéronautique,emploie une trentaine de techniciens etingénieurs à Rodez. Elle travaille pourmoitié pour l’aéronautique et pour moi-tié dans l’automobile.Dans le cadre de son programme dedéveloppement, elle a créé une filiale àBucarest qui emploi une trentaine d’in-génieurs : les deux équipes travaillentsur les mêmes programmes et partagentdonc les mêmes données grâce àInternet. Bernard Dalmon, son PDG, estfrappé par l’efficacité de la formule :« L’expérience que nous menons enRoumanie est, à cet égard, extraordinai-re, tant sur le plan technique que sur leplan humain. Ce projet ne fut pas évi-dent à mettre en œuvre, d’autant plusque dès le départ il nous a été deman-dé de nous rapprocher d’un de nosconcurrents. Cela dit, sur ce plan aussi,la réussite fut au rendez-vous, tant cettecollaboration forcée s’est avérée trèsenrichissante ».

Le « B to C to B »

Nous assistons aussi à une modificationen profondeur des circuits commer-ciaux : le « B to C to B ». Quand

Caterpillar offre à son client la possibi-lité de définir sur son site l’engin dont ila besoin à partir d’un outil de CAO luipermettant de choisir fonctions etmodules et assurant la cohérence d’en-semble, il se met en intermédiaire entrele client et le concessionnaire… et c’estmaintenant souvent le constructeurqui amène le client au distributeur.Il en va de même quand DaimlerChrysler permet aux acheteurs poten-tiels de « construire » sur l’écran la voi-ture de leurs rêves, et, dans une moindremesure, pour tous les sites qui fournis-sent les informations conduisant à ladécision d’achat, notamment les outilsde simulation permettant d’étudier lefinancement de cet achat : aujourd’huiseuls 45 % des clients s’adressent di-rectement aux concessionnaires alorsque 55 % prennent leur décision viaInternet dont 86 % via des « neutralthird parties » (Daimler Chrysler,Mission Acsel à Chicago, mai 2002) :« Si cette démarche ne conduit pas àdes achats en ligne, les constructeursdeviennent des intermédiaires systéma-tiques entre le client final et le conces-sionnaire » (PriceWaterHouseCooperdec 01). On pourrait appeler cela le « Bto C to B ».Certes, les grandes entreprises affichentleur souci de ne pas tuer leurs distribu-teurs en les court-circuitant, mais ellescréent un type de relation très différentde la situation qui prévaut aujourd’hui :- en leur apportant des clients et plusseulement des prospects ;- en mettant leur capacité d’organisa-tion à leur service (Daimler Chrysleragrège les commandes de ses conces-sionnaires pour passer des marchésgroupés, ce qui génère des économiesde 15 à 20 % pour 50 % d’entre eux) ;- en aidant les distributeurs actuels et enfavorisant la création de nouveaux(fourniture d’études de marché, d’outilsde gestion et de sites Web de commer-ce électroniques connectables à leursystème de SCM « United Stationers ») ;Ceci reste vrai même si, comme c’estsouvent le cas (voir l’exemple desMeubles Grange), l’outil de CAO et desimulation financière est localisé chezle distributeur.Il s’agit là d’une mutation qui permet aufabricant d’avoir un contact direct avecson client final, le concessionnaire

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étant recentré sur un rôle de « centre deservice ».A l’inverse, Internet a aussi favori-sé l’émergence de sites comparatifscomme Autobytel, permettant au clientde faire des comparaisons entremodèles de fabricants différents et met-tant le pouvoir chez les consommateurset les « infomédiaires ».

Une industrie moins gourmande encapitaux, des sous-traitantsregroupés, mais gare à la stratégie du lombric !Une production pilotée par la demandepermet la réduction des stocks. Le tra-vail en flux tendu, sans stocks, permetde limiter les besoins en capitaux né-cessaires pour faire tourner l’entreprise,et ceci dans des proportions significa-tives (les capitaux immobilisés pour lesstocks et les en-cours sont en effet sou-vent du même ordre que pour l’outil deproduction lui-même). Bill Crist, ex-patron du fonds de pen-sion Calpers, un des principaux inves-tisseurs mondiaux – il gère 200 mil-liards de dollars – considérait que c’estlà le principal potentiel de gains enterme d’immobilisation et de réactivitépour les entreprises. La division « mo-teurs d’avion » de General Electric (CAde 9 milliards de dollars) a réalisé ainsiune économie de 100 millions de dol-lars en 2002.Caterpillar travaille en build to order, cequi lui a permis une réduction drastiquedes stocks de produits finis (80 %) et de10 % sur les en-cours.Tower Automotive indique une réduc-tion de 50 % en 3 ans.Quaker Oats affiche une réduction de15 % et Daimler Chryler, après uneréorganisation radicale, de 33 %.Covisint, place de marché des construc-teurs automobile, revendique entre 20et 80 % d’accroissement du taux derotation des stocks.Desamais (Avermes), grossiste en quin-caillerie – 25 000 références, 5 000clients – a doublé son chiffre d’affairesen trois ans et rachète régulièrementchaque année plusieurs concurrents.Ses zones de stockage sont équipées en

WiFi depuis 1999, ce qui permet unsuivi en temps réel de tous les mou-vements. Ses commerciaux sont dotésdepuis 1999 de tablet-PC : uneconnexion journalière nomade leurpermet de lancer la livraison des com-mandes et leur fournit chaque jourl’état des marchandises effectivementdisponibles. Cet outil leur permet ausside conseiller les drogueries selon l’his-torique de leur consommation pour lespromotions et les plans d’assortiment.L’entreprise considère que c’est larigueur avec laquelle elle gère sesstocks qui lui a permis de devenir lea-der sur son marché. Malheureusementses clients droguistes utilisent encorepeu l’Internet ce qui ne permet pasencore en 2005 la prise de commandesdirectes.Une autre approche pour réduire lesbesoins en fonds propres que permet-tent les technologies de l’Internet, c’estla Fabless Company. Il s’agit d’une ten-dance lourde qui touche les principalesentreprises (automobile, aéronautique,transport, équipements électroniques).Celles-ci, en effet, se recentrent sur lapartie qui dégage le maximum devaleur ajoutée : la conception et lemarketing, en déléguant la productionà des fournisseurs et sous-traitants. In-ternet permet cette évolution enaccroissant l’efficacité des relationsinter-entreprise (tant pour la conceptionque pour la fabrication, la logistique, ladistribution et le SAV).Il en découle deux avantages :- un gain en flexibilité, car il est plusfacile de stopper des commandes quede fermer une de ses propres usines(dans les faits, uneentreprise a droitde vie ou de mortsur ses fournis-seurs, mais n’a quasiment pas de pou-voir sur ses propres employés ; il suffitde se souvenir de Renault Vilvoorde), cequi permet de prendre plus de risquesen termes d’innovation, car, en casd’échec d’un produit, l’impact sur lesfinances de l’entreprise est beaucoupplus limité, grâce à sa capacité d’adap-tation rapide ;- une limitation des besoins en capi-taux, ce qui permet de concentrer ceux-ci sur le développement de nouveauxproduits ;

En juin 2003 Serge Tchuruk déclaraitaux Echos que le pourcentage de colsbleus chez Alcatel était tombé à 10 %des effectifs. Fin 2003, Alcatel comptait16 sites industriels contre 33 en 2001.Fin 2003, 3Com ferme son usine deDublin pour externaliser sa production(1 000 emplois) et STMicroelectronicsprévoit de fermer son usine de Rennespour délocaliser ses fabrications enAsie. Medion, 3 G€ de chiffre d’affaires,100 M€ de bénéfice en 2003, cham-pion allemand des ordinateurs dis-count, développe les concepts de pro-duit, teste leur acceptation par lesclients, conçoit design et packagingmais sous-traite la fabrication, la logis-tique et le SAV. « L’ordre de fabricationn’est donné qu’une fois signé le contratavec le client » (Le Nouvel Economiste,Novembre 2003).Contrairement à ce que l’on pourraitcraindre, cela ne se traduit pas obliga-toirement par une incertitude plus gran-de pour les sous-traitants : en effet, cetteorganisation permet de dissocier lesfluctuations du plan de charge dues à laconjoncture et celles dues à la réussited’un nouveau produit.Aujourd’hui, s’agissant de la productiond’une entreprise, les fluctuations sontdues, de façon cumulée, à la conjonc-ture générale et à la réussite du nou-veau modèle développé.Dans le cas d’une fabless company, lessous-traitants travaillent pour toutes lesentreprises d’un même secteur (tous leséquipementiers téléphoniques, maisaussi les fabricants de micro-ordina-teurs, de consoles de jeu, imprimantes,décodeurs numériques, de routeurs

Internet et biend’autres encore).Ces sous-traitants(comme par exem-

ple Solectron (US), Flextronic(Singapour), Celestica (Canada) sontmaintenant souvent de gigantesquesentreprises multinationales (en 2000Solectron comptait 120 000 salariés).Cependant cette évolution a un effetpernicieux : c’est la stratégie du lom-bric, qui favorise une migration desemplois vers l’Est et vers les pays à « bassalaires ».Quand une entreprise décide d’ « out-sourcer » ses productions elle cède ausous-traitant ses usines avec le personnel

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Si l’Internet devient le système ner-veux de l’économie, la logistiquedevient son système sanguin

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concerné (Belfort, Longuenesse, Laval,Pont-de-Buis, Douarnenez, Déville-lès-Rouen…) :- en haut de cycle, (période d’exten-sion), le sous-traitant fait tourner sesusines européennes, mais localiseses nouvelles usines dans les pays àhaute technicité et bas salaires (Inde,Chine…) ;- et, en bas de cycle (période decontraction), elle ferme ses usines dansles pays qui pratiquent de hautssalaires sans grand avantage compen-satoire de technicité (Solectron a, parexemple, supprimé 52 000 postesentre 2001 et 2003 et fermé troisusines sur quatre en France) ; en 2005,Celesticas qui avait acquis le site deSaumur en 2001, a ainsi décidéde réduire l’emploi dans cette usine(-188 postes) et de fermer l’unité deGuérande (-128 emplois).Au bout d’un cycle complet « d’exten-sion – contraction » on constate quetelle le lombric, l’entreprise s’est dépla-cée vers l’Est.

Une organisation autourd’un projet

Comme nous l’avons vu, l’Internetconduit à des évolutions très fortes dansl’organisation des entreprises tant auniveau individuel que collectif, car ilpermet de réaliser des objectifs visésdepuis longtemps mais qui n’étaientpas réalisables jusque là : meilleureécoute du client, travail sans stocks enflux tendu, hiérarchies plates permet-tant une grande réactivité, flexibilitédans l’organisation et l’outil de produc-tion, accélération du renouvellementdes produits, entreprise en réseau ouchacun se recentre sur son cœur demétier…Ces mutations profondes entraînentun renouvellement accéléré du tissuéconomique : la durée de vie moyen-ne d’une entreprise en tant que per-sonnalité morale était déjà tombéeaux Etats-Unis de 13 ans, au début desannées 1990, à 4 ans en 1999, parsuite de fusions, rachats, démantèle-ment, fermetures… Sans doute a-t-elleencore baissé depuis (celle des PDGest passée sur cette période de 6 ans à16 mois).

Tout ceci conduit l’ensemble de l’éco-nomie à une organisation bien connuedans le monde du BTP : une organisa-tion en projet, qui devient la structureforte de l’économie (4) au détriment del’entreprise avec sa hiérarchie.C’est autour d’un avion ou d’une voitu-re, d’un char ou d’un navire, commec’est le cas aujourd’hui pour laconstruction d’un aéroport dans unpays lointain, que s’organisent tempo-rairement des centaines, voire des mil-liers, d’entreprises pour la conception,la réalisation et le service après-vente.Les entreprises en question, qui coopè-rent sur un projet, peuvent être enconcurrence sur un autre. Un nouveauvocable a d’ailleurs émergé pour décri-re cette situation : la « coopétition ». Les règles de sécurité et de confidentia-lité sont alors définies et organiséesautour du projet et non plus de l’entre-prise (règles d’identification et de ges-tion des droits d’accès à travers tout leréseau d’entreprise (single sign on, fire-wall…).Culturellement, on peut dire que lanouvelle organisation de l’économie sebâtit plus sur une culture nomade (ons’allie pour une expédition) que sur uneculture sédentaire (on s’organise pourdéfendre et accroître son territoire) ; lespays anglo-saxons, mais aussi certainsasiatiques, y sont assez à l’aise.Daimler Chrysler se présente comme afully Networked Company across it’sentire value chain : 100 % des dealerssont aujourd’hui connectés, 100 % dessous-traitants de premier niveau (tier1)et de second niveau (tier2), 61 % desemployés disposent d’un accès Internet.Dans la prochaine étape « fast car » il yaura transparence totale de toutes lesentreprises concourant à la conception.Boeing, pour sa part, affiche commecredo « through design, build and sup-port. Instant access to info by anyone inthe global enterprise, anywhere in theworld at anytime », notons qu’il a parexemple une équipe de 1 000 designersà Moscou qui travaillent en totale sym-biose avec leurs homologues de Seattlesur les mêmes projets.Tower Automotive déclare, quant à lui :« avec le « single sign on » on ne per-çoit plus les frontières entre entre-prises » à l’unisson de Caterpillar « openbook with more and more suppliers »

ou de Lear : « everything done throughthe screen (auction desk, collaborativeengineering), firewalls are no more builtaround companies but around pro-jects ».Citons encore Boeing : « Companies nolonger compete with other companiesbut Supply Chain to Supply Chain ». Lefutur 7E7 (dreamliner) de Boeing devraitainsi être assemblé en à peine 3 jourspar 800 à 1 200 personnes en direct, àcomparer aux 12 à 25 jours actuels quimobilisent 5 à 10 000 personnes.

Le programme « e-pme »et l’industrie aéronautiqueet spatialePour faire face à ce défi, le programme e-pme a été lancé en avril 2003, sous l’im-pulsion conjointe des donneurs d’ordresaéronautiques (Dassault, Thalès, Snecma,Airbus…), des régions (collectivitéslocales, Drire, CCI, chambres syndicales,réseau R@cine…), qui veulent accompa-gner leurs PME dans cette difficile muta-tion vitale pour elles, et sur l’initiative del’AFNET (Association française des utili-sateurs du Net) animée par Pierre Faure,Directeur e-business de Dassault-avia-tion) qui a servi de catalyseur et d’anima-teur national au lancement de cette opé-ration.Cette opération a repris et amplifiél’opération ADER, lancée en 2000 enMidi-Pyrénées, financée par l’Etat etla région, avec la DRIRE (StéphaneMolinier) comme cheville ouvrière etavec le concours de l’Adepa et del’UIMM. Ader a concerné 338 entre-prises dont 136 ont bénéficié d’un dia-gnostic et 298 ont obtenu un concoursfinancier (5,8M€). Ces entreprises ontpu échanger leur expérience au seind’ateliers ; cette opération a généré 6regroupements. Un important référen-tiel pour l’ingénierie collaborative a enoutre été élaboré.L’UIMM, de son côté (Dominique deCalan), mobilise son potentiel de for-mation pour accompagner l’opérationnotamment avec ses IFTI (Ilots de for-mations technologiques individuali-

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(4) C’est l’une des considérations qui a conduit auxrecommandations aboutissant à l’agence de l’inno-vation industrielle, créée en août 2005, elle aussifondée sur des projets.

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sées) et ses moyens en termes de e-lear-ning.« Sup@irworld », le système électro-nique d’Airbus, couvrant l’ensemble duprocessus d’achat et d’approvisionne-ment en temps réel, sera bientôt lecanal unique pour travailler avec lesfournisseurs, et ceci concernera tant les800 à 1 000 fournisseurs de produits« avionables » (75 % des achats, plate-forme sourcing) que les 9 000 fournis-seurs de matériels ou services « nonavionables » (25 %, plate-forme buysi-de). Pour la plate-forme sourcing, ils’agit de mettre en place un environne-ment collaboratif permettant d’optimi-ser les méthodes de travail : en particu-lier, l’affichage des prévisions à 18 moisdoit permettre de mieux lisser les plansde charge et l’outil doit permettre deprendre en compte, le plus en amontpossible, toutes les difficultés qui peu-vent apparaître dans l’exécution d’unecommande, expédition, tracking durantle transport, réception (les enchèresinversées existent mais ce n’est pas leprocessus majeur). Les objectifs sont :efficacité, flexibilité, rapidité, réductiondes coûts administratifs et des risquesd’erreur (gestion par exception : seulesles anomalies sont traitées manuelle-ment), traçabilité, réduction des stocks,réduction des coûts globaux, standardi-sation des processus (ce seront lesmêmes à Toulouse et Hambourg) ;100 % des appels d’offre se feront sur laplate-forme sourcing (produits avio-nables) ; l’investissement est nul pourles fournisseurs, Airbus met à leur dis-position gratuitement les logicielsnécessaires et assure leur formation enquatre langues.Fin 2003, 60 fournisseurs travaillaientselon ce process, l’objectif 2006 est de800.Pour les produits « non avionables » laplate-forme « buy side » regroupera lescatalogues au niveau du groupe EADSpour accroître la puissance d’achat etassurer une rationalisation au niveau dugroupe : centralisation des achats, dé-centralisation des approvisionnementsavec des délais drastiquement réduits(jusqu’à moins de 24 heures entre com-mande et livraison). Il s’agit d’« achetermieux, moins cher en maîtrisant le bud-get du programme ». La plate-forme estopérationnelle depuis fin 2003 : 1 000

fournisseurs enregistrés, 100 acheteurset 500 utilisateurs hors achat. Ellecompte aujourd’hui 14 catalogues(objectif 500) avec 11 500 articles et1 000 utilisateurs formés (objectif :5 000). Chez Dassault, le F7X est le premieravion en France à avoir été entièrementconçu sur une plate-forme virtuelle, enfaisant travailler ensemble plusieursdizaines d’entreprises simultanémentsur la même maquette numérique. Lesrésultats ont été au rendez-vous lors desa sortie en 2005 : division par 2 destemps de conception, division par 10des anomalies de conception, suppres-sion des opérations d’ajustage, sup-pression de la maquette physique et« bon avion » du premier coup, alorsque les générations précédentes néces-sitaient des corrections jusqu’au cen-tième appareil.

Les objectifs aux niveauxnational, régional et européenL’objectif au niveau national est ;- de mutualiser l’élaboration des mo-dules de formation pour les consultantset les chefs d’entreprises, ainsi que desmodules de diagnostic ;- de mettre à disposition des PME despacks sécurisés pour se connecter àInternet ;- de favoriser les échanges de bonnespratiques ;- et, surtout, d’élaborer un corps destandards tant pour les données tech-niques que pour celles liées aux pro-cessus d’acquisition et de mise à dispo-sition (supply chain) ; les standardse-business sont d’une nature particuliè-re, « mi-technologies de l’informa-tion », « mi-management de l’entrepri-se » et, contrairement aux précédentsqui étaient très techniques, ceux-ci sontégalement fonctionnels.Aujourd’hui, la non-standardisationcoûte cher aux PME qui se dotent deplusieurs systèmes informatiques diffé-rents, ce qui pèse in fine sur le coût etdonc la compétitivité des donneursd’ordre et, si ces PME se limitent à unseul donneur d’ordre, elles sontconfrontées à une rigidité dans l’écono-mie du secteur, et cette entrave à la

concurrence ne facilite pas la « fertilisa-tion croisée ».Les entreprises qui respecteront cesstandards deviendront « plug andplay », c’est-à-dire capables de tra-vailler immédiatement avec un nou-veau partenaire en interconnectant leursystème informatique sans délai et sanssurcoût.Au niveau régional, l’objectif, en asso-ciant tous les partenaires régionaux, estd’aider les PME à prendre à tempsconscience des évolutions en cours etde les aider (grâce à des pré-diagnos-tics, des actions collectives ou de l’ac-compagnement dans leurs évolutionstechnologiques comme le référence-ment sur une place de marché straté-gique ou commerciale…) à faire de cedéfi une opportunité de croissance etnon un risque d’exclusion du marché.« Je souhaite néanmoins adresser unmessage aux grands donneurs d’ordres :accompagnez-nous, et ne vous conten-tez pas de venir nous installer un PC unmatin en nous disant « maintenant, ontravaille comme ça ! ». « On peut égale-ment souhaiter que l’anticipation soitplus grande, précisément afin d’amélio-rer la préparation du changement et afinde travailler de façon efficace en enga-geant la collaboration très en amont » :Aline Doyen, Somepic Technologie(Picardie), avril 2003.« En l’absence d’une demande de clienten amont, le coût de participation à uneplace de marché est très élevé. La miseen place de notre catalogue électro-nique sur la place de marché à lademande de Snecma ne nous a riencoûté » : Pascal Orlando, Directeurgénéral, ALDA Bureau, avril 2003.Le programme analyse également lesbesoins en débit de connexion pour lesPME concernées pour permettre auxrégions, avec leurs nouvelles capacitésd’intervention, de prendre en compteces besoins afin de ne pas contraindreles entreprises à se regrouper dans lesgrandes agglomérations pour pouvoircontinuer à « être dans le coup ».« Les PME ont trois stratégies possibles :attendre que tout soit en place, se pré-parer ou anticiper pour en tirer un avan-tage compétitif » : Jean-Patrick Carrié,membre de l’équipe programme e-pme.Bien entendu, et c’est l’objectif du pro-gramme Boost-industry, lancé en 2005,

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cette opération a vocation à s’éten-dre vers d’autres secteurs industrielscomme la défense, la construction nava-le ou ferroviaire, l’automobile, le matérield’équipement… Notamment parce quece sont bien souvent en bout de chaîneles mêmes entreprises qui travaillent pources différents secteurs, et il convientd’homogénéiser les processus d’acquisi-tion de façon intersectorielle : l’hétérogé-néité des processus de conception (in-génierie collaborative) comme desprocessus d’acquisition se traduisent, soitpar des surcoûts pour les PME, qui d’unefaçon ou d’une autre pèsent sur la com-pétitivité de notre industrie, soit par uncloisonnement de la concurrence, parceque la PME n’aura pas eu les moyens des’équiper pour travailler avec plusieursdonneurs d’ordre ; cette rigidificationaura un impact sur les prix, sur un emploioptimal des capacités et sur la féconda-tion intersectorielle en matière d’innova-tion.Mais cette opération a aussi vocation às’étendre vers les autres pays euro-péens, car la plupart des secteurs ci-dessus sont dominés par des entreprisesinternationales (EADS, Thalès…) quifont appel à des sous-traitants euro-péens. C’est à la fois un risque et uneopportunité pour nos PME. De premierscontacts sont déjà pris avec les organi-sations homologues britanniques, euro-péennes et wallonnes et d’autres sonten cours. Elles ont pour la plupart enga-gé des programmes analogues et laconjonction des efforts (en ce quiconcerne l’élaboration des standards etles échanges d’expérience sur les pro-grammes de soutien aux PME) devraitêtre particulièrement fructueuse.Citons, en particulier, le programmeeBAT, développé par l’UKCeB (UKCouncil for Electronic Business) enGrande-Bretagne, et sa méthodologied’auto-diagnostics. « Dépassant le cadre de l’entreprise,des liaisons innervent progressivementl’ensemble du tissu industriel en appli-cation du concept d’ « entreprise éten-due »… Internet apporte à ce systèmenerveux la capacité d’englober l’en-semble des PME, les associant ainsi àun progrès déterminant qui doit générerdes gains substantiels de productivité etde compétitivité… la pression de laconcurrence ne nous permet pas d’at-

tendre » : Henri Martre, Présidentd’Honneur du GIFAS, Président duComité de Pilotage d’e-PME, anciendirigeant de l’Aérospatiale et ancienDélégué général à l’Armement.

L’Internet au service de la compétitivité et de l’expansionInternet, outil de transactions, permetde réduire les coûts de télécommunica-tions (téléphone, fax, transmissions dedonnées) et d’informatique (en échap-pant aux logiciels « propriétaires »).Cisco, une des entreprises les plusengagées dans Internet (CA sur Internet7,9 milliards de dollars dès 1999)considère qu’elle économise chaqueannée 70 millions de dollars de télé-phone.Mais il permet également de gagner enflexibilité, coûts de gestion, de stocks,de logistique, en coûts d’approvision-nement, de SAV, de financement.Dell, qui vendait pour 50 millions dedollars par jour dès 2000, arrive ainsi afaire tourner son stock 61 fois par an !Ce fut un atout majeur dans sa compé-tition avec Compaq et HP : lesmémoires DRAM ont baissé de 80 % en2001 ; DELL, qui n’a que 5h de stocks,a gagné 1,7 mil-liard de dollarscette année-là enaccroissant ses parts de marché là oùses concurrents voyaient plonger leursrésultats. Dès mi-2002, il reprenait latête du classement malgré la fusion deHP et Compaq.Heineken a fait passer son délai delivraison aux Etats-unis de 12 à 6semaines, grâce à son extranet Hops(Heineken Operational Planning System)qui le relie avec ses 400 distributeurs.Inditex-Zara, groupe textile espagnol,qui pèse autant que les 3 plus grosgroupes français cumulés, doit large-ment son succès à son extrême réacti-vité par rapport à la mode et auxbesoins du client : c’est Internet qui luiapporte le « système nerveux » néces-saire. Nos amis britanniques, avec le sens dela formule, ont choisi comme slogan deleur programme de développement due-business : « faster, better, cheaper ».

Iseo (Saint-Rambert d’Albon), 30 per-sonnes, spécialisée dans l’aménage-ment personnalisé d’autocars, a rem-placé l’envoi des traditionnels planspapiers à ses sous-traitants par desfichiers CAO avec un module de visua-lisation tridimensionnelle via le courrierélectronique : « Il nous fallait un délaid’une semaine minimum pour présen-ter une série d’avant-projets à un client.Deux jours suffisent aujourd’hui grâce àcet outil »…« Le destinataire n’a mêmepas besoin de disposer d’une licence dece logiciel de CAO pour visualiser lapièce ». Les fichiers envoyés sont desexécutables et peuvent donc êtreouverts sur n’importe quel PC. Il estégalement possible d’importer cesfichiers dans un logiciel de marque dif-férente, grâce aux standards d’échangescomme IGES, DXF ou SET. Ceséchanges de représentations tridimen-sionnelles facilitent le dialogue et accé-lèrent les nombreux allers et retoursentre l’entreprise, ses sous-traitants, lesmoulistes et le client final, qui peuventainsi plus rapidement (et avec moinsde risques d’erreur) converger versla définition du produit à réaliser :« L’échange rapide du modèle 3Ddynamique avec un sous-traitant élimi-ne toute erreur d’interprétation lors-qu’il doit fabriquer tout ou partie

d ’un en semb lecomplexe ». C’estaussi un avantage

pour la prospection : « Le client peuttrès facilement naviguer autour et dansson futur véhicule, et peut zoomer àtout moment pour visionner certainsdétails ».Iseo envisage aussi d’ouvrir un accèsréservé à ses sous-traitants, et ses clientsconstructeurs, pour disposer en ligned’une bibliothèque de fichiers CAO leurpermettant d’importer directement desdessins de pièces et de sous-ensemblesen 2D et 3D. Iseo compte égalementproposer à ses clients la possibilité desuivre, en temps réel, l’état d’avance-ment de l’aménagement de leur véhicu-le, en particulier grâce à des photosprises dans le hall de montage (5).L’ouverture sur le monde qu’offre leWorld Wide Web et ses outils de publi-

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Un fonctionnement en réseau impo-se un strict respect des standards

(5) Propos recueillis par Daniel Chabbert, avril2002 – Pôle Productique Rhône-Alpes.

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cation et de navigation permettentd’accéder à de nouveaux clients, denouveaux marchés, à de nouveaux par-tenaires, de nouveaux collaborateursou à de nouveaux fournisseurs.Actiforge (Laguiole) a réussi, grâce àInternet, à accéder au marché améri-cain qui représente maintenant la majo-rité des clients de l’entreprise.

Internet et la créationd’entreprises

Pour les nouveaux créneaux de marchéqu’il offre, le développement de nou-veaux outils qu’il suscite, Internet estégalement un gigantesque réservoir decréation de nouvelles entreprises. Certaines entreprises prisonnières deleurs structures ne sauront pas s’adapteret disparaîtront, d’autres ne prendrontconscience de ce défi que trop tard : ilfaut que de nouvelles entreprises s’ap-prêtent à prendre la relève.Il peut s’agir :- soit de petites entreprises de service,de conseil ou de formation ayant voca-tion à garder une taille modeste, quisont très nombreuses ;- soit d’entreprises qui atteignent rapi-dement une envergure mondiale et descapitalisations se chiffrant en milliardsde dollars.La plupart des gens sérieux prévoyaientdepuis longtemps un séisme boursier, etils ont fini par avoir raison en 2000-2002 ; notons toutefois que cette prévi-sion de catastrophe imminente étaitdéjà faite à la mi-96 et que, depuis cetteépoque, les capitalisations ont été par-

fois multipliées par plus de 100 avantd’être re-divisées par 20, puis de se ré-envoler depuis 2004, pour atteindre denouveaux sommets (80 milliards dedollars pour Google, par exemple).Il faut avoir les nerfs solides pour cetype d’investissement et certains tradersembauchent des psychanalystes pourleurs clients : l’actualité montre que cen’est pas toujours suffisant (13 morts àAtlanta, en juin 1999, à la suite de ladéprime d’un épargnant déçu).Au premier semestre 1999, un finan-cier aussi avisé que George Soros aperdu 700 millions de dollars enpariant sur la baisse des cours depuislongtemps imminente des valeursInternet…qui ne s’est produite qu’unan plus tard.Les Echos citent la prévision d’un maga-zine spécialisé dans les hautes techno-logies, le célèbre Red Herring, qui, enseptembre 1996, pariant sur l’ « éclate-ment prochain de la bulle spéculative »,illustrait son propos par le cas dumoteur de recherche Excite, indiquant :« la société est aujourd’hui valorisée à177 millions de dollars, mais son futurne semble pas aussi brillant que son pré-sent » ; en 1999, elle s’est vendue 8 mil-liards de dollars… pour finir par êtreentraînée dans la faillite de son repre-neur, [email protected] ne serait donc sans doute pas judi-cieux de s’en tenir pour cette réflexionà une définition trop restrictive de laPMI : le champ pertinent ici semble êtrela PME, avec une attention toute parti-culière pour celles qui sont directementou indirectement confrontées à laconcurrence internationale (services à

l’industrie, logistique, plates-formescommerciales, tourisme, industries cul-turelles, agroalimentaire…).De même, il convient de souli-gner, comme le rappelle ChristopheLambrecht, que les TPE (très petitesentreprises) sont particulièrement bienplacées pour saisir ces opportunités etbénéficient de mécanismes décision-nels particulièrement bien adaptés à laréactivité nécessaire dans ce domaine.Enfin, et surtout, comme nous l’avonsvu avec la nouvelle structure écono-mique qui se met en place, l’entrepriseétendue, capable de concevoir, defabriquer et de distribuer une voitureou un avion est constituée de milliersd’entreprises interdépendantes fonc-tionnant en réseau – ce qu’Internetrend justement possible – qui réunitdes multinationales et des entreprisesde toutes tailles jusqu’à des TPE. Laperformance de ce tissu économiquedépend autant de l’efficacité des rela-tions entre ces entreprises que de laperformance de chacune d’entre elles(6). Cela n’aurait donc pas de sens deles distinguer lors de cette analyse (cequi ne signifie pas, bien entendu, queles entreprises les plus petites ne justi-fient pas une action particulière despouvoirs publics pour les accompagnerdans ces profondes mutations). Ilconvient néanmoins de distinguer dif-férentes catégories d’entreprises selonleur positionnement dans le champ del’information. ●

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(6) Voir à ce sujet l’étude de l’Observatoire des stra-tégies industrielles sur le rachat des start-up tech-nologiques par des groupes, à échelle mondiale(2002).

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c o n c l u s i o n

L’investissement dans les TICest une condition nécessaire

pour répondre aux défis àvenir de la compétitivité et de

la croissance.

par Grégoire Postel-Vinay,Direction générale des Entreprises,

Responsable de la prospective

L es révolutions technologiques etindustrielles de grande ampleurdans le monde depuis deux siè-

cles sont issues de progrès techniqueset de R&D tant fondamentale qu’appli-quée. Depuis la fin de la seconde guer-re mondiale, les Etats-Unis en ont étésouvent leaders, avec plusieurs grandesvagues d’investissement, dans les-quelles le département de la défenseétait le plus gros opérateur (ce qui, àl’origine, tenait à des préoccupationsde sécurité de l’effort public ainsiconsenti) : nucléaire, d’abord militairepuis civil après la guerre ; suivi par uninvestissement massif dans l’espace etles enjeux de télécommunication, mili-taires (la « guerre des étoiles ») puiscivils, qui lui étaient liés ; technologiesde l’information, ouvrant la voie vers lasociété de la connaissance ; puis dou-blement des moyens du NIH sur lasanté (répondant en cela aux attentesd’une population dont l’espérance devie a doublé en un siècle) ; enfin,thème sécuritaire de la lutte contre leterrorisme, à partir de 2002, et réactionau choc pétrolier, en cours (1). Maisces priorités successives, si elles sont

relayées par les médias avec des inten-sités liées à la priorité du moment,continuent de développer leurs effetsselon leur dynamique propre : ainsi lesTIC, passées un peu au second planmédiatique après l’explosion de labulle Internet, continuent-elles d’êtrele moteur le plus puissant des évolu-tions sociétales à l’échelle mondiale,porteuses à la fois de progrès écono-miques majeurs, et de risques, si nousne savons pas saisir à temps leschances qu’offrent ces technologies,ou maîtriser les problèmes inhérents àleur usage. Les articles précédents ontbien montré plusieurs de ces aspects.Celui-ci esquisse une mise en perspec-tive, quant aux effets globaux. Esquisse,car il ne saurait être question, s’agis-sant d’un phénomène multiforme etexplosif, de prétendre le décrire com-plètement : tout au plus a-t-il paru utilede rappeler quelques ordres de gran-deur significatifs, et débats en cours.Sont ainsi abordés successivement laquestion de l’impact des TIC sur lacroissance et la productivité, les dyna-miques en cours du développement del’Internet, le problème de l’investisse-ment en R&D, et celui de l’investisse-ment des utilisateurs dans les usages.

Les TIC et la croissance :que sont devenus les gainsde productivité ? L’écartentre les Etats-Unis et l’Europe ; la situationfrançaise au sein de l’UE

En 1987, Robert Solow énonçait sonparadoxe selon lequel on ne voyaitjamais apparaître les gains de productivi-té liés à l’informatique. A compter de

1996, la rupture est cependant bienapparue : entre-temps, les effets réseauxs’étaient considérablement multipliés, etl’usage des TIC était passé de l’apanaged’un petit nombre de chercheurs et afi-cionados à une pratique quotidienned’une part de la population, bientôtmajoritaire. Depuis, ce résultat est empi-riquement conforté : imperturbablement,malgré l’éclatement de la bulle et lescrises de toutes sortes, les gains de pro-ductivité annuels aux Etats-Unis, de1,5 %, sont passés à plus de 2,5 % entendance décennale, et le phénomène,loin de se ralentir, a plutôt tendance às’accroître. Certains économistes n’y ontvu qu’un phénomène passager : le moinsqu’on puisse dire, c’est que, s’il est pas-sager, il dure depuis assez longtempspour avoir des effets structurels.Il en est résulté un gain de croissance,plus fort aux Etats-Unis qu’en Europe,car l’investissement dans les TIC avaitcommencé plus tôt, et était d’uneampleur plus grande. Ainsi : - entre 2000 et 2004, la croissance estrestée nettement plus faible en Francequ’aux Etats-Unis (1,3 % par an enmoyenne sur la période, contre 2,4 %aux Etats-Unis) ;- cet écart s’explique principalementpar une productivité par tête qui a crûmoins rapidement en France (+ 0,7 %par an) qu’aux Etats-Unis (+ 2,0 % paran) ;- cet écart de productivité paraît forte-ment corrélé avec le niveau d’investis-sements en TIC ;- mais la qualité de l’investissement, lesmodes de gestion liés à cet investisse-ment, et le degré de formation des utili-sateurs, comptent aussi parmi lesfacteurs clefs, dans des proportions plus

La France en voie de rattrapage ?L’urgence de l’investissement intelligent

(1) http://www.ensmp.fr/industrie/digitip/osi/seminai-re21_avril_2005_geopolitique_de_la_recherche.ppt

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considérables que ne le montrent desagrégats macroscopiques.

Un décalage en investissements TICavéréUne étude du centre d’analyse écono-mique du Premier ministre en 2004,sur les investissements en diffusion dematériels informatiques, logiciels etmatériels de communication, com-parés parmi plusieurs pays indus-trialisés, indique un décalage entre lesEtats-Unis et l’Europe sur 1996-2001 :cf. tableau I.L’OCDE permet de conforter cesobservations sur des bases plus larges,mais qui datent davantage (et doncn’intègrent pas les changements derythme observés sur la période ré-cente en France et en Europe) (cf. fi-gure 1).La corrélation entre la croissance dela productivité et la part des TIC dansle PIB est également mesurée, dansdivers pays (cf. tableau II).Dans le même temps, côté demande,les entreprises françaises ont moinsinvesti que les entreprises américainesdans les technologies de l’informationet de la communication et, corrélati-vement, côté demande, les secteursproducteurs de TIC y sont moins déve-loppés (avec cependant des excep-tions là où une politique constante aété menée pour compenser le retard :ainsi des semi-conducteurs, dont l’his-toire et les perspectives font l’objetd’un autre article de ce numéro. A for-tiori dans le cas où l’Europe a pris del’avance dès les années 80, commepour les portables). Ce constat établipour la France, vaut aussi pour la plu-part des grandes économies d’Europecontinentale ; il s’inverse, en revan-che, pour quelques pays d’Europe duNord (cf. figure 2).Cependant, des travaux rétrospec-tifs plus fins, sur la France, tendentà montrer que les TIC ne sont pasle seul facteur explicatif du dif-férentiel de productivité : ellesne seraient responsables que d’unécart de 0,1 à 0,3 points de croissan-ce pour un différentiel total de 0,6 à0,8 %/an (cf. tableau III).

Une priorité : investir dans la R&D industrielle et l’innovation

En tout état de cause, il reste de cequi précède que les TIC apparaissentcomme un élément majeur pour soute-nir la croissance. Pour cette raison, lespolitiques publiques s’attachent toutes,peu ou prou, à les promouvoir, à com-mencer par la R&D : - dans sa proposition pour la prépara-tion du 7e PCRDT, la Commissiondonne aux TIC 28 % des moyensfinanciers globaux qu’elle réclame (73Mds€ sur 10 ans) en en faisant de loin

le plus important des dix programmes.(on trouvera une évaluation quinquen-nale des travaux antérieurs du PCRDTen matière de TIC sur http://www.tele-com.gouv.fr/programmes/cons_ist04.htm) ;- si l’on compare les moyens dévolus à laR&D dans les principaux pays industria-lisés, on trouve le tableau IV.Qu’en est-il en France, dans la périoderécente ?Ce type de considération a conduit àce que, au sein de la priorité généralede relèvement de l’effort de R&D (eten particulier de R&D industrielle)figurant dans l’action gouvernementa-le en France et mis en œuvre à comp-

Investissements en TIC Dépenses d’investissement(% PIB) (% PIB)

USA 4,5 % 28 %

France, Allemagne 2,5 % 17 %

Pays Bas, RU 3 % 17 à 22 %

TABLEAU I

(1995-2005) Part des TIC dans Croissancele PIB de la productivité

Irlande 12,3 % 5,3 %

Etats-Unis 7,3 % 2,5 %

Suède 7,3 % 2,1 %

Royaume-Uni 7,1 % 1,8 %

Europe 5,9 % 1,4 %

Hollande 5,8 % 0,9 %

Allemagne 5,6 % 1,3 %

France 5,5 % 1,2 %

Italie 4,7 % 0,8 %

TABLEAU II Relation entre l’importance des TIC et la croissance de la productivité

(coefficient de corrélation : 0,9).

USA France

Croissance annuelle moyenne du PIB 4,2 % 2,7 %

Croissance annuelle moyenne de la productivité par tête 2,5 % 1,2 %

Contribution des TIC 1,3 à 1,5 pt 0,7 pt

dont secteurs producteurs de TIC 0,5 à 0,7 pt 0,4 pt

dont investissement en TIC 0,8 pt 0,3 pt

Source : DGTPE, Timmer, Ypma et van Ark (2003), mise à jour de 2005, Estevão (2004), Jorgensen, Ho, Stiroh (2002), van Ark (2001) sur la période 1996-1999.

TABLEAU IIIContribution des TIC à la croissance entre 1995 et 2000.

Comparaison franco-américaine.

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ter de 2005, des moyens significatifssoient dévolus aux TIC dans l’Agencenationale pour la recherche, dansl’Agence pour l’innovation industriel-le, dans les pôles de compétitivité(parmi les 15 principaux pôles à voca-tion mondiale que l’Etat a décidé desoutenir en juillet 2005, 5 sont despôles IT : deux en Ile-de-France, un enBretagne, un en Rhône-Alpes, un enPACA). Cet effort repose, rappelons-le,pour une part importante sur des ini-tiatives privées, qui traduisent éga-lement la volonté des industrielsd’accroître leurs investissements. Lesmarchés à venir sont énormes commel’indique le tableau V.

Des marchés mondiaux toujours en forte croissanceEn juillet 2005, sur un total de 934millions d’internautes dans le monde(14,6 % de la population globale),l’Asie en comptait 324 millions(8,9 % de la population connectée),l’Europe 269 millions (36,8 % de lapopulation), l’Amérique du Nord 223millions (taux de pénétration : 68,0 %),l’Amérique du Sud 68 millions(12,5 %), le Moyen Orient 22 millions(8,3 %), l’Océanie-Australie 16,5 mil-lions (taux de pénétration : 49,2 %),enfin l’Afrique 16,2 millions (taux depénétration : 1,8 %). Quant au classe-ment par pays et non plus par conti-nent, la France se trouvait alors au 9e

rang en nombre d’internautes (25,614millions soit un taux de pénétrationde 42,3 %) et le taux de progressionde ces derniers entre 2000 et 2005 estun des plus importants (+201,4 %),avec une très forte accélération, enparticulier sur le haut débit, depuis2003 : - avec près de 8 millions d’abonnés àInternet haut débit en juin 2005 (+61 %sur un an) la France possède le marchéle plus dynamique et le plus concurren-tiel d’Europe ;- un foyer sur deux possède un équipe-ment informatique ;- 45 millions de Français sont abonnésà la téléphonie mobile (dont les généra-tions en cours de développement sontliées aux usages d’Internet) ;

- le commerce électronique représenteun tiers de la vente à distance, soit désor-mais plus de 3 % des ventes au détail.Internet Retailer estime à 87,5 milliardsde dollars le montant des ventes réaliséespar les distributeurs en ligne en 2004, soit25 % de croissance annuelle.

En guise de conclusion :défis et espérancesUn marché dynamique, une offre soute-nue par de nouveaux efforts de R&D,des exemples de succès comme lessemi-conducteurs ou les mobiles, mais

85N o v e m b r e 2 0 0 5

Figure 1. - Plus on investit dans les TIC, plus ces dernières contribuent à la croissance.

Remarques : en abscisse : investissements TICS réalisés en 2001 en pourcentage du PIB ;en ordonnée : contributions annuelles à la croissance constatées sur la période 1995 à 2001.

Figure 2. - Contributions des investissements en TIC à la croissance du PIB, sur les périodes 1990-95 et 1995-2002, en points de PIB OCDE.

R&D en TIC EU15 Etats-Unis Japon

Investissements privés (en Mds €) 23 83 40

Investissements publics (en Mds €) 8 20 11

Nombre d’habitants (en millions) 383 296 127

Investissment R&D/habitant (en €) 80 350 400

Part R&D TIC/R&D Total 18 % 34 % 35 %

TABLEAU IVComparaison de la R&D en TIC en Europe, aux Etats-Unis et au Japon.

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aussi, côté utilisateurs, par les grandsdonneurs d’ordre de l’automobile ou del’aéronautique, des opérateurs globauxparmi lesquels les intérêts français, untemps secoués par des investissementscoûteux, se retrouvent en meilleuresanté financière, des compétences d’ex-cellence, des raisons majeures au nomde l’intérêt général (et d’emplois du-rables, compétitifs), comme d’intérêtsparticuliers, pour s’y intéresser : lesmétiers des TIC en France n’auraient-ilsque des jours heureux devant eux ?Clairement, plusieurs séries d’obstaclesdevront être surmontés pour qu’il enaille ainsi. Ils sont surmontables (carc’étaient peu ou prou les mêmes dansles domaines qui sont des succès), maisdoivent être pris au sérieux : - la croissance la plus rapide est désor-mais en Asie, avec des niveaux de com-pétence qui n’ont désormais souventplus rien à envier aux meilleurs stan-dards mondiaux : c’est donc à unecompétition ouverte, mondiale, que laplupart de ces métiers se trouventconfrontés ;- ces métiers demeurent des créateursnets d’emplois (indépendamment derestructurations qui défrayent la chro-nique, illustrant l’idée qu’un arbre quitombe fait toujours beaucoup plus debruit qu’une forêt qui pousse). Encorefaudra-t-il tenir compte de la diminutiondes flux d’entrée de compétences de trèshaut niveau, du seul fait de la démogra-phie. L’attraction des compétences àl’échelle mondiale prend de ce fait, àcompter de 2006, un degré de prioritéplus élevé (que traduisent des initiativescomme le groupement Paristech, lesaméliorations apportées à l’accueil d’étu-diants étrangers, les mesures pour lesimpatriés). Simultanément, le relatif désa-mour pour les carrières scientifiques ettechniques observé à la fin des années 90devrait prendre fin,dans la mesure oùelles sont à la foisvitales pour ledynamisme et laprospérité de notrepays, mais aussi,offrent de nouveau des carrières passion-nantes (cf. tableau VI) ;- le capital-risque, et les businessangels, aux niveaux tant français qu’eu-ropéen, peuvent et doivent encore se

développer et s’améliorer, au regard desstandards mondiaux ;- l’incapacité des institutions de l’Unionà faire évoluer le droit de la propriétéintellectuelle dans des domaines com-plexes comme le logiciel donne dé-sormais un pouvoir plus important àl’OEB. En user sagement sera crucialpour l’intensité de l’innovation en

Europe ;- un marché inté-rieur avide d’inno-vations importe. Ily a là un effetd’œuf et de poule :l’implantation sur

le territoire de compétences de pointepermet de tester et diffuser rapidementdes innovations qui vont améliorer l’ef-ficacité des utilisateurs, les rendre pluscompétitifs, et en même temps plus exi-

geants sur la pertinence des innovationsproduites. Or, la demande d’usagesnouveaux est fortement liée à la tailledes entreprises : il y a donc un effortstructurel, volontariste, à conduire au-près des PMI et PME pour qu’elles s’ap-proprient davantage ces outils. Unechance à saisir : leurs outils datent,pour bon nombre d’entre eux, de justeavant l’an 2000 : il est temps, souvent,de les moderniser. Les PMI, rappelons-le, représentent environ la moitié dutissu industriel, et les TIC induisent des« entreprises réseau » qui ne sauraientêtre efficaces si certains des maillons duréseau sont faibles ;- l’acceptabilité des TIC passe aussi parun cadre réglementaire adéquat, res-pectueux des libertés individuelles.Beaucoup a été fait dans ce sens aucours de la période récente. Mais le

86 A n n a l e s d e s M i n e s

Année Nombre d’internautes en millions Progression

2004 934 --

2005 1,070 + 14,6 %

2006 1,210 + 13,1 %

2007 1,350 + 11,6 %

Source : Computer Industry Almanac.Mis à jour le 13/09/2004

TABLEAU VMonde : évolution du nombre d'internautes

(Nombre d'internautes en 2004 et projections pour 2005, 2006 et 2007)Les prévisions d’augmentation du nombre d’internautes sont toujours à deux

chiffres pour les prochaines années.

Période 2000-2010 Créations nettes Besoins ded’emplois (estimation remplacement liés

2 % PIB) au départs en retraite

Industries légères -100 144

Domaines en croissance peu affectés par les départs en retraite

Informaticiens et chercheurs 200 119

Ingénieurs et cadres techniques industriels 50 41

Domaines de l’industrie en croissance faible

Electricité 72

Mécanique- 200

321

Industrie de process 252

Maintenance 168

Ensemble - 50 1 117

TABLEAU VISous l’hypothèse d’une croissance à 2 %, les différents secteurs de l’activité

industrielle connaissent des croissances contrastées (colonne de gauche,en milliers d’emplois), cette croissance nette masquant elle-même des situations

très diverses quant à la nécessité de renouveler les classes d’âge(colonne de droite, en milliers d’emplois).

Les TIC continuent d’êtrele moteur le plus puissantdes évolutions sociétalesà l’échelle mondiale

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tropisme naturel de faire des TIC unoutil de contrôle, porté trop loin,serait clairement contreproductif. Celan’empêche pas defaire de la sécuritéun thème majeurpour les TIC, dansle respect de cetimpératif ;- la structure éco-nomique du pays demeure moins inten-se en services que d’autres. Or,s’agissant des applications, les TIC sedéveloppent largement dans lesservices. De surcroît, elles y induisent,

indépendamment des évolutions lé-gales ou réglementaires, une concur-rence et une concentration accrues :

ceux qui se lesseront appropriéesde façon assezrapide et efficaceseront en positionforte pour affronterl’avenir, les autres

peuvent se trouver en situation margi-nalisée, ou à faible valeur ajoutée ;- l’investissement dans les TIC est unecondition nécessaire pour répondreaux défis à venir de la compétitivité.

Cette condition n’est en aucune façonsuffisante : un même outil informa-tique peut aussi bien créer des satura-tions et des pertes de temps, quepermettre de gagner en efficacité et enrapidité. La gestion des organisations,la prise en compte de la modificationdes chaînes de valeur, (avec uneimportance accrue à l’amont de lalogistique, face à des marchés plustransparents et mondiaux qu’autrefois,à l’aval des services et maintenance)doivent guider ceux qui entendentfaire face aux défis qui, de toutesfaçons, sont devant nous. ●

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Les entreprises françaises ontmoins investi que les entre-prises américaines dansles technologies de l’informa-tion et de la communication

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l ’ é n e r g i e e n d é b a t

Le monde de l’énergie connaîtde profondes transformations,

alors que les marchés européensont été libéralisés principale-

ment dans une vision de courtterme. Réflexion sur le bouqueténergétique et définition d’unearchitecture de marché perti-

nente : tels sont les deux enjeuxmajeurs qui doivent être traités

rapidement et sans tabou.

par Patrick Buffet,Délégué général de Suez

«D ans les années à venir,une meilleure visibilitésur le marché des permis

d’émission et les besoins de capacitépermettra de poser sur de bonnes baseséconomiques à l’échelle européenne lacompatibilité du marché et d’une poli-tique d’investissements pertinente »Rapport IGF-CGM sur les prix de l’élec-tricité, octobre 2004.L’Europe électrique et gazière a vécu aucours de la dernière décennie unetransformation majeure de sa structurede marché sous l’influence des direc-tives communautaires organisant salibéralisation progressive. Elle n’estnéanmoins qu’au début des défis qu’el-le devra surmonter pour parvenir à uneorganisation stabilisée. Dans les annéesà venir, le renchérissement du coût desénergies fossiles, dans un contexte dedépendance gazière accrue, l’entrée envigueur progressive des mécanismesissus du protocole de Kyoto et surtout lebesoin considérable d’investissementsauquel le secteur devra faire faceconstitueront des défis majeurs dontpersonne ne peut jurer avec certitude

qu’ils seront surmontés dans la nouvel-le organisation des marchés. Le présent article ne prétend certaine-ment pas apporter l’ensemble desréponses à ces questions déterminantespour le secteur et partant l’économieeuropéenne dans son ensemble. Il vise,plus modestement, à partir d’un rappeldes principaux enjeux, à préciser leschantiers qui devraient être rapidementouverts si l’on veut conforter la compa-tibilité entre la nouvelle organisationdes marchés électriques et gaziers et lafinalité de ce secteur, à savoir apporterà ses clients une énergie sûre à un coûtcompétitif, permettant à l’Europe degarantir sa sécurité.

Un cadre européen en pleine mutation

Une profonde mutation dans l’organisation des marchés…

Les faits sont bien connus. Sous l’impul-sion des différentes directives commu-nautaires, nous avons assisté au cours desdernières années à une mutation du sec-teur électrique et gazier. Partant d’uneorganisation centrée sur des acteursnationaux intégrés sur l’ensemble de lachaîne de valeur – production, transport,distribution, fourniture – la position de laCommission européenne a visé à suppri-mer tout monopole n’ayant pas le carac-tère d’un « monopole naturel » et à in-citer à plus de concurrence sur lessegments dits libéralisés. Ce processus esten partie lié au progrès technique ou àl’émergence de nouvelles technologies(les turbines à gaz dans le domaine de laproduction essentiellement) qui ont remisen cause l’existence systématique de ren-dements d’échelle aux différents stadesde la chaîne de valeur. Il part égalementdes critiques adressées aux anciensmonopoles accusés selon les cas d’ineffi-cience, de pratiquer des subventionscroisées injustifiées ou d’avoir capturé,au sens de la théorie économique deStigler, leur régulateur.

La nouvelle physionomie du secteurs’articule donc selon quelques figuresdominantes, même si les modalitésd’application demeurent par bien desaspects assez nationales :- une séparation qui, selon les cas, estcomptable, juridique ou patrimonialeentre des activités qui continuent derelever d’une logique de monopolenaturel – les réseaux essentiellement –et des activités soumises à la concur-rence se situant en pratique aux deuxextrémités de la chaîne de valeur, soitpour l’électricité la production et lafourniture de la commodité ;- l’émergence d’acteurs non plus stricte-ment nationaux mais pan-européensvisant, dans un cadre de marché libéra-lisé, à tirer le meilleur parti de leur por-tefeuille d’actifs pour développer leursavantages comparatifs par rapport àleurs concurrents. Ceci explique pourpartie la forte concentration du secteur àlaquelle on a pu assister au cours desannées 2000-2002. Même si le marchéeuropéen présente d’ores et déjà undegré élevé de concentration – pourdonner un ordre de grandeur, les cinqpremiers électriciens européens repré-sentent plus de 60 % de la capacité ins-tallée contre un peu moins de 25 %pour leurs homologues américains – jepense que cette tendance est appelée àse poursuivre. Les nouvelles acquisi-tions des électriciens allemands enEurope de l’Est, le règlement par EDF dudossier Edison en Italie comme lesrécents mouvements en Espagne plai-dent d’ailleurs en ce sens. Cette muta-tion n’est d’ailleurs pas sans conséquen-ce sur le dimensionnement des réseauxet notamment des interconnexions transfrontalières. Historiquement, les inter-connexions ont en effet été conçuesdans une optique de secours mutuelentre les pays, pour éviter les écroule-ments en cascade des réseaux et noncomme des axes d’échanges commer-ciaux dans un espace communautaireentièrement libéralisé ;- enfin, la structuration du marchéautour de bourses d’électricité, de mar-chés de gré à gré ou de marchés d’ajus-

Quelle Europe électrique et gazière ?

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90 A n n a l e s d e s M i n e s

tement, qui constituent aujourd’hui desréférences pivots dans la formation desprix au niveau européen avec, selon ledegré d’interconnexion des marchés,des liens plus ou moins nets entre lesprix constatés dans les différents pays etsurtout une influence des bouquetsénergétiques limitrophes sur la forma-tion des prix dans chaque pays.

… dans un secteur confrontédans les années à venir à des défis majeursCette mutation dans l’organisationdes marchés intervient à mon sens à unmoment critique pour le secteur éner-gétique dans son ensemble et, partant,pour l’industrie européenne. C’est à lafois une bonne et une mauvaise nou-velle. Une bonne, dans le sens où, si lesecteur démontre dans le cadre actuelsa capacité à sur-monter les défis àvenir, un pas im-portant aura étéfranchi dans la crédibilisation de sanouvelle organisation. Une mauvaise,dans la mesure où le risque que le sec-teur n’y parvienne pas, faute d’unearchitecture de marché adéquate, n’estpas nul, ce qui plaide pour ouvrir rapi-dement un certain nombre de chantiers,j’y reviendrai dans la seconde partie decet article. Mais d’abord, quelques élé-ments sur les défis. Ils sont à mon sensau nombre de trois :- d’abord, le renchérissement des com-bustibles fossiles qui induit partout enEurope une pression sur les prix.L’évolution récente des prix des com-bustibles classiques, soit de 20 à 60USD/baril pour le pétrole brut en moinsde 4 ans, le doublement du prixdu charbon à plus de 65 €/tonne,le prix du gaz naturel qui dépasse les23 €/MWh au point de cotation deZeebrugge, tous ces éléments concor-dent pour entraîner les prix de l’électri-cité à des niveaux structurellement plusélevés. Ceci conduit de plus en plus àune remise en cause des bénéfices de lalibéralisation des marchés par lesconsommateurs notamment industrielsqui ont presque naturellement associélibéralisation et baisse de prix. Cemalaise est aggravé par le fait quemême les pays dans lesquels les com-

bustibles fossiles ne pèsent que minori-tairement dans le parc de productionconnaissent des prix calqués sur lesmarchés dominés par les combustiblesfossiles (le cas de la convergence desprix français et allemands est à ce titreune bonne illustration) ;- ensuite, l’entrée en vigueur des dispo-sitifs environnementaux issus pour par-tie du protocole de Kyoto et dansl’Union européenne du système EU-ETS. L’envolée récente des prix des cer-tificats fait que la mise en place dans lesecteur électrique des restrictionsd’émission de CO2 depuis le 1er janvier2005 s’est accompagnée d’une fortehausse des prix de l’électricité. Denombreux observateurs estiment que lecoût du CO2 pèse largement sur les prixde l’électricité, alors même qu’unelarge majorité des quotas est attribuéegratuitement aux producteurs jusqu’à

2007. Il y a là éga-lement un facteurde malaise ; - enfin, et c’est pro-

bablement le point le plus structurantpour les années à venir, l’Europe passeprogressivement d’une situation de sur-capacité à une situation de sous-capa-cité. Les besoins tant en gaz qu’en élec-tricité ont régulièrement augmenté aucours des dernières années et cette ten-dance devrait se poursuivre. Selon lesestimations de la Commission euro-péenne, la consommation d’électricitéen 2030 sera supérieure de près demoitié à celle que l’on constate aujour-d’hui. S’agissant du gaz naturel, le mar-ché devrait pour sa part s’accroîtred’environ 40 % d’ici 2030. Pour faireface à la croissance attendue de laconsommation énergétique, et plus par-ticulièrement d’électricité et de gaznaturel, les infrastructures actuellesdevraient se révéler bientôt insuffi-santes. Aussi devient-il urgent d’antici-per les besoins en infrastructures néces-saires. Au-delà des simples délais deconstruction, c’est avant tout l’ampleurdes investissements à réaliser qui nousimpose également une réflexion sur lapolitique énergétique à conduire. Enélectricité, d’ici à 2030, l’AgenceInternationale de l’Energie (AIE) estimeà plus de 750 GW pour l’Europe des 25les besoins en nouvelles capacités deproduction nécessaires pour couvrir

l’augmentation prévue de la demandeet pour remplacer les centrales exis-tantes devenues entre-temps obsolètes.Ces investissements sont estimés à prèsde 650 B€. A ces besoins de nouvellescentrales, s’ajoutent d’importants inves-tissements dans le transport d’électricitéafin de résorber les congestions exis-tantes le long des connexions actuellesentre les différents réseaux européens.Ces « autoroutes électriques » sontindispensables pour éviter que ne sereproduisent des coupures comparablesà celle survenue en Italie en 2003, maissont également nécessaires à l’émer-gence d’un réel marché européen inté-gré de l’électricité, plus efficient que lajuxtaposition actuelle de marchésnationaux. Ici encore, les investisse-ments à réaliser sont colossaux et pour-raient, toujours selon l’Agence interna-tionale de l’énergie, se monter àenviron 100 B€ d’ici à 2030.Nous sommes donc aujourd’hui à l’au-be d’une phase majeure de relance desinvestissements électriques et gaziersdans un cadre de marché radicalementdifférent de celui qui avait conduit à lasécurité d’approvisionnement sur la-quelle nous vivons actuellement. Cecadre étant présenté, le problème étantposé, je souhaiterais à présent aborderles deux principaux paramètres quiconditionnent largement la résolutionde l’équation. Ce sont les deux défis desannées à venir : la question du bouqueténergétique, et la question d’une archi-tecture de marché permettant que lesinvestissements puissent se réaliser entemps utile.

Deux défis majeurs pour l’Europe de l’énergie

1er défi : la question du bouqueténergétique

Qui dit investissement dit, de fait,choix de technologie pour la produc-tion d’électricité avec, dans ce domai-ne, un triple faisceau de contraintes :- l’indépendance énergétique : ladépendance énergétique européennes’accroît depuis le milieu des années1990. L’épuisement des ressourcespropres, qu’elles soient pétrolières,

Le cadre européen connaîtune profonde mutation dansl’organisation des marchés

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gazières ou houillères, conjugué à lacroissance des besoins en énergie fossi-le, devrait accentuer encore davantagecette tendance. La dépendance énergé-tique globale de l’Europe pourrait ainsiatteindre près de 70 % d’ici à 2030.Ceci nous rend de plus en plus vulné-rables aux chocs extérieurs, d’autantplus que l’Europe se fournit auprès d’unnombre limité de pays. L’exemple dela Russie est parlant. Les importationsde gaz Russe représentent déjà 23 % dela consommation européenne de gaznaturel et continuent leur progressionrégulière ;- la compétitivité-prix : on le voitaujourd’hui en France dans les revendi-cations de prix des industriels. Il y a fortà parier que ce débat va se généraliseren Europe. La présidence britanniqueenvisage en effet de mettre en place auniveau communautaire un groupe detravail visant à étudier les moyens d’as-surer un niveau compétitif mais égale-ment moins volatile des prix sur laplaque européenne ;- la contribution aux objectifs de Kyoto.Quelques chiffres pour situer les en-jeux : pour une consommation annuellemondiale de combustibles fossiles del’ordre de 7,5 Gtep, on estime les émis-sions de carbone dans l’atmosphère àenviron 6,5 milliards de tonnes de car-bone. Or, il semble que les « puits natu-rels » de carbone que sont le sol, lesarbres et les océans ne soient capablesde résorber que 3 milliards de tonnespar an, soit unpeu moins de lamoitié des émis-sions anthropiques,avec pour corollaire une augmentationnette de la concentration de CO2 dansl’atmosphère conduisant à son réchauf-fement. Selon le dernier rapport duGroupe d’experts inter-gouvernementalsur l’évolution du climat, la températu-re devrait augmenter de 1,5 °C à 5,8 °Cd’ici à 2100 si les scénarios tendancielsne sont pas inversés. Le défi est donc deréduire les émissions carboniques, et ceindépendamment de la ratification ounon du processus de Kyoto puisqu’il yaura en tout état de cause de nouvellesnégociations sur un après-Kyoto (1).Dans cette perspective, le secteur de laproduction d’électricité a un rôle impor-tant à jouer puisqu’il est responsable au

niveau mondial de 39 % des émissionsde CO2.Comment se positionnent dans cetteperspective les différentes solutions entermes de bouquet énergétique ?D’abord, il faut à mon sens bien garderen tête que les énergies renouvelablesne constituent pas une véritable alterna-tive. L’hydroélectricité bute sur unmanque de sites disponibles pour denouveaux développements : 70 à 80 %environ du potentiel européen est déjàexploité et les nouveaux développe-ments anticipés sont désormais despetites installations, qui pourront jouerun rôle local précieux, mais ne chan-geront pas le profil énergétique euro-péen de manière majeure. Les progres-sions de capacité anticipées par laCommission européenne et l’Agenceinternationale de énergie ne dépassentpas 10 à 15 GW. L’éolien rencontrepour sa part d’autres facteurs limitatifs :il reste significativement plus onéreuxque les autres sources d’électricité, et nepeut se développer sans incitationsfinancières conséquentes, compte tenunotamment des capacités de secours àmettre en place pour prendre le relais enl’absence de vent ; il est par ailleurs éga-lement tributaire de l’acceptation loca-le ; enfin il bute sur des limites phy-siques dues aux spécificités climatiquesrequises pour l’implantation d’éoliennesavec des sites en quantité limitée.Je pense pour ma part qu’il y a en Europeun vrai avenir pour la filière nu-

cléaire qui appor-te une réponse in-téressante aux troiscontraintes que j’ai

mentionnées. C’est tout le sens et l’op-portunité de la relance du nucléaire à tra-vers l’EPR en France. La contribution dunucléaire à l’indépendance énergétiqueest en effet indiscutable. D’un point devue économique, les études publiquesdisponibles montrent que le coût duMWh d’origine nucléaire est compétitif,notamment pour une production enbase. Par ailleurs, la composante com-bustible du MWh d’origine nucléaire esttrès faible. Une forte augmentation duprix du combustible n’a donc qu’unimpact limité sur le prix de l’électricitéproduite, à la différence de l’énergie pro-duite par les combustibles fossiles. Ceciest d’autant plus précieux dans un

contexte marqué par une forte progres-sion récente du prix des hydrocarbures.L’autre avantage majeur du nucléaire està rechercher du coté des émissions degaz à effet de serre : la production d’élec-tricité nucléaire n’en génère pas, ce quifavorise le respect du protocole de Kyoto.Cet avantage environnemental se concré-tisera en un avantage sur les coûts de pro-duction, dès lors que les émissions deCO2 des centrales conventionnelles severront pénalisées. Cela étant, tant pour des raisons tenantaux délais de construction qu’à despositions encore divergentes des Etats-membres sur l’opportunité d’une relan-ce du nucléaire, de nouvelles centralesfonctionnant à partir de combustiblesfossiles, et particulièrement au gaz,seront nécessaires en Europe. Ainsi,selon les estimations de l’Agence inter-nationale de l’énergie, la part des cen-trales au gaz dans le bouquet électriquede l’Union européenne devrait passerde 17 % en 2000 à près de 30 % en2010. Ceci ne devrait d’ailleurs pas res-ter sans conséquence sur la physiono-mie des secteurs gaziers et électriquesqui devraient en toute rigueur connaîtreune imbrication de plus en plus étroitedu fait de la « convergence » entre lesdeux énergies. La convergence gaz-électricité trouveen effet sa source dans ce caractère deplus en plus lié de ces deux énergies.Globalement, la part d’électricité pro-duite à partir de gaz en Europe del’Ouest oscille aujourd’hui autour de20 %. Réciproquement, si l’on considè-re l’ensemble des ventes de gaz enEurope, on constate que plus de 20 %est destiné à être consommé dans lescentrales électriques. Au-delà, l’analyse des chaînes devaleur du gaz et de l’électricité permetde mettre en évidence un certain gise-ment de synergies qui paraissent ap-peler au niveau opérationnel une im-brication croissante des activités desentreprises gazières et électriques. En effet, une gestion intégrée du gaz etde l’électricité permet d’étendre lesopportunités d’arbitrage-prix entre le

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(1) C’est une nécessité dans la mesure où i) Kyotos’arrête à 2012 ; ii) il ne vise que les pays dévelop-pés (et les Etats-Unis ne l’ont pas ratifié) alorsmême que, selon les estimations de l’AIE, les émis-sions de la Chine et l’Inde dépasseront dès 2015celles des Etats-Unis.

Cette mutation dans l’organisationdes marchés intervient à un momentcritique pour le secteur énergétique

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gaz et l’électricité. Ces opportunitéssont d’autant plus importantes que lesacteurs disposent de flexibilité tant dansleur approvisionnement en gaz (via desclauses contractuelles suffisammentsouples, des capacités de stockage adé-quates notamment) que dans leursventes (interruptibilité des clients). A cetégard, parmi les sources de gaz pos-sibles, le Gaz naturel liquéfié (GNL)constitue une source de flexibilité sup-plémentaire de par la possibilité qu’iloffre de modifier le site de livraison dugaz et, partant, de développer le champdes arbitrages possibles. Au-delà, en aval de la chaîne de valeur,c’est-à-dire au niveau des ventes auxclients tant industriels que particuliers,deux bénéfices sont particulièrementnotables. D’une part, les économiesd’échelle qui peuvent être réalisées auniveau des forces de ventes, des ser-vices clientèles, des équipes de factura-tion. La convergence gaz-électricité estde ce point de vue un élément impor-tant de réduction du coût du service(cost to serve) qui constitue un facteurde compétitivité déterminant dans unmarché de l’énergie libéralisé. D’autrepart, et c’est également un facteurimportant de compétitivité, un effet defidélisation de la clientèle par la capa-cité à proposer des offres multi-énergiesdont on se rend compte qu’elles peu-vent constituer un élément important deconquête et d’appréciation des clients.Les bénéfices attendus de cette conver-gence entre le gaz et l’électricitéconduisent à modifier très significative-ment la dynamique des acteurs. Onassiste ainsi progressivement à uneabolition de la segmentation tradition-nelle entre gaziers et électriciens et àl’émergence d’un modèle européend’acteur multi-énergies. Ce sont parexemple les plans de développementambitieux dans l’électricité mis enœuvre par des acteurs historiquementpurement gaziers comme Gaz deFrance ou, en Espagne, Gas Natural.Réciproquement, les principaux élec-triciens européens se dotent d’unecomposante gazière soit par partenariatavec des gaziers (exemple de UnionFenosa en Espagne avec ENI), soit plussouvent par acquisition : la meilleureillustration à ce jour étant le rachat parE.On du grand gazier Ruhrgas mais

cette dynamique est également àl’œuvre dans l’opération de rachatd’Edison par EDF.

2e défi : la question d’une architecture de marché permettant que les investissementspuissent se réaliser en temps utileIl faut garder à l’esprit que laCommission européenne s’est principa-lement préoccupée jusqu’à ce jour desmoyens de développer la concurrencesur les marchés libéralisés dans un hori-zon de court terme. Dans cette pers-pective, le degré de concentration dusecteur dont on a vu qu’il était d’ores etdéjà élevé en Europe a constitué unpoint d’attention particulier et sansdoute excessif. Or, la physionomie du secteur et larecomposition éventuelle du paysagedes acteurs seront une question impor-tante dans les années à venir dans leprolongement des grands mouvementsde concentration constatés dans lesannées 2000-2002. La période 2003-2004 a certes marquéune pause imposée par ailleurs par lenécessaire assainissement des bilans.Qu’en sera-t-il pour les années à venirmaintenant que les principaux acteursont reconstitué leurs marges de ma-nœuvre ? Comme je l’indiquais précé-demment, je crois que la convergencegaz/électricité va pousser à de nou-veaux rapprochements ou à tout lemoins de nouvelles coopérations entreles grands acteurs. La récente annoncepar le gazier espagnol Gas Naturald’une offre sur l’électricien Endesasemble d’ailleurs l’attester.Faut-il dès lors s’inquiéter d’une nou-velle vague de concentration du sec-teur et notamment y voir les prémicesde concrétisation du risque souventavancé d’un oligopole européen quiaboutirait au paradoxe d’une reconsti-tution des rentes que la libéralisationétait supposée faire disparaître ?Parfois renaît même l’idée que la solu-tion permettant une concurrence opti-male au profit des consommateurs rési-derait dans la désintégration des acteurset, à la limite, dans un paysage énergé-tique européen morcelé à l’extrême.Outre les problèmes qu’une telle ap-proche me semble poser dans un sec-

teur à forte intensité capitalistiqueintrinsèque et mettant en évidence deseffets d’échelle sensible à partir d’unecertaine taille du parc, elle invite sur-tout à une réflexion renouvelée sur lanotion de « marchés pertinents ».Pour être considéré comme pertinent,tout marché doit englober l’ensembledes acteurs ayant un accès, à la foisphysique et économique, au marché enquestion. Or, il apparaît de plus en plusdifficile de cerner correctement enEurope les zones d’action des différentsagents du marché électrique. Le déve-loppement continu des échanges trans-frontaliers et le caractère internationaldes acteurs tendent à rendre obsolèteune analyse en termes de marchésnationaux. Or, alors que l’objectif finalreste la création d’un marché communde l’électricité, les dernières décisionsde la Commission européenne concer-nant les fusions-acquisitions du secteurutilisent encore le marché nationalcomme critère pertinent.Le sujet de fond, dans un modèle deconcurrence, me semble résider dansune approche élargie de la contestabili-té des marchés qui, comme nous l’en-seigne la théorie économique, incitechaque producteur/offreur à ne pass’éloigner durablement de l’optimumen terme d’offre. Un nombre limitéd’acteurs rend-il les marchés moinscontestables ? Pas nécessairement, dèslors que trois conditions sont réunies :La première porte sur les acteurs et sur lacapacité réelle de chacun d’entre eux àconquérir les clients de ses compétiteurs,ce qui passe à mon sens par une certainesurface financière – et donc une certainetaille – ainsi que par la capacité de sou-mettre des offres compétitives.La deuxième, qui est par bien desaspects une condition de réalisation dela première, porte sur l’accessibilitéeffective des marchés. Il faut, pour assu-rer la contestabilité, des intercon-nexions suffisantes entre les marchés etdes accès non discriminatoires auxinfrastructures de réseau. Or, sur cesdeux points, beaucoup reste à faire.S’agissant des infrastructures, il faut serappeler qu’elles ont été essentielle-ment calibrées dans une optique desecours mutuel entre les pays, ce quin’est pas exactement la même choseque d’en faire les axes de développe-

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ment des échanges commerciaux trans-frontaliers dans un espace communau-taire entièrement libéralisé. Par ailleurs, l’Europe électrique resteencore largement une juxtaposition deréseaux nationaux. A tel point qu’onne parle d’ailleurs pas d’Europe élec-trique mais d’une « plaque de cuivre »continentale (France, Allemagne etBénélux) et « d’îles électriques »,certaines au caractère insulaire avéré(Angleterre), d’autres moins (Italie,Espagne) mais toutes mal interconnec-tées aux réseaux dela plaque centra-le. Cette situationn’est pas complète-ment nouvelle maisla libéralisation dusecteur électrique vient faire peser unecontrainte supplémentaire sur cesréseaux transfrontaliers. On assiste alorslogiquement à une multiplication descongestions. S’agissant de l’accès destiers aux réseaux, les directives commu-nautaires en posent le principe mais forceest de constater que sa mise en œuvredemeure variable d’un pays à l’autre etque nous aurions, à mon sens, tout àgagner à une harmonisation au planeuropéen.Une dernière condition enfin portantsur la surveillance du secteur (éviter lesententes) qui passe par un renforce-ment des pouvoirs des régulateurs. Ilfaut de ce point de vue que l’Etat ou lerégulateur indépendant puisse jouer unrôle qui dépasse la simple notion dedéveloppement de la concurrence.L’important ne semble pas, en effet, deviser une structure de marché décon-centrée ou faiblement intégrée. On nedoit pas non plus viser une réductionde prix telle que les perspectives d’in-vestissement se réduisent, ni condam-ner l’investissement en faisant planersur lui de possibles évolutions régle-mentaires une fois ces investissementsréalisés. Deux objectifs sont en re-vanche fondamentaux. Il s’agit de limi-ter, d’une part, d’éventuels abus deposition dominante (particulièrementdans un marché où l’élasticité de lademande est très faible) et d’œuvrer,d’autre part, dans une perspective dedéveloppement et d’investissement àlong terme. A cet égard, ne perdons pasde vue que la notion d’oligopole n’est

pas en soi une organisation de marchécritiquable. Elle ne le devient quelorsque cette structure conduit à desabus par le jeu d’ententes d’où un rôleimportant pour la régulation qui devraitselon moi dépasser le cadre strictementnational pour migrer vers le niveaueuropéen. Au-delà, une régulation efficace doitpermettre d’introduire une vision delong terme dans un secteur dont lesrègles de marché portent essentielle-ment sur le court terme. Je souhaiterais

pour finir insistersur ce point quime semble déter-minant. En effet, tandis queles systèmes élec-

triques monopolistiques étaient baséssur une logique de planification avecdes prévisions de demande de longterme, cette planification est rempla-cée, dans un contexte libéralisé, par lefonctionnement du marché et l’inter-vention du régulateur. Or, l’observation des acteurs du secteurconduit à un schéma cyclique et souventinefficace de l’investissement : dans uncontexte où le marché apparaît en relati-ve surcapacité au moment de la libérali-sation, l’ouverture du marché conduit àune baisse des investissements qui se tra-duit par une élimination des unités deproduction les moins rentables et uneaugmentation du taux d’utilisation descentrales. Les prix et les coûts peuventdonc baisser jusqu’à ce que les capacitésde réserve deviennent faibles. Leur fai-blesse conduit alors à certains pics tari-faires qui peuvent soit signifier un abusde position dominante soit un manqued’investissement de base. Plus ces mini-crises se développent, plus les centralesde pointes (permettant de répondre à unpic de court terme) se multiplient. Cesinvestissements en centrales de pointeretardent en même temps les investisse-ments plus lourds qui seraient néces-saires mais qui sont beaucoup plus coû-teux et plus risqués. Lorsque la décisiond’investir dans ces grosses centrales estprise, il est souvent déjà trop tard auregard du temps nécessaire à leurconstruction.Ces réflexions ont permis de dresser à lafois les contraintes et les perspectivesdans lesquelles l’Europe électrique et

gazière va se mouvoir. Pour ma part, jeconsidère absolument nécessaire d’ins-taurer les conditions d’un marché plei-nement concurrentiel soumis à unerégulation vigilante et assurant la sécu-rité d’approvisionnement à long termede l’Europe. Dans ce cadre, je propose :- d’abord, d’amorcer sans attendre undébat sur l’évolution des équilibresoffre/demande en Europe. Compte tenude la nouvelle dynamique des marchés,cet exercice doit nécessairement êtrecommunautaire et raisonner à tout lemoins à l’échelle des sous-marchés inter-connectés, dans l’attente de la réalisationeffective d’un grand marché électriqueeuropéen. Les projections nationales sonten effet impuissantes à cerner l’évolutiondes équilibres au-delà des frontièresnationales. Malgré toutes ses vertus, laprogrammation pluriannuelle des inves-tissements (PPI) française en est unebonne illustration lorsqu’elle postule,pour établir le dimensionnement adéquatdu parc français à moyen terme, uneannulation du solde exportateur à lapointe, hypothèse dont la robustessemériterait d’être testée en englobant lesprévisions d’équilibre offre/demandedans les pays limitrophes ;- ensuite, d’inciter les opérateurs àeffectuer à temps les investissementsnécessaires. Les régulations adoptéesjusqu’à présent n’ont guère mis l’accentsur de telles pratiques. Si elles étaientmises en œuvre, certaines mesurespourraient même aller à l’encontre del’investissement (price-cap…). Dessolutions économiques existent sansdoute (mise en place de marchés decapacité, marges de réserve imposéesaux opérateurs) qui présenteraienttoutes des avantages et des inconvé-nients et, faute de solution univoque, ilserait utile d’ouvrir sérieusement cechantier. Réflexion sur le bouquet énergétique etdéfinition d’une architecture de marchépertinente, tels sont les deux enjeuxmajeurs qui doivent être traités rapide-ment et sans tabou. Ils sont la conditionnécessaire pour que l’Europe puisse, àtravers ses grands groupes énergétiques,apporter à ses entreprises et à sescitoyens une énergie sûre et à un coût enligne avec ses exigences légitimes decompétitivité. ●

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La Commission européenne s’estprincipalement préoccupée jusqu’àce jour des moyens de développer laconcurrence sur les marchés libérali-sés dans un horizon de court terme

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INFORMATION ANDCOMMUNICATION TECHNOLOGY,AND ITS APPLICATIONSMicro- and nanoelectronics

Laurent Gouzènes

The continuous miniaturization of transistors over the pastforty years has brought microelectronics down to thenanometric scale. Nanoelectronics has been born! Theawesome scientific and technologic challenges in this newfield justify ever more internationalized researchprograms. But the stakes are also economic, for bothcompanies and governments. For this reason, we shouldpay close attention to the scientific and financial aspectsof this emerging technology.

The FPRTD: Accomplishments in the field of information and communication technology, and prospects for the 7th Framework Program

Patrick Schouller

What accomplishments has the EU’s 6th Framework Programfor Research and Technological Development (FPRTD) hadin the field of information and communication technology?How to help the 7th Framework Program more clearly foreseeprospects in this field? Answering these two questionsinvolves assessing the past and making forecasts. Afterrecalling the original purposes of EU research programs,accomplishments in info-tech are quantitatively examined. Aqualitative illustration is provided with the help of a fewexamples so as to show the rationality of the choices made.Finally, the challenges facing the 7th FPRDT are taken underconsideration.

Traceability

Georges Kayanakis

Electronic traceability is opening vast prospects formonitoring functions in production, stock-managementand logistics inside firms. Developments in industry andservices as a result of this growing market in informationtechnology depend on sustained efforts in research andtraining so as to enable France to acquire the knowledgeand skills for improving its competitiveness.

Information technology’s decisive contribution to economic growth and to territorial planning and development

Jacques Pomonti and Françoise Roure

Information technology provides a major lever foreconomic development and for territorial planning. Publicpolicies have had the priority of supporting nationalnetwork infrastructures. But now, the target should be toprovide high-speed access to Internet in areas where thisis not yet possible because the necessary investments arenot economically profitable.

New communicating objects: An abundant, potentialsupply for which markets?

Jean-Paul Laurencin and Evelyne Janeau

Lifestyles as well as systems of production andtransactions have considerably changed thanks to the new

tools and services produced by information andcommunication technology. If multifunctionalconcentration characterizes tomorrow’s tools, the servicesassociated with them should be the pivot of futureapplications.

The mobile phone, our new companion

Grégoire Olivier and Thierry Buffenoir

In less than fifteen years, GSM has become the leadingmeans of communication. This market has an apparentlylimitless potential for growth. Improving services for well-equipped countries and extending the market todeveloping countries requires ongoing efforts in R&D. Inthis context, French operators and manufacturers haveseveral assets.

Assisted driving: The prospects

Daniel Augello

The traffic system is so complicated that drivers are notresponsible for everything. Users do not build the roads ormanufacture vehicles; nor do they control the weather,traffic density, number of work sites or erroneous roadsigns. But they are responsible for making decisionsdepending on what they encounter on the road. Thevehicles they use, the highway system and trafficmanagement must increase safety and enable users tooptimize their decisions, or even make up for theconsequences of their slightest mistakes.

The A380’s avionics

Pierre Froment

Airbus has decided to adopt a modular avionics for itslatest model, A380. This new architecture is a response tothe quick pace of changing needs, since the life span of anaircraft program is a few decades whereas the servicesdemanded by airlines and passengers are of much shorterduration. This concept will facilitate future modificationsof the A380 and become the new avionics standard forAirbus.

Information and communication technology and its applications in health

Géraldine Capdeboscq

Applications of information and communicationtechnology in the field of health should thrive in thecoming years. This will create jobs in manufacturing,improve productivity, and reduce costs in this industry.France has the necessary skills for adapting info-tech tothe field of health. Earnings will depend on the country’sinvestment in research and development and onincentives for actors in this field and in service firms, forsoftware engineers and electronic manufacturers.

The electronic administration: unprecedented upheavalin the public sector

Jacques Sauret

The civil service will soon be electronic, but how soon?And how will the public administration be transformed?This will deeply alter many current practices and influenceour relations with the government.

For our english-speaking readers

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96 A n n a l e s d e s M i n e s

The development of information and communicationtechnology, and security issues

Alain Esterle

Security issues regarding information and info-technetworks have gradually compelled recognition and areconditioning developments in this field. Though startingfrom quite different positions, the EU and member statesare moving toward increasingly coherent, complementarypolicies with regard to the security of information systems.The new target is to establish a technological, industrialand operational basis that will be competitive andindependent at the national and European levels.

Defense and the new information and communicationtechnology

François Levieux

Information and communication technology is increasinglyused in military systems and equipment. It has thoroughlychanged the organization and conduct of the armed servicesby hooking up in a network all operational information,which can be transmitted to each combatant.

Major changes in how firms are organized

Jean-Michel Yolin

A company’s competitiveness depends very much on thequality of the information it has and its capacity for

tapping and processing it. It also depends on its ability toreact. All processes related to information (production,consumption, transactions, data-processing or -mining)are concerned in the Internet, the economy’s new nervoussystem. Thanks to Internet, the shift can be made from adiscontinuous to a continuous process; and delays,drastically reduced. This is one of the major changesaffecting the operation of the economy and eventually itsvery structure.

France catching up? The urgency of intelligentinvestments

Grégoire Postel-Vinay

Investments in information and communicationtechnology are necessary to cope with the challengesrepresented by the need for improving competitivenessand stimulating growth.

What Europe for electricity and natural gas?

Patrick Buffet

The world of energy is undergoing a transformation, whilea short-term vision has prevailed in decisions for openingEU markets. Two major issues must be addressed rapidlywithout any reserves. Thought must be devoted to theenergy mix; and a relevant market architecture must bedefined.

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Mikro- und Nanoelektronik

Laurent Gouzènes

Die seit vierzig Jahren fortlaufende Miniaturisierung derTransistoren hat eine Mikroelektronik im Nanometerbereichentstehen lassen: die Nonoelektronik wurde ins Lebengerufen. Die gewaltigen wissenschaftlichen undtechnologischen Herausforderungen rechtfertigenForschungsprogramme, die in zunehmendem Maßeinternational ausgerichtet sind. Aber die wirtschaftlichenInteressen sind für die Unternehmen wie für die Staatenebenfalls immer bedeutender geworden, und erklären diebesondere Aufmerksamkeit für die wissenschaftlichen undfinanziellen Gesichtspunkte.

Das Rahmenprogramm für Forschung und Entwicklungund die Informations- und Kommunikationstechnologien(IT) Grundlagen und Perspektiven des 7. Rahmenprogramms

Patrick Schouller

Zu welchen Ergebnissen auf dem Gebiet der IT führte das 6.Rahmenprogramm für Forschung und technologischeEntwicklung? Wie können die diesbezüglichen Perspektivenim 7. Rahmenprogramm besser berücksichtigt werden? Umdiese doppelte Frage beantworten zu können, soll zunächstan das ursprüngliche Ziel der gemeinschaftlichenForschungsprogramme erinnert und dann eine quantitativePrüfung der Ergebnisse auf dem Gebiet der IT vorgenommenwerden, zu deren qualitativer Erläuterung einige Beispieleherangezogen werden, damit der Versuch gemacht werdenkann, die Vernünftigkeit der getroffenen Entscheidungenaufzuzeigen, bevor die Herausforderungen des 7.Rahmenprogramms für Forschung und Entwicklungangegangen werden.

Zur Rückverfolgbarkeit

Georges Kayanakis

Die „elektronische Rückverfolgbarkeit“ eröffnet denUnternehmen weite Perspektiven für die Entwicklungzahlreicher Kontrollfunktionen auf den Gebieten derProduktion, der Lagerwirtschaft und desLogistikmanagements. Das Wachstum des IT-Marktes wirdEntwicklungen in der Industrie und im Dienstleistungssektorauslösen, die durch intensive Forschungs- undAusbildungsbemühungen begleitet werden müssen, damitFrankreich über die notwendigen Kenntnisse undKompetenzen verfügen kann, um im Wettbewerb auf diesemSektor zu bestehen.

Der entscheidende Beitrag der Informationstechnologien zur wirtschaftlichenEntwicklung und zur Raumplanung

Jacques Pomonti und Françoise Roure

Die Informationstechnologien stellen einen wichtigen Faktorfür die wirtschaftliche Entwicklung und somit auch für dieRaumplanung dar. Die öffentlichen Politiken habenvorrangig die Unterstützung der nationalenNetzinfrastrukturen privilegiert; die Bemühungen müssenkünftig der Einführung des Internets mit hoherÜbertragungsrate in den noch nicht versorgten Gebietengelten, die wegen mangelnder wirtschaftlicher Rentabilitätnicht über die nötigen Infrastrukturen verfügten.

Neue kommunizierende Objekte: ein reiches potentiellesAngebot für welche Märkte?

Jean-Paul Laurencin und Evelyne Janeau

Die Lebensformen sowie die Produktions- undHandelssysteme haben sich dank der Innovationen undDienstleistungen, die aus den Informations- undKommunikationstechnologien hervorgegangen sind,beträchtlich entwickelt. Wenn die multifunktionaleKonzentration der zukünftigen Geräte sich durchgesetzthaben wird, müssten die damit verbundenenDienstleistungen im Zentrum der zukünftigenAnwendungen stehen.

Das Mobiltelefon, unser neuer Begleiter

Grégoire Olivier und Thierry Buffenoir

In weniger als fünfzehn Jahren ist GSM zum wichtigstenKommunikationsmittel geworden und stellt heute einenMarkt dar, dessen Entwicklungspotential grenzenloserscheint. Die Erweiterung des Serviceangebots in denLändern mit hohem Ausrüstungsgrad und die Entwicklungeines Angebots für Entwicklungsländer erfordern einenkontinuierlichen Einsatz von Forschung und Entwicklung.Auf diesem Gebiet verfügen die französischen Betreiber undAusrüster über die besten Trümpfe.

Unterstützte Verkehrsteilnehmer: die Perspektiven

Daniel Augello

Die Vielfalt der Komponenten des Verkehrssystems zeigtdeutlich, dass der Verkehrsteilnehmer nicht für Allesverantwortlich ist. Er baut weder die Straßen noch dieFahrzeuge, und auch die Wettervorhersage, dieVerkehrsdichte, Baustellen, defekte Ampeln etc. unterliegennicht seinem Willen. Dafür aber muss er genau diejenigenEntscheidungen treffen, die angesichts der jeweiligenVerkehrslage zwingend geboten sind. Die Fahrzeuge und dieStraßennetze, die er benutzt, sowie dieVerkehrsbestimmungen müssen seine Sicherheit erhöhenund optimale Reaktionen, ja sogar die Folgenlosigkeit seinergeringfügigsten Fehler ermöglichen.

Der Aufbau der Bordelektronik des A380

Pierre Froment

Airbus hat entschieden, für den neuesten Flugzeugtyp, denA380, eine modulare Bordelektronik zu verwenden. Einsolches System entspricht am besten dem sich rapideentwickelnden Bedarf, denn die Lebensdauer einesFlugzeugprogramms wird in Jahrzehnten gemessen,während die von Fluggesellschaften und Passagierengewünschten Leistungen viel kürzeren Zyklen unterliegen.Dieses Konzept wird die zukünftigen Entwicklungen desA380 erleichtern, und wird für Airbus zum neuen Standardfür Bordelektronik.

Die Informations- und Kommunikationstechnologien und ihre Anwendungen im Gesundheitswesen

Géraldine Capdeboscq

Die IT-Anwendungen im Gesundheitswesen müssten in denkommenden Jahren eine beträchtliche Entwicklung erfahren,die Arbeitsplätze, Produktionszuwächse undKostenreduzierungen auf diesem Sektor generieren wird.

An unsere deutschsprachigen Leser...

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98 A n n a l e s d e s M i n e s

Frankreich verfügt über die nötigen Kompetenzen dazu;wirtschaftliche Ergebnisse setzen ein hohes Maß anForschung und Entwicklung voraus, und erfordernUnterstützung für die Akteure im Gesundheitssektor, fürDienstleistungsgesellschaften, für Software-Entwickler undHersteller von IT-Technik.

Elektronische Verwaltung: eine beispiellose Umwälzung

Jacques Sauret

Die elektronische Verwaltung wird Wirklichkeit. Es fragt sichnur noch, in welchem Rhythmus und nach welchenModalitäten diese beträchtliche Umstellung der Verwaltungrealisiert wird, die einen großen Teil unser Praktikentiefgreifend verändern und unser Verhältnis zum Staatbeeinflussen wird.

Die Entwicklung der Informations- undKommunikationstechnologien und die Sicherheitsfrage

Alain Esterle

Für die Entwicklung der Informations- undKommunikationstechnologien ist die Frage der Sicherheit derInformation und der Netze mehr und mehr zu einemzentralen Kriterium geworden. Ausgehend von sehrunterschiedlichen Positionen, verfolgen die Mitgliedstaatenund Europa Politiken, die auf dem Gebiet der Sicherheit derInformationssysteme in zunehmendem Maße kohärent undaufeinander abgestimmt sind. Der Aufbau einertechnologischen, industriellen und operationellen Grundlage,die auf nationaler und europäischer Ebene wettbewerbsfähigund unabhängig sein soll, ist das neue anzustrebende Ziel.

Die Verteidigung und die Informations- und Kommunikationstechnologien

François Levieux

Die Informations- und Kommunikationstechnologien sind inden Systemen und in der Ausrüstung der Streitkräfte längstpräsent. Aber sie haben vor allem eine tiefgreifendeVeränderung der Organisations- und Führungsstrukturen

bewirkt, denn durch die Vernetzung aller operationellenInformationen wird deren Übertragung auf der Ebene jedesKampfteilnehmers möglich.

Die tiefgreifenden Veränderungen in der Organisation der Unternehmen

Jean-Michel Yolin

Die Wettbewerbsfähigkeit eines Unternehmens beruht inhohem Maße auf der Qualität der Informationen, über die esverfügt, und auf der Fähigkeit sie zu verwerten und zuverarbeiten. Sie hängt auch von dem Reaktionsvermögen ab.Nun können aber alle auf Information basierenden Prozesse– Produktion, Verbrauch, Handel, Verarbeitung undKapitalisierung – durch das Internet betroffen werden. Alsdas neue Nervensystem der Wirtschaft ermöglicht es dasInternet, von einem diskontinuierlichen zu einemkontinuierlichen Prozess überzugehen, so dass die Fristenbeträchtlich reduziert werden können: dies führt zu einer derbedeutendsten Veränderungen im Funktionieren derWirtschaft, also auch in ihrer Strukturierung.

Kann Frankreich Versäumtes nachholen? Die Dringlichkeitintelligenter Investitionen

Grégoire Postel-Vinay

Investitionen in die Informations- undKommunikationstechnologien sind eine notwendigeBedingung, um den zukünftigen Herausforderungen desWettbewerbs und des Wachstums gerecht zu werden.

Strom und Gas in welchem Europa?

Patrick Buffet

Im Energiesektor vollziehen sich tiefgreifendeWandlungsprozesse, während die europäischen Märktehauptsächlich in kurzfristiger Perspektive liberalisiert wordensind. Überlegungen zu den Energieversorgungssystemenund eine Definition der zeitgemäßen Marktarchitektur, diessind die beiden wichtigsten Themen, die schnell und ohneTabu behandelt werden müssen.

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A nuestros lectores de lengua española…

TECNOLOGÍAS DE LA INFORMACIÓNY COMUNICACIÓN (TIC) Y SUS APLICACIONESLa micro y nanoelectrónica

Laurent Gouzènes

La miniaturización continua de los transistores desde hace40 años ha llevado la microelectrónica hasta la escala delnanómetro. De esta forma, una nueva ciencia ha nacido:la nanoelectrónica. Los desafíos científicos y tecnológicosformidables exigen programas de investigación cada vezmás internacionales. Al mismo tiempo, los intereseseconómicos también han aumentado considerablemente,tanto para las empresas como para los Estados, y justificanuna atención particular en los campos científico yeconómico.

El programa-marco de Investigación Tecnológica(PCRDT) y las Tecnologías de la Información.Logros y perspectivas del 7° programa-marco

Patrick Schouller

¿Cuáles fueron los logros sobre las tecnologías de lainformación y comunicación (TIC) en el 6° programa-marco de investigación y desarrollo tecnológico?¿Cómo anticipar las perspectivas en la materia para el7° PCRDT?

Dar una respuesta a esta doble interrogación deevaluación y de perspectiva significa recordar la finalidadoriginal de los programas de investigación comunitarios,examinar cuantitativamente los logros en materias de TICe ilustrarlos cualitativamente con algunos ejemplos, paratratar de mostrar la racionalidad de las decisionestomadas, antes de abordar los desafíos del 7° PCRDT.

Trazabilidad

Georges Kayanakis

La “trazabilidad electrónica” abre vastas perspectivas deevolución de las numerosas funciones de seguimientode producción, de reservas y de gestión logística en laempresa. Los desarrollos de la industria y de losservicios que generará el crecimiento del mercado delas tecnologías de la información implican un esfuerzocontinuo de investigación y formación que permitiráque Francia disponga de los conocimientos ycualificaciones necesarias para afrontar la competenciaen este sector.

La contribución decisiva de las tecnologías de la información al desarrollo económico y a la ordenación del territorio

Jacques Pomonti y Françoise Roure

Las tecnologías de la información constituyen unapalanca de fuerza del desarrollo económico y, porconsecuencia, de la ordenación del territorio. Las políticaspúblicas han apoyado principalmente las infraestructurasnacionales de redes; en adelante, el esfuerzo debeenfocarse en la implantación de Internet de banda anchaen los territorios que aún no disponen de este servicio, acausa de la falta de rentabilidad económica de lasinfraestructuras necesarias.

Nuevos objetos comunicantes. ¿Una oferta potencialpara algunos mercados?

Jean-Paul Laurencin y Evelyne Janeau

Los modos de vida, los sistemas de producción y deintercambio han evolucionado considerablemente graciasa las nuevas herramientas y servicios provenientes de lastecnologías de la información y comunicación. Si laconcentración multifuncional de las herramientas delmañana se impone, los servicios asociados deberán estaren el centro de las aplicaciones futuras.

El teléfono móvil, nuestro nuevo compañero

Grégoire Olivier y Thierry Buffenoir

En menos de 15 años, el teléfono móvil se ha convertidoen el primer medio de comunicación y representa unmercado cuyo potencial de desarrollo parece ilimitado. Elenriquecimiento de los servicios para los países altamenteequipados y el desarrollo de una oferta adaptada a lospaíses en vías de desarrollo se apoyan en un esfuerzopermanente de Investigación y Desarrollo. En estecontexto, los operadores e industriales franceses disponende serias ventajas.

Perspectivas de la ayuda a la conducción

Daniel Augello

La diversidad de los componentes del sistema decirculación demuestra que el usuario no es el únicoresponsable. Él no es responsable de la construcción decarreteras ni de vehículos ni tampoco del estado deltiempo, de la densidad del tráfico, de las obras o de losfallos de señalización. Lo que sí le atañe es la toma dedecisiones en función de los elementos encontrados en elcamino. Los vehículos que utiliza o la red de carreterasque toma o incluso la gestión de la circulación debenacrecentar su seguridad, permitirle optimizar la toma dedecisiones, incluso hacer frente a las consecuencias desus errores más pequeños.

La arquitectura aviónica del A380

Pierre Froment

Airbus ha decidido adoptar una aviónica modular para suúltima creación, el A380. Esta arquitectura aporta unarespuesta a una necesidad rápidamente evolutiva, ya quela vida de un programa de aviones se cuenta en decenas,mientras que los servicios exigidos por las aerolíneas y suspasajeros presentan ciclos mucho más cortos. Esteconcepto facilitará las evoluciones futuras del A380 y seconvierte, para Airbus, en la nueva norma aviónica.

Les tecnologías de la información y comunicación y sus aplicaciones en el sector de la sanidad

Géraldine Capdeboscq

Las aplicaciones de las TIC en el campo de la sanidaddeberían conocer un desarrollo considerable en lospróximos años. Ellas podrían generar empleosindustriales, ganancias de productividad y reducción decostes para este sector. Francia dispone de lascompetencias necesarias para el desarrollo de TICadaptadas al sector de la sanidad. Los resultadoseconómicos dependen de los esfuerzos de investigación ydesarrollo hechos y de los incentivos para los actores del

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100 A n n a l e s d e s M i n e s

sector, sociedades de servicios, creadores de softwares yproductores de materiales electrónicos.

El Estado electrónico, un cambio sin precedentes

Jacques Sauret

El estado electrónico verá la luz del día en un futuro.Queda por saber a qué ritmo y según qué modalidades serealizará esta transformación mayor de la administración,transformación que modificará profundamente un grannúmero de prácticas e influenciará nuestra relación con elEstado.

El desarrollo de las TIC frente a la seguridad

Alain Esterle

Para que las tecnologías de la información y comunicaciónse puedan desarrollar, la seguridad de la información y delas redes se imponen como un paso obligatorio.Inicialmente con posiciones muy diversas, los Estadosmiembros y la Unión evolucionan hacia políticas cada vezmás coherentes y complementarias en materias de seguridadde los sistemas de información. El establecimiento de unabase tecnológica, industrial y operativa competitiva eindependiente a escala nacional y europea es el nuevoobjetivo que se vislumbra en el horizonte.

La defensa y las tecnologías de la información y comunicación

François Levieux

Las tecnologías de la información y comunicación se handifundido en los sistemas y equipos del ejército. Enespecial han provocado una transformación profunda delas organizaciones y del comportamiento de las fuerzasarmadas a través de una organización en red de toda lainformación operativa, lo que hace posible su transmisiónal nivel de cada combatiente.

Cambios mayores en la organización empresarial

Jean-Michel Yolin

La competitividad de una empresa dependeampliamente de la calidad de la información a sualcance y de su capacidad de capitalización ytratamiento de la misma. También depende de sureactividad. Al mismo tiempo, todos los procesos quetratan la información, producción, consumo,intercambio, tratamiento o capitalización, pueden teneruna relación con Internet.

En su papel de nuevo sistema nervioso de la economía,Internet permite pasar de un proceso discontinuo a unproceso continuo y reducir drásticamente los plazos. Estaes una de las principales modificaciones que aporta alfuncionamiento de la economía y, por lo tanto, a largoplazo, a su estructuración.

¿Francia se está quedando atrás? La urgencia de la inversión inteligente

Grégoire Postel-Vinay

La inversión en las TIC es una condición sine qua nonepara hacer frente a los desafíos futuros de lacompetitividad y del crecimiento.

¿Gas o electricidad para Europa?

Patrick Buffet

A pesar de que el mundo de la energía conocetransformaciones profundas, los mercados europeos sehan liberalizado principalmente con una visión a cortoplazo. Una reflexión sobre todo el asunto energético y ladefinición de una arquitectura de mercado pertinente,deben ser los dos puntos claves por tratar de forma rápiday sin tabúes.

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© 2005 ANNALES DES MINES Le directeur de la publication : Serge KEBABTCHIEFF

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