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Programme pour leau et lassainissement Un partenariat international pour aider les populations a avoir un accLs durable à des services deau et dassainissement amØliorØs Avril 2000 Bernard Collignon Marc VØzina Rapport de synthLse de 10 Øtudes de cas en Afrique. Bernard Collignon (HYDROCONSEIL) et Marc VØzina (IRC) Les opØrateurs indØpendants des services de Iapprovisionnement en eau potable et de Iassainissement en milieu urbain africain

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Programmepour l�eau etl�assainissement

Un partenariatinternational pour aider lespopulations a avoir unaccès durable à desservices d�eau etd�assainissementaméliorés

Avril 2000

Bernard CollignonMarc Vézina

Rapport de synthèsede 10 études de casen Afrique.Bernard Collignon(HYDROCONSEIL)et Marc Vézina (IRC)

Les opérateursindépendants des services deI�approvisionnement en eaupotable et de I�assainissementen milieu urbain africain

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Banque internationale pour la reconstruction et le développement/ Banque mondiale �1818 H Street N.W. Washington, DC 20433, Avril 2000Ce rapport est un document de travail publié par le Programme pour l�Eau et l�Assainissement. Desexemplaires sont disponibles auprès du Programme, tel : 202-473-3970, fax : 202-522-3228,email : [email protected] ou www.wsp.org.Les propos , interprétations et conclusions qui sont présentés dans ce rapport sont le résultat derecherches appuyées par la Banque mondiale. Les points de vue exprimés sont ceux des auteurs et nesauraient être attribués à la Banque mondiale, les pays et organisations partenaires et le Programmepour l�Eau et l�Assainissement. La présentation des informations et les dénominations sont conçuespour la commodité des lecteurs et ne reflètent aucune expression d�un avis juridique quelconque de laBanque mondiale et de ses organisations affiliées sur le statut d�un pays, d�un territoire, d�un quartierou de ses autorités ni sur la délimitation des frontières ou de son affiliation nationale.

RemerciementsLa préparation et la publication de ce rapport, ainsi que les recherches sur le terrain et les ateliersrégionaux sur lesquels il est basé, ont été conjointement financés par le Programme pour l�Eau etl�Assainissement (Water and Sanitation Programme- WSP) et l�Institut de la Banque mondiale (WorldBank Institute � WBI), avec le financement bilatéral de la GTZ, des Pays-Bas et de l�Agence pour leDéveloppement et la Coopération de Belgique (AGCD). Les avis exprimés dans ce document nereprésentent pas forcément les positions ou la politique officielles des agences de financement.La direction des travaux a été assurée par Francis Ato Brown, Sylvie Debomy et Tova Solo du Programmede l�Eau et l�Assainissement et par Chantal Reliquet de l�Institut de la Banque mondiale. Les étudespropres à chaque pays ont été réalisées par des consultants locaux qui ont effectué de nombreuxinterviews, encouragé la formation de réseaux et d�associations professionnelles d�opérateursindépendants. Les consultants en question sont :

Jean Eudes OKOUNDE (Bénin)Mahamane Wanki CISSE (Burkina Faso et Mali)Amadou Diallo (Côte d�Ivoire et Guinée)Jean-Marie Sie KOUADIO (Côte d�Ivoire)Mohamed Fardi (Kenya)Mohamed MOKTAR ould Mohameden FALL (Mauritanie)Bill WANDERA (Ouganda, Tanzanie)Daouda SAKHO (Sénégal)Adam SYKES (Tanzanie)

Ils peuvent être contactés par l�intermédiaire du Programme pour l�Eau et l�Assainissement- Afrique del�Ouest et du Centre, Abidjan, Côte d�Ivoire, tel : 225-22-44-22-27, fax : 225-22-44-16-87,email : [email protected] rapport a été rédigé par Bernard Collignon (Hydroconseil, Paris et Avignon, France) et Marc Vezina(IRC, Centre International de Références pour l�Eau et l�Assainissement, Delft, Pays-Bas) et traduit,édité et produit en anglais par Suzanne Snell Tesh (Consultante, Bethesda, MD, Etats-Unis).

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Sommaire

Avant-Propos................................................................................................................1

1. Introduction..............................................................................................................3

2. Le contexte dans lequel interviennent ces entreprises................................................52.1. Des pays sous l�emprise de la pauvreté ............................................................................ 52.2. Des métropoles en croissance rapide ............................................................................... 72.3. Des citadins et des conditions de vie «à risques» ................................................................72.4. Une économie informelle en effervescence ........................................................................ 8

3. Les enjeux du développement de ces petites entreprises privées................................93.1. Répondre à une demande hétérogène et complexe ............................................................ 93.2. Reconnaître et mobiliser davantage des opérateurs indépendants ...................................... 10

4. Les différentes filières d�approvisionnement en eau potable...................................124.1. Chaque famille réalise un arbitrage entre plusieurs offres de service « eau »........................ 124.2. Dans chaque pays, il existe un opérateur « monopolistique » ............................................ 124.3. En aval de cet opérateur monopoliste, la revente de détail est généralisée .......................... 164.4. La diversité de la demande favorise les opérateurs indépendants ....................................... 184.5. Les forages indépendants sont encore peu nombreux ....................................................... 194.6. La répartition géographique de l�activité des opérateurs indépendants ............................... 194.7. Schéma de synthèse de la filière..................................................................................... 19

5. Les différentes filières d�assainissement (eaux usées)..............................................215.1. Il n�y a pas d�opérateur qui revendique le « monopole » pour l�assainissement.................... 215.2. Un assainissement surtout individuel .............................................................................. 215.3. Des filières d�assainissement adaptées aux revenus des familles......................................... 225.4. Les entreprises typiques du secteur de l�assainissement ..................................................... 235.5. Le curage des fossés et égouts ....................................................................................... 265.6. Où rejeter les boues ? .................................................................................................. 265.7. Le traitement des effluents, un problème environnemental aigu .......................................... 265.8. Schéma de synthèse de la filière assainissement ............................................................... 26

6. Les métiers de l�eau et de l�assainissement.............................................................286.1. Les gérants de bornes-fontaines ..................................................................................... 286.2. Les abonnés revendeurs ................................................................................................ 296.3. Les porteurs et charretiers .............................................................................................. 306.4. Les camions transporteurs d�eau .................................................................................... 326.5. Les exploitants de petits réseaux ..................................................................................... 336.6. Les exploitants de latrines publiques ............................................................................... 336.7. Les vidangeurs manuels ................................................................................................ 346.8. Les camions vidangeurs ................................................................................................ 346.9. Les entreprises privées de traitement des boues de vidange ............................................... 35

7. L�économie générale des secteurs eau potable et assainissement............................387.1. Le secteur de l�eau potable représente un enjeu économique important .............................. 387.2. Les performances des entreprises concessionnaires du service de l�eau............................... 387.3. Les opérateurs indépendants occupent de 30 à 80 % du marché de l�eau .......................... 397.4. Les opérateurs indépendants occupent de 60 à 95 % du marché de l�assainissement .......... 407.5. Les emplois créés et les retombées économiques locales de l�activité .................................. 41

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8. Le dynamisme des opérateursindépendants de l�eau potable et l�assainissement.....................................................468.1. L�origine sociale et géographique des entrepreneurs ......................................................... 468.2. Le financement des investissements ................................................................................ 478.3. Des stratégies de limitation des risques ........................................................................... 488.4. Compétition et association entre opérateurs d�une même ville ........................................... 49

9. Démarches commerciales et stratégies tarifaires.....................................................539.1. Les branchements particuliers ........................................................................................ 539.2. La revente de l�eau aux bornes-fontaines ........................................................................ 569.3. Le portage de l�eau à domicile ...................................................................................... 579.4. Les stratégies tarifaires des petits opérateurs..................................................................... 589.5. Une intense concurrence qui limite les marges bénéficiaires .............................................. 5810. Le contexte institutionnel.......................................................................................6010.1. L�organisation institutionnelle des secteurs eau potable et assainissement .......................... 6010.2. Quand la loi favorise les situations de monopole. ......................................................... 6110.3. La décentralisation ..................................................................................................... 6310.4. Le développement des villes, un processus hors de contrôle ............................................ 6310.5. Les relations des opérateurs indépendants avec les entreprises concessionnaires................ 6410.6. Les organisations professionnelles ................................................................................ 6510.7. Les organismes d�appui à la gestion et d�audit financier ................................................. 67

11. La géographie des villes et soninfluence sur les services eau et assainissement..........................................................6811.1. Ouagadougou et Bamako, de l�eau partout, mais en faible quantité ............................... 6811.2. Nouakchott, une capitale dépourvue de ressources en eau............................................. 6911.3. Dakar et Conakry, des nappes surexploitées .................................................................. 6911.4. Abidjan et Cotonou, le casse-tête de l�AEP et l�assainissement en zone lagunaire.............. 6911.5. Bamako, un fleuve à tout faire..................................................................................... 70

12. Les principaux atouts des petites entreprises privées locales.................................7112.1. La capacité à s�adapter rapidement à une demande diversifiée et variable........................ 7112.2. Offrir un service qui répond bien aux attentes des familles pauvres .................................. 7212.3. Une étonnante capacité d�autofinancement .................................................................. 7312.4. Un recouvrement intégral des coûts ............................................................................. 7412.5. L�image des opérateurs indépendants souffre encore de préjugés non fondés .................... 75

13. Les principales contraintes à l�améliorationdu service des petites entreprises privées....................................................................7713.1. Des relations difficiles avec les représentants de l�administration ...................................... 7713.2. L�absence d�organismes indépendants de régulation du secteur ....................................... 7813.3. Un déficit de politiques urbaines .................................................................................. 7813.4. Les excès du régime de concessions ............................................................................. 7913.5. La frilosité ou l�inadaptation du secteur bancaire « moderne » ......................................... 8013.6. Un accès trop difficile aux marchés publics ................................................................... 8113.7. L�insécurité des investissements..................................................................................... 81

14. Que faire ?..........................................................................................................8214.1. Quelques orientations stratégiques pour une amélioration des services............................. 8214.2. Quelques pistes de solution......................................................................................... 8314.3. Les « fausses bonnes idées » ...................................................................................... 87

Conclusions................................................................................................................90

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La majorité des populations à faibles revenusou vivant dans les quartiers spontanés des villesdes pays en développement ne bénéficient pasde services adéquats en matièred�approvisionnnement en eau potable etd�assainissement.. Au regard du taux decroissance démographique élevé et de la baissede la qualité de service, le degré de couvertureassuré par les compagnies pourrait diminuer.Cette situation n�est pas inconnue et est enpasse de devenir un problème crucial pour lesnouveaux opérateurs privés. D�aucuns serontsurpris de savoir que la plupart des familles ontl�eau et l�assainissement sans recourir auxréseaux de services publics. Plus de 75% despopulations urbaines à faibles revenuss�approvisionnent en eau auprès d�une largegamme de petits opérateurs indépendants(vendeurs d�eau, camions transporteurs d�eau,opérateurs de réseaux). Dans la plupart descas, les services d�assainissement sontexclusivement assurés par de tels opérateurs(vidangeurs manuels et opérateurs de camions-vidange).

La situation des communautés à faiblesrevenus met en évidence l�importance de cetype de participation du secteur privé dans lafourniture de services d�eau potable etd�assainissement. A ce jour, la réflexion a peu

porté sur l�appréciation du rôle des travailleursindépendants ni sur le développement de leurscapacités dans la mesure où leur contributionétait considérée comme provisoire et marginale.A cela s�ajoute le comportement descompagnies publiques qui gèrent leurs servicescomme des monopoles. Toutefois, là où elles neparviennent pas à desservir de larges groupesde consommateurs, ce qui est souvent le casdans les villes du tiers-monde, des solutions deremplacement, telles la livraison de l�eau parcamions, se développent.

La présente étude, menée dans dix paysd�Afrique et cinq pays d�Amérique latinecontient une profusion d�informations sur unsecteur indépendant très dymanique, capablede répondre à un type de marché et pourvoitaux besoins des populations à faibles revenusdépourvues d�accès aux services publics.L�étude indique aussi que ces opérateurs fontpreuve de créativité dans leur manière derépondre au défi de l�approvisionnement eneau et de l�assainissement et qu�ils peuventconstituer souvent la seule option disponible augrand nombre de ménages démunis.

Il est intéressant de noter que l�entrée desgrandes compagnies privées dans le secteur del�eau et de l�assainissement a généré un intérêtrenouvelé pour les petits opérateurs

Avant-Propos

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

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indépendants . A l�intention des responsablesdu secteur, il est important de considérer :

� Que les opérateurs indépendants font partieintégrante de la solution au problème defourniture de services d�eau potable etd�assainissement auprès d�une populationurbaine en croissance rapide.

� Que les politiques sont essentielles pourpermettre aux opérateurs indépendants demaximiser leur capacités à servir lespopulations défavorisées pour le bénéfice detous.

A ce stade, il est important d�approfondirnos connaissances du milieu de travail et desincitations respectives aux opérateursindépendants de manière à pouvoir intégrerleurs opérations dans le dialogue que nousentretenons avec nos clients ainsi que dansl�élaboration de nos projets et programmes..J�appelle les praticiens et les décisonnaires dusecteur à relever ce défi.

Praful C. PatelDirecteur RégionalGroupe Infrastructure et EnergieRégion Afrique

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Quand on parcourt les quartiers défavorisésdes grandes métropoles africaines, on ne peutmanquer d�être frappé par les innombrablespetits artisans qui assurent les principauxservices publics de base, et en particulierl�approvisionnement en eau et l�assainissement.

Qu�ils soient charretiers, pousse-pousses,revendeurs d�eau ou vidangeurs de latrines, cesont des artisans ou de petites entreprises quifournissent l�eau pour les besoins domestiqueset les services d�assainissement à la majoritédes familles. Ces opérateurs privés ont rarementun statut officiel, ils appartiennent à l�économiedite « informelle » car elle échappe aux normesfiscales ou sociales des Etats modernes, desnormes qui ne concernent en réalité que 10 à20 % des emplois urbains.

Contrairement aux sociétés para-étatiques etaux multinationales en quête de nouvellesconcessions, ces opérateurs indépendants nebénéficient d�aucun monopole ni d�aucunerente de situation. Ils doivent s�efforcer chaquejour de fidéliser leurs clients et de reconstituerleur outil de production. Ils doivent innover ets�adapter pour maintenir leur activité dans unmarché très concurrentiel.

Ce sont des hommes et des femmes qui,sans toucher de subventions, fournissent un

1. Introduction

service public. Ils devraient donc êtreencouragés par les autorités politiquesnationales et municipales, car ils répondent auxbesoins en eau et en assainissement de laplupart des familles pauvres, une clientèlesouvent ignorée par les grands distributeursd�eau parce qu�elle est réputée insolvable.

Ce document est la synthèse d�une série derecherches conduites à l�initiative duProgramme pour l�Eau et l�Assainissement(PNUD - Banque Mondiale) dans 10 paysd�Afrique (Bénin, Burkina Faso, Côte d�Ivoire,Guinée, Kenya, Mali, Mauritanie, Ouganda,Sénégal, Tanzanie).

Ces études ont été réalisées par desconsultants locaux, avec un appuiméthodologique de l�IRC et de Hydroconseil.Leurs résultats ont été présentés à l�occasiond�un atelier international, tenu à Bamako, enseptembre 1999. Les rapports complets peuventêtre obtenus auprès du bureau du Programmeà Abidjan.

Ce texte de synthèse restitue les principalesconclusions de ces études et tente de répondreaux grandes questions concernant cesopérateurs indépendants :

� Comment ces petits opérateurs peuvent-ilsassurer le service de l�eau dans ces

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quartiers où l�entreprise concessionnairehésite à investir ?

� Quelle est l�importance de leur activité (entermes de nombre de familles desservies,d�emplois, de chiffre d�affaires,�) ?

� Comment financent-ils leur investissementdans un secteur d�activité réputé trèscapitalistique ?

� Quels sont leurs relations avecl�administration et les grands opérateursnationaux, publics et privés ?

� Quels sont leurs principaux atouts, lesprincipales contraintes qui limitent leuractivité ou la qualité de leurs services etquelles mesures seraient susceptiblesd�améliorer leur activité, au grand bénéficedes populations pauvres des grandesvilles ?

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

2.1. Des pays sous l�emprise dela pauvreté

Ayant passé le cap des 6 milliards d�habitants,notre monde connaîtra une profonde mutationen ce début de nouveau millénaire : plus de lamoitié de la population de la Terre habitera lesvilles et l�urbanisation est devenue un corollaireincontournable du développement socio-économique.

Les pays africains ne font pas exception àcette tendance bien que l�Afrique soit l�une desdernières régions du globe à vivre cette transi-tion. Aujourd�hui estimée à 110 millions depersonnes, la population urbaine de l�Afriquesub-saharienne représente environ 37% de sapopulation totale, avec des fortes différencesd�une région à l�autre, les pays côtiersconnaissant une urbanisation plus avancée queles pays enclavés.

Pour les pays africains, l�insuffisance desinfrastructures et des services publics estmanifeste et les disparités sont extrêmes,notamment en ce qui concerne à l�accès aux

2. Le contexte dans lequelinterviennent ces entreprises

services de base tels l�alimentation en eaupotable et l�assainissement (voir figure ci-dessous).

Répondre aux besoins des citadins s�avèred�autant plus difficile que les pays concernésfont partie des plus pauvres de notre planète :En termes de parité de pouvoir d�achat (PPA),les revenus des habitants de ces pays nereprésentent que 2 à 7 % des revenus des paysriches (voir tableau page suivante).

Dans les 10 pays que nous avons étudiés,le PNB par habitant est compris entre 120 et660 US $ par an et par habitant. Plus de 80 %des habitants de ces pays vivent avec moins de1 US $ par jour ! Depuis 1985, on observe unelégère croissance de leur PNB par habitant,mais celle-ci reste très faible et même inférieureà la moyenne mondiale.

De plus, ce sont des pays dont le niveaud�éducation est très faible, (particulièrementdans les pays sahéliens, alors que le tauxd�analphabétisme est plus faible en Afrique del�Est).

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Le Tableau 2.1. Accès à l�eau potable et élimination des excréta, dix villesafricaines (1999).

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La Source d�eau potable (pourcentage des ménages)

Branchement à domicile 76 71 71 36 31 29 19 27 23 17

Bornes fontaines 2 1 14 5 0 3 30 0 49 19

Opérateurs indépendants etsystèmes privatifs 22 27 15 59 69 68 51 73 28 64

Les Moyens d�élimination des excréta (pourcentage des ménages)

Branchement au réseau d�égout 25 20 15 6 3 10 4 1 0 2

Branchement possiblevu la proximité du réseau (45) (35) (25) (9) (6) (17) (4) (1) (0) (2)

Opérateurs indépendants et 75 80 85 94 97 90 96 99 100 99main-d��uvre familiale

PNB moyen Pouvoir d�achat Taux par capita (USA=100) d�alphabétisme

PAYS $US Croissance 1985 1995 Rang (%)annuelle parmi lemoyenne groupe

1985-1995

Sénégal 600 - 7,3 6,6 1 33Bénin 370 -0,3 6,9 6,5 2 37Côte d�Ivoire 660 - 8,2 5,9 3 40Mauritanie 460 0,5 6,0 5,7 4 -Ouganda 240 2,7 4,7 5,5 5 38Kenya 280 0,1 5,7 5,1 6 22Burkina Faso 230 -0,2 3,3 2,9 7 81Tanzanie 120 1,0 2,6 2,4 8 32Mali 250 0,8 2,3 2,0 9 69Guinée 550 1,4 - - - -

Source :Global Urban Observatory statistics, UNDP Habitat, 1999.

Tableau 2.2. Revenu, pouvoir d�achat et taux d�alphabétisation pour dixpays africains.

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2.2. Des métropoles encroissance rapide

Les 10 villes qui nous intéressent comptentactuellement chacune entre 1 et 3 millionsd�habitants. Due aussi bien à l�accroissementnaturel de la population qu�à l�exode rural, leurcroissance exponentielle est générale (avec unemoyenne de 5 % par an, excepté pourNouakchott et Ouagadougou : 8 et 9,4% paran) et devrait se prolonger pendant au moinsdeux décennies.

Généralement le peuplement des villes sefait aussi bien par densification des zonesurbaines déjà existantes que par l�extension deces dernières. Ceci se produit dans beaucoupde villes en l�absence de tout plan d�urbanismeglobal et même de toute action structurante del�Etat dans les quartiers pauvres, ce quicontraint leurs habitants à occuper de façonanarchique des zones peu recherchées, mêmesi elles sont insalubres ou inconstructibles.

Ces quartiers, où se concentrent 30 à 60%de la population urbaine dans certains pays,présentent souvent des risques sanitairesimportants, liés à la densité de l�habitat, à samauvaise qualité, mais aussi à unassainissement largement déficient. Ces zonesinsalubres, voire dangereuses (inondations,glissements de terrain) sont habitées sansaucune autorisation légale, ni pland�occupation du sol, ni plan de construction.Ces quartiers sont donc toujours exposés aurisque d�expropriation, ce qui freine lesinvestissements pour une amélioration durablede l�habitat et du cadre de vie. Cette insécuritéfoncière se conjugue alors à une certaineinstabilité économique.

2.3. Des citadins et desconditions de vie �à risques�

Les conséquences en matière de santé sontd�autant plus dramatiques que ces populations,peuvent difficilement mobiliser l�argent

nécessaire au paiement des consultationsmédicales et des produits pharmaceutiquesprescrits. En moyenne, un tiers de la populationurbaine vit en dessous du seuil de pauvreté (etles fortes variations que l�on verra dans letableau ci-dessous reflètent surtout le mode decalcul de ce seuil, qui diffère selon lesgouvernements, en fonction de leur stratégie delutte contre la pauvreté).

Le manque de travail salarié régulier,conjugué à l�absence de qualification desmigrants, engendre une forte paupérisation dela population des quartiers périphériques, c�està dire un accroissement de la proportion deménages démunis, qui ne peuvent consacrerque très peu de ressources financières à leurapprovisionnement en eau ou l�assainissementde leur maison.

Bien que cela fasse partie de leursobligations contractuelles, les entreprises

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

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concessionnaires du service de l�eau hésitent (etsouvent refusent) à investir dans des extensionsde réseaux dans les quartiers pauvres, face à lafaiblesse et l�irrégularité de la solvabilité desusagers potentiels. Et quand bien même ilsauraient la volonté d�étendre leurs services, ilsseraient alors confrontés à des difficultéstechniques, dues à la construction anarchiquede ces quartiers (zones inondables, à fortedénivellation, densité de l�habitat).

Ainsi, le facteur de pauvreté conjugué àcelui d�irrégularité de ces zones complique-t-ilconsidérablement les problèmes de desserte parles réseaux habituels de distribution d�eau oude collecte des eaux usées. Mais il en est demême pour tout autre grand opérateur deservice collectif (voirie, électricité�). Face àcette demande non satisfaite, émergent alors lesopérateurs du secteur informel.

2.4. Une économie informelle eneffervescence

Dans le creuset de l�urbanisation, denouveau entrepreneurs émergent et une

nouvelle culture économique se forge, pourtenter de répondre aux besoins croissants,que ce soit en matière d�emploi ou deservices.

L�emploi informel dans ces villesreprésente en moyenne la moitié du marchédu travail en milieu urbain (à l�exception deBamako, où l�informel en constitue un peuplus d�un tiers ; de Conakry et de Cotonou,où les trois quarts de la populationtravaillent dans ce secteur).

Il serait toutefois abusif d�assimiler lesactivités informelles à la seule stratégie desurvie. En effet, et le tableau ci-dessous lemontre bien, ce ne sont pas uniquement lesménages vivant en dessous du seuil depauvreté qui y travaillent. La gamme desemplois de ce secteur est large, au même titreque les revenus qui en sont issus, dépassantparfois nettement ceux équivalents au seuil depauvreté.

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

Nombre de Définition du seuil de Emplois Taux deménages vivant pauvreté en 1993 par recensés croissancesous le seuil de les différents Etats comme de la

Ville pauvreté (US$/ ménage/mois) informels population

Kampala 77.0% $ 144 45.6% 4.76%

Conakry 41.0% 73.0% 5.80%

Abidjan 36.5% $ 284 64.6% 5.00%

Bamako 36.0% 36.0% 6.40%

Cotonou 27.9% 77.0% 4.05%

Nairobi 27.4% $ 32 51.5% 4.70%

Nouakchott 25.0% $ 95 41.0% 8.00%

Dar es Salaam 23.0% 56.0% 4.30%

Dakar 12.5% $ 76 46.8% 3.40%

Ouagadougou 11.4% $ 244 60.0% 9.40%

Africa 38.96% $ 92 56.1% 5.20%

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3. Les enjeux du développement de ces petitesentreprises privées

L�enjeu global (et prioritaire) est d�améliorerl�offre des services d�eau potable etd�assainissement pour les pauvres, c�est à direde favoriser le développement de prestatairesmoins chers, plus fiables, et capables detoucher les zones les plus difficiles.

Il ne s�agit pas de créer de nouvellesentreprises, mais de mobiliser des opérateursindépendants et des entreprises déjà existanteset qui ont prouvé qu�elles offraient des servicesadaptés à la demande des plus démunis.

3.1. Répondre à une demandehétérogène et complexe

Les Etats d�Afrique sub-saharienne ontbeaucoup de difficultés à faire face à lacroissance exponentielle de leurs villes. De cefait, celles-ci s�étendent progressivement sansaucune planification, donnant naissance à desquartiers souvent irréguliers, investis par lapopulation pauvre de ces mégapoles. Ceszones spontanées ne bénéficient généralementpas d�infrastructures publiques pour leurapprovisionnement en eau et leurassainissement (plus précisément, les grandsréseaux urbains s�arrêtent à leur frontière).

Il est clair que les habitants de ces quartierssont le plus souvent démunis et qu�ils sont dans

une situation économique particulièrementprécaire. L�irrégularité et la faiblesse de leursrevenus les contraignent à gérer leurs dépensesau jour le jour. C�est en fonction de l�argentdont ils disposent quotidiennement qu�ils paientles fournisseurs de services en eau etassainissement. Ce mode de gestion réduitd�emblée la possibilité pour ces ménagesd�assumer des frais élevés de branchement auxréseaux (s�ils existent dans leur quartier), ou derégler les factures périodiques de la société dedistribution d�eau, parfois très espacées dans letemps (ce qui les obligerait à faire desprovisions pour payer la facture quand elle seprésente).

Cela signifie que ces familles n�ontd�autre choix que celui d�acheter de petitesquantités d�eau, en fonction de leur capacitéfinancière du moment ou de passer desarrangements (crédits) qu�elles parviennent àobtenir auprès de leurs fournisseurs. Enréalité, on ne peut pas dire que cespopulations soient insolvables. Les études deterrain montrent qu�elles parviennenttoujours à dégager l�argent nécessaire pourcouvrir leurs besoins impératifs en eau et enassainissement. Mais ces besoins sontévidemment satisfaits avec un standard dequalité très médiocre ou après de lourds

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efforts personnels (transport à dos d�homme,longues files d�attente�).

Tous les ménages font un calculéconomique par rapport à l�eau : s�ils estimentque le temps perdu pour aller chercher de l�eauentraîne un fort manque à gagner pour eux, ilssont prêts à payer l�eau un peu plus cher pourbénéficier d�une livraison à domicile. Leproblème pour ces familles n�est donc pas tantcelui de leur solvabilité (même si celle-ci restefaible), que celui de l�accès à des servicesadaptés (que ce soit au niveau de la quantitévendue ou des modalités de paiement) et del�accès aux services partiellement subventionnéspar l�Etat dont bénéficient les familles du centreville.

Les grandes sociétés de distribution d�eausont généralement réticentes à l�idée d�étendreleur réseau dans ces zones et cela explique lesuccès des sources d�approvisionnement eneau non marchandes (rivières, marigots, puits)

Ce faible niveau de desserte a favorisél�émergence de prestataires de servicesalternatifs. Ils sont parfois accusés d�être chersou de fournir des services de qualité médiocre,mais leur omniprésence traduit bien leur succèsauprès des familles négligées par les grandessociétés. Les prestations de ces petitesentreprises du secteur privé, demeurent encoreaujourd�hui le seul service qui permette à unepartie toujours plus importante des citadins des�approvisionner en eau potable et enassainissement.

3.2. Reconnaître et mobiliserdavantage des opérateursindépendants

Les opérateurs indépendants se sont imposés etsont devenus indispensables pour compléter unsystème de desserte officiel en eau etassainissement fortement déficient. Ils

interviennent dans des zones où les servicesclassiques sont inexistants, mais où les besoins,vitaux, sont immenses. Pourtant, leurs activitésne sont toujours pas reconnues par l�Etat, quireproche à ces opérateurs d�appartenir ausecteur informel.

Une entorse au monopoleOn reproche souvent à ces opérateursindépendants d�empiéter sur le champ de lasociété concessionnaire. Mais le monopolerevendiqué par cette société n�a rien d�évidentou de naturel. C�est un abus de positiondominante, qui ne bénéficie certainement pasaux usagers, car il restreint leur choix.

Il convient de rappeler qu�en Europe, lemonopole en matière de service publicmarchand est plus l�exception que la règle. Lessituations de monopole se sont multipliéesseulement au début du 20ème siècle, après 400ans d�évolution de systèmes très concurrentiels.

Le modèle de la société concessionnaire duservice de l�eau dans toute une ville, qui n�estpas en soi un gage de services performants, abien fonctionné dans les pays industrialisés caril répondait à une demande relativementhomogène : le branchement à domicile. Latransplantation en Afrique du modèlemonopolistique n�a pas permis de répondre auxbesoins, beaucoup plus hétérogènes, despopulations défavorisées. Au contraire, lesopérateurs indépendants offrent un tel servicede proximité et sont à l�écoute de leur clientèle.

Une alternative à la gestion«communautaire»Les opérateurs indépendants du secteurhydraulique se développent précisément à uneépoque où la gestion partagée des services debases supplante les modèles de gestioncommunautaire qui reposaient sur le purbénévolat.

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Les nombreuses expériences de ce type sontà l�origine de fausses économies car lebénévole, souvent inexpérimenté peut, soitréaliser des erreurs de gestion parfoiscoûteuses, soit, à la longue, finir par serémunérer, formellement ou non, encontrepartie du travail qu�il a réalisé.

La gestion communautaire s�inscrit dans unobjectif de moindre coût pour l�usager actuel,et ce au détriment d�une gestion à long terme etd�un développement du service (peu deprovisions pour le renouvellement, pas debranchements particuliers�).

Au contraire, les professionnels de l�eau quesont les opérateurs indépendants recherchent lemoindre coût unitaire, c�est à dire exploiter àsa capacité optimale le systèmed�approvisionnement en eau potable etd�assainissement dont ils ont la charge, enprocédant quand c�est possible à desextensions, des branchements particuliers�.C�est dans cette optique qu�ils investissent cequi est nécessaire pour gagner de nouveauxclients leur permettant de rentabiliser davantageleur exploitation.

Les opérateurs indépendantsinteragissent avec d�autres acteursLes prestataires indépendants des services eauet assainissement (formels et informels) ne sontdonc pas isolés. Par rapport aux grandsconcessionnaires et aux collectivités de base,les indépendants se positionnent plutôt commedes opérateurs complémentaires ou despartenaires et non pas des concurrents.Reconnaître les atouts et les potentialités de cesopérateurs et leur attribuer un statut ouvrirait laporte à la concertation entre le secteur public etprivé. Il serait alors possible de clarifier lesenjeux et les points de blocage du secteur, etsurtout de réguler et coordonner les activités del�ensemble des acteurs en présence.

C�est à l�Etat qu�incombe aujourd�hui cettetâche d�intermédiation d�autant plus que lesorientations sectorielles prônent l�implication dusecteur privé. Ainsi les opérateurs indépendantspourront davantage s�engager et investir pourle développement des infrastructures etl�amélioration des services apportés auxpopulations urbaines et plus particulièrementaux plus pauvres.

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4. Les différentes filières d�approvisionnementen eau potable

4.1. Chaque famille réalise unarbitrage entre plusieurs offresde service « eau »

Contrairement aux pays du Nord où il n�existesouvent qu�un seul service de distribution d�eauapprovisionnant l�ensemble des familles et unebonne partie des industries, il existe dans toutesles villes des pays du Sud diverses offres deservice d�approvisionnement en eau : puitsfamiliaux, puits des voisins, sources, collectedes eaux de pluie, porteurs d�eau, charretiers,bornes-fontaines, forages équipés de pompesmanuelles, raccordement au réseau général dedistribution d�eau...

L�analyse du service de l�eau ne peut seréduire au seul réseau de distribution, surtoutpour les usagers à faibles revenus dont toutesnos enquêtes montrent qu�ils réalisent chaquejour un arbitrage entre l�eau du réseau sous sesdiverses formes, relativement chère et de bonnequalité (branchement particulier, borne-fontaine) et des ressources alternatives peucoûteuses mais de qualité parfois médiocre(puits, rivières, sources, pluie...).

Cet arbitrage dépend bien entendu desrevenus monétaires de la famille, mais aussi deses disponibilités en temps (acheter l�eau à unporteur est coûteux mais le temps économisé

peut permettre de gagner plus d�argent quen�en a coûté la fourniture d�eau) et de ladisponibilité en eau auprès des diversprestataires (qui varie en fonction des pluies,des coupures de pression dans le réseau...).

Des facteurs plus qualitatifs (goût de l�eau,qualité supposée de l�eau du réseau, relationssociales avec les voisins...) ont également uneinfluence sur le choix des familles, mais le poidsde ces facteurs plus subjectifs est parfoissurestimé par les experts, faute d�une analysesuffisante des facteurs de choix objectif desfamilles pauvres (prix, distance, disponibilité,pénibilité d�accès,...).

4.2. Dans chaque pays, il existeun opérateur« monopolistique »

Il existe un opérateur en situation de monopolepour la distribution d�eau en ville

Il existe dans chacune des 10 capitales quenous avons étudiées un opérateur« monopolistique », c�est-à-dire une entrepriseà laquelle l�Etat a concédé le service de l�eau(dans certains pays, l�autorité concédante peutaussi être la Municipalité, mais cette situationest beaucoup moins courante en Afrique qu�enAmérique latine par exemple)

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Il s�agit parfois d�une concession au senspropre, avec ce que cela implique en termesd�investissement et donc de prise de risque parl�entreprise. Plus fréquemment, l�entreprise sevoit confier l�exploitation d�un réseauappartenant à l�Etat (sous couvert d�une sociétéde patrimoine, comme la SONES au Sénégal)avec un contrat d�affermage ou de délégationde gestion.

Qu�elles soient publiques ou privées, cesentreprises ont revendiqué et ont obtenu lemonopole de la vente d�eau dans la capitale etdans les principales villes de ces 10 pays. Cemonopole ne s�étend pas au milieu rural et auxpetites villes (généralement considérées commepeu « rentables ») ni à la production d�eau,car les industriels et les particuliers sontpratiquement toujours autorisés à produire del�eau pour leurs propres besoins (puits, for-ages).

L�opérateur concessionnaire concentreson activité dans la capitaleCe type d�opérateur, qu�il soit public (comme laNWSC en Ouganda) ou privé (comme la SdEau Sénégal) assure l�essentiel de son activitédans la capitale (70 à 90 % du chiffred�affaires).

Cela s�explique aisément : la capitalerassemble une part importante de la populationdu pays, mais aussi c�est la région quiconcentre les familles à revenus élevés.

Ce concessionnaire concentre son offresur le raccordement domiciliaireLe standard de service proposé par l�entrepriseconcessionnaire (un raccordement domiciliaire)correspond bien à cette clientèle relativementaisée.

Néanmoins, la desserte par branchementsdomiciliaires ne touche qu�une fraction réduitedes familles (moins de 40 %, sauf à Dakar,Nairobi et Abidjan) et donc très peu de famillespauvres (voir figure ci-après).

Les bornes-fontaines, un enjeu majeurpour la desserte des familles pauvresLe réseau de distribution exploité par l�entreprise« monopolistique » dessert surtout desbranchements particuliers, mais aussi desbornes-fontaines, qui constituent un mode dedistribution très apprécié des familles pauvres,car il leur permet d�acheter l�eau par petitesquantités, en fonction des disponibilitésmonétaires.

Les bornes-fontaines payantes constituent unoutil de desserte très efficace, particulièrementdans les villes où les ressources en eau sontlimitées, car elles limitent le gaspillage etpermettent de mieux répartir l�eau disponibleentre la majorité des familles

La figure ci-dessous représente le taux dedesserte dans les 10 capitales étudiées. Chaquecompagnie calcule ce taux de desserte d�unemanière qui lui est favorable, mais nous avons

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rendu les résultats comparables en utilisant lemême mode de calcul : 10 personnes alimentéespar un branchement particulier (BP) et 20 litrespar jour et par usager d�une borne-fontaine.

On voit ainsi que, parmi les 10 capitalesétudiées, celle qui offre le meilleur taux dedesserte est Ouagadougou (86 %), malgré unefaible dotation globale par habitant (à peine 34litres/jour.hab), parce que l�ONEA distribueune part considérable de son eau (un tiers) autravers des bornes-fontaines, ce qui lui permetd�alimenter 60 % des familles, en plus desquelques 27 % alimentées directement par desbranchements à domicile.

Par contre, des villes comme Cotonou,Conakry et Dar es Salam, où le service desbornes-fontaines est peu fonctionnel, ont destaux de desserte par le réseau public très faibles(moins de 40 %).

La desserte par bornes-fontaines est aussiparticulièrement efficace à Nouakchott, où lesfontainiers sont considérés comme de véritablesexploitants, qui réalisent des investissements(citernes) pour accroître leur volume d�activité,malgré les coupures de pression.

Les entreprises concessionnairesfournissent la totalité de l�eau duréseau...Dans les 10 capitales étudiées, les entreprisesconcessionnaires exploitent le réseau primaireainsi que les unités de production d�eaupotable, qu�il s�agisse de traitement d�eaux desurface (Dakar, Conakry, Bamako, Dar EsSalam, Ouagadougou) ou de forages (Dakar,Cotonou, Abidjan, Nouakchott). Aucune deces entreprises n�achète l�eau auprès d�un autrefournisseur. Mais les ressources en eau alterna-tives abondent

Dans les 10 villes, il existe des foragesprivés motorisés (notamment pourl�alimentation des industries) et dans certainesd�entre elles (Kampala, Nairobi, Dar es Salam,Ouagadougou, Bamako), ils servent égalementà l�approvisionnement des familles, parl�intermédiaire de camions (Dar EsSalam, Nouakchott, Nairobi) ou par celui debornes-fontaines (Bamako, Ouagadougou) oude branchements privés (Kampala).

Il existe également une multitude de pointsd�eau à petit débit, qui couvrent les besoins dequelques familles, mais dont la productionglobale dépasse celle du réseau dans certainesvilles :

� des forages équipés de pompes manuelles(Ouagadougou, Bamako) ;

� des sources (Yaoundé, Kindia) ;

� des rivières (Bamako, Niamey) ;

� des puits privés (Dakar, Bamako, Conakry,Ouagadougou) ;

� la collecte de l�eau de pluie (Conakry,Abidjan, Dar es Salam).

Les puits de concession jouent un rôleparticulièrement important car ils alimententdirectement 30 à 70 % des familles urbaineset notamment (mais pas exclusivement) cellesdes quartiers périphériques, même dans uneville où le taux de desserte est élevé commeDakar. Une grande partie des usagers ne les

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LES OPÉRATEU

RS IND

ÉPEND

ANTS D

ES SERVICES D

E L�EAU ET D

E L�ASSAINISSEM

ENT

Le service public de l'eau dans les 10 villes étudiées

en grisé, les dessertes les plus fortes

Bénin Burkina Côte d�Ivoire Guinée Kenya Mali Mauritanie Ouganda Sénégal TanzanieCotonou Ouagadougou Abidjan Conakry Nairobi City Bamako Nouakchott Kampala Dakar Dar Es Salam

population concernée 1 240 000 1 200 000 2 800 000 1 200 000 2 100 000 1 050 000 700 000 1 100 000 2 200 000 2 830 000

Nom du concessionnaire SBEE ONEA SODECI SEEG Nairobi City EDM SONELEC NWSC SDE DAWASA(ex NUWA)

Statut du concessionnaire ayant le monopole EPIC Office public privé privé Municipal EPIC Soc.Nation parastatal privé parastatal

en charge électricité oui non non oui non oui oui non non non

en charge assainissement non oui oui non oui non non oui oui oui

volume produit m3/jour 34 000 255 342 90 000 400 000 77 000 40 000 100 000 210 000 204 000

vol.régulièrement distribué m3/jour 24 000 33 787 201 644 54 000 200 000 42 000 35 000 51 000 168 000 95 880

taux de pertes, vols,�. m3/jour 29% 21% 40% 50% 45% 13% 49% 20% 53%

dotation par hab. l/j.hab 19 28 72 45 95 40 50 46 76 34

nbre branchements part. (BP) 34 000 27 693 213 400 35 000 150 000 18 000 13 367 40 000 157 000 88 442

nombre de BP par 1000 habitants BP/1000 h. 27 23 76 29 71 17 19 36 71 31

nombre de bornes fontaines (BF) 0 482 142 120 1500 700 242 528 1240 0

volume distribué par les BF m3/jour 0 11 749 1 000 650 500 4 000 4 200 1 090 6 000 0

part du volume total fourni via les BF % 0% 35% 0% 1% 0% 10% 12% 2% 4% 0%

dotation unitaire par BF m3/jour 0.0 24.4 7.0 5.4 0.3 5.7 17.4 2.1 4.8 0.0

taux de desserte par branchements (10 hab/BP) % 27% 23% 76% 29% 71% 17% 19% 36% 71% 31%

taux de desserte par les BF (avec 20 l/j.hab) % 0% 49% 2% 3% 1% 19% 30% 5% 14% 0%

solde (non concerné par service public) % 73% 28% 22% 68% 27% 64% 51% 59% 15% 69%

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utilisent pas pour l�eau de boisson, car ellesles considèrent comme pollués, maisseulement pour la lessive et le bain. Ellesconstituent cependant une ressource trèsappréciable pour les familles pauvres, quipeuvent ainsi n�acheter que des quantitéslimitées d�eau «du réseau».

4.3. En aval de cet opérateurmonopoliste, la revente de détailest généralisée

Dans ces 10 capitales, on observe un fortcontraste entre la situation de quasi-monopole« amont » (dans la production d�eau parpompage) et la distribution de détail assuréepar une très large palette d�opérateursindépendants qui relaient le service offert par le« monopole » auprès des nombreux usagersqui ne sont pas raccordés au réseau, soit parcequ�ils en sont trop éloignés, soit parce qu�ilsn�ont pas les moyens de payer unraccordement, soit parce que celui-ci leur a étérefusé parce que leur quartier est considérécomme « illégal ».

Importance et diversité de la revente audétailDans toutes les villes africaines, il existe une trèsforte demande pour la vente d�eau au détail(c�est-à-dire pour la vente de petits volumesd�eau, compris entre 10 et 200 litres).

Cette revente peut être assurée par destransporteurs qui livrent à domicile par desmoyens très divers :

� porteuses d�eau à Bamako ou Port-au-Prince,

� pousse-pousses à Ouagadougou, Bamako,Cotonou ou Conakry,

� charrettes à Nouakchott, Dakar, Bamako

� conduites flexibles à Abidjan ouNouakchott,

� camions à Port-au-Prince, Dar es Salam,Nouakchott ou Nairobi.

Mais de nombreuses familles pauvrespréfèrent se déplacer directement jusque chez lerevendeur (fontainier, abonné revendeur,exploitant de puits ou de forage) pour obtenirde l�eau à un prix plus modeste.

La place accordée aux bornes-fontainesvarie beaucoup d�une compagnie àl�autre

La clientèle des bornes-fontaines estprincipalement constituée de familles pauvres.La place accordée à celles-ci dans l�ensembledu service donne donc une indicationimportante sur la stratégie de desserte que lacompagnie pratique.

Le diagramme ci-dessous montre quel�ONEA (Ouagadougou) et la SONELEC(Nouakchott) distribuent une part trèsimportante de l�eau par des bornes-fontaines,alors que ce service est marginal pour la SBEE(Cotonou) ou la SEEG (Conakry).

Le cas de la SdE (Dakar) est un peuparticulier : celle-ci distribue une fraction

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relativement faible de l�eau par des bornes-fontaines, mais comme celles-ci sont trèsnombreuses (près de 1 300) et que de trèsnombreux usagers ont un branchementdomiciliaire, les bornes-fontaines alimentent lamoitié des familles non raccordées.

Les détaillantsLa revente au détail la plus connue est cellepratiquée aux bornes-fontaines, mais elle estaussi assurée par de simples abonnés et elle sefait alors de manière clandestine (mais tolérée),sauf en Côte d�Ivoire, où la SODECI a engagéune politique originale de reconnaissance deplusieurs centaines d�abonnés revendeurs« agréés ».

En fonction du type de contrat passé entreles revendeurs et l�entreprise concessionnairedu service de l�eau, on distinguera donc :

� les gérants de bornes-fontaines(particulièrement nombreux à Dakar,Bamako et Ouagadougou) sont des petitscommerçants qui exploitent une borne-fontaine dont l�investissement a été réalisépar l�entreprise concessionnaire ;

� les abonnés revendeurs agréés(Abidjan) sont des micro-entrepreneurs quiréalisent eux-mêmes certains investissements(extensions et construction de la bornefontaine) et qui ont passé un contrat officielde revente qui devrait leur offrir la garantiede ne pas être expropriés (ce qui n�est pastoujours le cas) ;

� les abonnés revendeurs clandestins(particulièrement nombreux à Conakry,Cotonou et Nairobi) ne sont pas considéréscomme des professionnels, bien qu�ilsapprovisionnent une part importante de lapopulation de ces 3 villes.

Les transporteurs d�eauDans de nombreux quartiers périphériques (etaussi dans ceux qui sont implantés dans deszones défavorables : sommets de collines, bas-fonds...) il n�y a pas de réseau de distribution et

les points d�eau publics sont alors très éloignés.Une grande partie des familles sont obligéesd�aller chercher l�eau à plusieurs centaines demètres (voire plusieurs kilomètres) et cela créece marché très dynamique de la livraison d�eauà domicile.

Dans les quartiers mal approvisionnésdes grandes villes, la livraison d�eau àdomicile tend à se généraliserDans des villes comme Nouakchott,Ouagadougou ou Bobo Dioulasso, plus de 80% de l�eau vendue aux bornes-fontaines estvendue à des charretiers et non à desparticuliers. Contrairement à ce que l�onobserve en milieu rural, ce ne sont pas des filesde jeunes filles que l�on voit aux bornes-fontaines, mais des groupes de charrettes ou depousse-pousses, qui se disputent d�ailleurs leprivilège d�être servis les premiers. Cescharretiers vont ensuite porter l�eau au domiciledes usagers.

Le coût de l�eau livrée à domicile estévidemment plus élevé que celui de l�eauachetée directement à la borne-fontaine.Pourquoi alors tant de familles des grandesvilles se font-elles livrer l�eau? Ce type deservice nous semble se développer rapidement,alors qu�il est plus marginal en milieu rural.Plusieurs facteurs expliquent cette tendance :

� l�économie des ménages est nettement plusmonétarisée en milieu urbain (tout se vendet s�achète et les familles ne disposent pasd�importants revenus non monétaires -récoltes - comme en milieu rural) ;

� les distances à parcourir pour trouver del�eau peuvent être fort importantes danscertains quartiers marginaux que les famillespauvres ont occupés parce qu�ils étaient« libres de droits fonciers », mais où il n�yavait pas d�eau alors qu�aucun village n�ajamais été construit loin de l�eau ;

� l�importance de la demande permet à desopérateurs privés de se spécialiser et d�en

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tirer un revenu permanent (mais avec unebaisse sensible d�activité durant la saisondes pluies).

Le recours aux transporteurs constitue unedifférence radicale avec le milieu rural, où lesopportunités de travail rémunéré sont beaucoupplus rares. Les familles pauvres en milieu ruraldisposent donc presque chaque jour d�unemain d��uvre « sous-employée » (souvent lesjeunes filles et les enfants) qu�elles envoientchercher de l�eau. En ville, des familles derevenu équivalent, préféreront souvent se fairelivrer l�eau à domicile et mobiliser les actifsfamiliaux pour des activités mieux rémunérées.

La généralisation de ce service de livraisonà domicile est probablement l�un des facteursqui ont conduit à la désaffection des pompesmanuelles dans ces grandes villes. En effet, lescharretiers recherchent des pointsd�approvisionnement à fort débit, même s�ilssont payants, plutôt que des pompes manuellesgratuites, mais à partir desquelles il est long deremplir un fût de 200 litres.

Une autre clientèle importante pour lestransporteurs (camions et charrettes) est celle defamilles aisées, mais qui ne sont pas alimentéespar le réseau, soit parce qu�elles habitent desquartiers non desservis, soit parce que lescoupures sont trop longues.

4.4. La diversité de la demandefavorise les opérateursindépendants

Les opérateurs privés peuvent plus facilementoffrir une grande diversité de services, adaptéeà une grande diversité de demande, alors queles grands opérateurs monopolistiques sontfreinés par un cahier des charges souventrestrictif et mal adapté à cette demande

diversifiée, car il a été établi pour des standardsde desserte de pays industrialisé.

La clientèle des opérateurs privés du secteurinformel n�est pas limitée aux habitants desquartiers pauvres ou irréguliers qui constituentla population « cible » du présent programme.Au contraire, une bonne partie du chiffred�affaires des opérateurs indépendants estréalisée avec les classes moyennes, voire avecles villas les plus luxueuses, récemmentconstruites dans des quartiers non desservis parle réseau. Ces familles à hauts revenus con-stituent par exemple la principale clientèle descamionneurs de Nairobi qui pratiquentd�ailleurs des tarifs très élevés.

Les opérateurs indépendants sont doncamenés à offrir toute une gamme de services,pour répondre à une demande très diversifiée,depuis des clients à hauts revenus, exigeants enterme de qualité de l�eau et qui en achètent degrandes quantités jusqu�à des clients pauvres,qui achètent irrégulièrement de très petitesquantités d�eau, après avoir épuisé lespossibilités d�un approvisionnement « gratuit »(fuites du réseau, piquages clandestins, puits,pluie, rivières... ).

Les clients à hauts revenus serontvraisemblablement raccordés au réseau àmoyen terme, à la fois parce que leurspropriétaires constituent une clientèle solvableet parce qu�ils ont souvent une influencepolitique suffisante pour provoquer l�extensiondes réseaux vers leurs lotissements.

Par contre, les quartiers irréguliers, quiconstituent une proportion croissante de lapopulation des grandes villes, ne serontprobablement pas raccordés au réseau dans lesannées à venir et dépendront donc encorelongtemps des opérateurs indépendants pourleur approvisionnement en eau.

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4.5. Les forages indépendantssont encore peu nombreux

Si la revente de l�eau est très largementpartagée entre le secteur formel et le secteurinformel, il n�en est pas de même pour laproduction d�eau destinée à la distribution.

Dans les 10 capitales étudiées, nousn�avons observé de forages privés revendant del�eau qu�à Nairobi et Ouagadougou, alors quece type de service est très développé dansd�autres régions du monde (Haïti, Yémen,Paraguay).

Les puits sont par contre très nombreux dansla plupart des villes africaines mais leur pro-duction n�est généralement pas vendue. Lesseuls puits payants ont été répertoriés à Bamakoet Ouagadougou, et encore s�agit-il d�uneactivité saisonnière et qui ne bénéficie pasd�une bonne image sociale, car il estgénéralement considéré que l�on ne doit pasvendre l�eau de son puits.

4.6. La répartition géographiquede l�activité des opérateursindépendants

Les opérateurs indépendants sontparticulièrement dynamiques dans les zonesd�extension récente des villes, où leconcessionnaire n�a pas encore étendu sonréseau et où résident des familles pauvresrécemment arrivées du monde rural et quiconservent souvent une petite activité agricole.

Cependant, ils desservent égalementcertaines familles des quartiers «modernes» ducentre ville, trop pauvres pour payer unraccordement privé, et les quartiers marginaux(zones inondables, coteaux�), où s�installentdes familles pauvres qui ont un travail dans lecentre ville.

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4.7. Schéma de synthèse de lafilière

La figure de la page suivante illustre la diversitédes sources d�approvisionnement et desopérateurs intermédiaires qui approvisionnenten eau les populations pauvres des grandesvilles africaines.

Dans toutes les villes africaines, on observele couplage du réseau primaire (géré par unopérateur principal, en position de monopole)et d�une grande diversité d�opérateursindépendants qui revendent l�eau en aval, soiten la livrant à domicile (pousse-pousses,charretiers, camions), soit dans des points devente fixes (bornes-fontaines, citernes).

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5. Les différentes filières d�assainissement(eaux usées)

Le ramassage des ordures ménagères et ledrainage des eaux pluviales ne faisaient pasdirectement partie du présent programme derecherche. Toutes les entreprises qui ont étéétudiées interviennent donc dans les domainesde l�évacuation et du traitement des eaux uséeset des excréta.

5.1. Il n�y a pas d�opérateur quirevendique le « monopole »pour l�assainissement

Contrairement à ce que nous avons vuconcernant l�eau potable, il n�existe dansaucune des 10 villes étudiées un opérateur quise trouve en position de monopole officiel pourles services d�assainissement.

Même à Dakar, où il existe un opérateurnational de grande envergure (l�ONAS : OfficeNational d�Assainissement), celui-ci nerevendique aucun monopole, car il estparfaitement conscient de la faible rentabilitédes systèmes d�assainissement collectif (quigénèrent peu de recettes et des charges trèsimportantes) et n�est donc pas mécontent de

voir une large partie des usagers résoudre leursproblèmes d�assainissement par des dispositifsindividuels, en mobilisant des opérateursindépendants.

Les usagers eux-mêmes semblent avoirintégré l�idée que l�Etat n�assure pas etn�assurera pas à brève échéance des servicesd�assainissement satisfaisants et qu�ils doiventdonc s�adresser à des opérateurs indépendants.Ceci explique la faible mobilisation deshommes politiques en ce domaine, alors qu�enmatière d�eau potable, il sont obligés de tenircompte des fortes revendications de lapopulation pour un service public de qualité.

5.2. Un assainissement surtoutindividuel

L�absence quasi totale de réseau d�égouts (àl�exception des villes de Dakar, Abidjan,Conakry et Nairobi) entraîne automatiquementle foisonnement des solutions d�assainissementindividuel (puisard, latrines, fosses septiques,...)dont on trouvera une analyse comparative dansles tableaux ci-après.

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5.3. Des filières d�assainissementadaptées aux revenus desfamilles

Pour vidanger les produits qui s�accumulentdans les fosses et les latrines, les famillespeuvent s�adresser à différents prestataires de

service, du plus élémentaire au plussophistiqué, chacun d�entre eux correspondantparfaitement à une gamme de demande (typede fosse, accessibilité de la maison) et à uncertain niveau de revenus des familles.

� Dans les zones périphériques des grandesvilles, la vidange des fosses reste souvent,comme à la campagne une activitéfamiliale : dans ces quartiers, ce sont lesfamilles elles-mêmes qui assurent l�essentieldes tâches d�assainissement, en creusant eten vidant les fosses et en enterrant les bouesdans les concessions ou en rebouchantsimplement les fosses quand elles sontpleines (ce que permet souvent la grandetaille des concessions de ces quartiers oùl�habitat est relativement lâche).

� Dans les quartiers populaires plus denses (etsouvent plus proches du centre ville), lavidange est souvent effectuée par desartisans qui travaillent à la main (àDakar, on les appelle « baye pelle », ce quisignifie « l�homme à la pelle »). Ils enterrentgénéralement le produit des vidanges dansla concession elle-même ou dans les ruellesavoisinantes (au risque de litiges avec les

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Un couple d�artisans vidangeurs du quartier de Fass Delorme (Dakar)Ces deux artisans travaillent généralement ensemble, car c�est plus facile pour vidanger lesfosses. Leur clientèle régulière est constituée par la centaine de concessions de ce petit quartier(soit un millier de personnes), plus quelques clients occasionnels dans d�autres quartiers(contactés par le � bouche à oreille �), ainsi que des opérations ponctuelles de curaged�égouts, mais qui ne constituent qu�une part limitée de leur chiffre d�affaires. Par contre, laréparation des fosses constitue pour eux une activité importante.

Les clients demandent deux types de prestation : une vidange complète, annuelle, qui estfacturée environ 15 000 FCFA (pour une fosse de 8 m3 en moyenne), ou une vidange partielle, àrépéter tous les 2 ou 3 mois, et qui est facturée 3 000 FCFA.

Les boues sont généralement enterrées sur place, dans la concession (si celle-ci est assezvaste et sa cour non bétonnée) ou dans la ruelle devant la concession, ce qui provoque lesprotestations des voisins et parfois une verbalisation par les agents du service de l�hygiène (maisce baye pelle parvient généralement à éviter l�amende, en payant éventuellement un pot de vinà l�agent).

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voisins ou les agents de l�administration).Cette prestation est assez coûteuse (15 à 25US$ par vidange) mais peu fréquente, carces fosses sont généralement nonmaçonnées et absorbent donc les produitsliquides (ce qui justifie d�ailleurs le recours àdes vidangeurs manuels, car ce sont desdépôts très compacts qui s�accumulent).Dans une seule ville (Nairobi), le consultanta observé des artisans évacuant les boues

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Un GIE exploitant deux camionsvidangeurs à Bamako

Le GIE Sema Sanya est actif dans plusieursdomaines liés à l�assainissement : collectedes ordures (son activité d�origine), ventede poubelles, gestion d�une latrinepublique et vidange des fosses et latrines.Cette dernière activité est maintenant laprincipale (45 % du chiffre d�affaires).

Le GIE a démarré cette activité grâce àune subvention de 10 millions de F CFA del�ACCT qui lui a permis d�acquérir uncamion d�occasion en juillet 1995. Deuxans plus tard, devant le succès commercialde cette activité, il décidait d�acquérir unsecond camion, financé sur fonds propres(6 millions) et grâce à un prêt de 5 millionsde la BMCD, remboursé en un an. Lesuccès continue et le GIE envisage l�achatd�un troisième camion courant 1999.

La clientèle du GIE est surtout constituéede particuliers, qui paient entre 8500 et15000 F CFA pour une vidange complète(tarif modulé en fonction de la distance).Un nombre important de clients sontapportés par des intermédiaires, les� coxers �. Il y a relativement peu declients � abonnés �, parce que lesvidanges sont fort espacées dans le temps(pas plus d�une vidange par an). Les clientspaient comptant.

en charrettes plus loin des concessions etceci s�explique certainement par la densitéde population extrêmement forte dansl�immense bidonville de Kibera.

� Dans les quartiers dits « modernes », ou« résidentiels », la vidange des fosses (quisont généralement maçonnées et doncétanches) est effectuée par des camions,ce qui permet de transporter les boues auloin (ce qui réduit les nuisances olfactives)mais cette prestation revient plus cher (20 à60 US$, avec une fréquence de vidange desfosses beaucoup plus élevée : une ou deuxfois par an). Le coût plus élevé de ceservice est à la portée des familles aisées.

L�activité des vidangeurs, qu�elle soitmanuelle ou motorisée, est très saisonnière. Elleatteint son maximum pendant la saison despluies (beaucoup de fosses débordent parcequ�elles sont envahies par les eaux de pluie).L�activité se réduit fortement en saison sèche etcertaines entreprises convertissent alors unepartie de leurs moyens dans d�autres activités(comme le transport d�eau ou la maçonnerie).

5.4. Les entreprises typiques dusecteur de l�assainissement

Les camions vidangeursLes fosses maçonnées et celles des quartiersrésidentiels sont vidangées par des camionsciternes (6 à 10 m3 généralement) équipés depompes à vide. La grande majorité descamions sont des véhicules d�occasion, achetésen Europe à un prix (25 000 US $) qui nereprésente que le quart du prix d�achat d�uncamion neuf.

Il existe une dizaine d�entreprises de ce typedans chacune des villes étudiées, chacunepossédant moins d�une demi-douzaine decamions. Il s�agit d�entreprises formelles, car lescamions sont soumis à un contrôle permanentdes services de l�Etat (barrages de police ou de

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LES OPÉRATEU

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Typologie des ouvrages d�assainissement individuel et de leur mode d�entretien

Les types sont classés par ordre de complexité croissante et de coût d�investissement croissant

clientèle investissement mode d�entretien fréquence charges d�entretien enen US $ US $ par an

Type 1 Simple fosse, non maçonnée, non dallée

Il s�agit d�une fosse creusée à la main, non Ce type d�ouvrage est Si la concession est vaste, on se contente de Terrassier ou 10 $ mais cette dépensemaçonnée, et recouverte de quelques planches. particulièrement fréquent en reboucher la fosse et d�en ouvrir une autre. Ce travail main d��uvre est peu monétarisée carCette fosse recueille généralement les excréments et milieu rural et en zone 30 peut-être fait par des membres de la familles ou confié familiale tous les ce travail mobilise de latoutes les eaux vannes, plus une partie des ordures périurbaine. Il exige des 60 à un terrassier deux ans main d��uvre familiale

concessions relativementvastes

Type 2 Latrine non maçonnée, mais dallée + puisard pour les eaux vannes

La fosse non maçonnée est pourvue d�une dalle de Ce type d�ouvrage est Les dépôts au fond de la fosse sont compacts (l�eau Vidangeur manuelbéton et parfois équipée d�un trou d�homme. Le particulièrement fréquent en 50 s�est infiltrée) et la vidange est confiée à un vidangeur tous les ans ou 15puisard, complètement indépendant, est rempli de zone périurbaine, où les 100 manuel. Le puisard s�engorge parfois et doit être vidé, tous les deux ans 20grosses pierres pour éviter son effondrement concessions sont assez vastes par la famille ou par un vidangeur manuel

Type 3 Latrine maçonnée et dallée, utilisée comme fosses �toutes eaux�

La fosse est maçonnée, ce qui la rend étanche. Elle Ce type d�ouvrage est La fosse se remplit rapidement d�effluents liquides et Camion vidangeurrecueille souvent les eaux usées et se remplit alors particulièrement fréquent en sa vidange est généralement confiée à un camion une ou deux foisassez rapidement. Si elle est régulièrement milieu urbain, où il permet une 150 vidangeur. Les sédiments déposés au fond peuvent par an et 30vidangée, elle constitue une solution peu polluante économie de place dans les 300 nécessiter en plus l�intervention d�un vidangeur vidangeur manuel 50pour l�environnement petites concessions manuel. tous les deux ans

Type 4 Latrine ou WC aboutissant à une fosse maçonnée, raccordée à un puisard

La fosse maçonnée peut être reliée directement à Ce type d�ouvrage est La fosse se remplit d�effluents assez liquides et sa Camion vidangeurun puisard qui recueille le trop plein d�eau, ce qui particulièrement fréquent en 300 vidange est généralement confiée à un camion. Les une fois par an et 30réduit la fréquence des vidanges milieu urbain ou pour les 800 sédiments déposés au fond peuvent nécessiter en vidangeur manuel 50

bâtiments publics (écoles, plus l�intervention d�un vidangeur manuel, appartenant tous les deux anscentres de santé) parfois à la même entreprise que le camion, mais ce

n�est pas du tout systématique

Type 5 Assainissement moderne (pré-fosse, fosse septique, dispositif d�infiltration)

Une fosse septique étanche comprend au moins Ce type d�ouvrage est La pré-fosse est vidée à la main régulièrement et la La préfosse doitdeux compartiments interconnectés. Pour être particulièrement fréquent pour 800 fosse elle-même ne peut être vidée que par un camion être entretenueefficace, elle doit être précédée d�une pré-fosse qui les villas modernes. Son coût 3000 car elle ne comporte généralement pas de trou régulièrement 15recueille les graisses et les sédiments et d�un est disuasif pour la majorité des d�homme mais la fosses 25dispositif d�infiltration en aval (puisard ou tranchée familles. n�est vidée qued�infiltration). C�est le seul dispositif permettant une tous les trois àvéritable auto-épuration. cinq ans

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gendarmerie, qui contrôlent leurimmatriculation, leurs assurances...).

La majorité des entreprises de ce secteurexercent simultanément d�autres activités detransport (transport d�eau pour les chantiersnotamment), de construction oud�assainissement, ce qui leur permet de limiterl�impact de la morte saison (peu de clientsdurant la saison sèche).

Les vidangeurs manuelsLa vidange manuelle des fosses et des puisardsest une activité extrêmement pénible etinsalubre, généralement assurée par des jeuneshommes du quartier. Ils travaillent généralementà deux (un homme creuse pendant que l�autreévacue les déblais) avec un outillage trèssimple (pelle, seau, corde) et sans aucunemesure de protection.

La vidange manuelle des fosses est l�activitéd�assainissement la plus répandue en Afrique etc�est d�ailleurs souvent la seule solutiontechnique accessible dans les quartiersdéfavorisés, soit parce qu�ils ne disposent pasde rues accessibles aux camions, soit parce queles familles utilisent des fosses non maçonnéesoù s�accumulent des déblais secs difficiles àévacuer avec une pompe aspirante.

Les maçons constructeurs de latrinesLa construction des latrines ne constituegénéralement pas une véritable spécialitéprofessionnelle. La plupart des maçons quiconstruisent des maisons individuelles peuventconstruire simultanément une latrine, à moinsque la famille ne construise elle-même unesimple fosse.

La ville de Ouagadougou constitue uneexception intéressante, dans la mesure où unambitieux programme d�amélioration del�assainissement individuel y a promu destechniques de construction améliorées, surlesquelles un certain nombre de maçons ont

fondé une nouvelle stratégie commerciale. Eneffet, les familles qui désirent bénéficier duprogramme (qui subventionne 20 à 30 % del�investissement) doivent s�adresser à un artisanagréé. Cette procédure d�agrément a ainsiconduit un certain nombre de maçons à sespécialiser sur ce marché.

Les toilettes et douches publiquesIl existe dans la plupart des grands lieux derassemblement (gares, marchés, stades,universités...) des toilettes publiques.

Celles qui sont gérées directement par desemployés municipaux sont souvent très malentretenues, voire complètement abandonnées,faute d�eau, et c�est pourquoi la plupart desmunicipalités des grandes villes ont décidé deconfier la gestion des toilettes à des opérateursprivés indépendants qui prennent unabonnement auprès de l�entreprise dedistribution d�eau, comme ils l�ont fait pour lesbornes-fontaines. Ces toilettes font l�objet decontrats d�affermage (quand il s�agitd�investissements publics), ou de véritablesconcessions (c�est-à-dire en laissant àl�entrepreneur la charge de construire lui-mêmeles infrastructures), comme c�est le cas àBamako ou Abidjan.

L�un des aspects intéressants de ces petitesentreprises est leur capacité à offrir une largegamme de services, pour répondre à lademande de leur clientèle (toilette, douche,vente d�eau et même salon de thé).

Quelques rares égouts à petit diamètreLes systèmes d�égouts à petit diamètre sontrelativement rares dans les grandes villesafricaines (au contraire de celles d�Amériquelatine).

Un seul exemple d�un tel système a étéétudié à Bamako et il semble relever davantaged�une organisation communautaire pouraméliorer l�environnement que d�une activité

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économique ou d�une démarcheentrepreneuriale.

5.5. Le curage des fossés etégouts

Le curage des fossés et des égouts constitue unmarché non négligeable pour les petitesentreprises de vidange, qu�il s�agisse decamions vidangeurs (pour le curage deségouts) ou d�artisans travaillant à la main(pour le curage des fossés).

Mais c�est un marché public, avec tous lesinconvénients de tels marchés (un caractère trèsformel, des procédures d�attribution pastoujours transparentes,...).

5.6. Où rejeter les boues ?

Les systèmes d�assainissement individuelrépondent bien à la demande des usagers, et àun coût abordable même pour les famillespauvres. Ils sont vraisemblablement la solutiond�assainissement la mieux adaptée aux zonesoù la densité de population reste inférieure à300 habitants à l�hectare, comme beaucoup depetites villes ou de zones périurbaines récentes.Quand les fosses sont pleines, les familleschoisissent généralement de les reboucher etd�en creuser d�autres, ou d�enterrer les produitsde vidange dans la concession, puisquel�espace ne manque pas.

Par contre, dans les zones denses (plus de300 habitants à l�hectare), il devient difficiled�enterrer les boues sur place et il faut lesévacuer.

Les vidangeurs manuels se contentent leplus souvent de les déposer ou de les enterrerun peu plus loin. Les camions vidangeurs (etc�est un de leurs grands avantages) lesévacuent généralement en dehors de la ville,mais comme il y a très peu de sites de décharge

autorisés, ils déposent les boues non traitéesdirectement dans le milieu naturel (marigot,dépressions...) ou éventuellement sur desparcelles agricoles.

5.7. Le traitement des effluents,un problème environnementalaigu

Les boues de vidange posent un problèmeenvironnemental aigu dans les 10 capitalesétudiées. Une seule ville (Cotonou) s�est dotéed�une station de traitement spécialisée dans lesboues de vidange, à l�initiative d�un exploitantprivé (SIBEAU). Mais la station de SIBEAU estencore loin de couvrir les besoins de la ville deCotonou.

D�autres villes (Dakar, Kampala, Abidjan...)ont institué des centres de vidange officiels, quine réalisent pas de véritable traitement adaptéaux boues de vidange, mais qui ont au moinsl�avantage de diriger les effluents vers des zonesmoins sensibles du point de vue sanitaire(comme la mer à Dakar).

Certaines villes (Bamako, Ouagadougou)n�ont mis en place aucun centre de vidangeapproprié et ce problème mal résolu ne sembleguère mobiliser ni les usagers (pourtant parfoisriverains de sites de décharge sauvage) ni lesélus municipaux.

5.8. Schéma de synthèse de lafilière assainissement

Dans la plupart des villes africaines, c�estl�assainissement autonome (fosses sèches,latrines, fosses septiques) qui prédominelargement (70 à 99 % des usagers, etpratiquement toutes les familles pauvres). Cesont des opérateurs privés qui assurentl�assainissement, en offrant une gamme deservices adaptés aux besoins et aux ressourcesdes différentes catégories sociales.

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Les camions vidangeurs. Les fossesmaçonnées et celles des quartiers résidentielssont vidangées par des camions citernes (6 à10 m3 généralement) équipés de pompes àvide.

Les vidangeurs manuels vidangent lesfosses et puisards à la main. Leur service estparticulièrement adapté aux quartiersdéfavorisés, où les ruelles sont impraticablesaux camions vidangeurs et où les fosses, nonmaçonnées, se prêtent mal à la vidangemécanique.

Les maçons constructeurs de latrinesne constituent généralement pas une véritablespécialité professionnelle. La plupart desmaçons qui construisent des maisonsindividuelles peuvent construire simultanémentune latrine, à moins que la famille neconstruise elle-même une simple fosse.

Les toilettes et douches publiques ontété confiées dans la plupart des grandes villes àdes opérateurs privés indépendants, souscontrat d�affermage ou de concession. Il enexiste dans la plupart des grands lieux derassemblement (gares, marchés, stades,universités,...).

Le curage des fossés et des égoutsconstitue un marché non négligeable pour lespetites entreprises de vidange, qu�il s�agisse decamions vidangeurs (pour le curage deségouts) ou d�artisans travaillant à la main(pour le curage des fossés).

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6. Les métiers de l�eau et de l�assainissement

Il existe d�innombrables créneaux commerciauxet donc de très nombreux métiers exercés parles opérateurs indépendants de l�eau et del�assainissement. Selon le contexte économiqueet institutionnel de la ville, certains de cesmétiers sont particulièrement développés, tandisque d�autres n�ont qu�une importancemarginale.

Cependant, quelques-uns uns de cesmétiers se retrouvent dans la plupart des villeset constituent la principale offre de service dansles quartiers pauvres ou périphériques. Nousallons les décrire l�un après l�autre, enanalysant leur clientèle, leur démarchecommerciale, leurs moyens techniques et leurcompte d�exploitation.

6.1. Les gérants de bornes-fontaines

Ces gérants sont très nombreux en Afrique (il yen a par exemple 1300 à Dakar, 700 àBamako �). Pourtant, ce métier estrelativement récent, car les bornes-fontainesétaient à l�origine gratuites et libres d�accès.C�est la croissance rapide de la populationurbaine et la monétarisation de l�économie quia transformé ces fontaines en des points devente d�eau. Les 10 pays étudiés ont connu la

même évolution historique de leur service«bornes-fontaines » :

� une phase initiale de service public gratuit(pas de fontainiers) où les fontaines étaientouvertes à tous, sans aucune restriction ;un tel système n�est plus guère fonctionnelqu�à Sao Tomé ; Ailleurs, la gratuité a étéremise en cause quand la populationurbaine a dépassé 5 % de la populationnationale, car ce service gratuit entraînaitalors de trop lourdes charges pour lesfinances publiques ;

� durant une deuxième phase, les bornes-fontaines ont alors été petit à petitabandonnées (comme au Bénin ou enHaïti) ou confiées aux Municipalités,chargées de recouvrir le coût de l�eauconsommée, par des taxes ou par la reventeau détail (via des fontainiers communaux) ;ce système existe encore au Cap Vert, mais ila disparu ailleurs, car la plupart desmunicipalités ont éprouvé beaucoup dedifficultés à organiser la vente et donc àpayer régulièrement leurs factures d�eau, cequi entraînait la fermeture progressive desbornes ;

� une phase (actuelle) de concession desbornes-fontaines à des exploitants privés ;

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elle est engagée depuis 5 à 15 ans dans les10 pays étudiés et elle a permis laréouverture et la construction denombreuses bornes.

Du point de vue de la démarcheentrepreneuriale, il importe de bien distinguerdeux types de bornes-fontaines :

� Soit il s�agit d�un ouvrage public, financépar l�Etat, dont l�entreprise de distributiond�eau confie la gestion à un fontainier ; cedernier est souvent un notable, choisi par laMunicipalité pour sa respectabilité plutôtque pour son dynamisme commercial ; ilgère alors la borne comme une rente desituation ;

� Soit il s�agit d�un investissement privé (maisparfois construit sur un espace public),raccordé au réseau du distributeur officiel ;il a été réalisé à l�initiative d�un petitentrepreneur qui entend bien rentabiliser cetinvestissement et développer l�activité.

Les deux types de bornes-fontaines peuventcoexister dans la même ville (comme à Dakarou à Abidjan) et le contraste est alors frappantentre le dynamisme des entrepreneurs qui ontinvesti et qui cherchent à étendre leur clientèleet la passivité des notables qui se sont vuattribuer une borne dans des conditions pastoujours transparentes.

Un GIE de jeunes, gérant une bornefontaine à DakarPlusieurs dizaines de jeunes du quartier deFass Delorme ont créé une associationculturelle. Pour gagner un peu d�argent, ilsont construit une borne, raccordée auréseau de la SONES. C�est un notable duquartier qui a avancé l�argent nécessaire.Ils assurent la revente à tour de rôle etépargne l�essentiel des bénéfices pour leréinvestir dans d�autres équipementsgénérateurs de revenus (sonorisation,vidéo�)

6.2. Les abonnés revendeurs

Dans les 10 villes étudiées, de très nombreuxabonnés revendent de l�eau à partir de leurbranchement domiciliaire.

Cette pratique est parfois formellementinterdite (comme à Dakar ou Bamako), ce quine signifie pas d�ailleurs que les revendeursclandestins soient poursuivis. Mais elle peutaussi être clairement tolérée, voire encouragéecomme à Cotonou, Conakry ou Nairobi, oùl�entreprise concessionnaire semble avoirabandonné l�ambition de mettre en place unsystème fiable de bornes fontaines payantes. Larevente de voisinage n�est officialisée qu�enCôte d�Ivoire, où la SODECI a mis en placedes contrats spécifiques aux abonnés« commerciaux ».

Ces petits opérateurs desserventgénéralement une clientèle de voisinage(quelques familles, au maximum une centaine).Ce système est très développé à Cotonou etConakry, où le taux de desserte par la sociétéde distribution est très faible. Mais la revente devoisinage existe aussi, à une moindre échelle,dans les villes où le taux de desserte est élevé(comme Dakar ou Abidjan), car il y a toujoursdes quartiers défavorisés.

Le compte d�exploitationannuel de quelques gérants de

bornes-fontaines

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Investissements personnels (US $) 700

Nombre de clients quotidiens 2 547 2 750 2 750Volume vendu (en m3/jour) 49.0 52.9 5.0

Prix de vente aux usagers (en US $/m3) 0.43 0.38 1.92Prix d�achat de l�eau (en US $/m3) 0.31 0.31 0.42

Recette annuelle (en US $) 7 673 7 415 3 498

Dépenses annuelles (en US $)Achat d�eau 5 530 5 956 770

Impôts, taxes et assurances 33 Charges salariales 372 315 300

Entretien 108 300 27 Amortissement 140

Bénéfice annuel en US $ (y inclus la 1 663 844 2 228rémunération de l�exploitant)Bénéfice quotidien (US $/jour) 4.56 2.31 6.11

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Le cas de Abidjan mérite une mentionspéciale, car c�est la seule ville où cettepratique bénéficie d�une reconnaissanceofficielle. La SODECI (société de distributiond�eau) a ainsi « agréé » plusieurs centainesd�abonnés revendeurs qui distribuentprincipalement l�eau dans les quartiers mallotis, où il n�existe pas de réseau.

Les revendeurs d�eau réalisent eux-mêmestous les investissements nécessaires à leuractivité et dans certaines villes comme àCotonou ou Abidjan, cela peut représenter desmontants considérables.

D�une manière générale, les investisseursprivés participent d�ailleurs fortement à laconstruction des réseaux de distributionsecondaires et tertiaires, notamment dans lecadre de programmes privés de promotionimmobilière (à Dakar, par exemple,l�investissement privé dans ce domaine portesur 50 à 80 km de réseau par an, ce quireprésente plus de la moitié du linéaire posédans cette ville - données SdE).

La politique tarifaire des sociétés demonopole n�est pas très favorable à ce systèmede distribution d�eau. A Cotonou et Abidjan, lagrande majorité des revendeurs sont considéréscomme de simples particuliers et la SBEE leurapplique donc le tarif général, fortementprogressif avec le volume consommé, ce quipénalise les usagers de ces points de vente, quifont pourtant partie des familles pauvres.

La revente ne concerne d�ailleurs passeulement l�eau « du réseau ». Il y a aussi unerevente organisée à partir des puits. Pendantlongtemps, l�utilisation des puits est restée endehors de la sphère marchande. Chacunpouvait demander à son voisin l�autorisationd�utiliser son puits et un refus aurait été unmanquement grave aux obligations sociales dechacun. Mais les études qui viennent d�êtremenées à Bamako et Ouagadougou ontdémontré que la situation a bien changé.

Durant la saison sèche, de nombreuses famillesvendent l�eau de leur puits et certaines stockentmême cette eau dans des fûts pour la revendreaux charretiers.

6.3. Les porteurs et charretiers

� les porteuses d�eau : C�est un métierdur et mal rémunéré qui est encore trèsrépandu dans des villes très pauvrescomme Port-au-Prince (Haïti) mais quitend à disparaître en Afrique (ce quiconstitue un indice encourageant dedéveloppement économique, car ildisparaît sous la concurrence d�artisansmieux plus performants : les pousse-pousses) ;

� Les pousse-pousses sont particulièrementnombreux à Ouagadougou et Conakry ; Ils�agit de petites charrettes à bras aveclesquelles on peut transporter de 100 à 200litres d�eau ; le coût élevé de ce service ledestine plutôt à une clientèle à revenusmoyens ; les familles les plus pauvrespréfèrent souvent assurer le transport elles-mêmes, mais peuvent recourir aux pousse-pousses durant les périodes où elles ont uneactivité rémunérée ailleurs dans la ville ;

� Les charretiers utilisent la tractionanimale, (des ânes à Nouakchott, des

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

Une mère de famille, pousseuse àOuagadougouMme Kaboré (37 ans, quatre enfants)exerce ce dur métier 12 heures par jourdepuis 4 ans. Elle est propriétaire de sacharrette, achetée par son mari sur fondspropres. Elle achète l�eau à 0,1 US $ labarrique de 200 litres et la revend 3 ou 4fois plus cher. Elle effectue en moyenne 7rotations par jour, ce qui lui rapporte moinsde 2 US $ par jour, juste de quoi nourrir safamille.

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chevaux à Dakar) qui leur permet detransporter des quantités d�eau plusimportantes (200 à 500 litres), au prix d�uninvestissement plus élevé ; ils sont surtoutdans les grandes villes du Sahel (Bamako,Dakar, Nouakchott), où le bétail estabondant et n�est pas décimé par lesmouches tsé-tsé.

La livraison à domicile est un servicecoûteuxCes petits volumes d�eau sont généralementassez chers. L�eau livrée à domicile est facturéede 2 à 6 US $ par m3 et celle qui est vendueaux bornes fontaines est facturée de 0,6 à 1,5US $ par m3 (et même plus en Afrique de l�Est).Ces prix de vente sont donc beaucoup plusélevés que les prix payés par les abonnésdirectement raccordés, qui sont compris entre0,3 et 1 US $ par m3.

La livraison à domicile est un service quirépond à une forte demandeMalgré son coût élevé, ce type de service esttrès apprécié, car il répond bien à une fortedemande des usagers : disposer d�eaupotable, en petite quantité (les volumesachetés sont de l�ordre de 4 à 20 litres parjour et pas personne) chaque fois que lafamille en a besoin et qu�elle dispose desressources monétaires nécessaires. Or seulsles revendeurs privés fournissent ce type deservice.

Comme le portage d�eau revient cher, onpourrait donc croire qu�il ne concerne quedes familles à revenus élevés. Mais la réalitéest différente : le transport d�eau s�estdéveloppé dans les villes où le réseau estinsuffisamment développé (commeNouakchott, Ouagadougou ou Dar esSalam) et il concerne toutes les catégoriessociales, sans exception. Même les famillespauvres font appel à des charretiers, quandcela leur permet de gagner du temps qui

sera consacré à une autre activité plusrémunératrice que le transport.

Le prix élevé de ce service estparfaitement justifiéLe portage d�eau revient cher, mais on ne peutabsolument pas en déduire que ces prix soient« abusifs » et i ; est irréaliste de prétendre quel�on peut les réduire de manière autoritaire,dans la louable intention de faciliter l�accès àl�eau pour les familles pauvres. L�écart de prixconstaté entre les bornes-fontaines et lalivraison à domicile doit d�ailleurs êtrerelativisé :

� Il ne s�agit pas du même service (on ne peutcomparer le prix de l�eau à la borne-fontaine que l�on doit encore transporterchez soi, au prix d�un lourd effort et d�uneperte de temps et celui de l�eau reçuedirectement à domicile) ;

� Même à ce prix, toutes les enquêtesmontrent que le coût du service de l�eaureste dans une fourchette de 1 à 3 % desrevenus des ménages (et les chiffressupérieurs à 10 % que l�on trouve danscertains articles à sensation relèvent plus del�erreur méthodologique que de l�enquêterigoureuse sur le terrain).

Les prix pratiqués par les transporteurstraduisent simplement leurs chargesd�exploitation réelles (salaires, amortissementdu matériel, risques d�impayés...) et, pourautant que l�administration ne favorise lemonopole de quelques revendeurs, ces prixsont tirés vers le bas par la concurrence et sontdonc les prix minima assurant la viabilitééconomique des revendeurs. Les revenus despousse-pousses et des charretiers, par exemple,sont fort bas (2 à 3 US $ par jour) par rapportaux contraintes de cette activité (travail pénible,risque commercial, investissement minimal,irrégularité saisonnière).

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

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Un charretier à NouakchottCélibataire, âgé de 25 ans, Sidi est arrivé àNouakchott depuis 5 ans. A son arrivée,c�est son oncle, charretier lui-même, qui luia trouvé un emploi de charretier salarié. En1997, il a acheté sa propre charrette àcrédit (le prêt est remboursé). Il passe 6mois par an à la capitale pour ce travail, etle reste de l�année au village, pour cultiverson champ et celui d�autres exploitants. Illoue un logement à la ville avec d�autrescharretiers originaires de la même régionque lui

6.4. Les camions transporteursd�eau

Les camionneurs approvisionnent en eau degros consommateurs disposant de citernes(villas, administrations). Ce métier existeprobablement dans toutes les grandes villesafricaines, mais il ne s�est développé que dansles villes où le service offert par le

concessionnaire est particulièrement insuffisant,avec de longues coupures et des quartiers nondesservis. Les camions transporteurs sont ainsiparticulièrement nombreux à Nairobi,Nouakchott, Dar es Salam et Kampala. Il estintéressant de noter que cette activité est trèspeu développée dans les villes où le service debase (via un réseau primaire) est assuré danstoute la ville (comme à Dakar ou Abidjan).

L�investissement dans un camion (achetéd�occasion) est lourd mais peut être récupéré

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

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Le compte d�exploitationannuel de quelques petitstransporteurs d�eau

Investissements personnels (US $) 135 117 50 54

Nombre de clients quotidiens 6 39 7 53 53Volume vendu (en m3/jour) 1.4 0.8 1.4 1.1 1.1

Prix de vente aux usagers (en US $/m3) 3.1 4.2 1.7 4.2 4.2Prix d�achat de l�eau (en US $/m3) 0.9 1.2 0.5 0.8 1.0Recette annuelle (en US $) 1 584 1 200 869 1 597 1 597

Dépenses annuelles (en US $) Achat d�eau 460 336 256 295 399

Impôts, taxes et assurances 12 13 60 53Charges salariales 0 0 0 300

Entretien et carburant 333 42 0 75 75Location charrette

Amortissement 45 17 10 58Bénéfice annuel en US $ (y inclus la 734 793 543 815 873rémunération de l�exploitant)

Bénéfice quotidien (US $/jour) 2.01 2.17 1.49 2.23 2.39

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Le compte d�exploitationannuel de quelques

camions transporteursd�eau (en US $)

Investissements personnels 15 000 13 000 7 500

Nombre de clients quotidiens 2Volume vendu (en m3/jour) 16.0 21.3 54.8

Prix de vente aux usagers 3.8 8.3 4.3Prix d�achat de l�eau (en US $/m 1.0 2.1 1.1

Recette annuelle (en US $) 22 192 64 889 86 800Dépenses annuelles

Achat d�eau 5 840 21 600Impôts, taxes et assurances 485 804 800

Charges salariales 2 100 2 796 2 592 Entretien et carburant 3 510 14 040 10 200

Amortissement 1 500 2 600 750

Bénéfice annuel en US $ 8 757 44 649 50 858

Bénéfice quotidien (US $) 23.99 122.33 139.34

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en une année, surtout dans les grandes villesd�Afrique de l�Est où la pénurie d�eau tire lesprix vers des sommets.

6.5. Les exploitants de petitsréseaux

Dans la plupart des capitales d�Afrique, à côtédu réseau principal exploité par une entreprised�envergure nationale, il existe de petits réseauxsecondaires exploités par des opérateursindépendants. On distingue :

� Les réseaux indépendants. Dansplusieurs villes (Kampala, Ouagadougou,Bamako, Nairobi), il existe des réseauxprivés, totalement indépendants de celuigéré par le concessionnaire. Cette situation,courante en Amérique latine, constitue unenouveauté en Afrique (généralement moinsde 5 ans), car l�exploitation des eauxsouterraines y fait souvent l�objet d�unmonopole de l�Etat.

� Les réseaux secondaires, raccordésau réseau principal. Dans d�autres villes

(comme Nairobi, Cotonou ou Abidjan) onrencontre des petits réseaux indépendants,raccordés au réseau du concessionnaire. Ilsalimentent des villes ou des quartiers où il leservice public « bornes-fontaines » est trèsdéficient (peu ou pas de bornesfonctionnelles).

Une Association d�Usagers de Bamako adécidé de déléguer l�exploitation de sonréseau d�eau à un opérateur privé, en luiconfiant aussi le soin de recouvrir lesrevenus de la vente de l�eau. Le gérant estchargé du fonctionnement quotidien etreverse un loyer (fermage) de 0,12 US $par mètre cube produit à l�Association desUsagers qui est responsable durenouvellement des équipements.

6.6. Les exploitants de latrinespubliques

Dans la plupart des villes, les toilettes publiquesgérées par les municipalités ou les entreprisespubliques (comme les compagnies de chemin

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

Le compte d�exploitationannuel de quelques exploitantsde forages et de petits réseaux

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Investissements personnels (US $) 17 500 fermier 37 400 2 000 12 525 1 333

Nombre de clients quotidiens 1 300 2 491 7 10 1 392 616 Volume vendu (en m3/jour) 25.0 49.8 56.0 50.0 27.8 12.3

Prix de vente aux usagers (en US $/m3) 0.42 0.35 2.13 1.00 2.08 1.07Prix d�achat de l�eau (en US $/m3) 0.00 0.00 0.00 0.50 0.69 0.57Recette annuelle (en US $) 3 802 6 279 43 435 18 250 21 165 4 800

Dépenses annuelles (en US $)Achat d�eau 0 0 0 9 125 7 027 2 550

Impôts, taxes et assurances 0 0 0 0 0 0Charges salariales 248 675 3 000 1 200 4 943 800

Entretien 500 770 4 800 425 63Amortissement ou fermage 1 167 1 428 2 380 400 1 253 267

Bénéfice annuel en US $ (y inclus la 1 888 3 405 33 255 7 525 7 518 1 120rémunération de l�exploitant)

Bénéfice quotidien (US $/jour) 5.17 9.33 91.11 20.62 20.60 3.07

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de fer) sont tombées petit à petit à l�abandon,faute d�entretien. Seuls des opérateursindépendants prennent le risque de les

Deux artisans vidangeurs à DakarCes deux artisans vidangeurs (ils sontappelés « baye pelle » au Sénégal)travaillent ensemble car c�est plus facile pourvider les fosses avec un seau et une corde.Leurs clients sont les familles de leur quartier.Les boues sont généralement enterrées surplace, dans la concession ou dans la ruelle(ce qui provoque les protestations des voisinset expose au risque d�amende). Certainsclients plus aisés exigent l�évacuation desboues hors du quartier et les artisans fontalors appel à un charretier.

6.8. Les camions vidangeurs

Dans les 10 villes étudiées, les camionsvidangeurs assurent la vidange de 10 à 15 %des familles et il s�agit généralement de famillesrelativement aisées. Le coût de leurs prestationsest à peine plus élevé que celui des vidangesmanuelles (30 à 60 US $ pour vider une fosse6 à 10 m3), mais la clientèle est très ciblée : ils�agit de familles aisées qui ont construit desfosses maçonnées et qui ne veulent pas endurerles nuisances d�une vidange manuelle (3 à 4jours de mauvaises odeurs), plus les difficultésd�évacuation des boues (et les litiges éventuelsavec les voisins).

34

LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

réhabiliter et d�en relancer l�exploitation sur unebase commerciale. Quand l�activité sedéveloppe, il est fréquent qu�ils offrent d�autresservices (douches, revente d�eau, thé �).

6.7. Les vidangeurs manuels

A part à Abidjan, Nairobi et Dakar, ladesserte du service public d�assainissementest inférieure à 20 % des familles. La grandemajorité des habitants sont donc obligés dese débrouiller sans aide de l�Etat ou descommunes et la plupart d�entre eux fontappel à de la main d��uvre familiale pourcreuser et vider les fosses, ou à des centainesde petits artisans (ceux qui sont appelés« baye pelle » à Dakar).

Ces artisans ont généralement une clientèlede proximité (ils travaillent dans un rayon dequelques centaines de mètres de chez eux). Leuractivité est irrégulière et les vidangeurs n�enparlent pas facilement parce qu�elle nebénéficie pas d�une bonne image sociale. C�estprobablement la raison pour laquelle très peud�études ont été publiées sur ce sujet, alorsqu�il s�agit du système d�assainissement le plus

Le compte d�exploitationannuel de quelqueslatrines collectives à

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Investissements personnels (US $) 0 38 000

Nombre de clients quotidiens 142 005 1 147 500Prix moyen des services 0.042 0.08

Recette annuelle (en US $)5 917 91 800

Dépenses annuelles Eau, électricité, carburant 558 6 000

Impôts, taxes et loyers 137 16 800 Charges salariales 1 469 26 880

Entretien 338 24 000 Amortissement 0 3 800

Bénéfice annuel (y inclus la3 415 14 320rémunération de l�exploitant)Bénéfice quotidien 9.36 39.23

Le compte d�exploitationannuel de quelques

vidangeurs manuels delatrines (en US $)

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Investissements personnels 25 19 50Prix de la vidange d�une fosse

Nombre de clients annuelsfamiliale 25 17 8Recette annuelle (en US $) 2 000 1 000 800Dépenses annuelles

Impôts, amendes, taxes etassurances 33 0 0

Charges salariales 0 350 Entretien et carburant 54 0 40

Amortissement 13 22 13Bénéfice annuel (y inclus la 1 900 628 748rémunération de l�exploitant)Bénéfice quotidien 5.2 1.7 2.0

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Les entreprises de vidange motorisées sonttoutes des entreprises formelles (à cause de lanécessité d�immatriculer les camions), ce quifacilite leur analyse et explique que certainesétudes sectorielles ne parlent que de ce type devidange, en oubliant les vidangeurs manuelsqui touchent pourtant plus d�usagers.

Ces entreprises pratiquent généralementd�autres activités dans la construction ou letransport de marchandises, qui leur permettentd�amortir la forte variabilité saisonnière del�activité (l�activité chute de plus de 50 % ensaison sèche

EMAPROHY, une entreprise devidange en plein essor à BamakoLe promoteur de cette entreprise a démarréson activité comme tâcheron dans l�entretiendes bâtiments. Pour répondre à la fortedemande en vidange de fosses, il achète sonpremier camion vidangeur en 1991. Depuislors, il a régulièrement réinvesti ses bénéficeset exploite maintenant 4 camions. Depuis1995, il a aussi étendu son activité au BTP,qui constitue maintenant 2/3 de son chiffred�affaires.

35

LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

6.9. Les entreprises privées detraitement des boues de vidange

Ces deux étapes de la filière sont évidemmentcruciales pour la protection du milieu et ellesconstituent donc un enjeu important en termesde santé publique et d�environnement urbain.

Mais ce n�est pas la préoccupation directedes familles et celles-ci ne sont donc passpontanément enclines à payer les vidangeurspour qu�ils traitent les boues. Elles leurdemandent simplement de les évacuer endehors de leur concession, quitte à les déposerou les enterrer quelques mètres plus loin.

C�est la raison pour laquelle peu d�opérateursprivés indépendants se sont spécialisés dans cesactivités pour lesquelles il y a peu de demandesolvable. A Dakar, Abidjan ou Kampala, lesstations de dépotage et de prétraitement sontexploitées par des opérateurs publics (municipauxou nationaux) et sont largement subventionnées.Il n�y a qu�à Cotonou qu�un opérateur privé(SIBEAU) se soit engagé dans le prétraitement desboues, dans le cadre d�une politique municipaled�assainissement assez rigoureuse qui oblige lagrande majorité des camions à venir vider leurscuves dans cette station payante (et nonsubventionnée).

Le compte d�exploitationannuel de quelques

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Investissements personnels (US $) 60 000 25 000 8 333 16 667 20 900 32 750 94 167

Nombre de clients annuels 2 667 3 494 832 2 000 1 200 576

Prix de la vidange d�une fosse familiale 25 25 25 30 60 60

Recette annuelle (en US $) 66 667 87 360 20 800 60 000 72 000 34 560 73 170

Dépenses annuelles (en US $)Impôts, amendes pour dépôts illicites,

taxes de dépotage et assurances 3 050 1 512 250 2 167 996 6 300 9 888 Charges salariales et rémunération

gérant 4 833 4 017 1 200 6 333 3 000 4 200 15 446 Entretien et carburant 7 500 21 000 7 500 12 500 13 980 12 576 10 757

Amortissements, remboursementemprunts 10 000 5 000 1 667 3 333 4 180 3 275 32 672

Bénéfice annuel en US $ (y inclus la 41 283 55 831 10 183 35 667 49 844 8 209 4 408rémunération de l�exploitant)Bénéfice quotidien (US $/jour) 113.1 153.0 27.9 97.7 136.6 22.5 12.1

Page 40: Programme Les opØrateurs indØpendants des services de Un … · 2009. 3. 14. · Le rapport a ØtØ rØdigØ par Bernard Collignon (Hydroconseil, Paris et Avignon, France) et Marc

36

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Les opérateurs privés du service de l�eau potable dans 10 capitales africaines

Type d�opérateur Bénin Burkina Côte d�Ivoire Guinée Kenya (Nairobi) Mali (Bamako) Mauritanie Sénégal (Dakar) Tanzania (Dar(Cotonou) (Ouagadougou) (Abidjan) (Conakry) (Noaukchott) Es Salam)

exploitant de forage non signalé une AEPS non signalé non signalé Des forages privés 6 AEPS dont une Des forages privés non signalé Des forages privés(avec système de revente (investissement sont utilisés pour avec un gérant privé sont utilisés pour sont utilisés pourde l�eau) par une ONG) remplir les camions (investissement remplir les camions remplir les

et des PEA public) camions(investissementpublic)

exploitant de puits (avec non signalé assez courant dans non signalé non signalé non signalé assez courant dans non signalé non signalé assez courant dansstockage et revente de certains quartiers ; certains quartiers ; certains quartiers ;l�eau) activité saisonnière activité saisonnière activité saisonnière

camionneurs alimentant non signalé non signalé non signalé non signalé nombreux et chers; non signalé nombreux et non signalé nombreux et chers;des citernes privées alimentent familles alimentent tous alimentent

aisées quartiers familles aiséespériphériques

pousse-pousse (traction peu nombreux très nombreux rares nombreux nombreux nombreux rares rares nombreuxhumaine) (7000 !)

charretier (tract.animale) peu nombreux peu nombreux peu nombreux non signalé non signalés très nombreux très nombreux très nombreux non signalés

porteuse d�eau non signalé non signalé non signalé non signalé non signalé femmes dogon non signalé non signalé non signalé�activité enrégression ?)

exploitant de mini- non signalé Nombreux PEA non signalé non signalé non signalé 6 adductions d�eau non signalé non signalé non signaléréseaux : adductions installés durant des simplifiées dont uned�eau simplifiées (AEPS) années de avec un gérant privéet postes d�eau sécheresse, pourautonomes (PEA) partie raccordés au

réseau maintenant

exploitant de mini- nombreux cas, avec non signalé nombreux cas, non signalé nombreuses non signalé non signalé non signalé non signaléextensions du réseau des extensions avec extensions réaliséespublic pouvant atteindre 3 des extensions à partir du réseau

km pouvant atteindre public, généralement2 km vers 1 ou 2 BF

gérant de borne-fontaine Les bornes fontaines assez nombreux et peu nombreux et très peu nombreux BF officiellles peu assez nombreux assez nombreux et très nombreux régime depublique officielle publiques ne sont distribuant 35% de distribuant faibles (120 !) ; offre nombreuses; (700) et forte distribuant 20% de (1000), malgré les concession ambigü

plus fonctionnelles l�eau de la ville volumes via bornes complétée par de largement croissance depuis l�eau de la ville nombreux BPà monnayeurs nombreux abonnés surpassées par la 1990 (+15%/an) (6,5BP/100 hab.)(YACOLI) revendeurs revente de

vosinnage

borne-fontaine informelle nombreux et très nombreux mais peu nombreux et très très nombreux, ce nombreux et bien nombreux mais peu nombreux mais peu considérés comme très nombreux, ce(abonné revendeur) bien tolérés, car peu documentés bien tolérés, car qui compense le tolérés car peu de documentés documentés peu nombreux qui compense le

de bornes-fontaines peu de bornes- faible nombre de bornes-fontaines faible nombre depubliques fontaines publiques bornes-fontaines publiques bornes-fontaines

fonctionnelles

fournisseurs d�appui non signalé non signalé non signalé non signalé non signalé CCAEP (structure non signalé non signalé non signaléconseil aux AUE projet) en voie de

privatisation

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LES OPÉRATEU

RS IND

ÉPEND

ANTS D

ES SERVICES D

E L�EAU ET D

E L�ASSAINISSEM

ENT

Les opérateurs privés du service de l�assainissement dans 10 capitales africaines

Type d�opérateur Bénin Burkina Côte d�Ivoire Guinée Kenya Mali (Bamako) Mauritanie Sénégal Tanzania (Dar(Cotonou) (Ouaga) (Abidjan) (Conakry) (Nairobi) (Noaukchott) (Dakar) Es Salam)

constructeur de Activité Dans la plupart des villes, il s�agit d�une activité normale de maçons (généralement non spécialisés et peu qualifiés) ; au même titre que les autreslatrines restructurée dans activités de construction, elle n�est pas au centre de la présente étude

le cadre duPSAO

fabricant de dalles, une entreprise non documenté non documenté très nombreux, non documenté non documenté non documenté non documenté non documentésièges,� artisanale dynamiques et

innovante innovateurs

vidangeur de fosses c�est la forme de service la plus répandue, et celle qui concerne la majorité des familles pauvres ; la limite entre la main d��uvre familiale et le recours à desentreprises artisanales est parfois peu tranchéevidange manuelle ettransport brouette

solutions intermédiaires rien de signalé rien de signalé rien de signalé rien de signalé quelques les �mini- rien de signalé rien de signalé rien de signaléexpériences spiros�d�ONG

camions + pompe activité bien activité bien activité bien activité bien activité bien activité bien activité bien activité bien activité bienorganisée (tarif organisée et organisée et organisée, avec organisée et organisée et organisée et organisée et organisée etunique) et standardisée, standardisée, un opérateur standardisée, standardisée, standardisée, standardisée, standardisée,syndiquée privée à + 80% privée à + 90% (SPTD) public dominant privée à + 80% privée à + 80% privée à + 100% privée à + 90%(USV)

mini-réseaux d�égouts non documenté non documenté non documenté non documenté non documenté au moins un non signalé Dakar est la non signaléréseau installé seule villepar une ONG disposant d�un

réseau étendu

traitement/épandage/ un entrepreneur pas de station de pas de station de pas de station de pas de station de pas de station de pas de station de mini-réseau rien de signalécompostage des traite les boues traitement privée traitement privée traitement privée traitement privée traitement privée traitement privée raccordé à uneeffluents et des boues dans une lagune à

station de Rufisquelagunage

latrines publiques (à bien organisées bien organisées assez bien organisées non documentégestion privée) (lieux publics : (lieux publics : nombreuses (lieux publics :

gares, gares, gares,marchés,�) marchés,�) marchés,�)

curage des fossés et collecteurs : cette activité est planifiée par des structures publiques, souvent municipales, mais qui peuvent faire appel à des sous-traitants privés, dans le cadre de marchés publics ; le

marché �privé� du curage (clientèle de particuliers ou de groupes de voisins) est mal documenté

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

7.1. Le secteur de l�eau potablereprésente un enjeu économiqueimportant

Dans les grandes villes africaines, les usagersconsacrent chaque année entre 5 et 20 US $chacun à leur approvisionnement en eaupotable. Quant à l�assainissement, il leur coûte2 à 10 US $ par personne.

Ces sommes sont évidemment beaucoupplus faibles que celles que l�on consacre àl�eau et à l�assainissement dans les paysindustrialisés (100 à 200 US $ par personne etpar an), mais elles représentent cependant unegrosse dépense pour les familles pauvres desgrandes villes africaines et une part nonnégligeable du produit intérieur brut.

Dans chacune des 10 capitales étudiées, lesecteur hydraulique représente un marchéannuel de 5 à 40 millions de US $, soit 1 à 3% du PIB de ces villes (voir tableau ci-après).

7.2. Les performances desentreprises concessionnaires duservice de l�eau

Les entreprises concessionnaires ont desperformances très différentes d�une ville àl�autre (voir tableau ci-après et § 4.2). Leur

7. L�économie générale des secteurs eaupotable et assainissement

niveau de performance n�est pas directement liéà leur statut public ou privé. Il existe desentreprises performantes, tant dans le secteurpublic (comme l�ONEA) que dans le secteurprivé (comme la SODECI ou la SdE).

� A Dakar, la SdE dessert directement (parbranchements domiciliaires) 71 % desfamilles. De plus, elle a installé 1300 bornesfontaines publiques, qui desservent encore14 % des familles.

� A Bamako, le service de branchementsdomiciliaires de EdM est particulièrementpeu développé (18 branchements pour1000 habitants, soit à peine 18 % desfamilles alimentées).

� C�est dans les 3 capitales d�Afrique de l�Est(Nairobi, Kampala et Dar Es Salam) que lessociétés publiques de distribution d�eauassurent le service le plus médiocre, puisquede nombreux quartiers, même parmi les plusriches, n�ont pas d�eau régulièrement. Cecia provoqué l�apparition d�un servicealternatif coûteux, par camions citernesprivés (un type de service que les pauvrespeuvent difficilement payer). Le servicepublic de l�eau dans ces trois villes sembleenfermé dans un cercle vicieux : unmauvais service entraîne de mauvaispaiements (et des piquages clandestins) et il

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

semble même que les concessionnaires ontabandonné tout espoir de recouvrir leurscoûts pour pouvoir financer uneamélioration du service.

7.3. Les opérateurs indépendantsoccupent de 30 à 80 % dumarché de l�eau

Tout segment de marché laissé vacant par leconcessionnaire officiel du service de l�eau estoccupé par des opérateurs indépendants.Autrement dit, le service que ce concessionnairene parvient pas à assurer (alors que celaconstitue pour lui une obligation contractuelle),d�autres opérateurs s�en occupent, car aucunefamille ne peutse passer d�eau potable.

� A Dakar, la SdE dessert directement ouindirectement (par branchementsdomiciliaires et bornes-fontaines) 85 % desfamilles. La part de marché occupée par lesopérateurs indépendants est doncrelativement réduite (15 % des familles quiutilisent des puits de concession ou achètentl�eau à des transporteurs).

� A Bamako, où le service de EdM estparticulièrement limité, les opérateursindépendants (fontainiers, charretiers,...)assurent l�approvisionnement en eau de lagrande majorité des familles (84 %). Ilsassurent près de la moitié du chiffred�affaires du secteur et deux tiers desemplois (voir tableau ci-après).

� Dans les trois villes d�Afrique de l�Est, lesopérateurs indépendants ont pris une placeprépondérante dans le service de l�eau, encomblant le vide laissé par des sociétéspubliques de distribution particulièrementpeu performantes. Les opérateursindépendants ont deuxclientèles principales:

� les quartiers les plus riches, non desservisou connaissant de longues coupuresd�eau (ils sont alimentés par camion) ;

� les quartiers irréguliers du centre ville (ilssont alimentés par des piquages plus oumoins clandestins sur le réseau).

� A Kampala, le développement de cesservices alternatifs a atteint un stadesupérieur : deux exploitants de forage ontinstallé de petits réseaux de distribution àpartir desquels ils alimentent des abonnésparticuliers, soit un service totalementcomparable et concurrent à celui offert parla NWSC.

� Au Kenya, un jeune femme a construit sonpropre forage pour alimenter les camionsavec lesquels elle distribue l�eau en ville.

� En Mauritanie, toutes les petites villes dupays (à l�exception des 12 centres gérés parla SONELEC) sont alimentées en eau pardes réseaux exploités par de jeunesentrepreneurs qui ont installé ces quatredernières années autant de conduites et debranchements particuliers que l�entreprisepublique.

C.A. et emplois du service de l�eau potable à Bamako

Nbre C.A. des opérateurs = coût pour les familles emploisfamilles

touchées nbre annuel opération coût coût total rémunérésunit.

EdM 18 000 30 000 000 m3 vendus au 55 1 650 000 000 54% 800 32%prix moyen de

Les petits opérateurs privéspuits privés 50 000 100 000 m3 vendus à 500 50 000 000 2%gestionnaires AEPS 2 000 100 000 m3 vendus à 400 40 000 000 1% 30 1%gérants de bornes 35 000 2 000 000 m3 vendus à 400 800 000 000 26% 700 28%charretiers, pousse-pousses 5 000 200 000 m3 vendus à 2 500 500 000 000 16% 1000 40%

Total 110 000 3 040 000 000 2 530

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7.4. Les opérateurs indépendantsoccupent de 60 à 95 % dumarché de l�assainissement

Un secteur largement dominé par desopérateurs indépendantsEn matière d�assainissement, le poids dusecteur public est négligeable, sauf à Dakar,Abidjan et Nairobi (voir tableau ci-après et §5.2). Même dans les villes où il existe unréseau d�égouts relativement étendu, lamajorité des familles (et pratiquement toutesles familles pauvres) ont recours à desdispositifs d�assainissement individuel, dontla construction et la vidange sont assuréspar des opérateurs indépendants. Ceux-ciassurent plus de 90 % de l�activitéd�assainissement de ces 10 capitales, entermes de nombre de familles desservies, dechiffre d�affaires ou d�emplois.

Un chiffre d�affaires difficile à évaluerLe secteur de l�assainissement est plusdifficile à quantifier que celui du secteur del�eau potable, car une part plus importantede l�activité est totalement informelle et letarif des services varie fortement en fonctionde la taille des fosses, de l�accessibilité desmaisons, des possibilités d�enfouissement surplace...

C�est pour les camions vidangeurs que l�ondispose des meilleures données, car cesentreprises sont relativement peu nombreuses etqu�elles sont toutes officiellement déclarées(pour pouvoir immatriculer leurs camions) :

� Il existe 15 à 30 camions vidangeurs parville (1 pour 60 000 habitants) ;pratiquement toutes les citernes ont unvolume compris entre 6 et 12 m3 ; 2/3 descamions sont équipés d�une pompe àdépression (camions «spiros») et 1/3 sontéquipés d�un dispositif d�injection souspression (camions «hydrocureurs») ;

� Les entreprises de vidange mobilisent 2 à 4personnes par camion (un chauffeur, unchef d�équipe et parfois quelquesman�uvres) ;

� La majorité de ces entreprises ont uneactivité diversifiée qui leur permet desurvivre pendant la morte saison (saisonsèche) et de financer leurs premiersvéhicules ;

� La clientèle privée (fosses septiques etlatrines de 5 à 10 m3) paie de 20 à 60 US $pour faire vidanger ses fosses chaqueannée ;

� La clientèle institutionnelle n�est pasnégligeable : écoles, hôpitaux (Bamako),curage de fossés et égouts (Dakar).

Pour les vidangeurs manuels, il est difficilede quantifier la filière sans des enquêtes trèslourdes car :

� il y a une grande diversité de prestationsselon l�âge de la concession et de la fosse,sa taille et son mode de construction, lesrevenus de la famille et leurs exigences enmatière d�hygiène, les contraintes devoisinage...

� On connaît mal la fréquence moyenne desvidanges et les chiffres qui ont été cités àl�issue des études pays sont de premièresapproximations, à partir desquellesl�extrapolation macro-économique esthasardeuse (choix et taille des échantillonsinsuffisants) ;

� On connaît mal la répartition de l�activitéentre ce qui est fait directement par desmembres des familles et ce qui estcommandé à un prestataire extérieur(artisan) ;

� Une part importante de l�activité est assuréepar des gens pour qui c�est une activitéd�appoint (maçons, puisatiers...).

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

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Une activité qui passe progressivementdans la sphère marchandeQuelques tendances se dégagent cependant àl�issue de ces enquêtes qui éclairent bien leprocessus d�urbanisation et ses conséquencessur l�économie du secteur de l�assainissement :

� En milieu rural, la solution la plus couranteest simplement la construction d�unenouvelle fosse quand la précédente estpleine ; on retrouve la même stratégie dansles zones périurbaines peu denses mais lerecours à la vidange des fosses tend àaugmenter avec la densité de l�urbanisation(manque de place pour ouvrir de nouvellesfosses) et le colmatage progressif des fossesanciennes ;

� Les migrants récents réalisent souvent lavidange eux-mêmes, mais le recours à destâcherons tend à augmenter avecl�ancienneté en ville (revenus monétairesplus élevés, familles plus nombreuses) ;

� La vidange mécanique se développefortement depuis une dizaine d�années(comme le montre la jeunesse de beaucoupd�entreprises de vidange privées),probablement parce que c�est le moyen leplus commode pour évacuer les boues devidange loin de la maison et du quartier ;

� Le vidangeur manuel restera cependantencore longtemps le principal prestataire depour les zones non loties, où les camions nepeuvent accéder.

Et le traitement des boues ?Alors que la vidange des fosses est assurée demanière très efficace dans la plupart des pays,il n�est pas de même du traitement des bouesde vidange. Celles-ci sont généralementrejetées directement dans le milieu naturel, sansaucun traitement.

Il existe dans certaines villes (Dakar,Kampala, Accra) des structures publiques quicollectent ou traitent une partie des boues, mais

elles sont mal adaptées à la demande, puisquela majorité des vidangeurs ne les utilisent pas.

Par contre, il existe au moins une expérienceréussie de station de traitement (à Cotonou) etcette expérience nous intéresse d�autant plusqu�il s�agit d�une entreprise privée (SIBEAU).

La réussite de cette expérience exceptionnellea reposé sur trois facteurs :

� Un investisseur privé prêt à prendre desrisques et à mobiliser son réseau d�appuifinancier sur le thème de l�assainissement ;

� Un cadre supérieur spécialisé enassainissement et qui avait une expériencede la privatisation de services publics ;

� Un gouvernement décidé à traiterrapidement un problème d�assainissementqui devenait critique, à cause de ladéfaillance des opérateurs publics.

7.5. Les emplois créés et lesretombées économiques localesde l�activité

Plusieurs milliers d�emplois dans chaquevilleEn termes d�emplois, la place des opérateursindépendants est encore plus importante qu�enmatière de chiffre d�affaires.

Le secteur de l�eau potable occupe 2000 à8000 personnes dans chacune des 10 capitalesque nous avons étudiées, soit 1 à 2 % de lapopulation active. (Remarque : Ce chiffre est dumême ordre de grandeur que la part du PIB deces villes que représente le secteur hydraulique).

La majorité de ces emplois (70 à 90 %) sontexercés au sein d�entreprises indépendantes,contre 10 à 30 % au sein de l�entrepriseconcessionnaire.

Les emplois les plus nombreux sont ceux dusecteur informel (petits transporteurs, charretierset pousse-pousses et vidangeurs manuels),

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mais aussi ceux de revendeurs au détail(comme les exploitants de bornes-fontaines),qui ont une existence parfaitement légale.

Les bénéfices dégagés par ces petitesentreprises semblent limités, mais ils sontpourtant largement réinvestis dans le secteurhydraulique (extension et diversification del�activité de l�entrepreneur) ou dans d�autresactivités économiques locales.

La montée en puissance des investisseursprivés

Les investisseurs privés interviennent dèsqu�une opportunité se présente, mêmedans des secteurs réputés« inaccessibles » comme l�exploitationdes ressources en eauBien que dans chacune des 7 villes étudiéesl�opérateur « monopoliste » reste prépondérantpour les activités de production d�eau et dedistribution primaire, on constate partout unemontée en puissance des investisseurs privés,dès que l�opportunité s�en présente :

� Dakar : ces 3 dernières années, 60 % dulinéaire de réseau de distribution (soit plusde 50 km par an) ont été financés par despromoteurs privés ;

� Mauritanie : l�ensemble des 250 stations depompages motorisées du pays passentprogressivement sous gestion privée et cesnouveaux exploitants investissentmassivement dans les extensions de réseau

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

Les emplois créés et les retombéeséconomiques locales de l�activitéL�emploi créé par les opérateurs indépendants aune importance particulière pour les quartiersdéfavorisés parce que c�est une sourced�emplois locaux et donc de valeur ajoutéedans les quartiers eux-mêmes.

Nbre Part Chiffre d�affaires Part du Emplois Part desfamilles familles des opérateurs C.A. rémunérés emploistouchées (%) (US $) (%) (%)

BAMAKO

Eau potablepetits opérateurs privés AEP 92 000 84% 2 527 273 46% 1 730 68%opérateur public AEP (EDM) 18 000 16% 3 000 000 54% 800 32%

Assainissementpetits opérateurs privés 108 300 98% 1 385 091 98% 1 205 99%opérateur public (Municipalité) 1 700 2% 30 909 2% 10 1%

DAKAR

Eau potablepetits opérateurs privés 45 000 26% 4 218 182 25% 1 390 40%concessionnaire (SDE) 130 000 74% 12 500 000 75% 2 100 60%

Assainissementpetits opérateurs privés 150 000 75% 2 981 821 54% 1 470 65%opérateur public (ONAS) 50 000 25% 2 545 455 46% 800 35%

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et les branchements particuliers équipés decompteurs ;

� Kampala : 2 réseaux alimentés par desforages ont été construits depuis 1995 parune entreprise privée, pour alimenter desbornes et des branchements.

Ceci démontre bien la vacuité desarguments parfois avancés pour justifier unmonopole du service de l�eau, qu�ils soienttechniques (les difficultés pour mobiliser denouvelles ressources en eau découragentl�investissement privé), économiques(l�importance trop grande des investissements àconsentir écarte les opérateurs locaux) ousociaux (le monopole serait le garant de laprotection des intérêts des usagers).

Les sources de financementLa plupart de ces opérateurs assurent lefinancement de leur activité en mobilisant uneépargne locale (famille, relations personnelles,tontines, réinvestissement du bénéfice d�autresactivités), et sans traiter avec les banquescommerciales qui restent à l�écart de ce secteurd�activité pourtant rentable.

Ils ne bénéficient d�aucune subvention et lesfinancements publics des secteurs de l�eau et del�assainissement n�ont donc guère d�impactpour la majorité des familles pauvres, quidépendent entièrement des opérateursindépendants pour leur approvisionnement.

Le montant des investissementsLes plus nombreux parmi ces opérateurs (lesporteurs d�eau, les vidangeurs de fosses, lesgérants de bornes-fontaines) sont de tout petitsopérateurs qui assurent un service de proximitéà quelques dizaines ou centaines de familles.Leurs investissements sont suffisammentlimités (50 à 1000 US $) pour qu�ils assurentleur financement à partir de l�épargne familiale.Ils visent un retour sur investissement très rapide(1 à 6 mois).

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

Mais d�autres opérateurs privés (camionsvidangeurs, camions transporteurs d�eau,exploitants de petits réseaux, exploitants deforages) desservent des quartiers entiers. Lesinvestissements nécessaires sont beaucoup plusimportants (5 000 à 200 000 US $) et pourtantils ont rarement recours au crédit bancaire, carles banques commerciales « modernes »exigent des garanties formelles (cautionspersonnelles, nantissements...) que beaucoupde petits entrepreneurs ne peuvent fournir.

La frilosité des banques commercialesn�empêche pas les opérateurs indépendants dedévelopper leurs activités, mais elle entraînepour eux des charges financières souvent pluslourdes que celles qu�ils auraient eu avec uncrédit commercial classique. De plus, fauted�avoir la garantie de pouvoir exploiterlongtemps leur outil de travail, ces opérateurslimitent leurs investissements au minimumtechniquement nécessaire (achat de camionsd�occasion, pose de conduites de mauvaisequalité...), et la maintenance de ceséquipements est très coûteuse.

Les opérateurs indépendants réalisent doncdes investissements importants dans le secteur(de l�ordre de 30 millions d�US $ par an dansces 10 villes), mais ces investissements ne sontpas optimisés, puisqu�ils sont réalisés avec unobjectif de retour sur investissement très rapide,alors qu�une gestion rigoureuse du secteurhydraulique se base sur des investissements àlong terme (canalisations en fonte, réservoirs enbéton...).

La capacité d�investissement du secteurprivé local ne semble limitée que parl�insécurité juridique des investissementsCette forte capacité d�investissement du secteurprivé indépendant contraste fortement avec lesfaibles capacités d�investissement des sociétésconcessionnaires qui ne réalisent que très peud�investissements en dehors des programmes

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financés par les bailleurs de fondsinternationaux (sous forme de subventions oude prêts sous conditions privilégiées).

Cette tendance à l�investissement estnouvelle, car dans plusieurs de ces pays, lesecteur privé a été longtemps regardé avecméfiance par les administrations qui ont lacharge du service de l�eau et qui menaçaientdonc de nationaliser toute infrastructure un peulourde.

L�attitude plus ouverte des Etats à l�égard del�investissement privé (qui se manifeste parailleurs dans la privatisation des grandesentreprises publiques de distribution d�eau) aeu un effet extrêmement encourageant pour desinvestisseurs privés potentiels qui s�étaient tenusjusqu�à présent à l�écart de ce secteur.

Des investissements à terme de 2 à 5 anslimités

Bien que le contexte institutionnel soitdevenu beaucoup plus favorable à

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

l�investissement privé dans le secteur de ladistribution d�eau, une certaine prudence desopérateurs a pu 6etre observée. Ceux-ciinvestissent peu sur le moyen terme (2 à 5 ans)

Quels sont les facteurs qui bridentl�investissement privé local ?Le principal facteur qui limite l�engagement dusecteur privé local dans le financement denouvelles infrastructures, c�est l�insécuritéjuridique, faute de contrats clairs avec les Etatset les Municipalités qui leur garantiraient le fruitde leurs efforts à long terme.

Les promoteurs privés limitent leursinvestissements au minimum, alors qu�ilspourraient encore diversifier leur offre deservices, approvisionner plus de familles etaméliorer la qualité du service offert. Ils tendentaussi à reporter la charge de l�investissementdirectement sur les usagers, en leur demandantpar exemple de préfinancer les extensions deréseau.

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

Investissements des opérateurs indépendants du secteur eau et assainissement

Type d�investissement Ville (pays) Investissement pour une Mode de financement le plus Durée Ratiounité de production (en courant d�utilisation Investissement /

US $) normale C.A. annuel(années) (en %)

Opérateurs du secteur de l�assainissementéquipement de vidange Dakar 25 2 1%manuelle des fosses Bamako 19 fonds propres + famille 1 2%

Nairobi 50 4 6%

Bamako 15 000 6 90%camion vidangeur Ouagadougou 8 300 crédit formel ou informel 5 30%d�occasion Dakar 16 700 5 27%

Kampala 25 000 10 70%

latrines et douches Bamako 200 crédit formel ou informel 5 4%publiques Kampala 3 500 10 40%

station de lagunage Cotonou 200 000 fonds propres et crédit 20 300%bancaire

Opérateurs du secteur de l�eau potablepousse-pousse Ouagadougou 50 fonds propres + famille 5 6%

Bamako 120 6 10%Nouakchott 135 3 9%

charrette + âne Nouakchott 150 fonds propres + famille 1 10%

camion transporteur Nouakchott 15 000 crédit formel ou informel et 10 48%Nairobi 13 000 réinvestissement autres 5 19%Kampala 7 500 activités 10 13%

borne-fontaine Ouagadougou 50 fonds propres + famille 5 1%Dakar 700 10 20%

Nouakchott 700 10 50%

Potence pour les camions Kampala 2 000 fonds propres + famille 5 11%raccordée au réseau

Forage privé + fontaine Nairobi 37 400 crédit bancaire 16 82%Petit réseau avec bornes Conakry 12 500 prêt d�une ONG 10 58%fontaines raccordé au Cotonou 1 500 fonds propres + famille 5 27%réseau

Poste d�eau autonome Ouagadougou 15 000 subvention d�une ONG 20 500%financé par une ONG

réseau + branchements Guerou 3 000 fonds avancés directement 25 300%indi-viduels + compteur (Mauritanie) par les usagers(par km)

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8.1. L�origine sociale etgéographique des entrepreneurs

Peu de femmes, sauf à OuagadougouLa plupart de ces activités sont exercées par deshommes, à l�exception notable deOuagadougou où de très nombreuses bornes-fontaines et charrettes sont exploitées par desfemmes.

Ceci constitue vraisemblablement unhéritage de la « période Sankara » (pendantlaquelle l�Etat a favorisé une implicationbeaucoup plus forte des femmes dans toutes lesactivités politiques et économiques).

Charretier : un métier de jeunes rurauxLes petits métiers de la vente d�eau au détail(charrettes, pousse-pousses) sont souventexercés par de jeunes ruraux, immigrés en villedepuis moins de 10 ans. C�est un travail assezdur, mais plus accessible que d�autres activitésurbaines, car l�investissement de départ estfaible et que le marché est très ouvert (dansaucune des 10 villes, nous n�avons rencontréd�exemple de cartel qui empêche de nouveauxarrivants de s�installer à leur compte et sechercher une clientèle d�acheteurs d�eau).

Cette activité constitue donc souvent unpremier métier urbain pour des immigrés

8. Le dynamisme des opérateurs indépendantsde l�eau potable et l�assainissement

récents qui gardent des liens forts avec leurvillage d�origine. C�est ainsi que de nombreuxcharretiers de Nouakchott retournent au villagechaque année durant l�hivernage, afin d�ycultiver leurs champs. Il s�agit pratiquement dedoubles actifs pour lesquels le métier decharretier est une activité de morte-saisonagricole.

Gérant de bornes-fontaines : un métierde notablePar contraste avec les charretiers et les pousse-pousses, les gérants de bornes-fontaines sontgénéralement nettement plus âgés et installésdepuis longtemps en ville. Ce sont même le

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plus souvent des notables qui disposent d�uneimage de sérieux et de respectabilité dans lequartier, sans laquelle ils n�auraient pu obtenirl�affermage du point d�eau. Cette activité peuten effet constituer une véritable rente et il n�estdonc pas étonnant que les notablestraditionnels ou les leaders de quartiercherchent à l�accaparer.

Depuis quelques années, les bornes-fontaines sont également affermées à devéritables investisseurs, capables de réhabiliterun ouvrage en mauvais état ou de rembourserrapidement les impayés laissés par le gérantprécédent. De tels investisseurs peuvent prendreplusieurs bornes en concession et ilappraissait même au début de ces étudesqu�il existait de véritables « monopoles »dans ce domaine, constitués par certainsinvestisseurs qui ont des relations privilégiéesavec des cadres des municipalités ou desentreprises de distribution d�eau. Cettehypothèse n�a pas été vérifiée et les plus grosexploitants rencontrés ne gèrent pas plus de3 ou 4 bornes-fontaines.

Des entrepreneurs multi-actifsRares sont les entrepreneurs africains qui n�ontqu�une seule activité. Pour minimiser leursrisques (voir ci-dessous), ils essaient aucontraire d�être présents dans plusieurs secteursd�activité et de mobiliser leurs moyens à chaquemoment sur l�activité la plus rentable.

Ceci est particulièrement vrai pour lesentreprises de vidange motorisée. La plupartd�entre elles sont simultanément actives dansd�autres secteurs où elles peuvent utiliser leurscamions citernes (pour le transport d�eau) ouleur personnel (pour les chantiers deconstruction).

8.2. Le financement desinvestissements

L�une des caractéristiques principales desopérateurs indépendants, c�est leur capacité à

lever des fonds dans le secteur informel pourfinancer leurs investissements (voir § 12.3).

Un grand absent : le secteur bancaire« moderne »La plupart des entreprises que nous avonsrencontrées se sont développées sans jamaisrecourir au crédit bancaire.

Ce n�est pas une surprise pour les micro-entreprises du secteur informel (pousse-pousse,baye pelle,...) qui n�ont pas accès à ce genrede service, précisément à cause de leurcaractère informel. C�est plus étonnant pourdes entreprises formelles comme les gérants debornes-fontaines (qui interviennent pourtantdans le cadre d�une convention avec uneentreprise publique) et surtout les camionsvidangeurs (chaque camion exigeant uninvestissement de 20 000 à 40 000 US $).

L�épargne familialeLa première source de financement pour lespetits opérateurs privés est la famille. Parexemple, la plupart des charretiers et despousses-pousses ont commencé leur activitéavec un matériel fourni par le père, un frère ouun oncle maternel installé depuis quelquesannées en ville.

L�opérateur rembourse alors ce petit emprunten quelques mois, ce que permet la margedégagée par cette activité.

Les tontines et autres mutuellesd�investissementDans les grandes villes africaines, la plupartdes adultes sont engagés dans une ou plusieurs« tontines », c�est-à-dire des systèmesd�épargne collective réunissant quelquesdizaines de personnes, dans le cadre desquelschacune épargne une somme périodique(toutes les semaines ou tous les mois), etaccède à son tour au produit de cette épargne.

Cet outil financier est très utilisé dans lesecteur du commerce et des services, car ilpermet d�épargner par petites sommes, sans

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frais bancaires et de prêter sans trop de risquesà des proches, car les liens individuels desmembres d�une tontine sont très forts.

De nombreux charretiers ont recours à cemode d�épargne pour financer un nouvelattelage.

8.3. Des stratégies de limitationdes risques

Minimiser les immobilisationsL�une des principales préoccupations de toutentrepreneur africain est de se mettre à l�abrides aléas politiques et économiques qui sonttrès importants dans la plupart de ces pays(risques de coup d�Etat, d�expulsion, de rupturede contrat public arbitraire...).

L�un des moyens de protection les plusutilisés consiste à limiter les investissements auminimum, car ils constituent une immobilisationà long terme exposée au vol, àl�expropriation,...

Cette stratégie est très marquée chez lesentreprises de vidange mécanique de Bamako,Cotonou ou Dakar, qui préfèrent acheter descamions d�occasion (qui ne coûtent que 20 à30 % de la valeur d�un camion neuf), même sicela induit des charges de maintenanceimportantes.

On retrouve la même stratégie pour laconstruction d�extensions de réseau, à Abidjan,Nouakchott ou Cotonou. Comme cesextensions ne bénéficient jamais d�unedéclaration d�utilité publique, elles peuvent êtreexpropriées (sans indemnités) et déterrées à toutmoment (c�est d�ailleurs ce qui s�est passé àplusieurs reprises ces dernières années àAbidjan).

Les opérateurs choisissent alors du matérielde bas de gamme (conduites PVC en PN 6), defaçon à réduire leurs pertes en casd�expropriation. La contrepartie de ce faibleniveau d�investissement est évidemment une

fréquence plus forte de ruptures de conduites etdonc des charges importantes de maintenance.

Exercer plusieurs activitésComme l�approvisionnement en eau potable etl�assainissement sont des services publics, cesactivités sont très sensibles aux politiquesnationales ou municipales, à l�évolution ducadre réglementaire et même à l�évolution ducahier des charges de l�opérateur principal (lasociété de distribution d�eau).

Dans ce contexte de marchés publics, lesopérateurs indépendants évitent toujours de« s�enfermer » dans un face à face avec unseul client et cherchent au contraire à diversifierleurs activités, de façon à pouvoir réagirrapidement à toute opportunité et à pouvoirvaloriser de manière permanente leurs moyens(matériel et personnel) :

� Les entreprises de vidange mécanisée deBamako en offrent un bon exemple ; ensaison sèche (qui constitue pour elles unemorte saison), elles mobilisent leurs camionspour le transport d�eau sur les chantiers deconstruction (dont c�est alors la pleinesaison) ;

� Les charretiers de Dakar se reconvertissentdans le transport des marchandises durantla saison des pluies ;

� De nombreux charretiers de Nouakchottretournent au village durant l�hivernagepour cultiver leurs champs.

Ces stratégies de diversification de l�activitévont tout à fait à l�encontre de la spécialisationque les projets cherchent trop souvent àimposer aux opérateurs privés (en leurdemandant de se spécialiser sur une seuleactivité de service public). De tellesspécialisations représentent une prise de risqueimportante, que les projets sous-estimentgénéralement.

Pour vivre heureux, vivons cachés !De nombreux entrepreneurs africains choisissentdélibérément d�adopter un profil bas, une

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image modeste et de ne pas trop manifester leurprospérité. C�est le cas par exemple del�entreprise BTI à Nouakchott, qui a longtempspoursuivi son activité dans une arrière-cour,alors qu�elle était leader sur le marché dumatériel solaire en Mauritanie et même enAfrique de l�Ouest.

C�est également le cas de plusieursentreprises de vidange mécanique de Dakar ouBamako, dont on chercherait en vain lesbureaux, bien qu�elles couvrent plus de 10 %du marché local. Leur seul affichage public estleurs camions vidangeurs, stationnés près desmarchés.

L�affichage très discret de ces entrepreneursn�est pas une marque de modestie. C�est unetactique de protection à l�égard des abuspolitiques ou administratifs : faute d�unvéritable état de droit, une entreprise doittoujours éviter de créer des envieux.

Rester dans le secteur informelLa très grande majorité des opérateurs quenous avons rencontrés sont restés dans lesecteur informel, c�est-à-dire que, comme 90 %des entrepreneurs africains, ils n�ont pascherché à être enregistrés auprès del�administration.

Seules sont passés dans le secteur formel lesentreprises qui y trouvent un avantage directcomme l�accès aux marchés de l�ONAS -curage des fossés - à Dakar ou à celui devidange des fosses septiques d�établissementspublics à Bamako. Tous les camions vidangeurssont d�ailleurs obligés de formaliser tout oupartie de leur activité, pour pouvoir faireimmatriculer leurs camions.

Les raisons de la réticence des entreprises àformaliser leur activité sont évidentes :

� Cela entraîne une pression fiscale nonnégligeable et surtout des pratiques fiscales

souvent dissuasives (notamment le calcul deforfaits un peu arbitraires qui exposentl�entrepreneur à toutes les pressions) ;

� Les charges sociales augmententconsidérablement alors même que laprotection offerte reste souvent théorique.

8.4. Compétition et associationentre opérateurs d�une mêmeville

Outre la relation avec l�opérateur primaire dela ville (l�entreprise concessionnaire ou lamunicipalité), tous les opérateurs indépendantsentretiennent des relations avec d�autresopérateurs indépendants de la même localité.Ils travaillent dans l�indifférence, en groupementou parfois en antagonisme complet. Pour mieuxcomprendre les dépendances etinterdépendances il a été utile de distinguer 7types de relations qui vont de la synergie auconflit, en passant par l�indifférence.1

La concurrenceDès lors que la rivalité se joue entre individusqui recherchent simultanément un mêmeavantage, la relation est dite concurrentielle.Baye pelles, porteurs d�eau et camionsvidangeurs vivent cette concurrence auquotidien. Mais leurs relations parfois difficilesavec l�administration peuvent les inciter àdévelopper une certaine solidarité et à secomporter en respectant des règles qu�ils onteux-mêmes établies.

� A Bamako, les revendeurs d�eau utilisant lepousse-pousse sont en majorité natif dedeux régions (Gao et Ségou). Ils seretrouvent la nuit dans un lieu commun. Ilséchangent et écoutent des conseils de leur« Doyen ». Des repères tarifaires sont fixésmais nul n�est tenu obligatoirement de lesrespecter. En pratique, le prix de vente est

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1 Les appellations suivantes sont utilisées uniquement dans le but de faciliter la présente réflexion et ne se veulentpas une catégorisation universelle.

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décidé par le jeu de l�offre et de la demandeet dépend donc beaucoup des difficultésd�accès aux quartiers.

� Confronté à des ruelles sablonneuses oùpassent difficilement leurs véhicules, lesvidangeurs de Cotonou réfèrent un clientpotentiel à l�un d�entre eux dont le camionest muni de pneus adaptés. Ilsreconnaissent la particularité de leursconfrères et leur laissant la part (niche) dumarché qui leur revient.

� Il arrive que les revendeuses deOuagadougou se mettent à deux pourpousser un pousse-pousse chargé d�eau.Généralement elles évoluent par groupe de10 à 15 autour d�une même borne fontaine.

Le conflit d�intérêtLa concurrence se joue aussi entre métiersdifférents. Des exemples montrent que lesrelations peuvent devenir conflictuelles :

� En périphérie de Nairobi, les porteurs d�eause sont sentis lésés par une extension duréseau communautaire dans un quartier oùils vendaient l�eau. Avant de céder leurplace aux fontainiers, les porteurs d�eau ontendommagé les tuyaux pour défendre leurmarché.

� A Ouagadougou, en cas de pénurie grave,les pousseurs se déplaçant d�une bornefontaine à une autre à la recherche del�eau et n�hésitent pas à menacer les gérantspour être servis en priorité.

La reconversionCertains entrepreneurs pratiquent lareconversion. Ils ne se consacrent pas à un seulmétier mais se reconvertissent selon lesopportunités que présente le marché et lessaisons. Présentant certes une concurrenceaccrue pour les opérateurs spécialisés, ceux quipratiquent la conversion d�un métier à l�autreadoptent en fait une stratégie de diversificationde leur assiette de revenu. Sur un marché peu

porteur ceci est gage de viabilité. Une multituded�exemple existent.

� Les camions vidangeurs transportent del�eau pour les chantiers de construction deBamako durant la saison sèche.

� Les transporteurs du Cap Vert ne chargentune citerne pour l�eau que lors des fortespénuries d�eau qui font monter le prix à unniveau jugé suffisant.

� Les pépiniéristes de Dakar font le curage decaniveaux et réutilisent les boues commeterreau.

� Les kiosques d�eau de Nairobi se présententavant tout comme de petits commerces dedétail, qui offrent de multiples produits.

� Les maçons, les puisatiers et les PME dansle secteur du bâtiment qui s�adonnent à lavidange des fosses et des latrines quand ilsn�ont pas d�autre chantier.

Le commercialCertains opérateurs tissent et entretiennent entreeux des relations réellement commerciales, detype sous-traitance, prestation de service ourevente au détail. C�est le type de relation quiprévaut dans le domaine de la maintenancedes pompes, mais aussi dans celui de la ventede l�eau (le gérant d�un forage vend à uncamionneur qui revend lui-même à un gérantde citerne qui vend enfin à un simple porteurd�eau). En cas de fidélisation on peut parlerd�abonnement, sans pour autant qu�il y ait decontrat signé en bonne et due forme.

La contractualisation intervient plus souventlorsqu�un opérateur délègue à un autre lagestion d�une installation. Tel est le cas desAssociations d�Usagers des petites villes duMali, qui confient la gestion d�une bornefontaine à une fontainière rémunérée auprorata du volume distribué.

La coopérationAu-delà du rapport strictement commercial sesitue celui de coopération. Elle peut avoir un

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objectif purement financier. C�est le cas desbayes pelles de Dakar, qui agissent commeintermédiaires pour orienter les clients verscertains camions vidangeurs. A Cotonou, cesont certains kiosques de vente de journaux quijouent ce rôle.

La coopération entre baye pelle et camionspeut d�ailleurs fonctionner dans les deux sens,car les camions eux-mêmes peuvent orienter lepropriétaire d�une fosse vers un baye pelle si lesdépôts sont trop compacts pour être enlevés paraspiration. Dans ce cas les deux acteurs fontdes démarches pour accroître le chiffre d�affairede l�un et de l�autre.

Bien que la démarche soit tout à faitdifférente, la CCAEP et les Associationsd�Usagers visent le même résultat. Payée auprorata du volume produit par toutes lesAssociations à qui elle prête main forte, laCCAEP est financièrement intéressée au bonfonctionnement des installations.

La corporationEntre opérateurs du même métier, cemouvement de coopération relève plutôt d�unrenforcement collectif. Bien qu�elles soientencore peu nombreuses, de telles structuresfédératives semblent se multiplier rapidementavec l�ouverture démocratique ;

� L�Union des Exploitants des Adductionsd�Eau Potable (UEAEP - Mali).

� L�Association des revendeurs d�eau desQuartiers Précaires (AREQUAP - Côted�Ivoire).

� Union des Structures de Vidange (USV -Bénin).

Le cartelIl suffit de peu de choses pour qu�un simplemouvement corporatif bascule dans lacollusion. A l�image d�un cartel, la collusionsert avant tout les intérêts des opérateurs qui sesont regroupés, et qui cherchent à capterl�intégralité du marché en empêchant d�autres

opérateurs de s�installer. Cette collusion se faitau détriment de la concurrence et donc durapport qualité / prix offert aux usagers.

Tableau de synthèseLe tableau de la page suivante illustre les typesde relations les plus fréquents entre diversopérateurs d�une même ville, qu�ils exercent lamême activité ou des activités complémentaires.

Bien entendu certains opérateurs, qu�ilsappartiennent au même métier ou non, ne fontque coexister entre eux. Si aujourd�hui lesrapports entre eux n�existent pas, le tableauaffiche leur collaboration comme étant nulle.

Pour améliorer la qualité des services, ilpeut s�avérer opportun de mettre en relation desopérateurs qui pourraient ainsi faire jouer leurssynergies et leurs complémentarités. Ensemble,ils pourraient imaginer des mesures pourdévelopper davantage les services d�eau etd�assainissement destinées aux populationsmarginales. Dans ce cas, la case du tableauporte la mention nul, mais possible.

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LES OPÉRATEU

RS IND

ÉPEND

ANTS D

ES SERVICES D

E L�EAU ET D

E L�ASSAINISSEM

ENT

Type de relation qui existent fréquemment entre différentes catégories d�opérateurs

Prestataire Gérants de Camions Fontainiers Pousseurs Porteurs Baye Vidangeurs WC, douches Décharge &

de soutien mini AEP citerne pelles mécaniques publics traitement

Prestataire de soutien Nul mais

possible

Gérants de mini Coopération Coexistence /

AEP collectif

Camions citerne Commerciale Commerciale Concurrence

Fontainiers Nul Commerciale Commerciale Coexistence /

collectif

Pousseurs Nul Nul mais Nul Commerciale Concurrence

possible

Porteurs Nul Nul mais Nul Commerciale Concurrence Concurrence

possible

Baye pelles Nul Nul Nul Nul Nul Conversion ? Concurrence

Vidangeurs Commerciale Nul Conversion Nul Nul Nul Coopération Concurrence/

mécaniques collectif

WC, douches Nul Nul mais Nul mais Nul mais Nul mais Nul mais Nul mais Nul mais Coexistence

publics possible possible possible possible possible possible possible

Décharge & ? Nul Nul Nul Nul Nul Nul Commercial / Nul mais Nul mais

traitement coopération possible possible

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9.1. Les branchementsparticuliers

C�est le service de base proposé par lesgrandes entreprises de distribution d�eau et il ya effectivement une forte demande pour ce typede service (l�eau à domicile à toute heure),surtout dans les grandes villes. Force estcependant de constater que de nombreusesfamilles pauvres n�ont pas accès à ce service, àcause de son coût et de ses modalités defacturation.

Les charges de raccordement sontdissuasives pour les familles les pluspauvresLes charges de raccordement « normales »comprennent principalement une caution(avance sur consommation, rarementrécupérable) et une taxe de raccordement.Ces charges fixes sont dissuasives pour lesfamilles à revenus modérés, dans les 10villes étudiées, car elles représententcouramment l�équivalent de 2 à 5 mois derevenus moyens (per capita).

Les branchements subventionnésCertaines entreprises concessionnaires sont bienconscientes de l�inefficacité sociale que celaentraîne (limitation de l�accès au service publictaux de desserte) et surtout de leur manque àgagner (perte de clients potentiels).

9. Démarches commerciales et stratégiestarifaires

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Elles ont donc mis en place des politiquespour la subvention des branchementsparticuliers, à partir de dons de bailleurs defonds (branchements « sociaux » de la SBEEou de la SdE) ou de fonds nationaux, alimentéspar la vente de l�eau (Fonds de Développementde l�Eau mobilisé par la SODECI).

Dans des villes comme Dakar ou Abidjan,où le taux de desserte est très fort, ces politiquesfavorisent l�accès à l�eau des familles à revenusmoyens mais comme les quartiers les pluspauvres sont « hors réseau », ils restent peutouchés par ces politiques « sociales ».

De plus, le branchement est généralementréservé aux titulaires d�un titre foncier, ce quiexclu automatiquement les habitants desquartiers irréguliers, particulièrement nombreuxà Abidjan et Nairobi.

La facturation périodique constitue unobstacle pour les familles les pluspauvresLe mode de facturation de l�eau (une facturetous les deux ou trois mois) constitue égalementun obstacle pour les familles les plus pauvres,dont les revenus sont très irréguliers. Cetteexclusion est encore renforcée par certainescompagnies concessionnaires (comme la SEEGen Guinée) qui imposent des forfaits mensuelsplus élevés que la demande réelle des famillespauvres.

Le prépaiementLes systèmes de prépaiement (avec des cartes àpuce électronique en particulier) connaissent ungrand succès en Afrique dans le secteur dutéléphone et tendent à se développer dans celuide l�électricité.

Certains opérateurs (notamment en Afriquedu Sud) essaient de les développer également

pour la vente de l�eau, ce qui pourrait répondreà la demande des familles dont les revenus sonttrès irréguliers 1.

Ce type d�outil de commercialisation estmieux adapté aux grands distributeurs, car ilentraîne une gestion commerciale pointue etune maintenance des compteurs très technique.

Il reste à évaluer en condition réelle lefonctionnement de tels systèmes qui pourraientpeut-être offrir un service qui correspondemieux à la demande de certaines familles àrevenus irréguliers (acheter de l�eau seulementquand on a la disponibilité monétaire - pasd�abonnement et donc pas de risque d�êtrecoupé).

Les grilles tarifaires des grandesentreprises de distribution d�eaufavorisent une certaine péréquationEn Afrique, les grilles tarifaires de toutes lesgrandes entreprises concessionnaires dedistribution d�eau (publiques ou privées) sontconstruites sur le même principe, mais avec desvariations importantes d�un pays à l�autre, quireflètent la politique sociale des différentsgouvernements :

� La tarification est croissante avec laconsommation, avec 2, 3 ou 4 tranches deconsommation comprises entre 5 et 100 m3

par mois. Les plus gros consommateurspaient donc plus cher (contrairement à cequi se passe en Europe par exemple) et lamarge bénéficiaire dégagée sur ces ventesdoit permettre de réduire le montant de lafacture des petits consommateurs (il s�agitd�une subvention croisée entre différentescatégories d�usagers) ;

� Ce système est particulièrement développéau Burkina Faso (c�est un héritage social du

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1 l�offre de service « prépaiement » semble s�être développée plus rapidement en Afrique du Sud que dans lesautres pays africains, mais cela correspond peut-être à un contexte commercial très spécial : celui de l�apartheid, quientraînait une véritable culture du « refus de payer un distributeur assimilé à l�administration de l�apartheid ». Unetelle attitude n�existe pas nécessairement en Afrique de l�Ouest, comme l�indiquent les excellents taux derecouvrement des entreprises concessionnaires à Dakar (entreprise privée) ou Ouagadougou (entreprise publique).

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régime de Sankara) où les grosconsommateurs paient 5 fois plus cher queles petits ;

� La péréquation est au contraire très limitéeen Guinée, où le prix de l�eau estpratiquement uniforme ;

� Ce mode de tarification par tranchescroissantes pénalise la revente devoisinage et ainsi les usagers les pluspauvres (car les revendeurs sont facturésau tarif les plus hauts, dès qu�ils vendentplus d�un m3/jour) et cela estparticulièrement sensible dans les villesoù il y a très peu de bornes-fontainespubliques fonctionnelles (Bénin, Guinée).

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La péréquation ne constitue cependant unevéritable politique sociale que si de nombreusesfamilles à revenus modérés sont raccordées, cequi n�est pas le cas au Mali ou au Bénin. Ellene constitue évidemment un processus deredistribution que si les gros consommateurspaient effectivement leurs factures, ce qui n�estpas le cas au Kenya ou en Haïti, des pays oùles taux de recouvrement n�atteignent pas 50 %.Au Bénin et au Kenya, toutes les tranchestarifaires sont basses (moins de 0,5 US $ parm3) et le taux de recouvrement estparticulièrement faible. C�est donc unesubvention de l�Etat qui finance finalement leservice offert aux heureux abonnés, qui fontpartie des familles à revenus moyens ou élevés.

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9.2. La revente de l�eau auxbornes-fontaines

Les fontainiers achètent bon marchéLes gérants des bornes-fontaines achètent l�eauà l�entreprise de distribution. Ils bénéficientgénéralement d�un tarif avantageux (souventproche de 0,4 à 0,6 US $ / m3), proche decelui de la tranche de facturation la plus basse(qualifiée de tranche «sociale» ou«subventionnée»).

La revente de voisinage est pénalisée parles tarifs progressifsDans les quartiers périphériques ou même dansdes villes entières (comme Conakry ouCotonou), le nombre de bornes-fontainespubliques est tout à fait insuffisant pourrépondre à la demande et de nombreuxabonnés s�installent comme revendeurs

Ce mode de distribution est fortementpénalisé par la progressivité des tarifs, parcequ�un bon revendeur (qui a beaucoup declients et donc de volume vendu) achète unebonne partie de l�eau qu�il vend dans lestranches tarifaires supérieures (plus de 100 m3

par mois) (alors que les gérants de bornes-fontaines achètent l�eau à un prix proche de latranche tarifaire la plus basse).

Les revendeurs sont particulièrement actifsdans les quartiers où il n�y a pas de bornes-fontaines et notamment les quartiers précaires.Les familles de ces quartiers (aux revenusmodestes) sont ainsi pénalisées par la forteprogressivité des tarifs.

Le prix de l�eau vendue à la borne-fontaine est comparable à celui payé parles gros consommateursLes usagers des bornes-fontaines paient ainsil�eau à un prix d�environ 1 US $ par m3, assezproche de celui payé par les grosconsommateurs.

Ceci montre les limites de la péréquationentre petits et gros consommateurs : celle-cibénéficie surtout aux classes moyennes (petitsabonnés), mais peu aux familles les pluspauvres (utilisatrices occasionnelles des bornes-fontaines).

On remarquera aussi sur cette figure quel�ONEA (au Burkina Faso) qui applique un tariftrès bas aux bornes-fontaines, est la seule

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Ils revendent eux-mêmes l�eau avec unemarge bénéficiaire brute de 30 à 90 % du prixde vente final. Il est intéressant de noter que lesmarges les plus fortes (80 à 90 %) sontpratiquées à Cotonou et Nairobi, c�est-à-diredans des villes où le service public de l�eau estparticulièrement déficient dans la plus grandepartie de la ville et où le tarif des fontainiersintègre l�investissement dans des conduites pouramener l�eau dans les quartiers.

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compagnie à offrir un service vraiment adaptéaux populations les plus pauvres, puisque le tariffinal (0,45 US $ par m3) est très proche de celuide la tranche la plus basse dans d�autres pays.

Par contre, au Bénin, au Kenya et enOuganda, où le service borne-fontaine est trèsmal organisé (voire pas du tout, comme àCotonou), le prix de vente final aux bornes,plus ou moins clandestines, est parfois trèsélevé (il dépend de la concurrence d�autrespoints d�eau moins chers). Les usagers de cesbornes fontaines (réputés pauvres) paient ainsil�eau 3 à 4 fois le prix appliqué aux grosconsommateurs.

à la borne-fontaine, puisqu�il intègre lescharges d�exploitation du transporteur. Danstoutes les villes étudiées, il se situe entre 2 et 8US $ par m3. Il est intéressant de noter qu�il y arelativement peu de différences entre le prixpratiqué par les charrettes et les camions,probablement parce qu�il existe une véritableconcurrence entre ces deux moyens de transportpour l�approvisionnement de certains clients(comme les chantiers de construction).

Mais ce prix reflète simplement les coûtsde revientCertains représentants de l�administration oudes entreprises concessionnaires en déduisentun peu vite que ces prix sont abusifs et que cestransporteurs « exploitent la misère desfamilles les plus pauvres ». Ce type deraisonnement ne résiste pas à l�analyseéconomique. Le marché du transport de l�eauest très concurrentiel et les pousse-pousses,comme les charretiers gagnent à peine de quoisurvivre (1 à 3 US $ par jour !).

A Ouagadougou et Nouakchott, lesbornes-fontaines alimentent surtout les

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9.3. Le portage de l�eau àdomicile

Le prix de l�eau transportée à domicile esttrès élevé

Le prix de l�eau transportée est naturellementbeaucoup plus élevé que celui de l�eau achetée

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charrettes et les pousse-pousses. Ce sont devéritables stations de remplissage pour desmilliers de transporteurs (7000 àOuagadougou !) qui emmènent ensuite l�eaudans les quartiers où il n�existe pas de réseaude distribution. Le portage à domicile neconstitue plus alors un service de luxe, mais leseul service offert aux familles.

Le problème des unités monétairesConcernant la revente de détail (à la bassine,au seau, etc.), l�existence d�unités monétairestrop fortes (des pièces de 5 CFA, 1 ouguiya,...)rend difficile la commercialisation de très petitesquantités d�eau. Il est difficile d�acheter moinsde 10 litres alors qu�il existe une demande pourcette quantité qui peut être plus facilementportée par les enfants.

On peut aussi de demander commentajuster le prix de vente à des unités de mesuretrès variables (seaux, bassines et jerrycan dedivers volumes).

Cette difficulté (liée à la valeur minimale desunités monétaires) ne doit cependant pas êtresurestimée, car les revendeurs arrivent assezbien à l�intégrer, grâce à une négociationpermanente avec la clientèle (vendre troispetites bassines pour le prix de deux moyennes,pratiquer des rabais temporaires,...).

Cette négociation permanente rend lesystème plus souple qu�il n�apparaît à premièrevue et cela permet aux revendeurs de pratiquerfinalement des tarifs au m3 variables selon lequartier, la période de l�année...

9.4. Les stratégies tarifaires despetits opérateurs

Les petits opérateurs indépendants s�adaptenttrès étroitement à la demande des usagers etaux disponibilités financières des ménagespauvres :

� En pratiquant la vente par petites quantités(et cela peut descendre jusqu�au verred�eau froide ou glacée) ;

� En pratiquant le crédit à court terme pourles familles du voisinage ;

� En pratiquant des tarifs variables avec larareté de l�eau (distance au réseau), avec lasaison (concurrence de l�eau pluviale) ouavec la rapidité du service (payer un surcoûtpermet de se faire servir tout de suite quandil y a de longues files d�attente).

9.5. Une intense concurrence quilimite les marges bénéficiaires

Les opérateurs indépendants font-ils desbénéfices abusifs ?Certains cadres de l�administration ou desONG prétendent parfois que les opérateursindépendants réalisent des « margesbénéficiaires » exagérées, au détriment despopulations pauvres, qui doivent payer tropcher leurs services.

Toutes nos enquêtes montrent que ce genred�affirmation ne résiste pas à l�analyseéconomique. Au contraire, il apparaîtclairement que le secteur des servicesd�approvisionnement en eau etd�assainissement est extrêmement concurrentielet que les marges bénéficiaires sont doncréduites.

La plupart des opérateurs ne réalisent qu�unbénéfice très limité, qui leur permet simplementle renouvellement de leur matériel et lareproduction de leur force de travail. Voiciquelques exemples de bénéfices net moyendans ce secteur d�activité :

� Charretiers transporteurs d�eau àNouakchott ou Bamako : 2 à 3 US $ parjour ;

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� Pousse-pousse, à Ouagadougou ou BoboDioulasso : 2 à 2,5 US $ par jour ;

� Gérants de bornes : 3 à 4 US $ par jour àDakar, Bamako, Conakry, Abidjan ;

� Camions vidangeurs : 100 US $ par jour àBamako ou Dakar.

La libre concurrence est le meilleurmoyen de limiter le prix des servicesC�est l�intensité de la concurrence qui expliqueces bénéfices relativement limités. Tant quel�activité reste fortement concurrentielle, lesdifférents opérateurs sont obligés de limiter leurmarge à ce qui est indispensable à la poursuitede leur activité.

C�est la raison pour laquelle toutecontrainte institutionnelle qui limite le nombredes opérateurs ne profite en général pas auxusagers, car elle permet à quelques opérateursd�augmenter leurs prix (et leurs marges) à l�abride ce quasi-monopole.

C�est par exemple la situation de la vidangemécanique à Cotonou, où une forme de cartels�est mis en place sous le couvert d�unelégislation régulant la profession. On constateeffectivement que c�est dans cette ville que lestarifs de la vidange sont les plus élevésd�Afrique de l�Ouest (ils sont 80 à 90 % plusélevés qu�à Bamako, où les prix des camions etdu carburant sont pourtant plus élevés. 

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La grande majorité des opérateursindépendants se situent dans le secteurinformel, ce qui signifie qu�ils ont peu derelations officielles avec l�administration (pas deprotection sociale, peu d�impôts, peu derégulation�).

Comme ils assurent un service collectifconsidéré comme « essentiel », ils sontcependant en interaction continuelle aveccertaines administrations nationales et locales etleur activité dépend fortement du contexteinstitutionnel et juridique du secteur hydrauliqueet des options prises par l�Etat à l�égard dusecteur privé.

10.1. L�organisationinstitutionnelle des secteurs eaupotable et assainissement

L�eau, un service public de baseDans tous les pays d�Afrique, l�eau etl�assainissement sont présentés parl�administration comme des services collectifsessentiels, ayant pratiquement le caractère d�un« droit du citoyen », ce qui devrait logiquementimpliquer que ces services soient fournis à tous,avec si nécessaire de larges subventionsfinancées par la fiscalité générale.

10. Le contexte institutionnel

La réalité est plus complexe. De nombreuxcitoyens n�ont aucun accès à l�eau potablepublique. Mais ils acceptent assez bien de sefournir auprès d�opérateurs indépendants,parce qu�ils ont toujours eu recours à de telsacteurs et qu�ils ne croient plus guère auxpromesses des politiciens.

Une gestion différente en milieu rural eturbainEn Afrique subsaharienne, le service public del�eau en milieu rural relève en généraldirectement de l�administration centrale quiréalise les investissements et confie l�exploitationdes points d�eau à des associations d�usagersqui ne recouvrent qu�une petite partie descharges.

Par contre, en milieu urbain, la gestion duservice est déléguée à une entreprise publiqueou privée qui exploite le réseau, vend l�eau etessaie de couvrir l�ensemble de ses charges, ycompris le renouvellement de tout ou partie deséquipements.

Un service qui relève surtout de l�Etat etpeu des communesEn Afrique sub-saharienne (et au contraire dece que l�on rencontre dans les pays d�Amériquelatine), le secteur hydraulique (eau potable et

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assainissement) est dirigé principalement parl�Etat et les communes n�y jouent qu�un rôlemineur. Depuis quelques années, la plupart desEtats ont adopté de nouvelles lois quiaccroissent les prérogatives des collectivitéslocales, mais ces lois modifient surtout lerégime des communes rurales et elles ne ferontsentir leurs effets que quand les communesauront reçu les moyens fiscaux d�assumer leursnouvelles responsabilités.

La privatisation du secteur hydrauliqueLes 10 pays étudiés n�ont pas connu la mêmehistoire depuis leur indépendance. Certains ontopté pendant longtemps pour un modèleéconomique d�inspiration socialiste, quiprivilégiait la gestion des services marchands(comme celui de l�eau potable) parl�administration ou une entreprise publique.D�autres ont, au contraire, envisagé deconcéder le service à des entreprises privées dèsl�indépendance et ce mode d�exploitation tendà se généraliser depuis 5 ans.

Trois des 10 pays ont mené ce processusjusqu�au bout, en permettant la constitutiond�entreprises de distribution d�eau privées (auSénégal et en Côte d�Ivoire) ou d�économiemixte (en Guinée).

Le même processus semble clairement enmarche dans plusieurs autres pays (Ouganda,Kenya, Bénin, Mali). Dans tous les cas, leschéma de privatisation qui est envisagéprivilégie la concession de l�ensemble duservice urbain à une entreprise« monopoliste », dont le capital est dominé parune grande entreprise privée internationale.

Deux points méritent l�attention, car ils ontune grande importance pour les opérateursalternatifs du secteur de l�eau :

� Les contrats de concession ou d�affermagene prévoient pas la concurrence entreexploitants, mais au contraire un régime trèsmonopolistique (sérieuse entorse à la

philosophie libérale qui accompagne cesprivatisations) ;

� Les opérateurs privés qui existent déjà dansle pays (transporteurs, revendeurs,exploitants de petits réseaux) ne sont jamaispris en compte et on semble considérercomme légitime leur expropriation (secondeentorse à la philosophie libérale).

10.2. Quand la loi favorise lessituations de monopole.

Le monopole sur la ressourceL�Etat possède dans la plupart des pays africainsun monopole sur le droit d�exploiter ou deconcéder les ressources en eau (au contraire dece qui se passe dans de nombreux payseuropéens, où le propriétaire du sol possèdeégalement des droits sur les eaux souterraines).Certains concessionnaires s�appuient sur cettesituation pour tenter d�éliminer leurs concurrentspotentiels, en demandant à l�Etat d�interdire auxopérateurs indépendants d�exploiter des forages.Une telle exigence pourrait effectivement éliminerbeaucoup de concurrents dans les villes où lesressources locales sont insuffisantes et où il fautfaire venir l�eau depuis des champs captantssitués à plus de 50 km (Dakar, Nouakchott,Conakry).

Le monopole sur les zones rentablesDans les 10 pays étudiés, le champ de laconcession porte seulement sur les zonesurbaines et exclut les zones rurales qui relèventde l�hydraulique villageoise gérée parl�administration. Ce champ couvre doncseulement quelques dizaines de villes,regroupant de 20 à 40 % de la population dupays, mais qui constituent les zones où lademande solvable est la plus importante et oùl�exploitation est la plus rentable.

Seule la SODECI assure une couverturenationale beaucoup plus large, puisqu�elle

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distribue l�eau dans 544 villes et villages deCôte d�Ivoire.

Ce type de concession n�ouvre à laconcurrence des opérateurs indépendants queles zones jugées peu rentables parce que lescoûts de revient y sont élevés (petites villes etquartiers marginaux des grandes villes). Et pourcouronner le tout, on exige souvent de cesopérateurs qu�ils alignent leurs tarifs sur celuidu concessionnaire national, sans qu�ilspuissent assurer la moindre péréquation avecdes grandes villes plus rentables.

Les entraves à l�ouverture de bornes-fontainesLa revente de l�eau est un service de proximitédont la qualité dépend beaucoup dudynamisme du revendeur. La compétition est lemeilleur moyen de stimuler celui-ci et c�estpourquoi toute entrave à l�ouverture denouvelles bornes se fait au détriment de l�intérêtdes usagers.

De nombreux gérants de bornes-fontainesréclament un monopole local, pour préserver larentabilité de leur activité. C�est même l�une desrevendications centrales de l�association des

revendeurs de Abidjan (l�AREQUAPCI), quivoudrait disposer d�un droit de regard sur lesnouvelles bornes-fontaines.

L�intérêt des usagers commande parcontre de garder à ce marché un caractèretrès concurrentiel, pour limiter l�inflation desprix que l�on rencontre dans les villes où lesbornes-fontaines sont rares ou peufonctionnelles (Cotonou, Conakry, Dar EsSalam, Nairobi).

L�accès au domaine foncier publicLa maîtrise du foncier constitue un outilextrêmement puissant pour constituer unmonopole pour les services qui dépendent deréseaux enterrés (comme l�eau potable etl�assainissement). Pour construire un réseau, ilest en effet indispensable de pouvoir installerdes conduites sous les voies publiques et celane peut se faire qu�avec l�aval del�administration.

Celle-ci n�autorise le plus souvent qu�unseul opérateur à placer des conduites (on neconnaît guère que le Paraguay où plusieursopérateurs puissent placer leurs conduites côteà côte) et lui attribue automatiquement un

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Vers le développement de réseaux autonomes à Kampala ?Malgré son caractère commercial, l�exploitation des bornes-fontaines est déléguée de préférenceaux femmes et aux personnes âgées, et aux membres de la famille. Mais au-delà de cettegérance à caractère social, semblent émerger de véritables entreprises de distribution d�eau.

En général, le gérant de borne-fontaine assure la vente d�eau auprès de 200 à 300 usagers àpartir de son kiosque individuel. Mais d�autres, plus entreprenants, assurent la gestion d�unréseau de plusieurs kiosques, et distribuent ainsi l�eau à des communautés villageoises de lazone périurbaine. Il s�agit en fait d�extensions du réseau National Water & SanitationCorporation réalisées et gérées par des associations d�usagers. Mais à Kampala, une telleinitiative ne semble pas encouragée par la NWSC (obligation d�une caution de 125 USD/raccordement, nouvelles connections par la NWSC sans consultation des gérants...).

Cela a mis en évidence l�intérêt de construire des réseaux totalement autonomes vis à vis duréseau de la NWSC. A l�initiative d�un ingénieur, et de sa femme spécialiste en marketing,l�entreprise « Kalebu Limites » a vu le jour. Elle gère 5 systèmes d�AEP, dont 2 à Kampala. Ces2 forages équipés d�électropompes desservent 600 habitants. L�installation du second systèmes�est fait à partir des bénéfices tirés du premier. Elle gère aussi un parc de 8 bornes-fontaines detype monnayeur raccordées au réseau de la NWSC.

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monopole de longue durée (sauf à l�exproprieren le dédommageant).

Cette situation de monopole n�est pas trèsstimulante et le concessionnaire tarde doncsouvent à équiper les nouveaux quartiers. Cesont alors des opérateurs indépendants quiprennent le risque de l�investissement, enrétrocédant au concessionnaire les réseauxinstallés.

A Dakar, plus de la moitié des réseauxde distribution sont installés par despromoteurs immobiliers indépendants etnon par la SONES (société de patrimoineresponsable des investissements dans leréseau). Ces investissements privés sontautomatiquement transférés dans lepatrimoine géré par la SONES,moyennant une promessed�indemnisation.

10.3. La décentralisation

Des ambitions�Depuis 10 ans, un vent de décentralisationsouffle en Afrique de l�Ouest. Les communes sevoient reconnaître un rôle croissant en matièred�organisation de services publics qui étaientjusqu�alors assurés par l�Etat (investissement,maîtrise d�ouvrage, contrôle des travaux ou duservice, régulation).

Mais peu de moyens�Les ressources très limitées des communes(notamment fiscales) ne les mettent pas enposition d�assumer pleinement ces nouvellesresponsabilités. Cette décentralisation risquedonc de se transformer en un simpledésengagement de l�Etat, si on ne met pas enplace une clé de répartition de la fiscalité plusfavorable aux communes.

Un frein plutôt qu�un régulateurLes Municipalités des villes qui ont étéétudiées ne sont donc pas encore desinterlocuteurs très actifs des opérateurs

indépendants de l�eau et l�assainissement.Quand elles interviennent, c�est surtout pourbrider leur activité :

� Imposer aux camions vidangeurs desamendes pour rejets illicites à Bamako,alors qu�aucune des 6 communes n�aouvert de station de dépotage ;

� déterrer des conduites privées dans desquartiers irréguliers d�Abidjan, pourtant bienidentifiés et cartographiés par les bureauxd�études nationaux depuis 10 ans

� Limiter arbitrairement le nombre de bornes-fontaines (en déterminant les emplacementsautorisés), au lieu de laisser lesentrepreneurs prendre leurs propres risques.

10.4. Le développement desvilles, un processus hors decontrôle

Sans prétendre tout organiser et planifier, lesEtats et les municipalités tendent à orienter ledéveloppement des villes, notamment enstructurant l�espace foncier et en créant degrandes voies de communication. L�une descaractéristiques principales des grandes villesafricaines semble pourtant leur développement«spontané», voire anarchique.

La trame urbaine est lacunaireIl y a des quartiers entiers sans voiescarrossables, pas ou mal reliés aux quartiersvoisins ou au centre ville ou encore d�accèsdifficile en temps de pluie. Cette situation rendévidemment très difficile la construction deréseau de distribution d�eau et pratiquementimpossible celle des réseaux d�assainissement.

L�insécurité foncière est grandeIl n�existe pas de cadastre dans la plupart desquartiers populaires et beaucoup d�occupantsn�ont pas de titres fonciers reconnus par l�Etat.Cette insécurité foncière freine les investisseursprivés qui se sentent toujours à la merci d�uneexpropriation.

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Il a peu ou pas de lotissementsaccessibles aux familles pauvresL�étendue des quartiers déclarés « irréguliers »varie beaucoup d�une ville à l�autre et sembleindépendante de la prospérité de ces villes (àAbidjan, qui est la ville la plus riche d�Afriquede l�Ouest, plus de 80 quartiers irréguliers sontrecensés officiellement).

Déclarer un quartier comme « irrégulier »est une décision lourde de conséquence pourses habitants, car cela les exclutautomatiquement de la plupart des grandsservices collectifs urbains (voirie, eau,électricité, assainissement, téléphone).Malheureusement, cette décision est rarementprise dans le cadre d�une politiqued�amélioration du cadre de vie. C�estsimplement une conséquence de l�incapacité del�administration à lotir la zone urbaine au fur età mesure de son expansion.

Le caractère essentiellement politique et nontechnique de l�irrégularité est bien illustrépar l�exemple de Ouagadougou. En 1983,on recensait plus de 70 % d�habitations« irrégulières ». De 1983 à 1987, legouvernement Sankara a procédé à unerégularisation massive de plus de 95 % desparcelles bâties de la capitale (plus de 80000 lots). Mais depuis 1987, cette politiquevolontariste a ralenti et le taux d�habitationsirrégulières était déjà remonté à 25 % en1993, écartant ainsi un quart des citoyensde l�accès aux grands services de base.

10.5. Les relations desopérateurs indépendants avecles entreprises concessionnaires

Dans 9 des villes étudiées, l�opérateur« monopolistique » passe des contrats derevente de l�eau au détail (par seau ou

jerrycan) avec des opérateurs privés (seule laSBEE, à Cotonou, fait exception à cettepratique). Il s�agit de gérants de bornes-fontaines publiques, financées sur fondspublics. Elles sont particulièrement nombreusesà Dakar, Bamako, Ouagadougou, Kampala,...

Dans ce cas il existe un contrat formel entrel�entreprise titulaire de la concession du servicede l�eau et l�exploitant de la borne fontaine. Cecontrat détaille toujours les tarifs de vente, leshoraires officiels d�ouvertures, les conditions depaiement, les causes de rupture du contrat,...L�existence de ce contrat formel ne doitcependant pas faire illusion. Les relations réellesentre les fontainiers et leurs clients sontlargement déterminées par le jeu de laconcurrence et par des facteurs noncontractuels, comme la corruption des agentsdu concessionnaire :

� Les tarifs sont essentiellement déterminés parla concurrence ; par exemple dans denombreuses villes du Cameroun, où lesbornes fontaines sont rares, la SNEC a fixédes tarifs trop bas (0,8 US $ par m3) et lestarifs pratiqués sont systématiquement plusélevés (1,6 US $ par m3) ;

� Les bons fontainiers adaptent(heureusement) leurs horaires d�ouverture àla demande des clientes plutôt qu�auxhoraires imposés par le contrat ;

� L�entreprise concessionnaire du servicerompt souvent les contrats des bornes lesplus rentables de manière abusive (aupremier retard de paiement), ce qui permetà certains agents de récupérer la gérancede la borne au profit d�un proche ;

� Pour se prémunir contre ces ruptures trèspénalisantes, certains fontainiers n�hésitentpas à corrompre des agents duconcessionnaire.

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10.6. Les organisationsprofessionnelles

Des structures relais de l�administrationun peu délaissées�Plusieurs Etats ont cherché à encadrer lesentrepreneurs en les obligeant à adhérer à desstructures professionnelles servant de courroiede transmission à l�Etat ou au parti dominant(Chambre des Métiers, Fédération desArtisans�). La trop forte mainmise de l�Etat surces structures a réduit leur intérêt pour lesopérateurs indépendants qui cherchent plutôt àse regrouper entre eux pour défendre leursintérêts face à ce qu�ils estiment être les abus del�administration.

�.font place à de véritables unionscorporatistesC�est ainsi que dans beaucoup de villes, lesprofessionnels d�un même métier ou d�unemême branche d�activité se sont regroupés enunions corporatistes, destinées à défendre leursintérêts. De telles unions sont bien connuesdans le domaine des transports publics et desmarchés, mais il en existe également dans celuide l�eau potable et de l�assainissement :

� L�Union des Structures de Vidange (USV)regroupe les camions vidangeurs àCotonou et c�est son lobbying efficace qui apermis l�amélioration de la législation etl�ouverture d�une station de lagunageprivée ;

� L�AREQUAPCI regroupe les abonnésrevendeurs agréés à Abidjan et négocieavec la SODECI une grille tarifaire calquéesur celle des bornes-fontaines ;

� les fontainiers de Ouagadougou ont fondél�association KADIOKO pour défendre leursintérêts, notamment en cas de résiliationabusive de contrat par l�ONEA

� 9 concessionnaires de petits réseaux ontconstitué une GIE Mauritanie pourmutualiser certains risques (stock de piècescommun par exemple) ;

� L�Union des exploitants au Mali, regroupedes associations d�usagers qui exploitentdes réseaux de distribution dans 16 petitesvilles du Mali et constitue un interlocuteurcrédible pour l�administration et la CCAEP(structure parapublique d�audit descomptes) ;

� Les entreprises de fabrication et demaintenance de matériel solaire d�Afriquede l�Ouest ont constitué un syndicat(AFRISOL) pour diffuser leurs services etleurs produits.

Une tendance à la cartellisationIl ne faut pas se bercer d�illusions. Les unionsprofessionnelles ne sont pas de simplesamicales de gentils membres qui cherchent àaméliorer les services rendus aux famillespauvres. Ce sont des syndicats professionnelsqui défendent avant tout les intérêts de leursmembres et c�est d�ailleurs leur véritable objetsocial, comme celui de tout syndicat.

Cela conduit la plupart des unions àchercher à s�assurer le monopole sur certainscréneaux de marché :

� L�USV est un club fermé qui refuse denouveaux membres, sous prétexte que lastation de lagunage est saturée, et invite enconséquence l�administration à poursuivreles autres vidangeurs ;

� L�AREQUAPCI demande à la SODECI de luiaccorder un droit de regard sur les futursagréments de revendeurs, pour éviter qu�ilsne fassent concurrence à ses membres.

Une telle tendance à se transformer encartel est probablement un phénomène assez

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La CCAEP, une structure d�appui aux exploitants de petits réseauxLa Direction Nationale de l�Hydraulique au Mali développe un modèle de gestion partagée duservice d�eau potable dans les centres semi-urbains. Ce modèle « tri-mixte » (public-associatif-privé) fait appel aux associations d�usagers (AU) en tant qu�exploitant deséquipements collectifs; prévoit le transfert aux futures communes des compétences relevant de lamaîtrise d�ouvrage; mobilise l�expertise professionnelle pour des prestations de gestion partielle.La première expérience de la sorte fut celle de la Cellule de Conseil aux Adductions d�EauPotable (CCAEP) qui offre divers services comme :

� l�audit financier, deux fois par an, des comptes d�exploitation ;

� le conseil pour l�entretien et la réparation de pannes (grâce à un contact journalier parradio VHF) ;

� la formation des membres exécutifs des AU sur les aspects comptables et techniques ;

� un soutien en terme de communication d�une part entre associations, d�autre part entrel�exécutif de l�association et les membres de l�assemblée générale.

La CCAEP perçoit de chaque AU une redevance de 20 FCFA/mètre cube et en 1998, laproduction totale des centres représente pour la CCAEP un chiffre d�affaires de 16.486.940FCFA TTC (environ US$ 30000), soit une partie seulement des frais de fonctionnement. Dansl�avenir la CCAEP compte doubler son chiffre d �affaire en matière d �audit et met sur pied uncentre de formation.

Ce partenariat connaît un succès remarquable dans la sous région de l�Afrique de l�Ouest1 . Eneffet l�Etat malien s�est donné les moyens de sa politique en prélevant directement sur le prix del�eau les fonds pour financer un suivi de proximité. Parmi les indicateurs produits figurent laconsommation spécifique par habitant (litre par jour et par habitant, le coût de revient de l�eauproduite, le coût du carburant par mètre cube produit, l�excédent brut d�exploitation, etc.) Ilspermettent d�identifier les centres qui affichent des anomalies ou des déficits comptables. A lavenue des communes, les rapports d�audit seront l�assise des relations contractuelles entre,d�une part le délégataire et la Commune, et d�autre part la commune et l�Etat. Dans ce sensles bilans de performance seront un instrument puissant d�aide à la décision servant à :

� Réguler le service public et, lors de réexamen, fixer le prix de l�eau et des modalités derémunération de l�exploitant ;

� Résoudre d�éventuels litiges entre maître d�ouvrage et délégataire ;

� Motiver les exploitants à améliorer leur performance en faisant jouer l�émulation

� Informer les usagers de la performance du service de l�eau de leur localité

La disponibilité de données crédibles et comparables est gage de transparence et, en vue de laparticipation accrue des opérateurs indépendants, ceci constitue une condition préalable au jeude la libre concurrence sans toutefois négliger le souci d�un service public accessible à tous.

1 Community-Based Management of Piped Water Supply Systems. (1999). Lucien Angbo. World Bank Water andSanitation Program.

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naturel dans un syndicat d�opérateurs privés,mais elle ne peut aboutir que si l�administrationencourage le cartel, au lieu de défendre lesintérêts des usagers en favorisant laconcurrence.

La syndicalisation est une très fortedemande de la part des opérateursAu cours de ces études, nous avons organiséde nombreux ateliers entre les professionnelsd�un même métier dans une même ville et nousavons été étonnés de voir comment cesopérateurs cherchaient spontanément à seregrouper pour défendre leurs intérêts, mettre encommun des équipements, échanger desméthodes... Cette dynamique associative estbeaucoup plus forte que ce que nous avionsimaginé et elle constitue un des axes de travailles plus prometteurs pour de futurs programmesde soutien aux opérateurs indépendants dusecteur hydraulique.

10.7. Les organismes d�appui àla gestion et d�audit financier

On reproche souvent aux exploitants privés despetits réseaux de distribution d�eau de faire desbénéfices exagérés. Notre expérience montrepourtant que la rentabilité de cette activité n�estpas très forte et c�est ce qui explique le peud�empressement des grandes entreprises dedistribution d�eau à prendre les petits réseauxen affermage.

Pour améliorer les relations entre cesexploitants et les autorités concédantes (qu�ils�agisse de l�administration - Mauritanie - oud�associations d�usagers - Mali), un audit descomptes de l�exploitant par un organismeindépendant pourrait se révéler très utile.

C�est la voie explorée au Mali par la Cellulede Conseil aux Adductions d�Eau Potable(CCAEP), une structure parapublique parrainée

par la Direction de l�Hydraulique (voir encadrépage suivante).

Evolution du coût de revient de l�eauproduit dans les centres suivis par laCCAEPPour les centres travaillant avec la CCAEP, lecoût de revient moyen de l�eau n�a pas cesséde décroître. Ce suivi de proximité a permis auxAU non seulement de maîtriser les coûts deproduction  et contrôler davantage les stocksd�intrant ; mais surtout de réaliser deséconomies d�échelle en distribuant un volumed�eau toujours plus important. Ceci réduit lapart des dotations aux amortissements sur lecoût de revient de l�eau. En l�occurrence, legain est de $US 0.30, soit plus de dix foissupérieur à la redevance payée à la CCAEP

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Les opérateurs indépendants jouent un rôlecentral dans les services de l�eau et del�assainissement de toutes les villes d�Afriquesubsaharienne.

Mais cela n�exclut pas de profondesdifférences d�une ville à l�autre car il existe danschacune d�elles des contraintes spécifiques liées àla disponibilité des ressources en eau, au relief,etc. L�un des grands atouts de ces opérateurs estleur capacité à s�adapter à ces conditions localespour répondre à la demande, sans se limiter auxsolutions les plus classiques.

En conséquence, les solutions techniquesadoptées dans une ville ne sont pasnécessairement transposables dans une autre etle simple « transfert de technologie » estrarement efficace. En fait, dans chaque ville, lesopérateurs indépendants ont souvent déjàtrouvé par tâtonnement les options techniques(et économiques) les mieux appropriées auxconditions locales et tout projet qui voudrait lessoutenir devrait commencer avec beaucoup demodestie par essayer de comprendre ce qui ajustifié ces choix.

11.1. Ouagadougou et Bamako,de l�eau partout, mais en faiblequantité

La majorité des grandes villes africaines (àpart certaines villes côtières, comme

11. La géographie des villes et soninfluence sur les services eau etassainissement

Nouakchott, Dakar, Cotonou,...) se situentdans ce que les géologues appellent deszones de socle cristallin. Les forages creusésdans ce contexte donnent pratiquementtoujours de l�eau, mais les débits exploitablessont faibles. C�est le type de ressource eneau exploitée classiquement en hydrauliquevillageoise, avec des forages de petitdiamètre équipés de pompes manuelles.

Pour approvisionner en eau certainesgrandes villes (comme Ouagadougou,Bamako, Niamey, Zinder... ), les entreprisesconcessionnaires préfèrent alors utiliser les eauxde surface. Les investissements sontconsidérables, qu�il s�agisse de barrages(Ouagadougou) ou de stations de traitementdes eaux du fleuve (Bamako et Niamey). Ils nepeuvent être amortis que sur de longues durées(plus de 30 ans).

On pourrait croire que dans ce contextedéfavorable, les petits opérateursindépendants ne peuvent pas concurrencerles grands concessionnaires pour laproduction de l�eau. Et pourtant, danschacune de ces villes, il s�est trouvé desinvestisseurs privés pour réaliser des forageset en vendre l�eau, en répondant à lademande d�une clientèle solvable qui n�étaitpas desservie par le concessionnaire.

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

Ceci montre bien que les prétendues« conditions naturelles qui justifient l�existenced�un monopole » n�existent que dans l�esprit deceux qui entendent protéger ce monopole, carmême dans des contextes hydrogéologiques trèsdéfavorables, des opérateurs privés nonsubventionnés sont capables de produire et dedistribuer de l�eau dans des conditionsconcurrentielles. Ils n�en sont le plus souventempêchés que par des contraintes juridiques(interdiction de forer, monopole attribué à unconcessionnaire...) ou les pressions del�administration.

11.2. Nouakchott, une capitaledépourvue de ressources en eau

La capitale de la Mauritanie a été fondéerécemment (en 1957), à l�emplacement d�unsimple poste administratif et sans guère sesoucier de son développement à long terme,car l�essentiel de la population mauritanienneétait alors nomade.

Suite à la sécheresse, cette population s�estrapidement sédentarisée (on recensemaintenant moins de 10 % de nomades danstout le pays) et Nouakchott a connu l�un desrythmes de croissance urbaine les plus élevésdu monde, alors qu�il n�y avait aucun coursd�eau à moins de 300 km et pratiquement pasde ressources en eau souterraine sur place (àl�exception d�une nappe phréatique saumâtre).Il a donc fallu alimenter la ville à partir deforages profonds et éloignés (champ captantd�Idini, à plus de 50 km de Nouakchott) etl�aquifère exploité montre depuis quelquesannées des symptômes inquiétants desurexploitation (sa salinité augmente).

Les investissements à consentir pourproduire de l�eau sont donc très élevés. Lesnombreux opérateurs privés qui distribuentl�eau s�approvisionnent donc auprès de laSONELEC, qui exploite le champ d�Idini etNouakchott est l�une des rares villes africainesoù les puits privés sont rares.

11.3. Dakar et Conakry, desnappes surexploitées

Deux des plus grandes villes d�Afrique del�Ouest sont construites sur une péninsule, cequi constitue un environnementhydrogéologique assez défavorable car lanappe phréatique est très exposée à lacontamination par l�eau de mer.

Certains forages situés au c�ur de ces deuxvilles sont effectivement saumâtres, ce qui aobligé les entreprises concessionnaires à faireconstruire d�autres ouvrages situés plus loin àl�intérieur des terres.

Malgré ce contexte défavorable, il existe detrès nombreux puits privés à Dakar et Conakryet ils constituent une sourced�approvisionnement très importante dans lesquartiers défavorisés.

11.4. Abidjan et Cotonou, lecasse-tête de l�AEP etl�assainissement en zonelagunaire

Ces deux villes sont situées à cheval sur leslagunes qui bordent une grande partie duGolfe de Guinée (il en est de même pour Lomé,Freetown...). Elles sont installées sur descordons dunaires de faible altitude, dont unepartie est inondée en cas de forte marée ou deviolent orage.

Les quartiers les plus pauvres sontprécisément installés dans les zones inondables,dont l�assainissement restera toujours trèsdifficile. Ces zones sont officiellement déclaréesnon constructibles, mais les familles à faiblesrevenus sont souvent réduites à s�y installer carle terrain n�y est pas cher, tout en étant prochedes zones d�emploi potentiel.

La desserte de ces zones par les entreprisesconcessionnaires est freinée par cette insécuritéfoncière. Elles adoptent alors des stratégies dedesserte indirecte, en s�appuyant sur desopérateurs alternatifs.

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A Abidjan, la SODECI a accepté d�installerplusieurs centaines de branchementscommerciaux (c�est-à-dire destinés à la revente)pour des abonnés qui habitent en bordure deces quartiers, en sachant très bien que larevente se fera à l�intérieur de ces quartiersqu�elle ne peut pas officiellement desservir. Etcertains abonnés ont alors installé descentaines, voire des milliers de mètres de réseausecondaire, pour desservir ces zonesmarginales.

On rencontre le même type d�installationprivée à Cotonou, bien que la SBEE nereconnaisse pas le principe de la revente devoisinage. Il est intéressant de noter que lamême entreprise publique dessert par contre cesquartiers en électricité.

11.5. Bamako, un fleuve à toutfaire

La ville de Bamako s�est développée le longdu principal cours d�eau permanent du

Sahel et elle en tire de nombreuxavantages :

� une ressource en eau bon marché pour lalessive, le bain, le lavage des véhicules,...

� un collecteur naturel des eaux usées avecune assez bonne dilution (sauf certainesannées, en fin de saison sèche) ;

� une voie navigable pourl�approvisionnement en produits agricoles eten poisson.

Mais cette facilité même a probablementhypothéqué le développement d�un systèmed�assainissement digne de ce nom. Il esttellement plus facile de tout rejeter dans lefleuve ! L�un des enjeux majeurs d�unemeilleure concertation entre les autoritésmunicipales et les vidangeurs de fosses seradonc d�organiser les rejets de boues de vidangeafin de minimiser leur impact environnemental.

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

Comparaison des atouts et des contraintes spécifiques à quelques capitales africainespour la desserte en eau et en assainissement.

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Contraintes

Accès difficile à la nappe phréatique

Relief accentué

Zones denses sans voies carrossables

Zones isolées par des lagunes

Eaux souterraines saumâtres

Faibles ressources en eau de surface

Atouts

Exutoire naturel ( grand fleuve ou mer)

Ressources en eau de surface

très important

moyennement important

d�une importance négligeable

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

12.1. La capacité à s�adapterrapidement à une demandediversifiée et variable

Dans la plupart des grandes villes africaines,les entreprises de distribution d�eau négligentcertains quartiers ou certaines catégoriesd�usagers. Elles n�assurent donc pas la missionde service public qu�elles ont pourtant acceptéedans le cadre de leur concession (et enéchange de laquelle elles prétendent aumonopole de la vente de l�eau). Elles justifientce mauvais niveau de service par les difficultésparticulières de ces quartiers (fort relief, zonesinondables, irrégularité foncière).

Le succès des opérateurs privésindépendants auprès des familles pauvres tientpour beaucoup à leur capacité à fournir unservice d�approvisionnement en eau oud�assainissement précisément dans les zones oùles grands opérateurs n�interviennent pas.

Ils surmontent donc les difficultés diversesavancées par les grands opérateurs pour nepas assurer le service dans ces quartiers :

� Le relief : les quartiers situés au-dessus dela ligne d�eau des réseaux sont alimentés

12. Les principaux atouts despetites entreprises privées locales

par des transporteurs indépendants (etnotamment des camions à Nouakchott,Kampala, Nairobi) ;

� Les zones inondables : les revendeurs privésde Cotonou et Abidjan placent leursconduites en aérien dans des zonesmarécageuses, ce qui les astreint à unesurveillance régulière ;

� L�insécurité foncière : les quartiers irréguliersd�Abidjan (dont les habitants n�ont pas detitre foncier légal) sont alimentés par desrevendeurs privés qui se raccordent auréseau de la SODECI à partir d�une maisonsituée dans un autre quartier, régulier celui-ci ;

� La faible consommation unitaire desfamilles : les charretiers acceptentfacilement de vendre l�eau par petitesquantités aux familles dont les revenus sontfaibles et irréguliers. Cette clientèle (quiconsomme moins de 2 m3 par mois)n�intéresse guère les grands distributeurs,car les simples charges de relevé decompteur et de facturation dépassent alorsle montant des factures.

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Les charretiers qui alimentent en eaules chantiers de construction à DakarA Dakar, une clientèle importante pour lescharretiers est celle des chantiers deconstruction, car ceux-ci leur passentcommande de livraisons d�eau, mais ausside matériaux de construction. Lescharretiers se tiennent donc toujours àl�affût des nouveaux chantiers. C�est unmarché très concurrentiel et où le charretierest obligé d�être très réactif à l�évolution dela demande et respectueux du délai delivraison.

Les opérateurs privés indépendants sontbeaucoup plus souples et adaptatifs que lesentreprises liées à l�Etat par des contrats deconcession rigides et des cahiers des chargesqu�il est très difficile de faire évoluer. Cela leurpermet de répondre rapidement et avecsouplesse à une demande diversifiée et trèsvariable dans le temps (comme les pics deconsommation saisonnière d�eau à Bamako etOuagadougou et la morte-saison desvidangeurs à Dakar, Bamako, Cotonou) etdans l�espace (tarifs et qualité de serviceadaptés à l�éloignement du quartier).

Si le créneau qu�ils ont choisi n�est plussuffisamment porteur, ou s�ils constatent unebaisse temporaire ou permanente d�activité, ilssont capables d�une reconversion rapide, carils exercent simultanément d�autres activités.

12.2. Offrir un service quirépond bien aux attentes desfamilles pauvres

On reproche parfois aux revendeurs privés den�offrir qu�un service médiocre (de l�eau nonpotable) et à un prix exorbitant (le m3 d�eauvendu revient beaucoup plus cher que l�eaudistribuée directement aux usagers parbranchements à domicile).

Les observations et enquêtes semblentcontredire cette affirmation, puisque les

opérateurs indépendants sont très appréciés parles familles pauvres. Beaucoup de métiers(comme ceux de gérant de borne-fontaine àOuagadougou ou concessionnaire de petitréseau en Mauritanie) bénéficient d�une bonneimage sociale.

Une analyse fine du service apporté par lespetits opérateurs indépendants montre en faitque le rapport qualité-prix des services qu�ilsoffrent est tout à fait intéressant, ce qui expliqueleur succès :

� La qualité de l�eau transportée parcharrette ou pousse-pousse est souventpratiquement la même que dans le réseau(où elle est prélevée) et elle est meilleure quecelle transportée depuis les bornes-fontainespar les usagers eux-mêmes (qui utilisent desbassines non couvertes) ; en pratique, si onvoulait mener une action efficace pouraméliorer la qualité de l�eau utilisée par lesfamilles pauvres, ce n�est pas au niveau descharretiers qu�il faudrait porter l�effort, maisau niveau des réseaux eux-mêmes, où lescoupures de pression trop fréquentesentraînent une contamination par aspirationou infiltration des eaux usées ;

� Le prix de l�eau livrée à domicile (del�ordre de 2 US $ par m3 à Dakar, Bamako,Nouakchott, Conakry) est évidemmentsupérieur à celui vendu à la borne-fontaine(de l�ordre de 1 US $ par m3 ), mais cettedifférence de prix est très bien acceptée parles usagers, même les plus pauvres, car ilssavent bien que cette marge rémunère unvéritable service (le transport) et que lesopérateurs qui le réalisent ne font pas unbénéfice exagéré, car l�offre de service esttrès concurrentielle (un charretier ou unpousse-pousse ne gagne que 2 à 3 US $par jour, pour un travail extrêmementpénible). Les familles pauvres préfèrentd�ailleurs faire parfois appel à untransporteur, pour gagner du temps, lesjours où elles ont elles-mêmes des

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opportunités d�emplois mieux rémunérésdans un autre secteur d�activité ;

� La disponibilité en eau partout et entoute saison, grâce à la capacité desopérateurs indépendants à mobiliser desressources en eau alternatives (puits, petitsforages, sources...) en cas de panne sur leréseau, alors que les entreprisesmonopolistes affirment souvent ne paspouvoir desservir les zones marginales,faute d�une ressource en eau suffisante (cequi est souvent simplement la conséquencede leurs difficultés à investir pour mobiliserde nouvelles ressources en eau).

� La capacité de s�adapter auxcontraintes de leur clients. Par exempleles modalités de paiement sont adaptées àl�irrégularité des revenus que connaissentbeaucoup de ménages pauvres.

� Un bon accueil commercial. L�usagerest respecté, en tant que client, et peutfacilement faire valoir son mécontentementsi le service obtenu est insuffisant. Il n�a pasà subir des tracasseries administratives et lecontact rapproché avec son fournisseurfacilite la communication.

� La liberté de choix entre plusieursfournisseurs, car cette activité est trèsconcurrentielle, et cette concurrence garantitle maintien d�un rapport qualité / prixacceptable.

12.3. Une étonnante capacitéd�autofinancement

Les études menées dans 10 pays nous ontpermis de rencontrer plusieurs centainesd�entreprises de tailles très diverses et toutes cesentreprises ont financé par elles-mêmesl�essentiel de leurs investissements.

Elles ont fait appel le plus souvent à leurépargne familiale, à des systèmes d�épargnetraditionnels (tontines) ou au crédit desfournisseurs. Rares sont les entreprises qui onteu recours au système bancaire, parce quecelui-ci est mal adapté à leur demandes(exigence de garanties difficiles à satisfaire,manque de transparence dans la gestion...).

Cette large capacité d�autofinancementcontredit complètement l�idée trop répandueque, faute d�accès au crédit, les entreprises dusecteur informel ne peuvent développer desactivités qui nécessitent d�importantsinvestissements initiaux. Au contraire, nousconstatons qu�elles sont capables de financerdes équipements collectifs importants, sansdemander de subventions publiques ou decrédits bancaires :

� des réseaux de distribution d�eaudans les grandes villes : à Dakar, 60 % dulinéaire posé chaque année, plus de 100km, est financé par des promoteursimmobiliers privés (un investissement total

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

A Abidjan, les abonnés revendeurs livrent l�eau à domicilePlusieurs centaines d�abonnés revendeurs d�Abidjan ne servent pas seulement leursvoisins, mais les familles habitant dans un rayon de plusieurs centaines de mètres. Ce sontde gros consommateurs, qui négocient avec la SODECI un contrat particulier (abonné« commercial ») avec une facturation mensuelle (la SODECI a ainsi innové par rapport àl�attitude de simple rejet pratiquée par beaucoup de concessionnaires à l�égard desrevendeurs).

Afin de gagner des clients (car ce marché est très concurrentiel), les revendeurs d�Abidjan fontdu porte à porte avec des tuyaux flexibles qui peuvent atteindre 100 mètres. Le même système dedesserte se développe actuellement à Nouakchott, ce qui témoigne d�une rapide évolution de lademande des familles pauvres pour un service de distribution à domicile.

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de plusieurs millions de US $ chaqueannée) ;

� des extensions et branchementsparticuliers dans toutes les petites villes deMauritanie (un investissement qui atteint250 000 US $ à Guérou) ;

� des latrines et douches publiquescomme toutes celles de Bamako (uninvestissement de 3 000 à 10 000 US $l�unité) ;

� des camions vidangeurs dans toutes lesvilles étudiées (un investissement de 20 000à 30 000 US $ l�unité).

Cette relative facilité à investir constituel�une des « surprises » de ces études. Onentend en effet souvent dire (particulièrementpar les sociétés de distribution d�eau) qu�il estdifficile de trouver des investisseurs pour lesactivités du secteur de l�eau potable et del�assainissement et que le développement desservices requiert la mobilisation d�organismesde financements internationaux, non seulementpour les réseaux, mais même pour lesconnections individuelles (par exemple, àAbidjan, plus de 80 % des branchements sontsubventionnés grâce à la mobilisation d�unfinancement de la Banque Mondiale).

Aujourd�hui propriétaire de 20 pousse-pousses qu�il loue à des revendeurssaisonniers, un « compressé » de lafonction publique de Conakry a constituésa flottille en investissant les bénéficesprovenant de � la vente de l�eau avec sonpremier pousse-pousse !

La grande capacité d�autofinancement despetits opérateurs n�empêche évidemment pas lesmêmes entreprises de profiter des « aubaines »que peuvent offrir des projets ou des bailleursde fonds. L�un des GIE qui fait de la vidange defosses à Bamako a ainsi bénéficié d�unesubvention pour son premier camion. Quant àSIBEAU, qui a financé sur fonds propres lapremière station de lagunage de Cotonou, il esten train de négocier un prêt concessionnelauprès d�une agence de coopération bilatéralepour une seconde station.

12.4. Un recouvrement intégraldes coûts

Les opérateurs indépendants recouvrentévidemment l�intégralité de leurs coûts (ils n�enont pas le choix, puisqu�ils ne bénéficient pasdu soutien financier de l�Etat, ni du secteurbancaire).

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LES OPÉRATEURS INDÉPENDANTS DES SERVICES DE L�EAU ET DE L�ASSAINISSEMENT

A Guérou (Mauritanie), plus de 50 km de réseau ont été financés par l�exploitantLe réseau de Guerrou (15 000 habitants) est exploité depuis 4 ans par un jeuneentrepreneur dynamique. Bien qu�il ne dispose d�aucune garantie quant à sesinvestissements (le contrat des « concessionnaires » mauritaniens s�apparente plus à unesimple gestion déléguée, de courte durée et révocable au bon vouloir de l�administration),il a financé et réalisé 13 km d�extension de réseau (secondaire) et 40 km de branchementsparticuliers (pour 1450 abonnés).

Comment a-t-il financé des extensions (d�une valeur totale d�environ 250 000 US $) ? Enmobilisant l�épargne des usagers eux-mêmes, qui préfinancement les travaux d�extension,réalisés par petites tranches successives, de quelques dizaines d�abonnés au maximum. Leconcessionnaire parvient ainsi à financer des investissements dont la valeur dépasselargement son chiffre d�affaires en tant qu�exploitant du réseau (35 000 US $ par an).

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Pourtant, la plupart des grandes entreprisesde distribution d�eau en Afrique affirment quecet objectif de recouvrement des coûts estinaccessible dans les quartiers pauvres et qu�ilfaut subventionner l�activité fortement avantqu�elles n�acceptent d�y étendre un service quisera déficitaire.

Les petits opérateurs indépendantsrecouvrent bien leur coût grâce à larelation commerciale de proximité qu�ilsentretiennent avec leurs clients, une relationbasée d�avantage sur la confiance et lerespect de règles d�honneur que sur descontrats écrits.

Il est intéressant de noter que cerecouvrement intégral des coûts s�accompagnede pratiques commerciales assez souples (créditaux clients réguliers, rabais aux bons clients...)qui contraste avec l�attitude souvent très peucommerciale de la plupart des entreprisesconcessionnaires (qui coupent l�eau au premierimpayé). Celles-ci ont du mal a assurer unerelation commerciale de proximité avec leursclients.

12.5. L�image des opérateursindépendants souffre encore depréjugés non fondés

On entend parfois encore des critiques trèsgénérales concernant l�intervention desopérateurs indépendants dans le secteur del�eau et de l�assainissement. Mais ces critiquesne sont pas relayées par les usagers eux-mêmes, qui apprécient le niveau de serviceoffert dans des zones délaissées par leconcessionnaire et un rapport qualité / prixjugé tout à fait intéressant :

« le service de l�eau a toujours été unmonopole public »

« le prix des revendeurs est x fois supérieurà celui des services classiques »

« le bénévolat suffit pour gérer des systèmescommunautaires, sans faire appel à desopérateurs privés qui font des bénéficesindus » 

« les opérateurs indépendants vendent uneeau de mauvaise qualité »

« l�implication des opérateurs privés setraduit par le retrait de l�Etat »

Il convient de s�interroger plus longuementsur ces idées reçues, que les études réaliséesdémentent.

Le monopole n�est pas en soi le gaged�un service performantEn Europe les sociétés monopolistiqueschargées de la distribution d�eau potable, sontissues de 400 ans d�évolution et de mutation desystèmes très concurrentiels et sont seulementapparues au début de ce siècle.

Ce modèle a donné une certainesatisfaction dans les pays industrialisés, car lademande portait sur un service assezhomogène : un branchement à domicile. Dèslors, le modèle a été transposé outre-mer. Dansles villes africaines la demande se révèlehétérogène et un grand nombre de citadinsachètent de faibles quantités d�eau. Ils sontrebutés par les formalités administratives pourse brancher au réseau ou éventuellement pourfaire objection à une facture erronée. Alors cetteclientèle fait appel à des opérateursindépendants.

Les opérateurs privés indépendantsrépondent bien à la demande despopulations pauvresComparer leur prix de vente à celui dessociétés monopolistes est un argumentbiaisé. D�une part, il ne tient pas compte dufait que, pour prolonger son réseau au c�urde ces zones non-viabilisées et difficilementaménageables, le concessionnaire devrasans doute augmenter son prix de vente.

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D�autre part, le prix est celui d�un servicedifférent de celui de l�entrepriseconcessionnaire : la vente au détail et leportage à domicile. Les clients ne s�y trompentpas, qui acceptent bien de payer ce prix, dontils savent qu�il rémunère simplement un travailsouvent dur, à un faible prix (les revendeursgagnent entre 2 et 3 US $ par jour).

Toute contrainte, tout surcoût imposé auxopérateurs indépendants renchérit le serviceoffert aux pauvres

On veut parfois imposer des contraintesadministratives ou techniques aux opérateursindépendants, dans l�intention affirmée de« protéger les consommateurs ». Mais toutecontrainte entraîne des coûtssupplémentaires� lesquels coûts sont finalementpayés par les usagers les plus pauvres.

Les prix ne flambent que lorsqu�il y apénurie d�eau, manque de sources alternativeset collusion entre opérateurs. On voit ainsi quele rôle régulateur de l�Etat est important, mais ils�agit pour lui de favoriser une offre de servicesconcurrentiels, et non de limiter le nombre desopérateurs.

Volontariat et gestion communautairesont source de fausses économiesLes «projets » ont généralement confié lagestion des équipements collectifs (comme lesadductions d�eau) à des bénévoles. Tropsouvent, si ces novices se débrouillent mal, leserreurs de gestion s�avèrent coûteuses. S�ilsréussissent, c�est la charge de travail qui, à lalongue, les incite à se rémunérer soitformellement ou en « cuisinant » lacomptabilité.

On gagnerait souvent beaucoup de tempset de rigueur en faisant délibérément le choix deconfier la gestion quotidienne des réseaux à desprofessionnels, sous le contrôle d�instancesreprésentant démocratiquement les habitants.

Par exemple, au Mali, des Associationsd�Usagers (AU) sous-traitent la tâche d�audit

financier et d�assistance technique à la CCAEP(Cellule de Conseil aux Adductions d�EauPotable). Moyennant des frais de prestations de20 FCFA par m3 produit, la CCAEP auditerégulièrement le compte d�exploitation et établit lebilan financier. L�administration dispose ainsi dedonnées crédibles montrant une nette progressiondes indicateurs de performance (voir par.10.7).

La qualité de l�eau revendue est trèsproche de celle de l�entrepriseconcessionnaireCette qualité dépend donc surtout de l�efficacitédes mesures prises en amont (et notamment dela chloration). En matière de qualité de l�eau,le problème doit donc être surtout traité dès lesréservoirs, et pas seulement au niveau de larevente de détail.

L�implication du secteur privé peut favoriserle renforcement des services publics

L�implication du secteur privé n�est pasobligatoirement synonyme de pagaille, ni duretrait de l�État. Tout au contraire. Un secteurprivé performant et engagé nécessite un Etatfort :

� d�un système de suivi des opérateurs, basésur des indicateurs objectifs deperformance ;

� d�un cadre de concertation permanentpermettant de faire jouer les synergies etd�améliorer le service dans toute la ville ;

� de sa capacité à garantir un cadreréglementaire stable et un bonfonctionnement de la justice.

Proscrire l�activité des petits opérateursindépendants au nom du sacro-saintmonopole ou des idéaux caritatifs n�est pasla voie à privilégier.

Leur implication peut être source d�idée,d�énergie et aussi de moyens financiers.

Pour qu�ils s�engagent davantage, il fautsupprimer les contraintes excessives quipèsent sur leurs activités et leursinvestissements

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Les principales contraintes que ressentent lesopérateurs indépendants qui ont été interrogésau cours de ces études ne sont :

� ni la disponibilité des équipements (ilstrouvent le matériel qu�il leur faut sur lemarché local, se débrouillent pourl�importer ou même le bricolent à partir dematériel de récupération);

� ni le manque de technologies appropriées,car tout ce qui est possible et imaginable adéjà été testé et toutes les expériences,même farfelues, ont été documentées ; lesopérateurs indépendants sont plutôtconfrontés à une offre excédentaire depropositions techniques réputées«appropriées» et finalement peu fiablesquand il faut les appliquer à l�échelle d�unegrande ville ;

� ni le manque de ressources humainesqualifiées, car l�eau et l�assainissement sontdes services de proximité, bien maîtrisés parles entreprises locales.

Les principales contraintes des opérateursindépendants sont institutionnelles et juridiques.Elles se manifestent par des relations médiocresavec l�Etat, les collectivités locales et lesbanques commerciales.

13. Les principales contraintes à l�améliorationdu service des petites entreprises privées

13.1. Des relations difficiles avecles représentants del�administration

Un trait frappant qui ressort de toutes nosenquêtes, c�est l�absence de tout dialogue entreles opérateurs indépendants et l�administration.Ceci est en partie lié à l�absence d�associationsprofessionnelles représentatives des petitsopérateurs, mais aussi à une certaine «surdité»de l�administration.

Ce manque de dialogue freine l�intégrationde l�ensemble des acteurs du secteur dans desschémas plus cohérents et plus efficaces, et celaaggrave encore la déstructuration de l�espaceet des services urbains :

� l�absence de sites de décharge entraîne lesrejets clandestins ;

� l�inadéquation des tarifs officiels entraîneune revente clandestine ;

� l�implantation des bornes fontaines sansconcertation avec leurs futurs exploitantsexplique l�abandon de certaines bornes peurentables.

Les opérateurs indépendants, faute dereconnaissance officielle, sont soumis auxpressions de certains agents de l�administration(amendes injustifiées...) qui renchérissent leurs

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coûts et surtout introduisent un élémentd�insécurité qui décourage les grosinvestissements.

La gestion privée de WC publicspromue et � freinée par lamunicipalité de KampalaSur la base d�un contrat passé avec lamunicipalité, trois opérateurs privés se sontengagés dans la gestion de WC publics.L�activité est particulièrement porteuse : encentre ville, une installation de 8 cabinetsreçoit ainsi 70 personnes par heure, 11heures par jour. Cependant ledéveloppement d�une telle activité est freinépar le coût de réhabilitation préalable àl�exploitation (3 500 USD par toilette), letarif élevé de l�eau délivrée par la NWSC (2USD par m3 d�eau pour une consommationde 16 m3 par jour en moyenne) et lepaiement d�une taxe de 1000 USD parmois au KCC, après 3 ans d�exercice.

Face aux fréquentes coupures d�eau, l�unde ces gérants, propriétaire de la « KKM Allservices Ltd », a réhabilité un forage àproximité de ses installations pour bénéficierd�un apport indépendant de la NWSC. Ils�est équipé d�un pick-up doté d�unréservoir pour approvisionner sesinstallations. Il assure également le curaged�égout. Son entreprise lui rapporte autourde 15 000 USD par an. Les populationspauvres représentent près de 70% de saclientèle.

13.2. L�absence d�organismesindépendants de régulation dusecteur

L�un des traits marquants de la privatisation dusecteur hydraulique en Afrique, c�est l�absencede tout organisme indépendant de régulation,alors que l�on a pu constater ailleurs(notamment en Europe et en Amérique latine) àquel point le régulateur et son indépendance

pouvaient avoir une influence déterminante surla qualité des services offerts aux usagers etsurtout aux familles à faibles revenus, qui neconstituent pas les cibles commercialesprioritaires des grandes compagnies dedistribution d�eau.

L�absence de toute forme de régulationconduit à des gaspillages (trop d�eau danscertains quartiers, pas assez ailleurs), à unegestion déficiente de la ressource (surexploitéepar certains utilisateurs au détriment de l�intérêtgénéral) et à l�inégalité des conditions dansl�accès aux services de base.

S�il existe un organisme de régulation,encore faut-il qu�il ait une véritableindépendance, de façon à pouvoir arbitrerentre les intérêts divergents des diversopérateurs et notamment en cas de conflit entrel�administration et des opérateurs privés. Lesservices de l�Etat, avec leur longue tradition de«régie directe» ne sont ainsi pas toujours trèsbien placés pour réguler l�activité d�opérateursindépendants dont ils jalousent l�autonomie etle dynamisme. En voici deux exemples :

� l�administration exige le contrôle de laqualité de l�eau distribuée par les opérateursindépendants, mais contrôle rarement l�eauqu�elle distribue elle-même ;

� l�administration souhaite fixer elle-même leprix de l�eau, mais n�entend pas verser desubventions pour compenser un prix qu�elleaurait fixé sous le prix de revient.

13.3. Un déficit de politiquesurbaines

Depuis 30 ans, les capitales africaines voientleur population s�accroître de 5 à 8 % par an(soit un doublement en 8 à 14 ans). Un rythmed�expansion aussi rapide entraîne évidemmentdes difficultés pour l�organisation des servicescollectifs, car cela oblige les autoritésmunicipales à s�adapter continuellement à unedemande qui évolue rapidement.

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Or l�une des caractéristiques de ces grandesvilles, c�est justement le déficit de politiquesurbaines claires. Les municipalités ont desmoyens très limités (et cela ne changeraprobablement pas dans les années à venir) etune autorité politique battue en brèche parl�administration centrale. Le manque decohérence des stratégies d�aménagement (ils�agit plutôt d�un laisser faire que d�unepolitique délibérée) débouche sur lamultiplication des quartiers spontanés, qui sontdifficiles et coûteux à desservir (zonesinondables, ravines encaissées, ruelles noncarrossables...).

L�activité des opérateurs indépendants estfreinée par cette situation :

� l�inexistence et l�éloignement des points oùles camions vidangeurs peuvent dépoterentraîne des charges supplémentaires(transport, perte de temps et amendes) quise répercutent sur le prix payé par lesusagers ;

� à Bamako et Dakar, le manque d�airesde stationnement autorisées ne facilite pasl�activité de ces camions, car ils peuventêtre du jour au lendemain obligés de« déguerpir » d�une aire déjà bien connuede leurs clients ;

� à Bamako, l�une des principalescontraintes à l�édification de latrines etdouches publiques est le manque deterrains municipaux à acheter dans leszones où il existe une demande pour cesservices (gares, marchés,...) ; pourtant,nous avons rencontré plusieurs opérateursprivés qui se déclarent prêts à financer lestravaux et à organiser l�exploitation denouvelles toilettes publiques.

Ceci nous rappelle que les opérateursindépendants peuvent assurer un certain niveaude service, même si l�environnement leur estdéfavorable, mais il est évident que plus lastructure urbaine est anarchique, plus il est

coûteux d�assurer le service et plus il est difficilede le rendre accessible à toutes les familles.

13.4. Les excès du régime deconcessions

Les contrats de concessions du service de l�eau(en Afrique et ailleurs) favorisent la mise enplace de monopoles sur de longues durées(souvent 30 ans).

Ces situations monopolistiques ne sontévidemment pas favorables à l�innovation et àla diversification de l�offre. Par exemple, denombreux contrats interdisent le pompage et lavente de l�eau à l�intérieur du périmètre de laconcession, ce qui élimine légalement toutconcurrent.

Les heureux concessionnaires défendent leurmonopole d�arrache-pied (et sur ce point, lecomportement des entreprises publiques n�estpas différent de celui des entreprises privées).

Cette situation est évidemment préjudiciablepour les usagers, car elle permet auconcessionnaire de maintenir des prixartificiellement hauts ou une qualité de serviceinsuffisante. Les opérateurs indépendants quidistribuent l�eau au détail, en aval desconcessionnaires, se plaignent de ne pas avoirle choix de leur fournisseur :

� les abonnés-revendeurs de Abidjan sevoient appliquer un tarif progressif à 3tranches ; quand ils font bien leur travail(quand ils ont beaucoup de clients), ilsachètent donc l�eau fort cher et sont obligésde répercuter ce prix sur leurs clients ; deplus, ce sont pratiquement les seulsabonnés à qui l�on refuse un raccordementsubventionné ;

� les délestages de l�opérateur primaireentraînent un service d�eau irrégulier à laborne-fontaine ; les fontainiers deNouakchott sont ainsi obligés d�investirdans de grands bassins de stockage, pour

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compenser l�irrégularité del�approvisionnement.

Quand les agents du concessionnairecherchent à évincer les gérants privésSelon les responsables de l�Association desfontainiers du Kadioko (Ouagadougou),bon nombre de bornes fontaines de la villeappartiennent à des agents de l�ONEA quiles font gérer par des prêtes noms. C�est laraison pour laquelle les contrats de certainsgérants sont parfois dénoncés, en violationflagrante des dispositions écrites. Touteplace perdue est vite récupérée par unagent de l�ONEA.

13.5. La frilosité oul�inadaptation du secteurbancaire « moderne »

Le secteur bancaire « moderne » ne répondpas aux besoins des petites entreprises locales,ce qui oblige celles-ci à financer leursinvestissements au travers d�outils financierstraditionnels efficaces (tontines, empruntsauprès de la parenté,...) mais relativementcoûteux (en termes de taux d�intérêtnotamment).

De plus, faute d�un soutien bancaire, cesentreprises ne peuvent « mutualiser » leursrisques avec d�autres et sont donc amenées àadopter une stratégie d�investissement prudente,c�est-à-dire à ne s�engager que sur le courtterme.

On a vu ci-dessus (voir § 0 ) que la plupartdes entreprises ont un temps de retour surinvestissement inférieur à 12 mois et mêmesouvent à 6 mois.

Cela signifie que ces entrepreneurs ne seprojettent dans un avenir lointain, mais

limitent volontairement leurs investissementsafin de récupérer assez rapidement leur miseinitiale, avant une éventuelle expropriationarbitraire. Si l�opération se révèle rentable,l�entreprise grandit alors souvent parmultiplication progressive du nombred�équipements, plutôt qu�en investissantdans des équipements plus coûteux, maispour lesquels le retour sur investissement nesera pas aussi rapide.

Ce qui est tout à fait étonnant, c�est quefinalement ces opérateurs indépendantssemblent se passer assez facilement du secteurbancaire moderne (mais au prix de chargesfinancières non négligeables) et cette situationn�est pas spécifique aux secteurs de l�eau et del�assainissement. En pratique, c�est plus de lamoitié de l�économie locale (toute l�économieinformelle, mais aussi une part importante del�économie formelle, comme celle des camionsvidangeurs) qui échappe aux organismesbancaires modernes.

On pourrait donc se demander si ce ne sontpas ces banques elles-mêmes qui souffrent leplus de leur incapacité à pénétrer un marchédont le poids tend à augmenter dansl�ensemble de l�économie. L�incapacité dusecteur bancaire dit « moderne » à répondreaux besoins en crédit de ces entreprises seraitdonc plus inquiétante pour ces banques elles-mêmes (elles perdent la clientèle d�une partieimportante et très dynamique du secteur desentreprises) que pour les opérateursindépendants eux-mêmes1 .

Le seul exemple de réel soutien des banquescommerciales aux opérateurs indépendants dusecteur hydraulique enregistré est celui deSIBEAU (entreprise d�assainissement deCotonou), qui a pu bénéficier de plusieurs

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1 En proposant de soutenir les SSIP au travers de lignes de crédit gérées par ces organismes bancaires inadaptés à lademande des SSIP, ne fausse-t-on d�ailleurs pas totalement les mécanismes de financement du secteur, enfaisant « rentrer par la fenêtre » (en subventionnant leur activité) des banques inefficaces qui étaient « sorties par lagrande porte » (qui avaient perdu ce secteur de marché, faute d�offrir des services financiers attractifs).

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crédits à des conditions préférentielles, adossésà des organismes multilatéraux.

13.6. Un accès trop difficile auxmarchés publics

De nombreux petits entrepreneurs se plaignentde ne pas avoir accès aux marchés publics detravaux (construction des réseaux ou des fossesseptiques) ou de services (comme la vidangedes fosses ou le curage des caniveaux).

Ils sont écartés à la fois par la grande taillede ces marchés publics (les marchés sontconstitués en lots importants, qui ne peuventêtre traités que par quelques entreprisesnationales ou internationales) ou par desententes délictueuses entre quelques grossesentreprises et des agents de l�administration.

Ceci constitue évidemment un groshandicap pour les petites entreprises, car lesmarchés publics (et particulièrement ceux quisont financés par l�aide extérieure) représententune part très importante du marché des travauxdu secteur hydraulique (plus de 80 % de cemarché).

Le manque d�ouverture à la concurrence nepénalise d�ailleurs pas seulement les petitsopérateurs privés. Il pénalise également lesEtats concernés, car toute entrave à laconcurrence pousse vers le haut le prix destravaux et des services.

13.7. L�insécurité desinvestissements

Nous avons vu ci-dessus que les entreprises dusecteur hydraulique limitaient volontairementleur prises de risques, en ne réalisant que desinvestissements à court terme, permettant unretour sur investissement inférieur à deux ans(camions achetés d�occasion, réseaux construitsen PVC basse pression,...).

Il ne s�agit pas d�un manque deprofessionnalisme de leur part, mais d�un choix

délibéré, rendu nécessaire par l�insécurité desinvestissements. En voici quelques exemples :

� à Cotonou, la plupart des extensions deréseau ont été réalisées dans des zones nonloties (quartiers irréguliers), qui peuvent êtreexpropriées du jour au lendemain, sansindemnité pour le fontainier ;

� à Bamako, les vidangeurs se font parfoissaisir leur camion, sous des prétextes pastoujours très clairs ; ils ne sont jamaiscertains de les récupérer ;

� à Kampala, deux petits réseaux ont étéconstruits dans des zones périphériques ; lejour où la NSCW installera son propreréseau et vendra l�eau à son tarif officiel(largement subventionné), ces exploitantsferont faillite.

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Contrairement à une idée reçue et tenace, lesopérateurs indépendants ne sont pas à l�affûtdes subventions ou des crédits. Ils n�attendentmême pas de l�Etat des formations spécialiséesou la sécurité sociale. Ce qu�ils souhaitentavant tout, c�est un environnement institutionnelet juridique plus sain, qui les encourage àinvestir et à développer leur activité. Ilssouhaitent également une meilleureconcertation avec les municipalités et lesentreprises concessionnaires, pour éviter laconcurrence inégale avec des prestatairessubventionnés et les litiges improductifs.

Dans un domaine aussi complexe, il n�y apas de recettes toutes faites, ni de conseilsuniversels à donner. Des des pistes de travailont cependant été identifiées pour de futursprogrammes, qui seront déclinées en troisgroupes :

� des orientations stratégiques, valables pourtous les types d�acteurs ;

� des pistes à explorer ;

� des pièges à éviter (les fausses bonnesidées).

14. Que faire ?

14.1. Quelques orientationsstratégiques pour uneamélioration des services

Renforcer la sécurité juridique desopérateurs indépendantsLes indépendants n�investissent pas sur le longterme, à cause de l�insécurité foncière etjuridique et cela constitue un frein majeur àl�extension du service de l�eau et del�assainissement aux quartiers irréguliers (où onrisque toujours de se voir exproprié du jour aulendemain).

L�insécurité de l�environnement de travail(tracasseries administratives et amendesabusives) renchérit les coûts de production duservice et se répercute automatiquement sur leprix de revente aux clients.

Reconnaître officiellement la valeur deleur activité et contractualiser desrelations formelles avec l�Etat et lescommunesLes opérateurs indépendants que nous avonsinterrogés se plaignent souvent du manque de

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reconnaissance de leur activité par l�ensembledes acteurs officiels du service de l�eau(administration, sociétés concessionnaires ensituation de monopole, communes).

Une concertation entre acteurs permettraitde clarifier les enjeux et les points de blocage(comme l�absence de sites de dépotage pourles boues de vidange) et de mieux articulerl�activité de tous les opérateurs, publics etprivés, ce qui profiterait immédiatement auxusagers (réduction des surcoûts inutiles,meilleure couverture de l�ensemble de laville,...).

Veiller à la transparence et au libre jeude la concurrenceCelle-ci est un moteur très puissantd�innovation (pour gagner de nouveaux clients)et de maintien de prix modérés. Pour défendreles intérêts des usagers, le rôle del�administration est donc toujours de stimuler laconcurrence et la transparence des activités :

� favoriser l�audit financier des comptesd�exploitation des concessionnaires deréseaux de distribution d�eau ;

� ouvrir les marchés publics aux opérateursindépendants (en rendant les procéduresplus simples et plus transparentes) ;

� ne pas limiter le nombre d�opérateurs pardes procédures d�agrément ou descontraintes inutiles.

14.2. Quelques pistes de solution

La concertation à l�échelle locale entreacteurs du secteurL�administration et les collectivités localesconnaissent mal les opérateurs indépendants etsous-estiment largement leur activité. Cetteignorance est particulièrement manifeste dans le

secteur de l�assainissement, où la plupart desschémas directeurs ignorent l�activité réelle desvidangeurs et leurs contraintes, alors qu�ilsassurent l�assainissement de la grande majoritédes maisons.

Il est donc intéressant de développer desmécanismes de concertation entre acteurs dusecteur hydraulique qui facilitent, pour un coûtlimité, le développement de synergies entre lesactions de divers opérateurs et la résolution decertains litiges.

Intégrer d�avantage les services offertspar divers opérateurs d�un même secteurDurant ces études de terrain, nous avons étéplusieurs fois étonnés du gaspillage induit parla coexistence de divers opérateurs publics etprivés refusant de collaborer :

� les 700 exploitants de bornes-fontaines deBamako pourraient alimenter en eaubeaucoup plus de familles s�ils recevaientde l�eau plus régulièrement et à plus fortepression (à l�instar des exploitants deNouakchott et de Ouagadougou, quivendent 20 m3 par jour) ;

� face à une situation de déficit - en saisonsèche, quand la demande est la plus fortecar de nombreux puits tarissent - lacompagnie de distribution d�eau pourraitélargir son taux de desserte en faisantbasculer une partie plus importante del�offre sur les bornes-fontaines, dont on saitqu�elles induisent de plus faiblesconsommations par habitant (c�est leconcept de « demand management ») ; 

� l�absence de sites de dépotage appropriésoblige les vidangeurs à décharger dans lanature, avec les nuisances que celaoccasionne ; les exemples de Dakar,Kampala et Cotonou montrent pourtant que

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les vidangeurs sont prêts à utiliser des sitesaménagés si leur accès est facile en toutesaison, même si ce service est cher (àCotonou, il représente plus de 20 % du prixde la vidange) ;

� on rencontre le même problème avec lesordures ménagères : une bonne partie desproblèmes de la filière est liée au mauvaiscouplage entre les collecteurs de proximitésouvent performants (comme les GIE deBamako ou Ouagadougou) et des sites dedécharge publics trop éloignés ;

� l�exemple de la SODECI montre qu�uneentreprise concessionnaire moderne etperformante peut tirer avantage de l�activitédes autres opérateurs, dans la mesure oùcela augmente son taux de desserte et réduitles risques de piquage clandestin sur sonréseau.

Rendre plus transparent l�accès auxmarchés publicsDe très nombreux petits entrepreneursrencontrés au cours de ces études se sontplaints de ne pas avoir accès aux marchéspublics de travaux et de service. Par exemple,les travaux d�extension de réseaux à Dakar sontmonopolisés par une seule entreprise (filiale duconcessionnaire de surcroît). Il en va de mêmepour la vidange des fosses septiques desbâtiments publics de Bamako, un marchéimportant capté par deux ou trois entreprises.

Dans la mesure où les marchés publicsreprésentent 10 à 50 % du chiffre d�affaires deces secteurs d�activité, l�accès à ces marchésconstitue un enjeu important pour lesentreprises. Leur captation par un nombrelimité d�entre elles constitue un véritableproblème de gouvernance (corruption, réseauxd�influence au sein de l�administration) mais ilretarde également le développement d�un tissud�entreprises dont les performances seraientdopées par une saine concurrence.

L�une des revendications des opérateursindépendants est donc un meilleur accès auxmarchés publics de travaux (construction desréseaux ou des fosses) ou de services (commela vidange des fosses et le curage des fossés) :

� des lots de travaux plus petits (ils sontparfois tellement importants que seules desentreprises internationales peuventrépondre);

� des formalités de soumission simplifiées (ledossier administratif à réunir nécessitesouvent plusieurs journées de démarches) ;

� limiter le nombre et le montant des cautionsexigées (quitte à réduire les avances dedémarrage), car ces cautions sont difficilesà obtenir et peuvent ensuite donner lieu àdes pressions intolérables.

Dans le cadre du PSAO (PlanStratégique d�Assainissement deOuagadougou) de nombreux maçons sesont spécialisés dans la construction delatrines améliorées, pour suivre l�évolutiondu marché qui avait été « dopé » par unambitieux programme d�assainissementindividuel. Les familles qui désirentbénéficier du programme (au traversduquel leurs travaux d�assainissement sontsubventionnés à hauteur de 20 à 30 %)doivent s�adresser à des artisans agréés.Certains maçons ont ainsi fondé unenouvelle stratégie commerciale, basée surun produit innovant. L�approche innovantede ce programme a donc permis à de trèspetites entreprises d�accéder à un marché(celui des infrastructures d�assainissement)souvent réservés aux entreprisesinternationales

Rendre le secteur formel plus attirant !La grande majorité des opérateursindépendants du secteur de l�eau et del�assainissement sont restés dans le secteurinformel, bien qu�ils interviennent dans le

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champ d�un grand service public. Ce n�estévidemment pas très satisfaisant pour le fisc (ilspaient peu d�impôts) ni pour les organismes desécurité sociale et cela constitue aussi uneentrave à une régulation du secteur, qui devraitpermettre d�améliorer la qualité des services etleur universalité.

Face au secteur informel, l�administration asouvent tendance à n�envisager qu�unestratégie agressive : le contrôle (enregistrement,agrément) ou l�interdiction (de la revente devoisinage, du dépotage des camionsvidangeurs...). Mais cette stratégie est peuefficace. Les opérateurs y répondent endissimulant leur activité (vidanges nocturnes,absence d�enseigne...) ou en soudoyant lesagents chargés de les contrôler.

Il serait probablement plus efficace derendre le secteur formel plus attrayant, afin queles opérateurs privés prennent eux-mêmesl�initiative de formaliser leur activité. L�attrait dusecteur formel pourrait être renforcé par :

� une fiscalité simplifiée et plus juste (alorsque les entreprises sont souvent soumises àdes impositions forfaitaires, sourced�arbitraire administratif et de corruption) ;

� des systèmes de protection sociale gérésdirectement par leurs usagers (caissesmutuelles plutôt qu�offices nationaux dontles charges de fonctionnement absorbentune grande partie des cotisations perçues) ;

� une meilleure protection juridique desentreprises formelles (tribunaux ducommerce indépendants de l�Etat) ;

� un accès réel au crédit bancaire (laconfiance des organismes bancairess�appuyant elle-même sur la sécuritéjuridique) ;

Les opérateurs indépendants ne sont pas« allergiques » à la formalisation de leuractivité et ils peuvent même y trouver unvéritable intérêt si elle leur permet d�améliorer

leurs relations avec les usagers etl�administration. La CCAEP du Mali (voir §10.7) en fournit un bon exemple, puisqu�elle estbasée sur le principe d�une adhésion volontaireet que de nombreux exploitants de réseaux fontappel à elle.

Améliorer les relations contractuelles del�Etat et des opérateurs indépendantsPour améliorer les performances des opérateursindépendants, l�Etat doit commencer parreconnaître officiellement leur rôle, sansformalisme excessif (le fait qu�un opérateur aitchoisi de rester dans le secteur informel neremet pas en cause l�utilité sociale du servicequ�il offre, surtout si c�est dans une zonemarginale, non alimentée par les opérateurspublics).

Il s�agira ensuite de les inciter à établir desrelations contractuelles avec les collectivitéspubliques (locales ou nationales), pour faireprofiter le développement urbain de leurdynamisme.

Eliminer tout monopoleLa situation de monopole est peu stimulante etseule la concurrence pousse les opérateurs àinnover et à développer leur offre de service.

L�approvisionnement en eau des villesafricaines est probablement l�un des domainesoù les effets négatifs du monopole sont les plusflagrants et c�est ce qui explique les piètresperformances de beaucoup d�opérateurs, bienqu�ils bénéficient de subventions publiques :

� l�absence totale d�investissements dans 30 à60 % des quartiers ;

� l�absence d�investissements réguliers pouraccroître les ressources en eau ;

� une offre de service calée sur des standardsinadaptés (un branchement à domicilepourvu d�un compteur).

Il faut donc limiter le champ du monopole àce qui est strictement indispensable

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(l�exploitation de grands barrages, la pose duréseau primaire...) et favoriser ledéveloppement d�une offre de serviceconcurrente, sans jamais écarter des opérateursexistants (comme le font certaines communesivoiriennes, en déterrant des conduites sousprétexte qu�elles sont « illégales »).

Renforcer la légitimité et la transparencedes associations professionnellesDans plusieurs villes, les opérateurs d�un mêmemétier se sont regroupés au sein d�uneassociation professionnelle, pour faire valoircollectivement leurs préoccupations et défendreleur métier. Des structures fédératives semultiplient :

� L�Union des Exploitants des Adductionsd�Eau Potable (UEAEP - Mali) ;

� L�Association des revendeurs d�eau desQuartiers Précaires (AREQUAPCI - Côted�Ivoire) ;

� L�Union des Structures de Vidange (USV -Bénin) ;

� L�Association des gérants de bornes-fontaines (Ouagadougou).

Si une telle association est réellementreprésentative de son corps de métier (c�est-à-dire ouverte à tous les professionnels de labranche), elle constitue un formidable outilpour :

� professionnaliser les opérateurs ;

� amélioration des services offerts auxusagers ;

� promouvoir des innovationstechnologiques ;

� mieux intégrer les opérateurs privés auservice public.

L�administration peut y contribuer enreconnaissant la légitimité de ces associationset en négociant avec elles les conditions

d�exercice de l�activité. Mais elle doit prendregarde à ne jamais leur donner un quelconquemonopole qui en ferait des cartels deproducteurs, imposant leurs prix aux usagers.

Les statuts de l�Union des Structures deVidange de Cotonou résument bienl�intérêt social de telles associations (art.2):

«�défendre les intérêts matériels et morauxde ses membres ;

promouvoir le développement de laprofession en contribuant à l�élaboration etau renforcement de la déontologieprofessionnelle ;

participer activement aux côtés despouvoirs publics à la mise en place d�uneréglementation et à la prise de toutedécision ayant un impact sur laprofession ;

être non seulement un espace de dialogueet d�analyse de la profession, maiségalement une force de proposition et dedécision grâce à sa structure et à sareprésentativité».

Prendre garde au développement decartelsSous prétexte d�organiser le secteur, les unionsprofessionnelles ont naturellement tendance àse transformer en cartels. Elles s�appuient surleurs relations privilégiées avec l�administration,avec les partis politiques ou même des projetspour obtenir une situation de monopole sur unsegment de marché. Ce processus est tellementrapide, que l�on doit toujours avoir cette dérivepossible à l�esprit quand on traite avec uneunion professionnelle :

� à Cotonou, l�USV a obtenu le monopoledes agréments de nouveaux vidangeurs (ellen�en a d�ailleurs agréé aucun depuis sa

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création en 1995) ; elle a fixé un prixunique des vidanges (plutôt élevé) et interdità ses membres de faire des rabais ;

� à Abidjan, l�union des revendeurs d�eau,dont l�encre des statuts n�est pas encoresèche, revendique le pouvoir de délivrer lesagréments de nouveaux revendeurs, pourlimiter la concurrence, alors que l�efficacitéde la politique actuelle de la SODECI tientlargement à sa capacité à autoriser toutabonné à se transformer en revendeur.

Favoriser l�ouverture des associationsprofessionnellesFace à ce risque (la transformation en cartel),l�administration comme les projets devraienttoujours favoriser l�ouverture de cesassociations, soit en ne traitant qu�avec cellesdont les conditions d�adhésion sont légitimes,soit en n�hésitant pas à travailler simultanémentavec deux unions professionnelles concurrentes.

La formation professionnellePour développer l�activité et les performancesdes opérateurs indépendants, de nombreuxprojets proposent des formations techniques ouà la gestion d�entreprise.

L�idée semble séduisante, mais on peut avoirdes doutes quant à son impact réel carpratiquement tous les opérateurs en activité quenous avons rencontrés n�ont pas bénéficié detelles formations.

Il semble très difficile d�organiser desmécanismes de formation qui profitentréellement aux petits opérateurs, car ceux-cipeuvent difficilement se soustraire à leur activitépour suivre des cours. De plus, rares sont lesformateurs qui arrivent réellement à répondre àleurs besoins, car il leur manque précisémentl�expérience du monde de l�entreprise.

Les « Centres de formation » et autres« Ateliers écoles » ne jouent plus alors que le

rôle d�appendices d�un appareil éducatifformel, déjà largement déconnecté de la vieréelle.

Par contre, certains opérateurs nous ontexprimé leur intérêt pour des services trèsspécialisés comme l�élaboration de contratsavec les services publics, l�analyse du marché,le montage de dossiers bancables, certainesétudes techniques...

Un programme d�amélioration desservices pourrait soutenir les opérateurs prêtsà fournir ce type de services, en renforçantl�expertise locale à l�utilisation d�outils mieuxadaptés à la demande des opérateursindépendants.

14.3. Les « fausses bonnesidées »

Eviter de mettre en place des créditsspécifiquesIl n�est pas nécessaire de mettre en place desservices de crédit ciblés sur les opérateurs dusecteur hydraulique, car les outils de créditexistant sont déjà nombreux et les SSIPdémontrent une très large capacitéd�autofinancement.

Ne pas introduire de contraintesimproductivesLes performances des opérateurs indépendantsdépendent largement de leur réactivité et deleur capacité à innover. Il est donc toujourscontre-productif de vouloir leur imposeradministrativement des limitations à leurschamps d�activité (comme l�interdiction de fairedu petit commerce à côté d�une borne-fontaine)ou à la durée de leur activité (commel�obligation de respecter les horaires del�administration pour faire les vidanges àCotonou).

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Eviter les mesures d�appui trop cibléesqui renforcent ou provoquent dessituations de monopoleLes mécanismes du marché, et particulièrementla concurrence entre les entreprises, sont leurmeilleur stimulant pour qu�elles améliorent leursprestations et qu�elles s�adaptent étroitement àla demande.

Ces mécanismes sont extrêmement puissantset les études menées dans ces 10 capitales ontdémontré qu�ils avaient sélectionné au final desentreprises très performantes, puisqu�ellesarrivent à fournir sans aide extérieure desservices que l�Etat semble avoir renoncé àassurer :

� le traitement des boues de vidange, dans lastation de SIBEAU, à Cotonou ;

� la vidange des fosses et des latrines, danstoutes les villes ;

� l�approvisionnement en eau des quartiers delagune, à Cotonou ;

� la fourniture d�eau aux familles les pluspauvres, qui ne peuvent se payer unbranchement particulier.

Ces performances n�ont été renduespossibles que par la sélection progressive desentreprises les plus performantes et les plusinnovantes. Il est très important de ne pasremettre en cause ce résultat par des actionsintempestives, en se rappelant que «l�enfer estpavé de bonnes intentions ».

Toute mesure d�appui par l�Etat ou par desbailleurs de fonds doit donc être soigneusementétudiée de façon à ne pas limiter laconcurrence et à ne pas favoriser une entrepriseau détriment des autres, sur des critèresapparemment nobles mais qui ne déboucherontque sur du clientélisme.

En particulier, toute nouvelle ligne de créditdoit être ouverte au plus large nombred�opérateurs, et ne doit pas être trop ciblée surun type d�entreprise particulier, mais plutôt sur

un service à assurer. C�est la raison pourlaquelle il ne nous semble pas du toutsouhaitable de créer des instruments financiersspécifiquement destinés aux entreprises de l�eauet de l�assainissement. Mieux vaut améliorer lesinstruments existants, pour qu�ils soient adaptésà la très large gamme des entreprises de toussecteurs qui existent dans ces 10 villes.

Promouvoir des opérateurs idéaux, enlieu et place des opérateurs réelsDe nombreux porteurs de projets (bailleurs defonds, ONG, villes jumelées) ont tendance àsous-estimer le rôle des opérateurs existants ouà les condamner, sous divers prétextes (« ilssont trop chers, leurs services sont de mauvaisequalité, ils sont en marge de la loi... »).

A ces opérateurs bien réels, ils préfèrentalors des opérateurs idéaux qu�ils vonts�efforcer de promouvoir à tout prix.

Ne pas préférer les structures de typeassociatif aux véritables entreprisesPour la desserte des populations à faiblesrevenus, les organismes de développement (etparticulièrement les ONG) ont tendance àpréférer les structures de type associatif auxvéritables entreprises. Cette distinction estprobablement opérationnelle dans les pays duNord, où les populations les plus pauvres sonteffectivement exclues par certains mécanismesde l�économie marchande et ne peuvent avoiraccès à certains services publics que par desopérateurs qui échappent à ces mécanismes.

Il n�en est pas de même dans les villesafricaines où la majorité de la populationhabite des quartiers pauvres et où les servicesde base comme l�eau potable etl�assainissement sont déjà assurés par desentreprises privées, alors que les opérateurspublics subventionnés ont montré leurinefficacité.

Dans ce contexte, ne pas vouloir travailleravec des entreprises privées, sous le prétexte

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qu�elles feraient « des bénéfices immoraux »,relève plus de principes idéologiques et conduità de graves dérives. Les « associations »promues par des projets en lieu et placed�entreprises existantes pour assurer les servicesde base sont souvent de simples appendicesqui disparaissent à la fin de ces projets, tout enayant bénéficié pendant plusieurs annéesd�exonérations fiscales que ne justifie pas unsecteur aussi dynamique de l�économie.

Attention aux contrôleursincontrôlables !Pour améliorer la qualité des services (qualitéde l�eau, tarifs, hygiène des vidangeurs...), ilest tentant d�instituer des mécanismes decontrôle.

Mais l�expérience montre que la mise enplace de systèmes fiables et objectifs est trèsdifficile, surtout dans des pays où les tribunauxn�offrent guère de recours en cas d�abus oud�erreur du contrôleur.

La performance d�un contrôleur dépendbeaucoup de son indépendance et du contrôledémocratique auquel il est lui-même soumis.Faute d�un tel mécanisme, les organismes decontrôle peuvent devenir sensibles à lacorruption et finir par favoriser le monopole dequelques entreprises.

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Dans le contexte d�urbanisation galopante desgrandes villes africaines, ni les monopolesd�Etat, ni les privatisations, ni même lesinterventions caritatives et la gestioncommunautaire de fait n�ont permis de faireface à la demande croissante en matière d�eaupotable et d�assainissement des quartiersdéfavorisés. Moins de 30 % des familles deBamako, Cotonou ou Dar Es Salam ont accèsà l�eau potable. Sans même parler del�assainissement collectif, qui n�est qu�un rêvelointain pour 95 % des familles de ces villes etde beaucoup d�autres.

Pour répondre à cette demande, les Etatsprivilégient généralement une solution classiquebien éprouvée : un grand réseau dedistribution géré par une entreprise en positionde monopole.

Cette solution ne répond cependant pas àla demande diversifiée, atomisée, variable dansle temps et dans l�espace des grandesmétropoles africaines. Même les grandsdistributeurs d�eau internationaux doiventadmettre leurs difficultés à répondre aux besoinsdes quartiers irréguliers.

La plus grande partie des familles pauvreshabitent des quartiers irréguliers ou mal lotissitués souvent en périphérie de la ville, dans leszones d�accès difficile (collines, bas-fonds) ou

Conclusions

dans les interstices de pauvreté de la trameurbaine. Ces situations à la marge du reste dela ville compliquent la desserte par les réseauxclassiques de distribution d�eau ou de collectedes eaux usées.

L�offre de service des opérateursindépendants s�accorde à la demande d�uneclientèle qui achète de faibles quantités d�eau etqui dispose d�un pouvoir d�achat limité etirrégulier. A vrai dire, ce type de client intéressepeu les grandes entreprises concessionnaires,soucieuses avant tout d�équilibrer leur compted�exploitation.

Les opérateurs indépendants occupent detrès nombreuses fonctions dans les filières del�eau et de l�assainissement. Parmi eux, certainsgèrent une ou plusieurs bornes fontaines oupassent de porte en porte pour livrer un seaud�eau. D�autres se font recruter pour la vidangedes latrines et des fosses septiques. Quelques-uns gèrent des petits réseaux de distribution etmême, à Cotonou, une station pour traiter lesboues de vidange.

L�ensemble de ces métiers emploie plusieursmilliers de personnes dans chaque capitale(entre 1 et 2% de la population active). Selonles villes, les opérateurs indépendants emploientde 70 et 90% du personnel du secteur de l�eaupotable, contre 10 à 30% pour les sociétés

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concessionnaires. Leur activité constitue laprincipale source de revenu pour des dizainesde milliers de familles défavorisées et ilsgénèrent un chiffre d�affaires comparable àcelui des grandes entreprises de distributiond�eau, en dépit du fait qu�ils opèrent dans unenvironnement commercial peu favorable, enmarge des circuits habituels, et subissent parfoisl�hostilité de l�administration.

Plus souples que les grandes sociétésconcessionnaires, les opérateurs indépendantss�adaptent plus facilement à l�évolution rapidede la demande, liée au développement desquartiers irréguliers. Ils offrent une grandediversité de services de proximité, ce qui donnela possibilité aux familles de choisir le moded�approvisionnement qui leur convient lemieux. Ces fournisseurs s�adaptent auxcontraintes de leurs clients, tant au niveau de laquantité d�eau vendue, que des modalités depaiement. La communication client/fournisseur,notamment en cas de différent (sur la qualité del�eau, par exemple), remplace les longuesdémarches administratives auxquelles sontsoumis les clients des grands concessionnaires.

Depuis 10 ans, la décentralisation est auc�ur des débats politiques et les expériencesde délégation du service public semultiplient. Les secteurs de l�eau etl�assainissement s�ouvrent au financementprivé et les Etats procèdent au transfert decompétences aux collectivités locales enmatière d�eau et d�assainissement. Lapromotion des opérateurs indépendantss�intègre donc parfaitement dans l�évolutioninstitutionnelle et économique de ces pays.

Cela n�implique pas de faire un choixexclusif entre grosses entreprisesconcessionnaires, structures communautaires etpetits opérateurs privés. Le rôle de l�Etat et desmunicipalités est plutôt d�organiser leurcomplémentarité et de favoriser une saineconcurrence, afin d�offrir le plus d�opportunitéspossibles aux usagers, qui sont capables de

reconnaître les prestataires de service qui leurconviennent.

Pour aller au-delà des simples contrats dedélégation de gestion et inciter les opérateursprivés indépendants à investir dans leséquipements collectifs (canalisation, bornesfontaines, camions vidangeurs et station detraitement), il faut supprimer les contraintessuperflues qui pèsent sur leurs entreprises(lourdeurs des procédures, expropriations sansindemnités, tracasseries administratives,amendes contre-productives), et limiter laconcurrence déloyale des entreprises publiquessubventionnées).

Cela ne signifie pas une réduction du rôlede l�Etat, mais son recentrage sur des fonctionsde régulation pour veiller à la sauvegarde desintérêts collectifs :

� exiger régulièrement l�audit financier desservices et un constat technique desinstallations ;

� mettre sur pied un dispositif de régulationqui relève davantage de l�appui-conseil auxcollectivités locales responsables de lapolice de l�eau et de l�assainissement ;

� créer des espaces de concertation àl�échelle communale où élus locaux etresponsables communautairesdélibèrent sur le développement desservices de bases et leur qualité, sansinterférer avec les opérations courantes del�exploitant ;

� adapter la réglementation aux conditionsréelles des quartiers irréguliers ;

� favoriser la professionnalisation desopérateurs en reconnaissant leurs structuressyndicales comme des interlocuteursprivilégiés.

La mise en réseau des organisationsprofessionnelles leur donnerait un pouvoir denégociation supplémentaire vis à vis de l�Etat etdes sociétés concessionnaires. Sur le plantechnique, une meilleure collaboration entre

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partenaires favoriserait l�émergence de normesbien adaptées aux conditions réelles, car c�estdans la pratique du service de proximité et dansl�échange avec leurs clients que les fournisseursde service peuvent mettre au point des solutionsadaptées.

L�amélioration des services offerts auxfamilles pauvres (et la réduction de leur coût)passe par une meilleure synergie entre lesdifférents acteurs publics et privés. Ces acteursdoivent donc se rencontrer dans chaque villepour approfondir au niveau local quelquesidées fortes bien illustrées par cette étude :

� Pour éviter des pratiques usurières, laconcurrence vaut mieux que le contrôle.

� Les opérateurs indépendants offrent unservice de proximité qui s�accorde à lademande complexe des habitants desquartiers précaires ;

� La reconnaissance juridique et la confianceoffertes aux opérateurs locaux permettrontde mobiliser non seulement leur expertisemais de nouvelles sources de capitaux.

� Reconnaître et coordonner l�ensemble desacteurs du secteur faciliterait l�intégrationdes questions d�eau et d�assainissementdans des problématiques urbaines pluslarges, notamment celles relatives à la santéet à l�environnement.

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September 2000

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