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1 TAXIS VS VTC Comment sortir de la crise du transport rémunéré de personnes, en France ?

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TAXIS VS VTC Comment sortir de la crise du transport rémunéré de personnes, en France ?

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Table des matières

INTRODUCTION ................................................................................................................................... 4

1. La Genèse d’une crise ..................................................................................................................... 6

1.1 Chronologie des événements générateurs de la crise .............................................................. 6

1.2 Les revendications des différentes parties prenantes ............................................................. 10

1.2.1 Revendications des chauffeurs de taxis ................................................................................ 10

1.2.2 Revendications des sociétés de taxis .................................................................................... 10

1.2.3 Revendications des chauffeurs VTC .................................................................................... 11

1.2.4 Revendications des sociétés de VTC ou éditeurs d’application de VTC ............................. 11

1.2.5 Revendications des taxis-motos ........................................................................................... 11

1.2.6 Exigences de l’Etat via l’Urssaf ........................................................................................... 11

2. Les enjeux du transport rémunéré de personnes ............................................................................ 12

2.1 Les enjeux économiques........................................................................................................ 12

2.1.1 La maîtrise des flux financiers ............................................................................................. 12

2.1.2 Evasion fiscale des plateformes étrangères et activité non déclarée des VTC et taxis ......... 12

2.2 Les enjeux sécuritaires .......................................................................................................... 13

2.2.1 La sécurité des utilisateurs .................................................................................................... 13

2.2.2 La sécurité des données ........................................................................................................ 14

2.3 Les enjeux sociaux ................................................................................................................ 16

2.3.1 Analyse des impacts de la dérégulation ................................................................................ 16

2.4 Les enjeux de développement ............................................................................................... 19

2.4.1 Égalité d’accès au transport .................................................................................................. 19

2.4.2 Analyse de la situation.......................................................................................................... 20

3. Les problématiques sous-jacentes à une solution de sortie de crise .............................................. 22

3.1 Quelle est la réalité de l’offre et de la demande ? ................................................................. 22

3.2 Comment cela se passe-t'il ailleurs dans le monde ? ............................................................. 23

3.2.1 Fonds de Garantie - Cas de la Nouvelle Zélande ................................................................. 23

3.2.2 Fond de Garantie - Cas de l’Irlande ..................................................................................... 25

3.3 Que compte faire l’Europe ?.................................................................................................. 26

4. Propositions de solutions à une sortie de crise .............................................................................. 27

4.1 Option #1 : Instauration d’une licence partagée taxi-VTC pour une approche complète du marché mutualisé ............................................................................................................................... 27

4.1.1 Une solution fondée sur la valeur historique d’acquisition .................................................. 27

4.1.2 Les spécificités de l’indemnisation des licences .................................................................. 28

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4.2 Option #2 : Instauration d’un fonds de garantie pour financer l’ensemble du système et des licences .............................................................................................................................................. 29

4.2.1 Dans quel contexte s’inscrit cette proposition ? ................................................................... 29

4.2.2 Quelle est la finalité du fonds de garantie / quels en sont les principes ? ............................. 29

4.2.3 Quelles en sont les missions ? .............................................................................................. 30

4.2.4 Comment est financé le fonds ? ............................................................................................ 31

4.2.5 Points d’attention .................................................................................................................. 31

4.3 Instauration d’une Autorité de régulation en charge de la phase de transition ...................... 32

4.3.1 Dans l’hypothèse d’une mutualisation des licences ............................................................. 32

4.3.2 Dans l’hypothèse de la création d’un fonds de garantie sur le modèle de nos voisins ......... 32

4.3.3 Dans l’hypothèse d’une solution à la française fondée sur l’existant ................................... 33

CONCLUSION ..................................................................................................................................... 34

ANNEXES ............................................................................................................................................ 36

Annexe 1 - Eléments d’analyse de la crise en France ................................................................... 36

Annexe 2 - Autres cas de professions réglementées ...................................................................... 48

Annexe 3 - Le digital révolutionne le marché du transport des personnes .................................... 49

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INTRODUCTION

Il n’est probablement pas habituel que soit faite, dans un rapport stratégique ou de gestion de crise, une mise en perspective historique ou socio-politique, quand bien même celle-ci rencontrerait un succès indéniable sur le plan analytique. De même, fait-on rarement référence au concept de « praxis historique », c’est-à-dire à celui de la répétition de l’histoire, dont l’auteur du Capital nous apprendra qu’elle voit s’affronter, sur le champ social, le passé et l’avenir, la conservation et la transformation. Prenant pour acquis que cette répétition signe la rupture avec ce passé dont on se réclame et une réalité essentiellement nouvelle, comment ne pas voir dans la crise – qui oppose les compagnies de taxis traditionnelles aux compagnies nouvelles de VTC – une répétition historique flagrante ?

On peut remonter jusqu’à Louis XIV pour voir apparaître les premiers fiacres et la nécessité de leur appliquer de premières réglementations, sensiblement celles qui s’appliquent encore aujourd’hui, d’ailleurs. Et l’Etat est dès lors régulièrement intervenu au cours des siècles pour réglementer ce secteur des transports, notamment lorsque, pour sortir d’une crise de sécurité et de non-respect des réglementations, Louis XVI accordera une première concession de service public monopolistique. Il interviendra à nouveau lorsque Napoléon III, à l’approche de l’exposition universelle, décidera de réguler le marché des fiacres « taxis » à Paris, en créant en 1855 une plateforme monopolistique, la Compagnie Impériale des Voitures, transformant, pour dix ans seulement, un marché de petits et moyens entrepreneurs indépendants en un monopole privé mieux contrôlé, mais qui dégradera le statut et les conditions de travail des cochers. Et encore lorsque, les progrès technologiques faisant évoluer le service du cheval à la machine, comme aujourd’hui les VTC (Véhicules de Tourisme avec Chauffeurs), ces nouveaux taxis à moteur engendreront l’ire des cochers en esquivant pendant un temps les réglementations en place pour leurs concurrents historiques.

Il est intéressant de noter qu’à la plupart de ces étapes la sortie de crise s’est faite, tant sous Louis XVI que sous Napoléon III, par une indemnisation de certaines parties prenantes et par la mise en place d’une réglementation centralisée, voire monopolistique. Les règles de base des taxis que nous connaissons aujourd’hui ont pris place sous le front populaire, avec le numerus clausus et la tarification réglementée en 1937. Elles ont ensuite peu évolué, mais se sont fortement complexifiées. L’histoire des taxis est donc jalonnée de crises auxquelles les différentes stratégies adoptées pour y mettre fin, ou les limiter, ne semblent, à chaque fois, qu’apporter une solution temporaire, et doivent être révisées encore et encore avec l’évolution technique, économique ou sociale. Et la dernière en date n’est pas des moindres. Avec l’arrivée des plateformes numériques de mise en relation, qui ont ouvert la route à l’explosion des VTC, un changement de paradigme s’applique au monde entier.

Tandis qu’en France, nous nous débattons dans une évolution très rapide, peut-être même trop rapide pour un marché très réglementé, ayant pour effet que les tentatives de solutions mises en place jusqu’ici ne parviennent pas réellement à résoudre l’équation.

Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Que devons-nous prendre en compte pour nous donner les moyens d'envisager et de préconiser les bonnes solutions à une sortie de crise ?

Sortir de la crise nécessitait de trouver une solution respectueuse de l’ancien état et du nouvel état. Cela nécessite de comprendre à la fois les intérêts à préserver et les revendications à considérer. Les principales problématiques qui sont d’abord ressorties de nos analyses respectives sont l’importance de protéger les investissements des chauffeurs de taxis et la protection sociale des chauffeurs de VTC.

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Mais ce que cela révèle surtout c’est la désuétude d’un modèle et le bouleversement du marché par un autre. C’est une forme de nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, dans une application très ciblée ici, mais qui n’est pas embryonnaire du tout et porte en son sein la capacité de bouleverser fondamentalement le système économique, social et sociétal actuel.

La piste que nous avons d’abord privilégiée au sein de notre étude consiste dans la mise en place d’un système tripartite composé d’un statut uniformisé, conditionné par l’établissement d’un fonds de garantie, lui-même financé par une cotisation généralisée. Le tout doit nécessairement être légitimé par la création d’une Autorité en charge de diriger cette phase de transition. Un travail sur des problématiques annexes ou des signaux faibles nous a cependant révélé que la réalité de l’offre et de la demande est à l’équilibre, que les solutions des pays voisins ne sont pas pérennes si elles ne sont pas évolutives dans le temps et si elles ne prennent pas en compte la température européenne sur le sujet (Italie). La France doit prendre en compte ces diverses réalités dans la gestion de la crise qu’elle connaît. Si notre priorité est de préserver l’intérêt du plus grand nombre de la préservation des intérêts de tous, la solution qui se dégage actuellement – et telle qu’expliquée plus haut – se trouve être conforme aux objectifs européens en ce qu’elle est une transition vers un marché ouvert, mettant fin au marché des licences. Dans l’hypothèse où tous les intérêts ne peuvent être préservés, la solution qui se dégage actuellement – et telle qu’expliquée plus haut – se trouve être inutile et caduque. Mieux vaut attendre une directive européenne, à priori largement favorable au nouvel acteur du marché et à une forme de nouvelle économie. Tandis que dans l’attente de cette directive, l’industrie du VTC s’enracine de façon de plus en plus favorable et durable.

Si l’ambition est d’agir ou de « commettre une influence » quelconque au support de cette solution, alors il importe de se pencher sur les différents acteurs ou terrains d’influence. Ni l’Europe, ni la France du lendemain des élections ne sont hostiles à une nouvelle économie. Ce qui est un euphémisme, à considérer le lobbyisme appuyé de sociétés telles qu’Uber et AirBnB auprès des institutions bruxelloises. S’il faut cependant trouver les brèches susceptibles de faire entendre une voix dans la forteresse, il est éventuellement possible d’interroger l’Europe sur l’évasion fiscale de sociétés majeures au sein de cette nouvelle économie.

Quant à la France, si le second tour des élections se solde par une victoire du camp libéral, il sera toujours possible de questionner l’entourage « gauche sociale » du vainqueur sur la survie des emplois en France et des régimes de protection sociale. Quoiqu’il en soit, nous supposons qu’à moyen terme la décision ne réside pas entièrement entre les mains de la France, dans la mesure où l’Europe se dirige vers l’acceptation intégrale du nouveau « business model » de l’économie de partage, ou de « l’ubérisation ». Partant de là, et du constat que les lobbies auprès de Bruxelles sont favorables à cette nouvelle économie, il semble utile et nécessaire de s’orienter dans le sens d’une solution largement inspirée des travaux préparatoires de l’Union Européenne.

A savoir donc, la dérégulation et la domination d’un système libéral. Si on ajoute à cela qu’une crise ne se résout pas nécessairement dans l’émergence d’une solution construite et prémâchée mais qu’elle peut – en toute hypothèse – émergée d’elle-même dans un état d’esprit de « containment », il est peut-être plus raisonnable d’attendre la décision européenne favorable à la dérégulation, qui s’imposera à l’ensemble des états membres. Une telle solution permettra à l’acteur en position de force – aujourd’hui les VTC – de s’imposer comme le nouveau modèle économique, laissant les acteurs traditionnels sur la touche s’ils n’ont pas d’ici là intégré plus de souplesse dans leurs conditions de négociations. Toute autre solution serait probablement caduque assez rapidement et resterait – à tout le moins – un pansement superficiel sur une plaie béante car les problèmes d'emploi et les problèmes de la France ne sont pas les problèmes d'Uber ni de l'Europe.

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1. La Genèse d’une crise

Le marché des taxis est depuis longtemps challengé par de nouveau acteurs, de façon marginale par quelques VTC et des taxis-motos il y a une dizaine d’années, puis de façon extrêmement importante depuis 2012 avec l’arrivée en France d’un acteur majeur de la disruption de ce marché, Uber.

Ainsi, le numérique a bouleversé la formulation de l’offre de transport rémunéré de personnes, comme il l’a fait dans de nombreux autres secteurs. Il est le principal élément expliquant l’essor des sociétés de VTC, qui ont su profiter de la technologie pour répondre aux attentes des consommateurs déçus de la qualité de service des taxis. Comment ? Les applications mobiles des sociétés de VTC sont des plateformes efficaces et simples. Le trajet est défini à l’avance, enregistré et géolocalisé en temps réel contribuant ainsi à la sécurité des utilisateurs. Ceux-ci ont également accès à une estimation tarifaire avant de réserver et disposent d’informations sur le véhicule (immatriculation, modèle) et du temps d’attente estimé. Le système de notation incite les chauffeurs à fournir des prestations de qualité.

Les impacts économiques et sociaux sont majeurs et multiples. D’un côté l’ensemble des acteurs des taxis a subi une perte significative de nombre de courses quotidiennes, et par voie de conséquence de leur chiffre d’affaires (jusqu’à 50% dans certains cas) mais aussi de la valeur de la licence (passant de 250 000 € à 140 000 € en quelques années seulement sur Paris par exemple). Les investissements ainsi consentis se retrouvent donc compromis, contraignant une part significative des chauffeurs de taxis à augmenter leur durée de travail en travaillant tous les jours, et entrainant une augmentation nette des défaillances de taxis. De l’autre côté, les chauffeurs de VTC, dans un premier temps favorisés par des tarifications avantageuses, se sont retrouvés contraints par des mécanismes de fixation de prix définis unilatéralement par les plateformes de VTC, Uber en particulier. Ces baisses de revenus se sont cumulées avec des charges importantes liées à leurs statuts. Ainsi, est apparue une précarisation inquiétante à la fois de chauffeurs de taxis mais aussi des chauffeurs de VTC. Néanmoins, l’arrivée des VTC n’a pas eu que des impacts négatifs permettant notamment d’amener du travail dans des zones défavorisées, et de couvrir des zones jusque-là peu ou partiellement couvertes.

1.1 Chronologie des événements générateurs de la crise

De nombreuses actions réglementaires, législatives, juridiques ont été entreprises par chacune des parties en présence. Voici un historique des principales actualités depuis 2014.

- 2 février 20141 : Le Parlement adopte la proposition de loi de l'ancien secrétaire d'Etat Thomas Thévenoud. Le texte impose une nouvelle réglementation pour calmer les tensions entre les taxis et les VTC.

- 18 septembre 2014 : le Parlement se prononce en faveur de la loi proposée par l'ancien secrétaire d'Etat, qui vise à mieux encadrer les pratiques de ces derniers. Un ensemble de nouvelles règles est validé par l'assemblée :

- Les VTC n'ont plus le droit d'être repérés par les clients depuis leurs smartphones. - Les VTC ne peuvent plus être géolocalisés par les clients. En revanche, l'Etat doit

créer un registre pour que les taxis le soient.

1 HTTP://WWW.CLUBIC.COM/PRO/LEGISLATION-LOI-INTERNET/ACTUALITE-728315-TAXI-VTC-RESUME-REGLES-LOI-THEVENOUD.HTML

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- Entre chaque course, les VTC doivent retourner au siège de l'entreprise ou dans un lieu « hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé ». Sauf en cas de réservation.

Ainsi, la loi Thévenoud tente de rééquilibrer le rapport de force, en bridant d'un côté les VTC, et en renforçant les taxis de l'autre.

- 17 décembre 2014 : le Conseil d'Etat annule le décret imposant une attente de 15 minutes aux VTC2

- 22 mars 2015 : Le Conseil Constitutionnel apporte des précisions quant à l'activité d'Uber en France. Les Sages interdisent la maraude électronique pour les VTC mais les confortent dans leur droit de proposer la réservation préalable d'un véhicule3. Enfin, ils autorisent les VTC à pratiquer des modèles de tarifications similaires aux taxis (tarification horokilométrique). Ils peuvent donc baser leurs prix en fonction de la durée et de la distance d'une course.

- 28 janvier 2016 : Uber France est condamné à verser 1,2 million € à l'Union Nationale des Taxis (UNT)4.

- 16 mai 2016 : L'Urssaf attaque Uber pour que les chauffeurs soient « salariés », et relance le débat sur la mutation du travail5. L'Urssaf considère qu'il existe un « lien de subordination » entre la plateforme de VTC et les chauffeurs, et que ces derniers ne sauraient donc être vus comme des indépendants. Deux procédures sont engagées en justice par l'Urssaf Île-de-France devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et au pénal, auprès du procureur de la République de Paris. Ainsi l'Urssaf a décidé, en Île-de-France tout du moins, de « requalifier tous les chauffeurs Uber en salarié au titre de la sécurité sociale et a réclamé les cotisations correspondantes ». Uber n'ayant pas accepté de payer, l'affaire est désormais devant les tribunaux.

- 17 juin 2016 : Le tribunal condamne Uber à verser 800 € de dommages et intérêts à un chauffeur de taxi au titre du préjudice moral subi dans le conflit opposant UberPop aux taxis. Cela pourrait faire jurisprudence pour les 55.000 chauffeurs de la profession et faire monter la facture à près de 45 millions €6.

- 22 Juin 2016 : Une proposition7 de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes a été déposée par le député Laurent Grandguillaume. Cette PPL poursuit le travail engagé en 2014 par le député Thomas Thévenoud. Uber a été très présent8 lors des discussions et a pu y introduire certains points et la loi est publiée au Journal Officiel le 30 décembre 2016. Voici les principaux articles du texte :

� Création dans le code des transports d’un ensemble de dispositions applicables aux activités de mise en relation, pour toutes les formes de transport routier de personnes afin de prévenir les détournements de la réglementation résultant des pratiques des centrales de réservation de véhicules légers (automobiles, motos), dont l'activité est en très forte progression (art. 1er).

2 HTTP://WWW.CLUBIC.COM/MAG/TRANSPORTS/ACTUALITE-745029-PROCES-GREVES-INTERDICTION-REPROCHE-UBER.HTML 3 HTTP://WWW.CLUBIC.COM/PRO/ACTUALITE-E-BUSINESS/ACTUALITE-767656-UBER-REGLES-STRICTES.HTML 4 HTTP://WWW.CLUBIC.COM/PRO/LEGISLATION-LOI-INTERNET/ACTUALITE-793760-UBER-1-2.HTML 5 HTTP://WWW.CLUBIC.COM/PRO/LEGISLATION-LOI-INTERNET/ARTICLE-805926-1-UBER-URSSAF-SALARIER-CHAUFFEURS.HTML 6 HTTP://WWW.LATRIBUNE.FR/ENTREPRISES-FINANCE/SERVICES/TRANSPORT-LOGISTIQUE/TAXIS-UNE-AMENDE-DE-45-MILLIONS-D-EUROS-POUR-UBER-580076.HTML 7 HTTPS://WWW.LEGIFRANCE.GOUV.FR/AFFICHTEXTE.DO?CIDTEXTE=JORFTEXT000033734510&DATETEXTE=&CATEGORIELIEN=ID 8 HTTP://WWW.ASSEMBLEE-NATIONALE.FR/14/DOSSIERS/REGULATION_TRANSPORT_PUBLIC_PERSONNES.ASP

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� Création d’un nouveau dispositif de transmission d'informations relatives au secteur du transport public particulier de personnes à l'autorité administrative pour améliorer la connaissance du secteur par l'ensemble des acteurs (art. 2) ;

� Mise en place d’un dispositif de régulation favorisant la mise en concurrence des centrales de réservation de taxis, VTC, LOTI (Loi d'Orientation des Transports Intérieurs) et taxis-motos par les conducteurs, afin de lutter contre les failles concurrentielles du marché et la fragilisation économique des conducteurs (art. 3) ;

� Modification du régime juridique des « LOTI » afin de mettre fin aux détournements urbains (art. 4) ;

� Création d’un Observatoire national du transport public particulier de personnes, ou T3P. Cet observatoire permettra de disposer de données régulièrement actualisées, pour une régulation optimale de l’activité.

Le Sénat y a apporté de nombreuses modifications, dont :

� Exclusion du covoiturage du champ de la loi (art. 1er) ; � Inscription dans la loi des nouvelles obligations imposées aux centrales de réservation

plutôt que de renvoyer leur définition à un décret (art. 1er) ; � Suppression de la peine de 300 000 € d'amende en cas de non-respect de ces obligations,

pour des raisons de proportionnalité comme d’efficacité du dispositif répressif (art. 1er) ; � Habilitation des fonctionnaires assermentés désignés par le ministre chargé des transports

à rechercher et constater les infractions aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux activités de mise en relation (art. 1er) ;

� Exclusion des données relatives aux passagers de l'obligation de transmission à l'autorité administrative des données des acteurs du secteur du transport public particulier de personnes (art. 2) ;

� Autorisation de la tarification à la place dans le transport public particulier de personnes, lorsqu’il est effectué sur réservation (art. 6) ;

� Autorisation de l’organisation de services de transport d’utilité sociale par les associations, au bénéfice de personnes dont l’accès aux transports publics est limitée du fait de leur revenu ou de leur localisation géographique (art. 7) ;

� Renforcement de l’obligation d’accepter le paiement par carte bancaire dans les taxis (art. 13).

Enfin, la commission mixte paritaire a repris certaines dispositions introduites par le Sénat, notamment :

� Inscription dans la loi d’obligations précises pour les plateformes de réservation, telles que la vérification des permis de conduire, des cartes professionnelles lorsqu’il s’agit de conducteurs professionnels, des attestations d’assurance, de l’inscription au registre « Loti » ou VTC et des caractéristiques techniques des VTC ;

� Meilleure protection des données personnelles dans le cadre de la transmission des données des plateformes de réservation à l’autorité administrative ;

� Renforcement de l’obligation d’accepter le paiement par carte bancaire dans le véhicule.

- 26 juin 2016 : Uber France et ses partenaires fondent l’UNAM, Union Nationale des Acteurs de la Mobilité, une association représentative des professionnels du transport visant à faire entendre la voix de ses adhérents auprès des décideurs9.

9 HTTP://WWW.VTC-NEWS.FR/2016/06/26/UBER-FRANCE-PARTENAIRES-CONTRE-ATTAQUENT-CREANT-L-UNAM/

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La raison d’être de l’UNAM dépasse les seuls enjeux de la dernière condamnation d’Uber. Elle part d’un constat d’échec : malgré la nomination du médiateur Laurent Grandguillaume en janvier 2016, les grandes sociétés du secteur estiment n’avoir pas pu s’exprimer. La constitution d’une association de professionnels répond donc à l’objectif de disposer d’une structure représentative, qui pourra faire entendre sa voix lors des discussions et autres table-rondes face aux ministères.

- 1er juillet 2016 : En France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, Uber est poursuivi en justice par la concurrence et certains chauffeurs qui réclament une meilleure protection sociale10.

- 12 octobre 2016 : La cour d'appel de Paris confirme qu'Uber France doit verser 1,2 million €11 à l'Union Nationale des Taxis (UNT), pour avoir communiqué sur le maraudage.

- 13 décembre 2016 : Le tribunal des Affaires Sociales ne décide pas de faire payer les cotisations pour les années passées contrairement à ce que demandait l’Urssaf : il peut décider de ne les assujettir uniquement pour l'avenir - ce qui remettrait en cause le modèle économique d'Uber. D'autant plus que les chauffeurs pourraient eux aussi attaquer Uber aux prud'hommes. En effet, il ne suffit pas de toucher un salaire au sens de l'Urssaf pour être salarié. Mais s'ils le deviennent, alors Uber paiera très cher : formation, grille conventionnelle, visite médicale, licenciement, etc.

Au pénal, la plateforme engage sa réputation. Si le Parquet décide de poursuivre, l'amende pour travail dissimulé s'élèverait à 225.000 €. De plus, l'entreprise perdrait rétrospectivement le bénéfice des allégements de charges. « Cela peut parfois coûter plus cher que le redressement Urssaf lui-même », pointe Cédric Jacquelet12.

- 14 décembre 2016 : Jugement à l'encontre d'Uber (paiement redressement + requalification) : un chauffeur (VTC) type Uber vient d'être requalifié en salarié par le Conseil des Prud'hommes de Paris13.

- 20 décembre 2016 : Uber a annoncé la création d'un fonds de deux millions € pour aider les chauffeurs en difficulté en France, alors que reprenaient les négociations entre plateformes numériques et représentants des conducteurs de VTC14 .

Jacques Rapoport, inspecteur général des finances, et ancien président de SNCF Réseau est nommé par le gouvernement15 en tant que nouveau médiateur pour régler le conflit.

- 30 décembre 2016 : La loi Grandguillaume est adoptée par le parlement au moment des manifestations de VTC contre Uber autour des aéroports,

- 17 mars 2017 : Saisi par Uber, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TAS) a annulé pour vice de forme le redressement de cotisations de 5 millions € et la requalification des chauffeurs en salariés que réclamait l'Urssaf qui fait appel de cette décision16.

10 HTTP://WWW.LEPARISIEN.FR/MAGAZINE/GRAND-ANGLE/LE-PARISIEN-MAGAZINE-UBER-TERRAIN-GLISSANT-30-06-2016-5928193.PHP 11 HTTP://WWW.LEFIGARO.FR/SOCIETES/2016/10/12/20005-20161012ARTFIG00251-UBER-CONDAMNE-POUR-INCITATION-AU-MARAUDAGE.PHP 12 HTTP://WWW.LEMONDEDUDROIT.FR/NOMINATIONS-PROFESSION-AVOCAT/165112-PROSKAUER-ARRIVEE-DE-CEDRIC-JACQUELET-ET-DUN-COLLABORATEUR-.HTML 13 HTTP://WWW.LATRIBUNE.FR/ENTREPRISES-FINANCE/SERVICES/TRANSPORT-LOGISTIQUE/UN-CHAUFFEUR-VTC-LECAB-REQUALIFIE-EN-SALARIE-QUEL-IMPACT-POUR-LE-MODELE-UBER-628480.HTML 14 HTTPS://FR.FINANCE.YAHOO.COM/ACTUALITES/UBER-REFUSE-TOUCHER-%C3%A0-COMMISSIONS-165800896.HTML 15 HTTP://WWW.HUFFINGTONPOST.FR/2016/12/20/UBER-ANNONCE-UN-FONDS-DE-DEUX-MILLIONS-DEUROS-POUR-SES-CHAUFFEU/ 16 HTTP://WWW.LIBERATION.FR/FUTURS/2017/03/17/DEVANT-LA-JUSTICE-L-URSSAF-PERD-FACE-A-UBER_1556255

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Échiquier politique des différents acteurs - Cartographie des critiques :

1.2 Les revendications des différentes parties prenantes

1.2.1 Revendications des chauffeurs de taxis

� Alignement des contraintes fiscales et du droit du travail au secteur des VTC ; � Exclusivité de la maraude électronique (réservation immédiate) aux taxis ; � Développement de la maraude électronique avec d’un côté les pouvoirs publics et la

plateforme « Le Taxi » et de l’autre les éditeurs d’applications ou les entreprises de taxis ; � Développement des agréments de taxis auprès de CPAM (taxi conventionné) ou autres

services associés à l’Etat ou l’Administration ; � Développement du service de taxis partagés ou à destination de gares ou d’aéroports ; � La mise en avant par certains acteurs des entreprises de taxis de services Green avec des

véhicules électriques ou hybrides.

1.2.2 Revendications des sociétés de taxis

� L’amélioration de la formation continue des taxis sur l’apprentissage du français et d’une deuxième langue ;

� La réforme de l’examen des conducteurs de taxis ; � La diversification des activités : accès des conducteurs de taxis au service à la personne

(CESU) ; � L’accès au transport de colis ;

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� La meilleure transparence sur la qualité des services : voyants plus visibles, charte graphique des voitures (adhésifs publicitaires) ;

� L’intégration des GPS ; � L’imposition de la possibilité de paiement par carte bancaire ; � L’adaptation de l’offre à la demande sans déstabiliser le marché (retour achat de licence).

1.2.3 Revendications des chauffeurs VTC

� Les plateformes de VTC pouvant fixer les prix unilatéralement, les chauffeurs exigent une garantie de revenu minimal ;

� La création d’un statut simplifié et l’amélioration de la protection sociale (santé, retraite et chômage) ;

� Le plafonnement de la commission prélevée par les plateformes (25 % pour Uber)

1.2.4 Revendications des sociétés de VTC ou éditeurs d’applications de VTC

� Eviter la classification de leurs chauffeurs en salariés avec le paiement des charges associées ; � Défendre l’économie collaborative

1.2.5 Revendications des taxis-motos

� Sortir du statut spécifique de VTC pour accéder aux mêmes droits que les taxis ; � Bénéficier de l’accès complet aux gares et aéroports ; � Ne pas avoir de revendications tarifaires.

1.2.6 Exigences de l’Etat via l’Urssaf

� Encadrement de la profession des VTC. Suppression du « lien de subordination » entre Uber et ses chauffeurs qui ne sauraient être catégorisés comme indépendants. Requalification des chauffeurs Uber en salarié au titre de la sécurité sociale et du paiement des cotisations sociales.

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2. Les enjeux du transport rémunéré de personnes

2.1 Les enjeux économiques

2.1.1 La maîtrise des flux financiers

Chaque année, près de 15% des échanges commerciaux échappent à la TVA en France (petits commerces, restauration, bâtiment, etc.). Les montants sont considérables puisque les transactions déclarées s'élèvent à près de 800 milliards €17. Ainsi le « travail au noir » représenterait 100 et 150 milliards €18.

Pour lutter contre ce phénomène, la loi Thévenoud oblige les taxis en exercice à avoir un TPE (Terminal de Paiement Electronique) dans le véhicule depuis le 1er Janvier 2015. Cependant, cette loi n’évoque pas le cas des Véhicules de Transport avec Chauffeur (VTC). Outre la rapidité de réaliser un encaissement par carte bancaire sur un TPE, ces terminaux offrent une sécurité et une garantie d’encaissement et évite les questions monnaie à rendre et les erreurs possibles.

Le recours aux terminaux permet également de faciliter la gestion commerciale pour les sociétés de taxis et les différentes plateformes de VTC. Les VTC qui embauchent plusieurs salariés et opèrent sur une flotte de véhicules peuvent opter pour les applications de gestion multi-comptes, permettant de gérer toutes les transactions sur un seul et même compte bancaire et de bénéficier d’un état détaillé des encaissements pour chaque chauffeur. Les chauffeurs indépendants bénéficiant d’une clientèle régulière ainsi que ceux qui prennent des réservations à distance peuvent profiter des fonctionnalités de paiement à distance qui permettent d’accepter des paiements par téléphone.

Ainsi, plusieurs marques se disputent le marché des TPE pour les taxis et VTC allant même jusqu'à proposer un terminal de paiement gratuit pour attirer les moins fortunés.

Enfin les TPE permettent de résoudre le problème des touristes se voyant refuser la course aux aéroports parce qu'ils veulent payer par carte bancaire.

2.1.2 Evasion fiscale des plateformes étrangères et activité non déclarée des VTC et taxis La société américaine Uber n'a jamais payé d'impôt sur les bénéfices en France, et ne déclare qu'une fraction de ses revenus réels, grâce un montage d'optimisation fiscale passant par les Pays-Bas, les Bermudes et l’Etat du Delaware aux Etats-Unis. Uber France SAS, filiale française d’Uber, n’a déclaré à l’administration fiscale que 1,8 million € de chiffre d’affaires en 2013 soit une infime fraction de ses revenus réalisés en France qui se chiffrent en dizaines de millions d'euros. Interrogé, Uber France refuse de communiquer son chiffre d'affaires effectif.

La filiale française est uniquement chargée "de la relation avec les partenaires (les chauffeurs), de la promotion de la marque, et du support marketing, Ce n'est pas cette filiale française qui facture les courses, mais une filiale néerlandaise, Uber BV. L'argent des courses est reversé par Uber BV à ses sous-traitants : des petites sociétés de VTC ou des chauffeurs qui travaillent à leur compte. Ce sont ces sous-traitants qui effectuent la course et la filiale néerlandaise Uber BV qui encaisse une commission 17 HTTP://WWW.LEJDD.FR/ECONOMIE/VERS-DES-COMPTEURS-ANTI-FRAUDE-FISCALE-DANS-LES-TAXIS-820531 18 HTTP://WWW.HUFFINGTONPOST.FR/2015/05/21/PAIEMENT-CARTE-COMMERCANT-MICHEL-SAPIN-FINANCE-IMPOT_N_7349058.HTML

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de 20%. Uber prétend que ces sous-traitants sont tous immatriculés en France et paient leurs impôts et leurs charges en France.

L'impôt sur les bénéfices est de 25% aux Pays-Bas, mais Uber utilise une niche fiscale du code des impôts néerlandais. La filiale néerlandaise Uber BV paye une redevance pour avoir le droit d'utiliser les brevets d'Uber, celle-ci est envoyée vers une autre filiale immatriculée aux Bermudes ou le taux d’impôts est nul. Le versement de cette redevance réduit quasiment à néant les bénéfices de la filiale néerlandaise Uber BV, et donc l'impôt sur les bénéfices. La marge opérationnelle d'Uber BV est plafonnée à 1%, à en croire ses comptes. Avec un tel système, l'impôt sur les bénéfices d'Uber BV ne dépasse donc pas 0,25% du chiffre d'affaires. Après les Bermudes, Uber utilise le « Delaware », le paradis fiscal interne des Etats-Unis. Il existe toutefois un impôt auquel Uber ne peut échapper : la TVA, qui est acquittée aux Pays-Bas, puis rapatriée en France.

2.2 Les enjeux sécuritaires

2.2.1 La sécurité des utilisateurs

L’ouverture du marché du transport rémunéré de personnes ouvre de nombreuses interrogations de la part des utilisateurs notamment au niveau de leur sécurité. Les taxis en France sont agréés pour le transport de personnes mais la question se pose pour les nouvelles plateformes. En France, l'entreprise Uber s'est retrouvée sous le feu des critiques, ses détracteurs lui reprochant, entre autres, de ne pas contrôler suffisamment le profil de ses chauffeurs et de mettre en danger ses passagers. Aux États-Unis, plusieurs affaires impliquant des violences commises par des conducteurs sur des clients ont été médiatisées19.

En Inde, par exemple, suite au viol présumé d’une cliente par un chauffeur, Uber a décidé de mettre en place une série de mesures dont « un bouton panique ». Ce bouton permet de donner l’alerte à une équipe de sécurité opérationnelle 24h/24.

Dans tous les pays développés, le marché des taxis est soumis à un contrôle qualité. La réglementation de la qualité de service couvre différents champs d’application. Dans un premier temps, le type de véhicules autorisés est généralement réglementé, sur la base de plusieurs facteurs tels que la date de mise en circulation et le type du véhicule et des normes d’entretien peuvent être instaurées. Ensuite, la normalisation cible les chauffeurs et les opérateurs, sous la forme de tests d’aptitude, d’impératifs d’uniforme et, dans certains cas, de qualifications officielles, y compris de compétences routières. Ce type de réglementation vise principalement à garantir la sécurité des passagers, tout en veillant à ce que le service fourni réponde à des critères minimums de qualité au-delà de la seule sécurité. La réglementation des normes relatives aux chauffeurs prévoit généralement un test de compétences visant à garantir la sécurité des passagers

Un contrôle doit également être mis en place par les plateformes afin de s’assurer que le chauffeur correspond bien à l’identité du chauffeur qui a ouvert le compte. Le but est d’empêcher qu’un chauffeur qui a été exclu de la plateforme puisse exercer avec un partage de compte. Plusieurs systèmes de vérification ont été mis en place dans d’autres pays comme la prise de « selfies » ou d’empreintes digitales. Les antécédents judiciaires des chauffeurs sont également de plus

19 HTTPS://WWW.LESECHOS.FR/29/11/2015/LESECHOS.FR/021512412093_UBER-SE-DOTE-D-UN-COMITE-D-EXPERTS-POUR-VEILLER-A-LA-SECURITE-DE-SES-CHAUFFEURS-ET-PASSAGERS.HTM#9FV4UTEXHFARGLED.99

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en plus demandés par les clients. Les enjeux de sécurité des passagers sont complexes entre les nouvelles plateformes et les chauffeurs de taxis. Mais la sécurité reste une priorité pour l’image de ces plateformes.

2.2.2 La sécurité des données

Ces plateformes numériques permettent le traitement, la gestion et la sauvegarde de données des utilisateurs, des transactions et jusqu’au suivi des courses réellement effectuées sur le terrain dans des proportions jamais égalées jusqu’ici.

Derrière la sécurité des données, il y a deux dimensions complémentaires20 réglementées par un ensemble de lois, directives et règlements au niveau européen et français. L’une a pour objectif la sécurité de l’information afin de protéger l’entreprise des atteintes liées à son patrimoine informationnel. L’autre a pour objectif la protection de la vie privée, afin de protéger les utilisateurs des atteintes liées à leurs données.

Principales Lois, directives et règlements au niveau européen et français21

� UE : Directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles, Directive 2002/58 dite « e-Privacy » directive, Directive 2006/24/CE sur la conservation des données

� France : Loi informatique et libertés (LIL) de 1978, modifiée en 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) de 2004 (qui transpose également des mesures de la « e-privacy » directive).

Analyse et dynamique de la sécurité des données appliquée au secteur

Les bases de données créées appartiennent aux patrimoines informationnels des entreprises éditrices de plateformes et doivent être bien évidemment protégées de façon appropriée. Si leurs tailles ouvrent de nouveaux enjeux en matière de sécurité, l’avènement des plateformes ne change rien en ce qui concerne la protection de la vie privée pour les clients.

La gestion de ces bases de données constitue un enjeu de souveraineté car elles peuvent constituer des atouts pour des intérêts ou des puissances hostiles à la France, de par les informations qu’elles contiennent.

Dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, ces bases de données pourraient aider les autorités publiques dans les opérations d’urgence par exemple, en retraçant le parcours d’un suspect.

D’autre part, les informations qu’elles contiennent, une fois analysées et traitées dans le cadre des nouvelles technologies dédiées aux « Big Data », permettent de modéliser et prévoir le trafic urbain constituant ainsi un enjeu d’aménagement du territoire et des zones urbaines. Ces modélisations pourraient être exploitées pour favoriser des investissements allant à l’encontre d’aménagements optimaux pour la collectivité et l’intérêt général, les autorités publiques n’ayant pas accès à ces bases de données.

20 HTTPS://WWW.CNIL.FR/FR/GARANTIR-LA-SECURITE-DES-DONNEES 21 HTTPS://FR.WIKIPEDIA.ORG/WIKI/VIE_PRIV%C3%A9E_ET_INFORMATIQUE

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Les entreprises possédant ces données auraient donc un avantage absolu sur le marché qui pourrait leur permettre d’atteindre une situation de monopole en éliminant progressivement tous les autres acteurs grâce à cet avantage compétitif.

Ces enjeux sont majeurs, et certains acteurs les ont déjà pris en compte. Ainsi Uber a rendu disponible gratuitement fin 2016/début 2017 UberMovement22, une plateforme offrant une modélisation ainsi qu’une visualisation en temps réel de l’état de circulation dans les différentes parties d’une ville23. Cela permet d’une part aux autorités publiques d’avoir une vision sur les aménagements urbains nécessaires, et d’autres part aux entreprises (concurrentes ou non) de proposer leurs services en tenant compte du terrain.

En France, le Code des Transports a été complété24 par un ensemble de dispositions, issues de la loi n°2016-1920 du 29 décembre 2016, applicables aux activités de mise en relation des conducteurs ou des entreprises de transport et des passagers pour la réalisation de déplacements. Dans ce cadre, « L'autorité administrative peut déjà imposer à ces professionnels, dont les centrales de réservation, la transmission périodique, à des fins statistiques, des données nécessaires à la connaissance de l'activité du secteur du transport public particulier de personnes ».

Axes pour la Sécurité

Quel que soit les orientations choisies pour sortir de la crise du transport rémunéré de personnes, elles devraient se faire en adéquation avec les axes suivants :

Sécurité des personnes

� Maintien d’une réglementation qualitative efficace (Contrôle des véhicules, des antécédents et des identités des chauffeurs, contrôle des compétences des chauffeurs)

Sécurité des données

� Protection de la Vie Privée, et Sécurité de l’information : Application des Lois, directives et règlements en vigueur

� Souveraineté et Sécurité Nationale : Localisation des bases de données dans l’espace souverain de la France, conservation des bases de données pendant une période à définir (1 an par exemple comme dans le cas des logs par les fournisseurs d’accès internet)

� Aménagement du territoire et concurrence : Mise à disposition des bases de données et/ou des modélisations du trafic urbain selon modalités à définir.

22 HTTPS://MOVEMENT.UBER.COM/CITIES 23 HTTP://WWW.ATELIER.NET/TRENDS/ARTICLES/UBER-ENTEND-INCARNER-AVENIR-DE-MOBILITE_444894 24 HTTP://WWW.CONSO.NET/CONTENT/TAXI-VTC-CENTRALE-DE-RESERVATION-DU-NOUVEAU-POUR-2017

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2.3 Les enjeux sociaux

2.3.1 Analyse des impacts de la dérégulation

Sur l’emploi, le niveau de rémunération, les droits à la protection sociale et la formation des acteurs Le secteur du transport rémunéré de personnes subit l’impact de plusieurs phénomènes concomitants

� L’émergence soudaine de nouveaux acteurs du VTC, qui a provoqué un choc d’offre quantitatif : il n’y a pas eu une croissance du marché mais une substitution des parts de marché au profit des VTC et au détriment des taxis.

� Arrivé sur le marché depuis début 2010, UBER, acteur leader des VTC, a proposé un modèle réglementaire bien moins contraignant que celui des taxis.

� La crise économique qui oblige, parfois, les entreprises à réduire drastiquement leurs frais de déplacement.

� Le développement ambitieux des transports en commun. � L’engorgement chronique des voies de circulation avec des aménagements de la Ville de Paris

qui n’ont pas eu un effet positif dans la fluidification de la circulation. � La menace terroriste qui provoque une baisse d’activité touristique. � L’arrivée sur le marché des taxi-motos. � La mauvaise qualité de service fournie par les taxis et la réputation négative qui en découle.

Tous ces phénomènes ont des impacts sur l’activité des taxis et des VTC.

Le secteur des taxis est fortement impacté par le développement des VTC :

� Une baisse des revenus significative des chauffeurs de taxis25, d’après les chiffres des grandes centrales de réservation de taxis, cette baisse oscillait entre 20 % et 40 % en 2015 et après une baisse de l’ordre de 10 % en 2014. Ce phénomène est lié intrinsèquement à la baisse du nombre de courses journalières des taxis. Selon les chiffres publiés en 2016 par Le Figaro26, un taxi indépendant gagnait, en 2010, en moyenne 1430 € par mois. Mais ce chiffre cache différentes réalités : le revenu d'un artisan peut grimper jusqu'à 3500 € nets par mois, une fois ses crédits arrivés à échéance, tandis que les salariés touchent en moyenne 1650 € nets mensuels. Les locataires sont les moins bien lotis, avec une moyenne de 1500 € nets par mois.

� Une augmentation des défaillances de taxis27 de 135% entre 2013 et 2016 en Ile-de-France. Celles-ci représentent 1/4 de l’ensemble des défaillances du secteur en France. Une défaillance détruit en moyenne 3,38 emplois28.

� Une baisse du prix de la licence de taxis29, celle-ci est passée d’environ 240 000 € au début des années 2010 à environ 120 000 €, aujourd’hui.

25 HTTP://PREMIUM.LEFIGARO.FR/SOCIETES/2016/01/26/20005-20160126ARTFIG00014-TAXIS-VTC-DES-CHIFFRES-POUR-COMPRENDRE-LA-GRANDE-BATAILLE.PHP 26 HTTP://WWW.LEFIGARO.FR/ECONOMIE/LE-SCAN-ECO/DESSOUS-CHIFFRES/2016/02/02/29006-20160202ARTFIG00010-LES-VRAIS-SALAIRES-DES-CHAUFFEURS-DE-TAXIS.PHP 27 HTTP://WWW.COFACE.FR/ACTUALITES-PUBLICATIONS/ACTUALITES/UBERISATION-DE-L-ECONOMIE-IMPACT-POSITIF-SUR-L-EMPLOI-EN-FRANCE-MAIS-CELA-VA-T-IL-DURER 28 HTTP://WWW.COFACE.FR/ACTUALITES-PUBLICATIONS/ACTUALITES/UBERISATION-DE-L-ECONOMIE-IMPACT-POSITIF-SUR-L-EMPLOI-EN-FRANCE-MAIS-CELA-VA-T-IL-DURER 29 HTTP://BFMBUSINESS.BFMTV.COM/ENTREPRISE/LES-TAXIS-DEVOILENT-LE-LOURD-IMPACT-DES-VTC-SUR-LEUR-CHIFFRE-D-AFFAIRES-1091736.HTML

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Le développement des VTC : vecteur d’intégration ou de précarisation ?

Le secteur des VTC est devenu le premier en termes de création d’entreprises dans de nombreux territoires urbains défavorisés, comme la Seine-Saint-Denis30.

Selon l’INSEE31, si l’Île-de-France est la seule région métropolitaine à voir les créations d’entreprises ne pas chuter en 2015, c’est essentiellement du fait du « succès du transport de voyageurs par taxi, qui inclut les entreprises de VTC. Le transport par VTC et taxi progresse depuis 2013, passant de 3.700 créations d’entreprises à plus de 10 000 en 2015.

La base de données des greffes32 des tribunaux de commerce fournit des indications au niveau communal, offrant un classement des villes qui créent le plus d’entreprises de VTC. Derrière Paris, les villes dont les entrepreneurs ont immatriculé le plus de sociétés dans le secteur sont toutes situées en Seine Saint-Denis : Saint-Denis, Drancy, Montreuil, Bobigny, Aubervilliers, Pantin et Aulnay-sous-Bois. Uber communique beaucoup sur sa contribution « à l'intégration des banlieues en favorisant l'insertion via l'activité de chauffeur ». En 2016, elle fait réaliser une étude qui vise à démontrer l’impact économique et social du développement des VTC33. Cette étude, dont les conclusions sont à remettre dans le contexte de leur commanditaire, fait apparaître les résultats suivants :

� A terme, la filière VTC pourrait peser 3,9 milliards € de chiffre d'affaires avec une

représentation de 80.000 chauffeurs professionnels (certains étant à la fois taxis et VTC), et générer 1,3 milliard € de recettes fiscales supplémentaires par la TVA.

� Les VTC ont déjà créé plus de 20.000 emplois � Le revenu net d'un chauffeur VTC indépendant se situe en moyenne entre 1.400 et 1.600 € net

pour un temps plein, ce qui peut se traduire par un revenu horaire assez faible au vu des journées à rallonge de certains chauffeurs.

Selon le rapport34 de Jacques Rapoport, médiateur désigné par le gouvernement fin 2016 dans le cadre du conflit, le chiffre d'affaires mensuel d’un chauffeur VTC indépendant varie «de 4100 à 4600 € » pour 60 heures hebdomadaires une fois soustraite la commission prélevée par les plateformes. « Déduction faite du coût de la couverture RSI (régime social des indépendants), le solde disponible net pour le chauffeur s'établit entre 800 et 1800 € », selon le rapport. En revanche, sur une base de 40 heures d'activité hebdomadaire, le médiateur conclut que l'activité ne permet pas de dégager un revenu décent.

Dans ce cas, le revenu net atteindrait « entre zéro et 1100 € », desquels il faut déduire le coût de la protection sociale évaluée, pour un indépendant au RSI, autour de 30% du revenu.

30 HTTP://WWW.SLATE.FR/STORY/117807/UBER-BANLIEUE 31 HTTPS://WWW.INSEE.FR/FR/STATISTIQUES/1908149 32 HTTPS://DATAINFOGREFFE.FR/EXPLORE/?SORT=MODIFIED 33 HTTP://WWW.UBERISATION.ORG/FR/PORTFOLIO/ETUDE-DU-BCG-POUR-UBER-SUR-LA-FILI%C3%A8RE-VTC-EN-FRANCE 34 HTTP://WWW.DEVELOPPEMENT-DURABLE.GOUV.FR/SITES/DEFAULT/FILES/RAPPORT%20DU%20M%C3%A9DIATEUR%20JACQUES%20RAPOPORT%2008022017.PDF

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Les enjeux de la requalification des chauffeurs de VTC en salariés

Les plateformes de mise en relation n'emploient pas de chauffeurs VTC en contrat de travail : elles ont recours à des travailleurs indépendants et prélèvent une commission à chaque mise en relation avec un client. Avec l’essor de l’activité des VTC dans les grandes villes, les autorités politiques, les organismes sociaux, mais aussi les chauffeurs VTC eux-mêmes, ont été conduit à s’interroger sur la qualification juridique exacte de la relation entre le chauffeur VTC et les sociétés de mise en relation, telles que UBER. En 2014, le sujet avait été identifié, par le député T. Thévenoud dans son rapport parlementaire consacré aux taxis et VTC. Il relevait la possibilité d’une requalification des conventions liant les chauffeurs de taxi ou de VTC en contrat de travail, eu égard aux éventuels liens de subordination entre ces chauffeurs et les sociétés de mise en relation ; avec ce que cela implique : l’application du droit du travail et l’assujettissement aux cotisations sociales (salariales et patronales). En 2015, les premières actions ont émané de l’URSSAF, qui a décidé de requalifier tous les chauffeurs de la plateforme UBER du statut d’indépendant à celui de salarié, c’est-à-dire en une personne placée dans un rapport de subordination juridique. L’URSSAF a ainsi exigé le règlement des cotisations salariales et patronales. Parallèlement, plusieurs chauffeurs de VTC ont saisi le tribunal des prud’hommes en demandant la requalification en contrat de travail des conventions les liant aux plateformes de mise en relation. L’objectif étant d’obtenir la protection du code du travail. La cour d’appel de Paris a rendu plusieurs arrêts par lesquels elle a débouté les chauffeurs de cette demande d’application du droit du travail (arrêt du 7 janvier 2016, n°15/06489 - application LeCab). Mais le 20 décembre 2016, le tribunal a rendu un jugement par lequel il a requalifié en contrat de travail certaines conventions conclues avec un chauffeur VTC utilisant l’application LeCab. Le tribunal a considéré qu’il y avait lieu à requalification en travail salarié du fait notamment que la société de mise en relation disposait d’une exclusivité en ne permettant pas au chauffeur VTC d’exploiter la clientèle d’une autre société. Ce jugement, qui fera certainement l’objet d’un appel, relance donc la question. Ce sera probablement à la cour de cassation de finalement se prononcer à l’occasion d’un de ces contentieux. Il s’agit d’une problématique cruciale en ce qu’elle peut remettre en cause le modèle économique liant les VTC aux plateformes de mise en relation. Les impacts financiers sont effectivement très lourds :

� En droit du travail, les sociétés de mise en relation peuvent être condamnées à des rappels de salaire, des heures supplémentaires, des remboursements de frais professionnels, des indemnités de congés payés, des indemnités de licenciement, des dommages et intérêts pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour rupture abusive, etc.

� En droit de la sécurité sociale, les redressements relatifs aux cotisations salariales et patronales (cotisations, majorations de redressement et de retard) atteindraient, selon certaines sources, des montants de l’ordre de 3,5 millions € pour Uber en 2015.

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Toutefois, le jugement évoqué ci-dessus n’est pas nécessairement si défavorable, au plan juridique, aux plateformes de mise en relation. En effet, pour caractériser l’existence d’un contrat de travail, les juges ont surtout retenu l'existence d'une exclusivité. De plus, la récente loi dite « Grandguillaume » adoptée fin 2016, interdit toute forme d'exclusivité entre partenaires dans le secteur du transport public particulier de personnes. Dès lors, si la convention liant le chauffeur VTC ne prévoit pas d’exclusivité, la plateforme de mise en relation amoindrit le risque de requalification, ce qui lui permet de gagner en sécurité juridique et renforcer finalement son modèle économique.

2.4 Les enjeux de développement

2.4.1 Égalité d’accès au transport

D’un point de vue politique, tout maillage territorial doit pouvoir garantir aux urbains ou périurbains la garantie d’une solution de mobilité. Et les nouvelles plateformes permettent d’adapter, de compléter ou de combler ce qui est fourni par le service public, que ce soit par le co-voiturage ou par la mise en relation avec des chauffeurs. Toutefois, les politiques de développement durable des villes imposent de nouvelles contraintes, voire des limitations dans l’usage des véhicules, surtout particuliers.

Le délai d’attente dans le transport de personnes est une composante indissociable de l’offre, mais il a été démontré qu’on ne peut l’imposer ou la réserver à un seul acteur du marché. Il est valable pour tous, et ne joue finalement pas le rôle d’un avantage concurrentiel discriminant.

Les offres permettant de prendre le client à son point de départ, par opposition aux stations fixes, se généralisent. Mais l’offre se démultiplie et se complexifie aux dépens de la lisibilité et de la cohérence de l’offre proposée. Simultanément, de nombreux partenariats se développent autour d’offres multimodales tels que Autolib, Velib, Green Tomatoes pour Trasndev et des offres combinées de train, de RER, de bus, etc.).

Plans urbains d’organisation des transports

Ces plans urbains sont construits autour de la nécessité de répondre à la demande et d’optimiser les flux de circulation sur le territoire concerné. Elles doivent également viser à réduire l’impact environnemental du déplacement et s’aligner sur l’attractivité des grandes métropoles, intégrant les flux inter, intra et traversant. De fait, les taxis ne se répartissent pas suivant les besoins, mais se focalisent sur les secteurs à forte demande, et sont en reste sur les besoins plus diffus, difficiles à identifier et à rentabiliser. Cela démontre les limites des plateformes téléphoniques historiques et la véritable valeur ajoutée de plateformes de géolocalisation qui facilitent l’identification et la satisfaction de ces besoins, et même une optimisation des délais d’attente de part et d’autre.

La tendance est donc à la mutualisation des acteurs pour assurer une meilleure qualité de service, particulièrement en ce qui concerne les délais d’attente.

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2.4.2 Analyse de la situation

L’organisation de l’égalité de l’accès au transport, des acteurs et des territoires de responsabilité

Les acteurs principaux sont :

� La ville � La région � L’Union Européenne � Les plateformes

Dans les écarts comparés, on constate un chevauchement entre les régions métropoles et les villes, sur des plans d’aménagement qui ne prennent pas de manière évidente le parti de la synergie et de l’optimisation des réseaux. Envisager le rôle du STIF (Syndicat des Transport d’Ile de France) en tant qu’agent global pourrait être pertinent sur la gestion de l’offre VTC et de l’offre des taxis.

Modes de déplacement et leurs évolutions entre 2013 et 2015

Les acteurs principaux sont :

� Les taxis � Les VTC � Le transport collectif � Le transport collaboratif � Le transport libre

Dans un schéma de développement, on constate que l’offre s’est développée et que dans le même temps la rentabilité s’est effondrée. Cela entraînera nécessairement à terme une mise en défaut des services offerts en ville.

Les enjeux se résument donc à l’organisation de l’offre et à la maîtrise de la marge.

L’arrivée du co-voiturage est sensée réduire la part des véhicules en ville. Celle des plateformes n’aurait finalement contribué qu’à réduire le temps d’attente mais en précarisant la profession. Uber n’a à ce jour pas démontré sa rentabilité dans les métropoles européennes, à l’exception peut-être de New York et de Paris. Devons-nous maintenir cette instabilité économique qui met en péril tous les acteurs du secteur, au risque de provoquer l’effondrement d’un service pourtant indispensable ?

Les métropoles

La politique générale des grandes métropoles européennes vise à adapter au mieux le service de transport autour de deux axes constants en cohérence avec les orientations de l’Union Européenne :

� La réduction de l’impact environnemental des solutions de déplacement en zone urbaine � L’amélioration de l’efficacité du service de transport collectif public et la maîtrise de l’offre

initiale de service, principalement en limitant le nombre de taxis.

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Ces constantes sont perturbées par l’apparition des plateformes et du co-voiturage, dont les bénéfices espérés ne sont pas démontrés sur ces deux axes.

Or, le déploiement des plateformes bouleverse les stratégies de transport des villes, en déstabilisant les systèmes de régulation mis en œuvre, et en impactant les règles de répartition de la marge.

En centralisant l’offre, les plateformes répartissent mieux la marge, évaluent et définissent mieux les besoins des utilisateurs que les méthodes traditionnelles, publiques ou privées. Ainsi, les volumes de chauffeurs sont mieux répartis, l’offre se développe et se renforce.

L’analyse met donc en évidence des effets de rationalisation qui ne garantissent en fait aucune amélioration des deux axes stratégiques posés.

L’Europe

Remonter à l’échelle de l’Europe la question de la gestion de l’offre et du droit au transport urbain constitue un enjeu intéressant, permettant d’ouvrir une stratégie d’influence offensive visant à définir qui pilote les politiques de la ville en matière d’organisation des déplacements.

Sur le champ de bataille de l’Europe, c’est Uber qui mène la danse notamment à la suite du déplacement de la plainte de la ville de Barcelone contre UberPop jusqu’à la Cour Judiciaire de l’Union Européenne (CJUE). Uber a tenté d'utiliser l'Union Européenne pour obtenir la légalisation de son activité sur toute l'Europe et en particulier sur des marchés comme l’Espagne ou l’Allemagne où Uber a été rejeté.

La France a porté plainte contre Uber auprès de la CJUE suite au dossier UberPop et Uber a répliqué immédiatement en déposant une double contre-plainte sur la procédure adoptée par la France.

Uber pratique un lobbying féroce auprès de l’Europe pour obtenir le statut d’acteur de l’économie numérique pour travailler sous leurs conditions et en exiger une application pays par pays en toute opposition aux autres services de transport.

En novembre 2016, la première audience du procès Uber s’est tenue à la CJUE et une décision de la cette cour européenne devrait vraisemblablement intervenir en juillet 2017. Les douze états de l'Union Européenne interviennent dans les débats et parmi ces états deux camps ont été identifiés.

Un premier camp « Pro Uber » où se retrouvent les Pays-Bas (Uber y possède son siège européen), la Pologne, la Finlande et la Grèce. Pays qui témoignent de leur soutien au géant américain. L’autre camp est, quant à lui, constitué de la France, l'Espagne et l'Irlande qi revendiquent que Uber est un service de transport qui dit être régulé de manière plus stricte.

Tous ces éléments fragilisent la loi Thévenoud, mais aussi tous les ajustements proposés par la proposition Grandguillaume et qui ont été publiés au Journal Officiel. Ils impactent l’efficacité et la pérennité des solutions que la France tente de faire adopter pour sortir de la crise dans ce secteur.

Il semble peu probable que l’Union Européenne centre le débat sur l’opposition taxis/VTC, mais plutôt sur les éléments de l’économie numérique des plateformes qui occupent le terrain, quelles que soient les préconisations de l’Union Européenne.

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Il reste néanmoins la question de l’équité sociale dans le droit au transport, Paris et sa région se partagent le champ de ces responsabilités. Une étude comparée des autres métropoles européennes apporterait une clarification des responsabilités de chacun. Il serait d’ailleurs particulièrement intéressant d’étudier la viabilité des systèmes de coopératives, la mutualisation des valeurs des licences, la taxation à l’entrée des villes, l’impact et l’utilité des systèmes de voies réservées et d’espaces de stationnement/ramassage et naturellement la question des droits d’entrée sur le marché. L’objectif étant de déterminer les grandes tendances et les axes de réussite à l’intérieur de l’Europe. Mais aussi d’identifier les solutions qui permettraient de laisser le contrôle du modèle économique et du positionnement de la marge aux mains des acteurs du secteur et non des intermédiaires. Les acteurs décideurs des services piloteraient alors la stratégie et non l’efficacité du service. Cette efficacité serait, quant à elle, déléguée à des structures publiques ou privées suivant leur modalité de financement.

3. Les problématiques sous-jacentes à une solution de sortie de crise

3.1 Quelle est la réalité de l’offre et de la demande ?

Bref rappel historique sur la réglementation de l’activité des taxis

L’activité des taxis est depuis longtemps réglementée, essentiellement sur la base de l’administration des tarifs et du contingentement de l'offre.

Dans un contexte opaque et fluctuant qui ne permet pas de maîtriser l’offre de taxi disponible pour l’usager, administrer les prix vise à protéger le consommateur du risque de dérapage des tarifs, favorisés lors d’une situation de quasi-monopole. Cela permet également de garantir aux chauffeurs de taxis un tarif non négociable par le client lorsque l’offre dépasse la demande. En conséquence, les chauffeurs de taxis ne pouvant fixer librement leurs tarifs, le régulateur se devait en contrepartie de donner des garanties pour un minimum d'activité, en contrôlant l'accès à la profession. C'est dans cette perspective qu'a été mis en place en France le système des licences des taxis. Elles sont des actifs détenus à titre privé par les chauffeurs de taxis.

Pourquoi la question des licences est-elle centrale dans la résolution du conflit Taxis-VTC ?

Le développement des VTC remet en cause le modèle économique des taxis en réduisant le quasi-monopole dont jouissait la profession, les VTC ayant de fait la faculté de répondre aux demandes de clients dans des conditions très proches de celles des taxis, grâce aux possibilités de géolocalisation ouvertes par les applications.

Surtout, il compromet la valeur future des licences, qui sont la contrepartie dont ont dû s'acquitter les taxis pour accéder au numerus clausus. Dans un contexte marqué par une baisse de l'activité, répartie entre beaucoup plus d’acteurs, et une incertitude croissante sur l'avenir du secteur, par exemple avec l’arrivée, à terme, des véhicules autonomes. Le développement des VTC s’accompagne aussi d'une érosion rapide de la valeur des licences des taxis. Or, ces plus ou moins-values financières réalisées sur les licences sont en France un élément essentiel du modèle économique des taxis.

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Du fait du coût initial d'acquisition des licences, qui atteignaient en 2015 près de 250 000 € pour Paris, leur dépréciation expose certains à des situations de défaut de remboursement des emprunts ou de remise en cause de projets de retraite ou de reconversion. Ce qui pousse la profession à s'opposer à tout prix à toute réforme d'ensemble du secteur.

Le système des licences introduit donc une distorsion de concurrence au détriment des taxis, qui ne pourront rivaliser dans la durée s’ils doivent toujours s’acquitter d’un droit d’entrée élevé (les licences) et qu’ils ne peuvent ajuster de leur course au prix d’équilibre du marché ?

Dans ce contexte, l’Etat se trouve aujourd’hui face à des objectifs contradictoires :

� D’un côté, la nécessité de répondre à la pénurie de l’offre de transports de personnes, qui passe notamment par l’acceptation de l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché

� De l’autre, sa responsabilité dans la constitution du marché de spéculation des licences est réelle et il ne peut donc se désintéresser des revendications qui y sont associées.

En réalité, depuis 2007, la faiblesse de l’offre de taxis, notamment en région parisienne, n’est plus la principale difficulté. Depuis cette date, de nouvelles licences ont été délivrées, mais surtout, des autorisations de doublage (une même licence peut être utilisée alternativement par deux chauffeurs) ont été créées dans la zone des taxis parisiens, ce qui permet aujourd’hui d’estimer l’offre réelle de taxis à 19 992 à Paris, c’est-à-dire un nombre supérieur à celui de licences existantes.

On observe une très grande stabilité du nombre de trajets effectués par habitant dans beaucoup de grandes villes depuis les années 70. Sur l’année la plus récente pour laquelle on dispose de statistiques, malgré l’offre d’applications de réservation sur smartphone, le nombre de trajets en TPPP35 : taxis et VTC a légèrement diminué.

Tous les indicateurs les plus précis sur l’activité des taxis parisiens tendent d’ailleurs à faire état de cette dégradation du marché, cette fois sur les volumes pour les seuls taxis parisiens : le temps d’attente entre deux courses augmente, la moyenne de courses par jour diminue, les chauffeurs essayent de préserver leur niveau d’activité mais le temps de travail « à vide » s’accroît.

Le marché parisien des VTC et des taxis est arrivé à saturation.

La flotte parisienne de taxis et des VTC est en constante évolution. En 2015, elle a atteint un niveau record dans la capitale, avec près de 30 000 véhicules pour un peu moins de 40 000 chauffeurs comptabilisés. Le ratio du nombre de VTC et de taxis par habitant n’a jamais été aussi important.

3.2 Comment cela se passe-t’il ailleurs dans le monde ?

3.2.1 Fonds de Garantie - Cas de la Nouvelle Zélande Extrait du Rapport “Contribution sur le rachat des licences de taxis » du 7 JUILLET 2016 – UNAM

“En 1989, le Gouvernement suédois a dérégulé l’entrée sur le marché et a assoupli l’obligation d’être affilié à une centrale de réservation. Les consommateurs ont bénéficié de gains immédiats : entre 1989

35 TPPP : TRANSPORT PUBLIC PARTICULIER DE PERSONNES

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et 1996, le nombre total de taxis a augmenté de 25%, tandis que les temps d’attente ont été réduits significativement. Par ailleurs, en Nouvelle-Zélande en 1989 et aux Pays-Bas en 2000, les marchés de taxis ont été ouverts sans indemnisation des acteurs traditionnels”36.

Extrait de “Avis n° 14-A-17 du 9 décembre 2014 concernant un projet de décret relatif au transport public particulier de personnes

“La commission Attali (commission pour la croissance de la France) se fondait en particulier sur une étude de l'OCDE sur la suppression des licences de taxis en Nouvelle-Zélande en 1988, montrant que le nombre de taxis avait augmenté de deux tiers dans les cinq années qui avaient suivi, preuve que la demande était largement insatisfaite.37 “

Référence de l’étude de l’OCDE 2007, “Taxi Services : Competition and Regulation”, OECD Competition Policy Roundtables38

� Page 12 et 13 : la suppression des restrictions avec rétrogression de l’offre ; effet positif sur les prix (même si ce n’est pas toujours le cas) afin de maintenir un certain des tarifs, même lorsque les réformes se traduisent par une ouverture du marché

� Page 70 : “En Nouvelle-Zélande, le nombre de taxis en circulation dans les principales agglomérations a également augmenté de près de 200 % suite à la déréglementation en 1989. Selon Morrison (1997) : Suite à la loi de 1989, qui a mis un terme aux restrictions quantitatives, le nombre de compagnies dans les centres villes a été multiplié par trois, tandis que le nombre de taxis a massivement augmenté. La gamme de services de taxi s’est largement étoffée et couvre différents segments de marché, tout en offrant une couverture géographique étendue. Ces changements se sont accompagnés d’une baisse des tarifs, du moins en valeur réelle.

� Page 72 : “Soon (1999) cite plusieurs exemples d’innovation au niveau des services en Nouvelle-Zélande, tels que l’introduction de camionnettes et de taxis dédiés aux hommes d’affaires, la mise en place de nouveaux systèmes de paiement, le renforcement de la publicité sur les véhicules et la participation de certaines compagnies à des appels d’offres relatifs à des lignes d’autobus.”

� Page 74 : “La réforme sera moins perturbatrice si les intérêts qu’elle affecte peuvent être « corrompus ». Bien que la Nouvelle-Zélande soit parvenue à déréglementer le secteur des taxis sans verser une seule indemnité, elle l’a fait au cours d’une période peu ordinaire, marquée par de nombreuses autres réformes en cours. Toutefois, cet argument semble excessivement pessimiste. La Nouvelle-Zélande n’est pas le seul pays à avoir supprimé brutalement le numerus clausus sans verser d’indemnités : l’Irlande a également opté pour cette solution en 2000”.

36 HTTP://WWW.DEVELOPPEMENT-DURABLE.GOUV.FR/SITES/DEFAULT/FILES/CONTRIBUTION_UNAM_-_FONDS_DE_GARANTIE.PDF 37 HTTP://WWW.AUTORITEDELACONCURRENCE.FR/PDF/AVIS/14A17.PDF 38 HTTP://WWW.OECD.ORG/REGREFORM/SECTORS/41472612.PDF

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3.2.2 Fonds de Garantie - Cas de l’Irlande

De profondes réformes de la réglementation des services de taxi ont été réalisées. L’Irlande a supprimé brutalement le numerus clausus sans proposer d’indemnités.

Le nombre de taxis a été multiplié par plus de trois après l’adoption d’une politique de libre accès. Le nombre de nouveaux venus a dépassé les prévisions établies avant la libéralisation par le pays, qui avait pourtant tenté d’anticiper la demande réelle. De plus, cette progression du nombre de taxis s’est globalement poursuivie à moyen terme.

L’Irlande a octroyé des licences supplémentaires à chaque titulaire, ce qui tend à minimiser leurs pertes en assurant que les rentes de monopole restantes continueront de leur revenir en intégralité. Avec ce modèle, il est possible d’accroître plus rapidement le nombre des taxis. On peut aussi accorder de nouvelles licences aux enchères ou par tirage au sort. Dans certains cas, ces enchères ou tirages au sort sont ouverts à tous, alors que dans d’autres, la préférence est donnée aux chauffeurs de taxis salariés et/ou à d’autres catégories d’intervenants.

L’une des solutions possibles – qui s’inscrit dans le cadre de la logique d’indemnisation au titre du préjudice subi – consiste à rembourser les titulaires sensiblement en deçà de la valeur totale avant réforme de leurs licences.

Plusieurs formules sont envisageables : les versements peuvent par exemple être basés sur le coût initial de la licence et indexés sur le taux des obligations d’État. Ils peuvent également être fondés sur des études au cas par cas, avec obligation de démontrer le préjudice subi en cas d’absence d’indemnisation.

C’est cette solution qui a finalement été retenue en Irlande. Près de 1 500 personnes ont été indemnisées suite à la libéralisation du marché. Un panel d’experts a été mis en place pour évaluer les préjudices subis par les chauffeurs de taxis.

Il était composé d’un représentant des organisations syndicales, d’un représentant des entreprises et d’un représentant du gouvernement. Ce panel a reçu 2 000 demandes, pour un total de seulement 3 000 titulaires de licences avant la réforme.

Il a déterminé trois grandes catégories de situations justifiant une indemnisation : les veuves des titulaires de licence, les personnes de plus de 65 ans sans autre source principale de revenus pour leur retraite et les personnes de plus de 50 ans qui avaient contracté des emprunts importants pour l’achat de leur licence.

La moyenne des indemnités versées s’élève à 15 000 € environ, soit près d’un dixième de la valeur de la licence préalablement à la réforme. Le coût global de ces indemnisations pour le ministère irlandais des Finances a atteint 17 millions € environ.

Des solutions de ce type pourraient se révéler beaucoup moins coûteuses qu’une indemnisation totale et pourtant plus envisageables. Elles demeurent néanmoins coûteuses39.

39 HTTP://WWW.OECD.ORG/REGREFORM/SECTORS/41472612.PDF

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3.3 Que compte faire l’Europe ?

Le succès commercial et la grande popularité des services proposés par des entreprises telles qu'Uber soulèvent de nombreuses questions pour les législateurs, notamment au sein de l'Union Européenne. A ce jour, les TNC (Transportation Network Company) ne sont prises en compte nulle part dans le droit dérivé de l'Union. Ainsi, la principale difficulté est de déterminer si ces applications ou plateformes en ligne doivent exclusivement leur succès à leur caractère innovant, ou si elles se contentent d’exploiter des failles dans la réglementation.

La commission des transports et du tourisme du Parlement Européen a demandé un briefing interne fournissant une première analyse de l'incidence d'Uber et d'autres TNC mais plus largement de "l’économie du partage" ou " de l'économie collaborative" sur le plan social, économique et juridique.

La Cour Européenne semble toutefois avoir cerné les enjeux sous-jacents de cette nouvelle économie. Il est effectivement amplement reproché aux TNC de devoir leur avantage concurrentiel à l'exploitation de failles dans la réglementation et à des normes plus faibles en matière de sécurité et de protection de la vie privée des consommateurs. Certains de ces arguments sont répertoriés ci-dessous :

� Les TNC représentent une concurrence déloyale pour les taxis en pénétrant sur leur marché sans se conformer aux réglementations, telles que les limitations de temps de conduite ;

� Les TNC pourraient aspirer à une position de monopole ; � Les véhicules ou les chauffeurs proposant des services par le biais de TNC pourraient ne pas

être sûrs ou correctement assurés ; � Les TNC pourraient utiliser leur technologie pour envahir la sphère privée des clients ; � Les TNC pourraient des discriminations de la part des chauffeurs et des passagers ; � Les TNC pourraient porter atteinte aux conditions de travail des chauffeurs de taxi et ne laisser

qu'une maigre rémunération aux chauffeurs ; � Les TNC pourraient poser un problème sur le plan fiscal.

Une discussion est donc en cours dans les États membres concernant une réglementation ou une déréglementation dans ce domaine. Les dispositions juridiques nationales pourraient, avec quelques difficultés, être appliquées aux TNC, sachant que les premiers jugements nationaux ont été rendus.

« Un agenda européen pour l’économie collaborative » fournit des orientations sur les modalités d'application du droit de l’Union en vigueur à ce secteur en mutation rapide :

� Sur les exigences en matière d’accès au marché pouvant être imposées : Les prestataires de services ne devraient être tenus d'obtenir des autorisations d'établissement ou des licences que lorsque cela est strictement nécessaire pour atteindre des objectifs d'intérêt général importants. L’interdiction absolue d’une activité ne devrait constituer qu'une mesure de dernier recours. Les plateformes ne devraient pas être tenues d'obtenir d'autorisations ni de licences lorsqu’elles n'agissent qu'en qualité d’intermédiaires entre les consommateurs et ceux qui proposent le service réel (service de transport ou d’hébergement par exemple). De plus, les États membres devraient faire la distinction entre les particuliers qui proposent des services sur une base occasionnelle et les prestataires qui interviennent à titre professionnel, en établissant par exemple des seuils fondés sur le niveau d’activité.

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� Sur la responsabilité en cas de problème : les plateformes collaboratives peuvent être exemptées de responsabilité pour les informations qu'elles stockent au nom de ceux qui proposent un service. Elles ne devraient pas être exemptées de responsabilités pour les services qu’elles proposent elles-mêmes, comme les services de paiement. La Commission encourage les plateformes collaboratives à continuer à prendre, sur une base volontaire, des mesures pour combattre les contenus illicites en ligne et renforcer la confiance.

� Pour déterminer comment la législation de l'UE en matière de protection des consommateurs protège les utilisateurs, les États membres devraient garantir que les consommateurs bénéficient d’un niveau de protection élevé contre les pratiques commerciales déloyales sans pour autant imposer d'obligations disproportionnées aux particuliers qui ne fournissent des services qu'à titre occasionnel.

� Sur la nature de la relation de travail : le droit du travail relève en majeure partie de la compétence des États membres.

� Pour déterminer les règles fiscales qui s'appliquent, les prestataires de services et les plateformes de l’économie collaborative doivent payer des impôts et des taxes au même titre que les autres acteurs de l’économie.

La Commission invitera les États membres de l’UE à réexaminer et, le cas échéant, à réviser la législation en vigueur conformément à ces orientations. Ces éléments laissent penser que la Commission européenne tend davantage vers une dérégulation des TNC.

4. Propositions de solutions à une sortie de crise

4.1 Option #1 : Instauration d’une licence partagée taxis-VTC pour une approche complète du marché mutualisé

4.1.1 Une solution fondée sur la valeur historique d’acquisition

Les licences des taxis sont le produit d’une culture réglementaire ancienne et l’Etat a une responsabilité historique en la matière. Pour exercer leur métier et accéder au numerus clausus étroitement contrôlé par l'administration, les taxis ont dû en payer le prix.

Ainsi, la responsabilité des pouvoirs publics dans la constitution du marché des licences n'est pas étrangère à la colère des taxis, et contraint les gouvernements successifs à poursuivre des objectifs contradictoires, entre modernisation du secteur et préservation de la rente des taxis.

Quels sont les moyens par lesquels l'hypothèque des licences pourrait être levée ? Quelle serait l'incidence que cela pourrait avoir sur le développement du transport des personnes en France ? Comment l'indemnisation des taxis à hauteur de la valeur historique d'acquisition des licences par la profession dans son ensemble jouerait un rôle essentiel dans la transition du cadre réglementé vers la nouvelle économie du secteur ?

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Il faut identifier un montage par lequel des cotisations - des professionnels du transport de personnes - seraient utilisées pour rembourser les licences. Ces cotisations resteraient supportables pour l'activité, le remboursement des licences étant amorti sur une période longue.

L'indemnisation des titulaires des licences permettrait un déblocage rapide des négociations entre les taxis et les VTC et ouvrirait la porte à une remise à plat du secteur. Cela serait possible si cette indemnisation est faite sur la base de la valeur historique d'acquisition, et qu'elle n'engage pas les finances publiques.

Une telle approche serait gagnante pour toutes les parties concernées. Cela se traduirait à terme par un développement rapide de l'activité et un rattrapage de l'économie française vis-à-vis de ses homologues occidentaux qui appliquent déjà le modèle concurrentiel au secteur du transport de personnes.

4.1.2 Les spécificités de l’indemnisation des licences

L'indemnisation des titulaires des licences permettrait de sortir de cette impasse en dissociant les enjeux patrimoniaux propres aux licences des autres enjeux de la réforme.

En effet, elle correspondrait à une mesure de justice nécessaire à l'acceptabilité de la réforme, et permettrait la levée de la principale barrière à l'entrée du secteur pour les nouveaux venus. Elle marquerait enfin la volonté des pouvoirs publics d'assumer la transition du système règlementé vers une approche concurrentielle, partant du constat de la difficulté de faire coexister les deux systèmes dans des conditions satisfaisantes.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que cette réforme soit viable et acceptable sur les plans économique et social :

� L’indemnisation doit se faire sur la valeur réelle des licences et non en fonction d’un éventuel préjudice personnel difficile à évaluer (Cf. cas de l’Irlande) ou du caractère spéculatif du marché des licences.

� Le montant de l’indemnisation doit satisfaire les taxis tout en étant neutre pour les finances publiques.

Dans cette optique, l’indemnisation des licences pourrait être faite par un fonds privé :

� Les licences seraient transférées sur ce fonds qui amortirait l’indemnisation sur une longue période (30 par ex.). Le montant de l’indemnisation serait calculé sur la base de la valeur d’achat de la licence réactualisée.

� Cette structure se financerait à travers d’un fonds dédié et d’un emprunt remboursé grâce aux cotisations versées par l’ensemble des professionnels du secteur. Ces cotisations devraient être supportables pour les chauffeurs de taxis du fait : - D’une valeur maîtrisée de l’indemnisation (cf. point ci-dessus) - Du taux d’intérêt durablement bas - De la libéralisation du secteur qui devrait apporter de nouvelles recettes fiscales à l’Etat

avec le développement de l’activité (Par ailleurs, toutes choses égales, le nombre de

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chauffeurs de taxis en Irlande a été multiplié par 4 en 2 ans); une partie de ces recettes fiscales pourrait être redistribuée aux chauffeurs sous forme de crédit d’impôt.

� Ce mécanisme reposerait sur un contrat entre l’Etat et les représentants du secteur qui seraient

ainsi autorisés à imposer des cotisations.

4.2 Option #2 : Instauration d’un fonds de garantie pour financer l’ensemble du système et des licences

4.2.1 Dans quel contexte s’inscrit cette proposition ?

Le développement des VTC remet en cause le modèle économique des taxis. Ce contexte risque de s'accompagner d'une érosion rapide de la valeur des licences des taxis et placer les chauffeurs de taxis en situation économique très difficile.

La question des licences est importante – voire centrale - dans la résolution de la crise, mais elle n’est toutefois qu’une illustration des difficultés de faire coexister deux modèles très différents sur un même secteur d’activité : un système très réglementé organisé notamment autour d’un numerus clausus qui a longtemps garanti aux taxis une situation de quasi-monopole et l’arrivée d’une nouvelle offre, importante en volume et beaucoup moins réglementée, qui vient percuter de plein fouet le marché existant.

En effet, lorsque de fortes restrictions de l’offre ont entraîné une accumulation de rentes de monopoles conséquentes, les propositions de réforme se heurteront inévitablement à une forte résistance des titulaires de licence en place.

L’ampleur des pertes enregistrées par les titulaires de licences en cas d’ouverture immédiate du marché ajoute encore à la difficulté politique du processus. Il convient donc de compenser la baisse du prix des licences pour les titulaires dès lors que l’on introduit une réforme.

L’argument selon lequel le contribuable devrait dédommager les titulaires d’une licence lorsque ceux-ci sont privés de leur droit de percevoir des rentes de monopole n’est guère recevable. Toutefois, les arguments fondés sur le préjudice subi, appelant au versement d’une indemnité aux titulaires en place en cas de réforme importante, pourraient être plus largement acceptés.

4.2.2 Quelle est la finalité du fonds de garantie / quels en sont les principes ?

L’enjeu est donc de trouver une voie permettant la coexistence de ces deux types d’offres, en apportant pour cela les éléments de réforme nécessaire aux systèmes existants, ceci dans un contexte général (notamment européen) qui tend vers une dérégulation croissante des marchés.

La proposition tient compte de plusieurs éléments de contexte et de facteurs qui nous paraissent essentiels à sa réussite :

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� Le dispositif doit soutenir une nécessaire transformation en profondeur du secteur face à l’arrivée de nouveaux types d’acteurs qui auront tendance à se développer à l’avenir (il ne s’agit donc pas de repousser les réformes dans le temps).

� Il doit permettre de limiter les impacts économiques et sociaux de la dérégulation sur les acteurs, essentiellement les travailleurs indépendants du secteur, qu’ils soient chauffeurs de taxis ou de VTC, condition importante pour permettre une sortie pérenne de la crise.

� Il doit tenir compte des enjeux sociétaux (et dans ce sens politiques) plus globaux liés au transport.

� Il doit être compatible avec les orientations européennes en matière de respect de la concurrence (et à la tendance globale à la dérégulation des marchés).

La finalité du fonds de garantie est donc d’accompagner la transition du modèle économique et social du secteur pour l’ensemble des acteurs via :

� La suppression du système de licences associé à un numerus clausus, ce qui nécessite l’indemnisation des licences aux chauffeurs de taxis.

� L’harmonisation des conditions d’exercice et des droits à la protection sociale des acteurs. � Le soutien économique aux acteurs en difficulté.

4.2.3 Quelles en sont les missions ?

Préalable : le fond doit pouvoir apporter des réponses dans le cadre des missions qui lui sont imparties à toutes les catégories d’acteurs afin de disposer d’une légitimité liée à sa neutralité, de disposer d’une vision globale de la situation des acteurs du secteur (qui pour partie rencontrent les mêmes difficultés qu’ils soient taxis ou VTC) et ainsi pouvoir agir en cohérence et dans une optique d’apporter des réponses adaptées au cas par cas et par étapes. L’objectif étant d’éviter les perturbations profondes et les réticences.

On peut identifier plusieurs sortes de réformes progressives. L’une d’elles (utilisée pour la première fois par l’Irlande) consiste notamment à octroyer des licences supplémentaires à chaque titulaire, ce qui tend à minimiser leurs pertes en assurant que les rentes de monopole restantes continueront de leur revenir en intégralité.

Avec ce modèle, il est possible d’accroître plus rapidement le nombre des taxis.

Indemniser les licences des chauffeurs de taxis

� Valeur de l’indemnisation à définir � Proposition de Terra Nova : Valeur d’achat actualisée � Plafonnement ?

L’indemnisation pourrait prendre des formes différentes (alternatives ou complémentaires) :

� Remboursement financier � Droits à la protection sociale (cotisations retraite notamment) � Droits à la formation (notamment dans des cas de reconversion)

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Proposer des crédits

� A taux préférentiels (par ex. pour l’achat de véhicules)

Apporter des prestations d’assistance / conseil

� Dans le domaine juridique, social, fiscal, économique � Aux moments clés de la vie professionnelle des chauffeurs (installation/

1er exercice, difficultés financières, etc.)

4.2.4 Comment est financé le fonds ?

� Tenant compte de certains règlements européens (limitant les aides de l’état) et dans une logique d’un état moins interventionniste et de contraintes fortes sur les finances publiques, il ne paraît pas souhaitable que l’état finance tout ou une partie du fonds.

� Financement par des cotisations payées par les acteurs du secteur : une contribution sur le chiffre d’affaires (CA) de l’ensemble des acteurs (Taxis, VTC, Travailleurs indépendants, entreprises) pour que le fond soit le plus représentatif possible et rendre la cotisation « acceptable » pour l’ensemble des acteurs.

� Une contribution sur chaque course réalisée peut être aussi envisagée avec une part prise en charge par les Taxis, les VTC et une part prise en charge par le client.

� Bien entendu, un panachage entre les deux modes de financement peut être envisagé pour minimiser la contribution de chacun et créer un écosystème acceptable dans la durée.

� Dans cette approche, les taux de contribution peuvent être discutés et adaptés en fonction des contributeurs (Taxis, VTC, entreprises, clients). En tout état de cause, ils devront être plus ou moins importants selon les garanties décidées ou souhaitées par ce fond (notamment le niveau d’indemnisation, le coût de la licence)

4.2.5 Points d’attention

� Le constat, soi-disant partagé, de la nécessité de développer l’offre de transport rémunéré de personnes pour répondre à une pénurie (et à un retard de la France dans ce domaine) ne semble pas si évident : l’étude Fact & Data40 alerte sur le fait que ce marché ne présenterait pas de fortes perspectives de développement. Il prévoit même qu’à population constante, la demande va reculer.

Cette situation pourrait avoir un impact social important sur les acteurs (chauffeurs de taxis et VTC). Cette étude, dont les résultats sont à remettre dans le contexte des commanditaires (fédérations et syndicats de taxis et de VTC) prend position pour un statu quo dans la réglementation protégeant actuellement les taxis (notamment le système des licences)

40 HTTP://FACTA.MEDIA/TAXIS-VTC-MARCHE-SATURE-A-PARIS-REGULATION-INDISPENSABLE/

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4.3 Instauration d’une Autorité de régulation en charge de la phase de transition

4.3.1 Dans l’hypothèse d’une mutualisation des licences

La mise en place à l’échelle de la métropole d’un système de collecte de fonds indexés au volume d’activité de transport de passagers peut facilement s’inspirer du dispositif actuellement en place pour les taxis. Mais il conviendrait d’ajuster à un système commun pour tous portant, non pas sur le prix maximum, mais sur le prix minimum de la course fixant le montant collecté au temps pour le parcours défini.

Le temps parcouru correspond au temps de travail effectif et positionne le temps d’attente comme une variable concurrentielle non régulée qui porte l’amélioration du service.

Les tarifs des taxis sont réglementés aujourd’hui et fixés chaque année par arrêté préfectoral dans chaque département. Il ne s'agit pas d'un tarif imposé, mais d'un tarif maximal : le tarif de la course est composé d'un prix maximum au kilomètre parcouru, avec des majorations possibles, et d'un prix maximum de prise en charge, avec éventuellement des suppléments de course, également encadrés. Le prix de la course doit être calculé selon la distance parcourue, ou le temps passé si la vitesse est moindre.

Dans cette hypothèse, chaque véhicule doit être obligatoirement équipé à l'intérieur d'un taximètre (ou compteur horokilométrique), qui enregistre le parcours et indique le tarif pratiqué et la somme à payer, mais aussi relever le temps de parcours et le montant à reverser.

Le montant minimum permet de réguler les plateformes et de les positionner sur un même niveau d’équité, de traitement et de service. La mise en place des plateformes à destination des taxis est une solution indispensable. Une régulation du nombre de taxis/VTC est la solution pour réguler l’offre et la demande et donc pour maitriser les prix et les marges.

4.3.2 Dans l’hypothèse de la création d’un fonds de garantie sur le modèle de nos voisins

Ce fonds nécessite la mise en place d’un « panel d’experts sur les préjudices subis par les chauffeurs de taxis », composé d’un représentant des organisations syndicales, d’un représentant des entreprises et d’un représentant du gouvernement.

Ce système a été élaboré et mis en place en Irlande. Le but est de pouvoir traiter spécifiquement et séparément les demandes des taxis et des sociétés.

Il a déterminé trois grandes catégories de situations justifiant une indemnisation : les veuves des titulaires de licence, les personnes ayant l’âge de la retraite sans autre source principale de revenus pour leur retraite et les personnes de plus de 50 ans qui avaient contracté des emprunts importants pour l’achat de leur licence. Si on prend l'exemple de l’Irlande, la moyenne des indemnités versées s’élève à 15 000 € environ, soit près d’un dixième de la valeur de la licence préalablement à la réforme. Le coût global de ces indemnisations pour le ministère des Finances irlandais a atteint 17 millions d’€ environ41.

41 HTTP://WWW.OECD.ORG/REGREFORM/SECTORS/41472612.PDF

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Dans l’hypothèse d’une indemnisation basée, non pas sur le préjudice subi mais sur la valeur de la licence (sur la base du prix initial d’achat actualisé), le rapport Terra Nova évalue le montant global de l’indemnisation à 4,5 Mds €.

En conclusion, l’abandon du système de licences permettrait de :

� Moderniser la gouvernance du secteur en y apportant notamment davantage de transparence ; � Rattraper le retard de la France en termes d’offre de transport de personnes ; � Réaliser une profonde réforme du secteur permettant la cohabitation des taxis et des VTC ; � L’indemnisation financière pourrait tout ou partie est remplacée par des droits à la protection

sociale et à la formation (permettrait de répondre aux différents types de besoin en fonction notamment de l’âge des chauffeurs).

4.3.3 Dans l’hypothèse d’une solution à la française fondée sur l’existant

Le fonds sera gouverné par le Comité National des Transports Publics Particuliers de Personnes dont les missions et la composition ont été définis par le décret du 26 février 2017 (2017-236)42 :

“Comité national des transports publics particuliers de personnes

� « Art. D. 3120-16.-Il est créé auprès du ministre chargé des transports, une instance d'information et de concertation des personnes intéressées par les transports publics particuliers de personnes dénommée “ Comité national des transports publics particuliers de personnes ”. Il débat des grands enjeux des transports publics particuliers de personnes et donne un avis sur le rapport annuel de l'Observatoire national des transports publics particuliers de personnes.

� « Art. D. 3120-17.-Le comité national peut être saisi pour avis par le ministre chargé des transports sur tout projet, programme ou étude intéressant le secteur. Il peut se saisir de toute question relative aux transports publics particuliers de personnes dès lors qu'elle ne relève pas de la compétence des commissions locales prévues à l'article D. 3120-21, ainsi que formuler des recommandations.

� « Art. D. 3120-18.-Le comité national comprend cinquante membres au plus dont un président et un vice-président. Les membres sont nommés par arrêté conjoint des ministres chargés des transports, de l'économie, de la santé et de l'intérieur. Le président est nommé parmi les membres représentant l'Etat et le vice-président est nommé parmi les autres membres.

Il est composé à parts égales :

� Des représentants des ministres chargés, respectivement, des Transports, de l'Economie, de la Santé et de l'Intérieur ;

� Des représentants des professionnels intervenant dans le secteur du Transport Public Particulier de Personnes (TPPP) ;

� Des représentants des collectivités territoriales ou des associations qui les représentent ;

42 HTTPS://WWW.LEGIFRANCE.GOUV.FR/ELI/DECRET/2017/2/24/DEVT1615910D/JO/TEXTE

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� Des représentants d'associations de défense des consommateurs, de personnes à mobilité réduite, d'usagers des transports, ou d'associations agissant dans le domaine de la sécurité routière ou de l'environnement.

CONCLUSION

Sortir d’une crise nécessite avant tout de la comprendre. Et celle-ci comprend plusieurs dimensions bien distinctes. Il s’agit d’une crise à la fois sectorielle et structurelle, en ce qu’elle concerne tout un pan économique, juridique et, partant, social qui trouve son application à la fois en France et dans le monde. La perspective historique évoquée en introduction nous a, par ailleurs, amené à considérer le problème sous l’angle le plus pragmatique qui soit : en effet, si la forme que prend cette crise n’est pas nouvelle, elle propose alors un paradigme nouveau, certes, mais qui trouve sa compréhension dans la définition d’une grille de lecture à la fois traditionnelle et systémique. C’est ce à quoi nous nous sommes appliqués au sein de cette étude, en tentant de définir l’ensemble des points d’intérêts nécessaires à la compréhension du problème, sans lesquels il n’existe pas de solution pérenne ni juste. Cette démarche nous a dicté de définir successivement les revendications – miroirs des intérêts – de l’ensemble des parties prenantes, les enjeux économiques, sécuritaires, sociaux et de développement liés au marché du transport rémunéré de personnes, les diverses approches étrangères dans la résolution de crises similaires ainsi que l’approche du problème définie par l’Union Européenne dont les dispositions juridiques s’imposent aux états membre par l’effet de la hiérarchie des normes. Cette étude propose donc un panorama de ce qu’il est indispensable de considérer dans la définition d’une solution de sortie de crise, sans toutefois apporter un produit fini, dont il appartiendra à une autorité légitime et compétente de définir le cadre précis. Par ailleurs, cette étude nous porte plus à penser qu’aucune solution nationale, si elle s’inscrit dans l’état du droit que connaissons actuellement, ne sera efficace à long terme, puisqu’il échappe aux états de se singulariser dans la résolution des questions économiques portées par cette crise. Nous estimons enfin que la crise provoquée par ce bouleversement dans le secteur des transports – de manière générale – dépasse largement le transport rémunéré de personnes, en particulier. Il s’agit d’un problème bien plus profond de refonte complète des usages en matière de transport, qu’il soit de particuliers, en commun, de partage ou autres. Cela s’inscrit dans un changement de société plus grand, où se mêlent à la fois la question du transport, la question du statut des travailleurs, la question des données personnelles et de leur sécurité, la question du « Big Data » et la question de la souveraineté des états. Une crise n’est finalement que la rencontre d’intérêts divergents, de situations établies et de positions revendicatrices, la friction de deux mondes qui s’opposent et prétendent à la même souveraineté. Elle est constitutive du mouvement, elle est l’expression du changement et elle est un impondérable sans lequel il n’y a pas d’émergence. Elle ne se règle que si elle s’exprime et il semble bien que nous assistons à la nouvelle guerre des fiacres, dont nous ne regrettons ni les chevaux, ni l’inconfort. Ni nous, ni les cochers détenteurs de licences.

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ANNEXES

Annexe 1 - Eléments d’analyse de la crise en France

Eléments d’analyse de la crise en France

Les rapports de force en 2014

SOURCE : HTTP://WWW.HUMANITE.FR/VTC-CONTRE-TAXIS-LA-GUERRE-DES-EXPLOITES-599761 (22/04/2017)

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Les forces en présence en 2014

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UberPop – la déclinaison de produit Uber représentative des problématiques du marché des VTC

UberPop a été présenté comme un service de « covoiturage urbain » à son lancement. Pourtant, le service n’invitait pas les passagers à se joindre à des trajets prédéfinis et à partager les frais.

Les chauffeurs se mettaient à la disposition de ce qu’on peut difficilement appeler autrement que des clients et faisaient des va-et-vient, ce qui s’apparentait à une activité de VTC. Pour l’aspect lucratif, Uber l’affirmait lui-même : « complétez vos revenus en conduisant votre voiture avec UberPop ! ». Finalement, une « parfaite mauvaise foi », selon la justice.

Avec sa facturation au temps et à l’heure, supposée être réservé aux taxis, UberPop a envenimé la polémique opposant aux taxis et chauffeurs professionnels.

Uber a annoncé ce nouveau service le jour même où le Conseil d’Etat a suspendu le décret imposant un délai de 15 minutes entre la commande et la prise en charge pour les VTC.

Service

Conducteur

Véhicule (exemple)

UberPop

Particulier

Volkswagen / Golf

UberX

Chauffeur VTC

Peugeot 508

Berline

Chauffeur VTC

Mercedes Classe E

€/ min 0,35 € - 0,50 €

€/km 0,8 € - 1,25 €

Mini/course 4 € 8 € 12 €

Opéra – Hôtel de Ville 7€ 10€ 14€

Source : Clubic (05/02/2014)

Les conducteurs du service UberPop devaient suivre une formation de 2 heures, fournir divers justificatifs (permis de conduire de plus de 3 ans ainsi qu’un extrait de casier judiciaire). Ils accédaient au même tableau de bord et à la même application que les chauffeurs professionnels. Uber exigeait, en outre, de tous leurs conducteurs un casier judiciaire vierge (et pas uniquement ceux utilisant UberPop).

Le service concurrençait plus directement Djump ou Heetch, qui se distinguaient néanmoins en incluant un « dédommagement » forfaitaire ou libre sous forme de « donation » pour permettre une forme de pourboire. Sur BlablaCar, référence du covoiturage, on ne peut que se joindre à un trajet prédéfini par le chauffeur.

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Les taxis contre UberPop – résumé de la bataille économique

Octobre 2014 : Uber a été condamné à 100 000 € d’amende par le tribunal correctionnel de Paris pour « pratique commerciale trompeuse » ; considérant qu’il ne s’agit pas de covoiturage. UberPop ne charge pas des passagers qui partagent leur destination, ils enchaînent les courses de clients quelles que soient leurs destinations, comme le font les taxis. Uber fait appel.

12 Décembre 2014 : Le tribunal de commerce de Paris refuse d’interdire UberPop.

Uber a toujours refusé de donner les chiffres du développement de son activité en France. Mais les recrutements de nouveaux chauffeurs pour UberPop et de nouveaux clients ont continué à s’accélérer.

Mi-Février 2015 : UberPop modifie les conditions pour qu’un chauffeur puisse devenir partenaire. Au 21 mars 2015, le service imposait trois éléments :

� Créer un statut d’auto-entrepreneur pour pouvoir exercer. Ceci impliquait d’être assuré en responsabilité civile professionnelle et de tenir des comptes séparés (incluant la déclaration du chiffre d’affaires réalisé) du reste des activités professionnelles ;

� Obtenir une aptitude médicale à la conduite. Un médecin agréé par la préfecture délivre une attestation physique ;

� Demander un certificat d’aptitude à la conduite. Uber a demandé à ce qu’une formation « complémentaire approfondie, notamment en matière de sécurité routière lors de trajets avec des passagers, d’entretien du véhicule, et sur les aspects économiques et fiscaux » soit suivie par le conducteur. Cette formation devait s’achever par un test.

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Plusieurs centaines de téléphones portables mis à disposition des chauffeurs pour les mettre en relation avec les clients ont alors été saisis.

De son côté, la direction a précisé que cet épisode ne laissait en rien présager de la suite de ses activités en France. Uber comptait faire entendre ses arguments en faveur de la géolocalisation de ses véhicules. Dans ce cadre, elle a déposé deux QPC43 portant sur cette géolocalisation et la fixation des tarifs. Elle reproche à la justice de ne pas respecter la libre concurrence.

43 QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

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- 3 Juillet 2015 : Uber annonce qu’il suspend son service UberPop. L’application ne sera plus disponible pour les utilisateurs français. Pour justifier ce retrait, la direction de la société met en avant son souhait de préserver la sécurité des conducteurs.

Pierre Dimitri Gore-Coty, le directeur général d’Uber en Europe et Thibaut Simphal, directeur général d’Uber France seront jugés le 30 Septembre devant le tribunal correctionnel pour des faits de pratiques commerciales trompeuses, de complicité d’exercice illégal de la profession de taxi et de traitement illégal de données informatiques.

La direction de la société précise se « situer dans un esprit d'apaisement, de dialogue avec les pouvoirs publics et montrer qu'(Uber) prend (ses) responsabilités ».

Uber condamne également les récentes violences perpétrées sur des VTC. « Les cow-boys, ce sont les gens qui lynchent des personnes sur la voie publique. Heureusement que des entreprises innovent ! Nous pensons qu'il devrait y avoir le maximum de liberté pour les chauffeurs de taxi afin qu'ils puissent choisir la plateforme avec laquelle ils veulent travailler. La loi leur interdit d'être aussi VTC. Or, plus l'offre est ouverte et permet la concurrence entre plateformes, plus les chauffeurs y gagneront », précise Thibaud Simphal.

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Uber, est resté plutôt discret, une fois connue la décision du Conseil Constitutionnel, mais ne désarme pas pour autant.

Uber entend poursuivre le développement de ses activités légales, de VTC, pour lesquelles elle revendique à l’époque 10 000 chauffeurs en France.

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Pierre-Dimitri Gore-Coty, et Thibaut Simphal, sont condamnés à régler 30 000 et 20 000 € d’amende (la moitié avec sursis).

Pour sa défense, Uber s’appuie sur le fait que l’application a été retirée depuis plusieurs mois et fait appel de la décision.

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Il s’agit d’un jugement à titre exécutoire. Ce qui signifie, que, malgré son appel, Uber se doit de verser cette somme aux plaignants. Cela pourrait faire jurisprudence pour les 55 000 taxis recensés dans l’Hexagone, explique son avocat. Cela nécessiterait, toutefois, que l’ensemble de la profession se mobilise. Selon Maître Bellaiche, l’avocat de Thierry Guicherd : « Aujourd'hui, du fait de la seule présentation de sa carte professionnelle en cours de validité, tout taxi de France est en droit d'obtenir une réparation pour préjudice moral du fait de l'atteinte que le service Uberpop a eu pour sa profession ». Or, certains chauffeurs en régions ne se sentent pas forcément concernés par ce conflit avant tout parisien. Le montant de 44,5 M€, évoqué par la presse, relève de la fantaisie.

Le recours à la méthode des échiquiers facilite la compréhension des faits dont la presse se fait l’écho. Elle permet à la fois de comprendre les différentes juridictions compétentes (tribunal de commerce et tribunal correctionnel), les reproches qui justifient les poursuites judiciaires (« pratique commerciale trompeuse » et « nuire à la concurrence ») mais surtout les condamnations réelles d’Uber. Jusqu’à présent, Uber a seulement été contraint à une amende de de 150 000 € et des dommages et intérêts qui, malgré l’effet d’annonce, semblent réduit.

Cependant, ce sont des brèches et des risques juridiques de plus en plus importants qui menacent la société. Les dommages et intérêts pour préjudice financier ne semblent pas avoir été considérés. Les sommes pour avoir « nuit à la concurrence », qui s’élèvent déjà à 800 000 € (dont la moitié avec sursis) pour Uber et de 30 000 et 50 000 € (dont la moitié avec sursis) pour les dirigeants pourraient être confirmé, voir augmenté, en appel.

Enfin, la méthode des échiquiers permet, également, de comprendre que les décisions de justice se déroulent dans un climat tendu, où le gouvernement français et la justice sont pris à partie par des actions diligentées par les conducteurs de taxis et qu’Uber va rapprocher, progressivement, les différentes organisations professionnelles de taxis. Ceci a peut-être renforcé la volonté des pouvoirs publics et d’Uber de suspendre le service UberPop, là où, au début de cette affaire, Uber espérait pouvoir jouer sur les délais de la justice par des appels et des QPC44.

44 QPC : QUESTIONS PRIORITAIRES DE CONSTITUTIONNALITE

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Conclusion

En France, la bataille pour UberPop semble, pour l’instant abandonnée et va, probablement, conduire le groupe à de lourdes amendes. La question des dommages et intérêts réclamés par les syndicats de taxi est surement la question la plus problématique et soumet le groupe à une très forte incertitude. Le groupe a donc décidé de limiter son offre aux chauffeurs professionnels : UberX (standard), Berline (haut de gamme), Van (pour un groupe), Green (avec un véhicule hybride ou électrique) et Pool (trajet partagé) jusqu’à nouvel ordre.

Heetch, une affaire à suivre

Le 8 et 9 Décembre 2015 s’ouvrait le procès de la start-up française Heetch. Cette dernière proposait, par exemple, la traversée de Paris de Porte de Saint-Cloud à la Villette pour une quinzaine d’euros. Cette plateforme qui cible les 18 – 25 ans est également accusée de faciliter l’exercice illégal de la profession de taxi, alors que ses deux fondateurs soutiennent pratiquer le covoiturage, « au sens légal du terme ». Leur est aussi reproché l’exercice d’une pratique commerciale trompeuse et « de mise en relation de particuliers se livrant au transport à titre onéreux sans autorisation ».

Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, respectivement directeur général et président de l’application, comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Paris. L’audience se passait dans la même salle où UberPop avait été jugé quelques années auparavant. La procureure a requis de lourdes peines à l’égard des deux trentenaires, ingénieurs de formation : 300 000 € d’amende, deux ans de d’interdiction de diriger une entreprise, l’interdiction de leur application et 10 000 € d’amende chacun.

Heetch se définit comme « un service de mobilité partagé ouvert uniquement la nuit (20h – 6h), idéal pour les jeunes en soirée. D’après les deux fondateurs, un conducteur Heetch ne peut gagner plus de 6 000 € par an, les gains sont plafonnés par l’application.

Ces chiffres ont été calculés sur le coût de possession d’une voiture, l’application permettant de les amortir, pas de s’enrichir. En cas de dépassement, l’accès à l’application est bloqué. D’après eux, les 30 000 conducteurs inscrits gagnent en moyenne 1 800 € par an, donc pas de bénéfices, seulement du partage de frais.

De plus, le tarif de l’application est indicatif. Il peut être baissé jusqu’à zéro ou être augmenté par un pourboire. Pour les fondateurs, Heetch est indispensable pour les jeunes, notamment pour les trajets Paris – banlieue, où, d’après eux, bon nombre de taxis « refusent d’aller », et les trajets de banlieue à banlieue sont extrêmement difficiles, voire impossible, via les transports en commun. De plus, leurs prix permettent aux jeunes éméchés de rentrer chez eux en toute sécurité après une soirée pour un coût compatible avec leurs moyens.

La question juridique posée est de savoir si le service s’apparente à du covoiturage, donc légal, ou un service de taxi déguisé, donc illégal.

Durant de longues heures, le fondateur, Teddy Pellerin, a défendu la légalité et la spécificité de son modèle, centré sur la mobilité des jeunes. L’avocat de la défense a plaidé la relaxe des deux entrepreneurs. Le procès, qui devait avoir lieu le 22 juin dernier a été reporté à cause d’une centaine de chauffeurs supplémentaires qui se sont portés partie civile.

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La défense a tenté de faire annuler le procès. Désormais, 1 500 parties civiles ont porté plainte pour concurrence déloyale. Pourtant, d’après les avocats de Heetch, ils n’ont donné aucune preuve du fait qu’ils travaillaient la nuit, sur le même horaire que l’application.

Durant l’audience, un reportage a été diffusé. On y voyait les fondateurs auprès d’Emmanuel Macron. Le député des français de l’étranger, Frédéric Lefebvre, pourtant défenseur des taxis, est venu témoigner en faveur de la start-up. Pour lui, « les taxis se trompent de cible, les conducteurs ne s’enrichissent pas à travers cette application (…). Ce procès est celui de l’économie du partage ».

La décision a été rendue le jeudi 2 mars 2017. Tous les chefs d'accusation ont été confirmés par le tribunal correctionnel de Paris.

La justice a condamné la société Heetch à verser pas moins de 440 000 € de dommages et intérêts. Les fondateurs de Heetch, Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, doivent s'acquitter d'une amende de 10 000 € chacun, dont la moitié avec sursis, alors que l''entreprise doit quant à elle régler une amende de 200 000 €, dont 150 000 € avec sursis. En dépit de cette très lourde peine et de la condamnation de leur modèle économique, Heetch a depuis repris son activité, avec des chauffeurs professionnels et un nouveau modèle économique.

Annexe 2 - Autres cas de professions réglementées

(Notaires, pharmaciens, ambulancier, huissier)45

Les notaires ont des problèmes de numerus clausus (mais on parle en « études » pas en licences individuelles) et leurs soucis sont essentiellement des questions de rentabilité dégradée

� Le cas le plus proche de celui qui nous concerne : les avoués

L’État a décidé de mettre fin à leur monopole et donc de prévoir une solution pour la transition

Prévoir une indemnisation basée sur le départ en retraite ou la reconversion pour les avoués eux-mêmes, basée sur les 2/3 de la valeur de leur office. Ceux-ci représentent 430 professionnels du droit regroupés dans 235 offices.

Et ensuite, une aide prévue pour les salariés de ces avoués, basés là sur un cas par cas plus long et compliqué.

Le fonds de financement de cette indemnisation a été monté à partir d’une taxe, un « droit de timbre », une taxe de 150 € payée par les justiciables faisant appel d'une décision de justice. Censé rapporter 41 M€, ce timbre fait rentrer dans les caisses moins de 23 M€. Celui-ci est rapidement passé de 150 € à 225 € en 2015 ! Seulement, les indemnisations ont rapidement dépassé les 300 millions €…On a une situation beaucoup plus restreinte (430 professionnels seulement) et un cauchemar, tant sur le financement en amont (insuffisant) que sur les versements en aval (très supérieurs aux prévisions, et sans véritable satisfaction chez les indemnisés).Il est donc déconseillé de préconiser ce type de démarche sur le secteur hautement structuré et hautement volatile du transport rémunéré de personnes.

45 HTTP://WWW.LEPARISIEN.FR/UNE/JUSTICE-LES-AVOUES-ENCAISSENT-LES-CITOYENS-PAYENT-11-10-2014-4205317.PHP

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Annexe 3 - Le digital révolutionne le marché du transport des personnes

L'Etat Français en a parfaitement conscience et a décidé de réagir46 via la création d’une plateforme “Le.Taxi”47. Si l’approche est intéressante, elle est manifestement insuffisante : il ne s’agit que d’une simple plateforme, non disponible sur application numérique, et estimée à 250 000€. Les sociétés majeures de taxi ont pris, quant à elles, les devants. Serge Metz, Directeur Général de G7, a lancé une application en 2008 et investit chaque année 10 millions € dans ses systèmes d’information. Uber davantage encore. La route est donc longue, mais la direction prise est la bonne. L’Etat souhaite rééquilibrer la situation et combler l’avantage compétitif massif pris par les sociétés de VTC. Ainsi, le cabinet Sia Partners explique48 : “Les plateformes numériques (sociétés de VTC) permettent d’optimiser leur flotte de véhicules franchisés en répartissant de manière équitable les courses, les applications mobiles leur permettent aussi d’améliorer l’expérience client. Le numérique leur permet à la fois de réduire leurs coûts mais aussi d’augmenter l’attractivité de leurs services et donc leurs revenus”.

Si l’effort doit être intensifié, la position de l’Etat est claire : son emblème apparaît manifestement sur la plateforme Le.Taxi. Ceci est en cohérence avec le rapport Thévenoud, qui maintient la nécessité d’un cadre légal favorable aux taxis et affirme également sa volonté de créer de l’emploi. Une étude de la Coface49 confirme l’impact positif des VTC sur l’emploi, que le numérique permet et amplifie.

46 HTTP://WWW.FRANCETVINFO.FR/FRANCE/GREVE-DES-TAXIS/LE-TAXI-LE-COUP-DE-POUCE-NUMERIQUE-DE-L-ETAT-POUR-CONTRER-LES-VTC-DEBARQUE-A-PARIS_1855675.HTML 47 HTTPS://API.GOUV.FR/API/LE-TAXI.HTML 48 HTTP://TRANSPORT.SIA-PARTNERS.COM/WPFILES/2013/11/MOBILIT%C3%A9-PARTAG%C3%A9E-TRANSPORT-%C3%A0-LA-DEMANDE-LE-RENOUVEAU-DE-LA-VOITURE-EN-VILLE.PDF 49 HTTP://WWW.COFACE.FR/ACTUALITES-PUBLICATIONS/ACTUALITES/UBERISATION-DE-L-ECONOMIE-IMPACT-POSITIF-SUR-L-EMPLOI-EN-FRANCE-MAIS-CELA-VA-T-IL-DURER