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1 Université Paris 1 Panthéon Sorbonne Master 2 Recherche Gisela LUJAN ANDRADE Le rapport entre le scandale politique médiatique et la « libération » de la presse écrite et télévisée durant le régime péruvien post-transition d’Alejandro Toledo (2001-2006) : une contribution à l’analyse de la transformation du champ journalistique dans les périodes post-transition. Mémoire Master 2 Recherche Sciences Politiques Sociologie et Institutions de la Politique Directeurs de Mémoire M. Damien de Blic, Université Paris VIII Directeur Administratif. M. Paul Zawadski, Université Paris I Paris, septembre 2009

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Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne Master 2 Recherche

Gisela LUJAN ANDRADE

Le rapport entre le scandale politique médiatique et la « libération » de la

presse écrite et télévisée durant le régime péruvien post-transition

d’Alejandro Toledo (2001-2006) : une contribution à l’analyse de la

transformation du champ journalistique dans les périodes post-transition.

Mémoire Master 2 Recherche Sciences Politiques

Sociologie et Institutions de la Politique

Directeurs de Mémoire

M. Damien de Blic, Université Paris VIII

Directeur Administratif.

M. Paul Zawadski, Université Paris I

Paris, septembre 2009

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Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur Damien de Blic et

Monsieur Paul Zawadski sans qui ce travail n’aurait pu voir le jour.

J’ai fait le choix d’écrire ce mémoire en français et je vous remercie de le

lire avec indulgence, à propos de quelques erreurs de syntaxe ou d’orthographe

que je n’ai pas vu et qu’il reste dans ce mémoire.

Je souhaite par ailleurs exprimer ma profonde gratitude et

reconnaissance à mon père Carlos, mon frère Carlos et à Jean-Claude, pour

leur grand soutien. Merci enfin aux amis qui ont été toujours là.

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INTRODUCTION ........................................................................................................................... 5 I. Le gouvernement d‟Alejandro Toledo (2001-2006) ............................................................. 6 II. Le panorama politique péruvien avant le régime d‟Alejandro Toledo ................................. 9

- Le régime d‟Alberto Fujimori, la décennie de l‟antipolitique (1990-2000) et la résistance « pacifique » d‟Alejandro Toledo, lors d‟élections 2000. ........................................................ 9 - Le scandale politique des « vidéos de la corruption », la chute d‟Alberto Fujimori et la transition politique ................................................................................................................. 12 - Le climat politique durant le régime de transition de Valentin Paniagua (2000-2001). ..... 13

III. La recherche : le scandale comme porte d‟entrée de l‟analyse de la transformation de l‟autonomie du champ médiatique dans la période de post - transition ............................ 15

- Les hypothèses de départ ................................................................................................. 17 - Justification de la recherche .............................................................................................. 19 - Terrain d‟enquête et corpus documentaire ........................................................................ 23 - Le plan de la recherche ..................................................................................................... 27

IV. Etat des lieux de l‟étude du scandale politique et la centralité des médias dans son déclenchement .................................................................................................................. 29

1. LES DENONCIATIONS JOURNALISTIQUES DURANT LE REGIME D’ALEJANDRO

TOLEDO (2001-2005) ......................................................................................................... 40 2. BILAN DES SCANDALES POLITIQUES DECLENCHES DURANT LE REGIME

D’ALEJANDRO TOLEDO .................................................................................................... 67 2.1. Quelques aspects théoriques ......................................................................................... 67 2.2. Bilan des scandales politiques durant le régime d‟Alejandro Toledo 2001-2005 .......... 71

- Le scandale de la falsification des signatures du parti politique Perú Posible : ................ 83 3. LA RELATION ETABLIE ENTRE LE JOURNALISME PERUVIEN ET LE

GOUVERNEMENT : LES ANTECEDENTS RECENTS ET LES CONSEQUENCES SUR LA RELATION LORS DE TOLEDO. .................................................................................... 90

3.1. Parcours historique de la relation établie entre la presse péruvienne et le

gouvernement : 1960 - 2000 .......................................................................................... 91 a. La relation presse-régime : 1960-1980 ......................................................................... 92 b. La relation presse-régime : 1990-1995. ......................................................................... 93 c. La relation presse-régime : 1996- 2000 ……………………………………………………95

- Les mécanismes de pression institutionnels utilisés par le gouvernement contre les médias péruviens : 1992-2000 ....................................................................................... 96

- L‟état de situation des médias lors de la campagne électorale 2000 (en faveur de la ré-réélection d‟Alberto Fujimori) .......................................................................................... 98

- Le rôle des médias lors de la campagne électorale 2000 ............................................ 104

3.2. Du silence à l‟ouverture informative. Les médias lors de la transition politique (le

gouvernement de Valentin Paniagua) .......................................................................... 109 3.2.1. La structure médiatique lors du régime de transition de Valentin Paniagua ............ 112

3.3. La structure médiatique et la situation judiciaire et économique des médias péruviens

lors du régime d‟Alejandro Toledo : ............................................................................. 116 4. LE JOURNALISME ET LE DECLENCHEMENT DES SCANDALES POLITIQUES LORS

DU REGIME D’ALEJANDRO TOLEDO : UNE ANALYSE DE LA PRATIQUE JOURNALISTIQUE DANS LA CONSTRUCTION DES SCANDALES, ET LES FACTEURS « EXTERNES » AYANT Y INFLUENCE. ........................................................................... 120

4.1. Les « facteurs externes » du champ politique ayant influencé sur le champ journalistique de la post-transition. ............................................................................... 122

4.1.1. L‟héritage du réseau de corruption lors du régime d‟Alberto Fujimori : la crédibilité du journalisme mise en question. ............................................................................................ 122

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4.1.2. Le poids de l‟intérêt politique des opposants et dissidents du régime d‟Alejandro Toledo : l‟opposition politique, et les dissidents du parti politique gouvernemental comme principal source des médias ............................................................................................... 124

a. L‟opposition politique................................................................................................. 128 b. Les dissidents du parti gouvernemental ................................................................... 131

4.1.3. Le facteur « Toledo » : son image détériorée ........................................................... 135 4.1.4. Le facteur de « la famille » et les « proches » d‟Alejandro Toledo. .......................... 141

4.2. Explorant le champ journalistique de la post-transition : les « facteurs internes » étant

résultat de l‟influence du climat politique sur la pratique journalistique .............................. 142 4.2.1. Un président et un gouvernement « mal aimé » et « non respecté » par le journalisme .......................................................................................................................... 142 4.2.2. De défauts dans la communication présidentielle. ................................................... 146 4.2.3. Le climat d‟hypersensibilité dans l‟opinion publique vers la corruption gouvernementale n‟était pas étrange aux médias. ............................................................. 148 4.2.4. Le climat politique de surveillance du pouvoir a influencé sur la pratique journalistique : Le journalisme d‟investigation est devenu une mode ................................ 151 4.2.5. La dénonciation journalistique contre le Président et son gouvernement vendait. .. 153 4.2.6. Le cas de la source unique : le conflit journalistique de « sources intéressés » ...... 157 4.2.7. La fonction du journalisme: le contrôle social du gouvernement .............................. 161

5. CONCLUSIONS. CENTRALITE DU SCANDALE POLITIQUE DANS LE JEU POLITIQUE

ETABLI DURANT LA PERIODE GOUVERNEMENTALE D’ALEJANDRO TOLEDO. .... 167 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................... 173

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Introduction

Le gouvernement d‟Alejandro Toledo (juillet 2001 – juillet 2006) est né au milieu

du scandale. Alejandro Toledo arrive au pouvoir le 28 juillet 20011, possédant

une image politique détériorée, en raison des dénonciations journalistiques

déclenchées durant les campagnes électorales 2000 et 2001. Les

dénonciations contre le nouveau Président, sa femme la Première Dame Eliane

Karp, son entourage politique et personnel, son parti politique Perú Posible

(Pérou Possible), se sont intensifiées durant les trois premières années de son

mandat, en faisant du scandale politique un élément central du jeu politique

configuré durant son régime.

En effet, certaines dénonciations déclenchées durant les élections 2000 contre

Alejandro Toledo, qui avait été le candidat de l‟opposition portant les espoirs de

vaincre le candidat-Président Alberto Fujimori (1990-2000), ont été reprises lors

de la campagne de 2001. Ceci fut le cas par exemple des dénonciations

mettant en question son intégrité morale et politique, tel que « le scandale

Zarai Toledo» (l‟enfant non reconnu par Alejandro Toledo) ou « le jour perdu de

Toledo » (un kidnapping pendant lequel, il aurait commis des actes « contre la

pudeur » après avoir été drogué), ont été reprises par ses opposants et les

médias péruviens. De même, d‟autres dénonciations concernant des actes de

corruption, d‟abus de pouvoir et de népotisme, impliquant son entourage

personnel, et politique, son parti, et le même le régime.

Ces dénonciations n‟ont pas arrêté après la victoire de Toledo. Au contraire,

elles ont augmenté en intensité, en enregistrant la fréquence la plus haute

durant les années 2003 et 2004. La fréquence ? Deux ou trois dénonciations

hebdomadaires publiées par les médias péruviens. Les sources ? Les

politiciens de l‟opposition et les membres mêmes du parti politique du

Président. Tout ce qui s‟est produit au milieu des démissions permanentes de

membres du parti politique d‟Alejandro Toledo, et de ses anciens

collaborateurs, des conflits au sein du parti politique de Toledo

1 L’installation d’un nouvel gouvernement s’effectue les 28 juillet. C’est la date de la Fête Nationale du

Pérou, en commémorant l’anniversaire de l’Indépendance nationale (28 juillet 1821).

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La crise politique arriva bientôt au gouvernement d‟Alejandro Toledo. Et le

fantôme d'un probable « changement de Président» en raison de son

« insuffisance morale »2 commencé à s‟installer et son omniprésence,

s‟introduit de plus en plus souvent dans l‟agenda public péruvien.

I.

Le gouvernement d’Alejandro Toledo (2001-2006)

Alejandro Celestino Toledo Manrique gagna les premières élections

démocratiques célébrées après la finalisation forcée de la décennie autoritaire

d‟Alberto Fujimori (juillet 1990 – novembre 2000). Ces élections, effectuées

entre avril et juin 2001, furent organisées par le gouvernement de transition

politique de Valentin Paniagua installé les 22 novembre 2000, après que le

Parlement est refusé la démission du Président Alberto Fujimori –envoyée par

fax, depuis le Japon, le 20 novembre 2000 - et en envoyant comme réponse sa

destitution pour « insuffisance morale ».

Alejandro Toledo gagna les élections après un ballotage au premier tour (juin

2001). Il fut élu au deuxième tour en obtenant 53.1%, face aux 46,92% obtenu

par son adversaire. En effet, le soutien que Toledo avait obtenu lors du premier

tour était insuffisant : 36.6% des voix en faveur de sa candidature, et 26,3% en

faveur de son parti politique Perú Posible. Les possibilités de Toledo de

devenir Président de la République étaient presque nulles jusqu‟en février

2000. Cependant, et parmi d‟autres raisons, l‟image discréditée, et détériorée

d‟autres candidats plus forts -à cause des attaques directes effectués par la

« machine électorale » gouvernementale de Fujimori- ont rendu possible la

victoire de Toledo. Alors qu‟en janvier 2000, il n‟obtenait que 6% des intentions

de vote. Le jour des élections de 2000, il obtint 37% des voix.

Alejandro Toledo et son parti politique Perú Posible assumera le pouvoir le 28

juillet 2001, après une campagne depuis plus d'un an, et suite à trois

2 Un mécanisme constitutionnel utilisé pour la première fois par le Parlement péruvien en novembre

2000 pour destituer le Président Alberto Fujimori.

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campagnes successives: durant la période électorale 1999-2000, durant la

résistance contre la troisième élection consécutive d‟Alberto Fujimori (juin-

novembre 2000), et durant la période électorale 2001. C‟est un élément

important à prendre en compte afin de comprendre les facteurs ayant porter le

discrédit sur l‟image d‟Alejandro Toledo.

Son parti politique, Perú Posible obtint 45 sièges sur 120 (26.3%) au Parlement

National (une seule chambre, depuis 1993). Cette situation a contraint le parti

Perú Posible créé des alliances au sein du parlement, dont la principale, et la

plus controversé fut celle avec le Frente Independiente Moralizador –Front

Indépendant Moralisateur- (11%, 11 sièges). C‟est ce parti qui avait présenté

aux médias, la première des 200 « vidéos de la corruption », celle qui avait

déclenché le plus grand scandale de l‟histoire politique péruvien contemporain,

et qui avait signé la fin du régime d‟Alberto Fujimori (voir point II de

l’Introduction, p. 8)

La désorganisation à l‟intérieur du Perú Posible, ainsi que le manque d‟un

programme gouvernemental bien structuré avec des objectifs précis, ont obligé

le nouveau gouvernement à ne pas dépendre principalement de lui. Au

contraire. Toledo décida de donner le 80% de Ministères (le Cabinet de

Ministres et formée par 15 ministres et un Premier Ministre) aux professionnels

indépendants (sans aucune filiation politique) de prestige, et provenant de

différents secteurs.3 A ce propos, le Président Alejandro Toledo déclara le jour

de la présentation du Cabinet : « Il s‟agit d‟un Cabinet ministériel possédant de

la solvabilité morale et professionnelle, où plus de 80% de ses membres

n‟appartiennent pas à Perú Posible… le message de ce Cabinet est de

chercher le consensus afin de rendre viable la gouvernabilité… « C‟est

pourquoi, on le fait réussir tous ensemble ou personne le fera, c‟est énorme

comme défi, mais on est décidé à faire face tous ensemble ». 4 Ces

3 Ce Cabinet de Ministres fut présidé par Roberto Dañino, un avocat qui jusqu’à ce moment-là avait

développé sa métier aux Etats-Unis et qui rentrait pour le Pérou pour assumer cette position 4 PRENSA WEB: Toledo anuncia los miembros de su Gabinete (Toledo annonce les noms des membres

de son Cabinet), Prensa Web [en ligne]. 2001, Lima, 21 juillet Disponible sur:

<http://mensual.prensa.com/mensual/contenido/2001/07/27/hoy/mundo/205741.html > (consulté le

03/05/2009)

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nominations créeraient de l‟insatisfaction au sein du parti Perú Posible, un

sentiment qui a été exprimé publiquement au travers les médias.

L‟opposition politique fut présidée par l‟APRA (parti de centre-droit, Alliance

Populaire Révolutionnaire Américaine – Alianza Popular Revolucionaria

Americana), le parti politique du principal adversaire lors d‟élections 2001, Alan

García Pérez. Ce parti-là, le plus ancien, et le plus solide du Pérou (fondé en

1930 par Victor Raúl Haya de la Torre), acquit 19.7% des voix au Parlement

soit 28 sièges. L‟APRA, est devenu la deuxième force politique au sein du

Parlement, d‟obtenant ainsi, la présidence des principales commissions

parlementaires de surveillance, et contrôle de l‟action gouvernementale : la

commission de Fiscalisation, et la commission anti-corruption. Alan Garcia,

leader de l‟APRA, et ancien Président du Pérou (1985-1990) est devint le

leader de l‟opposition. Son retour dans la sphère politique s‟explique pour les

raisons suivantes : « tout d‟abord, la manière dont le gouvernement de Fujimori

est tombé a fait que, pour certains, le gouvernement de Garcia était apprécié

comme étant « moins mauvais » … ; ensuite, García a réussi, d‟une manière ou

d‟une autre, à se libérer des procès judiciaires ; finalement, la consistance de

son leadership, et le soutien de son parti ont constitué un avantage dans un

contexte de partis et de leaderships alternatifs mais précaires ».5 Le premier

gouvernement d‟Alan García (réélu en 2006) a finit sur une hyperinflation de

2,178.00% ; il fut accusé de corruption, et de violation des Droits de l‟Homme.

En 1992, il quitte le pays pour se réfugier en France, puis en Colombie; García

revient au Pérou en 2001, et se présente aux les élections présidentielles. Les

autres partis politiques conformant l‟opposition furent: Unidad Nacional –centre-

droit- (13.8%, 17 sièges) ; Somos Perú –centre-droit- (5.8%, 4 sièges) et

Cambio 90 –centre-droit- (4.8%, 3 sièges).

5 TANAKA, Martín, “El gobierno de Alejandro Toledo, o cómo funciona una democracia sin partidos”

(“Le gouvernement d’Alejandro Toledo, ou comment marche une démocratie sans partis) [en ligne]. In:

Política, 2004, Lima, no. 42, p. 144. Disponible sur:

< http://redalyc.uaemex.mx/pdf/645/64504207.pdf> (consulté le 30 juillet 2008)

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II.

Le panorama politique péruvien avant le régime d’Alejandro Toledo

La période démocratique du Pérou commence dans les années 80, avec la

finalisation de plus de vingt ans de régimes militaires et l‟installation, en juillet

1980, du régime de Fernando Belaunde Terry6 (parti de centre-droit Acción

Popular –Action Populaire-). Cette décennie s‟est développée au milieu d‟une

crise économique qui s‟aggravait de plus en plus, tandis que la violence interne

menée par les guérillas Sentier Lumineux et MRTA (Mouvement

Révolutionnaire Tupac Amar) acquéraient plus de force. Au milieu de cette

scène-là, les partis politiques affrontaient une crise de représentativité, causée

principalement par leur incapacité à résoudre ces deux problèmes majeurs.

- Le régime d’Alberto Fujimori, la décennie de l’antipolitique (1990-2000) et

la résistance « pacifique » d’Alejandro Toledo, lors d’élections 2000.

Alberto Fujimori (nouvel parti politique, Changement 90 – Cambio 90-), un

ingénieur fils d‟immigrés japonais, sans parcours politique et partisan connu,

gagna les élections de 1990 avec le 56.5% des voix, après un ballotage. Son

principal opposant fut l‟écrivain Mario Vargas Glosa, qui représentait le

FREDEMO, une alliance électorale composée par un nouveau parti politique -le

Mouvement Liberté (Modifient Libertad)- et deux partis politiques traditionnels -

Action Populaire et le PPC (Parti Populaire Chrétien -Partido Popular Cristiano).

Dans ces élections, Fujimori s‟est présenté publiquement comme un bon

professionnel, honnête et travailleur, tout le contraire aux concepts associés à

la politique, et les politiciens péruviens (inefficacité, corruption, bureaucratie,

désorganisation, etc.) Ce discours a été présent non seulement durant la

campagne électorale mais aussi durant tout son régime; c‟est pourquoi, certains

analystes politiques, tel que le sociologue péruvien Carlos Ivan Degregori,

6 Fernando Belaúnde Terri gouverna jusqu’à 1985. Au Pérou, la période présidentielle dure 5 ans.

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qualifient les dix ans du régime de Fujimori comme « la décennie de

l‟antipolitique ». 7

Les deux premières années du régime de Fujimori se sont caractérisées par la

présence d‟une forte opposition au Parlement (composé à ce moment-là par

deux chambres, le Sénat et la Chambre de Députés), qui ne lui permettait pas

d‟appliquer des politiques économiques et de défense interne. Fujimori, ayant

le soutien de l‟Armée, a fermé le Parlement le 5 avril 1992, et fait appel à de

nouvelles élections parlementaires. Cette action, considérée comme un auto-

coup d‟État, a marqué le commencement d‟un processus gouvernemental ayant

pour objectif principal, le contrôle total de l‟État. Au moment de l‟auto coup

d‟Etat, la côte de popularité de Fujimori atteignait 80%. En 1993, Fujimori

installa le nouveau Parlement, cette fois-ci d‟une seule Chambre (120

députées). Il obtiendra la majorité absolue, ce qui lui a permis d‟adopter une

nouvelle Constitution qui lui permettait une réélection présidentielle consécutive

(interdite par la Constitution de 1979. Ce mécanisme constitutionnel légitima sa

candidature durant les élections de 1995, dont il obtiendra la victoire, et une

ample majorité dans le Parlement.

Durant ses dix ans de mandat Fujimori a eu deux grandes victoires :

l‟application des reformes économiques néolibérales en réponse à la grande

crise économique de cette période (ces mesures ont arrêté l‟hyperinflation des

années 90, et elles ont amélioré la perception publique de la fonction

administrative, notamment, grâce à la privatisation des entreprises publiques) ;

mais aussi, sa victoire contre la subversion, et la violence politique interne.

Fujimori avait comme principaux alliés dans cette victoire, les Forces Armées

et policières (ex : la capture du leader de Sentier Lumineux, Abimael Guzman,

in 1992, et le massacre des subversifs du MRTA, qui avaient pris des otages

dans la maison de l‟ambassadeur de Japon en 1996. Ces actions ont été les

plus remarquées). Ces victoires ont contribué non seulement, à augmenter la

popularité du Président. Elles ont suscité un rejet général par rapport des

7 Pour plus de détails, lire: DEGREGORI, Carlos Ivan. La década de la antipolítica . Auge y huida de

Alberto Fujimori y Vladimiro Montesinos (La décennie de l’antipolitique. La chute et la fuite d’Alberto

Fujimori et Vladimiro Montesinos), Lima, IEP, 2000

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dénonciations de corruption commises dans l‟Armée, et la Police en installant

une tolérance implicite envers les actes irréguliers du gouvernement.

L‟efficacité démontrée par le régime tant au niveau économique qu‟administratif

a effacé les questionnements concernant la corruption politique du régime, les

actes autoritaires et les violations des principes démocratiques. Donc, il

s‟installait un climat de tolérance généralisée de la corruption publique (inclus le

Pouvoir Judiciaire, et les Mairies). De même, le contrôle gouvernemental des

médias (voir chapitre 3) –rendu possible grâce à l‟utilisation d‟institutions

étatiques, telles que le Pouvoir Judiciaire, la Superintendance Nationale de

l‟Administration Tributaire SUNAT, et le service des renseignements nationaux

le SIN (Servicio de Inteligencia Nacional ; Service d‟Intelligence Nationale)- a

empêché que les dénonciations à propos de la corruption gouvernementale, et

les violations des Droits de l‟Homme trouvent un impact publique suffisant

pour devenir des scandales capables de faire reculer le gouvernement.

Malgré l‟impossibilité constitutionnelle de briguer un troisième mandat

présidentiel, Fujimori se présenta comme candidat dans les élections 2000. La

campagne électorale s‟est effectuée au milieu des critiques nationales, et

internationales, par rapport au manque de transparence. Le régime a entrepris

une campagne médiatique de discrédit et de diffamation contre les opposants

d‟Alberto Fujimori. Dans ces conditions, et après le premier tour (avril 2000), le

principal candidat de l‟opposition Alejandro Toledo, annonça de ne pas se

porter candidat dans au deuxième tour. L‟annonce de Toledo fut présentée

comme un signe de protestation face au manque de garanties, que ces

élections soient démocratiques, transparentes et ouvertes. Malgré cela, le

deuxième tour eu lieu en juin 2000. Alberto Fujimori obtint la victoire avec

74, 33% des voix, alors qu‟Alejandro Toledo n‟obtenait que 25,6%. Les votes en

blanc et nul atteignaient 31%.

Après ces résultats, l‟installation du troisième gouvernement consécutif

d‟Alberto Fujimori, devint inévitable. En juillet 2000, Alejandro Toledo, et les

dirigeants de l‟opposition ont initié une « résistance pacifique » contre ce

régime. Toledo et ses supporteurs ont appelé le peuple à se mobiliser dans

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toutes les parties du pays pour rejoindre Lima, la capitale, et participer à une

protestation nationale contre le gouvernement « La Marche du 4 Suyos8 ».

Cette protestation à la base pacifique a mobilisé 10 000 personnes, et arriva à

Lima le 28 juillet 2000. De violents affrontements ont eu lieu avec la Police

Nationale qui a empêché les manifestants d‟arriver au Parlement. C‟est au

Parlement, que devait se dérouler la cérémonie d‟investiture présidentielle. (le

but était de protester contre l‟installation du gouvernement d‟Alejandro

Fujimori) : l‟incendie du bâtiment de la Banque de la Nation (BN) a provoqué la

morte de six vigiles. 9

Le troisième gouvernement d‟Alberto Fujimori a pu s‟installer, malgré les

critiques et les protestations. Toutefois, un mois et demi après, un événement

inattendu changea le cours de l‟histoire politique péruvienne.

- Le scandale politique des « vidéos de la corruption », la chute d’Alberto

Fujimori et la transition politique.

Le 14 septembre 2000, une chaine de câble appartenant au groupe commercial

du journal El Comercio (centre-gauche), Canal N, transmettait en direct la vidéo

qui déclencha un scandale politique et médiatique sans précédent. Il fut le plus

important de ces deux dernières décennies dans l‟histoire politique péruvienne.

Vladimiro Montesinos, le numéro deux du régime péruvien, présidé par Alberto

Fujimori (1990-2000), et chef du Service d‟Intelligence Nationale SIN (Servicio

de Inteligencia Nacional) remettaient en espèces la somme de 15,000 dollars à

un parlementaire de l‟opposition, Alberto Kouri, élu en avril sur la liste de Perú

Posible, celle d‟Alejandro Toledo, en échange de sa démission du parti.10 Le but

8 Le nom de cette manifestation faisait allusion aux quatre régions de l’Empire Inca : Tawantinsuyo. En

quechua, Tawa signifie quatre et Suyo, coté ou coin. 9 D’après des enquêtes ayant suivi cet événement, le déclenchement de la violence aurait été provoqué par

les actions des membres infiltrés du régime, voire du Service d’Intelligence Nationale. Voir aussi :

UGARTECHE, Oscar : La Marcha de Cuatro Suyos (La marche du Quatre suyos) [en ligne] Agencia

Latinoamericana de Información, no. 318, 2008. Disponible sur: <http://alainet.org/active/944&lang=es > (consulté le 01/05/2009) 10

Il faudrait rappeler que le Pérou est un régime présidentiel où le Président de la République est le chef

de l’État et du gouvernement, qui est élu tous les cinq ans. D’après la Constitution de 1993, élaborée

durant le régime d’Alberto Fujimori, le Président de la République peut être réélu de manière consécutive

seulement pour une période gouvernementale en plus. Les parlementaires sont élus au même temps que le

Président et leur mandat est aussi de cinq ans. À partir de la fermeture du Parlement, le 5 avril 1992, par

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de Montesinos était d‟assurer une majorité parlementaire à Fujimori. L‟alliance

soutenant Fujimori, Cambio 90-Nueva Mayoría n‟avait obtenu que cinquante-

deux parlementaires sur cent vingt.

Cette vidéo fut présentée en conférence de presse par les membres du parti

politique d‟opposition FIM (Front Indépendant Moralisateur, Frente

Independiente Moralizador). Quarante-huit heures après sa diffusion, le 16

septembre 2000, Fujimori annonça dans un message à la nation sa décision de

désactiver le SIN, et de convoquer de nouvelles élections générales en 2001,

auxquelles il ne se présenterait pas. Cette vidéo fut la première de presque 200

vidéos trouvées dans le bâtiment du SIN, toutes ont été enregistrées par

Vladimiro Montesinos, toutes avaient été filmées dans une petite salle où

Montesinos recevait ses invités.

A partir de cette date, et durant deux mois, s‟ouvrit une période d‟incertitude

dans l‟espace politique péruvien : les critiques des partis de l‟opposition contre

la légitimité du régime de Fujimori ne se sont pas fait attendre. Montesinos

quitta le pays vers fin septembre. Fujimori profita d‟un voyage officiel au Japon

pour démissionner, étant conscient que son projet de diriger la transition

politique, et de rester au pouvoir jusqu‟au juillet 2001 devenait impossible. Le

Congrès n‟accepta pas sa démission (envoyée par fax), et il le déclara

«moralement incapable » d‟assumer la présidence de l‟état. Le 22 novembre,

le Parlement décide d‟installer un nouveau gouvernement de transition, présidé

par le Président du Congrès de l‟époque, Valentin Paniagua (Action Populaire,

Acción Popular –parti ayant 2 sièges, de centre-droit).

- Le climat politique durant le régime de transition de Valentin Paniagua

(2000-2001).

Au-delà de l‟organisation de nouvelles élections en 2001, les deux objectifs

principaux du gouvernement de transition politique furent le commencement

des enquêtes judiciaires lancées contre la corruption existante lors du régime

le régime d’Alberto Fujimori, le Législatif est composé d’une Chambre, formée par 120 députées. Le

Premier Ministre et Cabinet de Ministres composé par 15 membres sont élus par le Président de la

République. Après la finalisation du régime de dix ans d’Alberto Fujimori, le Congres a appliqué une

reforme constitutionnelle en interdisant la réélection successive du Chef d’État interdite depuis 2006.

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d‟Alberto Fujimori, et la reconstruction institutionnelle. Le consensus fut maître

du climat politique de cette période. Il permit le développement d‟un processus

de transition transparente. La figure démocratique et non controversé de

Valentin Paniagua y a beaucoup contribué. De même, la conformation de son

Cabinet de Ministres (« non politisé »), dirigé par l‟ancien Secrétaire Général

des Nations Unis, Javier Pérez de Cuellar, lui a permit d‟avoir le soutien des

acteurs politiques et de l‟opinion publique.

Le consensus atteint par ce régime a pu contenir la convulsion générée par la

révélation de la grande corruption existante durant le régime de Fujimori. Cette

convulsion alimentée par la diffusion médiatique et quotidienne de presque 200

vidéos (d‟un total de plus de 2500 récupérées dans le bâtiment du SIN par la

justice péruvienne). Ces vidéos furent diffusées dans le cadre de l‟enquête

parlementaire, et judiciaire initiée contre le régime de Fujimori. Ce soutien du

processus de transition s‟est manifesté aussi par le climat de rejet contre

n‟importe quelle action aperçue comme pouvant déstabiliser le processus de

transition. Cette situation a provoqué que –au moins au niveau du discours

publique- les acteurs politiques, et sociaux fassent certains concessions au

gouvernement de transition –cela veut dire, pas de la confrontation ouverte ou

de la fiscalisation- pour « le bien de la gouvernabilité ». Les médias n‟ont pas

été étrangers à cette tendance, même si la plupart de leurs propriétaires

devaient affronter des questionnements pour avoir négocié les lignes éditoriales

de leurs médias avec le régime de Fujimori.

En effet, la corruption organisée depuis les plus hautes sphères du pouvoir a

intensifiée la méfiance de la société civile envers la classe politique.

L‟exposition quotidienne des « vidéos sur la corruption » a renforcé encore plus

ce sentiment, en réveillant un intérêt public croissant pour savoir qui (des

candidats) s‟était réuni avec Montesinos pour négocier leurs « consciences

politiques » en échange de l‟argent, ou d‟autres faveurs politiques ou

judiciaires.

La révélation des acteurs politiques ayant négocié avec l‟ancien régime a

conditionné les règles du jeu électoral : il existait une campagne de

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confrontation permanente, basée sur la « condition morale » des candidats.

Cette tendance omniprésente a sans doute eu de l‟influence sur la

hiérarchisation des contenus informatifs de l‟agenda médiatique. Les candidats

ont opté pour mener une campagne basée sur la dénonciation, et la mise en

question de la qualité morale de leurs adversaires. En outre, la corruption fut

aussi un sujet central dans les contenus informatifs, mais le traitement

informatif utilisé dépendait du degré de participation de certains médias dans le

réseau de corruption du régime d‟Alberto Fujimori.

Parmi d‟autres conséquences politiques (dont l‟affaiblissement du binôme de

pouvoir Fujimori-Montesinos en rendant possible la chute du régime autoritaire

de Fujimori11), ces vidéos ont mis en question non seulement la qualité morale

des différents acteurs politiques (ce qui devait être évalués par l‟opinion

publique dans les élections de 2001) mais aussi le type de proximité établie

entre le gouvernement de Fujimori et les différents médias. Surtout lors des

élections de 2000, quand le régime avait implémenté une campagne de

discrédit de l‟opposition politique.

III.

La recherche : le scandale comme porte d’entrée de l’analyse de la

transformation de l’autonomie du champ médiatique dans la période de

post - transition

La victoire des élections 2001 fut pour Alejandro Toledo, mais aussi la

« tolérance zéro » s‟installa lors de la transition politique contre n‟importe quel

acte de corruption gouvernementale, et contraire aux principes démocratiques.

Toledo arriva au pouvoir au milieu de ce climat politique, bouleversé par les

enquêtes judiciaires des alliés du régime de Fujimori. Il allait découvrir les

complices de la plupart des médias dans sa campagne de réélection. De cette

11

D’après les analystes politiques péruviens, la chute de Fujimori se serait produite principalement par la

rupture entre Fujimori et Montesinos à cause des pressions externes, principalement celle des États-Unis,

après la découverte du trafic d’armes de l’Armée péruvienne aux FARC, en Colombie, une opération où

Montesinos était impliqué. Fujimori aurait essayé un éloignement négocié de Vladimiro Montesinos, ce

que n’est pas pu se produire, en lui obligeant à fuir du pays et de démissionner depuis l’étranger.

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façon, le nouveau gouvernement s‟est installé au milieu d‟un climat politique en

tension permanente, où les dénonciations contre le Président, et son entourage

se manifestèrent dès le début, en augmentant en fréquence, au fur et à mesure

que sa gestion avançait.

Prenant en compte que le régime de post-transition d‟Alejandro Toledo s‟est

développé dans une étape d‟ouverture démocratique, et de recomposition de la

distribution des forces politiques, la présente recherche se centrera sur

l‟identification des facteurs politiques qui ont favorisé le déclenchement fréquent

des scandales politiques impliquant le Président, et son entourage politique et

personnel.

L‟objectif principal sera d‟analyser la scène politique existant au moment de

l‟arrivé au pouvoir d‟Alejandro Toledo, afin d‟identifier le climat politique, et la

conséquente redistribution des rôles politiques, et publiques enregistrée après

la chute du régime autoritaire d‟Alberto Fujimori. Dans ce contexte, il sera aussi

important d‟identifier la situation politique et judiciaire des médias. On verra que

la redistribution de la scène politique lors de la post-transition a renforcé

l‟opposition politique et, conséquemment, n‟importe quelle position publique

contraire au régime. Le journalisme péruvien ne sera pas étranger à cette

tendance, et dans la coïncidence des positions de certains acteurs politiques et

journalistes. On y trouvera l‟une de principales raisons du déclenchement

fréquent des scandales politiques lors de la gestion présidentielle d‟Alejandro

Toledo.

C‟est précisément sur cet aspect que réside l‟objectif principal de cette

recherche : la détermination de la relation existant entre la fréquence des

scandales politiques, et la recomposition politique expérimentée durant la post-

transition. Prenant en compte que, durant le gouvernement de transition

(Valentin Paniagua) et la post-transition (Alejandro Toledo), les médias étaient

interrogés sur la participation de plusieurs propriétaires des médias et

journalistes dans le réseau de corruption du gouvernement d‟Alberto Fujimori,

et reconnaissant la centralité des médias dans le déclenchement des scandales

politiques lors du régime de Toledo, la présente recherche essaiera de montrer

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a quel point, le déclenchement permanent des scandales politiques a contribué

à la « libération » de la presse écrite, et télévisée durant le régime de post-

transition d‟Alejandro Toledo (2001-2006) . De même, on déterminera les

avantages politiques obtenus par les acteurs médiatiques, et politiques ayant

participé à la dénonciation des scandales. Est-ce que ces dénonciations leur

ont permis de récupérer la crédibilité perdue suite à la révélation du réseau de

corruption lors du gouvernement de Fujimori ? Est-ce que la participation du

journalisme dans le déclenchement des scandales fut active ou centrale ?

A cet égard, la présente recherche se centrera durant les trois premières

années du gouvernement, de 2001 jusqu‟à fin 2004. Durant cette période

(principalement à partir de 2000), les scandales impliquant le Président

Alejandro Toledo, son entourage politique, et personnel, son régime et son parti

politique, furent dévoilés plus fréquemment, en provoquant des crises à

l‟intérieur du gouvernement : la démission du premier Vice Président en 2002,

le remplacement de tout le Cabinet de Ministres en 2003 et 2004, la démission

d‟hautes fonctionnaires de l‟État en 2003 et 2004, la sollicitude auprès le

Parlement de le remplacement du Président en 2004.

- Les hypothèses de départ

Pour nous, tant l‟histoire politique récente que le processus d‟enquêtes

judiciaires contre les acteurs politiques et médiatiques ayant reçu de manière

illicite de l‟argent de l‟État afin d‟assurer la prise du pouvoir de Fujimori pour

une troisième fois consécutive, ont créé un contexte propice nécessaire pour le

déclenchement de nombreux scandales.

Même si l‟installation du gouvernement d‟Alejandro Toledo a été une période de

recomposition et de changement politique, il est vrai que certains acteurs

politiques et médiatiques -ayant négocié avec le conseiller politique Vladimiro

Montesinos- ont continué à participer au jeu politique. Dans les cas de médias,

durant les deux premières années, il ne s‟est pas effectué une restructuration

complète de l‟administration des médias ayant négocié leurs lignes éditoriales.

Sans vouloir dire que la haute fréquence des dénonciations journalistiques

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contre le nouveau régime peut s‟expliquer pour telle raison, l‟intérêt particulier

de certains d‟entre eux a pu faciliter la dynamique de publication de ces

dénonciations.

Toutefois, et tel qu‟on le signalera dans les chapitres III et IV, la structure

politique et médiatique installée pendant le gouvernement d‟Alberto Fujimori n‟a

pas été complètement démontée durant la transition politique et le

gouvernement d‟Alejandro Toledo. Donc, au moment de l‟arrivé au pouvoir de

Toledo, on verra qu‟une bonne partie des acteurs politiques et journalistiques

ayant participé au nouvel espace politique avaient été de l‟opposition politique

au régime d‟Alberto Fujimori, principalement durant la campagne électorale

2000, ou, avaient été alliés d‟Alejandro Toledo lors d‟élections 2000 et 2001.

Ceci fut principalement le cas de certains journalistes qui ont publié des

dénonciations politiques ayant déclenché de véritables scandales contre

Toledo, et son régime, tels que les scandales concernant le Premier Vice-

président Raúl Diez Canseco, et la Première Ministre Beatriz Merino (des

scandales de népotisme et sexuel), le scandale de la falsification des

signatures de son parti politique (Perú Posible), le scandale César Almeyda

(corruption et abus du pouvoir), etc. (voir chapitres I et II)

A priori, on pouvait dire que, grâce à l‟installation d‟un nouveau régime

démocratique, tant les anciens alliés du régime de Fujimori que leurs anciens

opposants ont trouvé de nouvelles conditions politiques pour retrouver leur

place dans le jeu politique configuré.

Dans le cas des médias, la nouvelle époque politique a offert une ouverture

informative permettant aux médias de trouver de nouveaux espaces pour

informer. Cela fut le cas de nouveaux journaux populaires, des émissions

télévisées d‟investigation journalistique, des journaux d‟informations présentant

les affaires politiques en priorité, etc.; tous ayant enregistré leur première

parution durant le régime d‟Alejandro Toledo. Cependant, à cause de l‟image

détériorée du nouveau Président, et du climat de confrontation, et de

dénonciation initiée durant la campagne électorale 2001, la cible de ces acteurs

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n‟a pas été le jugement contre le régime précédant, mais surtout contre les

actions du nouvel gouvernement.

- Justification de la recherche

Pourquoi considérer le scandale comme l‟instrument permettant de démontrer

le développement d‟un processus de « libération » de la presse péruvienne

durant la période gouvernementale d‟Alejandro Toledo.

Tout d‟abord, cette recherche montre que l‟étude des scandales politiques

permet d‟analyser la dynamique du jeu politique. Certes, l‟étude des scandales

peut permettre non seulement l‟identification de la relation des forces

s‟établissant entre les acteurs qui participent au jeu politique, mais aussi sur les

changements les entrées et les sorties des acteurs y participant.

A ce propos, récupérer la notion de « l‟autonomie relative du champ politique »

de Pierre Bourdieu devient fondamental. D‟après Bourdieu, l‟autonomie du

champ politique se manifeste à travers l‟existence des règles de

fonctionnement déterminées, propres de ce champ, dont le respect encadre la

participation de certains acteurs. Dans cette logique, Bourdieu explique que le

scandale se constitue comme la sanction publique déterminant l‟exclusion des

acteurs ayant transigée les règles du champ politique. 12

En outre, la relativisation de l‟autonomie du champ politique implique la

participation dans le champ politique d‟autres acteurs auparavant restant

comme des spectateurs, voire les journalistes et les sondages. Donc, prenant

compte que les scandales politiques se produisent à partir d‟une sanction

publique provoquée par la révélation d‟une transgression, on peut affirmer que

les scandales peuvent être analysés comme « des indices » de l‟autonomie du

champ politique en obligeant ses acteur à respecter ses règles, afin de ne pas

être objet d‟exclusion.

12

BOURDIEU, Pierre, Propos sur le Champ Politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p.

52.

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Afin de compléter la proposition de Bourdieu, sur la relativisation de l‟autonomie

de champ politique, on a retrouvé le travail de John B. Thompson sur les

scandales politico médiatiques. Reconnaissant le rôle central des médias dans

la configuration de la politique contemporaine, Thompson affirme que les

scandales politiques sont, à l‟heure actuelle, des événements médiatiques. De

cette sorte, le journalisme effectue un rôle déterminant dans le déclenchement

des scandales politiques actuelles : il possède le pouvoir de visibilité et

publication nécessaires pour faire d‟un acte transgresseur et auparavant secret,

un autre publique et capable de motiver la sanction publique. 13

En outre, cette recherche s‟est aussi inspiré les propositions des auteurs tels

qu‟Andrei Markovits et Mark Silverstein, qui considèrent que les scandales ont

la capacité de renverser les gouvernements, de défier les élites établies et de

créer la polémique contre les principes des partis politiques14. De cette façon,

les scandales politiques peuvent avoir la capacité d‟influencer, et de

transformer le jeu politique.

Dans le cas de cette recherche, même si on reconnaît que dans la chute du

régime d‟Alberto Fujimori. Le déclenchement du scandale des « vidéos de la

corruption » fut décisif pour la finalisation du régime autoritaire mais, il ne fut

pas l‟unique facteur de sa chute. . Ce scandale a mis sur l‟agenda de la

transition politique la lutte contre la corruption, et la vigilance permanente de

l‟exercice du pouvoir. Le climat créé continua et s‟intensifia durant le régime

d‟Alejandro Toledo. De même, la dénonciation politique permanente devient le

synonyme de la surveillance et de la vigilance publique du pouvoir. L‟opposition

politique et le journalisme furent les principaux responsables de cette tendance,

en leur permettant d‟exercer du pouvoir sur le nouveau gouvernement.

D‟après les analyses de Markovits et Silverstein15, Jiménez16 et Thompson17, les

scandales politiques trouvent plus possibilités d‟exister sur la scène

13

THOMPSON, John. Political Scandal: Power and Visibility in the Media Age (Scandale politique:

pouvoir et visibilité dans l’ère des médias), Malden, Blacwell, 2000, p 150 , 153. 14

MARKOVITS, Andrei et SILVERSTEIN, Mark, The Politics of Scandal. Power and Process in

Liberal Democracies (La politique du scandale. Pouvoir et processus dans les démocraties libérales).

New York, Holmes and Meier, 1998, p.1-2. 15

MARKOVITS et SILVERSTEIN, Ibid, p. 133-134

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démocratique, offrant plus de liberté pour surveiller le pouvoir et pour faire

effective la « rendu compte » des actes publiques.

D‟ailleurs, afin d‟identifier les caractéristiques propres de la période politique

initiée avec l‟installation du régime d‟Alejandro Toledo, on a décidé de proposer

le concept de « post-transition ». Cette dénomination part du significat de

transition politique. Pour cette recherche, on a choisit la définition proposée par

le politologue chilien Manuel Garreton, pour les cas des transitions latino-

américaines : « (La transition) est le processus qui va depuis la crise terminale

du régime militaire jusqu‟aux premières élections démocratiques, même si ceci

(cette définition) laisse de coté des aspects de la démocratisation politique ».18

La post-transition a comme principal propos la mise en oeuvre des bases

démocratiques installées par le gouvernement de transition politique. L‟objectif

central est l‟installation formelle de la démocratisation19 et la consécution des

enquêtes judiciaires contre le régime autoritaire précédent. Concernant le

climat politique, on considère que la post-transition est attachée à la transition

en ce qui concerne la continuation de la recomposition politique initiée après la

chute du régime autoritaire.

D‟autre lieu, la post-transition se développe au milieu d‟un processus

d‟ouverture information, et liberté d‟expression, permettant l‟accès au jeu

politique des médias. Ce contexte a favorisé leur participation dans la

surveillance de l‟exercice du pouvoir du nouveau gouvernement et, par

conséquent, dans la dénonciation fréquente des actes de corruption, et d‟abus

du pouvoir du nouveau gouvernement. Les médias ont essayé de récupérer

leur crédibilité perdue à cause de l‟implication pénale de plusieurs propriétaires

16

JIMÉNEZ, Fernando, Detrás del escándalo político: Opinión Pública, dinero y poder en la España del

siglo XX (Derrière le scandale politique: L’opinion publique, l’argent et le pouvoir en Espagne du siècle

XX), Madrid, Tusquet ed., 1995, p. 1109. 17

MARKOVITS et SILVERSTEIN, Op.cit, p. 1-2. 18

GARRETON, Manuel, Reconstruir la política: transición y consolidación democrática en Chile

(Reconstruire la politique: la transition et la consolidation démocratique au Chili), Santiago, Andante,

1987, 1987, p. 36-37 19

D’après Garreton, la démocratisation est un “processus de changement social global” et fait référence à

l’idée d’une société démocratique. Dans le cas de la transition politique, celle-ci fait référence seulement

au changement du régime, au pas d’un type de régime à un autre, « sans que ceci signifie nécessairement

un changement social global ».

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des médias, et journalistes dans le réseau de corruption du régime d‟Alberto

Fujimori. De cette façon, en raison du fait que le scandale politique devienne

centrale dans le jeu politique de la post-transition, l‟identification des facteurs

conditionnant le déclenchement des scandales politiques, tant que

l‟identification des acteurs médiatiques, et politiques participant dans leur

déclenchement, peuvent permettre d‟identifier la transformation du champ

politique par rapport aux années d‟autoritarisme et de recomposition de la

scène politique durant la post-transition.

En troisième lieu, la recomposition politique offerte par la période de post-

transition ont fait que la dénonciation politique et particulièrement les scandales

politiques deviennent des armes de pression politique pour plusieurs acteurs.

De cette manière, on peut affirmer que le scandale politique est devenu une

arme de pression politique de la presse contre le gouvernement en cours, en lui

permettant de rendre évident auprès l‟opinion publique, de l‟accomplissement

de son rôle de vigilance et de surveillance du pouvoir. Un rôle qui s‟est vu

renforcé par la tendance des acteurs politiques à utiliser le scandale comme

arme politique contre le régime en cours, en permettant que les politiciens

deviennent aussi comme les principales sources des dénonciations contre le

gouvernement. Cet intérêt particulier des médias de surveiller le pouvoir

gouvernemental s‟explique, parce que les médias étaient confrontés au

discrédit de leur image, et de leur objectivité, à cause des implications de leurs

propriétaires et de plusieurs journalistes dans le réseau de la corruption existant

durant le gouvernement d‟Alberto Fujimori.

Cette tendance des médias s‟est intensifiée au fur et à mesure que les

différents acteurs politiques et médiatiques ont commencé à se rendre compte

que la réponse du gouvernement était désordonnée, désorganisée et tardive

(une caractéristique appartenant non seulement à la nature du nouveau régime,

mais surtout au climat politique de consensus vers le respect des principes

démocratiques, propres à la transition, et de la post-transition politique). Cette

reconnaissance a permis aux journaux et aux acteurs politiques de trouver un

mécanisme de pression politique permanent, en créant un climat de tension

politique (exprimé par la diminution permanente du niveau d‟approbation de

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l‟image présidentielle) et en rendant possible que les demandes de « destitution

présidentielle » apparaissent dans le discours politique de plusieurs acteurs

politiques, et médiatiques dans différents moments du gouvernement

d‟Alejandro Toledo.

Tel qu‟on le démontrera dans la présente recherche, ce fait nous a permis

d‟affirmer que c‟est à partir de l‟utilisation des scandales politiques impliquant le

Président, et son entourage politique, et personnel, que les différents acteurs

politiques et médiatiques ont trouvé le moyen de récupérer leur crédibilité

auprès de l‟opinion publique (mise en question à cause de la révélation du

grand réseau de corruption ), une capacité aussi renforcée par la tendance

généralisée du public/électorat de surveiller l‟exercice du pouvoir.

- Terrain d’enquête et corpus documentaire

Pour mener notre recherche, on a consulté des archives journalistiques de

l‟époque du régime d‟Alejandro Toledo (trois premières années de son mandat,

2001-2004), consultés sur place (Lima, Pérou) et par Internet. De même, on a

consulté des travaux associés aux relations de pouvoir entre les médias et les

régimes d‟Alberto Fujimori (lors de la campagne électorale 2000), Valentin

Paniagua et Alejandro Toledo, réalisées par différents politologues, sociologues

et journalistes péruviens. Aussi, on a repris quelques éléments des travaux sur

le même sujet, où l‟auteur de la présente recherche à participé comme

chercheuse (principal ou adjointe) en 2000, 2003 et 2004.

Également, afin de réaliser le travail sur le terrain, on s‟est rendu à deux

reprises à Lima, Pérou. Le premier de ces séjours a duré presque un mois, en

mai 2008, et fut l‟occasion de prendre contact de recueillir l‟information

d‟archive, et de concrétiser les entretiens avec quelques journalistes péruviens

(rédacteurs, chefs de section, directeurs journalistiques, directeurs généraux).

Le deuxième n‟a duré qu‟une semaine et demi, vers début de novembre 2008,

afin de culminer la consultation d‟archives des journaux locaux dans la

bibliothèque de l‟Université Pontificale Catholique du Pérou (PUCP).

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Les journalistes interviewés ont été sélectionné pour avoir eu un rôle central

dans la production des dénonciations journalistiques, devenant des scandales

politiques durant le régime d‟Alejandro Toledo. Par contre, pour leur sélection,

on a omis des ressemblances ou des « équivalences » dans leur position, et

dans le genre des médias pour lequel il a travaillé. La « centralité » de leur rôle

est déterminée par la proximité qu‟il avait dans la production d‟une dénonciation

(si celui est l‟enquêteur principal ou si celui a appartenu à l‟équipe de

journalistes responsables d‟amener la dénonciation), par leur responsabilité au

moment de prendre une décision concernant la publication d‟une dénonciation,

par leur niveau de connaissance de la relation établie entre le Président

Alejandro Toledo et le journalisme.

De cette manière, on a interviewé once journalistes des journaux Perú 21

(gauche), Correo (gauche), La República (centre-gauche), El Comercio (centre-

gauche), de la chaines de télévision América Télévision (chaine 4) et des

revues politiques, l‟hebdomadaire Caretas et le mensuel Ideele :

- Dans le cas du journal Perú 21, un nouveau journal sortie en 2002, en format

standard et à prix bon-marché20, appartenant au groupe commercial El

Comercio , on a interviewé à: A) Augusto Alvarez Rodrich21, le directeur du

journal Perú 21, économiste de profession. Alvarez Rodrich fut le premier

directeur du Perú 21 (depuis sa fondation en 2002) jusqu‟à novembre 2008,

quand il fut « invité » à démissionner de la direction de Perú 21. D‟après les

critiques, et sa propre version, sa démission s‟est produit après la publication

des enregistrements-audio ayant déclenché le plus grand scandale politique du

régime d‟Alan García (2006-2011), le scandale des « petro-audio » : un cas de

corruption dans la concession étatique des lots pétroliers à l‟entreprise privée

Discover Petroleum, impliquant des fonctionnaires du régime de García, si

proches au Président et son parti politique, l‟APRA. B) Alejandra Acosta,

20

Il faut se rappeler qu’au Pérou les journaux ne sont pas gratuits. 21

Alvarez Rodrich, avant de devenir directeur de Perú 21, il avait travaillé comme directeur d’Apoyo

Comunicaciones –Soutien Communications- et Apoyo Opinión y Mercado -Soutien, Opinion et Marché-

(deux organisations appartenant au Grupo Apoyo –Groupe Soutien-, spécialisée dans les sondages au

niveau national) et Rédacteur en chef des hebdomadaires économiques « Perú Económico » -Pérou

Économique-, « Semana Económica » -Semaine Économique- et « Debate » -Débat-. Depuis sa

démission, il est devenu analyste du journal La República et la station de radio spécialisée en

informations, Radio Programas del Perú.

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rédactrice de l‟Unité d‟Investigation de Perú 21, ayant participé dans

l‟investigation de la falsification des signatures du parti politique d‟Alejandro

Toledo Perú Posible (permettant son inscription légale comme parti politique).

Au moment de l‟entretien, Acosta n‟est travaillait plus pour l‟Unité

d‟Investigation de Perú 21 mais pour la section Économie.

- Concernant le journal Correo, un nouveau journal sortie en 2001, en format

standard et aussi à prix bon-marché, on a interviewé à Orazio Potestá,

rédacteur-en-chef de l‟Unité d‟Investigation de ce journal jusqu‟à 2004. Le

journal Correo fut l‟un de principaux journaux ayant publié des principales

dénonciations contre le régime d‟Alejandro Toledo, parmi eux, ceux concernant

le scandale de corruption du Premier Vice-président Raúl Diez Canseco, ayant

déclenché la première grande crise du gouvernement.

- Dans le cas du journal El Comercio : Afin de faire un premier repérage sur la

relation presse – régime d‟Alejandro Toledo, et initier le contact avec les

journalistes interviewés, on a tenu des dialogues informels avec les journalistes

et professeurs universitaires Jacqueline Fowks (ayant travaillé dans ce journal

jusqu‟à 2000 et étant une spécialiste dans le domaine de la relation

gouvernement et presse) et María Mendoza (rédactrice de la section Editorial et

Opinion). De même, on a effectué une interview avec le journaliste Jorge

Saldaña, rédacteur de la section Politique du journal « El Comercio ». Saldaña

était l‟un de principaux journalistes chargé d‟accompagner le Président

Alejandro Toledo dans les voyages officiels.

- Dans le cas du journal La República, on a interviewé Angel Páez, Rédacteur-

en-chef de l‟Unité d‟Investigation et l‟un de principaux journalistes

d‟investigation du pays, ayant publié nombreux articles dénonçant les actes de

violation de Droits de l‟Homme de la part du régime d‟Alberto Fujimori (parmi

d‟autres, les cas de la massacre de La Cantuta et Barrios Altos, dont la justice

péruvien a trouvé coupable à Fujimori en 2009, en lui condamnant à 30 ans de

prison).

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26

- Dans les cas de chaînes de télévision, on a interviewé Roxana Cueva, et

Mavila Huertas, toutes les deux ayant travaillé dans América Télévision (chaine

4). Rosana Cueva fut l‟une de principales journalistes de l‟émission

d‟investigation « Contrapunto » (Frecuencia Latina, chaine 2) jusqu‟à 1996, à

l‟époque où cette émission dénonçait les crimes contre les Droits de l‟Homme

lors du régime d‟Alberto Fujimori. Elle a dû démissionner quand le régime a

exproprié la chaîne à Baruch Ivcher, en bénéfice des associés minoritaires

Samuel et Mendel Winter, qui sont devenus alliés du régime de Fujimori, et qui

ont été condamné pour la justice péruvienne en 2002 pour les délits de

corruption (voir chapitre II). Elle fut la directrice journalistique de l‟émission

d‟investigation « Cuarto Poder » (América Télévision) en 2004, devant

démissionner de son poste après les fortes critiques surgies pendant la

diffusion d‟un reportage impliquant –sans preuves évidentes- le Président

Alejandro Toledo dans la falsification des signatures de son parti Perú Posible.

D‟ailleurs, on a interviewé Mávila Huertas, journaliste et présentatrice du journal

informative d‟América Télévision, durant l‟administration de José Enrique, et

José Francisco Crousillat (proches au régime d‟Alberto Fujimori, ayant

collaboré dans la campagne de diffamation de l‟opposition lors de la campagne

électoral 2000, et condamnés à cinq ans de prison pour le délit de corruption

par la justice péruvienne) et aussi durant l‟administration suivante, celle du

groupe Plural TV (composé par les journaux El Comercio et La República).

- Concernant les journalistes ayant eu une liaison politique proche avec

Alejandro Toledo et son régime, on a interviewé Gustavo Gorriti, collaborateur

d‟Alejandro Toledo en 2000 (lors du mouvement de résistance politique contre

Alberto Fujimori) et co-directeur de La República en 2005. Gorriti –ayant été un

journaliste critique du régime d‟Alberto Fujimori- il fut kidnappé et torturé par

des membres du SIN lors de l‟auto coup de 1992 (l‟ex Président Alberto

Fujimori, aujourd‟hui en prison, fut considéré responsable de son kidnapping en

2009). Au moment de l‟entretien, Gorriti travaillait dans la publication mensuelle

Ideele (de défense des Droits de l‟Homme) et il était l‟un des membres

principaux du conseil directif de la Société Interaméricaine de la Presse, SIP.

De même, on a interviewé Fernando Rospigliosi, ancien collaborateur

d‟Alejandro Toledo dans les campagnes électorales de 2000 et 2001, et

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27

Ministre de l‟Intérieur (en 2002 et en 2004), devant laisser sa position à cause

de pressions politiques et sociales.

L‟objectif de ces entretiens fut de compléter l‟information recueillie à travers des

archives journalistiques et des travaux d‟analyse effectués par les spécialistes

et journalistes péruviens. Ce qu‟on désirait montrer à travers les discours des

journalistes, c‟est la centralité acquise par le scandale politique médiatique

dans le jeu politique établit durant la période post-autoritaire, se caractérisant

par la révélation des secrets politiques, et la dénonciation des actes de

corruption politique, et de violation des Droits de l‟Homme, par le rendu des

comptes, par la fragilité des institutions politiques et la crise de la représentation

politique.

- Le plan de la recherche

Après avoir identifié, dans l‟Introduction (parti II) les antécédents politiques

récents et après avoir déterminé l‟influence des facteurs politiques et judiciaires

surgis après la chute du régime autoritaire d‟Alberto Fujimori (la période de la

transition politique incluse) sur le climat politique existant au moment de

l‟installation du régime d‟Alejandro Toledo (parti I), on a effectué un compte-

rendu des dénonciations politiques contre le Président, sa famille et son régime,

diffusées entre 2001 et 2005, en les mettant en contexte avec les principaux

événements politiques et sociaux, mais aussi en identifiant les conséquences

politiques et judiciaires déclenchés par ces dénonciations (Chapitre I). Ensuite,

on a récupéré quelques aspects théoriques sur l‟étude des scandales

politiques, déjà mentionnés dans la partie introduction (points IV et V), afin de

réaliser un bilan analytique du type de scandales politiques déclenchés durant

le régime d‟Alejandro Toledo. En réparant que les scandales pour corruption,

népotisme (abus de l‟exercice de pouvoir) et d‟ordre sexuel, furent les plus

fréquentes, l‟objectif de ce chapitre fut de démontrer que le climat de vigilance

d‟actes de corruption gouvernementale et de permanente questionnement de la

qualité morale des politiciens installé durant la transition politique (à cause de

la révélation du réseau de corruption durant le gouvernement d‟Alberto

Fujimori) s‟est intensifié lors de la gestion présidentielle de Toledo (Chapitre II).

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28

Dans la troisième partie de cette recherche, on a centré notre attention sur la

relation de pouvoir établie entre les médias péruviens, particulièrement, le

journalisme, et le gouvernement. Après avoir effectué une révision analytique

des régimes précédents, on s‟est arrêté quelques instants dans la période

gouvernementale d‟Alberto Fujimori, étant donné que ce régime a fait des

médias l‟un de ses principaux alliés dans la campagne de discrédit et de

diffamation d‟opposants de Fujimori, lors des élections présidentielles 2000. De

même, puisque le régime de Fujimori a utilisé des institutions étatiques pour

soumettre les médias à leur volonté, en les impliquant directement dans le

grand réseau de corruption élaboré durant son administration. Cette situation a

influencé notamment dans la relation de pouvoir établie entre les médias et le

gouvernement de post-transition d‟Alejandro Toledo. Après la chute de Fujimori,

un procès s‟est initié contre les complices de la corruption enquêtée, parmi

d‟autres, certains médias. Le régime de Toledo a du maintenir ce processus

d‟enquête judiciaire, en marquant décidément la relation à s‟établir entre celui-ci

et les médias en générale.

Dans le chapitre IV, on complétera l‟analyse initiée dans la partie précédente en

se centrant sur la participation spécifique du journalisme dans le

déclenchement des scandales politiques. En utilisant de l‟information d‟archive,

tels que les travaux d‟analyse de sociologues et politicologues péruviens, on

mettra en contexte les déclarations, les avis et les analyses, réalisés par les

journalistes interviewés. Le propos ? Identifier les facteurs externes et internes

au champ journalistique existant lors de la post-transition, qui ont conditionné la

tendance informative des journaux vers la dénonciation politique permanente,

contre le Président et son entourage politique et personnel. L‟analyse réalisée

par les journalistes interviewés, sur la pratique journalistique, résultera

fondamental pour ce propos.

Dans la dernière partie de la recherche (Conclusions), on récupérera les

principaux éléments d‟analyse identifiés dans les différents chapitres de cette

recherche afin de démontrer que, en effet, la fréquence élevée des scandales

politiques impliquant le pouvoir gouvernemental peut servir comme une porte

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29

d‟analyse de la transformation expérimentée par le champ politique lors de la

post-transition. De même, dans cette partie finale, on essaiera de formuler une

réponse à la principale question de la recherche : les caractéristiques politiques

et sociales de la post-transition offrit au journalisme péruvien l‟opportunité

politique de récupérer leur place dans l‟espace politique (perdu à cause du rôle

joué lors de la période autoritaire de Fujimori) et libérer son dépendance du

pouvoir gouvernementale (intensifiée durant les années de Fujimori) à travers

son participation dans le déclenchement fréquent des scandales impliquant le

nouveau régime.

IV.

Etat des lieux de l’étude du scandale politique et la centralité des médias

dans son déclenchement

La bibliographie française, anglaise et américaine donne un lieu particulier à

l‟étude du scandale, en précisant sa condition de « phénomène social »

capable de se constituer comme un indice de l‟état de tolérance du public par

rapport aux transgressions des valeurs existantes et ayant une « dimension

instituant » car il peut avoir la capacité de valider certains principes, et de

confirmer l‟inutilité de certains d‟autres.

Certaines de ces études ont porté plus d‟attention aux processus de

construction du scandale, en se centrant principalement, tant sur les facteurs

qui rendent sa conformation possible (en incluant les intérêts y impliqués, plutôt

dans le cas des scandales politiques) que sur les acteurs y participant.

Certaines études prêtant plus d‟attention au processus de la conformation des

scandales se centrent plutôt dans leur dimension publique, en donnant une

importance particulière à la participation des médias dans la constitution des

scandales, voire les scandales politiques. Dans le cas des scandales politiques,

certaines études ont accordé une attention spéciale aux conditions des

systèmes politiques où ceux-ci peuvent avoir plus de possibilités de se

constituer. De même, certaines autres se sont centrées sur les conséquences

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créées par le déclenchement des scandales politiques, en évaluant s‟ils

pouvaient contribuer d‟une manière constructive au maintien des valeurs du

système politique, et à empêcher l‟abus du pouvoir de la part des gouvernants.

Ou si au contraire, les scandales provoquaient la déstabilisation du système

existant.

La dimension sociale ou publique du scandale (au-delà de l‟élément

« politique ») est un élément fondamental pour étudier ce phénomène. Au

moment de définir le scandale, plusieurs auteurs ont souligné cet aspect afin de

montrer la relation essentielle qui existe entre le scandale et l‟opinion publique.

De cette façon, le scandale sera interprété comme une « bataille permanente

pour l‟opinion publique » et, par conséquence son arène d‟action est la sphère

publique (médiatique)22.

La reconnaissance des scandales comme des processus sociaux, permet de

comprendre que dans leur construction, il est impliqué une ample variété de

facteurs et de circonstances qui déterminent les raisons pour lesquelles

certaines dénonciations ou révélations deviendront des scandales. De cette

manière, on peut analyser le scandale comme un phénomène permettant

d‟identifier non seulement, les valeurs et les principes acceptés par un groupe

social en particulier, dans un moment spécifique de son histoire, mais aussi les

niveaux de la tolérance sociale existante vers certaines transgressions. En

effet, toutes les transgressions révélées ne seront pas objet d‟une sanction

publique.23

On a aussi trouvé des analyses centrées sur les conséquences que son

déclenchement peut produire sur le champ où il s‟est produit, voire, le champ

politique pour les cas des scandales politiques. Ces études évaluent si les

scandales peuvent contribuer d‟une manière constructive à maintenir les

valeurs du système politique, et à empêcher l‟abus du pouvoir de la part des

gouvernants ou si, au contraire, les scandales provoquent la déstabilisation du

système existant.

22

JIMÉNEZ, Fernando, Op. cit, p. 1111. 23

THOMPSON, John, Op.cit, p.28.

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31

Précisément, c‟est le travail de Pierre Bourdieu, sur l‟autonomie relative du

champ politique, qui a en partie inspiré cette recherche. D‟après Bourdieu,

l‟autonomie du champ politique implique l‟existence des règles de

fonctionnement déterminées et seulement concernées à ce champ et aux

acteurs y participant. De cette façon, en prenant en compte que les scandales

politiques se produisent à partir d‟une sanction publique provoquée par la

révélation d‟une transgression, Bourdieu affirme que les scandales pourraient

être analysés comme « des indices » de l‟obligation de respecter ses règles,

afin de ne pas être objet d‟exclusion :

« Ce qui entre en politique… doit opérer une transformation, une conversion et

même si celle-ci ne lui apparaît pas comme telle, même s‟il n‟en n‟a pas

conscience, elle lui est tacitement imposée ». Par conséquence, ne pas

accomplir ces règles peut provoquer la sanction des acteurs ayant contrevenu

les règles garantissant l‟autonomie du champ politique : « celui qui entre en

politique s‟engage tacitement à s‟interdire certains actes incompatibles avec sa

dignité, sous peine de scandale ». 24

En outre, la condition de sanction ou punition publique des scandales politiques

trouve des points en commun avec les travaux des sociologues françaises Max

Gluckman et Eric de Dampierre.

D‟un côté, la perspective fonctionnaliste de Max Gluckman affirme que

« l‟hantise du scandale opère…comme une instance centrale dans le maintien

des valeurs du groupe.25 Cette conception –qui est suivie par l‟anthropologie

fonctionnaliste- qualifiant le scandale comme possédant une fonction de

contrôle social, d‟hiérarchisation et de régénération du groupe, part de l‟idée

que les scandales peuvent être des phénomènes capables de révéler un ordre

préexistant. Cela signifie que les scandales se produisent quand l‟indice de

tolérance sociale par rapport à une transgression (des normes et de valeurs

24

BOURDIEU, Pierre, Op.cit, p. 52. 25

GLUCKMAN, Max, “Gossip and Scandal”, Current Anthropology, IV, no. 3, p. 312; cfr. par De BLIC,

Damien et LEMIEUX, Ciryl, « Le scandale comme épreuve. Éléments de sociologie pragmatique »,

Politix, 2005, Vol 18, no. 71, p. 13.

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socialement acceptés) est surpassé, et provoque une réaction publique

négative (de rejet).26

De l‟autre côté, c‟est de De Dampierre qui propose que le scandale peut être

considéré comme « un test sur les valeurs transgressées qui permet à la

communauté concernée de déterminer si elles lui sont ou non, devenues

indifférentes ».27 Cette fonction instituante du scandale se trouve immergée

dans le rôle social des scandales. Selon Damien De Blic et Cyril Lemieux,

l‟anthropologie fonctionnaliste (comme celle suivie par De Dampierre) a tenté

d‟attribuer au scandale une fonction de contrôle social, de hiérarchisation, de

régénération du groupe).28 De cette façon, on peut interpréter le scandale

comme un moment de transformation sociale, car il possède la capacité d‟avoir

des répercutions externes capables de provoquer un changement dans le

comportement publique.

Avant de continuer, il semble utile de préciser un élément définissant les

scandales : la « visibilité de la sanction ». Cette condition implique la présence

d‟un public étant capable de réagir à la révélation des actes transgresseurs et,

par conséquent, ayant la capacité de déterminer si une dénonciation peut

devenir un scandale ou pas. Dans cette dimension on trouve les travaux

réalisés par Luc Boltanski et Elisabeth Claverie.

Boltanski considère que c‟est le public qui possède le pouvoir de déterminer si

le scandale dénoncé en est « réellement » un. Pour lui, étant d‟accord avec De

Dampierre, c‟est le public qui évalue (ou « teste », selon les termes de De

26

D’après Gluckman, le scandale accomplit trois fonctions sociales (en suivant la tendance de

l’anthropologie fonctionnaliste): la sélection des leaders (« dans la mesure où l’élaboration du jugements

sur l’honneur des personnes contribue largement à les classer le long d’une échelle de prestige »; le

contrôle social (dénomination proposé par De Blic et Dimeaux en interprétant les définitions de

Gluckman) si l’hantise du scandale opère comme une instance centrale dans le maintien des valeurs du

groupe ; et, la « fonction d’exclusion à usage externe », c’est-à-dire, ce qui n’est pas inséré au système

social –ou politique- ne peut pas participer du scandale (« the outsider cannot join in gossip »). 27

DAMPIERRE, Eric, « Thèmes pour l’étude du scandale », Annales ESC, IX, no. 3, 1954 ; cfr. par De

BLIC, Damien et LEMIEUX, Ciryl, « Le scandale comme épreuve. Éléments de sociologie

pragmatique », Politix, 2005, Vol 18, no. 71, p 13. 28

DE BLIC, Damien et LEMIEUX, Ciryl, Ibid. p. 13.

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Dampierre) s„il est capable d‟accepter la transgression révélée. C‟est le public

qui va mettre à l‟épreuve son sens commun du juste et de l‟injuste.29

Concernant la position de Claverie, la présence du public est aussi importante

au moment de décider le destin « scandaleux » d‟une dénonciation publique.

Selon Clavière, la façon comme le public reçoit la révélation d‟un acte

transgresseur déterminera au moins trois destins: a) sa confirmation comme un

scandale « avéré » (à travers de la demande unanime que le coupable désigné

soit châtié) ; b) sa reconnaissance implicite comme un non-scandale (à travers

de la relativisation généralisée de la faute dénoncée) ; sa transformation en une

affaire (à travers du retournement de l‟accusation scandaleuse en direction de

l‟accusateur).30 A ce propos, on trouve l‟analyse de Fernando Jiménez. Son

travail identifie aussi trois critères –nommés par lui « zones »- à prendre en

compte au moment de déterminer si on est en face d‟un « véritable » scandale :

a) la zone « clairement noire » où il existe un consensus général qui considère

qu‟un fait est « vraiment » scandaleux ; b) la zone « blanche » où les

comportements sont tolérés par la société ; c) la zone « gris » comprenant les

comportements dont il n‟existe pas un consensus par rapport à leur jugement. 31

D‟ailleurs, revenant au concept d‟autonomie du champ politique, on récupérera

l‟affirmation de Bourdieu par rapport aux limitations de l‟autonomie du champ

politique. D‟après Bourdieu, il est inévitable que les acteurs y participant ne

prennent pas en compte les expectatives, les nécessités et l‟approbation de

« ceux au nom desquels ils s‟expriment et devant qui, ils doivent,

périodiquement, rendre des comptes plus ou moins fictivement ».32 Donc,

l‟autonomie du « champ politique » n‟est pas absolue, au contraire, elle se

montre flexible, ouverte et peut être influencée par ceux qui ont élu les

gouvernants ou ceux qui le feront. Le « champ politique » dépend aussi de

l‟opinion, approbation, demandes de ceux qui sont « spectateurs » du jeu

29

BOLTANSKY, Luc, La souffrance à distance. Morale humanitaire, médias et politique, Paris,

Métailié, 1993, p. 215-219. 30

Cfr. par DE BLIC et LEMIEUX, Op. cit, p. 17-19. 31

Classification apparue dans le site web du Center for Advanced Study in the Social Sciences de la

Fondation Juan March. Disponible sur <http://www.march.es/ceacs/ingles/Publicaciones/tesis/tesis6.asp> 32

BOURDIEU, Pierre, Op. cit, p. 60.

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34

politique, parce que de leurs actions et décisions dépendra, l‟inclusion ou

l‟exclusion de ce champ de ses acteurs.33

Par conséquent, à l‟heure actuelle, on peut affirmer que la relativisation de

l‟autonomie du champ politique se produit par l‟importance croissante des

médias dans la dynamique politique: « Une des transformations les plus

importantes de la politique depuis une vingtaine d‟années est liée au fait que

des agents qui pouvaient se considérer ou être considérés comme des

spectateurs du champ politique, sont devenus des agents en première ligne. Je

veux parler des journalistes, et en particulier des journalistes de télévision, mais

aussi des spécialistes de sondages. Si nous devions décrire le champ politique

aujourd‟hui, il faudrait y inclure ces catégories d‟agents pour la simple raison,

qu‟ils y produisent des effets ».34

Concernant le concept de champ journalistique, l‟étude de Bourdieu nous a

invité à analyser le niveau d‟influence expérimenté par ce champ en ce qui

concerne son autonomie par rapport au champ politique, et d‟autres champs.

Bourdieu : « Actuellement, un des facteurs déterminants de l‟existence dans le

champ politique c‟est la reconnaissance par les journalistes. Les journalistes –il

faudrait dire le champ journalistique, avec ses concurrences, ses luttes, ses

hiérarchies, ses conflits pour le monopole de l‟information, etc.- sont

déterminants dans la détermination de l‟importance politique. Aujourd‟hui, si

j‟inclus les journalistes dans le champ politique, ce qu‟ils sont, comme disent les

Anglo-saxons, les gate keepers, les gardiens du but, qui contrôlent grandement

l‟entrée dans le champ politique. Toutefois, les partis sont aussi très importants,

évidemment : ce sont eux qui, en donnant l‟investiture, disent d‟un homme

justiciable du jeu politique ».35

Afin d‟analyser l‟influence permanente existant entre les champs politique, et

journalistique, on a révisé les travaux la sociologie, de production, de

l‟information pour analyser la relation existant entre le champ politique et celui

33

BOURDIEU, Pierre, Op. cit, p. 63. 34

BOURDIEU, Ibid, p. 38. 35

Ibid, p. 38.

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35

du journalisme. Dans cette sorte, on a récupéré les analyses de Patrick

Champagne et Dominique Marchetti. D‟après le premier, l‟univers journalistique

est « fortement dominé ou contrôlé dans son fonctionnement par d‟autres

champs (économique et politique notamment) ».36 Dans le cas de Marchetti,

celui considère que « l'exemple de la montée médiatique récente de certaines

“affaires” montre bien que pour qu'un problème émerge dans les médias, il faut

qu'il soit constitué en enjeu politique, économique, scientifique et/ou

judiciaire.»37

D‟ailleurs, les scandales politiques peuvent être étudiés à partir de l‟importance

centrale des dans leur configuration. Par exemple, c‟est le cas de l‟étude de

John B. Thompson, sur le scandale politique médiatique. D‟après lui, les

médias ont créé un nouveau type de visibilité dans la politique contemporaine,

en promouvant que les relations établies entre les dirigeants politiques, et les

citoyens ordinaires soient configurés à partir de la logique de la communication

médiatique.38

La reconnaissance de cette capacité a motivé le travail de Thompson sur la

centralité des médias dans le déclenchement des scandales politiques

contemporain: « A travers la gestion permanente de sa visibilité, et une

soigneuse présentation auprès du public, les dirigeants politiques utilisent les

médias pour accumuler une bonne provision du capital symbolique auprès

l‟électorat… Cependant, le scandale politique peut détruire rapidement tout

cela. »39. En effet, le scandale a la capacité de détruire la réputation des

acteurs politiques.

En outre, l‟omniprésence du scandale dans le jeu politique, et l‟intérêt des

acteurs politiques de les utiliser, ou de les diffuser, a motivé que certaines

recherches se centrant sur la manière comme les acteurs accomplissent des

stratégies afin de « mettre en scène » des phénomènes scandaleux. Au-delà

36

CHAMPAGNE, Patrick, « La double dépendance. Quelques remarques sur les rapports entre les

champs politique, économique et journalistique », Hermès, 1995, n° 17-18, p. 216. 37

MARCHETTI, Dominique, « Sociologie de la production de l’information. Retour sur quelques

expériences de recherche », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 2002, n°1, pp. 17-32. 38

THOMPSON, John, Op. Cit, p. 153. 39

Ibid, p.150.

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des limitations existantes dans la tendance d‟analyser les phénomènes

scandaleux à partir de sa configuration stratégique, il faut reconnaître que les

résultats donnés par ces recherches ont permis d‟identifier à quel point les

acteurs de la politique participent dans la construction des scandales au

moment de faire la politique. De même, ces études ont contribué à identifier le

rôle des médias dans la politique et dans la « mise en valeur » du scandale

politique.

Les études centrées sur les stratégies scandaleuses analysent non seulement

des stratégies de dissimulation, de conservation et de contrôle institutionnel,

mais aussi des stratégies de dévoilement, de subversion ou de provocation, en

permettant non seulement d‟identifier les facteurs, et les acteurs participants de

sa configuration, mais aussi de développer des tactiques pour le faire possible,

en prenant en compte les éléments exogènes propres du système, histoire,

culture, contexte, etc.

De cette sorte, on trouve par exemple, que le travail d‟Alain Garrigou40 analyse

le scandale comme une stratégie envisageant le discrédit de l‟adversaire à

travers de l‟émission des « coups informatifs ». Ce modèle d‟analyse utilise

comme base le lexique de la stratégie et de la théorie des jeux. De même,

Michel Offerlé parle des « stratégies scandaleuses » ou des « stratégies de

scandalisations», lesquelles peuvent correspondre aux actions qui cherchent à

« faire scandale » , mais aussi, à celles qui consistent à « énoncer qu‟il y a

scandale » en prenant la « parole indignée » au nom de la cause que l‟on

défend, « en la décrivant, en la montrant, en la photographiant, en la diffusant à

la télévision» ; à celles, enfin, qui visent à trouver les moyens de « faire dire et

de faire croire que le fait, la situation sont bien scandaleux ».41

D‟ailleurs, Fernando Jiménez, en étant d‟accord avec l‟analyse de John

Thompson, considère que le scandale est une « mise en scène » et, par

conséquence, il faudra l‟étudier en déterminant non seulement tant le sujet ou

40

GARRIGOU, Alain, Le scandale politique comme mobilisation. In : CHAZEL, François dir., Action

collective et mouvements sociaux, Paris, PUF, 1993, p. 185. 41

OFFERLÉ, Michel, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, 1998, p. 122-123.

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les sujets responsables de l‟avoir provoqué que ceux étant responsables de

l‟avoir dénoncé, mais aussi de la culture politique existante, le contexte

historique et ceci étant expressément associé aux relations établies entre les

élites politiques et les élites des médias, les phases du scandale (dans cet

aspect, on a trouvé aussi l‟analyse réalisée par Lawrence Sherman sur la

corruption de la Police dans plusieurs villes aux États-Unis42) et les institutions

du système politique.

En réponse à l‟approche stratégie du scandale, on a étudié la sociologie dite

pragmatique, qui nous fait remarquer que l‟analyse des fait scandaleux ne peut

pas se centrer uniquement sur l‟action stratégique (voir propos du travail de

Max Garrigou, par exemple) mais aussi sur les caractéristiques, et le niveau de

complexité des systèmes sociaux que le scandale affecte. Ce modèle d‟analyse

du scandale reconnaît ainsi que les scandales sont des phénomènes sociaux

qui ne peuvent pas être analysés uniquement à partir des actions ou des

stratégies formulées par les acteurs d‟une sphère déterminée, mais aussi à

partir des facteurs sociaux, culturelles et politiques externes (structures et

routines, « ancrage situationnel » des acteurs).

Le travail de Véronique Pujas43, par exemple, reconnaît aussi que le scandale

est une « construction sociale » et, alors, il est impossible qu‟il soit uniquement

définit et analysé comme un instrument. D‟après elle, l‟action d‟acteurs est sans

doute importante, mais elle est toujours conditionnée aux ressources offertes

par le système dans une certaine conjoncture favorable au scandale. Donc,

selon cet auteur, il est possible d‟identifier tant « les pré-conditions nécessaires

à un contexte favorable à la dénonciation des élites politiques » que « les

ressources nécessaires pour faire scandale». Cette position donne un certain

degré de « liberté d‟action » aux acteurs intéressés à « mettre » dans le

42

SHERMAN, Lawrence, « The Mobilization of Scandal ». In: HEIDENHEIMER, Arnold, dir.,

Political corruption, readings in comparative analysis, New Brunswick, Transaction books, 1978, p. 887-

911; cfr. par DE BLIC Damien et LEMIEUX Cyril, « Le scandale comme épreuve. Éléments de

sociologie pragmatique », Politix, Revue des sciences sociales du politique, Vol. No 18, no. 71, 2005, p.

16. 43

PUJAS, Véronique, Les scandales politiques en France, en Italie et en Espagne : constructions, usages

et conflits de légitimité, thèse, European UN Institue, Paris, 1999.

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scénario publique un scandale, c‟est-à-dire, faire de sa création une action

stratégique.

D‟ailleurs, concernant la nature politique des scandales, leurs répercussions sur

l‟espace politique et leurs relations avec le système politique, on a récupéré

les travaux proposés par les américains Andrei Markovits et Mark Silverstein,

l‟anglais John Thompson et l‟espagnol Fernando Jiménez.

D‟après le travail de Markovits et Silverstein, « The Politics of Scandal. Power

and process in liberal democracies »44, le scandale politique ne se caractérise

pas seulement pour la position sociale des individus impliqués mais pour la

nature de la transgression. De cette manière, un scandale politique implique

nécessairement une violation des normes, et des procédures légalement

contraignantes, régulant l‟exercice du pouvoir politique. Selon ces auteurs, ces

normes et procédures sont publiques et universelles. Elles définissent le jeu

politique d‟une manière ouverte et accessible. Cependant, l‟exercice du pouvoir

a la tendance d‟être privé et exclusif ; le pouvoir est exercé d‟une manière

secrète et cachée aux yeux du public. Donc, selon cette logique, les scandales

politiques émergent dans l‟instant où la logique du pouvoir est plus importante

que la logique de la procédure légale45.

Pour Thompson, la définition du scandale politique étant limitée aux faits du

pouvoir seulement concerne un type de scandale politique, « le scandale du

pouvoir ». D‟après Thompson, les phénomènes scandaleux peuvent inclure

dans leur origine des abus du pouvoir, cependant, ceux-ci ne sont pas les seuls

motifs des scandales politiques. De cette façon, les scandales politiques

peuvent être proprement politiques (quand il s‟agit d‟une dénonciation pour

abus du pouvoir) mais aussi d‟ordre financier (des actes de corruption, par

exemple) et sexuels (qui met en question la qualité morale du gouvernant). 46

44

MARKOVITS et SILVERSTEIN, Op. cit, p.1-2. 45

THOMPSON, Op. Cit, p.133. 46

THOMPSON, Op. Cit, p. 135.

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39

Finalement, comme on l‟a expliqué dans le point III de cette introduction, la

présente recherche a aussi pris en compte les travaux concernant les systèmes

politiques facilitant le déclenchement des scandales politiques. A ce propos, on

a révisé les travaux de Thompson47, Markovits et Silverstein et Jiménez. De ces

analyses, on retient que ce sont les systèmes démocratiques, ceux qui peuvent

offrir les conditions les plus favorables à la configuration des scandales : il y a

plus de liberté pour s‟exprimer et, par conséquent, pour critiquer le pouvoir,

pour le surveiller ou pour faire effectivement « rendre compte » d‟actes

publiques.48

47

THOMPSON, John, Op.cit, p. 136-137. 48

D’après Markovits et Silverstein, les scandales politiques peuvent se produire seulement dans les

démocraties libérales parce que celles-ci cherchent à résoudre du conflit potentiel entre l’individualisme

et la liberté personnelle en les conjuguant avec la nécessité de l’État d’exercer un certain degré du pouvoir

impersonnel (Markovits et Silverstein). Jiménez complète cette position en affirmant que dans les

systèmes politiques démocratiques, la représentation se base sur la « rendu compte » des actions des

politiciens ; de ce fait, cette idée de représentation réside sur la notion de responsabilité, sur l’obligation

de la part de gouvernants, de rendre compte de leurs actions aux citoyens.

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1. Les dénonciations journalistiques durant le régime d’Alejandro Toledo

(2001-2005)

“Je crois que 2004 a été une année féroce de dénonciations, c’était

incroyable !, C’était ma première expérience comme directeur d’un journal

et, en effet, 2004 a été une année terrible. Je me suis demandé si ce climat

de délation était habituel. On me répondit que non. C’était donc une année

exceptionnelle. Une situation inédite. Tous les trois jours nous publions une

nouvelle dénonciation. Elles étaient rapidement oubliées masquée par la

suivante. C’était étonnant… Cela a changé en 2005. Les gens avaient en

marre … ». (Augusto Alvarez Rodrich, directeur, journal Pérou 21)49

Le gouvernement d‟Alejandro Toledo (juillet 2001 – juillet 2006) est né au milieu

du scandale. L‟héritage des scandales politiques était au centre de la

campagne électorale de 2000. Il a été lourd pour le nouvel régime d‟Alejandro

Toledo. Les dénonciations journalistiques contre Toledo et son parti politique,

durant les campagnes électorales 2000 et 2001, ont détérioré significativement

l‟image politique d‟Alejandro Toledo, provocant la suspicion, le doute et la

surveillance des politiciens, des médias et des citoyens, depuis le début de son

mandat.

« Plutôt tôt que tard, la presse était particulièrement attentive aux actions et

aux propos du candidat et prochain Président, Alejandro Toledo. Elle s’est

centrée sur son entourage, ses amis, sa femme, la fille reniée, ses neveux,

son conseiller César Almeyda, et ses excès : ses « escapades nocturnes »

en direction de l’hôtel Melody ses grands repas dans les restaurants cinq

étoiles, ses dépenses de whisky étiquette bleu, son heure Cabana50 et bien

d’autres choses encore. La presse s’est régalée dans les mille et une

erreurs commises par Toledo. Elle ne lui a rien pardonné et d’’autre part elle

gagnait de l’audience, même quand elle montrait à la télévision en plein

49

Entretien effectué le 19 mai de 2008 à Lima, Pérou. 50

Cabana (département d’Ancash) est le nom du village où il est né. Ce village appartient à la sierra

péruvienne. L’expression « l’heure Cabana » (la hora Cabana) a été crée par la presse en faisant allusion

à l’habitude du nouvel Président d’arriver trop tard à ses rendez-vous avec la presse ou de commencer à

travailler trop tard, vers 11am.

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prime time un dimanche , le frère du président , Luis, en train de lancer une

pierre à un reporteur, ou lorsque elle évoquait les scandales autour de ses

neveux, l’augmentation du salaire présidentiel, les rides de sa sœur

Margarita, les crises de colère de sa femme, madame Karp, les virements

vers la compte bancaire « au cas où » de son neveu Coqui, lors de la

campagne de 2001, sa négation têtue à reconnaître la paternité de Zaraí,

ses « fuites » vers la plage Punta Sal, ou ses conseillers »51

Depuis août 200152, les protestations sociales (organisées par les syndicats

des travailleurs, les municipalités, les membres des communautés régionales)

contre le gouvernement d‟Alejandro Toledo se multiplient dans différentes

régions du pays. Pendant ce mois d‟août, les critiques à propos du salaire du

salaire du Président se font entendre avec une grande ferveur, et pourtant, les

sondages donnent encore au Président un indice de satisfaction de l‟exercice

de son mandat de 45%. Néanmoins, cette côte diminuera au fur et à mesure

des mois qui passent. Les différentes protestations et des dénonciations contre

lui et son entourage, ainsi que la dispute publique entre les membres du parti

politique gouvernemental, commencent à prendre de l‟ampleur. A partir du

mois d‟octobre, les analystes politiques, et les principaux opposants

commencent à parler d‟une crise politique « qui pourrait probablement

déboucher vers un changement de Président ».53

Le premier scandale durant le régime d’Alejandro Toledo commence en

août 2001, en se prolonge jusqu’au novembre 2001. Un mois après avoir

mis en place son gouvernement, la presse dénonce le salaire du Chef d‟État

d‟un montant de 18 000 dollars mensuel. Il est le Président le mieux payé de

51

PAREDES, Martín, “Nos habíamos peleado tanto: Alejandro Toledo, la prensa y un largo adiós” (“On

s’avait disputé beaucoup: Alejandro Toledo, la presse et à longue adieu”) [en ligne]. In : Perú Hoy (Pérou

Aujourdhui), DESCO, Centro de Estudios y Promoción del Desarrollo), 2005, no.5. Disponible sur :

<http://desco.cepes.org.pe/apc-aa-files/d38fb34df77ec8a36839f7aad10def69/PH_jul06.zip> (consulté le

15 juillet 2008) 52

La première protestation contre le régime d’Alejandro Toledo s’est enregistrée le 25 août à Cuzco,

quand les habitants de cette région ont bloqué l’aéroport de la ville. 53

TOCHE, Eduardo, “Cronologia de un largo y ardiente bienio” (“Cronologie des deux ans longs et

chauds » [en ligne]. In: Peru Hoy, DESCO, Centro de Estudios y Promocion del Desarrollo, 2003, no. 3.

Disponible sur : <http://www.desco.org.pe/publicaciones/PERUHOY/pdfs/peruhoy3.zip> (consulté le 15

juillet 2008)

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toute l‟Amérique Latine. Son salaire est supérieur aux présidents de l‟époque,

José María Aznar (L‟Espagne), Tony Blair (Royaume Uni), Silvio Berlusconi

(l‟Italie).

C‟est l‟hebdomadaire politique Caretas qui a dénoncé pour la première fois en

août 2001 le salaire du président. A partir de cette première annonce, différents

médias prendront la relève, puis les différents acteurs de l‟opposition se

manifestent à leur tour. Ils réclamèrent la diminution de ce salaire exorbitant. En

Novembre 2001, le Président annonça une diminution de son salaire en le

portant à 12 000 dollars. Il déclara que l‟excédant versé depuis juillet serait

attribué à un projet indépendant appelé « A étudier ».54

En septembre 2001, une nouvelle dénonciation fût publiée. Elle mettait en

question, la qualité morale et démocratique du régime d‟Alejandro Toledo.

Ernesto Schutz, président de la chaine de télévision Panamericana Télévision

était à ce moment-là recherché par la justice pour avoir fait des négociations

illicites avec Vladimiro Montesinos. Il dénonçait le Président de la République

Alejandro Toledo de lui faire pression concernant à la situation judiciaire de

Panamericana Télévision. Ce chantage serait intervenu quelques jours avant la

diffusion de la vidéo montrant la réunion entre Schutz et Montesinos. Cette

dénonciation, basée sur le témoignage d‟Ernesto Schutz, démontrait que le

comportement du nouveau président ne serait pas si différent comparé à celui

du président du régime précédant, qui avait fait des médias ses principaux

serveurs et alliés.

Le mois suivant, une nouvelle dénonciation journalistique posait la question de

la transparence du nouveau régime. En octobre 2001, cette nouvelle

dénonciation accusait le nouveau gouvernement du délit de népotisme en

démontrant, qu‟une nièce du Président, Jessica Toledo, qui était alors,

étudiante dans une université privée, avait été embauchée en août 2001 pour

54

CARETAS, “El recuento de los 100 días” (“Le rapport dex 100 jours”) [en ligne]. In: Caretas, Lima, 8

novembre 2001. Disponible sur:< http://www.caretas.com.pe/2001/1695/articulos/toledo.phtml >

(consulté le 22 juillet 2009)

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43

travailler à la Présidence du Parlement. Son salaire était supérieur à 4 000

soles.

Ce mois-ci, la dénonciation concernant le voyage du Président Alejandro

Toledo et de ses 43 membres du gouvernement pour l‟Equateur, la Chine et

l‟Espagne, démontrait les excès d‟un régime dépensier (la dénonciation faisant

un rapprochement ave le salaire du Président. Malgré la situation économique

précaire demeurant depuis 10 ans d‟autoritarisme, et les fortes pressions

sociales provenant de différents secteurs du pays). En octobre 2001, une

nouvelle dénonciation d‟un journaliste dévoilait que le Président et son

entourage politique avaient dépensé près de $700,000 lors de ce voyage.

Parmi les membres de l‟entourage présidentiel était nommé son neveu, Jorge

Toledo (dénoncé durant la campagne électorale 2001 pour corruption par des

anciens alliés d‟Alejandro Toledo), la fiancée du ministre des relations

extérieures, Diego García Sayan, et les conseillères de la Première Dame,

Eliane Karp.

De cette façon, on observe que les scandales politiques contre le régime

d‟Alejandro Toledo ont eu une centralité dans la quotidienneté du jeu politique,

en remplissant les agendas médiatiques et politiques, depuis la première année

de son gouvernement.

A la fin d‟octobre de 2001, Alejandro Toledo donne un message à la nation via

la télévision en annonçant au public, l‟obtention de 1,866 millions de dollars

grâce à un voyage présidentiel récent à l‟étranger. D‟après les analystes, le

gouvernement décida de faire cette annonce, afin de réduire l‟effet négatif de

différentes dénonciations de corruption apparues dans les médias contre le

régime, spécialement en ce qui concernait l‟embauche de son neveu comme

conseiller politique qui démontre les actions de népotisme et favoritisme, mais

encore la nomination d‟un ami personnel du Président pour la position de

Contrôleur Général de la République (Gerardo Matute) ;

En décembre 2001, après le déclenchement du scandale du salaire du

Président, qui lui a obligé à le réduire, et d‟autres dénonciations concernant les

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dépenses excessives du gouvernement et les cas de népotisme, les niveaux

d‟approbation du Président ont été sérieusement touchés, en motivant leur

descente permanente. De cette façon, pour la fin de l‟année 2001, l‟approbation

de la gestion du Président était tombée dès 51% (en juillet 2001) à 32% en

novembre et 30 % en décembre et janvier 2002.

La deuxième année (2002) du gouvernement d‟Alejandro Toledo a commencé

au milieu de protestations violentes et des grèves régionales. En février 2002,

la popularité du Président continua à descendre, en arrivant à 27% selon les

sondages. Parmi les raisons expliquant l„augmentation de la désapprobation

présidentielle étaient : le non accomplissement des promesses faites par

Alejandro Toledo durant la campagne électorale, manque de leadership, le

problème du chômage non résolu.

Durant les quatre premiers mois de 2002, les confrontations entre certains

Ministres et le Parlement s‟intensifient (spécialement, entre les Ministres

« indépendantes » tel que Fernando Rospigliosi –Intérieur-, Pedro Pablo

Kuczynski –Economie- et Fernando Villarán –Travail- et le Président du

Parlement et membre du parti Perú Posible, Carlos Ferrero, et les

parlementaires de la Commission de Fiscalisation / Surveillance). Et en mars

2002, deux dénonciations journalistiques montreront encore une fois le manque

de transparence et d‟économie du régime dans l‟acquisition et vente de biens.

Ceci est le cas par exemple de la vente d‟avions Tucano au gouvernement

d‟Angola à travers d‟un Décret Suprême qui ne comptait pas avec l‟approbation

du Conseil de Ministres. Les avions étaient dans le 50% de leur capacité et il

n‟était pas de la ferraille, comme le gouvernement l‟avait affirmé au moment de

les vendre.

Le scandale du « Cholocóptero », cela veut dire, l‟hélicoptère du Président (le

nom cité est le résultat d‟un jeu de mots entre helicñptero (hélicoptère) et cholo

(mot familier pour appeler les indiens, en allusion au Président Toledo).

Mars 2002: Le scandale de l’hélicoptère Présidentiel (le

Cholocóptero)

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- Le journal La República dénonce l‟intention du gouvernement d‟acquérir

deux hélicoptères afin d‟être utilisés pour le Président. Chaque hélicoptère

valait 6 millions de dollars, et d‟après la presse, cette acquisition ne

comptait pas avec de la licitation internationale publique et de l‟intervention

du Contrôleur Général de la République.

- Réaction aux dénonciations : Le Président Toledo a répondu à la presse

sur cette acquisition en la confirmant mais aussi en la justifiant car les

avions jusqu‟à ce moment-là utilisés par le gouvernement ont dû atterrir

d‟urgence quatre fois.

En avril 2002, la presse dénoncera le régime d‟Alejandro Toledo concernant

les travaux de réfection du palais Gouvernemental en utilisant des ressources

financières d‟une institution de l‟État, Petroperú. D‟après cette dénonciation,

entre juin de 2001 et avril de 2002, il avait été détourné de Petroperú, et afin de

les injecter dans le financement de la réfection du palais, un montant total de 7

millions 683 mil 950 soles.

De même, lors d’avril 2002, les affrontements entre le gouvernement et les

chaines de télévision continuent. L‟avocat d‟América Télévision déclare qu‟ils

dénonceront le gouvernement de violation indirecte de la liberté d‟expression

auprès la Commission Interaméricaine de Droits de l‟Homme concernant les

intentions de l‟État d‟instaurer une nouvelle administration comme punition de

ne pas avoir payé ses dettes à l‟État ( 80 millions de dollars).

Deux mois plus tard, juin 2002, il se produit la première crise politique du

gouvernement de Toledo, à cause des protestations violentes durant depuis

mai à Arequipa et supportées par des fronts régionaux de Cusco, Moquegua,

Ancash, Cajamarca, Puno, Huanuco, Loreto, etc. Les autorités et le peuple

d‟Arequipa s‟opposaient aux intentions du gouvernement de privatiser les

entreprises d‟électricité régionales Edegel et Egasa. Malgré les promesses

électorales d‟Alejandro Toledo de faire le contraire.

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La violence augmentait au fur et à mesure que le gouvernement maintenait sa

politique tout en essayant de les convaincre en annonçant les bénéfices

économiques obtenus pour la région. A la fin, le gouvernement dû mettre fin au

processus de privatisation et signer une déclaration avec le peuple d‟Arequipa.

Le gouvernement pris la décision de cesser les privatisations. De ce fait, le

Ministre de l‟Intérieur, Fernando Rospigliosi, chargé d‟organiser les forces

policières et devant faire face aux protestations, démissionna de sa position.

Rospigliosi fut le premier ministre de Toledo à quitter le Cabinet de Ministres de

Toledo.

A ce moment-là, les sondages donnaient à Toledo une popularité de 25.4%,

alors que l‟ancien Président Alberto Fujimori avait une côte de 31.5% à Lima.

Cependant, le régime d‟Alejandro Toledo continuait à maintenir un certain

pouvoir au Parlement : le parti d‟opposition, APRA, ne réussit à interpeller le

Ministre d‟Economie, Pedro Pablo Kuczynski ; la proposition d‟un autre parti

d‟opposition Unidad Nacional ne parvient pas à donner plus de prérogatives au

Premier Ministre (ceci faisait aussi partie des demandes d‟autres partis

d‟opposition) ; malgré l‟appel des syndicats de travailleurs, l‟organisation d‟une

grève nationale échoue.

La crise gouvernementale déclenchée en juin de 2002 pour les protestations au

sud du pays et la démission du Ministre de l‟Intérieur, s‟intensifie pour obtenir la

démission de trois autres ministres : le Président du Cabinet de Ministres,

Roberto Daðino, et les Ministres d‟Économie –Pedro Pablo Kuscinsky- et celui

des Relations Extérieures –Diego García Sayán. Ces trois ministres

démissionneront le 8 juillet, 20 jours avant le jour où traditionnellement, le

Président procède au changement du Cabinet des Ministres ou à sa ratification.

D‟après les déclarations médiatiques des anciens ministres, des différences

politiques avec le régime motivèrent leurs démissions.

En effet, durant ce mois (juin 2002), s‟étend la rumeur d‟une crise ministérielle

parce que les membres de Perú Posible commencent à faire pression sur le

régime pour obtenir plus de Ministères. A cause de ces conflits et des

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dénonciations fréquentes, les partis d‟opposition discutent avec les différents

les médias sur l‟éventualité que le Président de la République ne finisse pas

son mandat, et démissionne avant juillet 2003. En août, le Président crée un

Cabinet de crise ou « Cabinet parallèle des Ministres ». Pendant ce mois

d‟août, les sondages indiquent que la côte du Président continue de chuter:

18%.

En juin 2002, les médias dénoncent le cas Lerner – Wolfenson. La presse

transcrit un enregistrement audio de la réunion privée effectuée un mois et demi

au paravent, entre Salomon Lerner Ghitis, ami personnel du Président de la

République et à l‟époque, président de la Corporation Financière du

Développement COFIDE, ainsi que les frères Alex et Moises Wolfenson,

propriétaires du journal d‟opposition, La Razñn. Dans le dialogue, Lerner exerce

de la pression sur Moises Wolfenson et lui demande de changer la ligne

éditoriale de son journal, ce qui serait récompensé par des bénéfices dans ses

procès judiciaires.

L‟enregistrement audio fut diffusée trois semaines, le jugement fut rendu, et la

détention à domicile requise pour Alex et Moises Wolfenson reconnu coupable

d‟avoir reçu des mains de Vladimiro Montesinos de l‟argent afin de soutenir la

campagne électorale de Fujimori et d‟attaquer, à travers de leurs journaux –El

Chino et El Men- à l‟opposition politique.

Aout 2002: La relation de travail entre Eliane Karp et la Banque Wiese

- La femme du Président, Eliane Karp, a reçu 431,834.59 soles entre

janvier et août 2002, au titre de Chef des Projets Agraires de la Banque

Wiese Sudameris. Cette banque a été dénoncée par les médias comme

l‟entité financière où Montesinos avait des comptes crédités de plusieurs

milliards. De même, le gérant de la banque, Eugenio Bertini, apparaissait

dans une « vladividéo » prodiguant des conseils à Montesinos pour faire

sortir son argent du pays. Karp elle aussi a été mise en question, parce

qu‟elle avait affirmé qu‟elle n‟était plus une professionnelle rémunérée en

raison de sa position de Première Dame.

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En novembre de 2002, la Préfecture de Lima registra 24 protestations durant

une seule journée (11 novembre) et 235 protestations durant tout le mois. Elle

autorisa 2002,802 protestations entre janvier et novembre.

Les conflits du gouvernement avec certains médias dont l‟administration est

restée encore aux mains de directeurs qui eurent une liaison avec le régime

d‟Alberto Fujimori, s‟intensifient lors du premier trimestre de 2003, quand le

PDG d‟une chaîne de télévision, Panamericana Télévision dénonce la pression

que le gouvernement d‟Alejandro Toledo exerce sur son entreprise. …

Lors du mois d’avril 2003, une autre dénonciation est rendue publique dans

les journaux et déclenche un nouvel scandale : le conseiller et ami du

Président, César Almeyda, à l‟époque président du Conseil National

d‟Intelligence (CNI) et avocat de Toledo durant le « cas Zaraí », fut accusé

d‟avoir fait installé un réseau d‟écoutes téléphoniques (25 avril 2003).

Avril 2003 : Le scandale Almeyda et l’écoutes téléphoniques:

- Une émission télévisée de Frecuencia Latina, « Entre líneas », révèle

que le Président du CNI, César Almeyda, aurait pratiqué de l‟espionnage

téléphonique en se servant des ressources logistiques que l‟ancien

directeur du Service National d‟Intelligence, Vladimiro Montesinos avait

utilisées durant son mandat. Dans cette émission, il fut présenté deux

enregistrements d‟audio aux membres de l‟Armée Péruvienne

emprisonnés pour leurs liaisons avec le régime d‟Alberto Fujimori.

- De même, Almeyda fut aussi accusé d‟avoir mis en oeuvre le « Plan

Andino » (le plan indien) dont l‟objectif était d‟embaucher les militants de

son parti politique, Perú Posible, dans les postes de confiance du CNI, en

ayant pour but les élections de 2006.

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- Le CNI émit un communiqué de presse en niant ces accusations.

Cependant, quelques jours après, César Almeyda du démissionner de la

présidence du CNI.

Durant mai 2003, des nouvelles disputes publiques entre les parlementaires du

parti du Président, Perú Posible, se sont manifestées en intensifiant l‟image de

désordre gouvernemental et le manque de leadership du Président. De même,

les protestations sociales à l‟intérieur du pays augmentent, et le Président du

diffusé un autre message télévisé à la nation afin de déclarer l‟État d‟urgence

dans tout le pays.

En juin 2003, le sujet du salaire présidentiel est repris par les médias et les

acteurs politiques en raison des demandes des revendications des professeurs

pour de meilleurs salaires. Le Conseil de Ministres accorda de réduire le salaire

à 12 000 dollars et un programme d‟austérité est initié. La côte de popularité du

Président tombe à moins de 15% et l‟approbation de sa gestion diminua à 11%.

Vers la fin de juin, les Ministres présentent leur démission, et, durant six jours le

Président ne parvient pas à les remplacer. Les pressions de différents secteurs

politiques vers le Président pour qu‟il laisse d‟autres forces politiques gouverner

s‟intensifient. A la fin juin, Alejandro Toledo choisit comme Premier Ministre à

une autre figure indépendante, Beatriz Merino, malgré les pressions de son

parti politique.

En novembre 2003, une nouvelle crise politique ministérielle se produisit avec

la démission des nouveaux Ministres à cause de nouvelles dénonciations. La

première est celle d‟une Ministre de la Femme , et du Développement Social

qui est restée au pouvoir seulement 4 jours. Le Président Toledo demanda la

démission de la Ministre Nidia Puelles (de Perú Posible), après avoir été

dénoncée par une autre parlementaire appartenant au même parti politique,

Enith Chuquival. Elle est accusée d‟avoir commis des irrégularités dans postes

publiques antérieurs. Le Contrôleur Général de la République ordonna une

enquête.

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50

La deuxième crise fut déclenchée par une dénonciation journalistique

contre le vice-président et Ministre de Tourisme et Commerce Extérieur, Raul

Diez Canseco :

Novembre 2003: Le cas du vice-président Raul Diez Canseco et du

trafic d’influences

- Le journal Correo dénonça que le vice-président et aussi Ministre de

Tourisme et Commerce Extérieur, Raul Diez Canseco (53) –formellement

marié- , avait utilisé sa position de Ministre pour emboucher une jeune

femme (26) et ses deux frères, à ce moment-là supposée sa maîtresse,

dans Prompex, une entité dépendant du Ministère.

- Deux jours après, Diez Canseco nie le contenu de cette annonce, et

déclare que Luciana Léon n‟était qu‟une amie. Toutefois, ce même jour,

une émission de télévision diffuse des photos d‟un voyage « romantique »

que tous les deux avaient fait à Cuzco.

- Une nouvelle dénonciation paraît immédiatement dans le même journal :

on lit l‟émission du Décret Suprême 047, qui exonère du paiement des

impôts aux entreprises qui vendent des aliments dans la zone

internationale de l‟aéroport Jorge Chavez. Ce dispositif légal fut considéré

anticonstitutionnel car toutes les exonérations doivent être ordonnées par

le Parlement soit par une loi ou un décret législatif. D‟après la

dénonciation de Correo, la promulgation du décret aurait été effectuée

pour aider le père de sa maîtresse.

- Le Ministre niera plusieurs fois entretenir une relation sentimentale avec

Luciana Léon durant un entretien à la télévision, mais aussi, dans ses

déclarations auprès la Commission de Fiscalisation / Surveillance du

Parlement qui menait une enquête. Diez Canseco accusa aussi les

intérêts de la « mafia fujimorista » évoquant la bassesse de cette

révélation, et demanda si « avoir des sentiments, aimer ou être aimer était

désormais un péché ? ». Encore une fois, les journaux éditèrent des

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nouvelles photographies du Ministre et Luciana sur une plage aux Etats-

Unis.

- En décembre 2003, Le ministre démissionne et présente ses excuses au

pays pour avoir menti : « Je regrette profondément de ne pas avoir dit la

vérité sur mes sentiments, cette grave erreur est devenue aujourd‟hui un

cauchemar et fut motivée par une attitude incorrecte de ma part pour

protéger les personnes impliquées ».

- En Janvier 2004, Raul Diez Canseco démissionne irrévocablement de

son poste de premier vice Président de la République à cause des

pressions politiques et médiatiques permanentes. Sa démission s‟effectue

quelques jours après la révélation du « scandale Almeyda ». Diez

Canseco déclara aux médias que sa décision avait été prise afin de

« fortifier le régime démocratique du pays et fortifier la gestion du

Président Alejandro Toledo ».

Crise politique en Décembre 2003: La démission de tout le Cabinet

Ministériel et le cas de la Première Ministre Beatriz Merino.

- Une émission de télévision, « La Boca del Lobo», dénonça la Première

Ministre pour avoir utilisé sa position de fonctionnaire publique (quand elle

était Présidente de la Super intendance d‟Administration Tributaire

SUNAT) pour embaucher à une amie de l‟enfance, Irma Chonati, en

omettant la procédure de concours publique pour occuper ce type de

poste, (3 décembre). De même, dans cette émission, on apprend que la

Ministre Merino Irma Chonati habitaient en collocation depuis 12 ans.

- Le lendemain, la Premier Ministre dénonça la campagne de discrédit qui

s‟acharnait sur elle depuis une semaine. D‟autre part, elle expliqua que la

décision d‟embauche de Chonati dépendait d‟une autre institution –CIAT-

dont la gestion était de responsabilité d‟autres autorités.

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52

- Immédiatement, des rumeurs circulèrent à propos d‟une probable

relation sentimentale entre Merino et Chonati.

- En réponse aux questions des médias, le Président de la République

déclara aux médias que la campagne de discrédit dénoncée par la

Ministre Merino ne provenait pas de son parti politique, Perú Posible.

- Une semaine plus tard, la Première Ministre Beatriz Merino ignora la

sollicitude du Président et annonça aux médias, qu‟elle avait été avertie

d‟une attaque politique contre elle, 8 mois au paravent.

- Les médias affirmèrent que, derrière de ces manœuvres se cachait

l‟ancien Premier Ministre, Luis Solari, membre du parti Perú Posible (le

parti politique de Toledo). C‟était un journaliste de télévision –à ce

moment-là critiqué pour ses liaisons avec le régime de Fujimori-, Alejandro

Guerrero, qui avait affirmé que cette dénonciation avait été faite par

Merino elle même,et avait ajouté que Solari l‟avait accusé d‟être

homosexuelle auprès de l‟Archevêque de Lima, Juan Luis Cipriani et le

Nonce Apostolique au Pérou, Rino Passigato. Cipriani a nié ces

allégations. L‟ancien ministre Solari a qualifié ces dénonciations de

mensonges, et il accusa le conseiller présidentiel, Guillermo Gonzalez

Arica. Après la démission de Merino, l‟ancien Ministre Solarie, membre du

parti du Président annonça dans une émission de télévision, qu‟il avait

rompu ses relations avec le Palais du Gouvernement parce qu‟il était

atterré, et fatigué des dénonciations fréquentes le concernant.

- Le Président Toledo demanda aussi la démission de tous les Ministres et

des conseillers présidentiels.

- Les médias confirment que la Ministre a perdu la confiance du Président

pour avoir rendu public sa rivalité avec l‟ancien Ministre Solari.

Il en résulte, et il est important de remarquer qu‟à ce moment-là, l‟indice de

satisfaction de la gestion du Président Toledo est de 10.3%, alors que celui de

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la Ministre Merino atteint 54.1% (Sondage de l‟Université de Lima, cité par

Tanaka). Les raisons de l‟éloignement de Merino ne furent jamais

complètement clarifiées, mais, en général, elles furent la conséquence des

pressions du parti du gouvernement, et du Président en personne, étant jaloux

de la popularité de la Ministre, qui lui fait de l‟ombre.

De même, en décembre 2003, il s‟est produit une autre démission ministérielle

comme le résultat des dénonciations journalistiques. Le journal Correo dénonça

que le Ministre de Travail, Fausto Alvarado, avait commis le délit de népotisme

pour avoir embauché huit de ses proches. Alvarado renonça, et le Parlement

réclama une enquête pour vérifier ce délit.

Tel qu‟il est souligné par le sociologue péruvien Martin Tanaka, en 2003, les

Ministres du parti politique du Président furent sévèrement critiqués et

surveillés. Ils devront démissionner et seront remplacés par de ministres

indépendants. « Quelques exemples illustratifs de ministres de Perú Posible qui

ont du sortir pour incompétence, ou en raison de divers scandales : Doris

Sánchez et Nidia Puelles, au Ministère de la Femme et du Développement

Social, accusées d‟incompétence et de népotisme ; Jesús Alvarado et Juan de

Dios Ramírez, au Ministère du Travail, le premier fût accusé de népotisme,

tandis que le deuxième fût impliqué dans un scandale pour un cas de paternité

non reconnue ; le cas d‟Alberto Sanabria, accusé pour corruption au Ministère

de l‟Intérieur. Tous ceux-ci ont dû être remplacés par des acteurs

indépendantes (non politiques) ».

Vers la fin de 2003, les dénonciations et les démissions fréquentes dans

le régime de Toledo touche sérieusement la popularité du Président

Alejandro Toledo. L‟institut de sondage de l‟Université de Lima attribua au

Président un indice de satisfaction de 10.3%, après avoir eu 18%, durant le

mois de novembre. En commentant cette diminution le conseiller présidentiel

Juan Sheput déclara : « Il y a eu un scandale politique qui a saturé à l‟opinion

publique, une série des rumeurs de très bas niveau, et ceci, dans un régime

présidentialiste, a sapé l‟image de Toledo ».

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Au début de 2004, une nouvelle dénonciation contre l‟ancien Président du CNI

et avocat personnel du Président, César Almeyda, déclenche un nouveau

scandale politique mettant en question la gouvernance du pays.

Janvier-Février 2004: Le scandale du conseiller présidentiel César

Almeyda :

- Les journaux Perú 21 et Correo font paraître des extraits d‟un des

dialogues entre César Almeyda, à l‟époque de l‟enregistrement étant le

président du Conseil National d‟Intelligence, et le général Oscar Villanueva

-en retrait au moment de l‟enregistrement. Le général décéda avant la

dénonciation (29 février 2004).

- D‟après les transcriptions, dans cette conversation –qui se serait

effectuée le 10 de décembre de 2001- Almeyda offrait à Villanueva –qui a

ce moment-là se cachait de la justice - des bénéfices pénitentiaires et lui

affirmait qu‟il avait de l‟influence sur le Ministre de la Justice, Fernando

Olivera, l‟Institut National Pénitentiaire et la juge chargée de son procès,

Inés Villa Bonilla.

- Quelques jours avant de cette révélation, la revue Caretas publia un

entretien de Almeyda. Dans cet entretien, Almeyda affirmait qu‟il avait

seulement parlé avec Villanueva, sans évoquer l‟idée d‟une quelconque

faveur judiciaire.

- Le Journal Perú 21 donna plus de détails sur cette rencontre, en mettant

en question l‟information donnée par Almeyda dans l‟entretien publié par

Caretas. Par exemple, il se mentionne que le général Villanueva avait

donné quelques conseils à Almeyda afin d‟obtenir un meilleur contrôle des

médias, via l‟INDECOPI (l‟Institut de Défense des Consommateurs et de la

Propriété Intellectuelle) ; d‟autre part, il fut démontré que d‟autres réunions

avaient été tenu, par conséquent, Almeyda Villanueva alors qu‟il avait

déclaré dans un entretien journalistique de ne pas connaître son visage,

etc. (BBC, 1 Février 2004)

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- La justice accusa César Almeyda d‟avoir commis le délit de

recouvrement personnel (« encubrimiento personal ») pour s‟être réuni

avec un homme recherché par la justice, et ne pas avoir informé aux

autorités.

- Quelques semaines avant cette révélation, Miguel Salas –connu comme

« l‟agent Sun », un ancien collaborateur du général décédé Villanueva-

avait tenté de vendre cet enregistrement audio. Il distribua aux médias,

des extraits de ce dialogue. A ce moment-là, César Almeyda reconnut

avoir rencontré Villanueva, mais il se justifia en affirmant que l‟ancien

Ministre de Justice, Fernando Olivera (membre du parti politique allié du

régime, FIM), était au courant.55

La crise politique déclenchée par la vulgarisation de cet enregistrement

d’audio, ainsi que les dénonciations réalisées par « l‟agent Sun », impliquent

aussi un membre de la famille du Président, et affecte sérieusement le régime.

- L‟opposition politique réclama une enquête sur Fernando Olivera, et la

démission du Ministre de Justice Fausto Alvarado, aussi membre du FIM.

L‟opposition demanda aussi la démission de tout le Cabinet Ministériel, afin

d‟en former un autre, composé par des personnalités de divers secteurs

sociaux et politiques. L‟opposition exiga la réalisation de nouvelles élections

présidentielles le plus rapidement possible. De cette manière, commence le

débat sur la possibilité de déclarer le Président Alejandro Toledo comme

« incapable moral » et anticiper les élections. Elles devrait avoir lieu en 2006.

Le parti politique qui dirigeait cette demande était l‟APRA.

- En février 2004, le Président Alejandro Toledo, accompagné de ses Ministres

fait une annonce télévisée pour montrer la distance qu‟il prend face à la

corruption de César Almeyda : « J‟exprime ma déception pour la mauvaise

55

ORTUZAR, Ximena, “Enfrenta Toledo la peor crisis política desde que asumió la presidencia

peruana” (“Toledo fait face à la pire crise politique depuis son arrivé au pouvoir au Pérou ») [en ligne].

In: Jornada, Mexico, 04 février 2004. Disponible sur :

<http://www.jornada.unam.mx/2004/feb04/040209/030n1mun.php?origen=mundo.php&fly=1> (consulté

le 12 avril 2008)

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utilisation du pouvoir à travers d‟actes étant dehors de la loi. Je regrette

profondément que le docteur César Almeyda ait agit sans me tenir au courant,

je regrette d‟avoir accordé ma confiance à celui qui a démontré qu‟il ne la

méritait pas ». Le Président Toledo déclara avoir décidé d‟écarter César

Almeyda du régime, et de son parti politique.

- Le gouvernement annonce la réforme du Cabinet de Ministres: sept des 15

ministres sont remplacés (c‟était le cinquième Cabinet en deux ans, et demi de

régime). Au moment de faire l‟annonce publique de cette décision, le Premier

Ministre, Carlos Ferrero Costa, affirma : « Dans le nouveau Cabinet, le nombre

de (ministres) indépendants est plus élevé qu‟il ne l‟a jamais été », en montrant

que cette décision répondait aux demandes politiques de l‟opposition.

- Cette crise a aussi affecté sérieusement l‟alliance politique existant entre Perú

Posible et le Frente Independiente Moralizador. Grâce à cette alliance, le

régime comptait avec une majorité au Parlement. Cependant, cette

dénonciation provoquant la démission de plusieurs militants du FIM, a minoré

cet avantage au Parlement : le régime restait avec seulement 39 votes au

Législatif, presque la troisième partie du total de votes.

- César Almeyda fut emprisonné en avril de 2004, accusé de trafic

d’influences et usurpation de fonction. La révélation de l‟enregistrement

d‟audio de la conversation entre Almeyda et le général Villaneuva à travers les

médias fut déterminante pour l‟ouverture d‟un procès, et pour son incarcération,

deux ans après des dénonciations journalistiques contre lui.

Crise politique Avril-Mai 2004: D‟ailleurs, le parlement a rejeté la position du

ministre de l‟intérieur Fernando Rospigliosi, affaiblissant ainsi le pouvoir du

régime. Il devra démissionner sur décision du parlement. Un an auparavant,

Fernando Rospigliosi avait déjà démissionné en manifestant son désaccord

avec le régime (lors de fortes protestations au sud du pays).

- En avril 2004, le peuple d‟Ilave, une province du département de Puno, initia

une grève régionale pour demander la révocation du maire, et d‟autres

autorités, accusés de corruption et de népotisme. Les protestations sont

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devenues chaque jour plus violentes, en arrêtant toutes les activités de la zone,

au point de bloquer les échanges commerciaux entre le Pérou et la Bolivie. Le

point le plus critique arriva 24 jours après le début de la grève, quand le maire

d‟Ilave, Cirilo Galvez fut lynché en public, jusqu‟à la mort par le peuple (27 avril

2004).

- Cette action fut sévèrement condamnée par le Parlement qui censura le

Ministre de l‟Intérieur, Fernando Rospigliosi, pour ne pas avoir été capable de

contrôler la situation. Cette censure fut votée par 62 parlementaires dont 5 voix

provenaient du parti d‟Alejandro Toledo et 3 voix du Frente Independiente

Moralizador, groupe politique allié au gouvernement.

- La censure obligea Rospigliosi à démissionner. Cette censure était la

première qui se produisait depuis 13 ans et peut être interprétée comme un

sévère avertissement au Président Toledo, dont la popularité arrivait à 8%.

- Cette censure s‟est produite quand le pays affrontait de nombreuses

protestations sociales à Lima et d‟autres départements du pays.

Avril 2004 : Dénonciation contre la Première Dame, et le conseiller du

Président. Le cas CONAPA.

- Le 11 avril 2004, l‟émission de télévision « La Ventana Indiscreta » et

l‟Agencia Perú ont dénoncé que les 5 millions de dollars donnés par la

Banque Mondiale en qualité de prêt à la CONAPA (Commission national

des communautés indiennes, amazoniennes et afro-péruviennes) n‟étaient

pas en train d‟être utilisés en travaux sociaux, mais en payaient les hauts

salaires (entre 17 mil et 20 mil dollars) de professionnels embauchés dans

des projets non-prioritaires, mais qui étaient proches de l‟épouse du

Président, Eliane Karp. Karp, étant Présidente ad honorem de la

CONAPA. L‟une des sources principales de cette dénonciation fut un

ancien employé de la Conapa.

- Cette dénonciation fut prise en compte par la Commission de

Fiscalisation / Surveillance du Parlement. En juillet 2004, cette

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commission, à l‟époque présidée par le parlementaire de l‟APRA, Javier

Velasquez Quesquén, considéra Karp comme responsable des

irrégularités à l‟intérieur de la CONAPA. Le Parlement donna son rapport

au Contrôleur Général de la République, afin de lui réclamer une enquête.

- Réaction politique aux dénonciations : Le Président de la République

essayait de répondre aux accusations, en les discréditant, et en les

qualifiant de «suspectes » et de faire partie du « bruit politique » ; de

même, il expliquait que les salaires avaient été fixés par la Banque

Mondiale et non par Karp. Eliane Karp répondra à cette dénonciation

seulement 15 jours après en faisant une bref déclaration à la presse: « Je

n‟ai jamais eu aucun pouvoir sur aucune compte, j‟ai seulement fait un

travail de coordination, et d‟appel en concordance avec mon métier

(anthropologue). Le Ministère Public décida d‟initier une enquête sur cette

dénonciation.

En août 2002, une autre dénonciation journalistique –parut dans le journal

Correo- elle évoquait la corruption et la mauvaise gestion des ressources

de l’État et elle impliquait Eliane Karp de la Fondation Pacha pour le

Changement, une ONG inscrite au nom de la Première Dame, crée en octobre

2001, cela veut dire, trois mois après la prise de pouvoir de son mari, Alejandro

Toledo. Dans cette dénonciation, on révèle que le domicile fiscal de la

Fondation Pacha était inscrite au nom d‟une entreprise privée « off-shore »

appelé Bluebay Investments, et dont le siège était au Panama. L‟un des

fonctionnaires principal était César Almeyda, à l‟époque Président d‟INDECOPI

et, tel qu‟on l‟a déjà mentionné, avocat personnel du Président, et ancien

Président du Centre National d‟Intelligence. Il sera emprisonné en avril 2004,

pour le délit de trafic d‟influences et usurpation des fonctions. D‟après cette

dénonciation, la fondation de la Première Dame avait reçu d‟importantes

donations de la France et de l‟Espagne en déclarant qu‟il s‟agissait d‟un

organisme sans objectifs lucratifs.

- En mars 2004, Agencia Peru reprend cette affaire et dénonce la relation de

l‟ancien collaborateur du Président, impliqué dans d‟autres cas de corruption,

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César Almeyda, avec l‟ONG d‟Eliane Karp. Cette agence journalistique a rendu

public, des documents montrant cette liaison, lesquels avaient été fournis par

des anciens membres du Bureau de la Première Dame. En mai 2004, des

témoignages d‟anciens collaborateurs de la Fondation créditent la liaison

existant entre Karp, Almeyda et la Fondation Pacha.

- En juillet 2004, Almeyda –en prison depuis avril 2004- déclara que lui et

l‟épouse du Président, Eliane Karp, avaient conseillé la Banque Wiese en

représentation de l‟entreprise off shore Blue Bay et qu‟ils avaient reçu de

l‟argent pour ce travail, lequel avait été déposé sur le compte bancaire privée

de Karp.

En avril 2004, une très grave dénonciation contre le parti politique Perú

Posible et contre le même Président, remettra sur l‟agenda public le débat

sur la possibilité d‟un départ du président pour incapacité morale: la probable

falsification des signatures délivrées pour le parti du Président, à l‟époque

appelé País Posible (Pays possible), afin de l‟inscrire en 1998 auprès le Bureau

National de Processus Électoraux:

Avril-Octobre 2004 / mars-juillet 2005: Le scandale de la falsification

de signatures pour inscrire en 1998 le parti politique d’Alejandro

Toledo, à l’époque appelé País Posible :

- Dans la conférence de presse du 28 avril 2004, les parlementaires du

groupe d‟opposition Unidad Nacional, Rafael Rey, Xavier Barron et

Fabiola Montes, ont accusé le parti politique du Président, Perú Posible,

d‟avoir falsifié le 85% des signatures présentées au Bureau National du

Processus Electoral (ONPE, Oficina Nacional de Procesos Electorales) en

1998, afin de procéder à son inscription.

Les parlementaires ont présenté dans une conférence de presse 35 boîtes

portant les copies de plus de 70 mil feuilles de l‟ONPE ayant été falsifiées

par Perú Posible pour s‟inscrire.

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- La Commission de Fiscalisation / Surveillance du Parlement décida

d‟ouvrir une enquête, et le 31 mai le Ministère Public ordonna la réalisation

d‟une investigation graphologique des signatures. Après deux semaines

d‟évaluation, le 52 Bureau d‟Accusation Provinciale de Lima a initié une

enquête.

- En juillet 2004, le journal Peru 21, et l‟émission de télévision, « Cuarto

Poder », d‟América Télévision, présentent les déclarations du premier

témoin de la probable falsification des signatures. (4 juillet). Ce témoin,

dont l‟identité est restée secrète au moment de la diffusion, avait déclaré

auprès du 52 Bureau d‟Accusation Pénale de Lima que, tant le Président

que sa sœur, Margarita Toledo, étaient impliqués dans ce délit. Ces

médias ont rendu public ce témoignage qui avait été enregistré le 15 juin,

mais qui n‟avait pas été diffusé par le ministère chargé de l‟enquête. De

nouveau, le parlementaire Rafael Rey sera celui par qui l‟information sera

rendue publique. Toutefois, il sera nommé plus tard, à la diffusion des

reportages. Rey donnera son avis sur ce sujet.

Une semaine après cette dénonciation, l‟identité du témoin sera révélée –

Carmen Burga- et elle déclara qu‟elle n‟était pas la témoin et accusa le

parlementaire Rey de l‟avoir obligée de faire cette déclaration. Le jour

même de sa déclaration, elle pris la fuite du pays vers l‟Equateur. Le 17

juillet, le Président Alejandro Toledo donna un message à la nation, il niait

avoir été impliqué dans la falsification des signatures. (Il niera aussi son

implication dans un autre scandale déclenché en juillet: le cas Bavaria).

Durant les mois de juillet et août, différents médias –tel que El Comercio,

La República, Caretas, Correo- ont continué à révéler le nom d‟autres

personnes impliquées dans ce délit.

- Le 22 août, on annonce l‟existence d‟un autre témoin (Gladys Alvarez)

qui ratifie l‟accusation de Burga. Elle ajouta que le Président avait organisé

un déjeuné pour fêter l‟inscription illicite de son parti en 1998. Le 25 août,

le Président Alejandro Toledo répondit à ces accusations, en affirmant qu‟il

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porterait plainte contre Rafael Rey pour diffamation. Quelques jours avant,

Rey l‟avait qualifié de délinquant.

- Le 3 octobre, l‟émission Cuarto Poder diffuse la vidéo, sur laquelle le

Président Toledo fête l‟inscription de son parti, et Toledo prononce ce jour-

là, une phrase qui met en évidence sa connaissance de l‟opération de

falsification. Le même jour, le Président Alejandro Toledo appelle le

responsable de cette émission télévisée, et il s‟affronte en direct avec le

présentateur, en le traitant de lâche, et en précisant le « caractère vilain»

(canalla) du reportage. Quelques instants après, Toledo appela

Panamericana Télévision, et affirme que la vidéo est truquée « afin de

semer des mensonges ».

- Le 5 octobre, l‟équipe journalistique, et de production de « Cuarto

Poder » démissionne, elle dénonce le gouvernement pour avoir exercer

une pression sur la chaîne de télévision, afin d‟exiger la présentation de

ses excuses envers le Président. Un sondage d‟APOYO, réalisé le

dimanche 17 octobre, montra que 57% des personnes interrogées

pensaient que les journalistes avaient démissionné sous la pression

gouvernementale faite à leur directeur.

- Les journaux La República (centre gauche) et El Comercio (centre droit),

dont les corporations sont propriétaires d‟América Télévision, ont critiqué

dans leurs éditoriaux cette émission de télévision en remarquant « la

faiblesse et la partialité politique du reportage ». D‟après la revue Caretas,

le Conseil Consultatif de Plural s‟est réuni avec le chef de rédaction

d‟América Télévision, Julio Aliaga, afin de formuler ses critiques. Aliaga

s‟est réuni avec le Président Alejandro Toledo afin de chercher une

« sortie à l‟impasse ».

- Le 7 octobre, l‟hebdomadaire politique Caretas analysa cet incident en

manifestant son désaccord avec le traitement journalistique de cette

dénonciation en affirmant que : « il n’y a pas plusieurs occasions où on

constate de manière très claire, les contradictions existant entre la presse,

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et le pouvoir, mais aussi, et il faut le reconnaître, dans la presse-même.

Cette fois-ci, l’une des habituelles dénonciations stridentes du dimanche

soir a terminé pour mettre dans l’Une à l’émission « Cuarto Poder »

d’América Télévision, étant attrapée entre la stratégie de démolition

fujimorista et le mauvais calcul politique du régime…. (Le reportage) ne

montrait pas les preuves du délit et, en plus, il avait une édition partialisée

qui le restait crédibilité. De plus, le reportage fut accompagné par des

déclarations offensives du parlementaire fujimorista Rafael Rey, fer de

lance de la campagne pour faire chuter le régime, et ensuite commentée

favorablement par son collègue Mauricio Mulder (parlementaire

d’opposition, APRA). …

Il faudrait être très naïf pour adhérer à une dénonciation provenant d’une

enveloppe, et étant commentée par Rafael Rey, et tentant de

compromettre le Président de la République dans des actes criminels. Le

hasard voudrait que quelqu’un travaillant dans cette émission télévisée

connaissait l’ancienne position politique de Rey concernant à ce sujet ?

(en référence à la dénonciation journalistique du million de signatures,

pour procéder à l’inscription du parti politique de l’ancien président Alberto

Fujimori, délit qui fut confirmé après par la justice… »56

- Le 17 octobre, l‟émission de télévision « La Ventana Indiscreta »

reprendra ce sujet en présentant des enregistrements d‟audio révélant

qu‟un avocat du Président –Marcelo Allemant- avait essayé d‟acheter des

preuves afin de discréditer cette dénonciation.

- En mars 2005, la Commission du Parlement chargée de diriger une

enquête demanda la présence au Parlement du Président Alejandro

Toledo, mais celle-ci n‟a pas pu se concrétiser, parce que l‟Exécutif

n‟accepta pas les termes de cette rencontre.

56

CARETAS, “El tuerto es el Rey” (“Le borgne est le roi”) [en ligne]. In : Caretas, , Lima, 7 octobre

2004. Disponible sur: <http://www.caretas.com.pe/2004/1843/articulos/cuartopoder.html> (consulté le 22

juillet 2009)

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- Quelques jours avant la date prévue pour la présentation du Président au

Parlement –toujours refusé par l‟Exécutif-, le parlementaire Rafael Rey,

responsable de la dénonciation, présenta en conférence de presse un

software élaboré à cette occasion pour identifier les signatures falsifiées.

Le résultat qu‟il fut divulgé devant en les caméras prouva que 89.3% des

signatures du parti politique Perú Posible, étaient fausses,et démontrant

que sur 1 million de signatures, seulement 60 mil étaient valides. Cette

dénonciation montra que les signatures du Président Alejandro Toledo, et

l‟ancien Président Fernando Belaúnde étaient également fausses.

- Le Premier Ministre, Carlos Ferrero, a démenti cette annonce et exigea

que le software soit aussi utilisé pour vérifier les signatures de Renovation,

parti politique de Rafael Rey, lui aussi dénoncé par le journal La República

pour avoir falsifié des signatures.

- Vers fin de mars, le Président Alejandro Toledo réunit en privé, une

commission de parlementaires, au Palais du gouvernement, Toledo nia

avoir participé à la supposée falsification des signatures, et affirma qu‟il ne

connaissait pas Carmen Burga, la principale témoin.

- Après la réunion, les rumeurs d‟enregistrement de la réunion apparurent ;

les dénonciateurs furent les parlementaires proches du régime.

- Agencia Peru publia les accusations d‟Alberto Nieves, connu pour être

l‟auteur de la fraude électorale en faveur d‟Alberto Fujimori en Huanuco,

lors des élections de 1995 (Huanucazo), qui affirmait qu‟il fut contacté par

le Président Alejandro Toledo en 1997 afin de solliciter ses contacts, et

son expérience permettant d‟inscrire son parti politique País Posible.

Nieves affirma aussi que Toledo avait à ce moment-là l‟intention d‟installer

une « fabrique des signatures ». D‟après cette publication, Nieves avait

aussi travaillé dans le bureau du Parlementaire de Perú Posible, Doris

Sánchez.

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- En avril 2005, Agencia Peru publia des témoignages affirmant que le

Président Toledo avait rencontré en privé avec Oscar Medelius, accusé

d‟avoir organisé la « massive falsification des signatures » de Cambio 90,

le parti politique d‟Alberto Fujimori.

En juin 2004, une autre dénonciation journalistique provoque la

démission du Ministre d’Agriculture:

- le 4 juin, une émission de télévision d‟América Televisiñn, Cuarto Poder,

dénonça que le fils du Ministre d‟Agriculture, José Leñn Rivera, un jeune

homme de 25 ans, possédait une boite de prostitution en province (Trujillo,

La Libertad) fonctionnant dans un hôtel dont il était le propriétaire.

- Le 5 juin , le ministre démissionna le lendemain suivant la dénonciation .

Lors d‟une déclaration à la presse, le ministre accusa les travailleurs de

l‟hôtel d‟être les responsables de ce délit, et remercia les médias « de

l‟avoir alerté de cette situation ». Il présenta sa démission, et déclara à la

presse qu‟il souhaitait que sa décision contribue à la gouvernance du

Président Alejandro Toledo. Le même jour, le Premier Ministre, Carlos

Ferrero, annoncera à la presse, que le Président avait accepté la

démission de Leñn afin d‟éviter que le scandale médiatique généré pour

cette dénonciation ni affaiblisse, ni ne nuise à l‟image et à l‟action du

gouvernement.

Juin 2004 : le scandale Bavaria (corruption du régime)

- En juin 2004, une autre dénonciation impliquant l’ancien conseiller

du Président, César Almeyda, est rendue publique. C‟est le cas :

Bavaria. Le journal El Comercio publie le témoignage de l‟ancien

chauffeur, et assistant d‟un collaborateur d‟Almeyda, qui lui dénonce

d‟avoir reçu de manière illicite 2 millions de dollar de l‟entreprise

colombienne Bavaria, afin que la Commission Nationale de Valeurs,

Conasev, autorise l‟achète de la plupart de l‟actionnariat de l‟entreprise de

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bières Backus & Jhonston. Almeyda –déjà en prison- nia ces accusations,

Bavaria a fait pareil. Le 13 juillet, le Contrôleur Général de la République

initia une investigation afin de déterminer s‟il avait existé des irrégularités

dans les opérations d‟achats des actions de Backus de la partie de

l‟entreprise Bavaria.

- Entre juin et octobre 2004, d’autres dénonciations

journalistiques impliquant la famille du Président continuaient à

paraître. Parmi elles, publié par « La Ventana Indiscreta », affirmait que

le Ministère de Transport et Communications avait délivré de manière

irrégulière une concession de téléphonie fixe : Telecomunicaciones

Hemisféricas S.A.C., entreprise avec laquelle Pedro Toledo, le frère du

Président, entrenait une liaison commerciale. Le 19 juin, le Ministère du

Transport et des Communications a décidé de suspendre la concession

de ce service. En août, un autre frère du Président, Luis Toledo, fut

dénoncé pour avoir obtenu le titre de propriété d‟un terrain dans Lurin.

De même, le 19 septembre, l‟émission « Cuarto Poder » révéla

l‟existence d‟un groupe de travailleurs du Gouvernement, dirigé par un

neveu du Président (Fernando Toledo) était chargé d‟effrayer les

opposants du régime.

- Le 13 Octobre, la belle sœur du Président (Juana Rodríguez) est

arrêtée alors qu‟elle négociait des postes de travail au Parlement, pour

d‟autres personnes.

D‟ailleurs, les fréquents scandales politiques déclenchés par les médias, et par

l‟opposition au cours de l‟année 2004, ont affecté sérieusement le pouvoir

politique du régime. C‟est pour cette raison que le parti Perú Posible a perdu la

Présidence du Congrès en juillet 2004 en faveur d‟Unidad Nacional (le

président élu fut le parlementaires UN Antero Flores Araoz).

Tant cette situation, que les nombreuses dénonciations pour corruption contre

lui, sa famille et son parti politique, a pesé énormément sur la décision du

Président de rendre publique son compte bancaire privé. Toledo a annoncé sa

décision lors son discours annuel de juillet auprès le Corps Législatif (en raison

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66

du fête nationale, le 28 juillet), étant transmis par les médias au niveau

national.57

L‟année 2005 commença aussi par de vives protestations sociales dans

différents départements du pays, s‟ajoutant à cela et dès le mois de janvier, la

grande crise politique qui surgit suite à une révolte militaire violente présidée

par un ancien militaire, Antauro Humala (ancien participant d‟un essai de coup

d‟État contre Alberto Fujimori en 2000). Cet événement a provoqué la mort de

quatre policiers, et la démission du Ministre de l‟Intérieur, Javier Réategui. Les

partis d‟opposition, APRA et Unidad Nacional, ont essayé de censurer le

Premier Ministre, Carlos Ferrero, et le Ministre de la Défense, Roberto Chiabra ,

mais cette demande n‟a pas connu de suite. 58 La pression continua, et le

Président Toledo du renouveler quatre des ministères, cependant, les

changements –ayant favorisé les membres du Perú Posible- ont provoqué des

critiques, non seulement de l‟opposition, mais surtout de certains membres du

parti politique du Président. Cela a intensifié encore une fois le débat à propos

du manque de gouvernance, de discipline et d‟ordre dans le parti du Président.

Jusqu‟en juillet 2005, 19 membres de la famille d‟Alejandro Toledo étaient mis

en examen pour le délit de corruption. César Almeyda, était déjà en prison,

accusé pour avoir suborné des juges. De même, sept ministres ont dû

démissionner de leurs fonctions pour trafic d‟influences..

57

PAGINA 12 , Santiago, 29 juillet 2004. 58

En janvier 2005, l’émission télévisée La Ventana Indiscreta, de Frecuencia Latina (chaine 2) présenta

des déclarations et des documents révélant qu’Alejandro Toledo n’avait pas été kidnappé et drogué, en

octobre de 1998, par des membres du SIN, afin de discréditer ultérieurement son image publique –tel

qu’il l’avait dénoncé lors des élections de 2000. De plus, la revue Caretas critiqua l’attitude journalistique

de ces émissions pour ne pas mentionner que cette publication avait dénoncé pour la première fois la fauté

de ce kidnapping en mars 2001.

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67

2. Bilan des scandales politiques déclenchés durant le régime

d’Alejandro Toledo

«On avait une dénonciation hebdomadaire. Une révélation et sa suite…

quand quelqu’un disait que l’on mettait en risque la démocratie, on répondait

que ce n’était pas vrai, que ceux qui mettaient en risque la démocratie

étaient les politiciens… ». (Orazio Potestá, Editor en Chef, Unité

d’Investigation, journal Correo)59

“Le public était plus nombreux… à cause de la campagne de (Vladimiro)

Montesinos, à 2000, ce qui n’a pas été bien résolu par Toledo, et qui a aussi

été renforcé par les erreurs de Toledo lui-même… ». (Fernando Rospigliosi,

ancien Ministre de l’Intérieur, 2001, et journaliste de la revue Caretas)60

2.1. Quelques aspects théoriques.

Tel qu‟il est signalé par les différentes recherches sur le scandale comme

phénomène social, le scandale se produit à partir de la révélation publique

d‟une transgression aux normes socialement et politiquement acceptées (la

dénonciation devient publique principalement grâce aux annonces faites dans

les différents médias et notamment par le net). L‟existence et le contenu de

l‟annonce qui provoque le scandale sont généralement et initialement connus

par un groupe déterminé de personnes. Après divulgation, le scandale

provoque des réactions publiques de désapprobation (la sanction publique). En

effet, le scandale est un processus où une publicité des actions transgressives,

il a la capacité et le potentiel de provoquer non seulement l‟impact social mais

surtout la sanction publique.

En effet, on peut affirmer que la notion du scandale implique l‟identification de

quatre aspects: a) l‟existence d‟un acte transgressif qui a été produit dans une

dimension secrète ou cachée aux yeux du public mais qui est connu par un

groupe réduit ayant intérêt à le maintenir dans cette condition-là; b) cet acte

59

Entretien effectué le 9 mai 2008, Lima, Pérou. 60

Entretien effectué le 14 mai 2008, Lima, Pérou.

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68

transgressif va contre les principes socialement établis et par conséquent

possède la capacité d‟impacter négativement le public ; c) la révélation ou

« mise en visibilité » de l‟acte transgressif au travers d‟une dénonciation

publique (Thompson); d) la manifestation publique de la sanction de cette

transgression et les sanctions elles-mêmes. (Thompson ; Becker61)

La révélation ou la dénonciation de la transgression commise provoque non

seulement la désapprobation initiale, mais surtout la négation ou la contre-

dénonciation (counter-allegations) proférée par les individus impliqués

augmentant les enquêtes et les révélations et, par conséquent, montrant un

deuxième niveau des transgressions.62

Ainsi, transgression, révélation d‟un secret, impact publique, sanction publique,

sont les éléments à prendre en compte dans l‟étude du phénomène du

scandale et le processus qu‟il doit affronter pour exister.

a. Premièrement, en ce qui concerne la déviation de la norme instituée. On peut

affirmer que la reconnaissance des scandales comme des processus sociaux,

permet de comprendre que dans leur construction est impliquée une ample

variété de facteurs et de circonstances qui déterminent les raisons pour

lesquelles certaines dénonciations ou révélations deviendront des scandales.

De cette manière, on peut analyser le scandale comme un phénomène

permettant d‟identifier non seulement, les valeurs et les principes acceptés par

un groupe social en particulier, dans un moment spécifique de son histoire,

mais aussi les niveaux de la tolérance sociale existante envers certaines

transgressions. En effet, toutes les transgressions révélées ne seront pas

forcément objet d‟une sanction publique, comme celle qui se produit dans les

cas de corruption politique et financière.63

Tel qu‟on l‟a déjà signalé, même si Pierre Bourdieu ne développe pas une

analyse spécifique sur la fonction instituant des scandales dans le jeu politique,

61

BECKER, Howard, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985, p. 35. 62

THOMPSON, John, Political Scandal: Power and Visibility in the Media Age, Malden, Blacwell, 2000,

p. 24 63

Ibid, p.28.

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69

on peut constater que son travail sur l‟autonomie du champ politique reconnaît

le scandale comme un indice d‟évaluation ou d‟exclusion éventuelle quand un

principe propre du champ politique est transgressé. Bourdieu signale à ce sujet

que « celui qui entre en politique s‟engage tacitement à s‟interdire certains

actes incompatibles avec sa dignité, sous peine de scandale ».64

b. Deuxièmement, le déclanchement d‟un scandale s‟explique car l‟action

révélée contredit les normes socialement établies et acceptées. Cette

contradiction des normes et des valeurs socialement acceptées motivent une

réaction d‟indignation et de désapprobation (pas par tous les indignés)

publiquement manifestée, provoquée par ce qui est interprété comme une

violation de la confiance sociale.

A ce sujet, Fernando Jiménez explique qu‟au moment d‟établir une relation

entre l‟opinion publique et le scandale, il se produit une réaction d‟indignation

de l‟opinion publique contre un agent politique considéré responsable d‟un

comportement pointé comme un abus de pouvoir ou une trahison de la

confiance sociale. Jiménez met en relief cette relation pour analyser les

scandales politiques produits dans les démocraties libérales contemporaines.

Selon cet auteur, dans ces systèmes politiques, l‟autorité politique se fond sur

la représentation et le fondement de celle-ci se base sur le « rendu de compte »

de ses actions vers les citoyens (les électeurs). De ce fait, cette idée de

représentation réside sur la notion de responsabilité, sur l‟obligation de la part

des gouvernants, de rendre compte de leurs actions envers les citoyens.

Quand les gouvernants rompent cette confiance, il se produit une déception

sociale. En effet, tel qu‟il est signalé par Sartori (1977) ou Thompson, la nature

du scandale politique est fortement associée aux fondements de l‟autorité

politique basée sur le concept de la confiance sociale.65

64

BOURDIEU, Pierre, Propos sur le Champ Politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 52 65

JIMENEZ, Fernando, Detrás del escándalo político: Opinión Pública, dinero y poder en la España del

siglo XX, Madrid, Tusquet editores, 1995, p. 1100.

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70

La crise idéologique affrontée par les partis politiques, la complexité des

sociétés contemporaines, l‟incapacité des partis politiques de satisfaire les

demandes des sociétés et la centralité ou concentration des médias au

moment de configurer le jeu politique ont institué une manière de pratiquer la

politique basée sur la confiance des politiciens. 66

D‟ailleurs, cette condition d‟indignation et de désapprobation publiquement

manifestée essentiellement dans les scandales souligne un autre élément

composant de la dimension publique du scandale. C‟est le public qui détermine

si un scandale dénoncé en est « réellement » un ou pas. Luc Boltanski67 affirme

que, en étant d‟accord avec Dampierre, c‟est le public qui évalue (ou « teste »,

selon les termes de Dampierre) s‟il est capable d‟accepter la transgression des

valeurs ou non. C‟est le public qui va mettre à l‟épreuve son sens commun du

juste et de l‟injuste.

c. Troisièmement, en ce qui concerne la révélation et la « mise en visibilité» des

transgressions, on pourra mentionner que le scandale se produit à partir de la

révélation ou de la publication d‟une transgression qui jusqu‟à ce moment-là

demeurait dans le secret (on approfondira cet aspect dans le prochain

chapitre).

La publication ou « mise en visibilité » d‟une transgression implique un parcours

qui va du « sens caché » au « sens publique ». C‟est John B. Thompson qui a

développé ce concept en l‟identifiant comme l‟un des éléments les plus

centraux dans l‟étude du scandale. D‟après lui, le scandale émerge quand le

fait caché devient public. A partir de la dénonciation et de la révélation publique,

il génère des réactions de désapprobation. Thompson souligne cette

caractéristique essentielle du scandale en expliquant que, à l‟époque actuelle,

ce sont les médias qui rendent possible ce processus de « mise en visibilité ».

De cette manière, c‟est ce même auteur qui propose qu‟à ce moment, tout

scandale politique soit médiatisé, parce que la politique évolue de nos jours

66

THOMPSON, John, Op. cit, p. 113. 67

BOLTANSKY, Luc, La souffrance à distance. Morale humanitaire, médias et politique, Paris,

Métailié, 1993, p. 215-219.

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71

dans la sphère médiatique, en utilisant des moyens de communication

médiatique.

d. Quatrièmement, en ce qui concerne la manifestation publique de la

désapprobation, on reprend la position de Thompson qui affirme qu‟afin que le

scandale se produise, il faut une révélation publique capable de créer un impact

social, mais surtout une sanction exprimée publiquement. Certes, les

scandales n‟impliquent pas seulement que la transgression provoque un impact

négatif sur la société à cause de sa nature contrevenante des normes et

valeurs acceptées mais faut-il aussi que cette désapprobation soit

publiquement manifestée.

Quand on analyse le phénomène scandaleux à partir de la nécessité d‟une

manifestation publique de désapprobation, il ne faut pas se limiter à la

désapprobation manifestée par le public qui n‟était pas au courant de cette

transgression. En effet, cette désapprobation trouve une phase antérieure

surgissant entre ceux qui sont impliqués dans le processus de dénonciation.

John B. Thompson les appelle les « non-participants », cela veut dire, les

acteurs qui connaissent la transgression avant qu‟elle devienne publique et qui

s‟estiment offensés : selon Thompson, certains d‟entre eux exprimeront

publiquement leur désapprobation à travers la dénonciation de ces actions ;

cette révélation et condamnation publique peuvent endommager la réputation

des responsables de ces actions (même si cela n‟arrive pas toujours).68

2.2. Bilan des scandales politiques durant le régime d’Alejandro Toledo :

2001-2005

La reconnaissance des éléments théoriques mentionnés permet de comprendre

qu‟un scandale politique est, tout d‟abord, une construction sociale dont la

configuration dépend de différents acteurs et facteurs exogènes à la nature de

la transgression elle-même (le contexte politique ou social, le public, les acteurs

intéressés au déclenchement des scandales et ceux qui réagissent pour l‟éviter

68

THOMPSON, John, Op. cit, p. 14-15.

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ou pour dévier sa cible). Comprendre cet aspect des scandales résulte

essentiel au moment d‟initier une analyse sur les facteurs participant à la

configuration des scandales, car il les situe comme des phénomènes

autonomes par rapport à la volonté ou à l‟intérêt d‟un seul acteur (ou groupe

d‟acteurs) étant impliqué dans la révélation de la transgression commise ou

dans les actions publiques de négation ou de discrédit de la dénonciation.

D‟ailleurs, le déclanchement d‟un scandale s‟explique car l‟action révélée

contredit les normes socialement établies et acceptées. Cette contradiction des

normes et des valeurs socialement acceptées motivent des réactions

d‟indignation et de désapprobation (pas par tous les indignés) publiquement

manifestées, provoquées par ce qui est interprété comme une violation de la

confiance sociale. Et dans ce processus, c‟est le public qui détermine si un

scandale dénoncé en est « réellement » un ou pas. Luc Boltanski69 affirme que,

en étant d‟accord avec Dampierre, c‟est le public qui évalue (ou « teste », selon

les termes de Dampierre) s‟il est capable d‟accepter ou de tolérer la

transgression des valeurs ou non. C‟est le public qui va mettre à l‟épreuve son

sens commun du juste et de l‟injuste.

La susceptibilité du public face à la dénonciation publique d‟un délit ou d‟une

transgression dépend de différents facteurs, non seulement culturels mais aussi

des facteurs politiques du moment où la révélation d‟une transgression est

réalisée.

Dans le cas du régime d‟Alejandro Toledo, soit durant les années qui ont suivi

la fin du régime d‟Alberto Fujimori, le sujet de la corruption et de l‟abus du

pouvoir étaient de fait à haute sensibilité pour l‟opinion publique péruvienne.

« La corruption dans le régime de Toledo était un sujet sensible pour la

population. Les gens reconnaissait que celle-ci n’était pas la corruption de

celle du régime de Fujimori mais elle touchait une point sensible du

pays… je me souviens que des employés de la banque, des managers,

69

BOLTANSKY, Luc, Op. cit, p. 215-219.

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tous avaient perdu leur travail… beaucoup de monde a du déménager

vers d’autres quartiers moins riches. Mais, le Président ne se montrait pas

touché par cette situation ayant frappée la plupart des gens. Il prenait des

vacances de manière permanente… Donc, tout cela, même si ce n’était

pas la persécution gouvernementale ou la grande escroquerie bancaire

existant durant le régime de Fujimori, tout cela a provoqué de l’indignation

parmi les gens ».

(Roxana Cueva, directrice journalistique, « Cuarto Poder » (émission

télévisée), América Télévision)70

L‟autoritarisme existant durant les années de Fujimori, l‟abus de pouvoir, la

corruption à grande échelle organisée depuis le cœur du régime même, étaient

des comportements politiques qui ne seraient pas acceptés durant la période

de transition et surtout durant le premier gouvernement élu démocratiquement

après la démission d‟Alberto Fujimori et l‟emprisonnement de son principal

conseiller, Vladimiro Montesinos. Donc, le nouveau régime devait montrer une

attitude radicalement opposée à celle du gouvernement sortant. Les exigences

seraient pareilles pour l‟opposition politique et les médias, les deux étant aussi

mis en question durant la période post-autoritarisme à cause de leur relation

avec la corruption lors du régime de Fujimori. Cette situation explique, par

conséquence, tant l‟attitude de permanente surveillance du pouvoir, provenant

de tous les secteurs politiques et sociaux, que le haut degré de susceptibilité

par rapport aux dénonciations d‟abus de pouvoir gouvernemental, des actes de

corruption, etc.

C‟est pour cette raison, que la décision du régime de fixer un salaire élevé pour

le Président, depuis le début de l‟installation du régime, a été rapidement

remarquée et critiquée par les médias : un mois après avoir initié son régime, la

presse dénonça le fait qu‟Alejandro Toledo gagnait un salaire de 18 000 dollars,

dépassant les salaires d‟autres présidents de la région. Différents médias ont

suivit ce sujet à tel point qu‟en novembre 2001, le Président Alejandro Toledo a

du annoncer la diminution de son salaire à 12 000 dollars.

70

Entretien effectué le 14 mai 2008, Lima, Pérou.

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74

“ Toledo commence son premier mois comme Président en augmentant

son salaire. Il prévoit 18 000 dollars et après il le réduit à 12 000, à cause

de tout le scandale provoqué. Au même moment, toutes les dénonciations

contre sa famille, commencent à sortir. Les médias montraient sans cesse

cette ambiance de frivolité. Un autre cas a été le remodelage du Palais du

Gouvernement, quand ceci n’était pas nécessaire, quand il existait des

problèmes économiques…». (Roxana Cueva, directrice journalistique,

« Cuarto Poder » (émission télévisée), América Télévision)71

“(Toledo) lui-même a provoqué les scandales… L’un des scandales qu’il a

provoqué et qui a motivé une série de critiques a été l’augmentation de

son salaire. Il gagnait plus que le président américain de l’époque, Bill

Clinton. C’était facile pour les journalistes de dénoncer cela car le salaire

avait été approuvé par un Décret suprême. Et quand on a demandé à

Toledo, il ne nous a pas répondu. Il fuyait la presse, il se mettait en colère.

.. Cela provoquait aussi un autre effet, on insistait davantage ». (Jorge

Saldaña, rédacteur, Politique, journal El Comercio)72

L‟image du régime dépensier allait contre l‟esprit d‟austérité que le

gouvernement de transition de Valentin Paniagua (2000-2001) avait installé en

raison de la corruption à grande échelle existant durant le régime de Fujimori et

sous lequel avait été basé le discours électoral d‟Alejandro Toledo afin de

gagner les élections de 2001.

Tel que déjà signalé, durant le premier semestre du régime d‟Alejandro Toledo

(juillet 2001-décembre 2001), les médias ont dénoncé des actes de dépense

excessive de la part du régime et de son entourage (en octobre 2001, une autre

dénonciation journalistique montrait que le Président et son entourage politique

avaient dépensé $700,000 dans un voyage en Equateur, Chine et Espagne),

des actes de népotisme (en octobre de 2001 une nièce du Président –Jessica

71

Entretien effectué le 14 mai 2008, Lima, Pérou. 72

Entretien effectué le 14 mai 2008, Lima, Perou.

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75

Toledo- avait été embauchée comme professionnelle au Parlement alors qu‟elle

n‟était encore qu‟une étudiante ; Mlle Toledo a du démissionner).

D‟ailleurs, durant ce premier trimestre du régime de Toledo, les médias se sont

montrés critiques contre certains aspects du comportement du nouveau

Président : il n‟était jamais à l‟heure à ses rendez-vous avec la presse, sa

journée de travail commençait très tard, il était frivole, il déjeunait dans les

restaurants « chics », il ne savait pas parler, etc. Par exemple, la revue Caretas

(l‟un des médias supporteurs de Toledo lors de la campagne électorale 2000)

commentait dans son éditorial sur les 100 premiers jours du régime de Toledo :

« Ce sont des facteurs qui portent un caractère symbolique, un effet négatif de

démonstration, surtout dans un pays qui affronte une crise prolongée et où la

plupart des gens lutte contre la pauvreté, saisie par des salaires infimes. »73

Ces critiques et dénonciations pour corruption et gaspillage, ou pour le salaire

élevé du Président, unies aux protestations sociales enregistrées dans

différentes régions du pays, montraient l‟ambiance de surveillance permanente

de la part des acteurs politiques particulièrement à un moment où il existait une

sensibilité particulière à propos de la corruption gouvernementale ou du profit

de la part du pouvoir des ressources de l‟État.

Afin d‟effecteur l‟identification de certains scandales politiques déclenchés

durant le régime d‟Alejandro Toledo et de comprendre pourquoi certains

dénonciations ont abouti à la sanction publique contre les actions du régime,

spécialement lors des trois premiers années du régime, on voudrait s‟arrêter un

instant sur les aspects théoriques et reprendre ce que John Markovits et Mark

Silverstein expliquaient autour de la « nature politique » des scandales. D‟après

ces auteurs, un scandale politique se produit quand la logique de la procédure

légale (due process, en anglais) est dépassée par la logique de l‟exercice du

pouvoir, c‟est-à-dire, quand les transgressions sont le résultat de l‟exercice du

pouvoir sans prendre en compte les limitations et les régulations pourvues par

73

CARETAS (novembre 2009), Op. cit. Disponible sur:

<http://www.caretas.com.pe/2001/1695/articulos/toledo.phtml > (consulté le 22 juillet 2009)

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76

les normes.74 De cette façon, d‟après Markovits et Silverstein, le point du conflit

entre la logique de la procédure légale et celle de l‟exercice du pouvoir réside

sur le fait que la procédure légale implique une dimension publique et inclusive

(la procédure légale établie des règles et des normes avec lesquelles le pouvoir

politique est exercé), tandis que l‟exercice du pouvoir implique une dimension

privé et exclusive (le pouvoir est habituellement exercé d‟une façon plutôt

secrète et cachée auprès du public). Donc, les scandales politiques impliquent

un degré déterminé d‟abus du pouvoir, aux dépens des procédures légales.75

Par exemple, les allégations de tentatives d‟intervention de la part du régime

dans les procès judiciaires contre le Président Alejandro Toledo (l‟affaire Zaraí)

ou dans les procès judiciaires contre les entreprises de télévision ayant eu une

liaison avec les actes de corruption du régime d‟Alberto Fujimori, enregistrées

durant les trois premières années de son gouvernement, sont associées aux

dénonciations associées à l‟abus du pouvoir du régime.

De même, les apports de Markovits et Silverstein font référence à un aspect

fondamental des scandales politiques : la base de l‟exercice du pouvoir

politique se trouve dans la confiance donnée par les citoyens au moment d‟élire

leurs représentants, cette confiance est donnée en échange de l‟engagement

des représentants élus à utiliser le pouvoir politique pour maintenir l‟ordre public

et pour poursuivre la satisfaction de leurs demandes. Afin de contrôler

l‟accomplissement de cet engagement s‟établit la logique du respect à la

procédure légale, celle qui norme aussi l‟élection des représentants. Donc,

quand la transgression est commise par un acteur politique en exerçant le

pouvoir politique mais en ignorant ce qui est établit par la procédure légale on

devrait être face à un scandale de nature politique.

Cet autre élément des scandales politiques explique la raison pour laquelle le

gouvernement d‟Alejandro Toledo a montré une susceptibilité auparavant pas

enregistrée vers les dénonciations journalistiques.

74

MARKOVITS, Andrei et SILVERSTEIN, Mark, The Politics of Scandal. Power and Process in

Liberal Democracies, New York, Holmes and Meier, 1988, p.1-2.; THOMPSON, John, Op. cit, p. 133. 75

THOMPSON, JohN, Op. cit, p. 134.

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77

En effet, quand Alejandro Toledo et son équipe sont arrivés au pouvoir, il

atteignait un indice d‟approbation de 55%. L‟équipe gouvernementale se

targuait d‟avoir comme propos l‟établissement d‟un « gouvernement de

reconstruction » : « Sous Fujimori, la corruption a ravagé le pays… Toutes les

institutions ont été touchées, les partis, les syndicats, l‟Eglise, la justice… Nous

devons maintenant relever ce pays, prendre le virage de la moralité, mais les

dégâts sont tels que nous n‟aurons pas trop d‟un mandat de cinq ans »76. Ce

propos faisait partie du message que le gouvernement voulait proposer à

l‟opinion publique : devenir un régime transparent et démocratique qui lutterait

contre le système de corruption implanté durant le régime d‟Alberto Fujimori et

qui ferait appel aux meilleurs professionnels afin de résoudre les problèmes les

plus importants du pays.

Toutefois, les expectatives créées autour du nouveau régime, mais aussi les

demandes de différents acteurs politiques qui pensaient avaient contribué à la

chute de Fujimori et à l‟arrivée au pouvoir d‟Alejandro Toledo, étaient si

nombreuses, que cela a contribué à installer une ambiance politique

désordonnée et de confrontation permanente, où ces expectatives ont été

rapidement frustrées.

Cette fragilité politique a aussi été alimentée tant par l‟incapacité du

gouvernement de réagir efficacement à ces demandes, et par la

désorganisation et la lutte pour le pouvoir à l‟intérieur du parti Perú Posible, que

par les facteurs politiques déjà indiqués et les antécédents récents de

corruption du régime sortant : « l‟héritage de la destruction institutionnelle et la

méfiance léguée par le fujimorismo (dénomination du système politique installé

par Alberto Fujimori), les résistances des intérêts mafieux liés à Vladimiro

Montesinos conspirant contre le régime démocratique, les erreurs du Président

Toledo, le développement de stratégies peu collaborationnistes ou de

confrontation de la part de l‟opposition », mais aussi, «la profonde crise de

76

Déclarations de Alvaro Quijandria, l’un des conseillers politiques d’Alejandro Toledo :

ARMENGAUD, Jean-Hébert, “Pérou: Toledo tourne la page Fujimori”. [en ligne]. In : Libération, 5 juin

2001. Disponible sur: <http://www.liberation.fr/monde/0101376367-perou-toledo-tourne-la-page-

fujimori> (consulté le 20 juillet 2008)

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78

légitimité de l‟ensemble des institutions du régime politique. Ceci parce que, tel

que les sondages le montrent, la citoyenneté se défit non seulement du

Président mais aussi des institutions démocratiques en général : le Congrès, le

Pouvoir Judiciaire et les partis politiques, tant du gouvernement que de

l‟opposition »77

Néanmoins, les scandales politiques ne se limitent pas uniquement aux actions

liées à l‟abus de l‟exercice du pouvoir. La définition de champ politique proposé

par Bourdieu et récupérée par Thompson dans son étude sur les scandales

politiques médiatiques nous donnera les éléments nécessaires pour identifier

les scandales de nature politique dans un sens plus ample.

D‟après cette conception, un scandale politique est un scandale impliquant des

individus et des actions qui sont situés dans un champ politique et qui ont un

impact sur les relations établies dans ce champ. Thompson reprend les

réflexions faites par Pierre Bourdieu autour de la notion du champ politique pour

proposer cette définition de scandale.

D‟après Bourdieu, le champ politique est le champ qui concerne les institutions

de l‟État lorsque celles-ci sont chargées principalement de l‟organisation des

normes, en étant de ce fait, les principaux détenteurs du pouvoir politique, c‟est-

à-dire, le pouvoir qui s‟occupe tant de la coordination parmi les individus que de

la régulation de leurs règles d‟interaction. Le champ politique est un « champ de

forces, et un champ de luttes pour transformer les rapports de forces. »78

De cette façon, les scandales peuvent être proprement politiques ou associés à

l‟exercice du pouvoir (en suivant la proposition de Markowitz et Silverstein),

mais aussi, quand le gouvernement est impliqué dans des actes transgressifs

d‟ordre financier (des actes de corruption, par exemple) et sexuels (mettant en

question la qualité morale du gouvernant). Cette définition ample du scandale

77

TANAKA, Martín, “El gobierno de Alejandro Toledo, o cómo funciona una democracia sin partidos”

(“Le gouvernement d’Alejandro Toledo, ou comment marche une démocratie sans partis) [en ligne]. In:

Política, 2004, Lima, no. 42, p. 130. Disponible sur:

< http://redalyc.uaemex.mx/pdf/645/64504207.pdf> (consulté le 30 juillet 2008) 78

BOURDIEU, Pierre, Op. cit, p. 61.

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79

politique, impliquant ces trois types d‟actes transgressifs étant capables de

déclencher les scandales, a été proposée par John Thompson, qui propose sa

définition des scandales politiques à partir du concept de champ politique de

Pierre Bourdieu.79

Dans les cas des scandales sexuels ayant plus d‟impact et affectant le

Président Alejandro Toledo, on trouve le scandale Zaraí, celui de l‟enfant non

reconnue par le Président Alejandro Toledo, conçue durant l‟époque où il était

séparé temporairement de sa femme, Eliane Karp, et dont la bataille légale

datait de 1984. Ce scandale a affecté sérieusement l‟image de Toledo

concernant son intégrité morale. Ce scandale ainsi qu‟une autre dénonciation

rendue publique durant les campagnes électorales de 2000 et 2001, concernant

« le jour perdu de Toledo » (où il a été accusé d‟avoir eu une nuit folle d‟alcool,

sexe et drogues), ont mis en question depuis la période électorale l‟intégrité

morale de celui qui serait le prochain Président du Pérou. Une fois au pouvoir,

cette image, et plus spécifiquement, le « cas Zarai » continuerait à le

tourmenter en l‟obligeant, finalement, en 2003, à reconnaître la paternité de

Zarai Toledo sans se soumettre à l‟examen ADN, récemment ordonné par un

tribunal judiciaire.

Les scandales de corruption et de népotisme (abus de pouvoir) à l‟intérieur du

régime, de la part de son entourage politique le plus proche, tel que sa propre

famille, ont aussi fait partie du répertoire des dénonciations contre le régime

d‟Alejandro Toledo.

Tel qu‟on l‟a mentionné, c‟est la réaction publique face à une dénonciation et le

niveau et l‟efficacité de la pression sociale exercée contre les acteurs impliqués,

qui déterminent si la dénonciation déclenchée pourra devenir un scandale ou si

celle-ci suivra un autre destin : soit elle est mésestimée par le public, soit elle se

tourne contre les acteurs politiques ayant contribué au rendu public.80

79

THOMPSON, John, Op. cit, p. 135. 80

CLAVERIE, Elisabeth, « La naissance d’une forme politique : l’affaire du Chevalier de la

Barre », in Roussin (P.), dir., Critique et affaires de blasphème à l’époque des Lumières,

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80

Dans le cas péruvien, on peut affirmer que la plupart des dénonciations

politiques se sont achevées en vrais scandales, en provoquant des crises

politiques au sein du gouvernement (tel que la démission des Ministres ou la

rénovation complète de tout le Cabinet de Ministres) et en obligeant le

Président lui-même a donner des explications sur chaque dénonciation faite,

non seulement contre lui, mais aussi contre le régime, son parti politique et sa

famille.

C‟était par exemple le cas des dénonciations journalistiques contre César

Almeyda, à l‟époque Président du Conseil National d‟Intelligence (CNI),

conseiller politique et avocat du Président Alejandro Toledo lors du « Cas

Zarai . En avril 2003, est déclenché le premier scandale l‟impliquant, le

« scandale Almeyda et l‟espionnage téléphonique », quand une émission

télévisée de Frecuencia Latina révélé qu‟Almeyda avait pratiqué l‟espionnage

téléphonique sur des opposants du régime, en utilisant les ressources

logistiques installées durant la gestion de Vladimiro Montesinos, déjà en prison.

Cette émission l‟accusait aussi d‟avoir initié un plan de répartition des postes

publiques aux membres du parti politique Perú Posible. Quelques jours après

cette dénonciation, et même si le CNI avait émit un communiqué de presse en

rejetant ces accusations, César Almeyda a du démissionner de la présidence

du CNI.

Au début de 2004, une nouvelle dénonciation contre Almeyda était rendue

publique. Cette fois-là, en l‟accusant d‟avoir négocié avec un général de

l‟ancien régime, Oscar Villanueva, à l‟époque recherché par la justice, et alors

que Almeyda était encore chef du CNI. Dans les transcriptions des

conversations tenues entre Almeyda et Villanueva, publiées par deux journaux

locaux, l‟ancien chef du CNI lui offrait des bénéfices pénitentiaires car il avait de

l‟influence sur le Ministre de la Justice de l‟époque, Fernando Olivera. A ces

accusations, il s‟est ajouté le témoignage d‟un ancien collaborateur de

Honoré Champion, 1998. Cfr. Par DE BLIC, Damien et LEMIEUX, Cyril, « Le scandale comme épreuve.

Éléments de sociologie pragmatique », Politix, Revue des sciences sociales du politique, Vol. no. 18, No

71, 2005, p. 72-73.

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81

Villanueva, « l‟agent Sun », qui impliquait quelques membres de la famille du

Président.

Le Parlement, présidé par l‟opposition politique, demanda une enquête sur le

Ministre de la Justice et la démission de tout le Cabinet Ministériel, composé

dans sa majorité par des membres du parti gouvernemental. Le Président,

accompagné de ses Ministres, fit un message télévisé à la nation afin de

montrer ses distances avec Almeyda. Dans cette émission télévisée, le

Président annonçait aussi le remaniement du Cabinet des Ministres : 7 de 15

ministres ont été changés. La justice a initié une enquête sur ce sujet et en avril

2004, Almeyda a été emprisonné, accusé du délit de trafic d‟influences et

usurpation des fonctions.

Ce cas est significatif parce que la détention pénale d‟Almeyda est la première

impliquant un haut fonctionnaire d‟un régime en cours et si proche au Chef

d‟État. Les dénonciations l‟impliquant dans ces cas de corruption (une autre

dénonciation sortie en avril 2004 a été celle qui l‟impliquait avec la femme du

Président dans un cas de corruption – « le cas Conapa ») et d‟abus de pouvoir

ont motivé une pression si forte de la part de l‟opposition politique, de la presse

et de l‟opinion publique car les caractéristiques de ces délits gardaient des

relations si proches avec le modus operandi du conseiller présidentiel de

Fujimori et ancien chef du Service d‟Intelligence Nationale, Vladimiro

Montesinos, qui avait la capacité de faire pression sur les différents institutions

de l‟État, voire le Pouvoir Judiciaire, et qui avait implanté un système de

vigilance et de persécution des acteurs politiques opposants au régime.

Le fait qu‟un personnage proche du nouveau régime, ayant été élu de manière

démocratique, après un processus difficile de transition politique, utilisât le

pouvoir obtenu démocratiquement pour obtenir des bénéfices particuliers et

essayât d‟appliquer les mêmes mécanismes de pression utilisés par le régime

antérieur, a provoqué l‟indignation publique immédiate, laquelle a obligé le

régime à prendre des décisions immédiates : écarter du gouvernement et du

parti politique César Almeida, remanier le Cabinet minsitériel en remplaçant 7

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82

ministres (sur un total de 15) par 7 professionnels « indépendants » (sans

liaison politique avec « Perú Posible).

* D‟autres scandales politiques ayant provoqué la sortie de hauts fonctionnaires

du régime et, par conséquence, ayant remis en question la transparence de sa

gestion ont été ceux qui impliquaient le Premier Vice Président et Ministre de

Tourisme et Commerce Extérieur, Raul Diez Canseco, et la Première Ministre

Beatriz Merino.

Le vice président Diez Canseco a été accusé par un journal local, en

novembre 2003, non seulement de maintenir une relation sentimentale avec

une jeune fille 30 ans plus jeune que lui, en étant formellement marié, qui

travaillait aussi dans son cabinet, mais surtout d‟avoir utilisé sa position de vice

président et ministre d‟État pour émettre un Décret suprême sans l‟approbation

du Parlement. Ce décret exonérait du paiement des impôts les entreprises

vendant des aliments dans la zone internationale de l‟aéroport Jorge Chavez ;

or, ledit décret, d‟après les accusations, aurait été émis pour aider le père de sa

maitresse. Cette dénonciation, ayant comme axes le questionnement de

l‟honnêteté, le bon exercice du pouvoir et la qualité moral de Diez Canseco, a

provoqué la réaction immédiate tant de l‟opposition politique que de l‟opinion

publique. Diez Canseco a tenté de nier ces accusations mais les médias ont

continué à faire pression en se centrant plutôt sur son affaire amoureuse. En

décembre 2003, Diez Canseco a du démissionner du Ministère et il a du

s‟excuser auprès du Parlement et des citoyens pour «n‟avoir pas dit la vérité

par rapport à ses sentiments », par contre, il a continué de nier d‟avoir commis

un délit d‟abus dans l‟exercice du pouvoir. Les pressions publiques se sont

poursuivies et en janvier 2004, après que le « scandale Almeida » ait été

déclenché, Diez Canseco a du lui aussi démissionner de sa position de Vice

Président. Sa démission a été la première démission « à haut niveau » produite

au sein du régime d‟Alejandro Toledo.

Le « scandale Merino » est également déclenché en novembre 2003,

provoqué par une dénonciation journalistique (une émission télévisée) qui

affirmait que Beatriz Merino, à l‟époque Première Ministre du régime, avait joué

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83

de ses influences politiques pour le bénéfice d‟une amie personnelle, Irma

Chonati, et l‟engager dans l‟institution publique où elle était Présidente à

l‟époque (la Superintendance d‟Administration Tributaire, Sunat). Cette

dénonciation a été entourée de rumeurs affirmant que la Ministre Merino

maintenait une relation sentimentale avec Chonati, lesquelles ont provoqué la

réaction de Merino qui, en étant une figure politique « indépendante » du parti

gouvernemental, avait déclaré à la presse que ces dénonciations faisaient

partie d‟une campagne de diffamation provenant de certains membres du parti

Perú Posible. Après quelques semaines de questionnements, la Ministre

Merino a toutefois du présenter sa démission et le Président Alejandro Toledo

annoncé un remaniement ministériel complet.

Parmi les dénonciations les plus scandaleuses qui ont mis en risque la

gouvernance du pays et en question la légitimité du gouvernement d‟Alejandro

Toledo, mais qui à la fin ont été mésestimées, non seulement pour le manque

de preuves données mais aussi pour les conséquences politiques qu‟une telle

dénonciation aurait engendrées, fut celle de la falsification de signatures pour

rendre possible l‟inscription du parti politique du gouvernement, Perú Posible.

- Le scandale de la falsification des signatures du parti politique Perú

Posible :

Le scandale de la falsification des signatures de Perú Posible a également été

déclenché par une dénonciation politique et journalistique. Il a été facilité par

une source principale en la personne d‟un parlementaire de l‟opposition, Rafael

Rey, qui avait été proche du régime d‟Alberto Fujimori. La première accusation

a été effectuée en avril de 2004, lors d‟une conférence de presse présidée par

Rey et d‟autres parlementaires d‟Unidad Nacional. Un mois après, une enquête

judiciaire a été initiée. En juillet 2004, les médias présentent la déclaration du

premier témoin du cas. C‟était encore une fois Rey qui avait offert à deux

médias -América Télévision et le journal Perú 21- la transcription du

témoignage d‟une femme ayant dénoncé le Président de la République auprès

du Ministère Public pour avoir présidé la falsification de 85% des signatures

présentées au Bureau National de Processus Electoraux (ONPE, Oficina

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Nacional de Procesos Electorales) en 1998, afin d‟inscrire Perú Posible comme

parti politique. Rafael Rey a aussi facilité le contact avec le témoin, Carmen

Burga ; de même, c‟est lui qui à l‟époque avait commandé l‟élaboration d‟un

software capable d‟identifier les signatures falsifiées. Différents médias ont suivi

le sujet et deux autres personnes ont témoigné auprès des caméras, en

accusant le Président et certains membres de sa famille non seulement d‟être

au courant de cette situation mais surtout de l‟avoir encouragée.

Durant quatre semaines le sujet a été suivi par la presse, tandis que le

Parlementaire accusateur, Rafael Rey, et d‟autres membres de l‟opposition

politique occupant des postes au Parlement, exigeaient la réalisation d‟une

enquête et demandaient auprès du Parlement la « vacance Présidentielle » : le

parti politique soutenant le régime aurait été inscrit de manière illégitime et le

Président aurait participé directement à ce processus de falsification.

Cette dénonciation, n‟ayant pas été étayée par des preuves définitives de la

falsification et ayant comme principal acteur intéressé Rafael Rey, a divisé les

secteurs habituellement critiques envers le régime. C‟est pour cette raison que

certains médias, tels que les journaux El Comercio, La República et Caretas,

ont pris leurs distance vis-à-vis des réclamations du secteur plus critique du

régime qui lui, demandait la « vacance Présidentielle ».

La vulgarisation d‟une vidéo montrant le Président Alejandro Toledo dans un

dîner avec les membres de son parti politique arrêterait avec ce scandale. Le 3

octobre, « Cuarto Poder » diffusait cette vidéo et « interprétait » le discours du

Président, qui félicitait ses camarades pour la réussite de l‟inscription auprès de

l„ONPE, comme une évidence de sa participation directe dans la falsification

des signatures.

« … Ceci fut le quatrième reportage sur le sujet. Dans notre premier

reportage on voulait présenter les déclarations de cette femme devant nos

caméras mais le même jour où elle devait parler elle a disparue, elle avait

été kidnappée mais de la manière qu’on connaît déjà, avec son approbation

car elle serait payée… Donc, on a vulgarisé le reportage sans elle. Dans le

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deuxième reportage on a du informer sur sa disparition car on pensait que

celle-ci était si étrange. Dans le troisième reportage on a aussi parlé d’elle

mais on a ajouté quelques nouvelles informations d’après les résultats des

analyses graphologiques des signatures falsifiées… Le quatrième est celle-

ci sur le diner… ». (Roxana Cueva, directrice journalistique, « Cuarto

Poder » (émission télévisée), América Télévision)81

Cette émission a alors provoqué la réaction immédiate du Président qui a

téléphoné à l‟émission télévisée et « en direct » a discrédité la véracité de ces

accusations. Le lendemain, la presse a critiqué le manque de partialité de

l‟émission. D‟après les médias, le régime aurait exigé du directeur journalistique

d‟América Télévision que l‟équipe journalistique présente ses excuses au

Président de manière publique, mais les journalistes s‟y sont refusés et ont

présenté leur démission.

Le traitement journalistique utilisé, n‟étant pas arrivé à montrer la véracité de la

dénonciation, et le fait que les sources utilisées provenaient d‟un secteur

d‟opposition, ayant eu des liaisons proches avec le régime de Fujimori, a

discrédité la véracité de la dénonciation et le scandale s‟est arrêté. De même,

malgré les critiques au régime, il y avait un secteur politique, économique et

médiatique, qui ne désirait pas le changement de régime. C‟est précisément ce

secteur qui a défendu le régime et qui a critiqué sérieusement le comportement

journalistique utilisé dans ce sujet, même si les journalistes impliqués

possédaient le respect et la crédibilité de l‟opinion publique (c‟est le cas

principalement de Roxana Cueva).

“… Après la dénonciation, le Président nous appelle et affirme qu’on n’avait

pas respecté son droit à répondre à la dénonciation. Mais nous l’avons

appelé… moi, j’ai demandé de montrer la liste d’appels téléphoniques

depuis mon portable… et j’ai pu montrer que j’ai eu des conversations avec

ses proches – Doris Sanchez, Hugo Garavito, le Chef de Presse du Palais

81

Entretien effectué le 14 mai 2008, Lima, Pérou.

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86

du Gouvernement et quelques autres… Le jour même de la diffusion de la

vidéo, Toledo appelle l’émission et se montre gentil « off line » avec le

présentateur, Carlos Spá, mais une fois « en air », il se montre indigné et en

colère. Il accroche et quelques minutes après on le voyait dans l’émission

concurrente –Panorama (chaine 5)- en train de manifester son désaccord et

en qualifiant que le problème était avec les journalistes, pas avec les

propriétaires de médias. Quand je l’ai entendu dire ça, je me suis aperçue

qu’il s’agissait d’un coup préparé… Toledo appelle notre émission et off line,

il est gentil avec Spá, mais une fois en direct, il se montre indigné et en

colère. Donc, je crois que tout a été préparé…Il a demandé au directeur

général, Julio Aliaga, de nous faire virer… tout cela n’a pas été vérifié mais

à la fin Aliaga s’est engagé a faire présenter publiquement nos excuses au

Président, mais nous n’avons pas accepté et nous avons démissionné ».

(Roxana Cueva, directrice journalistique, « Cuarto Poder » (émission

télévisée), América Télévision)82

« Dans ce cas-là il y a eu trois témoins principaux. La première, Carmen

Burga, a été contactée au travers de Rafael Rey, c‟est elle qui a du quitter le

pays… les deux autres ont pris contact avec les médias… une a contacté le

journal Perú 21 mais la deuxième a contacté la chaine de télévision

Frecuencia Latina, son émission « Reporte Semanal ». Comme cette

chaine-ci n‟avait pas suivi le sujet comme nous, Perú 21 s‟est approprié

cette source… Rafael Rey avait dans son bureau toutes les feuilles des

signatures du parti politique Perú Posible. C‟était incroyable, il avait des

boites et des boites, pleines de feuilles. C‟était lui qui centralisait toute

l‟information… » (Alejandra Costa, rédactrice, Unité d‟Investigation, journal

Perú 21).83

D‟ailleurs, on peut affirmer aussi que dans ce cas-là, la réaction immédiate et

opportune du régime face à cette dénonciation s‟est constituée comme un

82

Entretien effectué le 14 mai 2008, Lima, Pérou. 83

Entretien effectué le 9 mai 2008, Lima, Pérou.

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« bon réflexe politique » du gouvernement, ayant été capable d‟empêcher le

déclenchement de ce qui aurait pu devenir un vrai scandale politique.

Sur la dénonciation de Daniel Borobbio (ancien publiciste d‟Alberto Fujimori,

en fuite de la justice au moment de la dénonciation): « Il a été fabriqué une

dénonciation impliquant le publiciste et ancien conseiller d’image de Fujimori

et le Président Toledo… Borobio était si proche de Montesinos et il était

réfugié au Chili… Il avait dit qu’il avait donné des conseils professionnels à

Toledo, à travers deux ou trois personnes…. Une dénonciation qui n’a

jamais été prouvée… cependant, certains médias ont publié sa dénonciation

mais tout cela n’a pas eu de conséquences…” (Angel Paez, La República)

“…Au début, on prenait beaucoup plus de risques au moment de faire des

dénonciations, mais quand on jouit déjà d’un prestige assez grand, on

devient plus précautionneux. Pour moi, la dénonciation de Borobbio n’était

pas suffisante. Le chef de l’Unité d’Investigation, Pedro Tenorio, est parti

pour Santiago, au Chili, afin de parler avec Borobbio, mais il est revenu sans

rien de plus que les éléments (mails et copies d’appels téléphoniques) déjà

montrés par Borobio. Ce dernier demandait fréquemment la date de la

publication de sa dénonciation...Si une source insiste trop, il faut s’en méfier.

Je lui ai expliqué qu’on n’avait pas de preuves suffisantes pour publier. Pour

moi, nous les journalistes pouvons savoir beaucoup de choses mais on peut

publier ce qu’on peut démontrer. … Il m’a répondu : je m’en fous, publies et

après on verra… Montesinos agissait comme ça. Je lui ai dit que sa

dénonciation ne m’intéressait pas… Deux jours après, la dénonciation a été

publiée par Correo et La Razón, en même temps… Après, tous sont sortis

nous critiquer, j’ai expliqué aux lecteurs les raisons pour lesquelles on avait

décidé de ne pas publier cette dénonciation…. » (Augusto Alvarez Rodrich,

Perú 21)

« Un autre cas a été celui des déclarations du délinquant et assassin,

membre du groupe paramilitaire Colina, Carlos Pichilingue Guevara, qui a

eu deux ou trois pages, aussi des Unes, durant plusieurs jours, en disant

qu’il avait vu des vidéos où on pouvait apprécier Toledo en état alcoolisé et

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drogué, accompagné de prostitués, une dénonciation qui n’a jamais été

vérifiée. Si la vidéo existait, je crois qu’il y avait longtemps qu’on l’aurait vu.

… Ceci a été publié par Correo et la justification du directeur a été qu’il était

un journaliste et que son devoir était d’informer le public, qu’il n’avait pas

l’obligation de prouver cette information… mais je me demande, si un autre

délinquant fait un série de dénonciations contre lui… ce n’est pas mon

devoir de vérifier la véracité de cette dénonciation ?... » (Angel Paez, La

República)

Tel qu‟on a pu apprécier, les dénonciations politiques qui sont déclenchées

comme de vrais scandales, ont rendu possible l‟exclusion de certains acteurs

politiques qui ont été accusés d‟avoir commis une transgression. C‟était la

réaction de l‟opinion publique qui a déterminé le déclenchement du scandale

après avoir qualifié un acte comme abus de pouvoir ou comme trahison de la

confiance sociale.84 C‟est pour cette raison que les scandales sont considérés

comme des phénomènes sociaux, en dépendant du niveau de tolérance sociale

existant envers les actes transgresseurs. Le moment politique de post-

autoritarisme s‟est caractérisé pour avoir un haut niveau de susceptibilité par

rapport aux actes d‟abus de pouvoir et de corruption, ce qui est déterminé par

l‟existence d‟un public sanctionnant.

Donc, on peut interpréter les scandales comme des indices capables de rendre

possible l‟exclusion du champ politique (en suivant Pierre Bourdieu), lequel est

organisé à partir de certaines règles de fonctionnement, de certains acteurs

accusés de les avoir transgressées. Dan ce sens-là, Pierre Bourdieu affirme

que « quelqu‟un qui entre en politique… doit opérer une transformation, une

conversion et même si celle-ci ne lui apparaît pas comme telle, même s‟il n‟en a

pas conscience, elle lui est tacitement imposée »85. Par conséquence, ne pas

accomplir ces règles peut provoquer la sanction des acteurs ayant contrevenu

aux règles garantissant l‟autonomie du champ politique. Tel qu‟il est signalé par

Bourdieu, la sanction en cas de transgression est l‟échec ou l‟exclusion: «…

celui qui entre en politique s‟engage tacitement à s‟interdire certains actes

84

JIMENEZ, Fernando, Op. cit, p. 1110. 85

BOURDIEU, Pierre, Op. cit. p. 60.

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89

incompatibles avec sa dignité (c‟est-à-dire à respecter les règles du champ

politique afin de ne pas être objet d‟exclusion ou échec), sous peine de

scandale »86.

Toutefois, même si on est parti avec le prémisse que les scandales sont des

phénomènes sociaux dont le déclenchement dépend de plusieurs facteurs

politiques, culturels et sociaux, la reconnaissance de cette capacité des

scandales politiques à discréditer les adversaires et les exclure du jeu politique,

explique la raison pour laquelle il existera toujours des acteurs intéressés à

déclencher des scandales. La reconnaissance de cette capacité stratégique

des scandales nous permet d‟affirmer que les scandales peuvent constituer des

armes politiques clés, tel que ce qui s‟est produit lors du régime d‟Alejandro

Toledo.

86

BOURDIEU, Ibid, p. 52.

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90

3. La relation établie entre le journalisme péruvien et le gouvernement :

Les antécédents récents et les conséquences sur la relation lors de

Toledo.

3.1.. Parcours historique de la relation établie entre la presse péruvienne

et le gouvernement : 1960 - 2000

Pour analyser les raisons de l‟augmentation des scandales politiques dans la

politique contemporaine, il ne suffit pas d‟identifier les conditions favorisant le

délit, mais surtout les conditions permettant sa publication. Dans ce propos,

c‟est l‟étude de la participation des médias dans le déclenchement des

scandales qui devient importante, car c‟est la visibilité de la transgression

rendue possible à travers les médias qui devient la caractéristique principale

des scandales politiques contemporains.87

Dans le cas du régime d‟Alejandro Toledo, on peut affirmer que les médias ont

énormément contribué à la divulgation des scandales politiques déclenchés

durant son gouvernement et principalement dans la diffusion massive et rapide

des dénonciations des actions transgressives concernant les membres du

pouvoir, ou du secteur politique en général. Au-delà des facteurs politiques

ayant une influence sur le climat politique de surveillance de l‟exercice du

pouvoir (afin que l‟abus et la corruption enregistrés durant le régime de Fujimori

ne se répètent pas) et l‟exigence de la transparence, et du respect des

principes démocratiques hérités de la période de transition de Valentin

Paniagua, le rôle que les médias péruviens avaient joué durant le régime

d‟Alberto Fujimori, non seulement en ne surveillant pas le respect des principes

démocratiques et surtout en participant activement à la campagne de discrédit

gouvernementale de l‟opposition politique lors de la campagne électorale 2000,

et en établissant des négociations illicites avec ce régime, tel que cela a été

démontré par les « vidéos de la corruption ».

87

WAISBORD et SILVERSTEIN, Op. cit, p.1077; THOMPSON, John, Op. cit, p. 35.

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91

En effet, la diffusion de ces vidéos a mis en question la crédibilité des médias,

et leur indépendance par rapport aux délits de corruption, et abus du pouvoir du

régime d‟Alberto Fujimori. Tant le degré de proximité avec le régime sortant que

leurs dettes avec l‟État, et les conflits judiciaires encore existants, ont

déterminé l‟attitude des médias par rapport à une nouvelle période politique

(soit de la transition politique, soit durant le régime de post-transition

d‟Alejandro Toledo) d‟ouverture démocratique. Certes, dans ce nouveau

contexte politique de recomposition démocratique, les médias en général

devaient récupérer leur place, et leur audience, basée surtout sur la

reconstruction de leur crédibilité. La surveillance permanente de l‟exercice du

pouvoir est devenue, par conséquent, la devise de la plupart des médias durant

les années du régime d‟Alejandro Toledo. Cette prédisposition a été alimentée

par d‟autres facteurs qui, on le mentionnera dans les paragraphes suivants,

permettaient que la configuration des conditions étant favorables au

déclenchement fréquent des scandales durant le régime de Toledo.

Afin de comprendre la relation établie entre la presse, et le régime d‟Alejandro

Toledo, il est important de comprendre non seulement, la relation qui existait

pendant le régime d‟Alberto Fujimori et les conséquences sur leur rôle dans le

jeu politique de la transition démocratique (initié par le gouvernement de

transition de Valentin Paniagua, 2000-2001), mais aussi de faire une rapide

description historique de la tendance informative de la presse péruvienne, et les

relations du pouvoir établies entre celle-ci, et les différents régimes depuis les

années 60 (années de la dictature militaire). Dans cette période, la présence

des médias s‟intensifie dans la configuration politique péruvienne.

À l'instar des déclarations de l'académicienne canadienne Catherine Conaghan,

l‟histoire des relations entre la presse et l‟Etat péruvien se base essentiellement

sur des liens établis « derrière la scène » (« en coulisses ») entre les

propriétaires des médias, les journalistes et les autorités publiques.

Compte tenu de cette relation, Conaghan identifie trois étapes dans la relation

qui s‟est établie entre l‟Etat, et la presse jusqu‟en 1999, date qui correspond à

l‟année électorale où le Président Fujimori (1990 – 2000) a entamé ouvertement

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92

une campagne de discrédit de l‟opposition politique, et de manipulation de

l‟information afin de se faire réélire pour une deuxième fois consécutive (ce qui

constitutionnellement, n‟était pas autorisé) :

a) Une première étape, qui va de 1968, avec le gouvernement militaire de

Velasco Alvarado jusqu‟en 1990 (date à laquelle prend fin le deuxième

gouvernement démocratique qui a suivi la chute de la dictature du Général

Juan Velasco Alvarado) ; b) une deuxième étape qui s‟étend de 1990 à 1995 ;

et enfin c) une troisième étape de 1996 à 2000. Comme nous le verrons plus

loin, l‟historien, et journaliste péruvien Juan Gargurevich s‟accorde avec

Conaghan dans l‟identification de ces étapes.

a. La relation presse-régime : 1960-1980.

La première phase de la relation Etat – presse au Pérou identifiée par

Conaghan, qui débute en 1968 avec le coup d‟Etat militaire du général Velasco

Alvarado et qui se maintient durant les régimes démocratiques de Fernando

Belaúnde Terry (1980-1985) et Alan García Pérez (1985-1990), est appelée par

Conaghan « culture de la peur et du harcèlement » car elle correspond, non

seulement au gouvernement militaire, aux déportations, ou à la fermeture de

quotidiens de presse, mais également aux politiques expansives qui ont

favorisé l‟industrie des médias, les procès en diffamation, les permis spéciaux

destinés à voyager dans les zones d‟urgence, les réglementations pour accéder

aux informations relatives aux officiels travaillant dans les zones d‟urgence, etc.

Tous ces états de fait se poursuivent durant les différents régimes

démocratiques.88

Le historien péruvien Juan Gargurevich89 précise à ce sujet que, d‟un côté, le

gouvernement militaire « a projeté l‟utilisation active et contrôlée des médias,

dans un premier temps au niveau de l‟Etat, et par la suite en incorporant tout le

système commercial privé ». Au cours de ce régime, a débuté un processus

88

FOWKS, Jacqueline, Suma y resta de la realidad: medios de comunicación y elecciones generales

2000 en el Perú (Assistante de recherche: Gisela LUJAN ANDRADE), Lima, Friedrich Ebert Stiftung,

2000, p. 48. 89

GARGUREVICH, Juan, Historia de la prensa peruana: 1594 – 1990, Lima, La Voz, 1991.

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93

rapide d‟expropriations qui a culminé avec la création du Système national

d‟Information, le SINADI (Sistema Nacional de Información). Dans le cas des

médias, leur administration a été confiée aux « Secteurs organisés de la

Société » c‟est-à-dire les Syndicats. Malgré la fin du gouvernement militaire de

Velasco Alvarado, et au début du régime démocratique de Fernando Belaunde,

le grand appareil étatique regroupant les médias d‟Etat (une chaîne de

télévision – avec de nombreuses filiales en province -, trois quotidiens, une

radio et une agence d‟information) n‟a pas été désactivé, mais est devenu le

bras politique du parti et son nom a été changé pour devenir le « Système

national de Communication sociale » (SINACOSO, Sistema Nacional de

Comunicación Social). Durant le gouvernement du Parti APRA (Alliance

Populaire Révolutionnaire Américaine : en espagnol, Alianza Popular

Revolucionaria Americana) d‟Alan García (1985-1990), le système de diffusion

gouvernementale a été maintenu comme tel.90

b. La relation presse-régime : 1990-1995.

La deuxième phase identifiée par Conaghan est qualifiée par elle comme celle

du « gouvernement du manque d‟information » qui se caractérise comme étant

une étape au cours de laquelle le journalisme d‟investigation est devenu « un

moyen limité pour forcer une majorité à rendre des comptes ». Au cours de

cette deuxième phase, deux autres sous-étapes ont pu être identifiées, comme

l‟indique Juan Gargurevich : la première qui va de 1990 à 1992, c‟est-à-dire les

deux premières années du gouvernement de Fujimori et la seconde, de 1993 à

1995, qui débute avec l‟« Autocoup » et culmine avant la réélection de Fujimori.

Durant la période électorale de 1989-1990, la polarisation politique s‟est

installée sur la scène publique, et s‟est déplacée vers les lignes éditoriales des

médias, conséquence des préférences politiques de leurs propriétaires

respectifs. On a donc pu constater clairement qu‟il y avait, d‟un côté, une

presse favorable au vainqueur et Président élu, M. Alberto Fujimori – un

90

GARGUREVICH, Juan, Ibid, p. 5

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« outsider » de la politique péruvienne sans parti politique ni programme

gouvernemental - et, de l‟autre côté, une presse favorable à l‟autre candidat à la

présidentielle, l‟écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, qui avait bénéficié du

soutien de la plupart des partis politiques traditionnels.91

Les deux premières années du gouvernement de Fujimori (1990-1992) ont été

le témoin d‟une forte opposition au régime en place mais également d‟une

« grande vigueur de la démocratie » : le gouvernement élu n‟avait pas réussi à

constituer une majorité parlementaire qui lui aurait permis d‟avaliser les

politiques économiques et de lutte contre le terrorisme (les principales

exigences politiques du moment, comme nous le verrons plus loin). Le

gouvernement se voyait donc confronté à de sérieux problèmes de

gouvernabilité. Cette étape fut interrompue par l‟« Autocoup », qui eut lieu le 5

avril 1992 lorsque le gouvernement de Fujimori décida de fermer le Congrès de

la République. Lors de cette étape, et selon Conaghan, le gouvernement de

Fujimori a fait preuve d‟un manque d‟intérêt extraordinaire pour la diffusion

systématique de l‟information. Conaghan ajoute que Fujimori a développé "un

mode de relation sélective avec les journalistes qui lui étaient favorables et se

montraient dociles". Tout cela s‟est accompagné d‟un contrôle strict des

dissidences internes (au sein de son mouvement Cambio 90).

C‟est ainsi que commence la deuxième sous-étape, qui s‟étend de 1993 à

1995, caractérisée par le transfert de dépendance à la relation entre le Service

d‟Intelligence Nationale (SIN) et la presse qui commençait à se renforcer entre

le SIN et le gouvernement. Comme le mentionne Gargurevich, c‟est

précisément à ce moment qu‟a vu le jour le concept d‟un système basé sur

l‟utilisation de la presse populaire bon marché destinée à soutenir le

gouvernement et dévaloriser considérablement l‟opposition.92

91

FOWKS, Jacqueline, Op. Cit, p. 256 92

GARGUREVICH, Juan, Op. Cit, p. 5.

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95

c. La relation presse-régime :1996-2000.

La troisième étape se déroule entre 1996 et 2000 (bien que Conaghan stipule

que cette étape ne s‟est étendue que jusqu‟en 1998, qui correspond au début

de l‟étape pré-électorale et au moment où le régime en place a renforcé le

scenario politique qui lui permettrait ensuite d‟être réélu pour la deuxième fois

consécutive, ce qui allait à l‟encontre de la constitution –anticonstitutionnelle?-).

Il s‟agit de l‟étape où l‟utilisation des médias (principalement la télévision) par le

gouvernement et le Service d‟Intelligence Nationale (SIN) à des fins de

manipulation de l‟information, de désinformation et d‟attaque ouverte des

opposants au régime a été la plus évidente et la plus coordonnée.

Ainsi, on assiste à une étape où prévaut une presse objet des scandales

produits par les services d‟intelligence (« la presse et les scandales des

services d‟intelligence »). Au cours de cette étape, le SIN et le gouvernement

ont développé des mécanismes ponctuels pour attaquer certains médias et

journalistes peu favorables aux idéologies soutenant le gouvernement. Comme

l‟indique Conaghan, le premier cas fut l‟éviction du propriétaire de la chaîne de

télévision en signal ouvert Frecuencia Latina (Canal 2), Baruch Ivcher – « après

les dénonciations pendant deux années consécutives (1996 et 1997) des

relations entre le narcotrafiquant « Vaticano » et le conseiller présidentiel

Vladimir Montesinos et du plan « Bermuda » mis au point par le Service

d‟Intelligence Nationale, dans ce moment-là dirigé par Montesinos. Le plan

"Bermuda" faisait allusion à la nécessité de faire taire la presse (jeu de mots en

espagnol sur la prononciation de « ver muda » -"faire taire"- et « bermuda »). Le

harcèlement se traduit par des agressions physiques, des enlèvements de

courte durée, des campagnes de harcèlement dans la presse à scandale

(dénommée au Pérou « presse chicha »), l‟espionnage téléphonique et la

création de conflits entre les actionnaires pour affecter la partie de l‟actionnariat

défavorable au gouvernement (Baruch Ivhcher, Genaro Delgado Parker –

Panamericana Televisión, Canal 5-; Alejandro Miró Quesada –diario El

Comercio-). 93

93

FOWKS, Jacqueline, Op. cit, p. 5

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96

À ce sujet, le chapitre sur les médias inclus dans le Rapport final de la

Commission pour la Vérité et la Réconciliation (CVR) qualifie cette période qui

va de 1993 à 2000 comme une période au cours de laquelle « un secteur de la

presse a succombé aux diverses formes de pression et a sacrifié son

indépendance pour servir les intérêts d‟un régime corrompu qui n‟a eu de cesse

de faire taire toutes les dénonciations de violations des droits de l‟homme.

- Les mécanismes de pression institutionnels utilisés par le

gouvernement contre les médias péruviens : 1992-2000

L‟Institute Presse et Société, IPYS (Instituto de Prensa y Sociedad), dans son

Rapport de Fiscalisation Journalistique au Pérou 2000-2002, affirme que depuis

le coup d‟État du 5 avril de 1992, « la liberté de presse au Pérou a été

sérieusement affectée ». Cette situation est devenue plus compliquée à partir

de 1995, quand se produit la deuxième réélection d‟Alberto Fujimori.

En effet, à partir de ce moment-là, il s‟enregistre un « appui » évolutif du régime

par les différents médias. Cet appui évolutif sera le résultat des pressions et

des prébendes extrajudiciaires organisées par le Service d‟Intelligence National

(SIN) et, plus précisément, par son chef et conseiller présidentiel, Vladimiro

Montesinos Torres. En effet, d‟après le rapport mentionné, durant la deuxième

période gouvernementale d‟Alberto Fujimori, il s‟est complété le contrôle total

du Service d‟Intelligence Nationale (SIN) sur le Pouvoir Judiciaire, le Pouvoir

Électoral et les Forces Armées. De même, le gouvernement s‟est éloigné du

système judiciaire interaméricain afin de maintenir le système de violation des

droits des citoyens. Aussi, il a maintenu un soutien populaire grâce aux

manœuvres psychosociales, le contrôle des médias et l‟assistancialisme».

Le régime d‟Alberto Fujimori utilisait différentes manières pour exercer de la

pression sur les journalistes et les propriétaires des médias. Même si les plus

courantes étaient les menaces –par téléphone ou par écrit- et les actes

d‟intimidation soit par des persécutions en voiture, visites au domicile,

interceptions des appels téléphoniques, ce régime avait utilisé des institutions

de l‟État pour exercer une pression plus efficace : la SUNAT, le SIN et le

Pouvoir Judiciaire :

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97

* À travers d‟un ordre la Superintendance Nationale de l‟Administration

Tributaire (SUNAT), le journal d‟opposition Libération a affronté une tentative

d‟embargo de ses imprimantes en décembre de 1999, quelques jours après

que ce journal ait vulgarisé une l‟information sur les comptes bancaires de

Vladimiro Montesinos.

* À travers du Service d‟Intelligence Nationale, qui au-delà d‟exécuter les

persécutions directes aux journalistes, avait créé un système de presse

populaire (les journaux « chicha ») chargé de discréditer les médias

d‟opposition tels que les journaux La República et El Comercio. C‟est par

exemple le cas du directeur de La República, Gustavo Mohme, qui fut objet

d‟une diffamation permanente à travers des journaux « chicha » mais aussi des

« brochures diffamatoires » appelés La Repúdica et Repudio (en faisant le jeu

de mots avec le mot en espagnol, « repudio », en français « répudie »), dont les

couleurs, et la mise en page étaient similaires à celles de « La República ».

* À travers du Pouvoir Judiciaire, contrôlé par le SIN, qui a été la principale

entité pour exercer de la pression sur les chaînes de télévision, dont le cas de

Frecuencia Latina fut le plus emblématique (le gouvernement a annulé les

droits de propriété de son actionnaire principal, Baruch Ivcher, et les a donné,

de manière arbitraire, aux actionistes minoritaires Samuel et Mendel Winter).

Un autre cas fut ceci de Red Global qui durant le premier trimestre de 1999 a

laissé de fonctionner. Selon le rapport d‟IPYS, « les autres propriétaires des

chaînes de télévision ont préféré de se passer aux rangs du gouvernement

avant de subir des damages majeurs, tandis que les derniers vestiges du

journalisme informatif indépendant étaient en train de disparaître de la

télévision ».

Le Pouvoir Judicaire a aussi exercé de la pression sur les autres médias : c‟est

le cas, par exemple de la Radio 1160 (quelques jours après le commencement

d‟une émission radio du journaliste César Hildebrandt, les antennes de

transmission de la radio ont été confisqués par ordre judiciaire) et du journal El

Comercio (à travers des pressions judiciaires pour favoriser un groupe

minoritaire d‟actionistes proches au régime de Fujimori).

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98

* Finalement, le gouvernement a pu contrôler les différents médias à travers de

l‟investissement de publicité de l‟Etat, l‟une des manières à travers desquelles

le gouvernement « payait » aux médias leur « engagement ».

De cette façon, « le gouvernement a obtenu le contrôle total de la télévision de

signale ouvert et de partie de la presse écrite, et a organisé des offensives

judiciaires contre les propriétaires des médias rebelles à la soumission. Les

campagnes d‟attaques à la presse indépendante se sont approfondies et la

désinformation s‟est épandue, un presque complet manque de transparence

dans la gestion d‟affaires publiques. Durant l‟étape précédente aux élections de

2000, ce contrôle gouvernemental des médias a atteint des niveaux

comparables à ceux d‟un régime dictatorial ».

- L’état de situation des médias lors de la campagne électorale 2000 (en

faveur de la ré-réélection d’Alberto Fujimori)

C‟est à la fin de 1999 que la manipulation et le contrôle des médias –

particulièrement de la télévision- deviennent plus évidents, pour atteindre leur

paroxysme lors du processus électoral de 2000. « Pour les chaînes de

télévision de signal ouvert et certains quotidiens, la campagne électorale était

quasi inexistante et ils n‟ont donc en rien contribué à une meilleure information

relative aux élections de 2000 ».94

Le rapport d‟IPYS a identifié les tendances suivantes dans la relation médias-

gouvernement d‟Alberto Fujimori durant la période 1995-2000 :

- « Le gouvernement a éradiqué tout espace critique dans la télévision

hertzienne. Le seul espace informatif indépendant dans la télévision était

une chaîne de câble du groupe El Comercio, Canal N.

- La presse indépendante a été principalement représentée par les

journaux El Comercio, La República et Gestion, la revue Caretas et Canal

N.

94

FOWKS, Jacqueline, Op. cit, p. 65.

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- Malgré les dénonciations, la presse « chicha » financée par le

gouvernement continuait à attaquer à l’opposition et à défendre à Fujimori.

- Le gouvernement, à travers du SIN, entreprenait des manœuvres afin de

fermer plus le contrôle sur les médias, en participant indirectement dans

les mouvements de l’actionnariat (des médias) et dans les conflits entre

les entreprises, à travers du Pouvoir Judiciaire.

- L’apparition de la « vidéo Kouri-Montesinos » a rompu toutes les

alliances du gouvernement dans la presse, mais pas dans la presse

« chicha », qui continue à défendre agressivement le régime.

- Au fur et à mesure que les dénonciations les plus graves continuent à

apparaître, et que Fujimori prend de la distance de Montesinos, l’ancienne

presse » favorable au régime, « change de position en le laissant seul.

D’ailleurs, la presse « chicha » a oublié les contenus politiques ».

Le contexte pré-électoral des élections générales de 2000 a débuté en

décembre 1999 lorsque les candidats au Congrès, et à la Présidence ont

commencé à se présenter et, de fait, le régime et le Service d‟Intelligence

Nationale (SIN) ont intensifié leurs stratégies de discrédit, et de diffamation

contre toute personne pouvant se présenter comme un opposant au Président

Fujimori, et l‟empêcher d‟être réélu pour la deuxième fois consécutive. Depuis

1998 l‟organisation Freedom House comparait les limites de liberté de la presse

au Pérou à celles de Cuba ».95

Comme le rappelle la journaliste péruvienne Sonia Luz Carrillo « Fujimori est

arrivé en 2000 avec une forte approbation du peuple péruvien » suite à la

signature en 1993 d‟une nouvelle Constitution dont la principale nouveauté

consistait à inclure le principe de réélection tout en indiquant expressément que

cela se limitait à un second mandat. Afin de rester au pouvoir, la majorité

parlementaire avait approuvé en 1996 la loi appelée «loi d‟interprétation

authentique » et avait destitué en 1997 trois magistrats du Tribunal

constitutionnel ayant dénoncé l‟anticonstitutionnalité de cette loi. Le Pouvoir

95

FOWKS, Jacqueline, Op. cit, p. 50.

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judiciaire, les universités publiques et les secteurs les plus informés de la

société ont donc initié une campagne de protestations. En 1998, suffisamment

de signatures ont été recueillies pour exiger l‟organisation d‟un référendum,

requête qui fut rejetée par le Parlement.96

Lors des élections de 2000, alors que l‟ex-président Fujimori occupait la

présidence, la presse se montra tout à fait partiale. Le parti du gouvernement,

Perú 2000, monopolisa pratiquement tout l‟espace destiné à la propagande

électorale, et en restreignit l‟accès aux autres candidats. Au cours du second

tour, suite aux pressions exercées par les leaders d‟opinion, et les organismes

internationaux de supervision électorale, le régime relâcha quelque peu la

pression exercée sur les médias et en ouvrit timidement l‟accès mais dans des

plages horaires à faible audience et à des coûts exorbitants. De plus, les

programmes d‟information des différentes chaînes de télévision et,

principalement, de la chaîne d‟Etat, choisirent de privilégier les activités

électorales du candidat président.97

Le soutien du régime de la part de la plupart des médias fut rendu possible

grâce à trois mécanismes de manipulation, et de pressions exercées par le

Gouvernement : les dettes fiscales, les litiges judiciaires et l‟attribution de la

publicité d‟Etat. En effet, d‟après le rapport “Country Report on the National

Integrity System in Peru”, publié par l'Association Civile Transparence

Internationale, la manipulation des médias “fut facilitée par les importants

problèmes financiers et dettes fiscales” qui affectaient les chaînes de télévision.

Toujours selon ce rapport, « les propriétaires de ces médias ont demandé ou

ont reçu des propositions de réduction de leur passif en échange de l‟ingérence

du régime dans leur politique d‟information. »98 De même, le report de

Transparence Internationale souligne que la manipulation des médias de

96

CARRILLO, Sonia Luz, “Actuación política de los medios de comunicación peruanos. Elecciones

generales del 2000 y 2001” (“Rôle politique des médias péruviens. Les élections générales du 2000 et

2001”) [en ligne]. In: Razón y Palabra, México DF., 2001, no. 26. Disponible sur:

<http://www.cem.itesm.mx/dacs/publicaciones/logos/anteriores/n26/sluz.html> (consulté le 15 mai 2009) 97

ASOCIACIÓN CIVIL TRANSPARENCIA, Una historia que no debe repetirse. Perú: elecciones

generales 2000. Informe de observación electoral (Une histoire qui ne doit se répéter. Le Pérou : les

élections générales 2000. Rapport d’observation électorale), Lima, Asociación Civil Transparencia,

2000, p. 51. 98

Ibid. p.49.

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manière générale, mais principalement la télévision, fut rendue possible par

l‟attribution de la publicité d‟Etat : «… la deuxième période du gouvernement de

Fujimori a vu la promulgation d‟une règle juridique réglementant l‟échange des

dettes fiscales contre de la publicité ; règle qui favorisait surtout les chaînes de

télévision, les radios et les journaux mauvais payeurs tout en portant préjudice,

de manière relative, à ceux qui s‟acquittaient de leurs dettes de manière

ponctuelle. »99

Le moment où l‟utilisation des médias pour le régime de Fujimori a atteint son

moment le plus critique durant la campagne électorale 2000. Les

questionnements internationaux contre le gouvernement de Fujimori par rapport

à la liberté de presse au Pérou n‟ont pas tardé à arriver. Le Comité pour la

Protection des Journalistes le 3 mai 2000, incluait « pour la deuxième année le

président Alberto Fujimori sur la liste des 10 principaux ennemis de la liberté de

la presse dans le monde ».100

Bien que le Service d‟Intelligence Nationale ait conçu et mis en place ces

stratégies de contrôle de tous les médias, c‟est la télévision hertzienne qui en

fut la plus affectée. En effet, « en raison de la récession économique, et de la

structure des coûts de production », les chaînes de télévision ont été

confrontées jusqu‟au milieu de 2000 à une situation financière très critique étant

donné que la somme de leurs dettes équivalait à celle du total des recettes

perçues en 1999.101 Selon Jacqueline Fowks, « l‟absence d‟une situation

financière saine chez certains médias » fut précisément la « condition la plus

grave » qui a permis « l‟ingérence, et la pression de mécanismes indirects liés

au gouvernement».102

Ainsi, selon le rapport publié par l‟Institut de la Presse et de la Société (Instituto

Prensa y Sociedad –IPYS-) à la fin de 1999, « des sept chaînes hertziennes,

quatre se trouvaient sous l‟administration désignée par le Pouvoir Judiciaire. La

cinquième chaîne étant la propriété de l‟Etat. Quant à la sixième, Frecuencia

99

ASOCIACIÓN CIVIL TRANSPARENCIA, Op. Cit, p. 49. 100

FOWKS, Jacqueline, Op. cit, p. 50. 101

Ibid, p. 185-186. 102

Ibid, p. 51

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Latina, son principal actionnaire, l‟homme d‟affaires d‟origine israélienne Baruch

Ivcher, s‟était vu déposséder de sa nationalité péruvienne, et donc de son droit

à gérer la chaîne. Pour finir, la septième chaîne avait été louée à un ancien

ministre du régime. Cette situation eut pour effet de mettre la télévision

péruvienne dans une situation juridique extrêmement vulnérable à laquelle se

sont ajoutées la récession économique et l‟absence d‟éthique des

administrateurs (comme on le verra plus tard avec les « vidéos de la

corruption ») qui ont bénéficié à cette époque d‟importantes sommes d‟argent

en échange de leur participation dans la lutte contre toute tentative de

résistance au pouvoir dictatorial. »103

Certes, le régime de Fujimori a profité de l‟état financier faible des chaînes de

télévision, et des conflits existants à l‟intérieur des entreprises entres les

différents actionnaires, pour exercer la pression, et réussir en avoir des chaînes

de télévision sous contrôle et au service de ses intérêts, soit en informant avec

partialité, soit en exerçant une « autocensure ».

Dans le cas de la télévision, le régime a pu gérer des « changements forcés »

dans les administrations des chaînes de télévision en rendant possible, que les

gestions de ces entreprises soient « proches de ses intérêts » pour le

commencement de la campagne électoral. Ci-dessous, les cas les plus

remarqués :

- América Télévision (Chaîne 4) : La famille Crousillat a assumé l‟administration

d‟América Televisiñn en 1994 à partir d‟un accord signé avec l‟entreprise

mexicaine Televisa, qui deux ans en avant était devenue l‟actionnaire

majoritaire. A ce moment-là, América Television avait une dette avec la

Superintendance Nationale d‟Assurance Tributaire Sunat de vers 30 millions de

soles. Toutefois, grâce à un décret promulgué par le Ministre d‟Economie Jorge

Camet (durant le régime de Fujimori), il a été possible que cette entreprise

échange sa dette tributaire contre de la publicité de l‟État. C‟est à ce moment-

là, que le gouvernement a initié l‟application d‟une série de « faveurs

103

CARRILLO, Sonia Luz, Op. Cit.

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103

tributaires » en le permettant d‟ignorer les 37 notifications des avis d‟exécution

que cette chaîne de télévision avait jusqu‟à 2000.

- Frecuencia Latina (Chaîne 2) : Les actionnaires majoritaires de cette chaîne

de télévision était les frères Samuel et Mendel Winter, qui ont commencé leur

gestion le 19 septembre 1997. Les frères Winter étaient les actionnaires

minoritaires de cette entreprise qui ont pu avoir le contrôle après avoir fait

valider leur 46% des actions comme le 100%, en argumentant que les 54%

appartenant à Baruch Ivcher ne devait pas être pris en compte parce que la

nationalité péruvienne de son propriétaire avait été suspendue. Baruch Ivcher

avait perdu l‟administration de la chaîne de télévision après avoir été dénoncé

par l‟État de trafic d‟armes vers la fin de 1997, on lui avait retirée la nationalité

péruvienne (obtenue en 1984). Durant les six premiers mois de l‟année 1997,

l‟émission journalistique Contrapunto a diffusé une série de dénonciations

contre le gouvernement de Fujimori associés aux délits de torture commise par

les membres du SIN.

L‟augmentation du capital de la part des frères Winter (concrétisée entre août

1998, et décembre 1999) leur a assuré le contrôle total de la chaîne, même si la

provenance de cet argent n‟était pas claire à ce moment-là. En février 2001, les

enquêtes judiciaires ont montré que les frères Winter avaient reçu des mains de

Montesinos la somme de 3 millions 73,407 dollars. Le 24 mars 2004, les frères

Winter ont été condamnés à cinq ans de prison pour les délits de détournement

de fonds, et de complot afin de commettre un crime. Après leur arrestation, les

frères Winters se sont soumis à la « collaboration efficace », afin de donner

toute l‟information concernant leurs négociations avec Vladimiro Montesinos. Ils

ont été libérés en 2007.

- Panamericana Télévision (Chaîne 5): Ernesto Schutz Landázuri assume la

direction de Panamericana Televisión en 1997, après avoir acquis les 71% des

actions de cette entreprise grâce à la gestion de Manuel Delgado Parker, l‟un

des actionnaires de cette chaîne de télévision. De cette façon, Schutz obtenait

la majorité de l‟actionnariat en retirant le pouvoir de direction à Genaro Delgado

Parker. Les disputes entre les deux actionnaires se sont intensifiées à partir de

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ce moment-là. En février 1999, l‟administration de Panamericana Télévision et

Genardo Delgado Parker ont initié un procès ; Genaro Delgado Parker a dû

quitter le pays en septembre 1999 en raison de ce procèdure. En décembre

1999 il a été déclaré comme « Reo contumaz » (prisonnier en fuite) par le

Pouvoir Judiciaire, ce qui s‟est produit quelques mois après que Delgado

Parker eut publié un communiqué de presse en dénonçant que les médias

étaient contrôlés par le gouvernement.104

- Le rôle des médias lors de la campagne électorale 2000 :

La campagne médiatique ouvertement agressive contre les candidats

d‟opposition, a été entreprise de manière conjointe par les chaînes de télévision

hertziennes (principalement, América Télévision –chaîne 4, de propriété de la

famille Crousillat- et Frecuencia Latina –chaîne 2, gérée par les frères Samuel

et Mendel Winter après la défenestration de l‟actionnaire majoritaire Baruch

Ivher- et la presse « chicha » (aussi appelé « presse orange », en allusion à la

couleur utilisée par le symbole électoral du parti du gouvernement, Pérou

2000). Celle-ci a été efficace parce qu‟elle a pu affecter le niveau de popularité

enregistré par ces candidats, en les poussant à renoncer de présenter leurs

candidatures ; celle-ci a été le cas de l‟ancien Maire de Lima, Alberto Andrade,

et de l‟ancien président de la Sécurité Sociale Luis Castañeda Lossio, qui ont

dû annuler leurs candidatures en faveur du dernier candidat Alejandro Toledo.

Selon la l‟Association Civile Transparence, les différentes, diffamations,

attaques médiatiques contre les candidats de l‟opposition se sont concentrées

sur les aspects suivants : la présence directe ou indirecte de l‟ancien Président

M. Alan Garcia Perez (1985-1990) dans leurs passé ou présent ; leur tolérance

vers l‟extrémisme terroriste ou, leur relation avec le terrorisme ; leur relation

avec les partis politiques traditionnels ayant été synonyme de « l‟échec

présidentiel » durant la dernière décennie : le gouvernement de M. Alan Garcia

–APRA- et ceci de M. Fernando Belaunde –ACCION POPULAR-. De même, ils

104

FOWKS, Jacqueline, Op. cit, p. 54.

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105

ont été accusés d‟être corrompus, ou inefficaces en tant que fonctionnaires

publiques.105

Il faut rappeler que ces deux médias ont aussi attaqué d‟autres acteurs

publiques qui contestaient les actions du régime de M. Fujimori, tels que les

entreprises de sondage, l‟Association civil Transparencia, la Defensoría del

Pueblo (Ombudsman) et le journal El Comercio (qui avait dénoncé la

falsification des signatures commise par le parti politique de M. Fujimori, Pérou

2000, et afin de se présenter aux élections de cette même année).

De cette façon, le régime s‟assurait le soutien des chaînes de télévision les plus

populaires, América Télévision, et Frecuencia Latina, chaînes qui présentaient

une ligne éditoriale plus évidente contre les personnages de l‟opposition. Les

deux chaînes ont appliqué « l‟autocensure » en ne présentant aucune

information qui pouvait contrarier le régime, et elles leurs émissions télévisées

ont présenté des dénonciations contre les adversaires de Fujimori, et quelques

institutions de la société civile critiques au régime, tel que l‟Association Civile

Transparencia.

La ligne éditoriale présentée par ces chaînes de télévision avait des

coïncidences avec celle de la presse « chicha ». Les enquêtes menées

postérieurement, et les dénonciations journalistiques présentées durant le

régime de transition ont montré que le SIN coordonnait les contenus tant des

émissions télévisées des chaînes mentionnés que des journaux « chicha ».

soulignaient celles qui lui étaient favorables. De même,

Dans le cas de Panamericana Télévision, la stratégie informative de soutien au

régime était différente parce que, même si elle n‟incluait pas des attaques

directes contre l‟opposition, l‟information favorable au régime occupait la plupart

de l‟agenda de Panamericana en faisant « écho » des dénonciations

journalistiques des autres chaînes de télévision, en ignorant l‟information sur

les délits commis pour le régime de Fujimori.106 107 D‟après le journaliste

105

FOWKS, Jacqueline. Op. cit, p. 192. 106

ASOCIACIÓN CIVIL TRANSPARENCIA, Op. cit, p. 77 - 79.

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106

Fernando Vivas Ce qui intéressait le régime de fujimori, c‟était de contrôler les

questions pendant les interviews et l‟opinion. L‟idée était de créer un espace, où

les alliés du gouvernement pouvaient s‟exprimer librement sans être soumis

aux questionnements ou aux critiques. 108

Quant à la presse écrite, le Rapport Annuel 1999 de l‟IPYS signale que celle-ci

ne fut pas exempte des pressions économiques et judiciaires exercées par le

gouvernement. Ainsi, les médias d‟opposition, tels que La República (quotidien)

et Caretas (hebdomadaire), ont dû faire face à la diminution de leurs revenus

publicitaires en raison de la pression gouvernementale exercée sur les agences

de publicité, et sur les annonceurs. Un petit quotidien d‟opposition, Liberaciñn,

n‟a jamais eu accès à la publicité, et le quotidien El Comercio, le plus ancien du

Pérou, fut confronté à la réouverture d‟un procès suite à une accusation portée

dix ans plus tôt, et annulé à l‟époque pour manque de preuves. »

L‟évidence la plus claire de l‟utilisation de la presse écrite par le gouvernement

fut l‟apparition de journaux populaires à sensations connus au Pérou sous le

nom de « journaux chicha »109. Ces journaux ont été crées en utilisant des

ressources données par le Service d‟Intelligence Nationale. Ces journaux

étaient utilisés non seulement pour diffamer les candidats de l‟opposition, et

vanter les actions du gouvernement, mais aussi pour détourner l‟attention des

lecteurs sur des faits de peu d‟importance comme les « people » ou les potins.

L‟apparition de ces journaux “chicha” a marqué une différence par rapport à la

presse populaire à sensations existante au Pérou depuis 1950. Au jargon, et

aux informations policières et au spectacle, il a été ajouté l‟utilisation des

éléments visuels très particuliers : des photos remplissant la une de jeunes

femmes presque nues.

107

FOWKS, Jacqueline, Op. Cit, p. 110. 108

VIVAS, Fernando, “¡Qué pena que da Mirarte! El canal 5, su papel en el fujimorato y las angustias de

Ernesto Schutz” (“Ca me fait pitié de te regarder! La chaîne 5, son rôle dans le fujimorato et les angoïses

d’Ernesto Schutz”), Caretas, Lima, 8 février 2001. 109

Le terme « chicha » est attribué aux expressions culturels, principalement la musique, des migrants de

la montagne péruvienne installés dans la capital, Lima ; cette dénomination fait allusion à la mélange des

cultures

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107

Cette presse était très bon marché en avait comme principal public les secteurs

économiques les plus démunis du pays. Cependant, l‟objet de cette presse était

de fonctionner comme un affichage. Pour des raisons culturelles et financières,

la plupart des péruviens n‟ont pas l‟habitude d‟acheter de manière quotidienne

les journaux (il n‟y a pas encore de la presse gratuite), cependant, il est très

habituel de les voir débout en face aux devantures des kiosques, lisant les

journaux qui y sont affichés. De cette manière, la technique utilisée par cette

presse était une véritable « propagande dans à la une » : les titres placés

étaient courts, mais directs, toujours insultant pour les opposants de M.

Fujimori.

Selon les enquêtes judiciaires réalisées après la chute du régime de M.

Fujimori, cette presse recevait tous les jours des indications précises de la part

du Service d‟Intelligence Nationale concernant les titres à mettre en place à la

une, ou le membre de l‟opposition qui devait être « agressé » le lendemain.

Dans l‟avis de l‟Association Civile Transparence Internationale, cette presse « a

été utilisée pour blesser l‟image publique des membres de l‟opposition politique

en restant impunie grâce à l‟inaction du Pouvoir Judiciaire » contrôlé par le

régime.

Parmi les journaux « chicha » qui sont apparus durant le régime de Fujimori, il y

avait : El Mañanero (1993), Ajá (1994), El Chino (1995), La Chuchi (1996), El

Chato (1998), El Tío (1998). Ce dernier journal a initié en décembre de 1998

une campagne d‟attaque directe contre les candidats de l'opposition au régime,

en suivant la tendance du journal El Chino existant depuis 1997. Avant de

commencer la campagne électorale, les cibles de ces journaux étaient non

seulement les politiciens opposants à Fujimori, mais aussi les journalistes

opposants (César Hildebrandt –directeur du journal Libération-, Gustavo

Mohme –directeur du journal La República-, Fernando Rospigliosi –analyste

politique et rédacteur de la revue politique Caretas-, Angel Paez –chef de

l‟Unité d‟Investigation de La República-, etc.)

Entre 1998 et 1999, tous les journaux « chicha » présentaient dans leurs Unes

des attaques frontales contre les opposants au régime. En 1999 trois journaux

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108

« chicha » sont aussi apparus : Diario Más, El Men et Conclusión. A partir de ce

moment-là tous ces journaux ont initié une campagne de diffamation contre les

candidats présidentiels qui avaient des indices d‟approbation les plus élevées,

après Alberto Fujimori : Alberto Andrade Carmona (Somos Perú) et Luis

Castañeda Lossio (Solidaridad Nacional). Cette campagne a continué jusqu‟à

mars 2000, quand le candidat de Perú Posible, Alejandro Toledo, commence à

occuper la deuxième place dans les sondages électorales. (Fowks : p. 69-79).

En 2000, deux nouveaux journaux « chicha » se sont unis à cette campagne :

La Yuca et Vistazo.

Des 17 journaux populaires existant jusqu‟à mai de 2000, 15 maintenaient une

ligne éditoriale de claire opposition aux autres candidats en mettant en

évidence qu‟il y avait toute un machine politique derrière, étant intéressé à

discréditer tous les opposants à Fujimori. La relation entre le Service

d‟Intelligence Nationale et ces médias a été prouvée par les enquêtes

judiciaires ouvertes après la chute de Fujimori. La stratégie utilisée par ces

médias, qui avaient un petit tirage (tiraje), était plutôt de fonctionner comme des

affiches, ou des brochures (panfleto), en étant accrochés dans les kiosques, et

en possédant des couleurs et des photographies attractives (principalement des

femmes à moitié nues).

Donc, la stratégie du régime d‟Alberto Fujimori, coordonné par le conseiller du

Service Nationale d‟Intelligence Vladimiro Montesinos, a utilisé une machine de

propagande politique qui devait non seulement mettre en évidence les réussites

du régime mais aussi discréditer ses adversaires (d‟autres candidates,

d‟institutions ou d‟organismes critiques au régime -tels que la Defensoría del

Pueblo ou l‟Association Civile Transparencia-, des médias de l‟opposition, etc.).

La pression exercée par le gouvernement, en profitant surtout des problèmes

financiers et judiciaires des médias, a permis l‟installation d‟une campagne

médiatique en faveur de la troisième élection consécutive d‟Alberto Fujimori.

Cette campagne allait de l‟attaque direct contre les opposants du régime, en

présentant des dénonciations journalistiques partiales (en utilisant seulement

une source toujours favorable au régime), contenant des propos insultants

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109

discréditant les adversaires de Fujimori (tels que ceux-ci entrepris par América

Télévision et Frecuencia Latina, en accord avec d‟autres médias tels que le

journal Expreso -de claire soutien au régime- et les journaux « chicha »

(fonctionnant principalement comme des affiches de propagande

gouvernementale et de diffamation de l‟opposition) ; jusqu‟à la présentation des

lignes éditoriales caractérisant par une « partialité atténuée » -à travers de la

hiérarchisation dans l‟agenda informatif (dans le temps donnée à la

présentation de l‟information, dans la place occupée dans l‟agenda).

3.2. Du silence à l’ouverture informative110. Les médias lors de la

transition politique (le gouvernement de Valentin Paniagua)

Les nouvelles conditions politiques, résultat de l‟installation du gouvernement

de transition de Valentin Paniagua, ont marqué la recomposition de la scène

politique. En effet, ces conditions ont permis, aussi bien aux acteurs politiques

qu‟aux acteurs médiatiques, (auparavant discrédités ou opprimés par le régime

d‟Alberto Fujimori) d‟essayer de retrouver leur place dans le jeu politique ainsi

que d‟expliquer s‟ils avaient eu une liaison de proximité ou complicité avec ce

régime-là.

Cette tendance, qui permettait de déterminer le rôle des politiciens et des

médias péruviens au moment de la transition politique, a été entourée d‟une

ambiance politique de soutien vers le régime de transition de Paniagua ; et

d‟hypersensibilité sociale à tout fait qui pourrait être perçu par l‟opinion

publique comme un effort de déstabilisation du processus de transition. Cela,

surtout à cause des probables conséquences (sanctions, critique publique…)

qui pouvaient se présenter, et dont les médias n‟ont pas été étrangers.

110

LUJAN ANDRADE, Gisela, ¿Del silencio a la apertura informativa ? El papel de los medios de

comunicación televisivos durante el gobierno de transición democrática de Valentín Paniagua (2000-

2001) (Du silence à l’ouverture informative? Le rôle joué par la télévision péruvienne lors du régime de

transition démocratique de Valentin Paniagua (2000-2001), mémoire de Licence en Communication,

Lima, Universidad de Lima, 2003, 195 pages.

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110

En effet, même si pendant la transition a commencé une grande étape pour la

liberté la de presse, la situation particulière de chaque média au moment de la

chute du régime d‟Alberto Fujimori a influencé leur comportement lors de la

transition 2000-2001. Les principaux facteurs qui conditionnaient la capacité

informative et de fiscalisation des médias pendant le gouvernement de

transition dépendaient, d´une part, du niveau de participation des médias, leurs

propriétaires et leurs journalistes dans le réseau de corruption établie pendant

le gouvernement de Fujimori ; et d‟autre part, de la diffusion publique des

preuves qui pouvaient confirmer cette participation.

« (A l’époque de Fujimori) on pouvait détecter des groupes dans le monde

journalistique péruvien: certains groupes essayaient de rester neutres ;

d’autres n’avaient pas honte de se vendre et de suivre le mandat de la

chaîne. Il y avait d’autres journalistes qui démissionnaient mais ils restaient

au chômage, sans aucune possibilité de travailler dans une autre chaine de

télévision parce que tous les médias télévisés appartenaient au pouvoir.

Tous. Dans la chaine 2 (« Frecuencia Latina »), les frères Winter avaient le

pouvoir, après avoir mis de côté Baruch (Ivcher) ; la chaine 4 était contrôlée

par les Crousillat ; la chaine 5 par (Ernest) Schutz ; la chaine 9 par Angel

Gonzalez.. C’est-à-dire, toutes les chaines de télévision étaient dans les

mains de Fujimori…. Mais, ca serait une chaîne de câble, Canal N, qui

transmettrait le connu « vladividéo » qui ferait tomber le régime (celle

montrant Vladimiro Montesinos en train de donner 15 mil dollars à un

parlementaire de Perú Posible, Alberto Kouri, pour qu’il démissionne de son

parti politique). A ce moment-là, ce n’était plus possible de cacher la vérité,

et la crise est arrivée aux chaînes de télévision... »

(Mávila Huertas, journaliste et présentatrice de télévision, « América

Noticias », América Télévision)

C‟est ainsi qu‟on a vu les médias qui avaient eu une participation active et

évidente dans la défense du gouvernement d‟Alberto Fujimori, et celles qui

avaient confronté les opposants du régime, élaborer des agendas médiatiques

de défense ou de justification par rapport á leur participation dans cette période-

là. De même, la continuation ou non continuation des Conseils

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111

d‟administrations ayant eu des négociations avec Vladimiro Montesinos

pendant le régime de transition politique, mais surtout, l‟existence et la

postérieure diffusion des vidéos impliquant les propriétaires des médias ou les

journalistes, ont été des facteurs centraux pour déterminer le contenu de

l‟agenda de ces médias et leur position éditoriale pendant cette époque-là.

* Les enquêtes judiciaires ont impliqué dans des pratiques supposément

illicites pratiquement tous les propriétaires des médias qui avaient soutenu

Fujimori.

* Les propriétaires des médias en procès judiciaire continuaient à gérer

leurs médias et leurs contenus informatifs, étant les cas les plus relevants

ceux des chaines 4 et 5 et celui du journal Expreso.

* Les médias qui avaient une liaison avec la corruption ont adopté une

ligne éditoriale progressivement adverse aux procès d’investigation et

judiciaires. ...

* La crise économique est apparue dans presque toutes les chaines de

télévision. Il augmentait le nombre des journaux. La voracité des

informations alarmantes et sensationnaliste est accrue dans les médias.

Pendant la période de la transition politique, on a observé que les chaines de

télévision América Televisión et Frecuencia Latina et les journaux Expreso, El

Chino, et d‟autres journaux populaires appelés « chicha », dont leur

administration avaient une proximité évidente avec le régime d‟Alberto Fujimori

et dont leur agenda médiatique pendant la campagne électorale de 2000 a été

d‟attaque flagrante contre les candidats de l‟opposition, ont utilisé la plupart de

leur agenda médiatique soit pour justifier leurs actions, soit pour donner de

l‟espace de défense à leurs propriétaires et d‟autres acteurs politiques liés au

régime antérieur, soit pour critiquer de manière ouverte aux candidats de la

campagne électoral de 2001. Au début du processus, certains médias ont

essayé de discréditer le régime de transition (le cas de l‟émission télévisée

« Tiempo Nuevo », d‟América Televisiñn) mais, tel qu‟on l‟a mentionné

auparavant, l‟opinion publique se montrait contraire à n‟importe quel essai de

mettre en question le processus de transition et la qualité morale du Président

de la République et leur Cabinet de Ministres. La confrontation et l‟instabilité

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des médias impliquées dans le réseau de corruption du régime de Fujimori sont

devenues plus critiques quand les vidéos impliquant leurs propriétaires,

spécialement ceux qui les montraient en train de recevoir de l‟argent des mains

de Montesinos en lui assurant l‟adaptation de leurs agendas aux intérêts

électoraux du régime, commençaient à être diffusées.

Le changement d‟administration dans les cas des chaînes de télévision qui,

d‟après les enquêtes judiciaires et des vidéos montrées, avaient encourut dans

le délit de manipulation informative et diffamation, et de négociation illicite, ont

marqué un changement dans le traitement de leurs agendas, cependant, du à

leur proximité du régime de Fujimori, soit comme complice ou allié, soit comme

victime ou centre de ses attaques, les médias ont montré un comportement

journalistique très attachés à la conjoncture, avec la claire intention d‟avoir une

présence active dans le jeu politique de la transition. La nécessité de répondre

aux demandes d‟information et à l‟ambiance de rendu des comptes installés

pendant la période de transition a fait que les médias se voient obligés à

marquer une distance par rapport aux actions de leurs propriétaires et leur

relation du régime antérieur, soient en soulignant leur position critique pendant

les années de Montesinos et Fujimori (ce qui est arrivé à la nouvelle

administration de Frecuencia Latina ou du journal écrit La República).

L‟état des médias au cours du gouvernement de transition politique de six mois

de Valentin Paniagua s‟est maintenu –dans la plupart des cas- pendant les

premières années du régime d‟Alejandro Toledo, en ayant une influence clé

grâce á leur rôle de pression vers le nouveau gouvernement. Celui-ci été

chargé de continuer les enquêtes judiciaires contre le régime antérieur et contre

et les acteurs politiques et médiatiques qui ont été leurs complices- enquêtes

démarrées par le régime de Paniagua.

3.2.1. La structure médiatique lors du régime de transition de Valentin

Paniagua :

Frecuencia Latina (Chaine 2) : Dans le cas de Frecuencia Latina, l‟actioniste

majoritaire Baruch Ivcher, qui avait perdu le contrôle de la chaîne en 1999, l‟a

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récupérée le 6 décembre 2000, deux semaines après l‟installation du

gouvernement de Valentin Paniagua, en faisant accomplir un mandat de justice.

Ce jour la signale de transmission de Frecuencia Latina s‟est éteint pour revenir

quelques jours après.

La couverture journalistique de cette chaîne de télévision a changé

radicalement au cours de la gestion de Baruch Ivcher. Sa priorité était non

seulement de marquer une distance avec la gestion des frères Winter, qui

étaient au service du régime de Fujimori, mais aussi de dénoncer les actes de

corruption commise pendant le régime de Fujimori et de montrer la complicité

illicite existant entre les Winter et Vladimiro Montesinos. Baruch Ivcher est

retourné à Frecuencia Latina accompagné des journalistes qui avaient dû partir

après sa destitution, qui étaient partis vers la presse écrite d‟opposition (tel que

les journaux La República et Liberación) ou la télévision par câble (dans le

cadre des élections de 2000, le groupe El Comercio avait crée une chaîne de

télévision dédiée exclusivement à l‟information journalistique).

América Télévision (Chaine 4) : Dans le cas d‟América Télévision, même si la

famille Crousillat est restée dans la gestion d‟América Télévision pendant les

six mois du régime de transition, la gestion de José Enrique Crousillat et José

Francisco Crousillat, père et fils, a du être remplacé par celle de sa fille, Marisol

Crousillat, en mars 2001. Cette décision a été prise par les deux premiers en

prévenant les probables conséquences produites pour l‟évidente proximité

existante enter les Crousillat et le régime de Fujimori. Toutefois, les révélations

de documents et des vidéos impliquant ces chefs d‟entreprise diffusés pendant

la période de transition, et leur postérieur fuite pour l‟ordre de capture émis en

leur contre, ont crée une sérieuse instabilité dans cette chaîne de télévision en

faisant possible sa restructuration et le changement d‟administration en 2004,

lors du régime d‟Alejandro Toledo.

Le 30 janvier de 2001, Frecuencia Latina a rendue publique une conversation

téléphonique entre José Francisco Crousillat et Vladimiro Montesinos, dans

laquelle ils coordonnaient la transmission d‟un reportage à apparaître dans la

chaîne des Crousillat, América Télévision. Le 18 février, Frecuencia Latina et le

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journal La República ont dénonce la signature d‟un contrat de location entre

José Francisco Crousillat et Vladimiro Montesinos, á travers lequel Crousillat

avait reçu 9 millions de dollars pour soumettre la ligne journalistique d‟América

Télévision aux intérêts du régime d‟Alberto Fujimori. Les Crousillat

reconnaissaient publiquement la vérité de ce contrat en justifiant leur décision

par les « chantages» entrepris par le gouvernement. Le 21 février le journal El

Comercio dénonce l‟existence d‟une vidéo où le père et le fils (Croussilat ?)

recevaient des mains de Montesinos plus d‟un million de dollars. Le 2 mars, le

Parlement montre trois vidéos qui impliquaient, eux aussi, les propriétaires de

cette chaîne de télévision. Le 10 avril, les Croussillat sollicitent à la justice d‟être

bénéficiaires de la Loi de Collaboration Efficace. Le 16 avril la Justice a

ordonné leur capture après leur fuite du pays. Tous les deux sont restés fugitifs

jusqu‟en mai 2006, quand la justice argentine (pays où ils demeuraient depuis

2002) a décidé de les extrader vers le Pérou. Ils ont été condamnés à 8 ans de

prison en aout 2006, pour avoir reçu de l‟argent de manière illicite du conseiller

présidentiel Vladimiro Montesinos afin de mettre la ligne éditoriale d‟América

Télévision en faveur du régime d‟Alberto Fujimori.

Panamericana Télévision (Chaine 5) : Pendant la période de transition, les

dénonciations journalistiques sur de probables accords économiques ont

montré que l‟actioniste majoritaire de Panamericana Télévision, Ernesto Schutz

Landazuri, avait aussi reçu de l‟argent des mains de Montesinos – et ce, même

si aucune vidéo montrant Schutz en train de recevoir de l‟argent des mains de

Vladimiro Montesinos est apparue. Cette situation a sans aucun doute affecté

l‟agenda de Panamericana Télévision, qui incluait dans son agenda médiatique

la transmission des communiqués de presse et la présentation des reportages

soit en défendant Schutz, soit en expliquant que les liens existant entre Schutz

et le régime n‟avaient jamais affecté le contenu de Panamericana Télévision.

Les premières dénonciations journalistiques contre Schutz et Vladimiro

Montesinos sont apparues en mars de 2001 : le 7 mars, le journal Libération

publiait des transcriptions informelles de deux vidéos enregistrant une réunion

entre Montesinos, Schutz et Manuel Delgado Parker (actioniste majoritaire de

Radio Programas del Perú). Le 8 mars, l‟agence informative Agencia Perú

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(dirigée par la journaliste Cecilia Valenzuela -qui en 1993 avait dénonce que

Alberto Fujimori était de nationalité japonaise- et ayant des liens probables avec

Baruch Ivcher) révélait l‟acte judiciaire des deux vidéos mentionnées

auparavant. Dans cette vidéo Schutz explique à Montesinos : « Il faut préparer

le schéma de l‟émission-télé Pulso Electoral et que chaque invité fasse un

script à être donné à la présentatrice, afin qu‟elle sache quoi dire. Par exemple,

si on invite à un petit coq ou à un autre qui sait lutter afin qu‟elle le batte. Je dis

toujours à Monica (la présentatrice) de ne pas faire de questions malines sur toi

ou sur le gouvernement »111.

Les dénonciations journalistiques ont continué à apparaître dans les mois

suivants. En octobre 2001 (étant déjà au pouvoir Alejandro Toledo), est

apparue la vidéo qui démontrait que Schutz avait lui aussi reçu de l‟argent en

liquide (350 mil dollars) des mains de Montesinos. Schutz, déjà en Argentine, a

été capturé par l‟Interpol le 4 octobre. Schutz est sorti de prison le 28

décembre, après avoir payé une caution de 600 mil dollars.

Red Global (Chaine 13) et radio 1160: Vers la fin du gouvernement de

transition, le principal actionnaire de ces entreprises, Genaro Delgado Parker,

attendait la résolution judiciaire nécessaire pour récupérer leur control

administratif. En novembre 2000, la Corte Interaméricaine de Droits de

l‟Homme (CIDH) a sollicité que le gouvernement péruvien applique les mesures

nécessaires afin de garantir la dévolution de l‟administration de ces médias à

Delgado Parker.112

Journal Expreso: En janvier 2001, deux vidéos impliquant le directeur de ce

journal, Eduardo Calmell del Solar, ont été diffusées. La première montrait à

Calmell en train de recevoir, des mains de Vladimiro Montesinos, deux millions

de dollars comme résultat de la vente des actions d‟une chaine télévisée de

câble, CCN (Cable Canal de Noticias); la deuxième montrait Calmell del Solar

en train de recevoir un million des dollars, comme paiement pour les

111

Déclarations publiées dans le journal péruvien La República, le 12 march 2001. 112

SOCIÉTÉ INTÉRAMÉRICAINE DE PRESSE, Rapport de la moitié d’année : 2001. Pérou [en

ligne]. Disponible sur: http://www.sipiapa.org/espanol/pulications/mid3-peru.cfm (consulté le 26 mai

2009)

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« compromis de collaboration » signés par Calmell, dans sa condition de

directeur de l‟Expreso. Après cette révélation, le directeur du journal, Calmell,

fut invité à démissionner. Calmell est devenu fugitif de la justice mais il a été

incarcéré dans son domicile.

Andina de Televisión ATV (Chaine 9): Le président du Conseil

d‟Administration, Julio Vera Abad, affrontait aussi un procès judiciaire pour avoir

reçu 50 mil dollars de Vladimiro Montesinos comme paiement pour la fermeture

de l‟émission journalistique de Cecilia Valenzuela et la dénonciation d‟une autre

journaliste critique du régime, César Hildebrandt. Jusqu‟à la fin du régime de

transition, Vera Abad était fugitif de la justice. Une ordre de capture a son

encontre a été émise par l‟Interpol.

Les journaux « chicha » : Pendant la transition politique de Valentin Paniagua,

les propriétaires de ces journaux affrontaient aussi des enquêtes judiciaires

pour les délits de diffamation et pour avoir reçu de l‟argent de l‟État à ces fins :

Moisés et Alex Wolfenson (El Chino), José Olaya (El Tío), Pablo Documet Silva

(El Chato, La Yuca et Conclusión) ; Alejandro Estenos et Ricardo Oliveri (El

Mañanero).

3.3. La structure médiatique et la situation judiciaire et économique des

médias péruviens lors du régime d’Alejandro Toledo :

Au moment de l‟arrivée au pouvoir d‟Alejandro Toledo, le Pérou comptait avec

environs 73 journaux, dont 25 était basés a Lima (la capital, avec 8 millions

d‟habitants). Parmi les journaux « sérieux » on trouve le journal El Comercio -le

seule en format standard, considéré comme le journal le plus ancien et le plus

sérieux (appelé le « doyen de la presse national »)-, La República, El Peruano

(le journal de l‟État), Expreso (dont le propriétaire, José Calmell del Solar

affrontait un procès judiciaire pour ses liaisons avec le régime d‟Alberto

Fujimori), Gestión, Correo (crée en 2001, après la chute du régime de Fujimori)

et Perú 21 (crée en 2003). Parmi les journaux « chicha » qui continuaient à

publier au début du gouvernement de Toledo et dont leurs propriétaires

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affrontaient aussi des procès judiciaires étaient : Aja, El Chino, Extra, El

Popular, et Trome.

Concernant les médias télévisées et radiophoniques qui affrontaient des procès

judiciaires pour leur liaison avec le régime d‟Alberto Fujimori au moment de

l‟arrivé au pouvoir d‟Alejandro Toledo, on peut identifier :

- América Télévision : dont l‟administration appartenaient à la famille Crousillat

à cause de la fuite de ses principaux directeurs, José Francisco et José Enrique

Crousillat ; l‟administration de cette entreprise est restée en mains de la famille

Crousillat jusqu‟à février 2003, quand le groupe de télévision Plural TV,

conformé par les directoires des journaux El Comercio et La República, et

l‟entreprise colombienne Caracol TV, ont assumé son administration, après

avoir acheté le 55% des dettes leurs principaux créanciers (la banque Wiese

Sudameris, Televisa et Interbank).

- Panamericana Télévisión : dont le principal administrateur, Ernesto Schutz,

avait été impliqué dans les négociations illicites avec Vladimiro Montesinos.

Schutz a du affronter un procès judiciaire durant le régime d‟Alejandro Toledo.

L‟administration de l‟entreprise fut de responsabilité de Schutz jusqu‟à 2003,

quand la justice péruvienne ordonna la restitution de Genaro Delgado Parker,

comme l‟un d‟actionnaires principaux de la chaine télévisée ;

- Frecuencia Latina : dont les frères Samuel et Mendel Winter, anciens

propriétaires de la chaine télévisée, étaient en prison. En 2001, la chaine avait

retourné au pouvoir du principal actionnaire de l‟entreprise, Baruch Ivcher, qui

avait perdu son control en 1999.

- Radio Programas del Perú : dont le principal actionnaire, Manuel Delgado

Parker, avait vendu leurs actions de Panamericana Télévision afin de favoriser

l‟actionnariat d‟Ernesto Schutz, et affrontait aussi un procès judiciaire pour ses

liaisons avec Vladimiro Montesinos).

De cette manière, on peut voir que depuis le début du régime d‟Alejandro

Toledo, certaines administrations ayant eu une relation illicite avec le

gouvernement d‟Alberto Fujimori sont restées actives, tout en affrontant des

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procès judiciaires pour corruption et mauvaise utilisation des ressources de

l‟État.

« Il faut se rappeler que le gouvernement de Toledo fut le premier avec une

durée constitutionnelle après la chute de la dictature de Fujimori... il a été

mis en évidence que les propriétaires des médias avaient reçu de l’argent

pour mettre à disposition du régime leur ligne éditoriale. Le control… fut

effectué depuis le Service d’Intelligence Nationale… (à travers la) guerre

psychologique plus ou moins constante… basée sur des information

fausses ou sur la mi-vérité … Tout cela a crée une sorte de structure… qui

au moment de la chûte de la dictature ne fut pas ni suffisamment exposée,

ni correctement défaite. »

(Gustavo Gorriti, journaliste et ancien collaborateur d’Alejandro Toledo)

Afin de prendre distance des investigations de leurs propriétaires, la stratégie

de ces médias a été de transférer l‟actionnariat à d‟autres membres des

conseils d‟administration. Les enquêtes ont duré presque deux ans (jusqu‟à

2002). Dans la plupart de cas, il s‟est produit un changement total de ces

conseils.

Les deux ans de procès judiciaire des médias télévisées, radiophoniques, et

écrites, dont leurs propriétaires étaient en train d‟affronter des procès judiciaires

pour les délits de détournement de fonds et de complot pour commettre un

crime ont, sans doute, influencé la relation d‟une bonne partie de la presse

péruvienne et du régime d‟Alejandro Toledo.

D‟ailleurs, ces médias affrontaient d‟énormes dettes des médias, acquises mais

aussi « pardonnées » pendant le régime d‟Alberto Fujimori. Cette situation a

aussi crée un climat de tension permanente entre ces entreprises et

l‟organisme étatique chargé de la récollection des impôts, le « Sunat ».

Donc, on peut affirmer que la structure médiatique héritée des années du

régime de Fujimori, et la présence des nouveaux journaux et d‟espaces

télévisées ayant comme devise la vigilance de l‟exercice du pouvoir, ont

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contribué à dessiner le panorama politico-médiatique lors du régime d‟Alejandro

Toledo, surtout au cours des trois premières années, à partir du moment où les

procès judiciaires contre les propriétaires des médias complices du régime

d‟Alberto Fujimori aboutaient en résultats concrets, et que les administrations

de certains médias commençaient à changer.

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IV. Le journalisme et le déclenchement des scandales politiques lors du

régime d’Alejandro Toledo : Une analyse de la pratique journalistique

dans la construction des scandales, et les facteurs « externes » ayant y

influencé.

Suite à la révélation du grand réseau de corruption gouvernementale du régime

précédent d‟Alberto Fujimori, il s‟est installé un climat de surveillance

permanente de l‟exercice du pouvoir, et d‟intolérance envers n‟importe quel

acte de corruption gouvernementale. Cette prédisposition publique, initiée

durant le gouvernement de transition politique, s‟est intensifiée durant le

gouvernement d‟Alejandro Toledo. Toutefois, la cible de cette surveillance ne

fut plus le régime d‟Alberto Fujimori (dont le procès était en cours), mais le

gouvernement d‟Alejandro Toledo. Une tendance à laquelle les médias n‟ont

pas été étrangers.

Les scandales politiques sont principalement des événements médiatiques,

dans toute analyse expliquant leur fréquence élevée, était liée à la participation

des médias dans leur déclenchement. Le cas péruvien ne fut pas étranger à

cette étroite relation. Surtout à l‟époque du gouvernement d‟Alejandro Toledo,

un Président dont l‟exercice s‟est vu sérieusement affecté par les fréquentes

dénonciations déclenchées par les médias: Toledo initia sa gestion avec un

indice de satisfaction de 55%, lequel est tombé jusqu‟à 8%, puis 7%, entre

2003 et 2004, à raison des fréquentes dénonciations contre lui, et son

gouvernement (toutes entourées de protestations sociales fréquentes113).

A quel point les actions du régime, de son Président, et son entourage le plus

proche ont été un facteur d‟influence ? Est-ce que le niveau de corruption

enregistrée lors du régime d‟Alejandro Toledo était si significatif, au point de

déclencher des scandales si fréquents ? Ou est-ce que cette haute fréquence

113

Parmi les protestations sociales les plus importantes on peut mentionner: entre juin et juillet 2002, des

protestations dans le sud du pays, principalement à Arequipa, contre la privatisation des entreprises

d’électricité Egasa et Egesur. Les membres de cette communauté protestaient contre la décision du

régime, en contrevenant la promesse électorale d’Alejandro Toledo de ne pas vendre ces entreprises. Ces

protestations ont provoqué la destitution du premier Cabinet de Ministres de Toledo et l’installation d’un

État d’Urgence dans cette région-là. 113

En 2003, une grève générale des professeurs, médecines,

infermières, fonctionnaires du pouvoir judiciaires, agricultures, créa un climat de tension politique en

provoquant la démission de plusieurs ministres.

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peut s‟expliquer à cause de la situation « particulière » pendant laquelle les

médias péruviens se trouvaient durant –au moins- les trois premières années

de son mandat : les enquêtes judiciaires initiées contre les acteurs ayant

participé de ce réseau de corruption continuaient, impliquant –parmi d‟autres-

les médias qui avait négocié leurs lignes éditoriales afin de les rendre

favorables au régime de Fujimori.

La révélation de la participation des médias dans la corruption « fujimorista » a

eu un impact négatif sur l‟image des médias en général, lesquels possédaient

une faible crédibilité dont l‟indice était de 8% en 2001. Cependant, cette

conséquence sur le journalisme péruvien peut expliquer la fréquence des

dénonciations politiques contre le nouveau régime ? Est-ce qu‟on peut affirmer

que les médias ont obtenu des avantages « politiques, commerciaux,

économiques » dans la surveillance permanente des actions du Président, de

son entourage politique, et personnel, jouant un rôle central dans le

déclenchement des scandales politiques l‟ impliquant?

Les probables réponses à ces questions trouve leur source dans l‟histoire

politique récente du pays : la révélation d‟un grand réseau de corruption

impliquant les médias péruviens, l‟intérêt de certains médias à faire pression

sur le nouveau gouvernement chargé de faire les enquêtes judiciaires contre ce

réseau de corruption, la présence encore forte des acteurs politiques impliqués.

Et le climat de surveillance du pouvoir, ajouté à l‟intolérance contre la

corruption ou l‟abus de pouvoir installé après la chute d‟Alberto Fuijmori.

On a déjà parlé des facteurs dans l‟introduction, et la troisième partie de cette

recherche. Dans ce chapitre on va reprendre ces facteurs, afin de les utiliser

pour mettre en contexte les facteurs « touchant directement » le champ

journalistique existant lors de la post-transition, cela signifie, ayant une

influence directe sur la pratique journalistique.

Les déclarations des journalistes interviewés –déjà inclues dans les chapitres

précédents-, à propos de leur participation dans les principales dénonciations

impliquant le gouvernement d‟Alejandro Toledo (identifiées et analysées dans le

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chapitre II), nous ont servi à identifier les facteurs influençant directement le

champ journalistique.

D‟après leurs déclarations, on a qualifié comme de « facteurs externes » ceux

qui font référence, plutôt que les acteurs appartenant au champ politique de la

post-transition : le Président, son entourage personnel, son gouvernement, son

parti politique ; de même qu‟aux valeurs politiques, sociales ou morales

installées dans la période de post-transition (intolérance vers la corruption,

surveillance de l‟exercice du pouvoir, transparence informative, respect de la

liberté de presse) ; toutes ayant influencé le champ journalistique de la post-

transition. Concernant les « facteurs internes », on a considéré comme tels,

ceux qui résultaient de l‟influence du climat politique sur la pratique

journalistique : la renaissance du journalisme d‟investigation, le fait d‟être

d‟opposition comme un facteur « différentiel », justification du rôle journalistique

de contrôle du pouvoir, etc.

4.1. Les « facteurs externes » du champ politique ayant influencé sur le

champ journalistique de la post-transition.

4.1.1. L’héritage du réseau de corruption lors du régime d’Alberto

Fujimori : la crédibilité du journalisme mise en question.

La diffusion des vidéos (entre 2000 et 2002) montrant que les propriétaires des

médias avaient reçu de l‟argent des mains de Vladimiro Montesinos afin de

soumettre leur ligne éditoriale aux intérêts du régime (ayant pour but de gagner

les élections 2000), a mise en question la crédibilité des médias, et leur

indépendance par rapport aux délits de corruption, et abus du pouvoir du

régime d‟Alberto Fujimori.

La participation de certains médias dans le réseau de corruption du

gouvernement de Fujimori n‟a pas seulement touché les médias impliqués –

dont les administrations n‟ont pas changé durant les deux premières années du

régime d‟Alejandro Toledo- mais la situation du journalisme péruvien en

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générale. Cette situation a conditionné leur ligne éditoriale d‟une manière ou

d‟une autre. L‟option fut, donc, d‟exercer un rôle plus actif dans la surveillance

de la vie politique. L‟exigence du contexte vécue l‟exigeait, et les médias ne

pouvaient pas être y étrangers.

« La plupart voulait effacer de la mémoire du public leur relation avec le

régime de Fujimori... ils voulaient récupérer leur crédibilité, et pour telle raison,

ils ont commencé à attaquer le régime et son Président. Leur propos était la

récupération de la confiance de la population. Mais aussi de dire que c’était

leur rôle aujourd’hui… Par contre, le cas de Perú 21 était différent parce qu’on

n’avait pas le même passé. On n’avait pas commis les erreurs des années 90.

Perú 21 arrivait comme une nouvelle presse, du siècle 21. Elle promettait aux

lecteurs une information sur les actions du régime… Je crois que Perú 21

avait conscience de son rôle social, de son rôle de contrôle, et de

surveillance. Conscience d’être une sorte de mur au pouvoir illimité du régime

antérieur… afin d’envoyer un message au régime actuel : « Cholo , tu ne

pourras pas faire ce que tu veux parce qu’on est ici … Il ne s’agissait pas de

« tuer »Toledo pour rien, non plus de publier des scandales sur lui pour le

simple désir de le faire.. Ou de vendre… je crois qu’on était conscient de

notre rôle de surveillance…et à la fin, on l’a fait vraiment… » (Alejandra

Costa, Perú 21)

Différents facteurs peuvent expliquer cette tendance généralisée parmi le

journalisme péruvien. L‟un d‟eux fut le poids historique-politique du régime

d‟Alberto Fujimori (possédant l‟hégémonie du pouvoir pour dix ans), de la

révélation du grand réseau de corruption existant durant ce régime-là (dont la

participation de plusieurs propriétaires de médias a mis en question la

crédibilité des médias), elle a été déterminante pour faire de la médiatisation

en général, une question importante provenant du public après le mandat de

Fujimori.

Ce climat de d‟interrogations et d‟enquêtes sur sa corruption lors du régime

d‟Alberto Fujimori a été prioritaire durant la transition politique (présidé par

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Valentin Paniagua, de novembre 2000 à juillet 2001). De même, il a marqué

l‟agenda électoral lors des élections de 2001 (voir Introduction). L‟évaluation du

passé politique des candidats, leur qualité morale, et politique, leur relation

avec la corruption du régime de Fujimori, prenant naissance au travers de

discours politiques, et d‟agendas informatifs des médias. Cette tendance a

créé un climat de tension politique, lequel a perduré, et s‟est intensifié durant le

régime démocratique d‟Alejandro Toledo.

La structure médiatique existant durant le gouvernement d‟Alberto Fujimori ne

fut pas démantelé durant les premières années du régime d‟Alejandro Toledo,

plusieurs propriétaires,s et journalistes étaient suspectés d‟avoir reçu de

l‟argent de l‟État afin d‟engager les lignes éditoriales des médias au service de

la campagne de réélection d‟Alberto Fujimori.

« … Des groupes ayant des liaisons avec le régime de Fujimori avaient

décidé de pratiquer le journalisme d’investigation… Pour eux, le plus

important était le déclenchement des scandales. » (Gustavo Gorriti, Idéele)

“C’est vrai aussi qu’il y avait des montesinistas devenus journalistes, ceux qui

travaillaient pour des journaux tels que Expreso et La Razñn… Ils voulaient

faire tomber Toledo, et de cette manière, autoriser l’impunité de Fujimori, et

de Montesinos.... Je me suis posé la question et , si : Correo faisait parti de

cette machination cherchant la chute de Toledo (à cause du passé politique

du directeur, Carlos Tafur)... En tout cas, mon travail s’est jamais vu affecté

pour cette raison » (Orazio Potestá, Correo)

4.1.2. Le poids de l’intérêt politique des opposants et dissidents du

régime d’Alejandro Toledo : l’opposition politique, et les dissidents du

parti politique gouvernemental comme principal source des médias

« C’est très rare de trouver la source qui donne l’information mettant à l’

honneur la liberté d’expression… la plupart des gens intéressés, qu’il s’agisse

d’un homme politique qui veut rendre public une information qui peut

discréditer son opposant…; soit un personnage provenant du parti du

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régime… les sources recherchent habituellement le soutien des médias

parce qu’ils pensent que leur dénonciation aura beaucoup plus d’impact”.

(Augusto Alvarez Rodrich, Perú 21)

« L’opposition, l’APRA, profitaient souvent des opportunités …. Les

parlementaires restaient d excellentes sources… si une dénonciation n’avait

pas l’impact attendue, ils essayaient une nouvelle fois avec une autre… La

commission de Fiscalisation du Parlement est devenue une source majeure.

Si le régime avait une majorité dans le Congrès, elle n’avait pas l’expérience

politique, ce qui était différent dans le cas de l’Apra, qui avait la présidence de

cette commission et, par conséquent, avait la capacité de solliciter

l’information, et appeler le Premier Ministre afin de se présenter auprès du

Parlement… » (Jorge Saldaña, El Comercio)

Au Pérou, la crise de partis politiques existant depuis les années 80, le système

antipolitique installé durant les années 90 lorsque le régime d‟Alberto Fujimori,

la perte de confiance des citoyens par rapport à la capacité des partis

politiques traditionnels de satisfaire leurs demandes, et de résoudre les

principaux problèmes du pays (le chômage, la pauvreté, la violence interne),

ont affaiblie sérieusement la crédibilité des politiciens, et leur capacité de

représentation.

La « démocradure » ou « autocratie » de Fujimori –aussi qualifiée comme un

régime d‟autoritarisme compétitif (Tanaka) parce qu‟il s‟agissait d‟un régime

démocratique au niveau formel qui a fonctionné avec une logique autoritaire- a

imposé une « logique anti-institutionnelle » et « anti-partisane » formalisée

dans la Constitution Politique de 1993, instaurant « des mécanismes de

démocratie participative et directe projetés comme des alternatives à la

démocratie représentative des partis, supposément caduques ».114 De cette

façon, durant la décennie de Fujimori s‟est installé au Pérou un système sans

partis politiques: la politique est réalisée par des acteurs marqués par la

114

TANAKA, Martín, “El gobierno de Alejandro Toledo, o cómo funciona una democracia sin partidos”

(“Le gouvernement d’Alejandro Toledo, ou comment marche une démocratie sans partis) [en ligne]. In:

Política, 2004, Lima, no. 42, p. 132-133. Disponible sur:

< http://redalyc.uaemex.mx/pdf/645/64504207.pdf> (consulté le 30 juillet 2008)

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désidéologisation, le personnalisme, la volatilité, l‟improvisation, et la précarité

des leaderships, le « cortoplacismo » (le délais court) de leur rationalité, leur

pragmatisme excessif, a eu pour conséquence, l‟impossibilité pratique de faire

des calculs à moyen ou long terme, et a rendu difficile le développement de

comportements coopératifs.

La crise du système des partis politiques péruviens a pu être évidente dans la

volatilité des voix enregistrées durant les élections de 2000 et 2001. Lors des

élections 2000, x groupes politiques se sont présentés. La plupart de ces

groupes était des nouveaux partis politiques formés pour les élections, Ils

appartenaient à d‟anciens membres des partis traditionnels possédant d‟infimes

intentions de voix: Perú Posible (le parti d‟Alejandro Toledo) ; Solidaridad

Nacional (représenté par l‟ancien maire de Lima Luis Castaðeda Lossio, et

formé par d‟anciens membres d‟Izquierda Unida et Acciñn Popular) ; Somos

Perú (représenté par l‟ancien maire de Lima Alberto Andrade Carmona, et

formé par d‟anciens membres du PPC), etc. Les partis traditionnels se sont

aussi présentés dans les élections, mais dans quelques cas, en faisant partie

de nouvelles alliances électorales : PPC, Acciñn Popular, dans l‟alliance Unidad

Nacional. Le seul parti politique traditionnel qui s‟est présenté comme tel était

l‟APRA, le parti d‟actuel président du Pérou (2006-2011), Alan García Pérez.

Le poids politique de la corruption gouvernementale du régime d‟Alberto

Fujimori a sérieusement touché les différents acteurs politiques aspirant

d‟obtenir une place dans la nouvelle scène politique péruvienne. Une fois

installé le nouveau régime démocratique d‟Alejandro Toledo, ses acteurs on

trouvé de nouvelles conditions pour retrouvers leurs places, et récupérer la

confiance de l‟opinion publique.

On a déjà expliqué que depuis la transition politique, il existait un climat

généralisé de surveillance de l‟exercice du pouvoir, et d‟hypersensibilité contre

n‟importe quel acte politique considéré comme corrompu. Ce climat s‟est

intensifié durant les élections 2001. Il continuait au régime d‟Alejandro Toledo.

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« Durant l’époque de Toledo, il y avait les procès contre la corruption, contre

Montesinos. On était à la chasse de Fujimori, etc. .. Et il est vrai qu a ce

moment-là il avait commencé un essai concret pour faire tomber le

gouvernement… Dans un moment donné, García lui-même était impliqué… il

existait une coalition étrange entre la gauche, et tous ces groupes…

Quelques groupes, tel que la CGTP (syndicat des travailleurs) et d’autres on

constaté les conséquences, et ils ont arrêté. Dans ce contexte, il commence

l’essaie de déstabiliser le régime à travers le scandale quotidien, surtout de la

part de quelques groupes liés à la mafia. Leur propos était de créer une

impression d’instabilité qui indiquait incompétence élémentaire pour

gouverner. C’est à partir de ce moment-là que la dénonciation des signatures

falsifiées est sortie » (Gustavo Gorriti, Idéele)

Afin de récupérer la confiance des électeurs par rapport à leur capacité de les

représenter, les partis politiques ont contribué de manière décisive à installer

un climat de surveillance, et de critique permanente de la part des politiciens

contre le nouveau régime d‟Alejandro Toledo. Il était plus faible que celui de

Fujimori sur le plan politique et stratégique. Comment ? A travers la production

permanente des dénonciations capables de déclencher des scandales. C‟était

la stratégie utilisée par la plupart des acteurs politiques afin de récupérer leur

crédibilité, mise en question par leur participation au régime d‟Alberto Fujimori.

En effet, les scandales politiques représentent la mise en œuvre de « la

politique de la honte » (the politics of embarrassment), c‟est-à-dire, des

moments où les acteurs politiques envisagent la publication d‟informations

ayant la capacité de miner la crédibilité, et la réputation de leurs adversaires

politiques. Cette capacité était plus visible et plus efficace dans une époque où

le succès d‟un politicien dépendait plus de « leurs titres personnelles » et des

sympathies déclenchées par les électeurs.115

C‟est pour cette raison que le pouvoir des scandales comme celui des

stratégies implémentées dans le jeu politique résident dans la capacité de

115

TUMBER, Howard, et WAISBORD, Silvio, “Political Scandals and Media across Democracies”.

American Behavioral Scientist, no. 47 (7-8), 2004, p.1036.

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miner le capital symbolique sur lequel l‟exercice du pouvoir politique dépend. La

destruction, ou la détérioration de la crédibilité des politiciens implique

l‟affaiblissement des sources du pouvoir politique, puisqu‟il a la capacité de

détruire, ou de détériorer la réputation des politiciens. Par conséquent, détruire

leur crédibilité, et affaiblir leur capacité de persuader, et d‟influencer l‟opinion.116

Selon cette perception, le scandale devient une tentative pour influencer

l‟opinion publique. Elle est principalement utilisée par des groupes intéressés

par le pouvoir.

Les acteurs politiques de l‟opposition politique du gouvernement de Toledo ont

accomplit un rôle fondamental dans la configuration de cette sensibilité publique

de surveillance de l‟exercice de la politique, et de la sanction publique contre

les actes de corruption. Le fait que les partis politiques opposant au régime

possèdent une majorité parlementaire, et qu‟ils obtiennent la présidence des

principaux commissions parlementaires, telles que la commission de

fiscalisation, et celle de l‟anti-corruption leur ont donné une position centrale

dans la production des dénonciations contre le nouvel régime.

a. L’opposition politique.

C‟était le cas du principal parti politique d‟opposition, l‟APRA (Alliance Populaire

Révolutionnaire Américaine), dont le leader était Alan García Pérez –ancien

Président du pays (1985-1990), exilé du Pérou lors du régime d‟Alberto Fujimori

et principal opposant d‟Alejandro Toledo lors des élections 2001 ; García Pérez

est Président du Pérou depuis 2006.

« L’opposition politique était principalement l’APRA. (Le parlementaire

Javier) Velásquez Quesquén était le Président de la Commission de

Fiscalisation du Parlement. Donc, on avait aussi le Parlement qui enquêtait

sur le gouvernement et qui donnait des informations aux journalistes. Cette

commission était extrêmement importante. » (Alejandra Costa, Perú 21)

116

THOMPSON, John. Political Scandal: Power and Visibility in the Media Age (Scandale politique:

pouvoir et visibilité dans l’ère des médias), Malden, Blacwell, 2000, p. 103.

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La centralité de l‟APRA dans la fiscalisation permanente de l‟exercice du

pouvoir s‟est vue aussi renforcée du fait qu‟il s‟agissait d‟un parti politique

possédant d‟une organisation interne plus solide que celle du parti du

Président. Cette caractéristique lui permettait aussi d‟appliquer des stratégies

de communication avec la presse plus efficaces que celles du régime.

« L’Apra a été un acteur politique très important… et l’Apra est un parti

politique qui a beaucoup d’années d’existence, à la différence du parti

politique de Toledo … Pour l’Apra, être dans l’opposition était facile, parce

que le parti de Toledo n’était pas organisé, et il n’avait pas de réels

supporteurs … Toledo ne comptait pas sur une structure partisane qui

pouvait le protéger de certaines dénonciations. Donc, pour l’opposition

pouvait le critiquer facilement… Par exemple, dans le cas de la relation

avec les médias, les gens de l’Apra avaient beaucoup plus d’expérience,

parce qu’il s’agissait de gens qui travaillaient au Parlement depuis des

années… donc, les journalistes les connaissaient très bien. L’équipe de

Toledo était constituée par des inconnus… ». (Mávila Huertas, América

Televisión)

Mais l‟APRA n‟était pas seulement le parti politique d‟opposition pour devenir

une source clé dans la production des dénonciations journalistiques impliquant

le Président, son entourage politique, et personnel ainsi que son parti politique.

Ce fut le cas par exemple du parti Unidad National (centre-droit), dont le

parlementaire Rafael Rey –qui avait eu une relation de proximité avec l‟ancien

Président Alberto Fujimori- s‟est constitué comme l‟un des sources principales

des dénonciations contre le Président Alejandro Toledo. Le scandale de la

falsification massive des signatures du parti politique Perú Posible, dont Rey a

été le principal dénonciateur, est l‟un d‟exemples les plus remarquables.

“L’Apra, tout d’abord... Rafael Rey, en deuxième place… Rey n’a jamais été

notre source, mais je sais qu’il donnait beaucoup d’information aux médias.

L’Armée aussi, qui était Montesinista. Ainsi que la Marine. De même

quelques ex-alliés du Perú Posible, tel qu’Alvaro Vargas Llosa, étaient des

sources très importantes pour nous, je n’ai aucun problème pour l’affirmer. Je

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pense qu’entre Alvaro, l’Apra et les montesinistas, mais aussi Rey, et les « ex

alliés » dans un deuxième cas, « les veuves du pouvoir », ont été les sources

qui concentraient la plupart de l’information qui était à la disposition des

journalistes » (Orazio Potestá, Correo)

« Au-delà de (Rafael) Rey, on avait aussi à (Javier) Velasquez Quesquén

(Apra), qui était une source très importante pour tous les médias…. Il était

bien informé et,en plus, il avait l’information provenant de la commission de

fiscalisation, qui était aussi une espèce d’Unité d’Investigation… Il y avait

aussi beaucoup de sources militaires qui tentaient de redorer l’image de

l’Armée… » (Alejandra Costa, Perú 21)

- L‟opposition politique était aussi composée par des gens provenant du secteur

directement impliqué dans la corruption existant durant le régime d‟Alberto

Fujimori, et par des gens qui avaient perdu les privilèges politiques, et

économiques obtenus grâce à leur proximité avec le gouvernement précédent.

«... Les alliés de Fujimori le détestaient parce que durant son régime il

commença la lutte contre la corruption…. » (Roxana Cueva, América

Télévision)

« Je crois qu’il s’agissait principalement de ceux qui avaient perdu du

pouvoir. Ils n’étaient pas nécessairement des fujimoristas, mais il s’agissait

des gens qui avaient eu un quota important de pouvoir durant le régime de

Fujimori…» - Roxana Cueva, América Télévision)

D‟après les journalistes ayant manipulé ces informations, consulter ces sources

n‟impliquait pas un conflit déontologique, car la vérification de la légitimité de

ces dénonciations dépendait du travail journalistique. Pour certains journalistes,

le but d‟informer, et d‟arriver à la vérité dépassait les intérêts politiques des

sources, même si ces objectifs envisageaient un changement de régime.117

117

« C’est claire qu’il y avait de permanents essaies de faire chuter (Toledo), provenant de différents

secteurs. L’APRA l’avait fait dans un moment donné ; de même, les fujimoristas… Mais, malgré tout,

depuis 2002 et 2003, l’économie a commencé à améliorer, ce qui a été un facteur important, et on

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131

« (Il y avait beaucoup de dénonciations parce) qu’il y avait beaucoup de gens

intéressés au retour de Fujimori, et Montesinos. Jusqu’à ce moment-là, aucun

militaire n’avait été emprisonné. La plupart des collègues étaient en liberté.

Donc, ces personnes voulaient que Toledo parte, parce que le système

anticorruption fonctionnait plus ou moins bien… (Concernant) notre travail

journalistique durant le gouvernement de Toledo, contre le Président. On a dû

être consulté par les gens liés à (Vladimiro) Montesinos. Mais, dites-moi si en

journalisme d’investigation, on trouve des sources pures. C’est impossible !

On a eu des sources provenant du montesinismo, de l’APRA… on a eu des

sources provenant de différents secteurs. … Mais la chose la plus importante,

est que cette consultation des sources nous a emmenés à une conclusion :

enquêter et publier …» (Orazio Potestá, Correo)

« Tous les jours il y avait quelqu’un qui frappait la porte, afin de te donner une

cassette, un enregistrement audio,… c’est pour telle ou telle raison qu’il était

difficile de travailler. Il y avait trop des dénonciations qui semblaient être

parfaites, mais cette perfection était suspecte… Donc, il fallait être méticuleux,

et étudier l’information qu’on recevait… » (Roxana Cueva, América

Télévision)

b. Les dissidents du parti gouvernemental :

« Les dénonciations venaient parfois du régime parce qu’il affrontait de

vraies luttes intérieures.. Il y avait beaucoup de gens qui se battaient pour

obtenir un poste dans le régime, ou pour obtenir un budget plus important

pour leur administration… je pense que les tensions existant à l’intérieur du

gouvernement de Toledo étaient plus fortes que celles qui existaient entre

l’opposition, et le régime » (Augusto Alvarez Rodrich, Perú 21)

commençait à s’en sortir de la récession étant résultat du régime de Fujimori… tout cela a aidé à que

cette intention ne réussisse pas… Les gens ne voulaient pas non plus une situation de chaos

permanente… » (Fernando Rospigliosi, entretien fait à Lima le14 mai 2008, Lima, Pérou).

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132

La crise de représentation des partis politiques péruviens a motivé la

conformation des nouvelles alliances électorales ou des partis conformés pour

les élections. Cette situation a motivé l‟installation des relations contractuelles

entre les acteurs politiques, qui se rencontrent en suivant des intérêts

particuliers.118 Cette situation n‟a pas semblé étrange au parti politique du

régime, Perú Posible.

Le manque d‟engagement politique de la plupart de ses membres a facilité les

disputes entre eux, elles ont été diffusées dans l‟espace médiatique. Leur

insatisfaction au moment de la répartition du pouvoir, duquel ils ont été écartés,

ils s‟expriment de manière fréquente à travers la filtration d‟information aux

médias. Ils révèlent des secrets politiques existant dans l‟entourage (familier et

politique) du Président, et de la dénonciation publique contre certains membres

du régime ; en laissant au Président « en total abandon à l‟intérieur du parti du

régime, tant au niveau éthique, qu‟au niveau moral ».

“.. L’un des principaux problèmes de Toledo était que son parti politique

était le résultat de la somme des individualités, il n’y avait pas

nécessairement une pensée idéologique le soutenant et unifiant… son

régime avait des techniciens, oui, des gens qui voulait faire tomber aux

mains du « chinois » (Fujimori), ce qui les approchait de Toledo d’une

manière ou d’une autre… cependant, il ne s’agissait pas de la pensée

d’Haya de la Torre, qui se passait dans l’Apra, un parti plus organisé

portant des bases politiques décentralisées dans tout le pays… » (Mávila

Huertas, América Télévision)

“ (Lors du régime de Toledo), un ministre, ou un fonctionnaire était plus

concentré à se protéger et, par conséquent, s’il y avait un problème

compliqué, il ne s’en mêlait pas, car il avait peur de se brûler, et de perdre

son poste. Donc, généralement, la plupart ne sortait pas pour faire face

aux problèmes difficiles … Toledo n’avait pas un parti politique, il n’avait

118

La relation entre clientélisme, corruption et scandale est aussi signalée par Theodore Lowi (1988) au

moment de qualifier les scandales comment des cas de « corruption révélées » (« scandals are corruption

revealed »).

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133

que des amis, et des alliés. Cela soulignait un véritable problème... chaque

un des membres du régime se dirigeait vers de leur propre coté. Chacun

d’entre eux avait son propre business. Il se moquait du gouvernement. … Donc,

il n’y avait ni cohérence, ni solidarité face aux problèmes politiques. .. Il n’y avait

réellement aucune chance de trouver une réponse aux problèmes politiques de

façon cohérente et organisée... » (Fernando Rospigliosi, Caretas)

Le risque et la fragilité politique de ces partis n‟ont été remarqués par le parti du

gouvernement. Le manque de liaisons solides dans le parti politique du régime

d‟Alejandro Toledo, Perú Posible, et la désorganisation y existant ont été

rendues publiques à travers les médias, par la révélation d‟une dispute

permanente au sein de ses membres et du gouvernement. Cette situation a

créé une perception non seulement de désordre, et d‟indiscipline du parti

gouvernant, mais aussi du manque de leadership de la part du Président. Cette

indiscipline et le manque de cohésion à l‟intérieur du parti a continué jusqu‟à la

moitié de 2004, le parti a du souffrir la démission de six parlementaires.119

En effet, la probabilité de rupture des accords établis entre les politiciens, du

même parti, et entre les partis adversaires, s‟est révélée plus importante à

l‟heure actuelle car les liens contractuels étant établis entre eux sont si

éphémères, et changeants. La crise actuelle affrontée par les partis politiques a

motivé la formation de coalitions électorales et, que l‟élection de

gouvernements de coalition (sans majorité parlementaire), soient plus pratiquée

dans la politique moderne. Ces coalitions sont généralement temporaires. Elles

ont dans la plupart des cas pour seul objectif, d‟obtenir une victoire électorale.

Ces coalitions sont aussi le résultat de faibles liens, lesquels sont -au même

temps- résultat des pratiques clientélistes, et d‟échanges de faveurs, et

d‟investissements qui devront être récupérées une fois le but soit atteint.

Toutefois, on ne veut pas dire que la pratique de corruption se soit plus

intensifiée aujourd‟hui qu‟auparavant. Par contre, il est vrai que grâce à la

centralité des médias (ayant été stimulée, entre autres raisons, par les

119

TANAKA, Martín, Op.cit, p. 39.

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134

conditions des systèmes démocratiques : la transparence informative, le rendu

des comptes (accountability) et la liberté d‟information et de presse y existant)

dans la configuration du jeu politique contemporaine les actes de corruption

sont aujourd‟hui plus visibles. Les caractéristiques des démocraties

contemporaines permettent de l‟existence de plus de liberté pour s‟exprimer et,

par conséquent, pour critiquer le pouvoir, pour le surveiller ou pour rendre

effectif le « compte rendu » des actes publics. De cette façon, puisque les

libertés d‟information, et de critique sont respectées par le système

démocratique, il en résulte une facilité à dénoncer les transgressions commises

à l‟intérieur publiquement de manière plus fréquente.

Les conflits existants au sein du parti du régime, Perú Posible, et au sein du

même gouvernement ont aussi forcé le Président à agir comme étant

« l‟arbitre » des disputes, en s‟inclinant parfois vers le côté technocratique, et

parfois vers le côté populiste, ce qui a généré rapidement l‟image d‟un

Président incohérent, et erratique qui prenait des décisions sur une base de

concessions face à ceux qui lui faisaient de la pression.

En outre, la décision du Président de conformer, depuis le début de son régime,

un Cabinet de Ministres formé principalement par des acteurs non politiques,

« des techniciens indépendants » du parti Perú Posible, a généré un sentiment

généralisée d‟insatisfaction parmi les membres de son parti politique.

On a déjà mentionné les raisons de telle décision : le manque d‟organisation

politique de son parti politique, absence d‟un plan de gouvernement car les

probabilités de gagner les élections étaient minimales. Les demandes de

participation de différentes organisations politiques ayant soutenu la

candidature de Toledo dans les élections de 2000, et ayant participant dans les

processus de transition politique, etc. -

L‟imagination de ses coreligionnaires, et les reformes impulsées par le Conseil

de Ministres ont provoqué une distanciation entre le Pouvoir Exécutif, et le parti

officiel qui s‟est exprimé comme lors de conflits parfois compliqués et pour la

plupart publics. Perú Posible a essayé de saboter, ou de limiter les initiatives

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des ministres indépendants, qui ont souvent manifesté. C‟était les

parlementaires, et d‟autres acteurs appartenant au parti du régime qui étaient

les principaux obstacles de leur gestion et du même gouvernement.120

Le centralisme de l‟opposition politique, et des dissidents du parti politique Perú

Posible ainsi que du régime, impliquait le régime d‟Alejandro Toledo dans la

production des dénonciations journalistiques, et le déclenchement des

scandales politiques. Cela montre la reconnaissance de la part de ces acteurs

politiques de l‟utilisation du scandale comme une stratégie politique de discrédit

du régime, en suivant le climat politique de surveillance permanente de

l‟exercice du pouvoir du nouveau gouvernement. Cette centralité montre que

dans le cas péruvien, la révélation des secrets politiques étant capables de

déclencher des scandales politiques n‟ont pas été toujours des événements

gratuits, ou accidentels. Ils impliquaient la présence des acteurs rendant

possible ces révélations.

Cette « stratégie scandaleuse » a été mise en marche à travers de la

production des « coups informatifs ». C‟est le travail d‟Alain Garrigou qui

explique cette stratégie. D‟après lui, ces coups informatifs ayant comme propos

le discrédit de l‟adversaire à cause du déclenchement d‟un scandale, se dirigent

vers les électeurs et impliquent nécessairement la prise en compte des

stratégies spécifiques envisageant le déclenchement des scandales, mais sans

les impliquer directement.

4.1.3. Le facteur « Toledo » : son image détériorée.

Le gouvernement d‟Alejandro Toledo est né dans un contexte favorisant le

déclenchement des scandales. Un contexte qui s‟est vu renforcé au long de

tout son mandat, en affectant non seulement son niveau d‟approbation mais

surtout en provoquant de crises politiques au sein de son régime (changements

fréquents des Ministres, démissions forcés de fonctionnaires proches au

Président et son parti politique, etc.).

120

TANAKA, Martín, Op. cit, p. 138.

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Au moment d‟arrivé au pouvoir, l‟image d‟Alejandro Toledo était déjà détériorée,

comme le résultat des scandales surgis autour de lui durant les élections 2000

et 2001: «Toledo avait été très affecté par la propagande négative entreprise

par Montesinos durant la campagne électorale de 2000… en effet, durant la

dernière étape des élections… il fut qualifié de menteur, drogué, d’avoir une fille

non reconnue, etc.. En 2001, ses adversaires ont utilisé ces messages pour lui

attaquer, même si Montesinos ou Fujimori n’y étaient plus présents. … Toledo

était très sensible à ces attaques même s’il s’agissait d’une campagne sale et

immonde mais elle était construite sur la base de faits réels, tel que le cas de la

fille non reconnue. Malheureusement, tout cela a crée une ambiance hostile

contre Toledo » (Fernando Rospigliosi, Caretas)

Durant la campagne de 2000, Toledo avait comme de principaux supporteurs,

les médias de l‟opposition à Fujimori, El Comercio, La República, Caretas.

Cependant, cette situation change en 2001. Ces médias adoptent une position

plus critique par rapport à Toledo (le « seul ennemie» des élections 2000,

Alberto Fujimori, avait chuté, et un nouveau moment politique commençait) et

de nouvelles dénonciations contre lui commencent à être publiés dans leurs

pages. Donc, la fixation constante des médias contre Alejandro Toledo

commencent durant cette période-là, une tendance qui s‟intensifiera durant les

années de son mandat.

- La campagne électoral 2000. Lors des élections 2000, les dénonciations

journalistiques contre Alejandro Toledo mettaient en questionnement leur

capacité professionnel (à cause de ses liaisons avec l‟entité financière disparue

CLAE et son ex président Carlos Manrique –à ce moment-là en prison pour le

délit de fraude, de sa relation avec le régime d‟Alan Garcia, de ses propositions

électorales changeantes et propres d‟un régime populiste) et leur capacité

morale en tant qu‟individu (ses attitudes violentes, de ses déclarations

contradictoires, de ne pas dire la vérité, etc.).

L‟un de cas déclenchés durant cette campagne, qui accompagnera Toledo

même durant les trois premières années de son mandat, fut le « scandale

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Zaraí », le cas de la fille non reconnue par Alejandro Toledo. La révélation fut

déclenchée en mai 2000 (lors du deuxième tour) par la mère de Zaraí Toledo,

Lucrecia Orozco, et la fille elle-même, dans une émission télévisée d‟entretiens

(le reality show conduit par une avocate défenseur des droits des femmes qui

était très proche au régime de Fujimori et qui durant la campagne électorale de

2000 a fait exprès sa sympathie pour la candidature du Président). Cette

émission télévisée a suivi le sujet durant trois semaines, en présentant tant les

témoignages de la mère et de la fille, que les documents prouvant les examens

médicaux réalisés à Alejandro Toledo et Zarai Toledo, que les documents

montrant le procès judiciaire établi contre Toledo depuis la naissance de Zarai,

à l‟époque âgée de 13 ans.

“…. Le cas Zaraí était trop pour Toledo... les gens ne lui pardonnerait pas

une chose pareille. Ils pouvaient lui pardonner la fête, la vulgarité,

l’informalité, mais le fait de ne pas reconnaître la paternité d’un enfant ?,

Non... et bon, cette dénonciation a été bien profitée durant la campagne de

2000 par le régime de Fujimori ». (Mávila Huertas, América Télévision)

Cette dénonciation a pu provoquer un vrai scandale politique capable de miner

tout espoir de victoire du candidat Toledo. Cependant, les critiques

permanentes au manque des conditions nécessaires pour assurer un

processus électoral transparent, égalitaire et démocratique, ont stimulé une

ambiance de mise en question de la légitimité de cette révélation. De cette

façon, certains médias d‟opposition à Fujimori ont manifesté leur soutien. Le

soutien médiatique provenait principalement des journaux de centre-gauche tel

que La República, Libération, la revue politique Caretas, parmi d‟autres.

“Je n’ai pas voté pour Toledo (dans les élections 2000) mais il était le

meilleur parmi les mauvais. Lors de la candidature de Toledo… il aurait été

un contresens d’attaquer Toledo. On savait qu’il était corrompu mais on

n’avait pas une autre alternative. Ceux qui dénonçaient à Toledo en 2000

étaient les médias pro Fujimori, Gente, Expreso, Panamericana Télévision,

América Télévision, tous les médias de la mafia. Mais, quand Fujimori

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chute, tous les médias ont commencé à dénoncer, car la menace n’existait

plus. » (Orazio Potestá, Correo)

Toutefois, cette « tolérance » finira durant les élections 2001, lors de la

transition politique.

- La campagne électorale 2001. Étant les premières élections après 10 ans du

régime autoritaire, elles se sont caractérisées par une dynamique électorale

très agitée et de grande multipolarité. Ce nouvel contexte politique post-

autoritarisme a intensifié la confrontation entre les candidats, en reprenant des

dénonciations surgis durant la campagne électorale de 2000. Alejandro Toledo

laissait d‟être le leader de l‟opposition démocratique, pour devenir le centre des

critiques des secteurs qui, lors de la campagne de 2000, avaient été plus

« tolérantes » avec son passé et présent politique.

C‟est de cette façon que des dénonciations surgis lors d‟élections 2000 ont

réapparues. Parmi d‟autres : le scandale de la fille non reconnue « Zaraí », le

kidnappe du candidat par le SIN de Fujimori –« le jour perdu de Toledo »121. De

même, de nouvelles dénonciations de corruption et malversation d‟argent, de

la part du candidat Toledo et son entourage personnel, ont surgis.

- Le « scandale Zaraí ». L‟émission de télévision qui a déclenché la reprise

médiatique du scandale Zaraí lors des élections 2001 fut l‟émission télévisée

d‟entretiens « El Francotirador », Frecuencia Latina. A différence de la période

électorale précédente –ou le cas est déclenché pour la première fois, cette

dénonciation fut aussi reprise par les médias qui auparavant l‟avaient qualifié

121

Tel fut le cas, par exemple, de la revue politique Caretas, qui, au moment de présenter ce sujet à ses

lecteurs, affirma que les conditions politiques de 2001 étaient différentes à celles de la campagne de

2000 et, par conséquent, c’était le moment pour arriver à la vérité du cas. Durant cette période il a été

aussi vulgarisé des nouvelles informations sur le cas du « kidnapping à Toledo», dénoncé par lui-même

durant les élections de 2000, en attribuant comme les responsables de cet attentat au régime et aux agents

du SIN. C’était la revue Caretas la première à mettre en question la vérité de ces dénonciations. D’après

cette revue, Toledo n’aurait pas été kidnappé en 1998 par des agents du SIN. Selon Caretas, il y avait des

épreuves, tels que des certifications médiales, des rapports policières, qui montreraient que Toledo n’avait

pas été objet d’une piège du régime afin de discréditer sa candidature (cette année-là, Toledo annonçait

ses intentions de participer dans les élections de 2000) mais qu’il s’agissait d’un jour de fête du candidat

(Caretas, 29 mars 2001)

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de « diffamatoire ». De cette façon, lors de la conjoncture politique de 2001, où

la période électorale se déroulait au milieu d‟un climat d‟ouverte concurrence,

ce sujet récupérait sa légitimité, en motivant que les médias auparavant

supporteurs de la candidature de Toledo se montrent critiques et demandent au

candidat une réponse immédiate.

Au milieu d‟un courant d‟opinion publique contraire, Alejandro Toledo promet

aux électeurs de se soumettre aux examens d‟ADN une fois que les élections

aient été finalisées. Toutefois, malgré la pression publique et la continuation du

procès en cours (repris lors de la campagne électorale 2000), Toledo refusa

d‟accomplir sa promesse.

Alejandro Toledo assume la Présidence de la République et se nie à

reconnaître la paternité de Zaraí Toledo. Cependant, les pressions

journalistiques et politiques continuèrent. La pression publique provenait cette

fois-là de différents secteurs sociaux et politiques. Ses détracteurs (politiques et

journalistiques) ont en profité et ont utilisé ce cas pour demander sa destitution

pour « insuffisance morale » (une figure constitutionnelle utilisée pour la

première fois en novembre 2000, lors de la destitution présidentielle d‟Alberto

Fujimori). De cette façon, y à cause de ce scandale, le sujet de la « destitution

présidentielle » entre dans l‟agenda publique en juillet 2002. Il sera seulement

en 2003 quand Toledo assume sa paternité, mais sans se soumettre à un

examen médical.

« Je crois que la pression médiatique sur ce sujet-là a obligé à Toledo a

admettre finalement la paternité de Zaraí (2002)… pour lui ceci a été mieux

que se faire l’examen de l’ADN et se voir forcé à reconnaître sa paternité ».

(Mávila Huertas, América Télévision)

“ Toledo avait dit qu’il se soumettrait à l’examen de l’ADN si la justice

l’ordonnait, mais quand ceci est arrivé, ses avocats ont su empêcher

l’application de l’ordre judiciaire (2002)… Cependant, les pressions et les

dénonciations journalistiques continuèrent… Il a du signer la paternité de

Zaraí en 2002 mais sans se soumettre à l’examen ADN... ce qui a surpris le

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peuple... Les gens ont dit : on a déjà été trichés durant 10 ans, on ne laissera

pas que cela se produise encore une fois… Je crois que ce cas-là a fait que

tout le monde perd la confiance en Toledo. Ce type-là n’avait plus l’autorité

morale ». (Alejandra Costa, Perú 21)

Le « scandale Zarai » affecta l‟image du nouveau Président Alejandro Toledo,

en condamnant son niveau d‟approbation à la décroissance permanente et en

affectant son rapport avec les citoyens et l‟opinion publique durant les deux

premières années de son mandat : “Il y a eu un sujet qui a miné à Toledo et qui

lui a mené vers la dépression et par conséquent, à la plus grand indiscipline,

c’était le cas de Zarai. On avait un Président qui ne gouvernait pas à cause de

ce scandale..” -Orazio Potestá, Correo.

Lors de la campagne de 2001, il y a eu aussi d‟autres dénonciations impliquant

Alejandro Toledo et en affectant son image et celle de son parti politique et son

entourage personnelle. On remarque, par exemple, la dénonciation de

malversation des fondes commise par l‟un de ses neveux et conseiller politique,

Jorge Toledo, qui aurait déposée 600 mil dollars dans une compte personnelle

du candidat pour des propos électoraux, une somme qui faisait partie d‟une

donation internationale faite dans le cadre de la campagne démocratique contre

le régime d‟Alberto Fujimori (produite durant la campagne antérieure)122. Cette

dénonciation fut effectuée par son conseiller Alvaro Vargas Llosa - fils du

célèbre écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, qui au même temps,

démissionnerais au parti politique en annonçant publiquement - dans l‟émission

télévisée « El Francotirador »- sa déception par rapport à l‟intégrité morale du

candidat. « Je ne veux pas continuer à tromper les électeurs » lança Vargas

Llosa le jour de l‟émission, en accusant le candidat d‟être une « deuxième

Fujimori » pour « corrompu » et « menteur ». Vargas Llosa déclenche ainsi un

122

Cette dénonciation, faite par une émission télévisée ( « El Francotirador », Frecuencia Latina) et

reprise par plusieurs médias télévisées et écrites, mettait en question l’intégrité de sa famille et son

entourage politique. De probables actes de corruption dans l’entourage de Toledo était une autre valeur

négative mise en évidence durant cette période, des dénonciations qui venaient accompagnées d’autres

associés aux attitudes frivoles du candidat et sa femme Eiane Karp.

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autre scandale autour de l‟image d‟Alejandro Toledo, et initie une campagne

invitant au vote blanc.123

Les dénonciations contre Alejandro Toledo continueront jusqu‟à la fin du

deuxième tour et, même si les conséquences crées par celles-ci sur le résultat

des élections n‟ont pas empêché sa victoire, elles affectèrent sérieusement son

image. Il arrive au pouvoir au milieu d‟un climat politique avec une forte

adversité.

4.1.4. Le facteur de « la famille » et les « proches » d’Alejandro Toledo.

« Chaque frère ou sœur, chaque oncle ou tante, chaque neveu ou nièce,

tous les médias parlaient d’eux. Le neveu violeur, un autre qui faisait la

fête tous les soirs, un autre qui volait des voitures... mais tous étaient des

petits voleurs en comparaison avec le régime précédent… Donc, je crois

que les grands cas de corruption liés aux investissements étranger dans

d’importants projets ont été ignorés par la presse ».(Angel Paez, La

República)124

D‟après les journalistes interviewés, la femme du Président Eliane Karp, son

neveu Jorge Toledo, sa sœur Margarita Toledo, son meilleur ami César

Almeyda ont donné un matériel suffisant pour remplir les Unes des journaux, et

demeurer au centre du scandale durant les cinq ans du régime d‟Alejandro

Toledo. Les dénonciations fréquentes contre l‟entourage personnel du

Président, pour avoir commis d‟actes de corruption, et de népotisme, mais

aussi des délits pénaux souvent associés à leurs activités privées (commerce

123

La revue Caretas a écrit le 26 avril 2001 : « les affirmations d’Alvaro Vargas Llosa constituent un

coup furibonde à la campagne de Toledo car elles donnent des notions claires sur la fragilité de son

entourage et de sa faible capacité pour supporter ses propre contradictions » 123

. Cette revue précisera

quelques jours avant des élections du deuxième tour : « Toledo charge une lourde croix de mensonges et

de silences. Il a été capable d’inventer de circonstances tragiques autour de la morte de sa mère… il n’a

pas fait un bilan transparent sur les 700 mil dollars envoyés à l’étranger par son neveu Coqui (Jorge

Toledo), et il doit donner une explication sur le million de dollars donnés par George Soros (un

milliardaire américain). Il peut être que Toledo lui a rendu des comptes. Est-ce que Toledo pourra faire

pareille auprès les citoyens péruviens ?, une fois qu’il s’assoit dans le sillon présidentiel ? (Caretas, 24

mai 2001) 124

Entretien effectué le 12 mai 2008, Lima, Pérou.

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de la prostitution, actes de violation, vol, etc.) furent aussi des facteurs qui ont

influencé et détérioré l‟image du président et celle de sa politique.

Dans ce dernier aspect, on signalera que cette tendance à la surveillance

permanente du pouvoir a provoqué un risque de confusion: la difficulté de faire

la distinction entre les secrets concernant l‟exercice du pouvoir politique, et

associés aux comportements privés des gouvernants. 125 4.2. Explorant le champ journalistique de la post-transition : les « facteurs

internes » étant résultat de l’influence du climat politique sur la pratique

journalistique

4.2.1. Un président et un gouvernement « mal aimé » et « non respecté »

par le journalisme

Le fait que certaines dénonciations déclenchées lors d‟élections 2001 aient été

faites par ses propres collaborateurs, a mis en question la solidité de son

leadership. Une image qui s‟est renforcé durant les années de sa gestion

présidentielle. En effet, depuis le début de son mandat, on a enregistré des

conflits permanents à l‟intérieur de son parti politique, Perú Posible. De même,

la démission permanente de ses coreligionnaires, les dénonciations contre lui,

et son entourage provenant des dissidents de son parti politique, ont contribué

à la création d‟un courant critiquant ses capacités à être le leader de l‟État.

« La maladresse de Toledo dans la maîtrise des affaires du régime, son

manque de concentration, et le défaut d’une utilisation rationnelle du

pouvoir, le fait de ne pas avoir annulé les concessions de télévision à ceux

qui ont été des complices de Fujimori » (Gustavo Gorriti, Idéele).

« … Toledo faisait des erreurs fréquemment. Le scandale d’Almeyda n’a

pas été inventé par nous, celui de la falsification des signatures non plus,

l’habitude de sa famille pour agir de manière népotiste, et donner du travail

125

THOMPSON, John. Political Scandal: Power and Visibility in the Media Age (Scandale politique:

pouvoir et visibilité dans l’ère des médias), Malden, Blacwell, 2000, p. 110-111.

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dans le gouvernement à ses proches n’était pas un mensonge… donc, il

s’agissait d’un régime qui faisait beaucoup d’erreurs (gobierno mete

pata) ». (Augusto Alvarez Rodrich, Perú 21)

L’image du Président : sans autorité. La désorganisation existante à

l‟intérieur du régime, et de son parti politique a mis en évidence l‟incapacité du

Président de gérer cette situation, et a motivé les journalistes dans le sens

d‟une remise en question de sa capacité à être le leader. D‟ailleurs, l‟image

d‟un Président « sans autorité » a renforcé la possibilité pour les journalistes de

dénoncer le Président sans craindre d‟être punis (une liberté de presse

absolue).

« La personnalité de Toledo est erratique et ambigüe, et n’amène aucun

respect… » (Orazio Potestá, Correo)

« Lors du gouvernement de Toledo, il état possible de présenter le Président

à l’Une et d’exiger de lui des explications sur un sujet qui parfois ne

concernait pas le pouvoir Exécutif… Ni les journalistes, ni le peuple ne le

respectaient. Mais ce n’était pas une situation produite uniquement par les

journalistes, mais elle était aussi une conséquence de l’incapacité de Toledo

de gérer la situation » (Alejandra Costa, Perú 21).

« La relation que Toledo avait avec la presse était compliquée, car la presse

ne le craignait pas. García (le Président du Pérou depuis 2006) est craint,

on sait qu’il est un homme méchant, capable de faire mal, mais Toledo en

était incapable. Ce qui faisait que la presse était plus dure avec lui. Parfois

en ayant raison, mais aussi de manière injuste…Donc, il y a eu une sorte

d’accord tacite entre quelques médias, surtout les plus puissants, de

critiquer sans répit Toledo. Ils le faisaient en totale impunité (parce qu’ils se

sont rendus compte qu’ils le pouvaient faire, qu’ils avaient pas élu un

président, mais un (jouet) piðata… … » (Fernando Rospigliosi, Caretas)

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« (Toledo) était un président qui ne provoquait la peur de personne… il ne

possédait pas les éléments fondamentaux du macho alfa du troupeau

politique, il n’inspirait pas le respect.» (Gustavo Gorriti, Idéele)

Dans les années 80, il existait une relation de grand respect envers la figure

présidentielle, « il y avait une espèce d‟auto censure de la part des médias.

Ceux-ci ne parlaient jamais de la vie privée du Président de la République. Les

journalistes ne voulaient pas le faire. Le Président représentait la nation, et la

nation est immaculée, pure, virginale. » (Hugo Coya, América Télévisée, dans

un entretien donnée à l‟auteur en 2004, dans le cadre d‟une recherche sur les

stratégies de communication politique lors du régime d‟Alejandro Toledo).

Toutefois, tout cela changea dans les années 90, avec Alberto Fujimori, qui, en

se présentant comme un « homme non politique », a installé un style plus

populaire. Une proximité non seulement avec le peuple, mais aussi avec les

journalistes. Cependant, cette relation de proximité avec les journalistes fut

entourée de l‟appareil de pression gouvernementale, et de poursuites faites

contre les médias critiques au régime, en motivant ainsi les critiques et les

dénonciations journalistiques contre le Président. (voir chapitre III).

Le cas d‟Alejandro Toledo fut complètement différent. Alejandro Toledo, avait

eu pour alliés certains médias d‟opposition durant les élections de 2000, et il

avait réussit à construire une relation de proximité avec les journalistes.

Cependant, l‟installation de la transition politique, et l‟ouverture démocratique

initiée a changé ce rapport. Les médias sont devenus plus critiques face au

candidat. Cette situation s‟est intensifiée durant son mandat de Président. « La

campagne électorale de 2000 lui a permis d‟obtenir le soutien de journalistes

importants, mais pas grâce aux engagements militants mais parce qu‟il

s‟agissait d‟un moment de lutte contre Fujimori et l‟autoritarisme ». (Hugo Coya,

América Télévision)

Toutefois, Alejandro Toledo ne s‟est pas rendu compte du changement de la

situation. Il continuait à s‟adresser aux journaliste de manière familière, ce qui a

provoqué un rapport de confrontation entre ceux-ci et le chef de l‟Etat. « Les

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liaisons de Toledo avec les médias ont été d‟une grande complexité. Il pensait

que s‟il buvait des verres avec un journaliste, celui-ci lui le défendrait. Ce qui est

passé fut l‟inverse ». (Hugo Coya, América Télévision). Donc, cette proximité

avec les journalistes créa un effet contraire à ses propos politiques, une fois

qu‟il fut élu Président de la République.

En effet, cette proximité entre Alejandro Toledo et les journalistes, lors

d‟élections 2000 s‟est altérée dans le contexte politique des élections 2001. Le

nouveau Président se sentait libre de leur demander des explications pour leur

attitudes critiques, il provoquait des affrontements directs entre le Chef de l‟État

et la presse :

« .. Lors de sa première visite officielle à l’étranger, Alejandro Toledo dit aux

journalistes : Vous les journalistes, vous savez beaucoup de choses, n’est-

ce pas ?, vous pensez savoir tout, n’est-ce pas ?... car quand vous me

posez une question qui démontre que la plupart de gens acceptent telle ou

telle chose… mais qui êtes-vous pour affirmer cela ? » Nous lui avons

répondu, Monsieur le Président, excusez-nous, mais il ne s’agit pas de

prétendre que les journalistes savent tout, notre rôle est de transcrire le

sentiment du peuple. Pour cela on se déplace dans différentes régions….

Et on obtient une image du sentiment général. Nous, les journalistes

sommes les intermédiaires entre l’autorité et le peuple… Il nous a répondu

et la discussion a continué. Pour nous, c’était une opportunité pour réfuter

ses affirmations… Plusieurs journalistes lui ont expliqué qu’ils avaient le

droit de lui poser des questions, mais que lui, comme Président, avait aussi

le droit de répondre ou pas… il a maintenu une attitude de rejet de la

presse, ce qui m’a surpris. Dans le premier mois du régime, avec cette

attitude-là ? ». (Jorge Saldaña, El Comercio)

« Une fois, durant un voyage à Chile, le Président, assis, a parler : il affirma

qu’il y avait un journal qui ne lui foutait pas la paix, tout le temps, et qu’il ne

savait pas quoi faire avec ce journal-là, sans doute fujimontesinista, un

journal que ne le laissait pas gouverner. Je lui ai dit : fermez-le. Il m’a

regardé et m’a dit : tu crois que je suis un imbécile ? Moi, je ne lui ai pas

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répondu mais en fait, je pensais qu’il était un imbécile. Mais regarde à ce

niveau-là, je peux dire au Président, taisez-vous, avec tout le droit, et

j’écrirais dans mon article : Le président menace la liberté de la presse, mais

je ne pouvais pas faire cela, c’était pas de mon ressort ». (Orazio Potestá,

Correo)

On considère que ce type de « rencontres tendues » entre le Président et les

journalistes a eu une influence sur la perception subjective, et personnelle des

journalistes du chef de l‟état :

« Je pense qu’Alejandro Toledo n’aurait jamais du être Président du Pérou,

car il est un type sans morale. Il n’avait jamais fait quelque chose de

gratifiant, même pas au niveau académique. Il s’est présenté comme un

académicien d’Harvard, puis on a découvert qu’il n’était pas diplômé

d’Harvard mais de Standford et dans un cursus d’éducation et non

d’économie » (Orazio Potestá, Correo)

« (Toledo) était grossier, maladroit… il changeait de porte-parole

fréquemment, il ne prenait pas soin de son image… Donc, il nous offrait la

une des journaux… ce phénomène se répétait dans tous les médias et tous

les journalistes, s’accordaient d’accord à « battre » Toledo, car les gens

avaient déjà constaté que personne ne l’avait fait lors du mandat de

Fujimori, alors, ce fut presqu’une obligation. On a vécu comme ça presque

cinq ans du régime de Toledo, en le battant…. En le surveillant jusqu’au

moindre détail de son activité… » (Mávila Huertas, América Télévision)

4.2.2. De défauts dans la communication présidentielle.

La relation tendue entre la presse, et le régime était aussi alimentée par le

conflit existant entre les nécessités d‟information de la presse et l‟accès aux

réponses immédiates de la part du régime. Les médias critiquaient le régime ne

pas satisfaire leurs demandes d‟information, et de ne pas savoir gérer le

désordre argumentaire existant à l‟intérieur du gouvernement à cause d‟un

manque de cohérence entre les déclarations publiques des différents acteurs

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du régime (la Première Dame, le Premier Ministre, un Ministre, un

parlementaire du Perú Posible).

Le gouvernement d‟Alejandro Toledo fut sensible à cette situation. Et afin de

répondre aux critiques permanentes des médias, il décida d‟installer un

Secrétariat de Communication gouvernementale en 2001, réunissant toute

l‟information du gouvernement. Toutefois, cette décision fut mal vue par les

journalistes, non seulement concernant les dépenses impliquées (le Président

avait aussi convoqué le consulting des spécialistes en communication politique

étrangères), mais surtout parce que ce système de communication a affecté le

flux informatif, en le ralentissant pour le besoin des journalistes, ce qui a fait

qu‟ils n‟ont plus eu besoin du gouvernement pour obtenir des l‟informations.

« … Le propos du Secrétariat des Communications était d’analyser le

contenu des médias et de faire des propositions de communication…

Toledo s’est entouré des gens qu’on ne connaissait pas, des théoriciens qui

élaboraient des projets et qui gagnaient beaucoup d’argent… Ses

conseillers présidentiels, même s’ils étaient aussi des sources, ils ne

parlaient pas… ils fuyaient la presse. Donc, on avait seulement le

Secrétariat de Presse, qui n’était pas bien informée… Le Président ?, il avait

une sorte de préjugé sur la presse… donc, qu’est-ce qu’on pouvait faire ?,

on restait avec une information confirmée à moitié… ou c’était le Parlement

qui parlait… » (Jorge Saldaña, El Comercio)

“..On dépendait si peu de l’information gouvernementale, parce que celle-ci

venait des quatre côtés, de telle façon que le régime restait sans aucune

possibilité de faire peur, de menacer, ou de négocier avec les médias. Donc,

pour moi, cette époque-là a été plus ou moins bénite, car on pouvait

enquêter sur n’importe qui. » (Alejandra Costa, Perú 21)

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4.2.3. Le climat d’hypersensibilité dans l’opinion publique vers la

corruption gouvernementale n’était pas étrange aux médias.

Tel que l‟on a déjà expliqué, tant le consensus politique que la « tolérance »

sociale et politique existant lors de la transition politique s‟acheva avec

l‟installation du gouvernement de Toledo. Il s‟est y installé au pouvoir dans un

climat de surveillance et d‟exigence de rendu de comptes gouvernemental,

accompagné de la demande d‟accomplissement des promesses électorales.

Les demandes provenaient de tous les secteurs politiques et sociaux.

« Les gens avaient besoin de faire une transition vers le régime de Fujimori,

de calmer un peu le trauma. Mais au fur et à mesure que les scandales

apparaissaient, les gens s’intéressaient et désiraient en savoir davantage,

ils achetaient des journaux, et ils cherchaient l’information, ils regardaient, ils

lisaient, tout avec pour objectif comprendre ce que le régime faisait, et de

voir comment ceci leur décevait…» (Alejandra Costa, Perú 21)

« Il y avait une énorme concurrence pour voir qui était le plus opposant, qui

faisait le plus de dénonciations. Le public ne voulait plus d’investigations. Le

gens avait dit : Après Fujimori, ça suffit !… Je ne peux pas dire comment

cette tendance avait été gérée par les directeurs des chaines de télévision.

Cependant, on ne peut pas nier que cette concurrence existait … » (Roxana

Cueva, América Télévision)

De même, la découverte du réseau de corruption durant le régime d‟Alberto

Fujimori, était rappelé de manière fréquente durant la transition politique à

travers de la diffusion médiatique presque quotidienne des « vidéos de la

corruption », cela a créé une sensibilité générale contre les actes de corruption

politique. Une sensibilité qui n‟existait pas durant le régime de Fujimori. En

effet, d‟après le Rapport par Pays du Système National d‟Intégrité au Pérou

(2001) de l‟Association Civile Transparence Internationale, même si depuis

1998 il y avait des évidences à propos de la corruption gouvernementale au

sein du régime d‟Alberto Fujimori -associée à l‟utilisation de l‟appareil étatique

pour soutenir la réélection du Président de la République, et pour exercer la

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pression sur la presse-, ce n‟est qu‟à partir de la diffusion de la première des

vidéos enregistrées par le SIN que la société péruvienne constata la dimension

réelle de la corruption : le Pérou occupait la place numéro 41 sur les 90 pays

enquêtés entre 1998 et 2000. Cette « tolérance » envers la corruption,

changea après la diffusion des « vidéos de la corruption » 126, en se

transformant en une hypersensibilité généralisée contre les actes de corruption

du nouvel régime.

Cette intolérance envers la corruption fut institutionnalisée à travers

l‟installation, depuis 2000, d‟une cour judiciaire anti-corruption (Procuradoría

Anti-corrupción) et des commissions parlementaires anti-corruption. La devise

du régime de transition politique fut l‟engagement du gouvernement dans la

lutte anti-corruption, ce qui a été aussi le cheval de bataille des candidats, dont

Alejandro Toledo, durant les élections de 2001.

« … La presse était trop susceptible aux actes de corruption parce qu’on

venait d’affronter 10 ans du régime autoritaire où beaucoup de choses

étaient maintenues en secret… Cela a influencé notre attitude, qui devint

plus critique. Peut-être, trop critique... Donc, n’importe quelle erreur devenait

le motif d’une dénonciation journalistique, d’un scandale, soit lié à lui, soit lié

à son entourage… ». (Jorge Saldaña, El Comercio)

“On a accepté d’enquêter le cas de la falsification des signatures de ce parti

afin de rendre possible son inscription comme parti politique… parce qu’une

citoyenne péruvienne avait dénonçait le Président de la République auprès

du Ministère Public.. Il s’agissait d’un sujet sérieux, et difficile pour un Chef

d’État, qui en plus, avait comme « drapeau » la lutte contre la corruption… »

(Roxana Cueva, América Télévision)127

Grâce à ce contexte, les médias péruviens trouvaient les éléments nécessaires

pour exercer un rôle qui leur permettrait de récupérer leur crédibilité, et

126

LUZZANI, Telma, Sudamérica, Global Corruption Report 2001 [en ligne]. In : Transparency

International, 2001, p. 4. Disponible sur:

<http://www.transparency.org/publications/gcr/gcr_2001#download> (consulté le 30 aout 2008) 127

Entretien effectué le 14 mai 2008, Lima, Pérou.

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d‟obtenir une audience assurant leur existence, la surveillance de l‟exercice du

pouvoir, mais aussi de la pression contre le nouveau régime, étant donné que

la plupart d‟entre eux été confrontés à des procès judiciaires, et avaient

accumulés d‟énormes dettes avec l‟État.

« Les gens ne voulaient plus subir ce qu’ils avaient affronté en 2000, ils

voulaient croire de nouveau en leurs médias. Les gens nous envoyaient des

dénonciations, et si on ne dénonçait pas, on était considéré comme vendu à

la mafia. Donc, il fallait dénoncer, soit pour la pression sociale, soit parce

qu’on devait être propre, ou parce qu’on devait obtenir la sympathie du

public » (Orazio Potestá, Correo)

« … Quand l’année 2000 arriva, plusieurs médias se sont rendu compte que

personne ne voulait être identifié comme un média proche au régime de

Fujimori, au risque d’avoir l’opinion publique contre eux. C’est pourquoi ils

décidèrent de faire des enquêtes, afin de récupérer le respect perdu. Ils

commencèrent par attaquer Toledo, et enquêter sur lui, ce qui était facile à

faire… Le cas de Correo fut différent… Notre logique était de ne pas laisser

respirer le prochain Président, à cause de l’expérience de Fujimori et

Montesinos. On a jamais dit qu’on voulait le faire tomber, ceci a été le

discours des journalistes de la mafia. Pour nous la logique était la

suivante :… il fallait que le Président sache qu’on était si proche… pour ne

pas faire cela, Fujimori et Montesinos ont faillit à rester au pouvoir… »

(Orazio Potestá, Correo)

“À cause de tout ce qui s’est passé durant le régime de Fujimori (l’achat des

journalistes, des lignes éditoriales des chaînes de télévision, etc.), le

journalisme en général sentait la nécessité de marquer son indépendance

du pouvoir. Et bon, ceci impliquait que Toledo payât les conséquences de

cette envie des médias de devenir indépendants » (Augusto Alvarez

Rodrich, Perú 21)

- « Tout le monde le dénonçait ». La fréquence élevée des dénonciations fut

aussi possible grâce à la grande quantité de sources intéressées à dénoncer

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son régime. Ces sources provenaient principalement du secteur politique (tel

qu‟on l‟a déjà mentionné) mais aussi du secteur social, de travailleurs du

secteur public ou de simples citoyens ayant des informations concernant

l‟entourage politique et, personnel du Président. Quelques uns provenaient de

sources anonymes.

« Le flux d’information anonyme qui arrivait au journal, à travers le courriel,

parfois provenant des lecteurs, était écrasante. Toutes les semaines, on

recevait des informations par courriel, soit d’un lecteur, soit d’une source

intéressée, qui ne révélait pas son identité… Il fallait seulement prendre un

ou deux jours pour les vérifier… A cette époque-là il y avait beaucoup de

dynamisme dans le processus de publication d’une dénonciation … on

pouvait prendre deux ou trois jours pour un sujet simple…» (Alejandra

Costa, Perú 21)

4.2.4. Le climat politique de surveillance du pouvoir a influencé sur la

pratique journalistique : Le journalisme d’investigation est devenu une

mode

Le climat de surveillance du pouvoir s‟est aussi exprimé par l‟existence d‟un

public attentif aux actions du nouveau régime. Ce fait a contribué à ce que la

tendance journalistique de surveiller le régime s‟est fortifiée par l‟impulsion d‟un

sentiment que les journalistes qualifiaient de : la « renaissance » du

journalisme d‟investigation, qui avait été objet de pressions gouvernementales

lors du régime d‟Alberto Fujimori.

Durant cette période d‟enquêtes judiciaires, et de changement des

administrations des médias, on a enregistré l‟apparition de nouveaux journaux

(Perú 21 et Correo) et de nouvelles émissions télévisées (Cuarto Poder, La

Ventana Indiscreta, Periodistas), dont l‟objectif central était de présenter des

reportages d‟investigation.

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«Il est vrai qu’à cette époque-là, le journalisme d’investigation était devenu

une mode. C’est pourquoi il y a eu plusieurs scandales, mais aussi

d’investigations sans aucun sens ou fondement… C’est une spécialité qui te

donne du prestige… parce qu’il s’agit de se confronter au pouvoir… ». (Orazio

Potestá, Correo)

La révélation de la corruption pendant le régime d‟Alberto Fujimori avait installé

durant la transition politique un climat de surveillance publique par rapport à

l‟exercice du pouvoir. Toutefois, ce propos médiatique, de suivre le procès

contre le gouvernement d‟Alberto Fujimori a changé avec l‟installation du

nouveau gouvernement d‟Alejandro Toledo. L‟attention publique se portait sur

le nouveau Président, le premier élu démocratiquement après la destitution de

Fujimori.

« À ce moment-là, on voulait positionner notre émission comme une

émission d’investigation journalistique, à la différence d’autres émissions du

dimanche qui étaient plutôt « light » et centrées sur le spectacle et la

société… On a pu inverser cette tendance et on a gagné une audience plus

ample, on a commencé à gagner pour la première fois… » (Roxana Cueva,

« Cuarto Poder », América Télévision)

« La même année de sa création, Correo inaugura l’Unité d’investigation.

C’était son but…” (Orazio Potestá, Correo)

« (Perú 21 a atteint des indices de lecture très hautes… surtout parce qu’il

était un journal neuf, donc, on partait de rien… Depuis le début, Perú 21 a

pu se positionner comme un journal de confrontation, de révélation des

scandales sur les Unes. Les gens ont aimé, cette stratégie qui était très

utilisée à l’époque par Correo… » (Alejandra Costa, Perú 21)

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4.2.5. La dénonciation journalistique contre le Président et son

gouvernement vendait.

Les dénonciations apparues dans la chaleur des élections 2001 (le scandale

Zaraí, les virements de millions de dollars vers son compte personnel, et celle

de son neveu et conseiller politique Jorge Toledo, etc.) et les autres

dénonciations surgies après la déclaration officielle de sa victoire, ont motivé

les médias à suivre, pas à pas, les actions du Président et celles de son

entourage personnel et politique. C‟est une tendance informative qui restera

jusqu‟à la fin de son mandat.128

“Au Pérou il y a 25 journaux, donc, la concurrence est grande.. il faut avoir un

élément pour se différencier des autres pour rester concurrentiel. Le fait de

trouver des dénonciations sur le gouvernement, par exemple… Donc, je peux

affirmer que qu’il est vrai que Toledo fut très surveillé… ». (Augusto Alvarez

Rodrich, Perú 21)

L‟impact public généré par les dénonciations journalistiques a offert aux médias

les éléments nécessaires pour une augmentation de son lectorat. Ainsi, les

scandales politiques journalistiques avaient la capacité d‟offrir aux medias la

possibilité d‟améliorer leurs ventes. A l‟époque d‟Alejandro Toledo, les médias

péruviens n‟ont pas été étrangers à cette tendance. Il s‟agissait d‟un nouveau

moment politique, d‟ouverture informative, et de liberté de presse, qui se

reconstruisait après dix ans d‟autoritarisme, et de pression gouvernementale

contre les médias.

« … des journaux de format populaire mais sérieux sont apparus, tels que

Perú 21 et Correo… Ceux-ci étaient des journaux plus modernes et plus

directs, moins classiques qu’El Comercio. Ils pouvaient mettre dans leurs

Unes de grandes photos et de grands titres… je pense que les médias se

sont rendu compte que critiquer sans répit le Président était non seulement

128

Un exemple de la surveillance de promesses électorales d’Alejandro Toledo fut la section « Feu

rouge » (semáforo), de Perú 21, dont le but fut de suivre jour à jour l’accomplissement (feu vert) ou non

(feu rouge) de toutes les promesses électorales de Toledo.

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facile, mais les récompensait aussi au niveau de leur image médiatique…

Peu un peu, des individualités sont devenues un chorus critique contre le

Président… » (Mávila Huertas, América Télévision)

Les dénonciations contre le président, sa femme, sa famille, son principal

conseilleur politique, son premier vice-président, son parti politique, etc.

vendaient. Les actes de corruption au niveau gouvernemental (ou, au niveau

des « proches » du pouvoir gouvernemental) fournissaient les agendas

informatifs des médias. Mais pour les médias, il ne serait plus les grands cas de

corruption impliquant le régime sortant d‟Alberto Fujimori (à ce moment, les

enquêtes judiciaires étaient en cours) le principal centre de leur attention, mais

les actes impliquant le nouveau Président.

Toutefois, l‟attention fréquente des médias ne se centraient pas sur de grands

cas de corruption, suivit d‟un procès condamnant les responsables (une

exception, cependant, fut l‟emprisonnement en 2004 du conseilleur présidentiel

César Almeyda, durant le régime d‟Alejandro Toledo ; un autre cas dont le

Ministère Public avait initié le procès contre le Président fut celui des signatures

falsifiées du parti politique d‟Alejandro Toledo Perú Posible, toutefois, jusqu‟à

aujourd‟hui, on n‟a pas pu démontrer la véracité de cette dénonciation).

L‟attention journalistique demeurait principalement autour des « petits »

scandales impliquant son entourage politique et personnelle, la plupart étant

résultat de la filtration d‟information et de documentation provenant de différents

sources.

« Les investigations faites durant le régime de Fujimori et Montesinos ont pu

être vérifiés ultérieurement à travers des enquêtes judiciaires, c’est la

principale différence avec les enquêtes journalistiques de l’époque de

Toledo. Il a été révélé l’achat des avions MIG 29 et Sukoi 25 à des prix

« gonflés »… il a été révélé que le SIN avait financé la campagne électorale

de Fujimori. Il a été révélé que Fujimori avait donné 15 millions de dollars

d’indemnisation à Montesinos… tout cela a été enquêté et prouvé

judiciairement… Il y a des gens qui ont été condamnés, et qui sont

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maintenant en prison. Mais dans le cas des dénonciations contre Toledo,

jusqu’à aujourd’hui, il ne s’est rien passé… » (Angel Paez, La República).

« Il n’y a pas eu de grands cas de corruption (durant le régime de Toledo),

au moins, ayant été détectés, dénoncés,et portant à conséquences. Il y a eu

des petits cas de corruption… On disait que les dénonciations étaient le

résultat du journalisme d’investigation, mais ces dénonciations étaient le

résultat de luttes à l’intérieur du régime… C’était très difficile que les médias

investissent leurs ressources dans l’approfondissement des

dénonciations… » (Fernando Rospigliosi, Caretas).

La crise économique affrontée par les médias, ayant accumulé de grandes

dettes avec l‟État durant le régime d‟Alberto Fujimori (ceci fut le cas

principalement de la télévision privée), a sérieusement affecté les ressources

qui leur permettraient de recomposer leur staff journalistique (la plupart de

journalistes ayant joué un rôle en faveur du gouvernement d‟Alberto Fujimori

ont du partir avec sa chute et la révélation des « vidéos de corruption impliquant

leurs médias) et d‟implanter des Unités d‟Investigation Journalistique. Dans

certains cas, par exemple, l‟option fut l‟engagement de jeunes journalistes

(comme dans les cas de Perú 21 –dont l‟âge moyen fut de 24 ans129- et Correo)

et l‟économie des ressources de la production journalistique (la recherche de

documentation approfondissant le sujet de dénonciation).

« J’étais chargé de sept journalistes, des jeunes âgés moins de 24 ans, à

l’époque j’avais 26….». (Orazio Potestá, Correo)

«La situation économique des médias a provoqué la démission forcée des

meilleurs journalistes, surtout dans la télévision, en échange, ils recrutaient

des gens « pas cher »… on en paie les conséquences maintenant… » (Mávila

Huertas, América Télévision)

129

Déclarations dr la journaliste Alejandra Costa, Perú 21, à l’auteur de cette mémoire (Lima, le 9 mai

2008).

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156

Même si faire du journalisme dans de conditions adverses a pu être considéré

pour certains comme positif (« nous ont presque réussit à faire tomber El

Comercio, c’est pourquoi que son groupe éditorial a publié Perú 21, afin de

concourir avec Correo »- Orazio Potestá, Correo), l‟utilisation de la simple

vérification d‟une information filtrée ou le manque d’équilibre de sources dans

le traitement journalistique des reportages présentés :

« Il fallait seulement de prendre quelques jours pour vérifier une

dénonciation, car il s’agissait d’information telle que : la cousine de

Margarita Toledo (la sœur du Président) vient de commencer à travailler à

Editora Perú (la maison d’édition du régime). On devait seulement

téléphoner Editora Perú et confirmer cette information…. On utilisait

différents techniques, mais tout était plus rapide… On vérifiait et d’un coup

on avait une nouvelle dénonciation de népotisme gouvernemental»

(Alejandra Acosta, Perú 21)

« … On commençait à avoir les salles de rédaction sans ressources…

Donc, il n’était pas possible d’exiger de l’Unité d’Investigation, la production

de reportages tous les 3 ou 4 jours, si on ne le donnait pas des ressources

nécessaires pour mener des enquêtes… C’est pour cela qu’il y a eu une

tendance d’engager des jeunes journalistes, sans expérience, qui avaient la

capacité de faire de gossips… Et bon, les résultats, on les connaît...”

(Gustavo Gorriti, Idéele)

«Des journaux dont le coût de production n’était pas cher sont apparus… Ils

avaient l’habitude de publier les dénonciations sans mener de grosses

enquêtes ou de vérifier l’information reçue, car ceci signifierait une dépense

de temps et d’argent. Donc, à cause de la réduction des coûts de la

production informative, l’information vulgarisée devint de mauvaise qualité…

et comment réparer ce manque de qualité ? À travers l’exagération, et la

spéculation… Ce sont les cas de médias tels que La Razñn et Correo, par

exemple » (Angel Paez, La República)

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157

Toutefois, cette tendance informative fut critiquée par les journalistes eux

même, surtout à partir du moment où un grand scandale impliquant le Président

se retourne contre les journalistes de l'émission de télévision « Cuarto Poder »

(América Télévision) et la principal source de la dénonciation (le parlementaire

d‟opposition, Rafael Rey), le cas des signatures falsifiées de Perú Posible (voir

chapitre II):

4.2.6. Le cas de la source unique : le conflit journalistique de « sources

intéressés »

« Quand la source n’est pas l’idéale, on ne peut pas la citer, non seulement

parce que la personne ne le veut pas, mais aussi parce qu’on ne veut pas le

faire… alors, ce qu’on fait, c’est publier l’information pure et dure, c’est-à-

dire, l’information qu’on a et qu’on a pu vérifier… pas des rumeurs mais des

données… C’est cela qu’on faisait dans le journal… peut-être on aurait du

être plus honnêtes, afin que les lecteurs soient capables de juger la qualité

de l’information mais bon, on l’a fait parce qu’il s’agissait d’une exigence de

la source, et parce qu’on sentait que l’information justifiait l’action »

(Alejandra Costa, Perú 21).

Le cas des « signatures falsifiées de Perú Posible » fut l‟un de ces cas, où la

source principale était un acteur politique intéressé dans l‟accélération pour le

changement du gouvernement. Tel que l‟on a déjà mentionné dans le chapitre

II, le parlementaire d‟opposition Rafael Rey (Unidad Nacional) avait procuré les

médias de toute l‟information concernant ce cas, en installant dans son bureau

parlementaire une « espèce d‟unité d‟investigation » dédiée à ce sujet :

« Je travaillais directement avec Rey. Il avait une Unité d’Investigation dans

son bureau. Il avait 3 ou 4 personnes dédiées à la cherche de l’information

sur les signatures falsifiées… Ils ont désigné un logiciel spécifique pour

détecter les signatures falsifiées, similaire à ceci de l’ONPE …. Aucun média

ne se serait donné le temps d’élaborer un logiciel capable de vérifier

l’authenticité de ces signatures… » (Alejandra Costa, Perú 21)

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Tel qu‟on l‟a déjà mentionné, en 2004, Rafael Rey convoqua les journalistes

Roxana Cueva (América Télévision) et Pedro Tenorio (journal Perú 21), pour

une réunion privée, afin de leur offrir l‟exclusivité du témoignage d‟une femme

qui avait accusé le Président de la République d‟avoir dirigé la campagne de

falsification des signatures de son parti Perú Posible et ainsi concrétiser son

inscription électorale. De cette manière, il offre à ces deux médias le

témoignage de Carmen Burga, une citoyenne qui avait dénoncé le Président de

la République auprès du Ministère Public, dans le cadre d‟une enquête sur ce

cas initiée l‟année précédente (à ce moment-là, c‟était aussi le parlementaire

Rey l‟auteur de la dénonciation auprès le Ministère Public). Le témoignage

n‟avait pas été encore fait public mais Rey possédait la transcription du

témoignage. Les deux médias ont publié l‟information donné par Rey et ont

suivit le sujet durant plusieurs semaines, en déclenchant l‟un des scandales

ayant la capacité de faire trembler le régime car la dénonciation mettait en

question la légitimité de l‟inscription du parti gouvernemental et, par

conséquent, déclarerait illégitime la Présidence.

« Quand l’information est arrivée à la chaîne de télévision… je m’en doutais

parce que je ne faisais pas confiance à Rafael Rey, tout au contraire. J’ai

parlé avec lui et je me suis rendu compte immédiatement que ce qu’il

affirmait était la vérité… il avait environ 20 boites remplies des feuilles

contenant les signatures soutenant l’inscription de Perú Posible. On pouvait

prendre n’importe quelle feuille, et on trouvait, en les regardant simplement,

que sur 100 signatures, 20 avaient été falsifiées… Donc, même si Rey

n’était pas sympathique (à cette époque-là, maintenant c’est différent), je

pensais qu’il fallait vérifier, si ce qu’il disait était vrai... On a payé un

graphologue afin de faire plusieurs études… et on a pu vérifier la véracité de

cette dénonciation… Après, on a connu l’histoire de cette femme, qui même

si son témoignage avait quelques points contradictoires, était capable

d’accréditer la véracité de quelques autres… en plus, elle avait donné son

témoignage à un fiscaliste… Donc, on avait tous les éléments nécessaires

pour permettre la vulgarisation du reportage » ((Roxana Cueva, « Cuarto

Poder », América Télévision)

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Il s’agissait d’un sujet qui… mettait en question la qualité morale tant de la

famille (de Toledo) que de son entourage politique (les parlementaires, les

militants de son parti politique) ; tous auraient participé à la falsification des

signatures…. Nos avons travaillé le sujet pour l’émission télévisée « Cuarto

Poder ». .. On a travaillé ensemble, afin d’économiser du temps, mais aussi

parce que la source (un parlementaire d’opposition, Rafael Rey) voulait

donner à cette dénonciation la plus grande force possible. (Rey) a cherché

les médias, à ce moment-là c’était Roxana Cueva qui était la directrice

journalistique de « Cuarto Poder », et elle était une amie proche de Pedro

(Tenorio ; chef de l’Unité d’Investigation de Perú 21). Rey a convoqué à tous

les deux et leur a dit qu’il leur offrait ce sujet-là à condition que tant Perú 21

que América Télévision la vulgarisent au même temps. Ce qu’il voulait

c’était que tout le monde sachent sur cette dénonciation… Ceci a été, donc,

un sujet de la source. C’est la source qui propose le sujet, qui donne les

documents et qui établit des conditions pour la délivrance de l’information….

Or, c’est vrai qu’une fois le sujet avait été fait publique chaque média le

développé librement sans aucune coordination. » (Alejandra Costa, Perú

21).130

Toutefois, les questionnements sur la véracité de la dénonciation et sur les

intérêts politiques existant derrière, n‟ont pas tardé, quand la diffusion d‟une

vidéo montrant le Président Toledo lors un diner, après avoir réussit à présenter

les 300 mil signatures rendant possible l‟inscription légale du Perú Posible,

faisait allusion à la complicité directe de Toledo dans la falsification de ces

signatures. Ce reportage, dont la principale preuve était cette vidéo, qui, non

seulement montrait Alejandro Toledo en train de fêter l‟inscription de son parti

politique, fut durement critiqué par le Président, qui le jour même de la diffusion

de la vidéo a manifesté son rejet des accusations dans l‟émission de télévision

dénonciatrice –Cuarto Poder, América Télévision- et l‟émission concurrente –

Panorama, Panamericana Télévision- (voir aussi le chapitre II).

130

Entretien effectué le 9 mai 2008, Lima, Pérou.

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« … C’était un de rares moments où Toledo a su comment se défendre…

Cette dénonciation s’est produite juste quand on pensait qu’on pouvait dire

n’importe quoi et que les gens le croiraient, parce que c’est ça l’objectif du

journalisme, ça ne veut pas dire que l’on ment aux gens, mais parfois on

doit faire semblant qu’on a toute l’information même si on ne l’a pas…. La

vulgarisation de la vidéo présentée dans le dernier reportage sur ce sujet de

Cuarto Poder montre que parfois, il s’agissait d’insister sur le sujet, même si

on n‟avait pas toutes les preuves nécessaires ou la confirmation du délit.

Dans cette vidéo, Toledo était réunit avec ses coreligionnaires dans un diner

où tous fêtaient la « saisie » des signatures... Toledo utilisait l‟expression,

« digitation », et le reportage affirmait que ce discours confirmait que Toledo

était au courant de la falsification. Cependant, le mot « digitation » pourrait

aussi signifier l‟insertion de toutes les signatures dans une base de données

qui devait être délivrée à l‟ONPE afin de concrétiser l‟inscription du parti

politique Perú Posible… » (Alejandra Costa, rédactrice, Unité

d‟Investigation, journal Perú 21).131

En outre, la diffusion de ce reportage a motivé aussi certains acteurs, ayant

aussi montré une position critique et dénonçant le gouvernement, de mise à

distance avec le principal argument résultant de cette dénonciation : l‟illégitimité

de l‟inscription du parti politique gouvernemental et, par conséquent, la mise en

question de la légitimité de l‟élection du Président. Ce fut le cas des médias, et

des journalistes critiques au régime, qui ont manifesté leur désaccord avec un

probable changement de Président avant de finir les cinq ans de période

gouvernementale: El Comercio, La República, Perú 21, Caretas ont fait exprès

cet avis dans leurs éditoriales respectives.

“Le cas des signatures falsifiées est très intéressant parce que l’émission

télévisée qui a dénoncé le cas était dirigé par une journaliste indépendante

ayant lutté contre le régime de Fujimori, Roxana Cueva.. Cependant, pour

tous les propos pratiques, le directeur journalistique dans cette enquête fut le

parlementaire Rafael Rey. C’était lui qui avait toute l’information, et qui

produisait l’investigation. Il se faisait interviewer en faisant semblant qu’il était

131

Entretien effectué le 9 mai 2008, Lima, Pérou.

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161

une source indépendante. Je crois que ça été une erreur de Roxana

Cueva…». (Gustavo Gorriti, Idéele)132

4.2.7. La fonction du journalisme: le contrôle social du gouvernement

En accord avec le climat politique existant, la tendance informative des médias

péruviens, durant l‟étape de post-transition, fut de surveiller le pouvoir

gouvernemental et de dénoncer de manière systématique les actes de

corruption, tant du régime que de l‟entourage personnel et politique du

Président. Cette tendance, ayant influencé sur la « renaissance » du

journalisme d‟investigation, fut interprété pour les journalistes que l‟on exercé

comme de contrôle publique de l‟exercice du pouvoir.

“ (Toledo) m’a téléphone il y a un an… et il m’a dit pour se retrouver à sa

maison, j’y suis jamais allé… il m’a dit : hey Augusto, je voudrais te

remercier parce que, je pense que grâce à la presse mon gouvernement a

pu s’améliorer…vous m’avez frappé durement, mais je dois vous remercier

parce qu’il s’agit d’un control démocratique et qu’aujourd’hui je le vois de

manière différente…. Donc, je pense que Toledo a raison quand il dit que la

presse a beaucoup aidé afin que le régime ne se perde pas. Je crois que si

la presse avait fait pareil avec Fujimori depuis le début, et non quand son

mandat fut déjà terminé, on aurait pu éviter que tout se termine mal… »

(Augusto Alvarez Rodrich, Perú 21)

« Je pense que le rôle de la presse a été très important durant le

gouvernement de Toledo, en mettant à frein, en permettant qu’il soit mieux

et, parfois, en le faisant reculer… » (Fernando Rospigliosi, Caretas)

En effet, face à une politique basée sur le principe de la confiance, en face

d‟une crise idéologique, et de représentation affrontée par les partis politiques,

les journalistes deviennent l‟une des entités sociales de surveillance et de

contrôle du pouvoir politique. Par exemple, dans le cas péruvien, les

132

Entretien effectué le 8 mai 2008, Lima, Pérou.

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dénonciations journalistiques ont contrôlé l‟exercice gouvernemental depuis le

début, en motivant la sortie et l‟incarcération d‟un ami personnel et conseiller

politique du Président, César Almeyda, accusé d‟avoir commis des actes de

corruption et des trafics d‟influence (voir chapitres I et II).

De même, le gouvernement fut surveillé par les médias en tout ce qui concerne

les actes de corruption au cours des acquisitions de l‟État, et la transparence

dans l‟engagement du personnel dans différentes institutions de l‟État.

« Les scandales journalistiques ont forcé la démission des fonctionnaires.

Par exemple, plusieurs chefs du Centre National d’Intelligence ont

démissionné en 2002, 2003 et 2004, à cause des scandales journalistiques.

Parce qu’il y avait de la filtration d’information. L’un d’entre eux est

seulement resté (dans le poste) une journée, en 2004 : il avait été désigné

pour ce poste après un scandale impliquant son prédécesseur, mais un

autre scandale l’impliquant l’ a obligé à partir… (Ceci n’a pas été vu durant

le régime de Fujimori).. Ni dans le régime de García. Par exemple, le

Ministre de l’Intérieur Alva Castro, est entouré d’une série de scandales

depuis sa nomination, il a le niveau d’approbation le plus réduit, mais, il se

maintient dans son poste » (Fernando Rospigliosi, Caretas)

“… Nous (La República) avons publié plusieurs dénonciations mais bien

vérifiées. Par exemple, on a révélé que Toledo désirait acheter un

hélicoptère MI17 VIP alors que le budget de l’Armée n’était pas suffisant

pour réhabiliter ses avions… Quand cette dénonciation est faite publique le

scandale a déclenché et l’achat a du être annulé… De plus, cette acquisition

devrait être faite par Salomon Lerner, qui était son conseiller, et qui avait

une entreprise des hélicoptères… on a publié cela même si on savait que

Lerner était membre du directoire du journal. Suite à cette dénonciation, il a

du démissionner. Plus tard, on a publié la transcription d’un enregistrement

audio sur lequel on entendait Lerner négocier avec (Moises Wolfenson)… »

(Angel Paez, La República)

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En raison des résultats obtenus (voir les chapitres I et II), ces dénonciations

permanentes ont empêché les actes de népotisme au sein du gouvernement,

impliquant principalement l‟engagement de familiers du Président, et de son

entourage politique le plus proche.

Toutefois, même si ce climat politique de surveillance du pouvoir

gouvernemental a pu renforcer le champ d‟action du journalisme, d‟autres

facteurs concernant le champ journalistique configuré dans la période de

transition ont conditionné une production journalistique d‟investigation critiquée

par ses propres acteurs. Cela signifie par les journalistes : Il dénonçait le

manque de ressources pour mener des reportages d‟investigation plus riches

en contenus, les Unités d‟investigation composées par de jeunes

professionnels sans expérience, un flux informatif dynamique favorisant la

publication des dénonciations journalistiques manquant d‟un équilibre de

sources ou d‟une vérification de la documentation, ou les témoignages

présentés comme preuves des dénonciations.

“Une partie importante des dénonciations contre Toledo, tel que le cas des

signatures falsifiées, avait été construite de manière artificielle, sans une

gestion journalistique responsable ou transparente… » - Gustavo Gorriti,

Idéele).

De cette manière, on peut aussi affirmer que durant cette période de post-

transition, le fait d‟être de l‟opposition fut considéré comme une valeur

« différentielle » parmi les journalistes :

« En face du doute personnel de si Correo fut un instrument du

montesinismo pour faire tomber Toledo, je réponds pour moi et pour mon

équipe. Moi, j’ai toujours été dans l’opposition... depuis l’âge de 21 ans, j’ai

commencé à travailler dans une ONG pro les Droits de L’homme

(Aprodeh)… Dans ce journal, j’ai continué à faire ce que je faisais depuis le

début. Je faisais partie de l’opposition à Toledo. Peut-être, qu’elle n’était pas

une opposition très constructive, peut-être que cela a été le résultat de ma

jeunesse, très proche du scandale, mais à la fin, je continuais à être

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d’opposition. Je ne me suis pas converti à partir 2000…. Je faisais mon

travail d’investigation, mais les charges émotives des Unes ne faisaient pas

parties de mon responsabilité... c’était de la responsabilité du directeur…

cependant, lui, il ne touchait jamais le contenu des investigations menées

par l’Unité d’Investigation. » (Orazio Potestá, Correo)

« Les politiciens sont élus pour faire un travail, le travail des journalistes est

de leur rappeler. Perú 21 n’est pas un journal permissif, ou proche du

pouvoir, mais on essaie d’arriver à un équilibre… Perú 21 est un journal

combatif… Heureusement, Peru 21 a su se placer depuis sa première

parution comme un journal politique… il a pu s’ériger rapidement une ligne

éditoriale du journalisme politique. Celle-ci lui a permis d’acquérir de

nombreux lecteurs, permettant à nos journalistes de chercher les sources

avant les autres médias…. L’autre avantage de Perú 21… c’était qu’il ne se

mariait avec personne. Au Perú 21, on trouvait des dénonciations contre

tous. C’était le journal le plus intègre, le moins engagé avec un parti

politique en particulier… » (Augusto Alvarez Rodrich, Perú 21)

Toutefois, le fait que cette tendance allant de dénonciations en dénonciations

du gouvernement coïncidait avec le climat politique prédominant. Certains

aspects propres du champ journalistique de l‟époque mettaient en débat les

limites du rôle journalistique comme contrôle social du pouvoir dans la période

de post-transition, présidée par Alejandro Toledo :

- De fait, certaines de ces dénonciations ont été le résultat de la filtration

d‟information donnée par des acteurs politiques ayant eu une liaison avec le

régime d‟Alberto Fujimori, car ils étaient intéressés à déstabiliser le

gouvernement (par exemple, le cas des signatures falsifiées de Perú Posible,

ayant comme principale source le parlementaire Rafael Rey, qui en utilisant

cette dénonciation a demandé en plusieurs occasions la destitution du

Présidant pour « insuffisance morale » 133),

133

CARETAS, “La Silla Voladora. El intento de desalojar a Toledo del sillón presidencial puede, después

de escándalos y filtraciones, acabar en nada” (« La siège volante. Les essaies pour faire que Toledo quite

la siège présidentielle, après les scandales et les rumeurs, ont échoué ») [en ligne]. In: Caretas, no. 1870.

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« Il y avait trois types d’information ayant pour but la révélation de probables

cas de corruption impliquant Alejandro Toledo et son entourage. D’abord,

celle d’inspiration fujimontesinista, où participait des gens ayant la claire

volonté de détruire le régime, et avec lui, le système anti-corruption installé.

Ensuite, les cas étant dénoncés par des gens devenant ennemis du régime

(de Toledo) et qui avait d’une façon ou l’autre une liaison avec le régime

précédant, mais dont l’objectif était la destitution de Toledo afin de mettre en

place un nouveau processus électoral et d’en faire bénéficier les groupes

qui avaient perdu les élections de 2000. De même, il y avait un troisième

groupe d’information qui était alimenté par les médias qui durant le régime

de Fujimori, n’avait rien fait et qui cherchait un nouveau type de public. Il

cherchait à démontrer que la véritable corruption existait dans le régime de

Toledo... Finalement, à ces groupes, se sont ajoutés ceux qui n’existaient

pas durant le régime de Fujimori et qui cherchaient aussi un public… c’est

trois types d’information sur la corruption a généré la chute radicale de

l’approbation de Toledo en risquant à plusieurs reprises de mettre la

démocratie »… (Angel Paez, La República)

- le fait que la structure médiatique existante lors du régime d‟Alberto Fujimori

n‟a pas été démontée durant le régime d‟Alejandro Toledo, a permis que

certains propriétaires, journalistes et directeurs, négocie illicitement leurs lignes

éditoriales avec le régime d‟Alberto Fujimori ,

« … A partir de 2000, tous les journalistes étant cachés sous leurs lits, ou

recevant de l’argent des mains de Fujimori… commençaient à réfléchir et à se

laver le visage. Durant le régime de Toledo, ils sont devenu l’opposition.

Après avoir étés, durant 10 ans, alliés de la mafia. Je parle des journaux tels

qu’Expreso, une partie importante d’El Comercio, etc… » (Orazio Potestá,

Correo)

Lima, 28 Avril 2005. Disponible sur:

<http://www.caretas.com.pe/Main.asp?T=3082&S=&id=12&idE=617&idSTo=233&idA=14403>

(consulté le 16 de mai de 2009)

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« Il y avait aussi des organisations informelles de journalistes et de lobbistes,

des gens qui travaillaient pour différents organisations, qui agissaient comme

des groupes de soutien, et d’échange d’informations…par exemple, ce fut le

cas de la « Confrérie » (Cofradía), qui possédait de l’influence dans plusieurs

médias à la fois… Dans ce groupe, il y avait beaucoup de gens qui avaient

travaillé dans les journaux proches de Fujimori… et durant le régime de

Toledo possédaient leur bureaux aux relations publiques. Des gens qui

travaillaient comme journalistes, tel que Chacho Hidalgo ou Juan Carlos

Valdivia, mais pour qui le véritable salaire provenait de leur travail comme

conseilleurs d’imag,e et des relations publiques de politiciens. Cela n’avait

jamais été rendu public … Ces gens-là échangeaient des l’information et

parfois déclenchaient des dénonciations… » (Gustavo Gorriti, Idéele)

- de fait certaines de ces dénonciations ont provoqué des crises ministérielles

permanentes et ont été parfois publiées sans la vérification indispensable des

preuves utilisée…. Etc.

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V. Conclusions. Centralité du scandale politique dans le jeu politique

établi durant la période gouvernementale d’Alejandro Toledo.

1. L‟installation d‟un nouvel régime démocratique a changé les règles du jeu

politique pour les différents acteurs politiques en leur poussant à reprendre

leurs positions « originales » (d‟ouvert défense de leurs groupes politiques)

mises à côté durant la campagne électorale de 2002 afin de donner leur soutien

à Alejandro Toledo (comme leader du mouvement contre la ré-réélection

d‟Alberto Fujimori). En effet, cette période-là a signifié le pas d‟un affrontement

« bipolaire » (régime de Fujimori vs. L‟opposition politique) vers un autre plus

démocratique, divers et ouvert. De cette manière, l‟objectif en commun des

différents acteurs politiques durant cette première phase de la démocratisation

était la (ré)construction d‟un espace (pour se forger un rôle actif) dans le nouvel

jeu politique et démocratique.

2. Dans cette nouvelle période, d‟ouverture démocratique post révélation de la

corruption existant durant le régime autoritaire d‟Alberto Fujimori, tant les

médias que les acteurs politiques ont du chercher leur « nouvelle» place dans

l‟espace politique en essayant de marquer une distance non seulement avec le

régime de Fujimori mais surtout avec le régime en vigueur, ceci d‟Alejandro

Toledo.

3. La classe politique et journalistique a été sévèrement frappée parce que,

grâce à la vulgarisation des « vladividéos », il a été possible de voir non

seulement que l‟opposition politique et les médias avaient des relations avec le

chef du Service National d‟Intelligence et conseilleur du Président Fujimori,

Vladimiro Montesinos, mais surtout qu‟ils avaient reçu de l‟argent de manière

illicite de la part du régime.

4. Le propos du régime d‟Alberto Fujimori fut de mettre les médias

(particulièrement la télévision) à leur disposition : il s‟agissait d‟une période

d‟essaie d‟absorption du champ médiatique par le champ politique

gouvernemental. Quand la transition politique commence il est mis en évidence

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l‟utilisation des médias de la part de régime autoritaire de Fujimori, en

provoquant la mise en question de l‟indépendance des médias et, par

conséquent, en mettant en risque leur crédibilité.

5. En face à cette situation, durant la transition politique, les médias essaieront

de récupérer leur image en face de l‟opinion publique en adoptant des positions

dépendant non seulement de la relation établie avec le régime de Fujimori mais

aussi du moment politique (soit la transition politique, soit la première étape de

la démocratisation). De cette manière, durant le gouvernement de transition il a

été possible de distinguer trois types d‟acteurs médiatiques possédant de trois

types d‟agenda journalistique : a. les médias généralement écrites qui ont

maintenu une position « de critique modéré » ou de « dénonciation ouverte et

de confrontation» contre le gouvernement de Fujimori donnaient la priorité aux

actes de corruptions durant cette période au niveau de contenu et de la place

occupé dans l‟agenda quotidienne; b. les médias qui ont maintenu une position

« neutre ou d‟absence de critique » contre ce régime parlaient sur ces actes de

corruption et les enquêtes judiciaires réalisées à ce moment-là mais de manière

bref ou sans avoir une priorité dans l‟agenda ; c. les médias qui ont été

clairement proches du gouvernement de Fujimori et qui ont participé

ouvertement dans la campagne de destruction des opposants de Fujimori

informaient sur « l‟autre côté » des dénonciations en mettant en relief les

raisons des acteurs dénonciations ou en donnant espace à « l‟avis éditorial »

ou « l‟argument de défense » des médias avant de présenter l‟information.

6. En général, chaque média a essayé de marquer une distance avec le

régime de Fujimori, soit en mettant en évidence leur rôle journalistique durant

ce régime ou en dénonçant les actes de corruption de tel régime, soit en

justifiant leur proximité mais non complicité avec ce gouvernement mais en

marquant di stance des actes de corruption. Néanmoins, d‟une manière ou de

l‟autre, tous les médias en général se sont vus affectés par cette proximité avec

le gouvernement de Fujimori .

7. Concernant à l‟influence de ces deux moments politiques (2000 et 2001) sur

les facteurs influençant la centralité du scandale politique dans le jeu politique

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169

lors le régime d‟Alejandro Toledo, on a vu que tant la proximité des médias

dans la corruption existante durant le gouvernement de Fujimori que leur

affaiblissement économique et politique résultant de cette période-là, se sont

constitués comme des aspects centraux ayant déterminé leur rôle informatif et

politique durant le régime d‟Alejandro Toledo, mais aussi leur proximité vers

l‟opposition politique et les dissidents du parti du régime, devenant les

principales sources des dénonciations contre le Président Toledo, le régime,

son parti politique et sa famille.

8. A cause de la révélation de la proximité existant entre plusieurs journalistes

et propriétaires des médias, et le régime de Fujimori, la crédibilité des médias et

des acteurs politiques fut sérieusement affectée.

9. La chute du gouvernement d‟Alberto Fujimori s‟est produite pour le

déclanchement d‟un scandale médiatique révélant le grand système de

corruption existant dans ce régime-là, qui incluait aux propriétaires de médias et

aux journalistes. Une fois la révélation avait été faite, un processus d‟enquêtes

judicaires et morales ont commencé : donc, il s‟est initié une période de

« rendre des comptes » (accountability).

La réaction immédiate des acteurs médiatiques et politiques fut de se

« distancier » de ce système de corruption. Cette situation a fait possible une

coïncidence d‟intérêts entre les opposants du régime et la presse en facilitant la

production des dénonciations, la filtration d‟information et le déclenchement des

scandales politiques médiatiques.

10. Pour les médias et les politiciens, le but était de ne pas répéter ce qui s‟est

passé durant le gouvernement de Fujimori et de mettre en évidence leur

opposition et leur indépendance. De cette manière, les médias trouveront que

durant la période gouvernementale d‟Alejandro Toledo la récupération de leur

crédibilité reposera sur la configuration d‟une position de dénonciation et

d‟opposition au Président Toledo, son régime et son entourage (politique et

personnel), tendance que s‟affirmait aussi sur l‟ambiance politique existant

durant cette première étape de la démocratisation.

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11. Leur propos était de ne pas répéter les « erreurs du passé » (une étape de

révision publique du passé s‟avait installé de manière officielle avec le

commencement des procès judiciaires contre les cas de corruption politique,

des violations contre le Droits de l‟Homme et la création de la Commission de la

Vérité et la Réconciliation – CVR) et d‟avoir une attitude plus vigilante et

attentive du pouvoir gouvernemental. Toute cela en raison des demandes du

« peuple » (soit comme le public consommateur des nouvelles journalistiques,

soit comme l‟électorat qui exige à ses dirigeants d‟accomplir leur promesses

électorales) qui leur mettaient en question après avoir été des témoins du grand

réseau de corruption existant durant le régime d‟Alberto Fujimori –impliquant

plusieurs acteurs politiques et médiatiques autrefois dits « indépendants »- à

travers de la diffusion des « vidéos de la corruption ».

12. Durant la première période gouvernementale démocratique après la chute

de l‟autoritarisme, les acteurs politiques de l‟opposition se sont rendu compte

que le rôle de surveillance permanente de l‟utilisation du pouvoir et de la

dénonciation des actes de corruption commis durant le régime en cours –ce

d‟Alejandro Toledo- se constitueraient comme les moyens principaux pour

récupérer la crédibilité « perdue » ou pour la construire. Le poids de la lutte

sociale et politique lors des élections de 2000 et ceci constitué par l‟ambiance

de critique et dénonciation permanente installée durant la campagne électorale

de 2001, a été déterminant pour l‟installation de cette tendance.

13. On a pu constater que dans une phase post autoritaire où les secrets

impliquant des différents acteurs politiques et médiatiques sont révélés, qui

possède une grande fragilité institutionnelle et qui se caractérise pour affronter

une crise de partis politiques, le scandale politique se constitue pour ces

acteurs comme l‟outil central pour récupérer leur crédibilité (la base du pouvoir

symbolique et politique contemporaine) et exercer un rôle effectif de

« contrepoids » politique.

Durant cette période, les dénonciations journalistiques contre le

gouvernement ont souvent déclenché en scandales politiques en faisant que le

régime recule ou il entreprenne des changements radicaux dans son

administration. Cette capacité, faite possible grâce à divers facteurs qu‟on

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mentionnera dans les paragraphes suivants, a fait que le scandale politique ne

soit pas seulement une arme de la presse pour récupérer leur crédibilité mais

aussi pour faire sentir leur poids au régime.

14. Pour les journalistes interviewés, la façon la plus évidente ou assurée de

récupérer/regagner leur crédibilité s‟effectuait à travers de la dénonciation du

régime, de la supervision/suivi permanente du comportement gouvernemental.

Ils considèrent que l‟exercice du contrepoids s‟effectue à travers de la vigilance

du régime en lui dénonçant de manière régulière.

15. L‟intérêt des médias pour se distancier du comportement des médias durant

le régime d‟Alberto Fujimori, a contribué à que ceux-ci centrent leur attention

sur la vigilance du pouvoir et plus spécifiquement sur les actes de corruption

commis pour le régime en cours. Le propos était de dire que la presse de 2001

(celle qui existait durant le régime d‟Alejandro Toledo) était différente à celle

existant durant les années 90 (durant le gouvernement de Fujimori).

16. D‟ailleurs, les médias journalistiques arrivent à la période post- Fujimori

profondément affaiblies tant au niveau économique qu‟au niveau moral (de

crédibilité) -comme résultat des négociations établies entre ceux-ci et le régime

corrompu et autoritaire d‟Alberto Fujimori-. Cette fragilité a contribué à que la

constitution du champ médiatique passe d‟une dépendance du pouvoir officiel

(gouvernemental) à une dépendance du « contre pouvoir politique » commandé

par les opposants du régime.

On constate une fréquence plus élevée des dénonciations journalistiques

contre le Président et le régime en comparaison aux périodes

gouvernementales antérieures.

17. Durant cette période-là, on a pu observer que les acteurs politiques de

l‟opposition et les membres dissidents du parti politique Perú Posible, se sont

constitués comme les principales sources des dénonciations politiques contre le

régime, en ayant une participation active dans la construction des scandales

politiques médiatiques.

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Les dénonciations journalistiques ne se construisaient pas à partir du

contraste des informations obtenues à partir des différentes sources. Les

contenus des dénonciations sont légers car ils se basent sur une source (ou un

groupe de sources) intéressée(s), en général, étant opposées aux intérêts du

gouvernement.

18. Durant le régime d‟Alejandro Toledo était plus facile de produire des

dénonciations journalistiques : La production de dénonciations contre Toledo

était plus facile, tant parce qu‟il y avait plus de sources intéressées à dénoncer

le gouvernement (le fluxe d‟information était plus élevé que dans les années

antérieures) mais aussi parce que la capacité du gouvernement pour répondre

faux dénonciations était plus faible:

19. D‟ailleurs, le manque de leadership du Président Alejandro Toledo et la

lenteur ou l‟absence de réponses du régime aux dénonciations, ont contribué

largement à faciliter la génération des scandales.

20. Il y avait un public intéressé aux dénonciations, qui était plus attentif aux

actions du gouvernement. Les journaux écrits et télévisuelles se sont rendus

compte que dans la dénonciation fréquente contre Toledo et son entourage

politique et familier ils pouvaient trouver un « avantage » (ou « un plus ») pour

leur permettre d‟augmenter leur audience et la quantité des lecteurs.

En effet, après la diffusion médiatique des « Vladi vidéos » qui mettaient

en évidence le niveau élevé de corruption au sein du régime de Fujimori, la

société péruvienne et la politique en générale sont devenues plus sensibles aux

n‟importe quelle acte de corruption commis au niveau gouvernemental. Cette

sensibilité plus marqué vers la corruption, ainsi que l‟attention permanente de la

société péruvienne aux révélations des actes de corruption au sein du

gouvernement (alimentée pour la diffusion quotidienne des vidéos de la

corruption durant la période de Transition), a permis l‟existence d‟un public pour

ces « dénonciations journalistiques ».

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