Dandy Warhol - Daniel Salvatore Schiffer

7/23/2019 Dandy Warhol - Daniel Salvatore Schiffer

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ormules et maximes lusage des dandys

de Baudelaire Cioran

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DANDYWARHOL

DANIEL SALVATORE SCHIFFER


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CHARLESBAUDELAIRE

(PORTRAIT F. NADAR)


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Illustration couverture : Marc SalvatoreGraphisme : Pascal Linard

Le Thtre-Pome et les Jeunesses Potiques A.S.B.L.Direction: Dolors Oscari30, Rue dcosseB-1060 Bruxelles (Saint-Gilles)Belgique

[email protected]

Tl. : +32-(0)2-538.63.58Fax : +32-(0)2-534.58.58

ormules et maximes

lusage des dandys

de Baudelaire Cioran

DANDYWARHOLDANIEL SALVATORE SCHIFFER

75PETITS CAHIERS VADS

DU POME 2


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Le dandysme est lafrmation de la modernit

absolue de la Beaut.

Oscar Wilde, Quelques maximes pour linstruction

des personnes trop instruites

Qui est dandy ? Brummell, un che-duvre de sobrit

britannique ? Barbey dAurevilly, bard dor vieilli, agent

provocateur du bon got ? Baudelaire, lasctique vtu de

noir portant le deuil de son poque sourante ? Boni de

Castellane, lhte astueux du Palais Rose ? Des Esseintes,

le grand solitaire clotr dans sa thbade ? Le bel Alcibiade

laissant traner dans les rues dAthnes ses robes de pourpre,

mutilant loisir la beaut luxueuse de ses chiens ? Ou encore

David Bowie, le mystrieux rocker la lippe ddaigneuse ?

Impossibles rponses. Les dandys toujours mouvants,

toujours dirents, narguent les acadmies et se drobent

toutes les curiosits. La multiplicit de leurs individualits

ait deux des tres absolument atypiques. Et le masque

du mystre voile le secret de leur nature. Le mot dandy

suppose donc un infni pluriel et une singularit indfnie.

Le mot dandysme, lui, voque une gnralit bien illusoire.

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OSCARWILDE

(PORTRAIT N. SARONY)


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le Dandysme tait surtout lart de la mise, une heureuse

et audacieuse dictature en ait de toilette et dlgance

extrieure. Trs certainement cest cela aussi ; mais cest

bien davantage. Le Dandysme est toute une manire dtre,

et lon nest pas que par le ct matriellement visible. Cest

une manire dtre, entirement compose de nuances

(). Ainsi, une des consquences du Dandysme, un de ses

principaux caractres - () son caractre le plus gnral -

est-il de produire toujours limprvu (). Le Dandysme () se

joue de la rgle et pourtant la respecte encore. Il en soureet sen venge tout en la subissant ; il sen rclame quand il y

chappe ; il la domine et en est domin tour tour : double

et muable caractre ! Pour ce jeu, il aut avoir son service

toutes les souplesses qui ont la grce, comme les nuances

du prisme orment lopale, en se runissant.

Jules Barbey dAurevilly, Du Dandysme et de George Brummell

Ce qui ait le Dandy, cest lindpendance. Autrement, il y

aurait une lgislation du Dandysme, et il ny en a pas. ToutDandy est un oseur, mais un oseur qui a du tact, qui sarrte

temps et qui trouve, entre loriginalit et lexcentricit, le

ameux point dintersection de Pascal. .

Jules Barbey dAurevilly, Du Dandysme et de George Brummell

Jouant sur plusieurs tableaux, il chappe totalement la

tentative dogmatique dune dfnition unique.

Marie-Christine Natta, La Grandeur sans convictions -

Essai sur le dandysme

Comme tant dautres mouvements qui se situent en marge

de la socit pour la dnoncer en mme temps que la aire

rver (), le dandysme intresse donc autant lhistoire que

la littrature. Or cette double relation est lorigine de

lambigut qui caractrise sa dfnition. Do part-on, en

eet, pour comprendre le dandysme ? De lhistoire ou de la

littrature, du document ou du mythe, de lexactitude des

aits ou de la vrit imaginaire ? () Le dandysme na laiss

ni doctrine, ni code, ni manieste, na invent ni cole ni

mouvement, alors quil est inimitable et intransmissible (). Il

ny a pas en ralit un dandysme mais des dandysmes.

Henriette Levillain, avant-propos au

Petit Dictionnaire du dandyde Giuseppe Scarafa

Brummell () ut le Dandysme mme. Ceci est presque

aussi difcile dcrire qu dfnir. Les esprits qui ne voient

les choses que par leur plus petit ct, ont imagin que

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des signes. Il clbre le sublime imperceptible. Il ntend

sa loi terrible qu des agencements secondaires. De son

vtement, il sest ait une meilleure peau, une muraille

opaque do il tire la rgle de son lgance : le dandy shabille

pour devenir invisible. Il choisit de se vtir comme le belluaire

choisit dtre nu - afn de norir aucune prise. Il peut alors

sesquiver derrire son apparence comme un absolu derrire

son incarnation.

Jean-Paul Enthoven, Les Enfants de Saturne

Eternelle supriorit du Dandy.

Quest-ce que le Dandy ?

Charles Baudelaire, Mon Cur mis nu

Le dandysme est une institution vague, aussi bizarre que

le duel ; trs ancienne, puisque Csar, Catilina, Alcibiade

nous en ournissent des types clatants ; trs gnrale,

puisque Chateaubriand la trouve dans les orts et au

bord des lacs du Nouveau-Monde. Le dandysme, qui est

une institution en dehors des lois, a des lois rigoureuses

auxquelles sont strictement soumis tous ses sujets, quelles

que soient dailleurs la ougue et lindpendance de leur

Puis vinrent, par hasard, les vangiles o Baudelaire et

Barbey dAurevilly glorifrent Brummell lgal dun dieu

proane. (). On y voit Brummell, tel quil surgit alors, sombre

adolescent, en provenance de lui-mme et gar dans une

aristocratie qui, bradant ses lignages, semble abdiquer en

aveur dun ange. (). Son allure procde de lesprit plus que

du corps. (). Il ne veut, quant lui, quune lgance sobre et

sans ornement. Il aime le noir, le blanc, le bleu presque noir.

().Cest de ce Brummell, mystique et crbral, capable de

verser dose gale leroi ou la sympathie, que Baudelaire ft

un prtre selon son cur.

Jean-Paul Enthoven, Les Enfants de Saturne

Ce Brummell-l sera toujours indispensable pour qui veut

inscrire sa morale dans un systme dillusions. Lillusion ?Il en ft donc, dessein, la matire mme de son art et

le principe despotique de son gouvernement. Puisque

Brummell sait quil nest rien, il va sengendrer, se dissimuler,

se contraindre ntre quun masque sans visage, quun

hros dpourvu didentit. Cest partir de cet exercice

spirituel - The Making of Me - quil se rduit une pure

maniestation, un inpuisable gisement dartifces. Que

veut-il vraiment ? Jusqu quel point se laisse-t-il abuser

par son sacerdoce rivole ? Brummell se tait. Il rgne sur

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caractre. (). Ces tres nont pas dautre tat que de

cultiver lide du beau dans leur personne, de satisaire

leurs passions, de sentir et de penser.

Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne

Le dandysme nest mme pas, comme beaucoup de

personnes peu rchies paraissent le croire, un got

immodr de la toilette et de llgance matrielle. Ces

choses ne sont pour le parait dandy quun symbole de la

supriorit aristocratique de son esprit. Aussi, ses yeux,

pris avant tout de distinction, la perection de la toilette

consiste-t-elle dans la simplicit absolue, qui est, en eet,

la meilleure manire de se distinguer. Quest-ce donc que

cette passion qui, devenue doctrine, a ait des adeptes

dominateurs, cette institution non crite qui a orm une

caste si hautaine ? Cest avant tout le besoin ardent de se

aire une originalit, contenu dans les limites extrieures

des convenances. Cest une espce de culte de soi-mme

(). Cest le plaisir dtonner et la satisaction orgueilleuse dene jamais tre tonn. Un dandy peut tre un homme blas,

peut-tre un homme sourant ; mais, dans ce dernier cas, il

sourira comme le Lacdmonien sous la morsure du renard.

On voit que, par de certains cts, le dandysme confne au

spiritualisme et au stocisme. (). trange spiritualisme ! (). En

vrit, je navais pas tout ait tort de considrer le dandysme

comme une espce de religion.


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(PORTRAIT J. SCHAFER)

ARTHURSCHOPENHAUER


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Le dandysme apparat surtout aux poques transitoires

o la dmocratie nest pas encore toute puissante, o

laristocratie nest que partiellement chancelante et

avilie. Dans le trouble de ces poques quelques hommes

dclasss, dgots, dsuvrs, mais tous riches de orce

native, peuvent concevoir le projet de onder une espce

nouvelle daristocratie, dautant plus difcile romprequelle sera base sur les acults les plus prcieuses,

les plus indestructibles, et sur les dons clestes que le

travail et largent ne peuvent conrer. Le dandysme est le

dernier clat dhrosme dans les dcadences.


Le Dandy doit aspirer tre sublime sans interruption ;

il doit vivre et dormir devant un miroir.

Charles Baudelaire, Mon cur mis nu

Le mot dandyimplique une quintessence de caractre et une

intelligence subtile de tout le mcanisme moral de ce monde.


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Que ces hommes se assent nommer rafns, incroyables,

beaux, lions ou dandys, tous sont issus dune mme origine, tous

participe du mme caractre dopposition et de rvolte ; tous

sont des reprsentants de ce quil y a de meilleur dans lorgueil

humain, de ce besoin, trop rare chez ceux daujourdhui, de

combattre et de dtruire la trivialit. De l nat, chez les dandys,

cette attitude hautaine de caste provocante, mme dans sa

roideur. (). Le dandysme est un soleil couchant ; comme lastre

qui dcline, il est superbe, sans chaleur et plein de mlancolie.

Charles Baudelaire, Le peintre de la vie moderne

Cest bien l cette lgret dallures, cette certitude

de manires, cette simplicit dans lair de domination,

cette aon de porter un habit et de diriger un cheval, ces

attitudes toujours calmes mais rvlant la orce (...) de cestres privilgis en qui le joli et le redoutable se conondent

si mystrieusement (...). Le caractre de beaut du dandy

consiste surtout dans lair roid, qui vient de linbranlable

rsolution de ne pas tre mu ; on dirait un eu latent qui se

ait deviner, qui pourrait mais qui ne veut pas rayonner.


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qui trouvt dans la spiritualisation des sens son plus haut

accomplissement.

Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray

Dorian Gray estimait que lon navait jamais compris lavraie nature des sens, et quils navaient conserv leur

sauvagerie ou leur animalit que parce que le monde avait

tent de les soumettre par la aim ou de les tuer par la

sourance, au lieu de viser en aire les lments dune

spiritualit nouvelle, qui aurait pour trait dominant un sens

instincti et subtil de la beaut. (). Oui, comme Lord Henry

lavait prophtis, un nouvel hdonisme allait advenir, qui

recrerait la vie et la sauverait (). Il erait certes appel aux

services de lintelligence ; mais il naccepterait jamais nulle

thorie, nul systme impliquant le sacrifce de quelque

orme dexprience passionne que ce t. Son objecti, en

vrit, serait dtre lui-mme exprience, et non pas ruit de

lexprience, que celui-ci t doux ou amer.


Il avait une conscience aigu de la strilit de toute

spculation intellectuelle spare de laction et de

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Oui, llgance est une et indivisible, comme la Trinit,

comme la libert, comme la vertu. De l rsultent les plus

importants de tous nos aphorismes gnraux : le principe

constituti de llgance est lunit.

Honor de Balzac, Trait de la vie lgante

Et il est certain que pour lui la Vie tait le premier et le plus

grand des arts, auxquels tous les autres ne semblaient tre

quune prparation. Bien entendu, la mode, qui conre ce

qui est en ralit une antaisie une valeur provisoirement

universelle, et le dandysme qui, sa aon, tente dafrmer

la modernit absolue de la beaut, le ascinaient. Sa aon

de shabiller et les styles particuliers quil aectait de

temps autre inuaient ortement sur les jeunes lgants

quon voyait aux bals de Mayair ou derrire les croisesdes clubs de Pall Mall ; ils copiaient tout ce quil aisait, et

tentaient de reproduire le charme ortuit de ses gracieuses

coquetteries de toilette, mme si pour lui elles ntaient

qu demi srieuses. (). Il dsirait pourtant, au plus proond

de son cur, tre plus quun simple arbiter elegantiarum

quon consulterait sur la manire de porter un bijou, de

nouer une cravate ou de manier une canne. Il cherchait

inventer un nouveau systme de vie qui repost sur une

philosophie raisonne et des principes bien organiss, et

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lextrieur devenu expressi de lintrieur ; lme devenue

chair ; le corps dou desprit. (...). Car la vie artistique nest

rien dautre que lpanouissement de soi. Lhumilit consiste

pour lartiste ranchement accepter toutes les expriences,

tout comme lAmour nest rien dautre pour lui que le sens

de la Beaut qui rvle au monde son corps et son me.

(). Ce que lartiste recherche en permanence, cest ce mode

dexistence o lme et le corps ont un tout indivisible ; o

lextrieur exprime lintrieur ; o la orme rvle.

Oscar Wilde,De profundis

Cest ce mlange tout baudelairien de contemplation et de

jouissance, ce plaisir spiritualis quil nomme volupt.

Jean-Paul Sartre, Baudelaire

Il y a dans tout homme, toute heure, deux postulations

simultanes, lune vers Dieu, lautre vers Satan. Linvocation

Dieu, ou spiritualit, est un dsir de monter en grade ; celle

de Satan, ou animalit, est une joie de descendre.

Charles Baudelaire, Mon cur mis nu

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lexprience. Il savait que les sens, tout autant que lme,

ont des mystres spirituels rvler. (). Il saperut quil

ny a pas dtat dme qui nait son pendant dans la vie des

sens, et dcida de dcouvrir leurs rapports vritables.

() Gurir lme par les sens, et les sens par lme. Oui,

ctait l le secret.


Ceux qui voient la moindre dirence entre lme et le

corps ne possdent ni lun ni lautre.

Oscar Wilde, Formules et maximes lusage des jeunes gens

Et il me sera loisible depossder la vrit dans

une me et un corps.

Arthur Rimbaud, Une saison en enfer

La vrit en art est lunit dune chose avec elle-mme,

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Et la beaut est une orme de gnie - suprieure en ait au

gnie, car elle ne requiert aucune explication. (). Impossible

de la mettre en doute. Elle est, de droit divin, souveraine. ().

La Beaut est la merveille des merveilles. .


La beaut est une chose terrible et erayante. Terrible

parce que insaisissable et incomprhensible (). La beaut !

Ce sont les rivages de linfni qui se rapprochent et se

conondent, ce sont les contraintes qui sunissent dans la

paix. (). Lme humaine est opprime de vivre parmi tant

dnigmes indchirables. (). Le diable sait ce qui se cache

dans tout cela, aprs tout ! (). Le plus terrible dans la

beaut nest pas dtre erayante, mais dtre mystrieuse.

En elle, Dieu lutte avec le diable, et le champ de bataille setrouve dans le cur de lhomme.

Fiodor Dostoevski, Les Frres Karamazov

le Beau nest rien autre que le commencement du terrible,

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Lme et le corps, le corps et lme - quel mystre en eux !

Il y a de lanimalit dans lme, et le corps a ses moments de

spiritualit. Les sens sont capables de rafner, et lintellect est

capable de dgrader. Qui peut dire o sarrte llan charnel,

o commence llan psychique. (...). Lme est-elle un antme

habitant la demeure du pch ? Ou le corps est-il vraiment

situ lintrieur de lme, comme le pensait Giordano Bruno ?

Mystre que la sparation de lesprit davec la matire, mais

mystre aussi que lunion de lesprit et de la matire.


Il ny a pas une seule dgradation corporelle que je ne doive

essayer de changer en une spiritualisation de lme. (). Car

de mme que le corps absorbe des choses de toute autre

nature, aussi bien des choses ordinaires et malpropres quecelles que le prtre ou la vision a purifes, et les convertit en

agilit ou en orce () ; de la mme aon lme a galement

ses propres onctions nutritives, et peut transormer en

penses pleines de noblesse et en passions de haute valeur

ce qui en soi est bas, cruel et dgradant ; mieux encore : elle

peut y trouver ses moyens de safrmer les plus augustes, et

peut souvent se rvler le plus paraitement au travers de ce

qui tait destin proaner ou dtruire.

Oscar Wilde,De profundis

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les plus levs se mlent des exaltations sensuelles

o lhdonisme a partie lie avec le mysticisme. Avec

lge, Dante Gabriel Rossetti est la proie de hantises

tranges et corrosives. Il peint inlassablement des emmes

somptueuses, des sductrices dune beaut conondante

au regard perdu dans des mditations insondables et

spleentiques (...). Dautres sont dauthentiques desses,

ornes de bijoux prcieux et vtues de robes astueuses,

immanquablement entoures dun luxe excessi et dobjets

extraordinaires. (...). Tous ces modles posent dans latemporalit suspendue et dangereuse de la mlancolie,

dans lambigut dun rotisme sanctif. Cette mlancolie

est limage dune transcendance dchue o lphmre

beaut de ces emmes enchanteresses devient ternelleet,

de ce ait, savre hors de porte, aussi pure et abstraite

que la sphre des philosophes.

Grard-Georges Lemaire, Les Prraphalites (entre lenfer et le ciel)

Mais lorsque Zarathoustra ut seul, ainsi dit son cur :Serait-ce chose possible ? Ce sain vieillard, en sa ort,

encore na pas ou dire que Dieu est mort !.

Friedrich Nietzsche,Ainsi parlait Zarathoustra

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qu peine ce degr nous pouvons supporter encore ; et si

nous ladmirons, et tant, cest quil ddaigne et laisse de nous

anantir. Tout Ange est terrible.

Rainer Maria Rilke, Les lgies de Duino

Partag entre Dieu et le Diable, entre entendre Bach et

regarder les hommes, entre ladoration et limpit (), je ne

saurais me dcider entre les deux seules attitudes qui puisse

sduire lesprit : la rivolit et le renoncement. Pour laquelle

opter alors que toutes les deux sont lgitimes, et quaux

arguments de lune, lautre oppose les siens avec autant

de validit ? (). Je renonce la vie avec ses moyens : cest le

libertinage ; je la uis (), cest lasctisme. Mais si je pratique

les deux voies, tour tour ou simultanment ?

E. M. Cioran, Exercices ngatifs (en marge du Prcis de dcomposition)

Mais cette tension entre le trivial et le divin, entre le

vouloir de lesprit et la rsistance aveugle des orces

matrielles, aboutit un dchirement insoutenable.

Dans un mouvement que nul na le pouvoir de vaincre, les

Prraphalites se dtachent de plus en plus des donnes

concrtes pour senermer dans un univers o les lans

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Il nexiste pas de phnomnes moraux, mais seulement une

interprtation morale des phnomnes.

Friedrich Nietzsche, Par-del bien et mal (Prlude dune philosophie de

lavenir)

Tout art est immoral. (). Lesthtique est suprieure

lthique. Elle appartient une sphre plus spirituelle.

Discerner la beaut dune chose, cest le plus beau sommet

que nous puissions atteindre. Mme le sens de la couleur est

plus important, pour la ormation de lindividu, que celui du

bien et du mal.

Oscar Wilde, Le Critique comme artiste

Il nexiste pas de livre moral ou de livre immoral. ().

Nul artiste na de sympathies thiques. (). Vice et vertu

constituent pour lartiste des instruments de son art.


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BEAUBRUMMELL


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Cest en haussant la hauteur de vertu, pour mon propre

usage, lenvers des vertus communes que jai cru pouvoir

obtenir une solitude morale o je ne serais pas rejoint.

Jean Genet, Pompes funbres.

Le got de la singularit, lattrait de linterdit, concoururent

me livrer au mal. Comme le bien, le mal se gagne peu

peu par une dcouverte gniale qui vous ait glisser

verticalement loin des hommes, mais le plus souvent par un

travail quotidien, minutieux, lent, dcevant.

Jean Genet, Pompes funbres.

Il maintient le Bien pour pouvoir accomplir le Mal et, sil ait

le Mal, cest pour rendre hommage au Bien.


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Je ne peux pas nier quaprs un premier coup dil dans ce

journal, le titre nait t choisi avec beaucoup de got et de

comprhension, tmoignant, sur lui-mme et la situation,

dune vritable supriorit esthtique et objective. Ce titre

est en paraite harmonie avec tout le contenu. Sa vie a t

un essai pour raliser la tche de vivre potiquement. Dou

dune capacit extrmement dveloppe pour dcouvrir ce

qui est intressant dans la vie, il a su le trouver et, layant

trouv, il a toujours su reproduire ce quil a vcu avec une

veine mi-potique. .

Sren Kierkegaard, Le Journal du sducteur

Oh ! ces grecs, ils sy entendaient vivre ! Pour cela, il est

ncessaire de sarrter vaillamment la surace, () dadorer

lapparence, de croire () tout lOlympe de lapparence ! CesGrecs taient superfciels - par proondeur

Friedrich Nietzsche, Nietzsche contre Wagner

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Personne natteint demble la rivolit. Cest un

privilge et un art ; cest la recherche du superfciel

chez ceux qui, stant aviss de limpossibilit de toute

certitude, en ont conu le dgot ; cest la uite loin des

abmes, qui, tant naturellement sans ond, ne peuvent

mener nulle part. Restent cependant les apparences :

pourquoi ne pas les hausser au niveau dun style ? ().

Ainsi la rivolit est lantidote le plus efcace au mal

dtre ce quon est : par elle nous abusons le monde et

dissimulons linconvenance de nos proondeurs. Sans ses

artifces, comment ne pas rougir davoir une me ?

E. M. Cioran, Prcis de dcomposition

Tout esprit proond a besoin dun masque ; je dirais plus :

un masque se orme sans cesse autour de tout espritproond, parce que chacune de ses paroles, chacun de ses

actes, chacune de ses maniestations est continuellement

lobjet dune interprtation ausse, cest--direplate.

Friedrich Nietzsche, Par-del bien et mal

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Le premier devoir dans lexistence,

cest dtre aussi artifciel que possible.


Au reste, lartifce paraissait des Esseintes la marque

distinctive du gnie de lhomme.

Joris-Karl Huysmans, Rebours

Il aut soit tre une uvre dart,

soit porter une uvre dart.


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Je nai mis que mon talent dans mes uvres ;

jai mis tout mon gnie dans ma vie.

Oscar Wilde Paul Verlaine, cit par Andr Gide dans Oscar Wilde

Le but de la vie, cest lpanouissement de soi.

Raliser notre propre nature la perection,

voil notre raison de vivre en ce bas monde.


Ce qui est essentiel dans lart, cest la perfection de ltre,lachvement, lacheminement vers la plnitude ; lart est

essentiellement lafrmation, la bndiction, la divination de

lexistence

Friedrich Nietzsche, La Volont de Puissance

(Essai dune transmutation de toutes les valeurs)

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Que dis ta conscience ?

Tu dois devenir lhomme que tu es.

Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir

Jai parl du dandy. Il ne aut pas le conondre avec ceux

qui dcouvrirent dans son attitude, prise en tant que fn,

une image visible de leur me hautaine et de leur rvolte. Je

comprends que Baudelaire en prouve lattraction. (). Le

dandy est tte roide et main roide. Je conseille aux navires

dviter cet insolent iceberg. Rien ne change sa route. Il

tuerait pour nouer sa cravate. Du reste, son imprialisme est

sans base. Il nest oint que par lui-mme.

Jean Cocteau, La Difcult dtre

Le vrai dandy nest pas tant celui qui cherche tre

admir comme une uvre dart que celui qui cherche se

singulariser, se dmarquer du commun des mortels, de la

oule, du bourgeois. La fgure du dandy relve bien du rgime

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de singularit en mme temps que du surinvestissement

de lesthtique, la dirence avec lartiste ne relevant que

du point dapplication de ce culte de lapparence et de

loriginalit : le sujet crateur, ou lobjet cr. La bizarrerie

devient une qualit, et la dviance un principe, tandis que

lart de plaire, qui caractrise lhonnte homme lge

classique, devient lart de plaire en dplaisant (...). Comme

tout groupe, les dandys se dfnissaient moins par ce qui les

attirait - lesthtique - que par ce quoi ils sopposaient. Et

la oule tait leur premier ennemi, conormment lthiquedu rgime de singularit.

Nathalie Heinich, Llite ar tiste (Excellence et singularit en rgime

dmocratique)

Le dandysme est une orme dgrade de lascse. Le dandy

cre sa propre unit par des moyens esthtiques. Mais cest

une esthtique de la singularit et de la ngation. Vivre et

mourir devant un miroir, telle tait, selon Baudelaire, la

devise du dandy. Elle est cohrente, en eet. Le dandy est par

onction un oppositionnel. Il ne se maintient que dans le df.

La crature, jusque-l, recevait sa cohrence du crateur.

partir du moment o elle consacre sa rupture avec lui, la

voil livre aux instants, aux jours qui passent, la sensibilit

disperse. Il aut donc quelle se reprenne en main. Le dandy

se rassemble, se orge une unit, par la orce mme du reus.

Dissip en tant que personne prive de rgle, il sera cohrent

en tant que personnage. Mais un personnage suppose un

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public ; le dandy ne peut se poser quen sopposant. Il ne

peut sassurer de son existence quen la retrouvant dans

le visage des autres. Les autres sont le miroir. Miroir vite

obscurci, il est vrai, car la capacit dattention de lhomme

est limite. Elle doit tre rveille sans cesse, peronne par

la provocation. Le dandy est donc orc dtonner toujours.

Sa vocation est dans la singularit, son perectionnement

dans la surenchre. Toujours en rupture, en marge, il orce

les autres le crer lui-mme, en niant leurs valeurs. Il joue

sa vie, aute de pouvoir la vivre. Il la joue jusqu la mort, sauaux instants o il est seul et sans miroir. tre seul pour le

dandy revient ntre rien.

Albert Camus, LHomme rvolt

Le romantisme dmontre en eet que la rvolte a partie

lie avec le dandysme ; lune de ses directions est le paratre.

Dans ses ormes conventionnelles, le dandysme avoue la

nostalgie dune morale. Il nest quun honneur dgrad

en point dhonneur. Mais il inaugure en mme temps

une esthtique qui rgne encore sur notre monde, celle

des crateurs solitaires, rivaux obstins dun Dieu quils

condamnent. partir du romantisme, la tche de lartiste

ne sera plus seulement de crer un monde, ni dexalter la

beaut pour elle seule, mais aussi de dfnir une attitude.

Lartiste devient alors modle, il se propose en exemple :

lart est sa morale. Avec lui commence lre des directeurs

de conscience. Quand les dandys ne se tuent pas ou ne

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deviennent pas ous, ils ont carrire et posent pour la

postrit. Mme lorsquils crient, comme Vigny, quils vont se

taire, leur silence est racassant.

Albert Camus, LHomme rvolt

rebours de son sicle, le dandy se livre aux autres. Il se

venge avec une insolence qui brise leurs valeurs et afrme

son irrductible singularit. Sa soumission aux rgles strictes

dun code quil simpose lui-mme et dont les tonalits

changent subtilement avec le sicle est le seul moyen quil

possde pour dtruire le rel et vivre dans lespace de son

mythe. Nouer sa cravate pendant des heures, jusqu ce

point de perection que lui seul peut reconnatre, ressemble

la toilette dun condamn mort et laisse souponner

que derrire le masque se cachent les eets horrifants

dun mal trange. Ce mal, aux allures de tragdie, atteint

les gnrations bouscules par ce terrible branlement de

tout le socle culturel de lOccident : le romantisme. Priv

de Dieu, renvoy une libert absolue, hsitant devant lesincertitudes dune poque en pleine mutation, priv de

gloire par un sicle qui a ait du libralisme une idologie

de largent, lindividu au sang bouillonnant succombe un

mlange dimpatience et de dsenchantement qui le ronge.

Patrick Favardin, Laurent Boexire, Le Dandysme

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(PORTRAIT F. NADAR)

BARBEYDAUREVILLY


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Aux yeux bahis de son entourage soumis, le dandy nat

dune seule option. Il quitte son propre pass solitaire dont

il ne retient rien, comme la che quitte larc aux ormes

de lvres dans un jet dcisi. Tous les porteurs de toge,

tous les visages construits, toutes les valeurs composes

et dendues par des hommes sont pour lui rapps de

mort et dans son arrach iconoclaste, il risque sa ace

darchange dans lhorreur dmoniaque. Aprs la trs intense

sourance du pass-amme purifcateur, il entre dans

une dimension nouvelle o, toujours solitaire, il mne sa

vie dartiste, de pote, dadorateur de beaut roide dans

un engagement total. Il incarne pour son temps la fgure de

proue insensible aux temptes, et trace en un style de vie

servant dexemple, son orgueilleux chemin vers lhorizon de

sa mort, indirent aux dires et aux aires de qui se targue

de le suivre.

Franoise Dolto, Le Dandy, solitaire et singulier

Lessence du dandysme () - celui, concret, de Brummell,

comme ceux, plus intellectuels, de Barbey dAurevilly et de

Baudelaire - procde de cette volont de sinventer ex nihilo

un destin, de sculpter sa propre statue devant lternel :

() raison pour laquelle, comme le montrent les vies de

Brummell et de Wilde, le dandysme a partie lie avec la

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Alors, parois, par dsespoir, comme Eugne Sue, il se

ait homme de luxe comme on devient homme dtat ou

homme de guerre. Mais en sacrifant son uvre sa vie,

la proondeur de son tre un style, le dandy scarte du

romantisme orthodoxe dont il est le compagnon de route

pour une aventure qui na comme perspectives que sa

propre dissolution dans lexil ou la olie.

Patrick Favardin, Laurent Boexire, Le Dandysme

Dandy, sans piti demande, sans piti donne, chevalier

solitaire, moine en dentelles, paillard chipoteur, artiste

difcile, prince du aste, hros aveugle ou voyeur des

ascinations quil suscite et dcourage, ofciant missionn

du culte sans rituel dune beaut quil veut et sait toujours

inaccessible. Flche inexorable au ulgurant trac, tel est le

dandy, fdle son engagement total. Aucune cible terrestre

ne saurait larrter, et les plus captivantes sont pour lui

transparentes. Cest au cur mme de Dieu quil doit

atteindre, che de dsir, cest au cur de Dieu quil doit

fcher son cri.

Franoise Dolto, Le Dandy, solitaire et singulier

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superfciel et le drob, servant de couverture une

activit ou un vide dont les proanes nont pas connatre.

Certes, pour tre de la mme compagnie, Baudelaire sait

que la roideur de Gautier nest quapparente, comme celle

de Delacroix, et leur calme est souvent actice. Mais le

dandy sastreint, sans y russir toujours, la contention et

au repli.

Roger Kemp, Dandies (Baudelaire et Cie)

Ce got de la mort et de la dcadence, par quoi Baudelaire

annonce Barrs, et qui accompagne chez lui le culte de

lindividualit, le pousse reuser ce que Flaubert rclame :

il ne veut pas dune socit qui dure autant que lespce

humaine. Pour quelle ait un cachet de raret et dunicit,

il aut quelle soit, au sein mme de lhumanit, voue la

disparition. () Par-del lartiste, qui cherche encore crer,

il a projet un idal social de strilit absolue o le culte du

moi sidentife la suppression de soi-mme. Cest pourquoi

J. Crpet a pu dire juste titre que le suicide est le suprmesacrement du dandysme. Mieux encore, le dandysme est un

club de suicids et la vie de chacun de ses membres nest

que lexercice dun suicide permanent.


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chute et la mort, au point quon peut soutenir quun dandy

qui fnit bien ne saurait tout ait en tre un.

Patrice Bollon, La Tentation du dandysme

Le dandysme : un monde mtaphorique aux couleurs dusoleil couchant, un exercice impossible. Comment sappeler

Barbey ou Nerval sous le rgne de Monsieur Prudhomme ?

(). Comment garder le secret ou le silence au temps de

lordre public ? Comment vivre sur le mode de ltre, non

du devenir ? Comment rver sous le rgne du progrs ?

Questions terribles et sans rponse, menant parois au

suicide et toujours au rebut et la mort. .

Roger Kemp, Dandies (Baudelaire et Cie)

Le dandy se retranche, ignore lchange, sinon avec

les siens, nore la galerie quun impntrable miroir.

La sociabilit nest plus cet tat o, selon Stendhal, des

trangers se donnaient mutuellement du plaisir. Dans le

monde rarf o voluent Custine et Baudelaire, il ny a

place, dsormais, que pour les mondanits, rcrations

dun sicle laborieux. Le dandy en profte pour paratre

et dcevoir, car sa prsence dnote simultanment le

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Reed incarne la transgression des tabous quil traite dans

ses chansons (). Sa rupture avec le rock classique indique

depuis longtemps une dmarche romantique initiale.

Mais ce romantisme est devenu ultra-romantique : il est

incarn par la vie extrme de Lou Reed, et peru comme

tel. Pote maudit, mal compris, son image romantique

extrme devient symbolique dun nouveau romantisme,

le romantisme noir, celui des annes 70. Un romantisme

desthte o mme la mort peut tre romantique. Cette

attitude dfante redfnit le rock & roll avec une arrogance

absurde, transcendante, comprise comme sublime par une

partie de son public, comme un absolu qui peut tre vcu

avec panache, quitte, au pire - ou au mieux - en crever.

Le dandysme ultime, suicide petit eu, est le triomphe de

lapparence et du moi.

Bruno Blum, Lou Reed- Electric Dandy

Foucault opre un rapprochement inattendu entre Kant et

Baudelaire. De Kant, il retient que la modernit correspond

une manire de penser et dagir, et en particulier, que la

modernit dfnit la libert comme un travail sur soi ().

Prs de quatre-vingts ans aprs Kant, Baudelaire identife la

modernit un rapport quil aut tablir soi-mme. Cest

ce que le vocabulaire de lpoque appelle le dandysme, ce

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Le dandysme, orme moderne du stocisme, est fnalement

une religion dont le seul sacrement est le suicide.

Michel Butor, Histoires extraordinaires - Essai sur un rve de Baudelaire

Lhabit sinterpose entre nous et le nant. Regardez votre

corps dans un miroir : vous comprendrez que vous tes

mortels ; promenez vos doigts sur vos ctes (), et vous

verrez combien vous tes prs du tombeau. Cest parce que

nous sommes vtus que nous nous attons dimmortalit :

comment peut-on mourir quand on porte une cravate ?

Le cadavre qui saccoutre se mconnat, et, imaginant

lternit, sen approprie lillusion. La chair couvre le

squelette, lhabit couvre la chair : subteruges de la nature

et de lhomme. Duperies instinctives et conventionnelles :

un monsieurne saurait tre ptri de boue ni de poussireDignit, honorabilit, dcence, - autant de uites devant

lirrmdiable. Et quand vous vous mettez un chapeau, qui

dirait que vous avez sjourn dans des entrailles ou que les

vers se gorgeront de votre graisse ?.

E. M. Cioran, Prcis de dcomposition

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dsirables et les amants dsesprs, les emmes Damnes

et Satan, les prostitues aux odeurs capiteuses, les vampires

et les squelettes. (). Son art est la distinction : le dandy

est seul de son parti. Suivre et guider lui sont mmement

odieux. Zarathoustra est un des leurs, et Cyrano bien sr.

Car tous pratiquent avec ardeur le culte de soi-mme qui

caractrise les individualits ortes de leurs potentialits,

soucieuses de produire un style l o triomphe, a priori, le

chaos. Rien voir avec les chemises empeses, les cravates

hystriquement noues, les gants aonns par trois artisans,les tissus prcieux et les rafnements de circonstance

qui ont ait la rputation, autive, du dandysme rduit aux

accessoires et lesbroue. Certes, cest aussi cela, mais pas

seulement comme aiment le aire accroire les spcialistes

en dsamorages qui strilisent cette pense en acte.

Michel Onray, Le Dsir dtre un volcan

Lorsque Barbey dAurevilly crit sur Brummell, cest pour

extraire une thorie de ce quaprs Balzac on pourraitappeler la vie lgante. La plus belle russite dun dandy est

lemploi de son temps, et non de son argent. Car il mprise

lor dans lequel croupissent les bourgeois. Son che-duvre

est sa libert, lacquisition de sa libert. (). Cette culture

de soi suppose le dsir de ortifer et de discipliner son

me, la rage dans linstallation distance des parasites et

des nains, la ormulation dun style qui exprime laspiration

des danseurs la lgret, laranchissement lendroit

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que Foucault dcrit comme lasctisme du dandy qui ait

de son corps, de ses comportements, de ses sentiments

et passions, de son existence une uvre dart, et quil

ramasse en une ormule : linvention de soi. En somme, la

modernit prescrit, dans les termes de Foucault encore,

de slaborer soi-mme. Arriv ce point o la pense de

Foucault sarrte par la orce des choses, il est impossible

de ne pas se rappeler quen 1944, Sartre avait lui-mme

interrog le dandysme de Baudelaire. Comme Foucault

allait le aire quarante ans plus tard, Sartre interprtait ledandysme comme une cration de soi. Baudelaire, crivait-

il dj littralement, comprend le dandysme comme un

incessant travail sur soi () Quarante ans avant Foucault,

Sartre rencontrait chez Baudelaire le projet dune thique

de linvention de soi. Il en marquait le lien ncessaire la

mort de Dieu.

Daniel Giovannangeli, Entre Sartre et Foucault : lhomme en question

Le dandy aspire une morale autre, dirente, post-chrtienne pourrait-on dire. Une thique soucieuse

desthtique et non plus de thologie, ni de scientisme

(). Au centre de cette orme nouvelle, lindividu est roi. Le

projet consiste donner au Beau une place architectonique

qui dclasse le Vrai ou le Bien. (). Esthtique et pathtique,

thique et sensualisme, rconciliation avec les sens et

le corps, Baudelaire et le dandy rhabilitent les parums

suaves et capiteux, lme du vin, le haschisch, les passantes

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ranaise est en qute dun corps lui permettant deacer

lcart entre ltre et le paratre. (). Cest pourquoi, entre

1990 et 1993, Orlan se soumet une srie doprations

chirurgicales/perormances connues sous le nom de La r-

incarnation de sainte Orlan dans le but de ramener limage

interne limage externe, dannuler son ancienne apparence

et de permettre ainsi auparatre choisi dmerger et de

simposer lextrieur.

Michela Marzano, Philosophie du corps

Ne croyez pas qutre dandy soit dmod. Cest tout le

contraire ! Lattitude dandy est bel et bien vivante ! (). Le

ringant dandy est un camlon qui change au gr des temps

et des tendances, mais qui nhsite pas imposer sa propre

vision du luxe. Aprs tout, le style est une aaire de conviction

et les dandys vivent leurs rves En dehors de la rivolit et des

redingotes, (), un dandy est davantage quun suiveur de mode

ou quun fnal de dfl ! (). Baudelaire a dit que les dandys

aisaient proession dlgance et que leur seule onctiontait dentretenir en eux-mmes lide de la beaut. Le dandy

se doit dtre sublime en permanence ; il doit vivre et mourir

devant un miroir. Jaime cette ide et je pense que le dandy

et son art de vivre sont indmodables. Le dandy nappartient

pas au pass. La prose de Byron ou de Baudelaire peut tre

aussi signifcative que le albala de Boy George ou de Beau

Brummell et transmettre autant de vibrations aujourdhui.

John Galliano, Le Rve dandy

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de lesprit de lourdeur. Volontarisme, aristocratisme

et esthtisme, autant de vertus inactuelles, au sens

de Nietzsche, car cette poque est tout entire aite

davachissement, duniormit et de laideur.

Michel Onray, Le Dsir dtre un volcan

Cest un thme dj prsent chez Baudelaire ou chez

Kierkegaard quune orme de vie peut elle-mme tre de lart.

Kierkegaard parle ds les annes 1840 du stade esthtique

de lexistence, Baudelaire, lui, parle du dandy. Cette

substitution de la vie lart trouve une premire ralisation

dans le dandysme fn de sicle ().

Yves Michaud, Visualisations - Le corps et les arts visuels,

in Histoire du corps

Prenant ses distances avec la fguration traditionnelle,

un certain art contemporain contribue, par le biais de la

sculpture de soi, la mise en pices du corps. Un cas

emblmatique, dans un tel contexte, est celui dOrlan, pour

qui le corps est non seulement le support de tout procd

artistique, mais aussi un lieu de mutations et daltrit.

(). Le corps devient un ready mademodi (). Lartiste

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la onction avec brio. Or lanalogie nest quasiment jamais

utilise et la comparaison peine nonce. Ladjectidandy,

encore aujourdhui, ne saccommode gure du genre minin.

Et pourquoi ? En quoi y aurait-il une part irrductible du

dandy qui rsisterait aux emmes ?.

Flicienne Marboeu, Ma Dandy

La emme est bien dans son droit, et mme elle accomplit

une espce de devoir en sappliquant paratre magique

et surnaturelle ; il aut quelle tonne, quelle charme ;

idole, elle doit se dorer pour tre adore. Elle doit donc

emprunter tous les arts les moyens de slever au-dessus

de la nature pour mieux subjuguer les curs et rapper

les esprits. Il importe ort peu que la ruse et les artifces

soient connus de tous, si le succs en est certain et leet

toujours irrsistible. Cest dans ces considrations que

lartiste philosophe trouvera acilement la lgitimation de

toutes les pratiques employes dans tous les temps par la

emme pour consolider et diviniser, pour ainsi dire, sa ragilebeaut. Lnumration en serait innombrable ; mais, pour

nous restreindre ce que notre temps appelle vulgairement

maquillage, qui ne voit que lusage de la poudre de riz, si

niaisement anathmatis par les philosophes candides, a

pour but et pour rsultat de aire disparatre du teint toutes

les taches que la nature y a outrageusement semes, et de

crer une unit abstraite dans le grain et la couleur de la

peau, laquelle unit, comme celle produite par le maillot,

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Le dandy ne peut plus possder aujourdhui quun

ensemble de valeurs proondment ngatives : il ne sagit

pas - surtout pas - dapparence, de manires de parler, de

comportements, de traits de caractres, dides, dopinions.

Simplement : une concentration dnergie dsinvolte. La

ngativit du dandy sexerce chaque instant de aon ultra-

positive (ngation de la ngation).

Philippe Sollers, propos recueillis dans Splendeurs et

misres du dandysme

Le dandy semble tre une aaire dhommes. Alors mme

que Barbey considrait ces fgures de natures doubles et

multiples, dun sexe intellectuel indcis, o la grce est

plus la grce encore dans la orce, et o la orce se retrouve

encore dans la grce ; androgynes de lhistoire, le masculinlemporte cependant sur le minin. Lindcision du sexe,

le trouble li au genre, ont toujours basculer du ct du

mle. Le dandy serait-il donc ncessairement un androgyne

masculin ? Voil un ameux paradoxe dandy. Et pas des

moindres. Et, pourtant, les exemples illustres ne manquent

pas : de Gertrude Stein Patti Smith, en passant par Vita

Sackville-West ou Mireille Havet (liste rsolument incomplte

et subjective), nombreuses sont les emmes singulires,

provocantes, gotistes et aristocrates qui pourraient remplir

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Point nest besoin dautre

commentaire ces deux

testaments littraires : cesttout le dandysme, son essence

premire tout autant que son

sens ultime, qui se trouve l, en

cette dimension humaine o

le plan de lesthtique se voit

hiss, via ce dmoniaque attrait

pour le sublime, au niveau de

la mtaphysique, paraitement

synthtis.

rapproche immdiatement ltre humain de la statue, cest-

-dire dun tre divin et suprieur ?.

Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne (loge du maquillage)

Quant au noir artifciel qui cerne lil et au rouge quimarque la partie suprieure de la joue, bien que lusage

en soit tir du mme principe, du besoin de surpasser

la nature, le rsultat est ait pour satisaire un besoin

tout oppos. Le rouge et le noir reprsentent la vie, une

vie surnaturelle et excessive ; ce cadre noir rend le regard

plus proond et plus singulier, donne lil une apparence

plus dcide de entre ouverte sur linfni ; le rouge, qui

enamme la pommette, augmente encore la clart de

la prunelle et ajoute un beau visage minin la passion

mystrieuse de la prtresse.

Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne (loge du maquillage)

Madame, plaignez-moi, ou plutt plaignez-nous (). Cest

par dsespoir de ne pouvoir tre nobles et beaux suivant

les moyens naturels que nous nous sommes si bizarrement

ard le visage.

Charles Baudelaire, La Fanfarlo

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DANIELSALVATORESCHIFFER

(PORTRAIT CHRIS CARDIAC)

En hommage lauteur

Daniel Salvatore Schiffer,

de passage au Pome 2

les 15,22 et 29 avril 2013.

Une initiative du Pome 2

avec le soutien de la Fdration

Wallonie - Bruxelles


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Daniel Salvatore Schier, n en 1957,est agrg de philosophie et titulairedun diplme interuniversitairedtudes approondies en esthtiqueet philosophie de lart . Il a crit unevingtaine douvrages, dont Requiem pour

lEurope (Lge dHomme, 1993), Les Intellosou la Drive dune caste (Lge dHomme,1995), Les Ruines de lIntelligence (Wern,1996, prace de Patrick Besson), Dialoguesdu Sicle (Wern, 1997), Umberto Eco - Lelabyrinthe du monde (Ramsay, 1998),Grandeur et misre des intellectuels - Histoirecritique de lintelligentsia du XXe sicle

(Le Rocher, 1998, avec un entretien delancien dissident et prsident tchqueVaclav Havel), La Philosophie dEmmanuelLevinas - Mtaphysique, esthtique, thique(PUF, 2007, prace de Jacques Taminiaux),Philosophie du dandysme- Une esthtique delme et du corps (PUF, 2008), Oscar Wilde(Gallimard - Folio Biographies, 2009), LeDandysme, dernier clat dhrosme (PUF,

2010), Critique de la draison pure - La failliteintellectuelle des nouveaux philosophes etde leurs pigones (Franois Bourin diteur,2010), Hsiao Chin ou la transcendance dusigne (Acadmie Royale des Beaux-Arts deLige, 2011), Le Dandysme - La cration desoi (Franois Bourin diteur, beau livre ,2011), Du Beau au Sublime dans lArt -

Esquisse dune Mtaesthtique (ditionsLge dHomme et Acadmie Royale des

Beaux-Arts de Lige, 2012), Manifeste dandy(Franois Bourin diteur, 2012).

Ancien proesseur de littraturecontemporaine et de civilisationmoderne , dans le cadre des cours

de lUniversit de Grenoble, au CentreCulturel Franais de Milan (Italie), il estaujourdhui proesseur de philosophiede lart lcole Suprieure delAcadmie Royale des Beaux-Arts de Ligeet proesseur invit au Collge Belgique,sous lgide de lAcadmie Royale desSciences, des Lettres et des Beaux-Artsde Belgique et le parrainage du Collge de

France.

Daniel Salvatore Schier, dontlengagement en aveur des droits delhomme et de la emme est permanentpartout o ils sont nis dans le monde(pour Sakineh Mohammadi-Ashtiani, AsiaBibi, Ioulia Timochenko, Troy Davis, HamzaKashgari, etc.), est aussi le porte-parole,pour les pays rancophones, du ComitInternational contre La Peine de Mort etla Lapidation , One Law For All , dont lesige et Londres.

Il est le dlgu gnral du Prix LittraireParis-Lige rcompensant, chaqueanne, un essai en sciences humaines.

DANDY WARHOL

DANIEL SALVATORE SCHIFFER

75 ormules et maximes lusage des dandys de Baudelaire Cioran

Dandy Warhol - Daniel Salvatore Schiffer

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Transcript of Dandy Warhol - Daniel Salvatore Schiffer