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ANNALES DE LIMNOLOGIE, t. 8, fasc. 1, 1972, p. 49-62 LA LARVE DE MICRASEMA SETIFERUM PICTET (TRICHOPTÈRE BRACHYCENTRIDAE) DESCRIPTION ET DONNÉES ÉCOLOGIQUES par J. VERNEAUX 1 . 1. — INTRODUCTION Dans un récent travail, DÉCAMPS (1970) a proposé une clé de détermination des espèces de Trichoptères Brachycentridae de la faune de France à partir des larves aquatiques à l'exception de Micrasema setiferum PICTET (1834) dont l'auteur n'a relevé qu'une citation dans les Vosges, à Retournemer, d'après un exemplaire femelle (MAC LACHLAN, 1874-1844; BERLAN et MOSELY, 1936). Etant donné que cette espèce, considérée jusqu'à présent comme douteuse pour l'ensemble de la zone 8 Westliches Mittelge- birge ») de la « Limnofauna Europaea » (BOTOSANEANU, 1967) est abondante dans le bassin du Doubs (Massif du Jura), il m'a paru utile de compléter la synthèse de DÉCAMPS par l'étude de cette douzième espèce de la faune de France 2 . Sont effectués dans l'ordre : la description de la larve, l'examen de la position de l'espèce dans la clé proposée pour les espèces du genre Micrasema, la proposition de données sur la répartition et l'écologie de l'espèce ainsi que sur la biocénose dont elle fait partie. 2. DESCRIPTION DE LA LARVE 2.1. Le fourreau larvaire (fig. 1 et 2 ) . De nature minérale il mesure, dans le matériel examiné, au maximum 9,5 mm, la moyenne se situant aux environs de 7,7 mm; il est composé de particules minérales fines réunies par un ciment 1. Laboratoire d'Hydro-écologie, Division Qualité des eaux, Pêche et Pisci- culture, C.E.R.A.F.E.R., Paris et Laboratoire de Zoologie, Faculté des Sciences, Besançon. 2. La comparaison de M. setiferum à M. minimum a été effectuée d'après les échantillons qui m'ont été adressés par H. DÉCAMPS à qui j'adresse mes vifs remerciements. Article available at http://www.limnology-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/limn/1972005

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A N N A L E S D E L I M N O L O G I E , t. 8, fasc. 1, 1972, p . 49-62

L A L A R V E DE MICRASEMA SETIFERUM PICTET

(TRICHOPTÈRE BRACHYCENTRIDAE)

DESCRIPTION ET DONNÉES ÉCOLOGIQUES

par J. VERNEAUX 1 .

1. — I N T R O D U C T I O N

Dans un récent travail, DÉCAMPS ( 1 9 7 0 ) a proposé une clé de détermination des espèces de Trichoptères Brachycentridae de la faune de France à partir des larves aquatiques à l 'exception de Micrasema setiferum PICTET ( 1 8 3 4 ) dont l'auteur n'a relevé qu'une citation dans les Vosges, à Retournemer, d'après un exemplaire femelle (MAC L A C H L A N , 1 8 7 4 - 1 8 4 4 ; BERLAN et MOSELY, 1 9 3 6 ) .

Etant donné que cette espèce, considérée jusqu'à présent comme douteuse pour l'ensemble de la zone 8 ( « Westl iches Mittelge-birge » ) de la « Limnofauna Europaea » (BOTOSANEANU, 1 9 6 7 ) est abondante dans le bassin du Doubs (Massif du Jura) , il m'a paru utile de compléter la synthèse de DÉCAMPS par l'étude de cette douzième espèce de la faune de France 2 .

Sont effectués dans l 'ordre : la description de la larve, l 'examen de la position de l'espèce dans la clé proposée pour les espèces du genre Micrasema, la proposition de données sur la répartition et l 'écologie de l'espèce ainsi que sur la biocénose dont elle fait partie.

2 . — D E S C R I P T I O N D E L A L A R V E

2 . 1 . Le fourreau larvaire (fig. 1 et 2 ) .

De nature minérale il mesure, dans le matériel examiné, au maximum 9,5 mm, la moyenne se situant aux environs de 7,7 m m ; il est composé de particules minérales fines réunies par un ciment

1. Laboratoire d'Hydro-écologie, Division Qualité des eaux, Pêche et Pisci­culture, C.E.R.A.F.E.R., Paris et Laboratoire de Zoologie, Faculté des Sciences, Besançon.

2. La comparaison de M. setiferum à M. minimum a été effectuée d'après les échantillons qui m'ont été adressés par H. DÉCAMPS à qui j'adresse mes vifs remerciements.

Article available at http://www.limnology-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/limn/1972005

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sécrété, parsemé d'éléments polygonaux de taille supérieure. D'une manière générale, l'étui présente une différenciation longitudinale de la dimension des particules, les éléments les plus gros étant disposés vers l 'ouverture antérieure. L'étui larvaire conique est arqué dans sa partie distale et présente en vue latérale un rétré­cissement comparable à celui observé chez Micrasema minimum

M A C L A C H L A N ; toutefois, l'angle de courbure est moins accentué que chez cette espèce. Comme chez M. minimum, la membrane de fermeture postérieure de l'étui présente une ouverture circulaire. Compte tenu de la variabilité des dimensions, la confusion est possible entre les deux espèces à partir de l'examen des étuis lar­vaires.

2 . 2 . Corps de la larve.

Une description sommaire de la larve effectuée par ULMER ( 1 9 0 3 -1 9 0 9 ) et SILFVENIUS ( 1 9 0 5 ) a été reprise par ROUSSEAU ( 1 9 2 1 ) qui

l'a complétée par quelques observations portant sur les plaques mésothoraciques. Le matériel étudié provient de stations réparties sur le Doubs et ses affluents, la détermination de l'espèce ayant été effectuée d'après les imagos S obtenus par élevage.

— La longueur de la larve âgée varie de 6 à 7 mm, la moyenne se situant aux environs de 6,3 mm, tête comprise.

— L e corps est d'un beau vert teinté d'émeraude sur le vivant ; les plaques thoraciques et les pygopodes sont brunâtres.

— La tête subcirculaire ( L = 8 0 0 - 9 0 0 p, 1 = 7 0 0 - 8 0 0 p) de teinte

générale brun foncé est caractérisée dès les premiers stades par la présence d'un dessin foncé en forme de massue se détachant au centre d'un secteur cordiforme de teinte claire {fig. 3 ) ; cette par­ticularité de la coloration peut être considérée comme un caractère spécifique permettant d'identifier rapidement l'espèce à un faible grossissement ou même à l'œil nu.

Comme chez d'autres espèces du genre, les yeux sont situés sur des protubérances, et la disposition des longues soies céphaliques ne présente pas de particularité; les taches oculaires foncées sont généralement soulignées par une couronne claire.

De profil, la capsule céphalique aplatie dorsalement est pourvue d'apophyses buccales très accentuées (fig. 4 ) .

— Les segments thoraciques (fig. 5 ) :

a) Le pronotum (th. 1 ) entièrement chitinisé est très envelop­pant et, sur le vivant, masque une grande partie de la capsule céphalique en vue dorsale; ce recouvrement est toutefois moins

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accentué que chez Micrasema difficile MOSELY. Les bords antéro-latéraux sont pourvus de longues et fortes soies recourbées.

b) Le mésonotum (th. 2 ) est composé comme chez M. minimum

et M. moestum de quatre plaques chitineuscs; toutefois, les plaques de forme subrectangulaire chez les espèces précédentes sont rétré-cies distalement chez M. setiferum et paraissent, comme l'a signalé ROUSSEAU ( 1 9 2 1 ) , subtriangulaires sur le vivant. La disposition des

soies mésothoraciques est très voisine de celle observée chez M. minimum.

c) L e métanotum (th. 3) membraneux est pourvu de trois paires

de plaques; les plaques médianes sont faiblement chitinisées, alors

que les plaques latérales réniformes sont généralement plus forte­

ment chitinisées et pourvues de soies plus nombreuses.

— Les pattes (fig. 6, 7,: 8)

L e fémur des pattes antérieures porte ventralement une rangée de dix à douze épines; toutefois, je n'ai pu examiner ce caractère chez toutes les espèces du genre. Comme chez toutes les espèces du genre Micrasema, les fémurs et les tibias des pattes moyennes et postérieures sont sensiblement de même longueur, et les tibias sont dépourvus de processus ventral distal.

Les tarses médians et postérieurs sont pourvus de tubercules distaux comme chez M. cinereum MOSELY et chaque griffe tarsale est munie d'une longue épine interne.

— Les griffes anales (fig. 9 et 1 0 ) :

Mes observations confirment l 'indication de SILFVENIUS ( 1 9 0 5 )

qui mentionne la présence de trois crochets dorsaux sur les griffes anales de M. setiferum au lieu de deux chez M. minimum; tou­tefois, la troisième griffe, de position médio-dorsale, est parfois réduite et d'observation difficile en l'absence d'un montage conve­nablement orienté.

3. _ P O S I T I O N DE L A L A R V E DE M. SETIFERUM

D A N S L A C L É DE D É T E R M I N A T I O N

P R O P O S É E P A R D É C A M P S

En suivant le plan de cette clé, les caractères morphologiques de l'espèce se distribuent comme suit :

1. Les fémurs et les tibias des pattes moyennes et postérieures sont sensiblement de même longueur et les tibias moyens et postérieurs sont dépourvus de processus distal ventral 4

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4. — R É P A R T I T I O N DES D O N N É E S ÉCOLOGIQUES

4.1. Répartition.

Micrasema setiferum a été récoltée dans le bassin du Doubs

sur les dix-sept stations suivantes réparties sur environ 170 km

de cours d'eau :

— rivière Doubs : 6 stations entre la retenue du Refrain et la retenue de Dampjoux

[— Goumois ; altitude : 482,9 m, distance aux sources : 123,4 km, surface du bassin-versants : 1 060 Ikm2 — Clairbief (frontière franco-suisse) : 476,5 m, 132,4 km, 1 070 km 2 — « Les Rosées » (Suisse, « Clos du Doubs») : 450,0 m; 143,6 km, 1 077 km 2 — Saint-Ursanne (Suisse, « Clos du Doubs») : 434,0 m, 152,2 km, 1100 km* — Brémoncourt : 415,0 m, 164,5 km; 1 239 km 2 — Saint-Hippolyte : 375,0 m, 185,9 km, 1 994 km*].

— rivière Loue : 10 stations entre Scey-en-Varay et la confluence avec le Doubs

[Scey-en-Varay : 311,8 m, 28,8 km, 580 km 2 — confluence Loue-Lison : 291,6 m, 41,6 km, 800 km 2 — Chenecey-Buillon : 274,5 m, 54,4 km, 1 160 km 2 — amont de Quingey (Bellerive) : 258,3 m, 69,0 km, 1 250 km 2 —• Granges de Vaivres (confluence Furieuse) : 247,2 m, 78,3 km, 1 350 km 2 — Port-Lesney : 242,8 m, 82,2 km, 1 370 km 2 — Moulin Neuf (aval de Champagne) : 230,8 m, 91,2 km, 1 380 km 2 — Pont de Chissey (150 m en aval) : 223,6 m, 97,9 km, 1 400 km 2 -

4. Le mésonotum est composé de 4 plaques chitineuses 5

5. L'étui minéral présente une ouverture circulaire et la capsule céphalique est aplatie dorsalement M. minimum

M. setiferum

a) la capsule céphalique est de teinte uniforme brun foncé, les plaques mésothoraciques latérales sont quadrangulaires, les griffes anales portent 2 crochets dorsaux

Micrasema minimum

b) la capsule céphalique présente un dessin foncé en forme de massue au centre d'une zone cordiforme claire, les plaques mésothoraciques latérales sont sub-triangulaires, les griffes anales portent 3 crochets dorsaux

Micrasema setiferum

Micrasema setiferum P ICT. s'intègre donc parfaitement dans cette

clé de détermination au côté de Micrasema minimum Me. Lach.

et la séparation de ces deux espèces à partir des larves aquatiques

ne présente pas de difficulté.

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Montbarrey : 213,0 m, 107,0 km, 1 500 km 2 — Parcey : 196,6 m, 121,5 km, 1 760 k m 2 ] .

— rivière Lison : 1 station [— au niveau de la confluence avec la Loue (remontée de l'espèce

sur 1,5 km) : 293,0 m, 25,0 km, 340 k m 2 ] .

Jusqu'à présent, Micrasema setiferum n'a été répertoriée en Europe, depuis la mention de MAC LACHLAN ( 1 8 8 4 ) , que sur les

stations précédemment énumérées; l'espèce n'a pas été récoltée sur les cent six autres stations qui jalonnent le réseau hydrogra­phique du Doubs, bien que des prospections systématiques soient effectuées mensuellement depuis 1 9 6 6 .

Remarque. — M. setiferum récoltée en abondance sur les sta­tions mentionnées est cependant devenue rare sur les deux avant-dernières stations de la Loue, par suite de la destruction des supports consécutive à des travaux de redressement entre le pont de Chamblay et Parcey.

4 . 2 . Périodes de vol.

Les imagos capturés au cours de chasses ou dans des pièges flottants disposés « in situ » ont été recueillis entre le 5 avril et le 2 8 juin, la période optimale de vol se situant du 1 5 au 3 0 mai ( 2 4 0 9, 1 9 2 $ ) .

4 . 3 . Données biocénotiques et écologiques.

Les mesures et analyses physico-chimiques et biologiques effec­tuées sur les stations où l'espèce a été récoltée permettent de proposer l ' image suivante de l 'environnement aquatique de la larve :

— VÉGÉTATION AQUATIQUE 1. — Elle est caractérisée par le groupe­ment suivant :

— Cinclidotus fontinaloïdes Pal . de Beauv., 1 8 0 5 + Cinclidotus aquaticus Br. Eur., 1 8 4 2 , dans les secteurs ombragés,

— Fontinalis antipyretica L., 1 7 5 3

— Platyhypnidium rusciforme (Nedk.) Fleish., = Eurhynchium rusciforme (Neck . ) Milde, 1 8 6 9

— Leptodictyum riparium (Hediw.) Warns t . = Amblystegium riparium ( L . ) Br. Eur., 1 9 5 3

1. Les végétaux aquatiques ont été déterminés par J . -C. BERGET, botaniste au Laboratoire d'Hydroécologie du C.E.R.A.F.E.R. .

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+ Cratoneuron commutatum (Hedw. ) Roth. ex pte. Moenkem., 1 9 2 7

+ Cratoneuron filicinuin ( L . ) Roth ex pte. Moenkem.,

1 9 2 7 .

Les espèces ont été répertoriées dans l'ordre des abondances rela­

tives.

— HABITAT. — Les larves de M. setiferum colonisent les mousses recouvrant les blocs et les pierres dans des vitesses d'écoulement variant entre 2 0 et 70 cm/s sous des hauteurs d'eau de 2 5 à 6 0 cm; pour les faibles valeurs de la vitesse les larves gagnent l'ensemble de la formation végétale et pour les vitesses plus élevées elles se rassemblent à la base des tiges au contact du support ou dans l'épaisseur de la mousse.

Le nombre d'individus est généralement très important ( 2 5 0 à 1 5 0 0 individus par m 2 ) ; plus de 5 0 0 larves et adultes figurent dans ma collection au laboratoire de Zoologie .

— BIOCÉNOSE CARACTÉRISTIQUE. — Parmi les 5 8 espèces de Plé-coptères, Trichoptères et Ephéméroptères récoltées en compagnie de M. setiferum, 4 0 sont communes aux 1 7 stations mentionnées; toutefois la majorité de ces espèces est présente, avec des coeffi­cients d'abondance élevés, sur d'autres stations d'où M. setiferum

est absente et dont les coefficients d'affinités biotiques et abiotiques sont éloignés.

Je propose de retenir le groupement caractéristique défini à partir des espèces communes aux stations à M. setiferum pour lesquelles les valeurs des saturations factorielles sont voisines au cours d'une analyse factorielle des correspondances (BENZECRI, 1 9 6 4 et CORDIER, 1 9 6 5 ) . Les matrices de corrélations sont établies à l'aide d'un test tenant compte des abondances relatives des espèces sur les stations; les biocénoses proposées ici pour les Insectes et les Poissons sont extraites des groupements qui occupent la même position dans un graphique à 3 dimensions dont les axes sont les premiers facteurs de l'analyse et représentent 67 à 7 8 % de l'inertie totale. La composition du groupement d'espèces affines caractéristique des stations à M. setiferum dans la structure entomologique et ichtyo-logique du réseau hydrographique du Doubs est la suivante, du centre à la périphérie du noyau 1 :

Micrasema setiferum Pict., Besdolus imhoffi Pict., Leuctra fusca

L., Brachycentras subnubilus Curt., Chloroperla tripunctata Scop.,

1. Des publications en cours rendent compte de ces travaux d'analyse exposés, pour la rivière Loue, lors du Congrès National des Sociétés Savantes le 17 avril 1971 à Toulouse.

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Agapetus delicatulus Me. L., Potamophylax latipennis Curt., Ecdyo-

nurus pazsiczkyi Pong., Thorleya belgica Lest., Leuctra geniculata

Seph., Habrophlebia lauta Etn., Cheumatopsyche lepida Pict., Goera

pilosa Fbr., Leuctra major Brinck, Hydropsyche pellucidula Curt.,

Rhithrogena diaphana Navas, Agapetus ochripes Curt., Notidobia

ciliaris L. , Ephemerella ignita Poda, Rhyacophila dorsalis Crut.,

Baetis rhodani Pict., Perla marginata Panz, Dinocras megacephala

Klap.

Sur ces 21 espèces cocénotiques seules les 8 premières, d'après

leur degré de sténotopie peuvent être retenues comme caractéristi­

ques de « zone » ; ceci est mis en évidence par l 'examen des coeffi­

cients d'affinités.

Remarque : des espèces comme P. latipennis ou L. fusca sont

présentes beaucoup plus en amont dans le réseau étudié, mais leur

abondance est maximale dans le noyau de stations mentionné.

— CORRESPONDANCE AVEC LA STRUCTURE ICHTYOLOGIQUE DU RÉSEAU.

A la suite d'une « analyse factorielle des correspondances » effec­

tuée sur l 'ensemble du réseau hydrographique du Doubs à partir

de la distribution quantitative de 36 espèces de Poissons sur

123 stations, il a été possible de définir le type ichtyologique auquel

se rapportent les stations à M. setiferum. Le « biocénotype » ichtyo­

logique, dans la mesure où une confrontation avec les paramètres

abiotiques montre que cette biocénose correspond à un « écotype » ,

des stations à M. setiferum, est le suivant, du centre à la périphé­

rie : Nemacheilus barbatulus L . (Loche franche) , Telestes soufia

agassizi Cuv. (Blageon) , Phoxinus phoxinus L. ( V a i r o n ) , Thymallus

thymallus L. (Ombre commun) , Barbus barbus L. (Barbeau fluvia-

t i l e ) , Cottus gobio L . (Chabot) , Leuciscus leuciscus L. (Vandoise ) ,

Salmo trutta fario L . (Truite commune) , Leuciscus cephalus cepha-

lus L . (Chevesne) .

Remarque. — A ces espèces, nous pourrions ajouter l'association

Chondrostoma nasus L. (Hotu) - Chondrostoma toxostoma Vallot

(Toxos tome) abondante sur les stations de la Loue mais absente

du Doubs helvétique par suite de la présence d'obstacles à la circu­

lation de ces espèces (retenues et barrages de Dampjoux et Vau-

f r e y ) .

— COMPOSANTES PHYSICO-CHIMIQUES. — Dans le tableau ci-après figurent les valeurs extrêmes relevées à l'étiage sur les stations à M. setiferum.

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e °c A therm. °C C. électr.

/x mhos/cm/cm 2

M. S. étiage mg/1 pH

1,4-21,6 20,2 290-360 15-45 7,2 - 8,3

Ca-Mg mg/1

Alcalinité mg/1 HCO-3

Chlorures mg/1 Cl-

Phosphates mg/1 PO- 4

Nitrates mg/1 NO-,

82 -130 230 - 295 4 -18 0,01 - 0,80 0,3 - 4,5

Nitrites mg/1 NO-,

0 2 dissous mg/1 % sat.

Oxydabilité MN0 4 K mg/1

D.B.0 5, 20°C mg/1

0-0,2 9,3 -13,5 90-140 1 - 4 1-5

5. — DISCUSSION E T CONCLUSIONS

Dans le bassin du Doubs Micrasema setiferum apparaît comme une espèce de prémontagne (contreforts des Monts du Jura) , essen­tiellement muscicole, printanière à moyenne et basse altitude ( 5 0 0 -2 0 0 m ) .

Les cours d'eau dans lesquels l'espèce prolifère sont de dimen­sions relativement importantes (débit d'étiage : de 8,5 à 1 1 mft/s, largeur : de 3 0 à 70 m ) , ils présentent une amplitude thermique annuelle assez forte ( A therm. : 2 0 °C) les valeurs maximales se situant aux alentours de 2 1 °C; toutefois la valeur estivale modale oscille autour de 1 8 "C. Les eaux de la Loue moyenne et inférieure, comme celles du secteur helvétique du Doubs, sont riches en oxy­gène dissous et en sels minéraux (eaux productives ou dures) ; elles sont souvent « enrichies » par des nitrates et des phosphates et présentent parfois des valeurs assez élevées de l 'oxydabilité et de la D . B . 0 5 (NISBET et VERNEAUX, 1 9 7 0 ) .

La biocénose à M. setiferum est caractérisée par la présence d'es­pèces mentionnées le plus souvent du « rhithron » et du « pota-mon » (selon ILLIES et BOTOSANEANU, 1 9 6 3 - 1 9 6 7 ) ; l 'examen du type

ichtyologique confirme la situation intermédiaire du secteur à M. setiferum dans la typologie du réseau hydrographique du Doubs. Ce secteur défini par le groupement à Loche — Blageon corres­pondrait dans les « zonations » proposées par HUET ( 1 9 4 9 ) et ILLIES

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- BOTOSANEANU ( 1 9 6 3 ) soit à une zone supérieure à Barbeau soit davantage à une zone inférieure à Ombre; cependant ni l 'Ombre, présent dans des classes d'abondance élevées en certains « faciès » jalonnant tout le cours de la Loue, ni le Barbeau, présent de Gou-mois (amont du secteur helvétique du Doubs) jusqu'à la Saône ne peuvent être considérés comme caractéristiques de « zones » dans le bassin étudié par suite de leur trop grande eurytopie.

Les interventions de l 'Homme ne sont sans doute pas étrangères à ce phénomène également observé pour la Trui te ; l 'examen des espèces comme le Chabot, la Loche, le Vairon, le Goujon ou l 'Ablette, abondantes et peu manipulées est beaucoup plus significatif.

Par suite de la présence majoritaire sur les stations considérées, d'espèces faisant partie des biocénoses situées plus en amont le long du réseau et disparaissant en aval, je propose de considérer l'association à Micrasema setiferum - Besdolus imhoffi - Leuctra fusca, Brachycentrus subnubilus, Chloroperla tripunctata, Agapetus delicatulus, Potamophylax latipennis, Ecdyonurus pazsiczkyi, comme représentative d'un secteur inférieur du « rhithron » , le « potamon » ne commençant qu'après le remplacement statistique de ce groupement (ce qui n ' implique pas la disparition de toutes les espèces). Ces observations ne correspondent guère aux indications typologiques mentionnées jusqu'à présent pour M. setiferum et Brachycentrus subnubilus qui, dans le bassin étudié, sont des espèces cocénotiques; en revanche elles semblent confirmer cette hypothèse déjà exprimée par ailleurs (VERNEAUX, 1 9 7 0 ) que, par suite du nombre limité des études effectuées en Europe sur de grands cours d'eau à Salmonidés, le « potamon » se trouve, dans les systèmes actuels, déplacé vers l 'amont d'une structure typo­logique qui reste à définir. Il s'ensuit qu'un certain nombre d'es­pèces d'Invertébrés comme Brachycentrus subnubilus, Leuctra fusca ou Besdolus imhoffi ont été qualifiées de « potamobiontes » ou de « caractéristiques du potamon » du simple fait qu'elles y ont été récoltées.

Dans le réseau étudié Micrasema setiferum présente un intérêt certain au point de. vue typologique car, relativement eurytherme mais non eurytope, elle constitue, avec les espèces cocénotiques une association qui précède des groupements d'où les Brachycentridac ont disparu en même temps que s'effectue un remplacement du groupement ichtyologique.

(Manuscrit achevé le 2 mai 1971.)

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4 0 0 (K.

FIG. 1 à 3. — Larve de Micrasema setiferum. 1 : étui larvaire vu de profil. 2 : ouverture postérieure de l'étui vue de face. 3 : capsule céphalique, face supérieure.

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F I G . 4 et 5. — Larve de Micrasema setiferum. 4 : capsule céphalique vue de profil. 5 : plaques thoraciques (th, 1 : pronotum; th. 2 : mesonotum; th. 3 : metanotum),

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F I G . 6 à 10. — Larve de Micrasema setiferum. 6 : patte médiane. 7 : patte antérieure. 8 : patte postérieure. 9 : griffe anale, profil et vue de face. 10. griffe anale, profil et vue de face.

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RÉSUMÉ

C o m m e suite à une récente rév is ion des larves des Brachycent r idae

( T r i c h o p t è r e ) de la faune de France effectuée par H . DÉCAMPS ( 1 9 7 0 ) ,

l 'auteur décr i t la larve aquatique de Micrasema setiferum P ic t . consi­

dérée jusqu'à présent c o m m e douteuse pour l 'ensemble des « Wes t l i ches

Mit te lgebi rge » ( in « Limnofauna E u r o p e a » ) . I l donne ensuite la répar­

tit ion de l 'espèce dans le réseau hydrograph ique du Doubs (Massif du

Jura) , définit le b io tope ainsi que la biocénose représentat ive des

stations à M. seti'erum et propose des éléments écologiques relatifs à

la typo log ie des eaux courantes.

THE LARVA OF MICRASEMA SETIFERUM PICT.

(TRICHOPTERA, BRACHYCENTRIDAE) :

SYSTEMATICAL AND ECOLOGICAL INVESTIGATIONS

After a récent revis ion of the french Brachycent r idae larvae ( T r i -choptera) by H . DÉCAMPS ( 1 9 7 0 ) , the author describes the aquatic larva of Micrasema setiferum P ic t , w h i c h was cons idered until n o w as un-certain in the « Wes t l i ches Mit te lgebi rge » (in Limnofauna Europaea ) .

H e g ives the distr ibution of this species in the Doubs Sys tem (Jura mounta ins) , and deflnes the habitat and the caracterist ic communi ty of the M. setiferum stations; finally he points out ecological éléments w h i c h are related to running wate r t ypo logy .

DIE LARVE VON MICRASEMA SETIFERUM PICT.

(TRICHOPTERA, BRACHYCENTRIDAE, KOCHERFLIEGEN) :

SYSTEMATISCHE UND ÔKOLOGISCHE UNTERSUCHUNGEN.

In Ergânzung zur Rev i s ion der franzôsischen Brachycen t r iden-Larven (Tr ichopte ra , Kocher f l i egen) durch DÉCAMPS (1970) beschreibt der Ve r -fasser die L a r v e von Micrasema setiferum P ic t . Das Vor 'kommen dieser A r t w a r bisher fur das « Wes t l i che Mit te lgebi rge » (Limnofauna Euro­paea) nicht mit Sicherhei t nachgewiescn w o r d e n .

Der Autor beschreibt ihre Verbre i tung im Gebiet des Doubs-Beckens (Jura) , ihr Habitat sowie charakterist ische Biozônose der Stationen an denen sic vorikommt. Auf ie rdem w e r d e n grundsàtzl iche Ausfuhrungen zur ôkologischen T y p i s i e r u n g der F l ieBgewâsser gemacht .

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